Catena Aurea 5145

vv. 45, 46

5145 Mt 21,45-46

S. Jér. Quoique le coeur des Juifs fût endurci par l'incrédulité, ils comprenaient cependant que toutes ces paroles du Sauveur étaient dirigées contre eux. «Et les princes des prêtres, ayant entendu», etc. - S. Chrys. (sur S. Matth). Telle est la différence des hommes de bien d'avec les méchants: l'homme de bien qui est surpris en faute s'afflige, parce qu'il a péché; le méchant, au contraire, est furieux, non pas d'avoir péché, mais de voir son péché découvert; et non seulement il n'en fait pas pénitence, mais il n'en devient que plus irrité contre celui qui l'a repris de son crime. Et c'est pour cela que les princes des prêtres, surpris dans leur malice, n'en deviennent que plus ardents pour le mal. «Et voulant se saisir de lui, ils craignirent la foule, parce qu'elle le regardait comme un prophète». - Orig. Les idées du peuple sur Jésus-Christ, qu'il regarde comme un prophète, ont quelque chose de conforme à la vérité; mais il ne comprend pas sa grandeur en tant qu'il est Fils de Dieu. Or, les princes des prêtres craignent le peuple, parce qu'il a de Jésus-Christ cette opinion, et qu'il est disposé à le défendre, car eux-mêmes ne peuvent s'élever jusque là, et ne se forment aucune idée convenable du Sauveur. Il faut, du reste, savoir qu'il y a différentes manières de s'emparer de Jésus. Les princes des prêtres et les pharisiens voulaient se saisir de lui, mais d'une autre manière que l'Épouse des cantiques lorsqu'elle dit: «Je l'ai saisi, et ne le laisserai point aller», et lorsqu'elle doit le retenir encore plus fortement, comme elle l'exprime plus loin: «Je monterai sur le palmier et je saisirai ses rameaux élevés». Tous ceux qui n'ont pas d'idées justes sur la divinité du Christ veulent s'emparer de Jésus pour le perdre. Quant aux autres paroles différentes de la parole du Christ, il est possible de les saisir, de s'en emparer; mais pour la parole de vérité, personne ne peut ni la saisir, c'est-à-dire la comprendre, ni s'en emparer, c'est-à-dire l'enchaîner, ni l'arracher de l'esprit des fidèles, ni la faire mourir, c'est-à-dire la détruire. - S. Chrys. (sur S. Matth). Tout homme livré au mal, à ne consulter que sa volonté, porte la main sur Dieu et le met à mort; car celui qui foule aux pieds les commandements de Dieu, celui qui murmure contre Dieu, celui qui lance vers le ciel des regards de colère, ne s'emparerait-il pas de Dieu, s'il le pouvait, pour s'en défaire et pécher en toute liberté? - Rab. Et cependant nous voyons tous les jours se renouveler cette crainte de ceux qui appréhendent de se saisir de Jésus, lorsqu'un chrétien, qui ne l'est que de nom, n'ose, par un sentiment de honte, ou parce qu'il craint les gens de bien qui l'entourent, attaquer l'unité de la foi et de la paix qu'il déteste dans son coeur.


CHAPITRE XXII


vv. 1-14

5201 Mt 22,1-14

S. Chrys. (hom. 69). Jésus venait de déclarer que la vigne du Seigneur serait confiée à une nation qui lui ferait produire des fruits; il fait ici connaître quelle serait cette nation: «Et Jésus, répondant», etc. - La Glose. L'Évangéliste se sert de l'expression «répondant» pour montrer que Jésus allait au-devant de la pensée criminelle qu'ils avaient de le mettre à mort (Jn 11,45-54). - S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 71). Saint Matthieu est le seul qui raconte cette parabole; nous trouvons bien dans saint Luc une parabole analogue, mais ce n'est pas la même, comme le prouve la suite du récit. - S. Grég. (hom. 38). Ces noces représentent l'Église de la terre, et le souper dont il est question dans saint Luc, le festin éternel qui doit avoir lieu à la fin des temps; car plusieurs de ceux qui entrent dans la salle des noces doivent en sortir, mais aucun de ceux qui seront admis à ce festin n'en sera exclu. Si l'on veut soutenir cependant qu'il s'agit du même fait dans les deux Évangélistes, il faudra dire que saint Matthieu seul a parlé de celui qui fut renvoyé pour être entré sans la robe nuptiale. Que l'un, d'ailleurs, donne le nom de souper à ce que l'autre appelle dîner, ce n'est pas une difficulté; car comme les anciens dînaient à la neuvième heure, le dîner s'appelait aussi cène ou souper.

Orig. (traité 20 sur S. Matth). Le royaume des cieux est semblable à un homme qui est roi, si l'on considère celui qui règne; et fils de roi, si nous considérons celui qui partage son pouvoir; si notre attention se porte sur ce qui compose son royaume, il est semblable aux serviteurs et à ceux qui sont invités à la noce, parmi lesquels il faut compter l'armée du roi. Il ajoute: «A un homme roi», parce qu'il veut parler aux hommes un langage humain, et gouverner comme homme ceux qui ne veulent point du gouvernement de Dieu. Mais le royaume de Dieu cessera d'être semblable à un homme lorsqu'il n'y aura plus ni envie, ni esprit d'opposition, en un mot, ni passions, ni péchés, que nous aurons cessé de nous conduire d'après les inspirations de la nature, et que nous verrons Dieu tel qu'il est; car nous ne le voyons pas maintenant tel qu'il est, mais tel qu'il a daigné se faire pour notre salut.

S. Grég. (hom. 38). Dieu le Père a célébré les noces de Dieu son Fils lorsqu'il l'a uni à la nature humaine dans le sein d'une vierge; mais gardons-nous de croire, parce que toute union conjugale suppose deux personnes, que la personne du Rédempteur a été formée par l'union de deux personnalités distinctes. Nous disons que la personne de Jésus-Christ est composée de deux natures, et qu'il existe en deux natures, mais nous évitons comme un crime de dire qu'il y avait en lui deux personnes. Nous sommes certains d'éviter toute erreur en disant que ce Père, qui est roi, a fait des noces à son Fils qui est également roi, en l'unissant par le mystère de l'incarnation à la sainte Église, et ce fut le sein de la Vierge qui fut le lit nuptial de ce divin époux. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien, dans un autre sens, lorsque la résurrection des saints sera consommée, alors la vie, qui est le Christ, s'unira intimement à l'homme en absorbant dans son immortalité tout ce qu'il a de mortel (1Co 15,54). Maintenant nous avons déjà reçu l'Esprit saint comme les arrhes de cette union future, mais alors nous recevrons Jésus-Christ lui-même dans toute sa plénitude. - Orig. Ou bien, par cette union de l'époux avec l'épouse, c'est-à-dire de Jésus-Christ avec l'âme fidèle, vous pouvez entendre la parole de Dieu qui est reçue dans l'âme, et par l'enfantement, les bonnes oeuvres. - S. Hil. Nous avons raison de considérer ces noces comme étant accomplies déjà par le Père; car cette société, qui doit durer éternellement, et cette union avec un corps nouveau, ont déjà reçu leur parfait accomplissement en Jésus-Christ.

«Et il envoya ses serviteurs pour appeler aux noces ceux qui y étaient conviés, mais ils refusèrent d'y venir», - S. Chrys. (sur S. Matth). Vous voyez donc qu'ils étaient déjà invités lors qu'il envoya ses serviteurs; car Dieu avait invité les hommes dès le temps d'Abraham, à qui l'incarnation du Christ était promise. - S. Jér. «Il envoya son serviteur». Ce fut probablement Moïse, par qui Dieu donna la loi à ceux qui étaient invités. Si nous lisons: «Ses serviteurs» au pluriel, comme le portent la plupart des exemplaires, nous devrons entendre cette expression des prophètes; car ceux qu'ils invitèrent ne répondirent point à leur invitation. «Et il envoya de nouveau d'autres serviteurs, en leur disant: Dites aux invités». Si le mot serviteur est au singulier, il est plus naturel de voir dans ceux qui ont été envoyés une seconde fois les prophètes que les Apôtres. Si, au contraire, nous lisons «ses serviteurs» au pluriel, ces serviteurs envoyés la seconde fois sont nécessairement les Apôtres. - S. Chrys. (sur S. Matth). Le Seigneur les envoya lorsqu'il leur dit: «Vous n'irez pas dans la voie des nations; mais allez plutôt vers les brebis égarées de la maison d'Israël». Orig. Ou bien ces serviteurs qui sont envoyés pour appeler aux noces ceux qui étaient invités, sont les prophètes qui par leurs prophéties en convertirent un grand nombre parmi le peuple à la joie de voir l'Église rentrer sous la possession du Christ. Ceux qui, parmi ces premiers invités, refusèrent de venir, sont ceux qui ne voulaient pas écouter les paroles des prophètes. Les serviteurs qui furent envoyés une seconde fois sont un nouveau choix de prophètes. - S. Hil. Ou bien, les serviteurs envoyés en premier lieu vers les invités sont les Apôtres; ceux qu'ils appellent à répondre à l'invitation qui leur a été faite, c'est le peuple d'Israël; car il a été appelé par la loi à la gloire de l'éternité. Or, le but de la mission des Apôtres était d'avertir ceux que les prophètes avaient invités. Quant à ceux qui sont envoyés de nouveau pour intimer l'ordre positif de répondre à cette invitation, ce sont les hommes apostoliques qui ont succédé aux Apôtres.

S. Grég. (hom. 38). Mais, ceux qui ont été invités en premier lieu ayant refusé de venir au festin des noces, le roi fait dire dans la seconde invitation: «Mon festin est préparé». - Rab. Ce festin préparé, ces boeufs et tous ces animaux engraissés sont une figure des richesses de ce roi, destinée à nous faire comprendre les biens spirituels sous le voile des objets matériels; ou bien on peut y voir la grandeur des vérités divines, et la doctrine toute pleine de la loi de Dieu. - S. Chrys. (sur S. Matth). Lorsque Notre-Seigneur dit à ses disciples: «Allez et prêchez, en disant que le royaume des cieux est proche», il ne leur donne pas d'autre mission que par ces paroles: «Dites que j'ai préparé mon festin, c'est-à-dire j'ai couvert les tables des Écritures des mets de la loi et des prophètes. «Mes boeufs» - S. Grég. (hom. 38). Les boeufs représentent les patriarches de l'Ancien Testament, à qui la loi permettait de frapper leurs ennemis à l'aide de la force matérielle (Dt 33,17); le mot latin altilia signifie les animaux qu'on engraisse, on les appelle en latin altilia ou quasi alita, du verbe alere, nourrir. Or, ces animaux engraissés figurent les patriarches du Nouveau Testament qui, nourris de l'abondance des douceurs intérieures, élèvent leurs désirs de la terre au ciel sur les ailes de la contemplation intérieure. Ces paroles: «J'ai fait tuer mes boeufs et les animaux que j'avais fait engraisser», reviennent à celles-ci: «Considérez la mort des patriarches qui vous ont précédés, et pensez aux moyens qui peuvent préserver votre vie». - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien, selon un autre sens, il dit: «Les boeufs et les animaux que j'ai fait engraisser», non pas que les boeufs n'eussent été eux-mêmes engraissés, mais parce que tous les animaux qui étaient engraissés n'étaient pas des boeufs. Ces animaux engraissés représentent donc les prophètes qui furent remplis de l'Esprit saint, et les boeufs, ceux qui furent à la fois prophètes et prêtres; car de même que les boeufs marchent à la tête du troupeau, ainsi les prêtres sont les chefs et les guides du peuple de Dieu. - S. Hil. Ou bien encore, les boeufs sont la glorieuse phalange des martyrs qui ont été immolés à la gloire de Dieu comme des victimes de choix; les animaux engraissés sont les hommes spirituels, semblables à des oiseaux qui, nourris du pain du ciel, sont devenus capables de prendre leur essor, et de remplir les autres de la surabondance de cette nourriture divine. - S. Grég. Il faut remarquer que dans la première invitation il n'est point fait mention des boeufs ni des autres animaux qui ont été engraissés, tandis que dans la seconde invitation il est dit qu'ils sont tués et préparés, parce que, en effet, le Dieu tout-puissant, lorsque nous refusons d'écouter sa parole, a recours aux exemples pour faire disparaître toutes nos prétendues impossibilités, et nous rendre faciles les difficultés qui nous paraissent insurmontables par l'exemple de ceux qui en ont triomphé avant nous. - Orig. Ou bien encore, comme ce festin qui est préparé c'est la parole de Dieu, on peut dire que les boeufs sont les parties les plus fortes de la prédication de l'Évangile, et les animaux engraissés celles où règne la douceur et l'onction. Lorsqu'un discours sur une matière quelconque, manque de corps et de solidité, nous disons qu'il est maigre; les discours substantiels, au contraire, sont ceux où chaque proposition se trouve appuyée d'un grand nombre de preuves et d'exemples. C'est ainsi que nous comparons avec raison à la tourterelle le discours de celui qui traite de la chasteté; mais si son discours sur cette vertu surabonde de preuves de raison et de témoignages de l'Écriture, qui plaisent à l'esprit des auditeurs en même temps qu'ils l'instruisent, il devient semblable à ces animaux engraissés.

S. Chrys. (sur S. Matth). Ces paroles: B«Le festin est préparé», signifient que tout ce qui doit contribuer à notre salut se trouve contenu et préparé dans les Écritures. C'est là, en effet, que l'ignorant trouve l'instruction dont il a besoin; le rebelle, des motifs de crainte; et celui qui est dans la peine, des promesses qui l'encouragent à supporter le travail et l'épreuve. - La Glose. Ou bien encore, tout est prêt, c'est-à-dire la porte du royaume, fermée jusqu'alors, est ouverte par la foi en mon incarnation. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien enfin, tout ce qui a rapport au mystère de la passion du Seigneur et à notre résurrection, est préparé. Il dit: «Venez aux noces», non pas en marchant extérieurement, mais par votre foi et la pureté de vos moeurs.

«Mais ils ne s'en mirent point en peine». Et quelle fut la cause de leur indifférence? La voici: «Ils s'en allèrent l'un à la maison des champs», etc. - S. Chrys. (hom. 70). Ces prétextes paraissent légitimes, mais nous devons apprendre de là que, lors même que les occupations qui nous retiennent sont nécessaires, nous devons les subordonner toutes aux choses spirituelles. Je crois cependant qu'ils avaient recours à ces prétextes pour couvrir leur négligence. - S. Hil. Les hommes sont absorbés tout entiers par les soucis de l'ambition du monde, comme cet homme par les soins de sa maison des champs, et un plus grand nombre encore sont retenus dans les embarras du commerce par le désir de l'argent. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien dans un autre sens, lorsque nous sommes appliqués à quelque travail manuel, par exemple à la culture d'un champ ou d'une vigne, ou à un travail sur le bois ou sur le fer, nous sommes comme cet homme qui travaillait à sa maison des champs; toute oeuvre, au contraire, qui tend à réaliser pour nous un gain quelconque en dehors de ces travaux manuels, porte le nom général de commerce. O monde que tu es misérable, et qu'ils sont aussi misérables ceux qui le suivent; car toujours ce sont les oeuvres du monde qui ont exclu les hommes de la véritable vie.

S. Grég. Celui donc qui, livré tout entier aux travaux de la terre, ou aux oeuvres du monde, néglige de méditer le mystère de l'incarnation et d'y conformer sa vie, est cet homme qui refuse de venir aux noces du roi, sous le prétexte d'aller à sa maison des champs où à ses affaires; et souvent, ce qui est plus grave, plusieurs de ceux qui sont appelés, non contents de rejeter la grâce qui leur est offerte, la persécutent. «Les autres se saisirent de ses serviteurs», etc. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien, par les occupations de la maison des champs, Notre-Seigneur a voulu désigner les gens du peuple parmi les Juifs que les plaisirs du monde ont éloignés de Jésus-Christ; et, par les soins du négoce, les prêtres et les autres ministres du temple qui ne se sont consacrés au ministère du sacerdoce de la loi que dans des vues toutes d'intérêt, et que l'avarice a détournés de la foi. Aussi le Sauveur ne dit point d'eux qu'ils ont répondu à cette invitation par la méchanceté, mais par la négligence. Ceux qui ont répondu par la méchanceté sont ceux qui, par haine ou par envie, ont crucifié Jésus-Christ. Quant à ceux que les préoccupations des affaires ont empêchés de croire, ils ont fait preuve de négligence, mais non de malice. Cependant le Seigneur ne parle pas ici de sa mort, parce qu'il en avait parlé dans la première parabole, mais seulement de la mort de ses disciples, à qui les Juifs firent souffrir le martyre après son ascension, c'est-à-dire d'Etienne qu'ils lapidèrent, et de Jacques, fils d'Alphée, qu'ils firent périr par le glaive, crimes qui furent la cause de la destruction de Jérusalem par les Romains. Remarquons aussi que ce n'est pas au littéral, mais dans un sens métaphorique, qu'on dit de Dieu qu'il se met en colère; la colère de Dieu, c'est l'exercice de sa justice. Voilà pourquoi il est dit: «Le roi, l'ayant appris, en fut irrité». - S. Jér. Lorsque ce roi invitait aux noces, et donnait ainsi des preuves de sa bonté, on lui donne le nom d'homme; mais maintenant qu'il en vient à l'exercice de sa justice, l'homme disparaît, et il n'est plus question que du roi. - Orig. Que ceux qui blasphèment le Dieu de la loi, des prophètes et de toute la création, nous disent si celui qui nous est présenté ici comme un homme et comme un homme irrité est le Père de Jésus-Christ. S'ils avouent qu'il l'est en effet, ils doivent reconnaître qu'on lui prête un grand nombre de sentiments propres à la nature humaine, bien qu'il n'en soit pas susceptible, mais parce qu'il veut s'accommoder à notre nature, sujette à ces impressions. C'est d'après cette explication qu'il faut entendre les sentiments de colère, de repentir et autres semblables que les prophètes prêtent à Dieu dans leurs écrits.

«Et ayant envoyé ses armées, il extermina ces meurtriers», etc. - S. Jér. Ces armées sont les armées romaines, qui, sous la conduite de Vespasien et de Tite, firent périr les Juifs, et livrèrent aux flammes leur ville prévaricatrice. - S. Chrys. (sur S. Matth). L'armée romaine est appelée ici l'armée de Dieu, parce que «c'est au Seigneur qu'appartient la terre et tout ce qu'elle renferme», et que les Romains ne seraient pas venus à Jérusalem si le Seigneur ne les y avait excités lui-même. - S. Grég. Ou bien, ce sont les légions des anges qui sont les armées de notre roi. Le Sauveur dit que le roi envoya ses troupes pour exterminer les homicides, parce qu'il se sert des anges pour exécuter tous ses jugements sur les hommes. Il fait mettre à mort ces homicides, parce que sa justice anéantit les persécuteurs; et il livre aux flammes leur cité, parce que non seulement les âmes, mais aussi les corps qu'elles ont habités, seront livrés aux flammes. - Orig. Ou bien la cité des impies est, dans l'une ou dans l'autre opinion, la réunion de ceux qui s'assemblent sous l'inspiration de la sagesse des princes de ce monde. Le roi livre cette cité aux flammes et la détruit comme un assemblage d'habitations vendues au mal.

S. Grég. Mais ce roi qui a vu mépriser ses avances ne laissera pas sans invités les noces de son fils, car la parole de Dieu a trouvé où se reposer: «Alors il dit à ses serviteurs». - Orig. C'est-à-dire aux Apôtres, ou aux anges à qui Dieu a confié la vocation des Gentils. «Le festin des noces est tout prêt». - Remi. C'est-à-dire le mystère de la réparation du genre humain est accompli et consommé. Mais ceux qui avaient été invités, c'est-à-dire les Juifs, n'en sont pas dignes; car, ne connaissant point la justice de Dieu et s'efforçant d'établir leur propre justice, ils se sont jugés eux-mêmes indignes de la vie éternelle (Rm 10,3 Ac 13,46). Or, le peuple juif ayant été ainsi réprouvé, le peuple des Gentils est invité aux noces pour le remplacer. «Allez donc, est-il dit, dans les carrefours», etc. - S. Jér. Car les Gentils n'étaient pas dans la voie, sur la route, mais dans les carrefours - Remi. Les carrefours sont une figure des erreurs des Gentils. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien, les chemins sont les diverses professions de ce monde, comme l'enseignement de la philosophie, la carrière des armes, et autres semblables. Le roi dit à ses serviteurs «Allez dans les carrefours», c'est-à-dire appelez à la foi les hommes de toute condition. De même que la chasteté est une voie qui conduit à Dieu, la fornication conduit au démon, et l'on peut raisonner de même de toutes les autres vertus et de tous les autres vices. Il leur est donc ordonné d'appeler à la foi tous les hommes, quels que soient leur condition, ou leur genre de vie. - S. Hil. On peut aussi entendre par le chemin le temps de la vie présente. Le roi ordonne donc d'aller à toutes les issues des chemins, parce que la vie éternelle se donne à tous comme dans un ordre inverse. - S. Grég. Ou bien encore, la sainte Écriture prenant ordinairement les voies pour les oeuvres, nous pouvons entendre par les carrefours le défaut et l'absence des oeuvres; car bien souvent ceux qui reviennent à Dieu sont ceux qui n'ont point réussi dans les entreprises de la terre. - Orig. Ou bien dans un autre sens, je pense que la première invitation a été adressée à certaines âmes aux sentiments plus élevés; car Dieu invite de préférence au banquet de la parole divine ceux dont l'intelligence est mieux disposée. Mais ils refusent de se rendre à son invitation; il leur envoie donc d'autres serviteurs pour faire de nouvelles instances, en leur promettant, s'ils consentent à venir, de s'asseoir au banquet que le roi leur a préparé. Il faut remarquer, en effet, que de même que dans les choses extérieures, l'épouse est différente de ceux qui invitent, et ces derniers différents de ceux qui sont invités; ainsi Dieu, qui connaît le rang qu'occupent les âmes, leurs vertus, et les motifs qui les font agir, choisit les unes comme pour en faire autant d'épouses, les autres pour convier aux noces, les autres enfin pour être du nombre de ceux qui sont invités au festin. Or, ceux qui avaient été invités de préférence à tous les autres, se mirent peu en peine de ceux qui les invitèrent, parce qu'ils étaient pauvres d'intelligence, et ils aimèrent mieux suivre leurs idées où ils trouvaient plus de charmes que dans les promesses qui leur étaient faites au nom du roi. Toutefois ils sont moins coupables que ceux qui ont chargé d'outrages et mis à mort les serviteurs qui leur étaient envoyés, c'est-à-dire qui ont embarrassé dans des difficultés et dans des disputes préparées de longue main les envoyés qui n'étaient point prêts à résoudre leurs objections artificieuses, et qui les ont ensuite accablés d'injures et quelquefois mis à mort.

«Et ses serviteurs, s'en allant par les rues, assemblèrent», etc. - Orig. Ces serviteurs sont ou les Apôtres qui sortent de Jérusalem et de la Judée, ou les anges qui viennent des profondeurs des cieux. Ils se répandent dans tous les chemins, figure des divers genres de vie, et ils assemblent tous ceux qu'ils trouvèrent, sans se préoccuper s'ils étaient bons ou mauvais avant leur vocation. Par les bons, nous pouvons entendre simplement ceux qui ont embrassé le culte du vrai Dieu en toute humilité et en toute droiture, et à qui s'appliquent ces paroles de l'Apôtre: «Lorsque les Gentils, qui n'ont pas reçu la loi, font naturellement ce que la loi commande, sans avoir la loi, ils sont à eux-mêmes la loi». - S. Jér. Parmi les infidèles eux-mêmes, il y a une variété infinie, car les uns ont un penchant plus déclaré pour le vice, tandis que les autres, par la pureté de leurs moeurs, semblent acquis par avance à la vertu. - S. Grég. Ou bien le Sauveur s'exprime ainsi, parce que dans l'Église de la terre les méchants sont nécessairement mêlés aux bons, et les bons aux méchants. Or, on ne peut se flatter d'être bon lorsqu'on ne veut point tolérer les méchants.

«Et la salle des noces fut remplie». - Orig. Les noces, c'est-à-dire celles du Christ et de son Église, furent au complet lorsque les Apôtres rappelèrent à Dieu tous ceux qu'ils trouvèrent, et les firent asseoir au banquet nuptial. Mais comme il avait fallu appeler indistinctement les bons et les mauvais, non pas sans doute que les méchants dussent rester méchants, mais pour leur faire échanger contre les vêtements indignes de la solennité des noces, la robe nuptiale (c'est-à-dire les entrailles de miséricorde, de bonté), etc. (Col 3,12). Le roi entre, pour voir ceux qui étaient réunis dans la salle du festin, avant que le repas soit servi, pour retenir ceux qui ont l'habit nuptial qui lui est si agréable, et renvoyer ceux qui ne le portent pas. «Le roi entra ensuite pour voir ceux qui étaient à table». - S. Chrys. (sur S. Matth). Ce n'est pas que Dieu ne soit présent partout, mais nous disons qu'il est présent spécialement là où il fait sentir l'action de son jugement, taudis qu'il paraît absent des lieux où il ne l'exerce pas pour le moment. Or, le jour de la visite est le jour du jugement où il visitera les chrétiens qui sont assis au banquet des Écritures.

Orig. En entrant, il découvrit un homme qui n'avait pas changé de vie, ce que le Sauveur exprime en disant: «Et il aperçut un homme qui n'était point revêtu de la robe nuptiale». Il ne parle que d'un seul au singulier, parce que tous ceux qui, après avoir embrassé la foi, persévèrent dans la vie mauvaise qu'ils menaient avant leur baptême, sont tous de la même espèce. - S. Grég. Or, que devons-nous entendre par le vêtement nuptial, si ce n'est la charité dont Notre-Seigneur était rempli lorsqu'il vint célébrer son union avec l'Église par des noces toutes divines? Celui donc qui vient aux noces sans la robe nuptiale, c'est celui qui fait partie de l'Église par la foi sans avoir la charité. - S. Aug. (contre Faust, 28, 19). Ou bien, celui qui vient aux noces sans le vêtement nuptial, c'est celui qui cherche, non la gloire de l'époux, mais la sienne propre. - S. Hil. (can. 22). Ou bien, le vêtement nuptial c'est la grâce de l'Esprit et la blancheur du vêtement céleste que nous avons reçu après profession de foi parfaite, et qu'il nous faut conserver sans tache sans souillure jusqu'au jour de la grande réunion dans le royaume des cieux. - S. Jér. Ou bien encore, le vêtement nuptial, ce sont les préceptes du Seigneur et les oeuvres conformes à la loi et à l'Évangile, et qui deviennent comme le vêtement du nouvel homme. Or, tout homme qui porte le nom de chrétien et qui au jour du jugement sera trouvé sans ce vêtement nuptial, sera aussitôt repris: «Et il lui dit: Mon ami, comment êtes-vous entré ici sans avoir le vêtement nuptial ?» Il lui donne le nom d'ami, parce qu'il a été invité aux noces (il est comme ami par la foi); mais il lui reproche son impudence de déshonorer, par des vêtements souillés, l'éclat de la solennité nuptiale. - Orig. Et comme tout homme qui pèche et ne se revêt pas de Notre-Seigneur Jésus-Christ est sans excuse, il est dit de cet homme: «Et il demeura muet». - S. Jér. Car il n'y aura plus alors de place ni pour l'audace effrontée, ni pour les dénégations impudentes, alors que tous les anges et le monde entier seront autant de témoins contre les pécheurs.

Orig. Non seulement celui qui avait fait cet outrage à la solennité des noces en fut honteusement chassé, mais les gens du roi qui avaient le soin des prisons le chargèrent de chaînes, et le privèrent de l'usage de ses pieds dont il ne s'était point servi pour marcher dans la voie du bien, et de l'usage de ses mains qui n'avaient fait aucune bonne oeuvre, et il fut condamné à être jeté dans un lieu obscur appelé ténèbres extérieures. «Alors le roi dit à ses serviteurs: Liez-lui les mains et les pieds, et jetez-le dans les ténèbres extérieures». - S. Grég. La sévérité de la sentence divine lie les pieds et les mains de ceux que leurs mauvaises actions tenaient déjà captifs, et qui n'ont point voulu changer de vie; ou bien ceux que leurs fautes ont enchaînés et empêchés de faire le bien sont alors enchaînés par le châtiment qui leur est infligé.

S. Aug. (de la Trin., 6). Les embarras inextricables, qui naissent d'une volonté perverse et dépravée, sont comme les liens qui enchaînent celui qui mérite, par ses oeuvres, d'être jeté dans les ténèbres extérieures.

S. Grég. Nous appelons ténèbres intérieures l'aveuglement du coeur, et ténèbres extérieures la nuit éternelle de la damnation. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien le Sauveur veut par là marquer la différence des tourments que souffriront les pécheurs; car il y a en premier lieu les ténèbres moins fortes, puis les ténèbres extérieures, et enfin les abîmes couverts d'une nuit profonde.

«Là il y aura des pleurs et des grincements de dents». - S. Jér. Ces pleurs et ces grincements de dents sont une figure empruntée aux souffrances du corps, pour nous montrer la grandeur des supplices de l'enfer; les mains et les pieds liés, aussi bien que les pleurs et les grincements de dents, sont pour nous une preuve de la vérité de la résurrection. - S. Grég. Par un juste jugement, ceux-là grincent des dents qui mettaient ici-bas toute leur joie dans les plaisir de la table; ceux-là versent des larmes, dont les yeux se repaissaient de convoitises criminelles, et c'est ainsi que tous les membres du corps sont soumis à autant de supplices qu'ils étaient esclaves ici-bas de vices différents.

S. Jér. Et comme dans un festin nuptial ce n'est pas le commencement, mais la fin, que l'on recherche, il ajoute: «Car il y en a beaucoup d'appelés, mais peu d'élus». - S. Hil. Dans l'invitation qui est adressée à tous sans exception, il faut voir la preuve de cette bonté qui voudrait embrasser tous les hommes; dans ceux qui répondent à cette invitation ou à cet appel, nous devons reconnaître le choix plein de justice qui suit l'appréciation des mérites. - S. Grég. Car il en est qui n'essaient même pas de faire le bien, et il en est d'autres qui ne savent persévérer dans le bien qu'ils ont commencé. Que chacun de nous ait donc d'autant plus de sollicitude et de crainte, qu'il ignore ce qui lui reste encore à faire. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien dans un autre sens, Dieu entre pour voir quels sont les invités, toutes les fois qu'il éprouve son Église, et s'il s'en trouve un parmi eux qui n'ait point la robe nuptiale, il lui fait cette question: «Pourquoi avez-vous embrassé le christianisme, si vous aimez encore de telles oeuvres ?» Jésus-Christ le livre donc à ses serviteurs, c'est-à-dire à des maîtres de séduction, et ils lui lient les mains, c'est-à-dire les oeuvres, et les pieds, c'est-à-dire les mouvements de l'âme, et ils le précipitent dans les ténèbres, c'est-à-dire dans les erreurs soit des Gentils, soit des Juifs, soit des hérétiques. En effet, les ténèbres des Gentils sont plus rapprochées, car ils n'ont jamais entendu parler de la vérité qu'ils méprisent; les ténèbres des Juifs sont extérieures, parce qu'ils n'ont pas cru à la vérité qui leur était annoncée; mais les ténèbres des hérétiques sont bien plus extérieures, parce qu'ils persécutent la vérité qu'ils ont connue et professée.


vv. 15-22

5215 Mt 22,15-22

S. Chrys. (sur S. Matth). De même que si l'on veut opposer une digue à un ruisseau d'eau courante, cette eau, contrariée par cet obstacle, cherche à se frayer un autre lit, ainsi la malignité des Juifs, confondue d'un côté, revient à la charge par une autre voie. «Alors les pharisiens s'étant retirés», etc. Ils vont donc trouver les hérodiens. Tel le conseil, tels sont les conseillers. «Et ils envoient leurs disciples avec des hérodiens lui dire: Maître, nous savons que vous êtes véritable et que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité». - La Glose. Ils viennent avec les hérodiens comme avec des gens inconnus pour le tromper plus facilement et le surprendre dans ses discours; car ils craignaient trop le peuple pour oser le faire par eux-mêmes. - S. Jér. La Judée, qui avait été récemment soumise à la puissance romaine sous César Auguste, en était devenue tributaire depuis le recensement général de l'empire. Il y avait donc grande division parmi le peuple: les uns disaient qu'il fallait payer le tribut aux Romains, parce qu'ils portaient les armes pour la défense de la Judée, et pour assurer la paix et la sûreté générale; les pharisiens, au contraire, qui se complaisaient dans leur justice, s'efforçaient de persuader que le peuple de Dieu, qui d'ailleurs payait la dîme, les prémices et les autres tributs marqués par la loi, ne devait pas être soumis à des lois humaines. Or, César Auguste avait établi pour roi des Juifs Hérode, fils d'Antipater, qui était un étranger et un prosélyte, pour diriger la perception de l'impôt, et gouverner la Judée sous la dépendance de l'empire. Les pharisiens envoient donc leurs disciples avec les hérodiens, c'est-à-dire avec les soldats d'Hérode, dont ils se moquaient, parce qu'ils payaient le tribut aux Romains, et qu'ils appelaient par mépris hérodiens et gens étrangers au culte du vrai Dieu. - S. Chrys. (hom. 70). Ils envoient leurs disciples conjointement avec les soldats d'Hérode, pour censurer ses paroles quelles qu'elles pourraient être. Mais ils désiraient surtout qu'il se prononçât contre les hérodiens; car comme ils n'osaient se saisir de lui par la crainte qu'ils avaient du peuple, ils voulurent le faire tomber dans le piège en le forçant de déclarer qu'il était soumis à l'impôt public.

S. Chrys. (sur S. Matth). Le premier artifice des hypocrites, c'est de louer ceux qu'ils veulent perdre, et c'est pour cela qu'ils commencent par cet éloge: «Maître, nous savons que vous êtes vrai», etc. Ils l'appellent maître dans l'espérance que, sensible à cet honneur et à cette louange, il leur ouvrira simplement les secrets de son coeur par le désir de se les attacher comme disciples.

La Glose. Il peut arriver qu'un homme dissimule la vérité de trois manières: premièrement par une raison personnelle à celui qui enseigne, s'il ne connaît pas ou s'il n'aime pas la vérité, et c'est contre cette supposition qu'ils s'élèvent en disant: «Nous savons que vous êtes vrai»; secondement par une raison tirée de Dieu, lorsque des hommes, perdant la crainte de Dieu, n'annoncent pas dans toute sa pureté la vérité qu'ils connaissent, et ils reconnaissent le contraire en Jésus-Christ: «Et vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité; troisièmement par une raison tirée du prochain, lorsque, par crainte ou par affection, on n'ose lui dire la vérité, et ils protestent encore contre cette dernière supposition en lui disant: «Et vous n'avez égard à qui que ce soit, car vous ne considérez point la personne dans les hommes. - S. Chrys. (hom. 70). Par ces dernières paroles, ils désignaient vaguement Hérode et César. - S. Jér. Cette question si flatteuse, mais pleine de fourberie, tendait à provoquer, de la part du Sauveur, cette réponse qu'il craint plus Dieu que César: «Dites-nous donc, que vous semble-t-il», etc. (Mt 17,14); car, s'il répond qu'on ne doit point payer le tribut, aussitôt les hérodiens se saisiront de lui comme coupable de révolte contre l'empereur romain. - S. Chrys. (hom. 70). Ils savaient en effet que d'autres, avant lui (Ac 5,36-37), avaient été punis de mort comme auteurs d'une pareille rébellion, et ils voulaient, par ces questions captieuses faire peser sur lui de semblables soupçons.

«Mais Jésus connaissant leur malice», etc. - S. Chrys. (sur S. Matth). Jésus ne répond pas avec douceur à leur question si pacifique et si flatteuse en apparence, mais il s'adresse à leur âme qu'inspire la cruauté, et il leur répond avec sévérité, car Dieu répond bien plutôt à la volonté qu'aux paroles. - S. Jér. La première marque qu'il leur donne de sa puissance, dans sa réponse, c'est qu'il connaît la pensée de ceux qui l'interrogent, et il les appelle, non pas ses disciples, mais hypocrites; l'hypocrite est donc celui qui veut paraître au dehors ce qu'il n'est pas. - S. Chrys. (sur S. Matth). Il les appelle hypocrites, pour les forcer de reconnaître en lui le Dieu qui pénètre le secret des coeurs et de renoncer à leurs noirs projets. Remarquez que les pharisiens ont recours à la flatterie pour arriver à perdre plus sûrement le Sauveur, tandis que Jésus les couvre de confusion pour les sauver, car la sévérité de Dieu est plus utile à l'homme que la bienveillance de ses semblables. - S. Jér. La sagesse divine agit toujours d'une manière conforme à sa nature, en permettant que ceux qui le tentent soient confondus par leurs propres paroles: «Montrez-moi la pièce d'argent qu'on donne pour le tribut, et ils lui présentèrent un denier». Cette pièce de monnaie valait six as, et elle était à l'effigie de César. Aussi Jésus leur dit: «De qui est cette image et cette inscription ?» Ceux qui pensent que les questions du Sauveur ont pour cause l'ignorance, et non pas un dessein plein de sagesse, doivent se convaincre, par le fait dont il est ici question, que Jésus pouvait parfaitement savoir à quelle effigie était frappée cette pièce de monnaie. «De César, lui dirent-ils». Il faut entendre ici par César, non pas Auguste, mais Tibère, son beau-fils, sous le règne duquel eut lieu la passion du Sauveur. Tous les empereurs romains, depuis le premier Caius-César, qui s'était rendu maître du pouvoir absolu, portaient le nom de César. «Alors Jésus leur répondit: Rendez donc à César ce qui est à César», c'est-à-dire la pièce de monnaie, le tribut, l'argent. - S. Hil. Si nous n'avons à notre disposition rien qui vienne de César, nous sommes affranchis de l'obligation de lui rendre ce qui est à lui. Mais si nous jouissons des choses placées sous son domaine, et si nous usons des droits que nous garantit son autorité, nous n'avons aucun sujet de nous plaindre de l'obligation de rendre à César ce qui est à César.

S. Chrys. (hom. 70). Lorsque vous entendez le Sauveur déclarer qu'il faut rendre à César ce qui est à César, comprenez qu'il n'a voulu parler que de ce qui ne peut nuire en rien à la religion, car, s'il en était autrement, ce ne serait plus le tribut de César, mais le tribut du démon. Pour leur ôter ensuite tout prétexte de dire: Vous nous soumettez donc tout entier à la puissance des hommes, il ajoute: «Et à Dieu ce qui est à Dieu». - S. Jér. C'est-à-dire les dîmes, les prémices, les oblations et les victimes. C'est ainsi que le Sauveur paya le tribut pour lui et pour Pierre (Mt 17,24-26), et qu'il rendit à Dieu ce qui est à Dieu en accomplissant la volonté de son Père (Jn 7). - S. Hil. (can. 23). Il faut rendre à Dieu ce qui vient de Dieu, c'est-à-dire le corps, l'âme et la volonté. La monnaie de César c'est la pièce d'or sur laquelle son image est gravée; la monnaie de Dieu c'est l'homme sur lequel Dieu a empreint son image. Donnez donc vos richesses à César, mais réservez pour Dieu seul la conscience que vous avez de votre innocence.

Orig. L'exemple du Sauveur nous apprend ici à ne pas faire attention, sous prétexte de piété, aux choses vantées par le grand nombre, et qu'il paraîtrait pour cela glorieux de suivre, mais à n'estimer que ce qui est conforme à la raison. Nous pouvons encore entendre ce passage dans un sens moral, et dire que nous devons donner à notre corps les soins qui lui sont nécessaires comme nous payons le tribut à César, mais que nous devons rendre à Dieu tous les devoirs en rapport avec la nature de nos âmes, c'est-à-dire ceux qui nous conduisent à la vertu. Ceux donc qui, dans leur enseignement, exagèrent la loi de Dieu, et ne veulent pas qu'on s'occupe des soins réclamés par le corps, sont les pharisiens, qui défendaient de payer le tribut à César; ce sont eux qui interdisent, par exemple, le mariage et l'usage des viandes que Dieu a créées (1Tm 4,3). Ceux au contraire qui prétendent que l'homme doit accorder à son corps plus qu'il ne lui est dû sont comme les hérodiens. L'intention du Sauveur est donc que ni la vertu ne souffre des soins excessifs que nous pourrions donner à notre corps, ni que notre corps ne soit mis en danger par une pratique exagérée de la vertu. Ou bien c'est le prince de ce monde (c'est-à-dire le démon) qui est appelé César, car nous ne pouvons rendre à Dieu ce qui est à Dieu avant d'avoir rendu au prince de ce monde ce qui est à lui, c'est-à-dire avant d'avoir déposé toute malice. Nous devons apprendre encore de cet exemple qu'en présence de ceux qui nous tentent, nous ne devons pas garder un silence absolu, ni leur répondre avec trop de simplicité, mais que nous devons peser notre réponse en toute prudence, pour ôter tout prétexte à ceux qui cherchent l'occasion de nous perdre, et enseigner d'une manière irrépréhensible ce qui peut conduire au salut ceux qui ont la volonté de se sauver.

S. Jér. Or ceux qui auraient dû se rendre au témoignage d'une si grande sagesse, se contentent d'admirer comment leur finesse n'a pu réussir à dresser ses pièges. «Et l'ayant entendu, ils furent remplis d'admiration, et, le laissant là, ils se retirèrent», remportant tout à la fois leur incrédulité avec leur étonnement.



Catena Aurea 5145