Catena Aurea 4333

v. 33

4333 Mt 13,33

S. Chrys. (hom. 47). C'est pour établir la même vérité que Notre-Seigneur propose la parabole du levain: «Il leur dit encore cette autre parabole: Le royaume des cieux est semblable au levain», etc., c'est-à-dire: de même que le levain change et modifie une grande quantité de farine, en lui communiquant sa saveur; ainsi vous changerez le monde entier. Et remarquez ici la sagesse du Sauveur; il emprunte ses comparaisons à des faits naturels et il montre ainsi que de même qu'il est impossible que ces faits ne se produisent pas suivant leur nature, ainsi en est-il du royaume des cieux. Or, il ne dit pas simplement: Le levain qu'elle place, mais «qu'elle cache, qu'elle mêle», paroles dont voici le sens: C'est ainsi que vous-mêmes vous triompherez de vos persécuteurs après vous être mêlés et confondus avec eux. Car de même que le levain, bien qu'il soit comme perdu dans la masse, n'est point détruit, mais communique insensiblement sa force à toute la pâte, ainsi en sera-t-il de votre prédication. Ne craignez donc pas les persécutions que je vous ai prédites, car elles ne serviront qu'à vous rendre plus éclatants et à vous faire triompher de tous vos ennemis. Notre-Seigneur prend ici les trois mesures de farine pour une grande quantité, et il donne au nombre trois la signification d'un nombre considérable et indéterminé. - S. Jér. La mesure dont il est ici question est une mesure en usage dans la Palestine et qui représente un boisseau et demi. - S. Aug. (Quest. évang., 1, 12). Ou bien le levain c'est la charité, parce qu'elle excite et qu'elle échauffe: la femme représente la sagesse. Ces trois mesures de farine sont ces trois choses qui se trouvent dans l'homme et qui sont exprimées par ces paroles: «De tout votre coeur, de toute votre âme et de tout votre esprit» (Mt 22). Ou bien elles représentent les trois récoltes qui donnent: l'une cent, l'autre soixante et l'autre trente; ou bien les trois espèces d'hommes dont il est parlé dans Ezéchiel: Noé, Daniel et Job (Ez 14,14-16).

Rab. Il dit: «Jusqu'à ce que toute la pâte soit levée», parce que la charité cachée dans notre âme doit s'y développer jusqu'à ce qu'elle ait communiqué sa perfection à l'âme tout entière, ce qui se commence dans cette vie et s'achève dans l'autre. - S. Jér. Ou bien encore cette femme qui prend du levain et le met dans trois mesures de farine, c'est la prédication des Apôtres, ou l'Église formée de différentes nations. Elle prend le levain, c'est-à-dire l'intelligence des Écritures, et elle le cache dans trois mesures de farine: l'esprit, l'âme et le corps, afin de les ramener à l'unité, et qu'il n'y ait entre eux aucun désaccord. Ou bien encore, nous lisons dans Platon qu'il y a trois parties dans l'âme: la partie raisonnable, la partie irascible et la partie concupiscible; si donc nous avons reçu le levain évangélique des saintes Écritures, nous devons posséder la prudence dans la partie raisonnable, la haine contre le mal dans la partie irascible, le désir des vertus dans la partie concupiscible, et tout cela doit être le fruit de la doctrine évangélique que notre mère la sainte Église nous a communiquée. Je crois devoir rapporter également l'interprétation de quelques auteurs, d'après laquelle cette femme est aussi l'Église, qui a mêlé la foi à trois mesures de farine, c'est-à-dire à la croyance dans le Père, dans le Fils et dans le Saint-Esprit, et lorsque ce précieux levain de la foi a fait fermenter toute la masse, elle nous conduit à la connaissance non pas de trois Dieux, mais d'un seul et même Dieu. C'est une pieuse interprétation; mais ni les paraboles, ni l'explication douteuse d'un discours énigmatique ne peuvent servir d'appui et de preuve aux dogmes de la foi.

S. Hil. (can. 13). Ou bien encore le Seigneur se compare lui-même au levain; le levain est fait avec de la farine et il rend à la masse d'où il est sorti la vertu qu'il en a reçue. Or, c'est ce le vain qu'une femme, la synagogue, a pris et a caché par la condamnation à mort qu'elle a prononcée contre le Seigneur. Ce levain, mélangé avec trois mesures de farine, c'est-à-dire mêlé dans des proportions égales à la loi, aux prophètes, à l'Évangile, ne fait qu'une seule chose de ces trois éléments, parce que la propagation de l'Évangile vient accomplir les prescriptions de la loi et les prédictions des prophètes. Je me rappelle cependant en avoir entendu plusieurs qui interprétaient ces trois mesures de farine de la vocation des nations sorties de Sem, de Cham et de Japhet. Mais je ne sais si cette interprétation est fondée en raison, car quoique toutes les nations aient été appelées à l'Évangile, on ne peut dire que Jésus-Christ y ait été caché; puis qu'au contraire il s'y est manifesté avec éclat; et d'ailleurs ce céleste levain n'a point communiqué sa vertu à toute la masse des infidèles.


vv. 34-35

4334 Mt 13,34-35

S. Chrys. (hom. 48). Après avoir rapporté ces paraboles, l'Évangéliste, voulant prouver que Notre-Seigneur n'introduisait pas en cela de nouveautés, cite le prophète qui avait prédit ce mode d'enseignement. «Or Jésus dit toutes ces choses», etc. Saint Marc dit qu'il parlait en paraboles pour se mettre à la portée de leur intelligence (Mc 4). Ne soyez donc pas surpris si, en parlant du royaume des cieux, il emprunte les comparaisons de la semence et du levain; il s'adressait à des hommes ignorants et qui avaient besoin de cette méthode simple pour être amenés à la vérité. - Remi. Le mot parabole, en grec comme en latin, signifie comparaison qui sert à démontrer la vérité, car elle nous découvre dans les différentes parties de la comparaison des expressions figurées et des images de la vérité.

S. Jér. Ce n'est pas aux disciples, mais au peuple qu'il parlait en paraboles, et encore aujourd'hui c'est le langage que le peuple entend volontiers; aussi l'Évangéliste ajoute-t-il: «Et il ne leur parlait point sans paraboles». - S. Chrys. (hom. 48). Cependant il a parlé souvent au peuple sans paraboles, mais dans cette circonstance il ne leur parla qu'en paraboles. - S. Aug. (Quest. év). Ou bien l'Évangéliste s'exprime ainsi, non que le Seigneur n'ait jamais parlé dans le sens littéral, mais parce qu'il n'a presque jamais fait de discours où il n'ait enseigné quelque vérité sous le voile de la parabole, bien qu'il y ait parlé en même temps dans le sens littéral; c'est-à-dire que souvent son discours est tout entier composé de paraboles, tandis qu'on n'en trouve aucun qui soit tout entier dans le sens littéral. Par discours entiers et complets, j'entends ceux que le Seigneur faisait suivant que l'occasion se présentait, jusqu'à ce que la matière qu'il traitait, étant terminée, il passait à un autre sujet. On ne peut nier du reste que souvent un évangéliste présente en un seul discours ce qu'un autre évangéliste rapporte comme ayant été dit en plusieurs circonstances différentes, parce qu'il s'attache dans sa narration, non pas à l'ordre historique des faits, mais à l'ordre dans lequel ils se présentent à son souvenir.

Or, l'auteur sacré nous apprend pourquoi il parlait en paraboles: «C'est afin que cette parole du Prophète fût accomplie». - S. Jér. Ce témoignage est emprunté au Ps 77. Dans quelques manuscrits, au lieu de la traduction de la Vulgate que nous avons rapportée: «Afin que cette parole du prophète fut accomplie», on lit: «Cette parole du prophète Isaïe». - Remi. Porphyre prend occasion de là pour faire cette objection aux chrétiens: Votre Évangéliste a poussé la sottise jusqu'à attribuer à Isaïe ce qui se trouve dans les psaumes et à citer ce témoignage comme venant du prophète Isaïe. - S. Jér. Comme cette citation ne se trouvait nullement dans Isaïe, j'avais d'abord pensé que des hommes instruits avaient fait dis paraître le nom du prophète. Mais je crois maintenant que le texte portait primitivement: «Ce qui a été écrit par le prophète Asaph». En effet, le Ps 72, auquel est emprunté ce témoignage, a pour titre: «Au prophète Asaph». Les premiers copistes n'auront pas compris ce nom d'Asaph et, croyant que c'était une faute d'écriture, ils auront remplacé ce nom par le nom plus connu d'Isaïe; car il faut se rappeler que non seulement David, mais tous les autres dont les noms se trouvent en tête des psaumes, des hymnes et des divins cantiques, tels qu'Asaph, Idithun, Eman, Ezarite et d'autres dont l'Écriture fait mention, méritent le nom de prophète. Quant à ce qui est dit de la personne du Christ: «J'ouvrirai ma bouche en paraboles», etc., si nous considérons attentivement ces paroles, nous y verrons la description de la sortie d'Israël de la terre d'Égypte, et le récit de tous les miracles qui sont contenus dans l'Exode; d'où nous devons conclure que tout ce qui se trouve écrit dans ce livre doit être pris dans un sens allégorique et nous révèle des mystères cachés. Ce sont ces vérités mystérieuses que le Seigneur promet de dévoiler, lorsqu'il dit: «J'ouvrirai ma bouche en paraboles». - La Glose. Ces paroles veulent dire: J'ai parlé autrefois par les prophètes; je parlerai maintenant moi-même en paraboles, et je ferai sortir du trésor de mes secrets des mystères qui s'y trouvaient cachés depuis la création du monde.


vv. 36-43

4336 Mt 13,36-43

S. Chrys. (hom. 48). Le Seigneur avait parlé au peuple en paraboles pour lui donner l'occasion de l'interroger; mais quoiqu'il leur eût dit beaucoup de choses en paraboles, personne cependant ne lui adressait la parole. Il renvoya donc la multitude, comme le remarque l'Évangéliste: «Alors, ayant renvoyé le peuple, il revint dans la maison». Aucun des scribes ne l'y suit, ce qui prouve clairement qu'ils ne le suivaient auparavant que pour le surprendre dans ses discours. - S. Jér. Or, Jésus renvoie le peuple et rentre dans la maison pour donner à ses disciples la facilité de s'approcher de lui, et de lui faire en secret des questions sur ce que le peuple ne méritait ni n'était capable d'entendre.

Rab. Dans le sens mystique, c'est après avoir congédié la foule tumultueuse des Juifs qu'il entre dans l'Église formée des nations, et c'est là qu'il expose aux fidèles les mystères du royaume des cieux: «Et alors ses disciples s'approchèrent», etc. - S. Chrys. (hom. 48). Autrefois, pleins du désir d'apprendre, ils craignaient de l'interroger; maintenant, ils le font librement et avec confiance, parce qu'il leur a dit: «Il vous a été donné de connaître les mystères du royaume des cieux». C'est pour cela qu'ils l'interrogent en particulier, c'est-à-dire en secret et non point par un sentiment de jalousie contre la multitude qui n'avait pas reçu la même faveur. Ils laissent de côté la parabole du levain et celle du sénevé comme plus claire, et ils l'interrogent sur la parabole de l'ivraie, parce qu'elle a de l'analogie avec la parabole de la semence et qu'elle contient quelques particularités de plus. Le Seigneur leur explique donc cette parabole: «Et leur répondant, il leur dit: Celui qui sème le bon grain, c'est le Fils de l'homme». - Remi. Notre-Seigneur s'est appelé le Fils de l'homme pour nous laisser un exemple d'humilité, ou bien parce qu'il devait se rencontrer des hérétiques qui nieraient son humanité. Ou bien encore, c'est afin que par la foi à son humanité, nous puissions nous élever jusqu'à la connaissance de sa divinité.

«Le champ, c'est le monde», etc. - S. Chrys. (hom. 48). Comme c'est lui-même qui sème son champ, il faut en conclure que le monde actuel lui appartient. «La bonne semence, ce sont les enfants du royaume». - Remi. C'est-à-dire les saints et les élus qui sont mis au nombre des enfants de Dieu. - S. Aug. (Contre Fauste, 18, 7). L'ivraie, d'après l'explication du Sauveur, ce ne sont pas quelques erreurs mêlées à la vérité des saintes Écritures (suivant l'interprétation des Manichéens), mais ce sont tous les enfants de l'esprit mauvais, c'est-à-dire les imitateurs des mensonges du démon. «L'ivraie, dit Notre-Seigneur, ce sont les enfants d'iniquité», dénomination qui comprend tous les impies et tous les méchants. - S. Aug. (Quest. évang., liv. 6, quest. 2). Toutes les mauvaises herbes qui se trouvent dans les moissons reçoivent le nom d'ivraie. L'ennemi qui la sème, c'est le démon. - S. Chrys. (hom. 48). C'est en effet une des ruses du démon de mêler toujours l'erreur à la vérité. «La moisson, c'est la fin du monde». Notre-Seigneur dit dans un autre endroit, mais en parlant des Samaritains: «Levez vos yeux et regardez les campagnes comme elles blanchissent déjà pour la moisson» (Jn 4). Et ailleurs: «La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers», paroles qui signifient que le temps de la moisson est arrivé. Pourquoi donc déclare-t-il qu'elle n'aura lieu que plus tard? C'est qu'il l'entend ici dans un autre sens. Aussi, tandis que dans les paroles qui précèdent il dit que l'un sème et que l'autre moissonne, il déclare ici que c'est le même qui sème et qui moissonne; car lorsqu'il dit que celui qui sème n'est pas celui qui moissonne, ce n'est pas entre lui et les prophètes, mais entre les prophètes et les Apôtres qu'il veut établir une distinction, puisque c'est le Christ qui a semé lui-même par les prophètes dans la Judée et dans la Samarie. C'est donc sous deux sens différents qu'il prend dans ces deux circonstances les mots de semence et de moisson. Lorsqu'il parle d'obéissance et de soumission à la foi, il se sert du nom de moisson, parce qu'elle est le principe et la cause de toute perfection; mais lorsqu'il est question du fruit qu'on doit retirer de la parole de Dieu, comme dans cet endroit, il appelle la moisson la consommation de toutes choses. - Remi. La moisson désigne le jour du jugement où les bons seront séparés des méchants par le ministère des Anges, ainsi qu'il le dira plus bas: «Le Fils de l'homme viendra juger le monde avec ses anges»; et c'est pour cela qu'il dit: «Les moissonneurs sont les anges».

«De même que les moissonneurs ramassent l'ivraie, ainsi les anges feront disparaître de son royaume tous les scandales». - S. Aug. (Cité de Dieu, 9). Est-ce donc de ce royaume où il n'y a plus de scandales? Non, c'est de ce royaume qui est sur la terre, c'est-à-dire de l'Église, qu'ils les feront disparaître. - S. Aug. (Quest. évang., 1, 10). L'ivraie qu'on met d'abord de côté signifie que c'est après que les persécutions auront exercé leur empire que les bons seront séparés des méchants; ce sont les bons anges qui feront cette séparation, car ils peuvent s'acquitter de cette oeuvre de justice avec une intention droite et pure, tandis que les méchants sont incapables d'accomplir le ministère de la miséricorde. - S. Chrys. (hom. 48). Ou bien on peut entendre par ce royaume l'Église du ciel, et Notre-Seigneur nous révèle ici la double peine des réprouvés, la privation de la gloire, par ces paroles: «Et ils enlèveront tous les scandales de son royaume», pour les en bannir à tout jamais, et le supplice du feu par ces autres: «Et ils les précipiteront dans la fournaise du feu». - S. Jér. Tous les scandales sont figurés ici par l'ivraie; mais en disant: «Ils enlèveront de son royaume tous les scandales, et tous ceux qui font l'iniquité», Notre-Seigneur veut distinguer entre les hérétiques et les schismatiques. Ceux qui sont une cause de scandale sont les hérétiques, ceux qui commettent l'iniquité représentent les schismatiques. - La Glose. Ou bien dans un autre sens, il faut entendre par les scandales tous ceux qui sont pour le prochain une occasion de chute ou de ruine, et par ceux qui commettent l'iniquité, les pécheurs quels qu'ils soient. - Rab. Remarquez que Notre-Seigneur dit: «Ceux qui font», et non pas ceux qui ont fait l'iniquité; car ce ne sont pas ceux qui font pénitence, mais ceux qui persévèrent dans leurs péchés qui seront livrés aux supplices éternels.

S. Chrys. (hom. 48). Considérez ici l'amour ineffable de Dieu pour les hommes, il est toujours prêt à répandre sur nous ses bienfaits et il ne punit qu'à la dernière extrémité. Lorsqu'il s'agit de semer, c'est lui-même qui sème, et lorsqu'il faut qu'il punisse, il se décharge de ce soin sur les anges.

«C'est là qu'il y aura des pleurs et des grincements de dents». - Remi. Ces paroles sont une preuve de la résurrection véritable des corps et nous y voyons annoncés la double peine de l'enfer, une excessive chaleur et un froid des plus rigoureux. Or, de même que l'ivraie représente tous les scandales, ainsi tous ceux dont Notre-Seigneur dit ici: «Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père», seront mis au nombre des enfants du royaume. Dans ce monde, la lumière que répandent les saints brille aux yeux des hommes; après la consommation des siècles, les justes brilleront eux-mêmes comme le soleil dans le royaume de leur Père. - S. Chrys. (hom. 48). Notre-Seigneur ne veut pas dire que leur éclat sera tout juste égal à l'éclat du soleil, mais il se sert de cette comparaison parce que parmi les astres qui nous éclairent, il n'en est point qui brille d'un plus vif éclat que le soleil. - Remi. Ces paroles: «Alors ils brilleront», signifient que les saints brillent sur cette terre par leurs exemples, mais qu'ils brilleront alors comme le soleil pour la plus grande gloire de Dieu.

«Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre». - Raban. C'est-à-dire que celui qui a de l'intelligence comprenne, parce que toutes ces paroles doivent être entendues dans un sens mystérieux.


v. 44

4344 Mt 13,44

S. Chrys. (hom. 48). Les paraboles précédentes du levain et du grain de sénevé avaient pour objet de faire ressortir la puissance de la prédication évangélique qui a triomphé du monde entier; Notre-Seigneur veut faire connaître maintenant tout le prix et la magnificence de cette sublime doctrine, et il se sert pour cela de la parabole du trésor et de la pierre précieuse: «Le royaume des cieux est semblable à un trésor caché dans un champ». La prédication de l'Évangile est cachée dans le monde, et si vous ne vendez pas tout ce que vous possédez, vous ne pourrez l'acheter. Il faut de plus faire ce sacrifice avec joie. «Lorsqu'un homme le trouve, il le cache». - S. Hil. Ce trésor se trouve sans qu'il en coûte rien, car la prédication de l'Évangile est sans condition; mais il faut nécessairement acheter le droit d'user de ce trésor et d'en devenir le possesseur ainsi que du champ qui le renferme, car on ne peut posséder les richesses du ciel sans être disposé à leur sacrifier les biens de la terre. - S. Jér. Il cache ce trésor, ce n'est point par un sentiment d'envie, mais il le cache dans son coeur par le désir de conserver et par la crainte de perdre ce trésor qu'il a su préférer aux richesses qu'il possédait.

S. Grég. (hom. 12 sur les Evang). Ou bien ce trésor caché dans un champ, c'est le désir du ciel: le champ dans lequel il est caché, c'est la perfection et la sainteté de la vie qui conduit au ciel. Lorsqu'un homme a trouvé ce trésor, il le cache pour le conserver, car le goût et le désir ardent des biens célestes ne suffisent pas pour défendre ce trésor contre les esprits mauvais, si celui qui le possède ne s'efforce pas de le dérober aux attaques des louanges des hommes. En effet, la vie présente est semblable à une route que nous parcourons pour arriver à la patrie; mais cette route se trouve assiégée par les esprits mauvais comme par autant de voleurs de grand chemin. Ceux donc qui portent ce trésor à découvert semblent vouloir devenir la proie des voleurs. Je ne veux pas dire que notre prochain ne doive pas être témoin de nos bonnes oeuvres, mais simplement qu'il ne faut pas dans nos actions nous proposer les louanges des hommes. Or, le royaume des cieux est comparé aux choses de la terre, pour que notre esprit puisse s'élever de ce qu'il connaît à ce qu'il ne connaît pas encore, et que de l'amour qu'il donne aux choses dont il a la connaissance, il apprenne à aimer ce qu'il ne connaît pas. «Et dans la joie qu'il en ressent», etc. On achète le champ avec le prix de tous les biens qu'on a vendus, lorsqu'on renonce aux voluptés charnelles et qu'on foule aux pieds tous les désirs terrestres par une obéissance entière aux lois qui conduisent au ciel.

S. Jér. Ou bien encore ce trésor dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science (cf. Col 2,3), c'est ou le Verbe Dieu qui est comme caché dans la nature humaine de Jésus-Christ, ou bien les saintes Écritures dans lesquelles est renfermée la connaissance du Sauveur. - S. Aug. (Quest. Evang., liv. 1, chap. 13). Ce trésor caché dans le champ, ce sont les deux Testaments qui se trouvent dans l'Église; lorsqu'un homme parvient à les atteindre par une partie seulement de son intelligence, il comprend que ce champ renferme de grandes richesses, il s'en va, il vend tout ce qu'il possède et il l'achète, c'est-à-dire que par le mépris des choses temporelles il achète le repos, afin de s'enrichir ainsi du trésor de la connaissance de Dieu.


vv. 45-46

4345 Mt 13,45-46

S. Chrys. (hom. 48). La prédication de l'Évangile n'est pas seulement une source de richesses multipliées, comme l'est un trésor, mais elle est précieuse encore comme une perle, et c'est pour cela qu'après la parabole du trésor, Notre-Seigneur propose la parabole de la pierre précieuse. «Le royaume des cieux est encore semblable à un marchand qui cherche de bonnes perles». Pour la prédication de l'Évangile, deux choses sont nécessaires: la séparation des affaires de la terre, et la vigilance, deux conditions qui se trouvent exprimées dans cette comparaison du commerce. Or, la vérité est une et ne peut être divisée en plusieurs parties; c'est pour cela qu'il n'est question que d'une seule pierre précieuse, et de même que celui possède une perle d'un grand prix connaît bien sa richesse, tandis que tous les autres l'ignorent, car cette perle est si petite qu'elle tient tout entière dans sa main; de même dans la prédication de l'Évangile, ceux qui ont le bonheur de la recevoir savent quelles richesses spirituelles ils ont acquises, richesses complètement ignorées de ceux qui ne connaissent pas la valeur de ce trésor.

S. Jér. Dans les bonnes perles, on peut voir figurés la loi et les prophètes. Comprenez donc, Marcion, et vous autres Manichéens, que la loi et ces prophètes sont de bonnes perles. La perle qui est d'un très grand prix, c'est la science du Sauveur, le mystère de sa passion et de sa résurrection. Lorsque l'homme qui est dans le commerce a trouvé cette perle, à l'exemple de l'Apôtre saint Paul il méprise comme de la boue, pour gagner Jésus-Christ (Ph 3,8), tous les mystères de la loi et des prophètes, et ces observances anciennes au milieu desquelles il avait vécu d'une manière irréprochable. Ce n'est pas que la découverte de cette perle précieuse détruise le prix et la valeur de celles qu'il possédait auparavant; mais auprès d'elles toutes les autres sont d'un prix inférieur.

S. Grég. (hom. 12 sur les Evang). Ou bien encore cette pierre précieuse c'est la douceur de la vie céleste, celui qui l'a trouvée vend pour l'acheter tout ce qu'il possède. Celui qui a pu goûter parfaitement, autant qu'on le peut, la suavité de cette vie céleste abandonne bien volontiers pour elle tout ce qu'il avait aimé sur la terre. Il trouve désormais sans beauté tous les objets créés qui l'avaient séduit par leur apparence, parce que l'éclat seul de cette perle précieuse brille maintenant aux yeux de son âme.

S. Aug. (Quest. évang. sur S. Matth., chap. 13). Ou bien enfin cet homme qui cherche de belles perles et qui en trouve une de grand prix, est celui qui recherche la compagnie des hommes vertueux pour mener avec eux une vie sainte, et trouve le seul homme qui soit sans péché, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ou bien celui qui, cherchant à connaître les préceptes dont l'observation le fera vivre saintement au milieu des hommes, trouve le précepte de la charité fraternelle qui renferme tous les autres au témoignage de l'Apôtre (Rm 13,9). Ou bien celui qui cherche de bonnes pensées et trouve cette parole qui renferme toutes choses: «Au commencement était le Verbe» (Jn 1,1), Verbe qui brille de tout l'éclat de la vérité, qui est ferme de toute la force de l'éternité, et qui, semblable de toutes parts à lui-même, resplendit de la beauté même de la divinité; Verbe dans lequel il faut reconnaître un Dieu sous l'enveloppe de chair dont il est revêtu. Quelle que soit parmi ces trois choses ou parmi d'autres celle qui est signifiée par cette perle précieuse, c'est nous qui en sommes le prix, et nous ne sommes libres de l'acquérir qu'en méprisant pour obtenir cette heureuse délivrance tout ce que nous possédons sur la terre. Car, après avoir tout vendu, nous n'avons pas de biens d'un plus grand prix que nous-mêmes (puisque nous n'étions pas à nous lorsque ces biens nous enlaçaient comme autant de chaînes), et c'est nous-mêmes qu'il faut donner pour acquérir cette perle précieuse, non pas que nous soyons d'une valeur égale, mais parce que nous ne pouvons donner davantage.


vv. 47-50

4347 Mt 13,47-50

S. Chrys. (hom. 48). Notre-Seigneur, craignant que nous ne mettions toute notre confiance dans la prédication seule, et que nous ne croyions que la foi seule suffit pour le salut, après avoir relevé le prix de la prédication évangélique dans les paraboles qui précèdent, en ajoute une autre qui est effrayante: «Le royaume des cieux est encore semblable à un filet». - S. Jér. Après que cette prophétie de Jérémie fut accomplie: «Je vous enverrai un grand nombre de pécheurs» (Jr 16,16); après que Pierre, André, Jacques et Jean eurent entendu ces paroles: «Suivez-moi et je ferai de vous des pêcheurs d'hommes» (Mt 4,19), ils se firent à l'aide de l'Ancien et du Nouveau Testament un filet entrelacé des vérités de l'Évangile; ils le jetèrent dans la mer de ce monde, et il est resté tendu jusqu'à présent au milieu des flots pour prendre dans ces gouffres amers et trompeurs tout ce qui se présente, c'est-à-dire les hommes bons et mauvais: «Et qui prend toute sorte de poissons».

S. Grég. (hom. 10 sur les Evang). Ou bien la sainte Église est comparée à un filet parce qu'elle est confiée à des pêcheurs, et c'est par elle que chacun de nous est tiré des flots de ce monde sur le rivage du royaume des cieux et arraché aux abîmes de la mort éternelle. Ce filet recueille des poissons de toute espèce, car l'Église appelle à la rémission des péchés les sages et les ignorants, les hommes libres et les esclaves, les riches et les pauvres, les forts et les faibles. Ce filet, c'est-à-dire la sainte Église, sera tout à fait rempli lorsqu'à la fin des temps la destinée du genre humain sera consommée. C'est pour cela qu'il est dit: «Lorsqu'il fut plein», etc. - De même que la mer figure le monde, ainsi le rivage de la mer représente la fin du monde. C'est alors que les bons poissons seront recueillis dans des vaisseaux et les mauvais jetés au loin, c'est-à-dire que les élus seront reçus dans les tabernacles éternels, tandis que les méchants, privés de la lumière qui éclaire le royaume intérieur, seront traînés dans les ténèbres extérieures. Pendant cette vie, les filets de la foi contiennent indifféremment les bons et les mauvais, comme des poissons mêlés ensemble; mais le rivage fera reconnaître ceux que contenait le filet de l'Église. - S. Jér. En effet, lorsque ce filet sera tiré sur le rivage, alors on verra comment doit s'opérer la séparation des bons avec les mauvais.

S. Chrys. (hom. 48). Quelle différence y a-t-il entre cette parabole et celle de l'ivraie? De part et d'autre, les uns sont sauvés et les autres périssent; mais dans la parabole de l'ivraie, c'est la perversité des dogmes hérétiques qui est la cause de leur perte; dans la parabole de la semence, c'est le défaut d'attention à la parole de Dieu, et dans celle-ci c'est la vie criminelle des hommes qui sera pour eux un obstacle à leur salut, bien qu'ils aient été pris dans le filet, c'est-à-dire bien qu'ils aient reçu la connaissance de Dieu. Et ne soyez pas tenté de regarder comme un supplice peu rigoureux pour les mauvais d'être jetés dehors, car écoutez Notre-Seigneur qui vous fait connaître dans l'explication de cette parabole combien ce supplice sera terrible: «Il en sera de même à la fin des temps. Les Anges viendront et sépareront les mauvais», etc. Il dit ailleurs que c'est lui-même qui les séparera comme un pasteur sépare les brebis d'avec les boucs (Mt 25). Ici ce sont les Anges qui font cette séparation, comme dans la parabole de l'ivraie.

S. Grég. (hom. 10). Il faut bien plutôt trembler en entendant ces paroles, que chercher à les expliquer, car les tourments des pécheurs y sont prédits ouvertement et personne ne peut s'excuser ici sur son ignorance en prétextant l'obscurité du dogme des supplices éternels. - Rab. Lorsque la fin du monde sera venue, on connaîtra les véritables signes qui doivent servir à séparer les poissons entre eux, et là comme dans un port, à l'abri de toute agitation, les bons seront placés dans les vaisseaux des célestes demeures, et les mauvais jetés dans les flammes de l'enfer qui doivent les brûler et les tourmenter pendant l'éternité.


vv. 51-52

4351 Mt 13,51-52

S. Chrys. (Hom. 48). Après que le peuple s'est retiré, le Seigneur continue de parler à ses disciples en paraboles, parce que cette méthode d'enseignement a ouvert leur intelligence et leur a fait comprendre les paroles du Sauveur. Il leur demande donc: «Avez-vous compris toutes ces choses? Ils lui répondent: Oui». - S. Jér. Il s'adresse particulièrement aux Apôtres, car il ne veut pas seulement qu'ils entendent comme le peuple, mais comme des hommes qui doivent un jour enseigner les autres.

S. Chrys. Il les félicite de nouveau de ce qu'ils ont compris par les paroles suivantes: «C'est pourquoi tout docteur tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes».

S. Aug. (Cité de Dieu, 20, 4). Il ne dit pas des choses anciennes et des choses nouvelles, ce qu'il n'eût pas manqué de faire, s'il n'avait préféré suivre l'ordre que prescrivait le mérite de ces choses plutôt que l'ordre des temps. Les Manichéens qui prétendent n'être en possession que des promesses nouvelles de Dieu, restent ensevelis dans la vétusté de la chair et introduisent en même temps la nouveauté de l'erreur. - S. Aug. (Quest. évang). Notre-Seigneur a-t-il voulu expliquer ici quel est ce trésor caché dans le champ et que l'on peut entendre des saintes Écritures composées de l'Ancien et du Nouveau Testament; ou bien son dessein est-il de nous apprendre qu'on doit regarder comme un homme docte dans l'Église celui qui comprend les anciennes Écritures, même sous la forme de paraboles, en puisant dans les nouvelles les principes d'une bonne interprétation (puisque le Sauveur lui-même a parlé en paraboles dans le nouveau Testament) ? Car s'il est celui en qui toutes les Écritures reçoivent leur accomplissement et leur manifestation, et que cependant il parle encore en paraboles jusqu'à ce que sa passion ait déchiré le voile et qu'il n'y ait rien de caché qui ne soit révélé, nous devons en conclure que ce qui avait été prédit de lui si longtemps avant sa venue sur la terre était plus que tout le reste caché sous le voile des paraboles. Et en voulant entendre ces prédictions à la lettre, les juifs ont refusé de devenir instruits de ce qui concerne le royaume des cieux.

S. Grég. (hom. 13). Si par ces choses nouvelles et anciennes nous entendons les deux Testaments, nous serons forcés de ne point regarder Abraham comme docte et instruit, lui qui connaissait sans doute les faits de l'Ancien et du Nouveau Testament, mais qui n'en a point parlé. Nous ne pourrons pas non plus comparer Moïse à ce docte père de famille, car s'il a enseigné les préceptes de l'Ancien Testament, il n'a point promulgué les vérités de la loi nouvelle. Nous devons donc entendre que Notre-Seigneur ne parlait pas de ceux qui existaient autrefois, mais de ceux qui pouvaient faire partie de l'Église. Ce sont ces derniers qui tirent de leur trésor des choses nouvelles et des choses anciennes lorsque par leur vie comme par leurs paroles, ils annoncent les vérités renfermées dans les deux Testaments. - S. Hil. (can. 14). Jésus parle ici à ses disciples et il les appelle scribes ou docteurs à cause de leur science, parce qu'ils ont compris ce qu'il leur a enseigné de nouveau et d'ancien, c'est-à-dire son Évangile, et ce qu'il leur a expliqué de la loi. La loi et l'Évangile ont tous les deux pour auteur le même père de famille et sortent tous les deux du même trésor. Sous ce nom de père de famille, il établit aussi une comparaison entre ses disciples et lui-même, parce qu'ils ont puisé la doctrine des vérités anciennes et des vérités nouvelles dans le trésor de l'Esprit saint.

S. Jér. Ou bien il donne aux Apôtres le nom de scribes doctes et instruits, parce qu'ils étaient comme les secrétaires du Sauveur, et qu'ils écrivaient ses paroles et ses préceptes sur les tables de chair du coeur humain (2Co 3). Riches des mystères du royaume des cieux et des richesses du père de famille, ils tiraient du trésor de leur doctrine des choses nouvelles et des choses anciennes, c'est-à-dire qu'ils appuyaient toutes les vérités de l'Évangile sur des témoignages de la loi et des prophètes. C'est pour cela que l'épouse dit dans le Cantique des cantiques (Ct 7,13): «Mon bien-aimé, je vous ai réservé les choses nouvelles avec les choses anciennes». - S. Grég. (hom. 12). Ou bien encore, la chose ancienne, c'est que le genre humain, par suite de ses crimes, devait périr victime d'un supplice éternel, et la chose nouvelle, c'est qu'il se convertisse et qu'il vive d'une vie immortelle dans le royaume des cieux. Il nous a donné d'abord comme figure du royaume le trésor trouvé et la pierre précieuse; il nous a fait connaître ensuite les peines de l'enfer où les méchants brûleront éternellement, et il conclut par ces paroles: «C'est pourquoi tout scribe instruit tire de son trésor des choses nouvelles et anciennes, paroles dont voici le sens: Celui-là doit être regardé dans l'Église comme un prédicateur instruit qui sait dire des choses nouvelles sur les douceurs ineffables du royaume des cieux, et des choses anciennes sur la rigueur effrayante des supplices éternels, afin que les châtiments épouvantent ceux qui demeurent insensibles à l'attrait des récompenses.



Catena Aurea 4333