Catena Aurea 4422

vv. 22-33

4422 Mt 14,22-33

S. Chrys. (hom. 50). Notre-Seigneur, voulant livrer à un examen sérieux le miracle qu'il vient d'opérer, ordonne à ceux qui en ont été les témoins de se séparer de lui; car en supposant que lui présent, on pût croire qu'il n'avait fait ce miracle qu'en apparence, on ne pourrait en porter le même jugement lorsqu'il aurait disparu. C'est pour cela que l'Évangéliste ajoute: «Et aussitôt Jésus obligea ses disciples d'entrer dans une barque et de le précéder». - S. Jér. Nous avons ici une preuve que c'était malgré eux que les disciples se séparaient du Sauveur, et que dans l'affection qu'ils avaient pour ce divin Maître, ils ne voulaient même pas le quitter un seul instant.

S. Chrys. (hom. 50 et 51). Remarquons que toutes les fois que le Seigneur a opéré de grandes choses, il renvoie le peuple, et nous enseigne ainsi à ne pas rechercher la gloire qui vient des hommes, et à ne pas attirer le peuple après nous. Il nous apprend aussi à ne pas nous mêler continuellement à la multitude et à ne pas la fuir non plus toujours, mais à fréquenter tour à tour le monde et la solitude. «Après avoir renvoyé la foule, il monta seul sur la montagne», etc. Il nous enseigne ici les avantages de la solitude, lorsque nous voulons nous entretenir avec Dieu. Jésus se rend dans le désert, et il y passe la nuit en prières, pour nous apprendre à choisir les temps et les lieux où nous pourrons nous livrer dans le calme à la prière. - S. Jér. Ces paroles: «Il monta seul pour prier», ne doivent pas être rapportées à la nature divine qui vient de rassasier cinq mille hommes avec cinq pains, mais à la nature humaine qui se retire dans la solitude en apprenant la mort de Jean-Baptiste. Ce n'est pas que nous divisions la personne du Seigneur, mais il faut admettre une distinction entre les oeuvres qui viennent de Dieu, et celles qui ne viennent que de l'homme.

S. Aug. (De l'acc. des Evang., liv. 2, chap. 47). Il semble qu'il y ait ici contradiction entre saint Matthieu, d'après lequel Jésus, après avoir renvoyé le peuple, monte seul sur la montagne pour y prier, et saint Jean, qui rapporte qu'il était sur la montagne lorsqu'il nourrit la multitude. Mais comme saint Jean raconte qu'après ce miracle il s'enfuit sur la montagne pour ne pas être retenu par le peuple qui voulait le faire roi, il est évident qu'il était descendu de la montagne dans la plaine lorsqu'il fit distribuer les pains à la foule. Ce que dit saint Matthieu: «il monta sur la montagne pour prier», n'est pas contraire à ce que dit saint Jean: «Lorsqu'il sut qu'ils allaient venir pour le faire roi, il s'enfuit tout seul sur la montagne» (Jn 6,15). Le désir de prier n'exclut pas l'intention qu'il avait de fuir; au contraire, le Seigneur nous apprend ici que nous avons une raison pressante de prier lorsque nous sommes obligés de fuir. Il n'y a pas plus de contradiction entre le récit de saint Matthieu, où Notre-Seigneur ordonne d'abord à ses disciples de monter dans la barque, et congédie ensuite le peuple avant de monter seul sur la montagne pour y prier (Mt 14,22), et le récit de saint Jean, où nous lisons: «Il s'enfuit seul sur la montagne. Et lorsque le soir fut venu, ses disciples descendirent au bord de la mer, et lorsqu'ils furent montés dans la barque», (Jn 6,16) etc. Car qui ne voit que saint Matthieu raconte sommairement et par récapitulation, tandis que saint Jean ne rapporte qu'ensuite ce que firent les disciples, c'est-à-dire ce que Notre-Seigneur leur avait ordonné avant de s'enfuir sur la montagne.

S. Jér. C'est avec bien de la raison que les disciples ne se séparent du Seigneur que malgré eux, et contre leur volonté, dans la crainte d'être exposés à un naufrage en son absence, car, ajoute l'Évangéliste: «Le soir étant venu, la barque était battue par les flots». - S. Chrys. (hom. 51). Les disciples essuient de nouveau une tempête, mais la première fois ils avaient le Sauveur avec eux dans leur barque; et maintenant ils sont seuls; c'est ainsi qu'il les conduit par degrés à de plus grandes épreuves, et qu'il leur apprend à tout supporter avec courage. - S. Jér. Pendant que le Seigneur est sur le sommet de la montagne, soudain un vent contraire s'élève, agite la profondeur de la mer, et met les disciples en danger, et ils sont menacés du naufrage jusqu'au moment où Jésus arrive.

S. Chrys. (hom. 51). Pendant toute la nuit il les laisse ballottés par les flots; il veut, par là, relever leur âme abattue par la crainte, leur inspirer un vif désir de sa personne qui le rende continuellement présent à leur souvenir. C'est pour cela qu'il ne vient pas immédiatement à leur secours; car l'Évangéliste ajoute: «Or, à la quatrième veille de la nuit». - S. Jér. Les heures de la nuit sont divisées en trois parties d'après les veilles où l'on relevait les postes militaires établis pour la nuit, et en rapportant que le Seigneur ne vint à eux qu'à la quatrième veille, c'est nous indiquer qu'ils furent en danger toute la nuit. S. Chrys. (hom. 51). Il leur apprend ainsi à ne pas chercher avec trop d'empressement à échapper aux maux qui les menacent, mais à supporter avec courage les épreuves qui leur arrivaient. Or, c'est justement au moment où ils espéraient être délivrés, que leur crainte est à son comble. «Et lorsqu'ils le virent marcher sur les flots, ils furent troublés», etc. Telle est la conduite du Seigneur lorsqu'il est sur le point de mettre fin à une épreuve. C'est alors qu'il fait naître de nouveaux dangers, et inspire de plus grandes appréhensions; car le temps de l'épreuve ne devant pas être bien long, lorsque les combats des justes touchent à leur fin, il augmente leurs dangers pour augmenter leurs mérites; c'est ce qu'il fit pour Abraham, dont la dernière épreuve fut l'immolation de son fils.

S. Jér. Ces cris confus, ces voix sans expression sont l'indice d'une crainte excessive. Or, s'il est vrai, comme le prétendent Marcion et les Manichéens, que le Seigneur ne soit pas né d'une vierge, et qu'il n'ait qu'une apparence fantastique, comment les Apôtres craignent-ils de voir un fantôme. - S. Chrys. (hom. 51). Ce n'est qu'après qu'ils ont jeté ces cris que le Seigneur se révèle à ses disciples; car plus leur frayeur avait été grande, plus aussi leur joie fut vive en le voyant au milieu d'eux. Aussitôt Jésus leur parla et leur dit: «Rassurez-vous, c'est moi; ne craignez pas». Cette parole dissipe leurs craintes, et ouvre leur âme à la confiance. - S. Jér. Il dit: «C'est moi», et il n'explique pas qui il est; mais comme sa voix leur était connue, ils pouvaient le reconnaître malgré la profonde obscurité de la nuit. Ou bien encore, ils reconnurent en lui celui qu'ils savaient avoir ainsi parlé à Moïse: «Voilà ce que vous direz aux enfants d'Israël: Celui qui est m'a envoyé vers vous» (Ex 3,14). Partout on retrouve la foi vive de Pierre; c'est cette foi vive, qui dans cette circonstance comme dans toutes les autres, lui fait espérer, alors que tous les autres gardent le silence, qu'il pourra faire par la puissance du Maître ce qui lui était naturellement impossible. «Or, Pierre, prenant la parole, lui dit: «Seigneur, si c'est vous, commandez-moi d'aller à vous», etc. Commandez-moi, et soudain les flots s'affermiront, et mon corps pesant par sa nature, deviendra léger. - S. Aug. (serm. 13 sur les par. du Seig). Je ne le puis de moi-même, mais par votre puissance. Pierre reconnut ainsi ce qu'il avait de lui-même, et la puissance supérieure à toute faiblesse humaine que le Sauveur pouvait lui communiquer et dont il lui donnait l'assurance. - S. Chrys. (hom. 51). Voyez combien grande est sa ferveur, combien grande est sa foi, il ne dit pas: Demandez, priez, mais: «Ordonnez». Il ne s'est pas borné à croire que le Christ pouvait marcher sur les flots, mais il a cru qu'il pouvait communiquer cette puissance aux autres, et il désire vivement aller le rejoindre, non point par ostentation, mais par amour pour son divin Maître. En effet, il ne dit pas: Commandez que je marche sur les eaux, mais: «Commandez que je vienne à vous». Il est évident qu'après avoir montré par le premier miracle qu'il vient d'opérer que la mer lui est soumise, il en fait maintenant un plus grand et plus admirable encore: «Et Jésus lui dit: Venez». Et Pierre, descendant de la barque, marchait sur l'eau pour aller à Jésus. - Que ceux qui prétendent que le corps du Seigneur n'est pas véritable, parce qu'il a marché comme une substance aérienne et légère sur les eaux qui cèdent si facilement, expliquent comment Pierre a pu marcher sur ces mêmes eaux, bien qu'ils soient obligés de reconnaître en lui un homme véritable. - Rab. Théodore a soutenu aussi que le corps du Seigneur était sans pesanteur, et qu'il avait marché sur la mer sans peser sur elle; mais cette opinion est contraire à la foi catholique; car saint Denis a écrit que Notre-Seigneur marchait sur l'eau sans que ses pieds fussent mouillés, bien qu'ils fussent pesants et matériels comme tous les corps (liv. des Noms divins, chap. 1).

S. Chrys. (hom. 51). Pierre, qui vient de triompher de la plus grande difficulté en marchant sur les eaux de la mer, se laisse troubler par un obstacle beaucoup moindre, par le souffle du vent. «Mais, voyant la violence du vent», etc. Telle est la nature humaine, elle déploie souvent un courage admirable au milieu des grandes épreuves, et elle faiblit dans les circonstances ordinaires. Cette crainte qu'éprouve Pierre, montre la différence qui séparait le maître du disciple, et en même temps elle calmait la jalousie des autres Apôtres. Car s'ils furent contrariés de la demande faite par les deux frères de s'asseoir à la droite du Sauveur (Mt 20), ils l'eussent été bien davantage de la fermeté avec laquelle saint Pierre eût marché sur les eaux. Ils n'étaient pas encore remplis de l'Esprit saint, ce n'est que plus tard que devenus tout spirituels, ils accordent en toute circonstance la primauté à Pierre, et lui donnent la première place dans toutes leurs assemblées. - S. Jér. Dieu laisse un peu d'action à la tentation, pour augmenter la foi de Pierre, et lui faire comprendre que ce qui l'a sauvé du danger, ce n'est point la prière qu'il lui adresse si facilement, mais la puissance divine. Sa foi était vive, mais la fragilité humaine l'entraînait dans l'abîme.

S. Aug. (serm. 13 sur les paroles du Seig). Pierre mit donc sa confiance dans le Seigneur, et le Seigneur lui rendit le pouvoir qu'il lui avait accordé, il chancela par suite de la faiblesse de l'homme, mais il revint aussitôt au Seigneur. «Et lorsqu'il commençait à enfoncer, il s'écria», etc. Est-ce que le Seigneur laisserait chanceler celui dont il a entendu la prière? «Et aussitôt Jésus étendant la main», etc.

S. Chrys. (hom. 51). Jésus ne commande pas aux vents de s'apaiser, mais il étend la main pour le soutenir, parce qu'il fallait que Pierre fit preuve de foi. Lorsque tous nos moyens humains font défaut, c'est alors que Dieu fait paraître sa puissance. Et pour le convaincre que ce n'est pas la violence du vent, mais son peu de foi qui l'a mis en danger, il lui dit: «Homme de peu de foi, pourquoi avez-vous douté ?» Preuve que le vent n'aurait pu rien contre lui, si sa foi avait été plus ferme. Notre-Seigneur Jésus-Christ fait ici ce que fait la mère qui voit le petit oiseau sortir du nid avant d'être assez fort, et sur le point de tomber, elle le prend sur ses ailes, et le reporte dans son nid. «Et lorsqu'il fut monté dans la barque, ceux qui étaient là se jetèrent à ses pieds, en disant: Vous êtes vraiment le Fils de Dieu». - Rab. Paroles qu'on peut entendre des matelots ou des Apôtres. - S. Chrys. (hom. 51). Voyez comme il les conduisait tous par degrés vers ce qui est plus élevé. Il a commandé précédemment à la mort, mais sa puissance paraît bien plus grande lors qu'il marche sur la mer, qu'il commande à un autre d'en faire autant, et qu'il le sauve du danger qui le menace. Aussi s'empressent-ils de reconnaître sa divinité: «Vous êtes vraiment le Fils de Dieu», ce qu'ils n'avaient pas fait auparavant. - S. Jér. En voyant Jésus rendre à la mer par un seul signe le calme qu'elle ne recouvre ordinairement qu'après de violentes secousses, les matelots et les passagers le proclament le vrai Fils de Dieu. Pourquoi donc Arius ose-t-il enseigner dans l'Église qu'il n'est qu'une créature? - S. Aug. (serm. 14 sur les par. du Seig). Dans le sens mystique, la montagne, c'est l'élévation; mais qu'y a-t-il dans l'univers de plus élevé que le ciel? Or, notre foi connaît celui qui monte au ciel. Mais pourquoi y monte-t-il seul? Parce que personne ne monte au ciel que celui qui est descendu du ciel (Jn 3,13). Lors même qu'à la fin des temps il viendra pour nous faire monter avec lui jusqu'au ciel, il y montera seul encore, car la tête avec le corps ne forment qu'un seul Christ. Maintenant le chef seul y est monté, et pour prier, parce qu'il y est monté afin d'intercéder pour nous. - S. Hil. (can. 14). Il est seul vers le soir, figure de l'abandon où il doit être au temps de sa passion lorsque la crainte aura dispersé tous ses disciples. - S. Jér. Il monta encore seul sur la montagne, parce que la foule ne peut s'élever avec lui vers les choses sublimes, avant qu'il ne l'ait enseigné près de la mer, sur le rivage. - S. Aug. (serm. 14 sur les par. du Seig). Cependant dans le temps où le Christ prie sur la montagne, la barque est agitée sur la mer par une violente tempête, et les vagues qui la couvrent peuvent la submerger. Dans cette barque, vous devez voir l'Église, et dans cette mer agitée, le monde présent. - S. Hil. (can. 14). Il ordonne à ses Apôtres de monter dans la barque, et de traverser le détroit pendant qu'il congédie la foule, et, après l'avoir renvoyée, il monte sur la montagne; c'est-à-dire au sens figuré, qu'il nous commande de rester dans le sein de l'Église et de voguer sur la mer du monde jusqu'au temps où il reviendra dans la gloire pour sauver les restes d'Israël et leur pardonner leurs péchés. Après avoir renvoyé le peuple d'Israël, ou plutôt après l'avoir admis dans le royaume céleste, il s'assiera dans sa gloire et dans sa majesté en rendant à Dieu le Père d'éternelles actions de grâces. Mais en attendant, les disciples sont le jouet des vents et de la mer, et livrés à ces agitations du monde que soulève contre eux l'esprit du mal. - S. Aug. (serm. 14 sur les par. du Seig). Lorsqu'un homme qui joint à une volonté impie une grande puissance, cherche à persécuter l'Église, c'est la mer en furie qui se soulève contre la barque du Christ. - Rab. Aussi est-ce avec raison que l'Évangéliste nous représente la barque au milieu de la mer, tandis que Jésus est seul sur la terre, car souvent l'Église gémit sous le poids de telles afflictions, que le Seigneur paraît l'avoir abandonnée pour un moment.

S. Aug. (serm. 14 sur les paroles du Seigneur). Le Seigneur vint trouver ses disciples battus par les flots, à la quatrième veille, c'est-à-dire vers la fin de la nuit, car la veille est de trois heures et la nuit est divisée en quatre veilles. - S. Hil. La première veille fut celle de la loi; la seconde, celle des prophètes; la troisième, celle de l'avènement corporel du Sauveur; la quatrième sera celle de son retour dans la gloire. - S. Aug. (serm. 14 sur les paroles du Seigneur). Il vient à la quatrième veille de la nuit, lorsque la nuit touche à sa fin, et c'est aussi à la fin du monde, lorsque la nuit de l'iniquité aura disparu, qu'il viendra juger les vivants et les morts. Il vient les trouver d'une manière merveilleuse; les flots se soulevaient, mais il les foulait aux pieds; ainsi, quel que soit le soulèvement des puissances de ce monde, leur tête orgueilleuse se trouve foulée aux pieds de celui qui est notre tête. - S. Hil. (can. 14). Lorsque le Christ reviendra à la fin des temps, il trouvera l'Église fatiguée et comme assiégée de tous côtés, et par l'esprit de l'Antéchrist, et par les agitations du monde entier. Et comme les fourberies de l'Antéchrist inspireront aux fidèles une juste défiance contre toute nouveauté, ils seront effrayés même de l'avènement du Seigneur, craignant d'être le jouet de fausses représentations et de fantômes destinés à tromper les yeux. Mais le bon Maître dissipera toutes leurs craintes en leur disant: «C'est moi», et par la foi qu'ils auront en son avènement, il les délivrera du naufrage qui les menace. - S. Aug. (Quest. évang., liv. 1, quest. 14). Ou bien les disciples, en croyant que c'est un fantôme, sont la figure de ceux qui se sont laissé vaincre par le démon et qui douteront de l'avènement du Christ. Pierre, au contraire, qui implore le secours du Seigneur pour ne pas être submergé, représente l'Église qui, après la dernière persécution, aura encore besoin d'être purifiée par quelques tribulations, vérité qu'exprime l'apôtre saint Paul, lorsqu'il dit: «Il ne laissera pas d'être sauvé, mais comme par le feu» (1Co 3,15). - S. Hil. Ou bien encore Pierre qui, de tous ceux qui sont dans la barque, est le seul pour oser adresser la parole au Seigneur et lui demander l'ordre d'aller à lui sur les eaux, semble prédire les dispositions de son âme au temps de la passion, alors que s'attachant aux pas du Sauveur, il voulut le suivre jusqu'à la mort. Mais la crainte qui s'empare de lui annonce aussi la faiblesse qu'il a montrée dans cette épreuve, lorsque la crainte de la mort le porta jusqu'à renier son divin Maître. Le cri qu'il jette exprime les gémissements de sa pénitence. - Rab. Le Seigneur jeta sur lui un regard et le convertit; il étendit la main et lui accorda le pardon de sa faute; et c'est ainsi que ce disciple trouva le salut qui ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde (Rm 9,16). - S. Hil. Jésus n'accorda pas à Pierre le pouvoir de venir jusqu'à lui; il se contenta de le soutenir en lui tendant la main, et en voici la raison: c'est que lui seul devait souffrir pour tous les hommes et pouvait les délivrer de leurs péchés, et il ne veut partager avec personne l'oeuvre du salut qu'il accomplit seul pour l'universalité du genre humain. - S. Aug. (serm. 13 et 14 sur les paroles du Seigneur). Dans ce seul apôtre (c'est-à-dire dans Pierre, le premier, le chef du collège apostolique et qui figure l'Église), nous sont représentées les deux classes d'hommes: les forts, lorsqu'il marche sur les eaux; les faibles, lorsque le doute s'empare de son âme. La tempête, c'est la passion qui domine chacun de nous. Vous aimez Dieu? Vous marchez sur la mer et vous foulez aux pieds la crainte du monde. Vous aimez le monde? Il vous submerge. Mais lorsque votre coeur est agité par les flots des passions, si vous voulez en triompher, invoquez la divinité du Sauveur.

Remi. Le Seigneur viendra certainement à votre secours, lorsque après avoir apaisé les flots des tentations, il vous donnera l'espoir d'échapper au danger par la protection dont il vous couvre; c'est ce qu'il fera aux approches de l'aurore, car, lorsque la fragilité humaine, comme assiégée par les épreuves, considère son peu de force, elle ne voit que ténèbres autour d'elle, mais si alors elle élève sa pensée vers le secours qui vient d'en haut, elle aperçoit aussitôt le lever du jour qui éclaire toute la veille du matin. - Rab. Il n'est point étonnant que le vent cesse au moment où le Seigneur monte dans la barque, car toutes les guerres s'apaisent bientôt dans tout coeur où le Seigneur est présent par sa grâce. - S. Hil. (can. 14). Le calme que Jésus rend aux vents et à la mer est une figure de cette paix et de cette tranquillité éternelles qu'il doit rendre à l'Église en revenant dans sa gloire. Et comme cet avènement sera beaucoup plus éclatant que le premier, tous s'écrient pleins d'admiration: «Vous êtes vraiment le Fils de Dieu», car tous proclameront alors d'une manière absolue et publique que le Fils de Dieu descendu sur la terre non plus dans l'humilité de la chair, mais au milieu de la gloire dont il est environné dans les cieux, a rendu la paix à son Église. - S. Aug. (Quest. évang., 2, 14). Nous voyons encore ici une figure de la manifestation éclatante qu'il fera de lui-même à ceux qui marchent ici-bas dans la foi et qui le verront alors tel qu'il est.


vv. 34-36

4434 Mt 14,34-36

Remi. L'Évangéliste nous a fait connaître précédemment l'ordre donné par le Seigneur à ses disciples de monter dans la barque et de le devancer au-delà du détroit. Il continue son récit et nous apprend où ils abordèrent après cette traversée: «Et ayant traversé le lac, ils vinrent dans la terre de Génézareth.

Rab. La terre de Genezar, qui s'étend sur les bords du lac de Génézareth, tire son nom de la nature même du lieu. Ce nom vient d'un mot grec qui signifie s'engendrant à elle-même le vent, parce que la surface du lac, toujours ridée, produit une brise continuelle.

S. Chrys. L'Évangéliste nous apprend que ce fut après une longue absence que Jésus vint dans ce pays, en ajoutant: «Et lorsqu'ils le connurent», etc. Ils apprirent son arrivée par la renommée et non en le voyant de leurs yeux, quoique certainement par suite des grands miracles qu'il opérait dans ces contrées, un grand nombre de personnes le connaissaient de vue. Et voyez quelle est la foi de ces habitants de la terre de Génézareth: ils ne se contentent pas de la guérison de ceux qui vivent au milieu d'eux; mais ils envoient aux villes d'alentour pour les presser d'accourir toutes au souverain médecin. - S. Chrys. Ils ne l'entraînent plus dans leurs maisons comme auparavant et ne lui demandent plus d'imposer les mains, mais ils méritent ses faveurs par une foi plus grande: «Et ils lui présentèrent tous les malades, le priant qu'il leur permît seulement de toucher le bord de son vêtement». Cette femme qui souffrait d'une perte de sang leur avait enseigné cette haute sagesse, qu'en touchant seulement la frange des vêtements du Christ ils seraient sauvés. On voit d'après cela que l'absence du Sauveur non seulement ne leur fit point perdre la foi, mais au contraire la rendit plus vive, et c'est par la vertu de cette foi qu'ils furent tous sauvés: «Et tous ceux qui le touchaient étaient guéris». - S. Jér. Si nous connaissions la signification du mot Génézareth dans notre langue, nous comprendrions comment, sous cette figure des Apôtres et de leur barque, Jésus veut nous représenter l'Église qu'il fait aborder au rivage après l'avoir sauvée du naufrage et qu'il fait reposer dans le port, à l'abri de toute agitation. - Rab. Genezar signifie le principe de la naissance; or, nous jouirons d'une tranquillité entière et parfaite quand Jésus-Christ nous rendra l'héritage du ciel et le vêtement de joie que nous avions porté autrefois. - S. Hil. Ou bien, dans un autre sens, les temps de la loi étant expirés et cinq mille hommes d'Israël entrés dans l'Église, le peuple des croyants sauvé par la foi, quoique sorti de la loi, présente au Seigneur ce qui lui reste d'infirmes et de malades, qui tous désirent toucher les franges de ses vêtements, et doivent être sauvés par la foi. Mais de même que les franges pendent du vêtement tout entier, ainsi la vertu de l'Esprit saint sortait de Jésus-Christ, et cette vertu communiquée aux Apôtres, comme sortis eux-mêmes du même corps, guérit tous ceux qui désirent s'en approcher. - S. Jér. ou bien encore, par cette frange de la robe, vous pouvez entendre les plus petits commandements; celui qui les transgresse sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux; ou bien encore le corps qu'il a revêtu pour nous faire parvenir jusqu'au Verbe de Dieu. - S. Chrys. Pour nous, non seulement nous pouvons toucher le vêtement ou la frange de Jésus-Christ, mais même son corps qu'il nous donne à manger. Or, si ceux qui touchèrent seulement la frange de son vêtement en ressentirent une influence si salutaire, que n'éprouverons nous pas, nous qui le recevons tout entier ?


CHAPITRE XV


vv. 1-6

4501 Mt 15,1-6

Rab. Les habitants de Génézareth et les esprits les plus simples croient en Jésus-Christ, tandis que ceux qui paraissent sages à leurs propres yeux viennent pour lui livrer combat, selon ces paroles: «Vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents, et vous les avez révélées aux petits» (Mt 11,25). C'est ce que l'Évangéliste veut exprimer lorsqu'il dit: «Alors des scribes et des pharisiens, qui étaient venus de Jérusalem s'approchèrent de Jésus». - S. Aug. (De l'accord des Evang., 2, 49). Saint Matthieu a disposé l'ordre de son récit de manière que ces paroles: «Alors des scribes et des pharisiens s'approchèrent», etc., servent à la fois de transition et indiquent la suite chronologique des événements.

S. Chrys. (hom. 52). L'Évangéliste nous marque ici le temps pour dévoiler l'excès de leur méchanceté sans égale, car ils choisissent pour l'attaquer le moment où il vient de faire une multitude de miracles et de guérir les malades par le seul contact de la frange de sa robe. Ces scribes, ces pharisiens viennent de Jérusalem; ce n'est pas qu'ils ne fussent disséminés dans toutes les tribus, mais ceux qui habitaient la métropole étaient pires que les autres à cause des grands honneurs qui leur étaient rendus et de l'orgueil excessif qui en était la suite. - Remi. Ils sont doublement coupables, parce qu'ils venaient de Jérusalem, la ville sainte, et parce qu'ils étaient les anciens du peuple et les docteurs de la loi et que leur intention n'était pas de consulter le Sauveur, mais de trouver à le reprendre: «Et ils lui dirent: Pourquoi vos disciples violent-ils la tradition des anciens ?» - S. Jér. Étonnante folie des pharisiens et des scribes ! Ils reprochent au Fils de Dieu de ne point garder les traditions et les préceptes des hommes. - S. Chrys. (hom. 54). Voyez comme ils sont pris dans leurs propres paroles: ils ne demandent point: pourquoi transgressent-ils la loi de Moïse, mais: pourquoi violent-ils les traditions des anciens? Preuve évidente que les prêtres introduisaient un grand nombre de nouveautés, malgré cette défense de Moïse: «Vous n'ajouterez rien aux paroles que je vous dis aujourd'hui et vous n'en retrancherez rien» (Dt 4,2). C'est alors qu'ils devaient s'affranchir de ces pratiques, qu'ils se liaient par un plus grand nombre de vaines observances, parce qu'ils craignaient qu'on ne vînt leur enlever l'autorité souveraine, et qu'ils voulaient se rendre redoutables en leur qualité de législateurs.

Remi. - Quelles étaient ces traditions? Saint Marc nous l'apprend: «Les pharisiens et tous les Juifs ne mangent point qu'ils ne se lavent fréquemment les mains» (Mc 7,3-4). Voilà pourquoi ils adressent ce reproche aux disciples de Jésus: «Ils ne lavent pas leurs mains». - Bède. (sur S. Matth). Comme ils entendaient les paroles des prophètes dans un sens charnel, ils n'observaient ce précepte que Dieu donne par Isaïe: «Lavez-vous et soyez purs» (Is 1,16) qu'en lavant leurs corps, et ils avaient donc établi qu'on ne pouvait manger qu'après s'être lavé les mains. - S. Jér. On doit se laver les mains, c'est-à-dire purifier les oeuvres non du corps, mais de l'âme, pour qu'elles puissent accomplir la parole de Dieu. - S. Chrys. (hom. 52). Les disciples mangeaient sans s'être lavé les mains, parce qu'ils rejetaient les observances superflues pour ne s'attacher qu'au nécessaire; ils ne se croyaient obligés ni à se laver, ni à ne se pas laver les mains, et ils pratiquaient l'un et l'autre suivant les occasions. Car, comment auraient-ils pu attacher de l'importance à une semblable tradition, eux qui n'avaient même aucun souci de la nourriture qui leur était nécessaire? - Remi. Ou bien ce que les pharisiens reprochent aux disciples du Seigneur n'est pas de manquer à l'usage reçu de se laver les mains lorsqu'il en est besoin, mais de ne pas observer ici les coutumes inutiles, introduites par les traditions des anciens (cf. Mc 7,8).

S. Chrys. (hom. 52). Jésus-Christ n'excuse pas directement ses disciples; mais, prenant le rôle d'accusateur, il fait voir aux scribes et aux pharisiens que ce n'est pas à ceux qui se rendent coupables de fautes énormes qu'il appartient de reprendre les fautes légères que peuvent commettre les autres. Mais il leur répondit: «Pourquoi vous-mêmes violez-vous le commandement de Dieu ?» etc. Il ne dit pas que ses disciples font bien pour ne pas donner aux Juifs occasion de les calomnier; mais il ne les blâme pas non plus, pour ne point paraître approuver leurs traditions. Il n'accuse pas non plus les anciens, ce qu'ils auraient repoussé comme un outrage, mais il reprend ceux qui sont venus le trouver, tout en blâmant indirectement les anciens qui avaient établi cette tradition. «Et vous, pourquoi violez-vous les commandements de Dieu pour votre tradition ?» - S. Jér. C'est-à-dire: Comment, vous violez les Commandements de Dieu pour une tradition tout humaine, et vous reprochez à mes disciples d'attacher peu d'importance aux prescriptions des anciens pour observer les commandements de Dieu? Car Dieu a fait ce commandement: «Honore ton père et ta mère». Cet honneur dont parle l'Écriture consiste moins en marques de déférence, de respect, que dans l'assistance et dans les secours effectifs qu'on leur donne: «Honorez les veuves qui sont vraiment veuves», dit saint Paul (1Tm 5,3), honneur qu'il faut entendre des secours qui leur sont donnés. Dieu, en faisant ce commandement, avait eu en vue les infirmités, l'âge ou l'indigence des parents, et voulait que les enfants honorassent leurs parents en leur procurant les choses nécessaires à la vie (cf. Ex 20,12 Dt 5,16 Si 3,1-16). - S. Chrys. (hom. 52). Dieu a voulu montrer combien les parents devaient être honorés par leurs enfants, en sanctionnant ce précepte par la récompense et par le châtiment. Mais Notre-Seigneur, passant sous silence la récompense promise à ceux qui honorent leurs parents, c'est-à-dire une longue vie sur la terre, s'arrête de préférence à ce qui est de nature à les effrayer, c'est-à-dire au châtiment, pour inspirer une vive crainte aux uns et convertir les autres. C'est pour cela qu'il ajoute: «Que celui qui aura outragé son père ou sa mère soit puni de mort». Il leur prouve par là qu'ils sont vraiment dignes de mort; car si celui qui outrage de paroles son père ou sa mère est puni de mort, combien plus méritez-vous ce châtiment, vous qui les outragez par vos actions. Et non seulement vous manquez à l'honneur qui est dû à vos parents, mais encore vous enseignez aux autres à le leur refuser. Comment donc osez-vous accuser mes disciples, vous qui ne méritez pas même de vivre ?

Notre-Seigneur leur fait connaître la manière dont ils violent ce commandement de Dieu, en ajoutant: «Mais vous, vous dites: Quiconque aura dit à son père ou à sa mère: Tout don que j'offre de mon bien, tourne à votre profit». - S. Jér. Les scribes et les pharisiens, voulant détruire cette loi divine et providentielle, pour couvrir leur impiété sous l'apparence de la religion, enseignèrent aux enfants dénaturés que s'ils avaient l'intention de consacrer à Dieu, qui est le Père véritable, ce qui était destiné à leurs parents, ils devaient préférer ce sacrifice aux secours que leur père et leur mère avaient droit d'attendre d'eux. - La Glose. Voici donc le sens de ces paroles: Ce que j'offre à Dieu vous servira aussi bien qu'à moi; vous ne devez donc pas prendre pour votre usage ce qui m'appartient, mais permet que je l'offre à Dieu. - S. Jér. Ou bien il est probable que les parents, dans la crainte d'encourir le crime de sacrilège, n'osaient prendre ce qu'ils voyaient consacré à Dieu, et qu'ils étaient réduits à la dernière pauvreté; il arrivait ainsi que l'offrande faite par les enfants sous le prétexte du temple et de Dieu, tournait au profit des prêtres. La Glose. Le sens serait donc celui-ci: Quiconque, c'est-à-dire dire vous, jeunes gens, qui aura dit (ou qui aura pu dire, ou qui dira) à son père ou à sa mère: Mon père, le don que j'offre à Dieu de mon bien, tournera à votre profit, servira à votre usage; c'est-à-dire vous ne devez pas le prendre, pour ne pas vous rendre coupable de sacrilège. Ou bien encore, on peut dire, en suppléant à ce qui manque: Quiconque dira à son père, etc., sous-entendez, accomplira le commandement de Dieu, ou accomplira la loi, ou sera digne de la vie éternelle. - S. Jér. On peut encore donner cette explication abrégée: Vous forcez les enfants de dire à leurs parents: Le don que j'allais offrir à Dieu, je l'emploie par là même à votre entretien, et il tourne à votre profit, mon père et ma mère; mais non, il n'en est pas ainsi. - La Glose. Et c'est ainsi que par suite des conseils que lui aura donnés votre avarice, ce fils n'aura aucun respect pour son père et sa mère, comme il le dit en propres termes: Et il n'honorera ni son père ni sa mère», comme s'il disait: Voila les mauvais conseils que vous donnez aux enfants, et vous êtes cause que ce fils, plus tard, ne rendra ni à son père ni à sa mère l'honneur qu'il leur doit. C'est ainsi que ce commandement de Dieu qui fait un devoir aux enfants d'assister leurs parents, vous l'avez rendu inutile à cause de votre tradition en servant les intérêts de votre avarice. - S. Aug. (contre l'ennemi de la loi et des prophètes, 2, 1) Jésus-Christ nous montre ainsi avec évidence, que c'est la loi de Dieu même dont l'hérétique fait l'objet de ses blasphèmes, et que les Juifs ont des traditions étrangères aux livres prophétiques, et que l'Apôtre appelle des fables profanes et des contes de vieilles femmes (1Tm 4,7). - S. Aug. (cont. Faust., 16, 24). Notre-Seigneur nous enseigne ici plusieurs choses, d'abord qu'il ne détournait pas les Juifs du Dieu qu'ils adoraient; et que bien loin de violer lui-même ses commandements, il condamnait ceux qui se rendaient coupables de cette transgression, et qu'enfin ce n'était que par Moïse qu'il avait donné ces préceptes. - S. Aug. (Quest. évang., 1, 15). Ou bien dans un autre sens: «Le présent que j'offre de mon bien tournera à votre profit», c'est-à-dire: Le présent que vous offrez pour moi, vous appartiendra désormais; paroles qui signifient que les enfants n'avaient plus besoin des sacrifices que leurs parents offraient pour eux, lorsqu'ils étaient arrivés à l'âge où ils pouvaient les offrir eux-mêmes. Parvenus à cet âge, où ils pouvaient tenir ce langage à leurs parents, les pharisiens niaient qu'ils fussent coupables de manquer à l'honneur qu'ils leur devaient.



Catena Aurea 4422