Catena Aurea 6331


CHAPITRE IV


vv. 1-20

6401 Mc 4,1-20

Théoph. Les dernières paroles du Sauveur sembleraient indiquer une certaine indifférence pour sa mère; cependant, il a pour elle les plus grands égards, car c'est à sa considération qu'il se dirige sur les bords de la mer. «Et il se mit de nouveau à enseigner». - Bède. Le récit de saint Matthieu prouve que ce discours que Jésus va prononcer sur le bord de la mer a eu lieu le même jour que celui qui précède, car cet Évangéliste, après avoir rapporté le premier discours, ajoute immédiatement: «Ce même jour, Jésus sortit de la maison et vint s'asseoir sur le bord de la mer». - S. Jér. Il commence à enseigner sur le bord de la mer, comme pour indiquer, par la nature du lieu qu'il choisit, l'amertume et l'inconstance de ses auditeurs. - Bède. Il sort de la maison, et continue ses enseignements sur le bord de la mer, pour figurer qu'il devait laisser la synagogue pour réunir la multitude des nations par le ministère de ses Apôtres: «Et une foule nombreuse se réunit autour de lui», etc. - S. Chrys. Le choix qu'il fait de cet emplacement n'est pas sans raison: le Sauveur voulait ne laisser personne derrière lui, il tenait à avoir tous ses auditeurs devant les yeux. - Bède. Cette barque, dans laquelle il monte, était la figure de l'Eglise, qu'il devait bâtir au milieu des nations, et dans laquelle il devait se consacrer une demeure qui lui serait chère.

«Et il leur enseignait beaucoup de choses en paraboles». - S. Jér. Une parabole est le rapprochement, au moyen d'une similitude, de choses distinctes par leur nature. En effet, le mot grec parabole signifie comparaison ; nous nous servons de paraboles lorsque nous exprimons, par des comparaisons, ce que nous voulons faire comprendre; c'est ainsi que nous disons d'un homme qu'il est de fer, quand nous voulons exprimer sa force ou sa résistance; nous le comparons aux oiseaux, au vent, si nous voulons faire ressortir son agilité. Le Sauveur, selon la conduite ordinaire de sa sagesse, se sert de paraboles pour instruire le peuple, afin que ceux qui ne pourraient atteindre les choses célestes dans leur nature pussent les comprendre à l'aide d'une comparaison empruntée aux choses de la terre. - S. Chrys. Notre-Seigneur, par la parabole, éveille l'esprit des auditeurs et les prépare à l'intelligence d'un enseignement plus clair, en plaçant, pour ainsi dire, les objets sous leurs yeux.

Théoph. Afin de rendre ses auditeurs plus attentifs, il choisit, pour sujet de sa première parabole la semence, qui n'est autre que la parole de Dieu. Il leur disait dans sa manière d'instruire (car il n'emprunte pas la manière d'enseigner de Moïse ou des prophètes, l'enseignement qu'il donne lui est propre, c'est son Évangile): Ecoutez: «Celui qui sème sortit», etc. Et c'est Jésus Christ lui-même qui est cette semence. - S. Chrys. (hom. 45 sur S. Matth). Il n'est point sorti en changeant de lieu, puisqu'il est présent dans tous les lieux et les remplit de son immensité. Cette expression signifie simplement l'économie divine, d'après laquelle, dans son Incarnation, le fils de Dieu s'est comme rapproché de nous, en se revêtant de notre chair. Nous ne pouvions aller à lui, retenus que nous étions par les liens de nos péchés; il est venu lui-même à nous; il est venu jeter la semence de son amour, qu'il a répandue avec profusion. «Celui qui sème sortit pour semer». Ne voyons pas, dans cette répétition, une redondance inutile, car le semeur sort, tantôt pour semer, tantôt pour préparer la terre à de nouvelles semailles, ou bien pour arracher les mauvaises herbes, ou enfin pour quelque autre travail de ce genre; mais Jésus-Christ est sorti pour semer. - Bède. Ou bien il sortit pour semer, c'est-à-dire qu'après avoir appelé à la foi la partie de la synagogue qu'il avait prédestinée, il alla répandre les dons de sa grâce sur les Gentils, qu'il avait également appelés à croire en lui.

S. Chrys. (Ibid). Comme celui qui sème ne fait pas de distinction entre les différentes parties du champ qu'il ensemence, mais jette partout et indistinctement le grain qu'il sème, de même Dieu fait entendre sa parole à tous sans distinction, et c'est ce que signifient ces paroles: «Et, pendant qu'il semait, une partie de la semence tomba sur la route». - Théoph. Remarquez qu'il ne dit pas que celui qui sème a jeté lui-même sa semence sur la voie, mais qu'elle y est tombée, car celui qui sème la parole sainte la répand, autant qu'il dépend de lui, dans la bonne terre; mais si cette terre est mauvaise, c'est elle-même qui altère la parole qu'elle a reçue. La voie, c'est Jésus-Christ; le long de cette voie, sont les infidèles qui sont hors de Jésus-Christ. - Bède. Ou bien, la route, c'est l'âme continuellement battue sous les pas des mauvaises pensées, qui empêchent la semence de la parole de germer en elle; aussi, tout ce qui tombe de bonne semence le long de ce chemin ne tarde pas à périr et à être enlevé par les démons. «Et les oiseaux du ciel survinrent et mangèrent la semence». Les démons sont figurés par ces oiseaux du ciel, soit à cause de leur nature spirituelle et céleste, soit parce qu'ils habitent les airs. Ou bien encore, ceux qui sont le long de la voie sont les négligents et les paresseux. «Une autre partie de la semence tomba sur un endroit pierreux». La pierre, c'est la dureté d'une âme entièrement pervertie; la terre, la douceur d'une âme obéissante; enfin, le soleil représente l'ardeur de la persécution. La profondeur de la terre qui doit recevoir la semence divine, c'est la bonté d'une âme façonnée à l'exercice des vertus chrétiennes, et formée, par une sage règle, à obéir aux enseignements divins; les endroits pierreux, qui n'ont pas la force de fixer la racine, ce sont les âmes que le charme de la parole sainte et la suavité des espérances célestes enflamment subitement, mais qui, à l'heure de la tentation, ne savent pas résister; le désir du salut est trop faible chez elles pour faire germer la parole de vie. - Théoph. Ou bien, les endroits pierreux figurent ces âmes trop légèrement attachées à la pierre, c'est-à-dire à Jésus-Christ, qui ont à peine accueilli les célestes enseignements qu'elles les repoussent et se retirent. «Et une autre partie de la semence tomba au milieu des épines». Ces épines, ce sont les âmes qui se laissent habituellement préoccuper de mille soucis, dont les épines sont la figure.

S. Chrys. (hom. 45 sur S. Matth). En dernier lieu vient la bonne terre. «Une autre partie de la semence tomba dans la bonne terre». La récolte varie suivant la qualité de la terre. Celui qui sème atteste sa bienveillance pour les hommes: il fait l'éloge des premiers, ne repousse pas les seconds et réserve une place plus avantageuse aux troisièmes. - Théoph. Que les méchants sont nombreux, et, au contraire, qu'il en est peu qui se sauvent ! le quart seulement de la semence a produit des fruits. - S. Chrys. (hom. 45 sur S. Matth). Ce n'est pas au semeur qu'il faut attribuer la perte de la plus grande partie de sa semence, mais à la terre qui l'a reçue, c'est-à-dire à l'âme qui écoute la parole de Dieu. Le laboureur qui sèmerait de cette façon ne pourrait justifier sa conduite: il sait parfaitement qu'un chemin battu, un terrain pierreux, ou couvert de ronces et d'épines, ne peut devenir fertile. Il n'en est pas ainsi de la culture spirituelle: la pierre même peut y devenir fertile; le chemin peut cesser d'être foulé aux pieds des passants, et on peut en arracher les épines. S'il n'en était pas ainsi, le divin semeur n'aurait pas répandu sa semence sur ces terrains. En le faisant, il nous a donc laissé l'espérance du pardon.

«Et il disait: Que celui-là entende, qui a des oreilles pour entendre». - Bède. Toutes les fois que nous rencontrons cet avertissement dans l'Évangile ou dans l'Apocalypse de saint Jean (Mt 11,5 Mt 12,9 Mt 12,43 Mc 7,16 Lc 8,8 Lc 14,35 Ap 2,7 Ap 2,11 Ap 2,17 Ap 2,19 Ap 3,6 Ap 3,13 Ap 3,22 Ap 13,9), nous devons comprendre qu'il y a quelque chose de mystérieux, et l'Esprit saint veut nous donner une instruction salutaire. Les oreilles pour entendre sont les oreilles intérieures de notre coeur, qui nous portent à obéir fidèlement à ce qui nous est ordonné.

«Et lorsqu'il fut seul, ses disciples l'interrogèrent, et il leur répondit: Pour vous, il vous est donné», etc. - S. Chrys. C'est-à-dire, vous qui êtes dignes d'apprendre tout ce qui doit faire la matière de la prédication, vous allez connaître le sens caché de cette parabole. Pour les autres, au contraire, je me suis servi du langage parabolique, parce que leur mauvaise volonté les rend indignes de tout autre mode d'enseignement. Rebelles à la loi qui leur a été donnée, ils ne méritent pas de comprendre l'enseignement de la loi nouvelle; ils restent étrangers à l'un et à l'autre. Il oppose l'obéissance des disciples au crime de ces hommes, qui les a rendus indignes de recevoir la céleste doctrine. Il achève enfin de confondre leur malice par le témoignage du prophète, qui les a condamnés si longtemps à l'avance. «De sorte que voyant, ils voient et ne voient point, et qu'en entendant, ils ne comprennent point» (cf. Is 6,9), paroles qui reviennent à celles-ci: «Voici l'accomplissement de cette prophétie». - Théophyl. Dieu les a créés avec la faculté de voir, c'est-à-dire de comprendre ce qui est bien; et cependant ils ne voient point, ils font tous leurs efforts pour persuader aux autres et se persuader à eux-mêmes qu'ils ne voient point, de peur d'être contraints de se convertir, et de travailler à se corriger, comme s'ils étaient jaloux de leur propre salut. «De peur que se convertissant, ils n'obtiennent le pardon de leurs péchés». - S. Chrys. Ils voient donc, et ne voient point; ils entendent et ne comprennent point. C'est à la grâce de Dieu qu'ils doivent de voir et d'entendre; mais ce qu'ils voient ils ne le comprennent point, parce qu'ils repoussent cette grâce, ils ferment leurs yeux, ils feignent de ne point voir, ils résistent à la parole sainte; ainsi, bien loin que le spectacle qu'ils ont sous les yeux et la prédication qu'ils entendent leur obtienne le changement de leur vie coupable, ils n'en deviennent au contraire que plus mauvais. - Théophyl. Ou bien ces paroles signifient que pour les autres, le Sauveur les enseignait au moyen de paraboles, afin que voyant ils ne vissent point, et qu'entendant ils ne comprissent point. Car Dieu accorde la lumière et l'intelligence à ceux qui les demandent, mais il laisse les autres dans leur aveuglement, pour ne pas avoir à châtier plus rigoureusement des hommes qui, comprenant leurs devoirs, ont refusé de les accomplir: «De peur qu'ils ne se convertissent, et que je leur pardonne leurs péchés». - S. Aug. (quest. sur l'Evang). (Quest. 14 sur St. Matth). Ou bien ce sont leurs péchés qui les ont privés du don de l'intelligence; et cependant dans un dessein de miséricorde, Dieu leur avait donné la grâce de les connaître, et d'en obtenir le pardon par une conversion sincère.

S. Jér. Les paroles et les actions du Sauveur, tout est parabole pour ceux qui sont en dehors de lui; ils ne reconnaissent sa divinité, ni dans les prodiges qu'il opère, ni dans les mystères qu'il enseigne; aussi ils ne méritent point d'obtenir la rémission de leurs péchés. - S. Chrys. Il ne leur parlait, il est vrai, qu'en paraboles, mais il ne cessait de leur faire entendre sa parole, pour nous montrer qu'il ne refuse pas d'exposer les secrets de sa doctrine à ceux qui font quelques pas vers le bien, quand même ils ne seraient pas encore établis dans le bien. Quiconque apportera à l'étude de sa doctrine un grand respect et un coeur droit, obtiendra d'en pénétrer toute la profondeur. Mais celui qui nourrit des dispositions contraires, ne méritera ni de comprendre, ni même d'entendre les vérités accessibles au plus grand nombre.

«Et il leur dit: Vous ne comprenez point cette parabole? Comment donc comprendrez-vous toutes les autres ?» - S. Jér. C'était un devoir pour ceux à qui il parlait en paraboles, de demander l'explication de ce qu'ils ne comprenaient point; et c'était de la bouche des Apôtres qu'ils méprisaient, qu'ils devaient apprendre les mystères du royaume de Dieu, qui leur étaient inconnus. - La Glose. En leur tenant ce langage, le Sauveur déclare à ses Apôtres que c'est une obligation pour eux de comprendre et cette parabole, et toutes les paraboles suivantes. Aussi leur en donne-t-il à l'instant l'explication: «Le semeur, c'est celui qui sème la parole de Dieu». - S. Chrys. (hom. 45 sur S. Matth). Un prophète avait comparé l'enseignement donné au peuple à une vigne plantée dans un champ (Is 5); Jésus-Christ le compare à une graine semée dans la terre, comme pour nous faire entendre qu'aujourd'hui la pratique de la loi est devenue plus simple et plus facile, et que les fruits ne se feront pas longtemps attendre.

Bède. Dans l'explication que le Sauveur donne lui-même de cette parabole, se trouvent comprises les diverses classes de personnes qui entendent la parole sainte, et qui cependant ne peuvent parvenir au salut. Il en est qui l'entendent sans foi, sans intelligence, sans même faire un effort pour en tirer quelque profit. C'est d'eux qu'il est dit: «Ceux qui se trouvent le long du chemin». A peine la parole sainte a-t-elle été déposée dans leur coeur, qu'elle en est enlevée par les esprits impurs, semblables aux oiseaux qui enlèvent la semence qui est tombée sur un chemin battu. D'autres reconnaissent l'utilité et ressentent le désir de pratiquer la parole qu'ils viennent d'entendre, leurs efforts n'aboutissent à rien, mais ils cèdent les uns à la crainte des tribulations, les autres, à l'attrait des plaisirs que promet la prospérité. Les premiers sont figurés par «ce grain qui tombe dans une terre pierreuse», et les seconds, «par la partie qui tombe au milieu des épines». Les richesses sont assimilées aux épines, parce qu'elles percent l'âme de la pointe de leurs préoccupations, et que souvent, en l'entraînant au péché, elles lui font une sanglante blessure. «Les épines, dit le Sauveur, ce sont les sollicitudes du siècle et les illusions des richesses». En effet, dès lors que l'homme s'est laissé séduire par le désir immodéré des richesses, il ne peut échapper aux soucis incessants qui le déchirent. Il ajoute: «Les autres objets de la convoitise». Car celui qui met de côté la loi du Seigneur, et laisse ses désirs s'égarer sur les objets sensibles, se ferme à lui-même le chemin de la joie et du bonheur. Ces passions étouffent la parole sainte en ôtant au bon désir la force de parvenir jusqu'au coeur; elles tuent l'âme en la privant du souffle destiné à entretenir la vie intérieure. Dans ces diverses classes ne sont point compris les infidèles qui ne méritent même point d'entendre la parole de Dieu.

Théophyl. Ceux qui reçoivent la semence de la parole divine, se partagent aussi en trois classes: «Voici ceux qui sont représentés par la bonne terre». Quelques-uns rapportent cent pour un, ce sont ceux qui ont embrassé la vie de la perfection et de l'obéissance, comme les vierges et les solitaires. D'autres rapportent seulement soixante pour un, ce sont ceux qui mènent une vie ordinaire, comme ceux qui pratiquent la continence et qui vivent en communauté; enfin il en est qui ne rapportent que trente, ce sont ceux qui n'ont qu'une vertu imparfaite, et qui ne produisent de fruit que dans une mesure ordinaire, ce sont les laïques et ceux qui vivent dans l'état du mariage. - Bède. Ou bien la terre produit trente, lorsque le prédicateur imprime dans le coeur des élus la croyance au mystère de la sainte Trinité; elle en produit soixante, lorsqu'il enseigne les principes de la vie parfaite; elle en produit cent, lorsqu'il fait le tableau des récompenses du royaume céleste; car le nombre cent est signifié par le passage de la gauche à la droite; l'enseignement qui fructifie au centuple, est donc l'image exacte de la félicité éternelle. Enfin la bonne terre, c'est la conscience des élus, dans laquelle s'accomplit le contraire de ce qui se passe dans les trois terrains précédents; elle reçoit avec joie la semence de la parole divine, et quels que soient les événements heureux ou malheureux qui l'attendent, elle conserve avec fidélité la divine semence jusqu'au temps où elle produit ses fruits. - S. Jér. Ou bien les fruits de la terre sont représentés par ces divers nombres, trente, soixante, cent, c'est-à-dire par les époques de la loi, des prophètes et de l'Évangile.


vv. 21-25

6421 Mc 4,21-25

S. Chrys. Après avoir répondu aux questions de ses disciples, et leur avoir exposé le sens de cette parabole, le Sauveur ajoute: «Apporte-t-on la lampe pour la mettre sous le boisseau ?» etc. C'est-à-dire j'ai proposé cette parabole, non pour que le sens en demeurât énigmatique et caché, comme une lampe placée sous un boisseau ou sous le lit, mais pour en faire connaître le sens à ceux qui en sont dignes. Cette lampe, c'est cette nature spirituelle et intelligente qui est en nous et qui, selon la mesure de sa flamme, projette ou une lumière éclatante, ou une lueur indécise; elle ne tarde pas à s'éteindre complètement, si on néglige les méditations sérieuses, propres à entretenir dans cette lampe spirituelle la lumière et les pieux souvenirs. - S. Jér. Ou bien la lampe est la parabole des trois semences; le boisseau ou le lit, c'est l'intelligence de ceux qui n'obéissent point; le chandelier, ce sont les Apôtres, que la parole de Dieu a illuminés de ses divines clartés. «Tout ce qui est caché», etc. Cette chose cachée, dérobée aux regards, c'est la parabole de la semence; la lumière vient l'éclairer, quand le Seigneur en donne l'explication. - Théophyl. On peut dire encore que le Seigneur recommande ici à ses Apôtres d'être éclatants dans leur vie et dans toutes leurs actions. Une lampe, semble-t-il leur dire, est destinée à répandre la lumière autour d'elle, ainsi tous les hommes auront les yeux fixés sur votre vie; appliquez-vous donc à la rendre sainte; ne cherchez point les lieux obscurs, soyez véritablement une lampe. Une lampe ne se place point sous le lit, mais sur un chandelier, d'où elle puisse éclairer ce qui l'environne. Ce chandelier, sur lequel il faut placer cette lampe, c'est une vertu éminente, conforme aux enseignements divins, et dont l'éclat lumineux puisse éclairer tous ceux qui la voient. Que la lampe ne soit point cachée sous le boisseau, ni sous le lit, c'est-à-dire dans les plaisirs de la table ni dans l'oisiveté; car l'homme, esclave de la sensualité ou de la paresse, ne sera jamais une lampe propre à répandre la lumière autour d'elle. - Bède. Ou bien ce boisseau est l'image naturelle de notre vie renfermée dans la mesure déterminée par la Providence; ce lit, c'est notre corps, qui sert d'habitation et de lieu de repos à notre âme pendant cette vie. Placer la lampe sous le boisseau ou sous le lit, c'est donc cacher la parole de Dieu par un amour excessif de cette vie passagère et des jouissances charnelles. Au contraire, la placer sur le chandelier, c'est assujettir son corps au ministère de la parole divine. Aussi le Sauveur veut-il inspirer ici, à ses Apôtres, une sainte confiance dans l'exercice de la prédication: «Il n'y a rien de caché qui ne doive être découvert, ni rien de secret qui ne doive venir au grand jour; c'est-à-dire ne rougissez pas de l'Évangile, mais, au milieu des ténèbres des persécutions, élevez bien haut la lumière de la parole divine sur le chandelier de votre corps, et conservez profondément imprimé dans votre âme le souvenir du jour où le Seigneur lui-même éclairera ce qui est caché dans les ténèbres (1Co 4,5); en ce jour, Dieu nous comblera de gloire et d'honneur, tandis qu'il fera peser sur les ennemis de la vérité le poids des châtiments éternels. - S. Chrys. (hom. 15 sur S. Matth). Ou bien encore: «Rien de ce qui est caché», etc., c'est-à-dire si notre vie se passe dans la pratique d'une sainte vigilance, aucune accusation ne pourra obscurcir notre lumière. - Théophyl. Tous les actes de notre vie passée, soit bons, soit mauvais, arrivent à la connaissance du public dans le temps présent, à plus forte raison dans la vie future. Quoi de plus caché que Dieu? et cependant il s'est manifesté lui-même dans notre nature humaine.

«Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende». - Bède. Que celui qui a reçu l'intelligence de la parole de Dieu ne se dérobe pas à l'accomplissement de son devoir; mais qu'au lieu d'appliquer son esprit à l'étude des choses frivoles, il médite sérieusement l'enseignement de la vérité, qu'il applique ses mains à la mettre en pratique dans ses oeuvres, et sa langue à la publier par la prédication.

«Et il leur disait: Méditez attentivement ce que vous entendez». Théophyl. Afin de ne perdre aucune des paroles que je vous ai dites: «On emploiera à votre égard la même mesure dont vous vous serez servis vous-mêmes»; c'est-à-dire le fruit que produiront en vous mes paroles sera proportionné à l'application que vous aurez mise à les entendre. - Bède. Ou bien encore, si vous vous appliquez à pratiquer dans toute son étendue le bien qui dépend de vous, et à en inspirer l'amour aux autres, la miséricorde divine vous donnera ici-bas une intelligence plus grande des vérités les plus hautes et une charité plus ardente pour accomplir des oeuvres plus parfaites, et dans la vie future il y ajoutera les récompenses éternelles; c'est ce que signifient ces paroles: «Et on vous le donnera par surcroît. - S. Jér. Ou bien autrement, l'intelligence des mystères est départie à chacun selon la mesure de sa foi, et au don d'intelligence vient se joindre celui des vertus. «A celui qui a, on donnera encore»; c'est-à-dire s'il a la foi, il recevra la vertu; s'il exerce le ministère de la parole, il recevra l'intelligence des mystères. Au contraire, celui qui n'a pas la foi n'aura point non plus la vertu; et s'il n'exerce pas le ministère de la prédication, il n'aura pas l'intelligence du mystère; et celui qui n'en a pas l'intelligence, bientôt cessera même d'entendre. - S. Chrys. (sur S. Matth). Ou bien autrement encore, on donnera à celui qui a le désir et la volonté d'entendre et de demander, mais celui qui n'a pas ce désir d'entendre la parole divine, se verra enlever le peu qu'il pouvait posséder de la loi écrite. - Bède. Il n'est pas rare de voir un esprit subtil et pénétrant perdre par sa négligence une science qu'un autre, doué d'une nature moins vive, mais appliquée, acquiert par son travail. - S. Chrys. On peut dire que cet homme ne possède rien, parce qu'il ne possède pas la vérité. Le Sauveur dit cependant qu'il possède quelque chose, car celui dont l'intelligence est pleine d'erreurs s'imagine faussement posséder quelque chose.


vv. 26-29

6426 Mc 4,26-29

S. Chrys. Le Sauveur vient d'exposer la parabole de la semence, dont trois parties ont été perdues de diverses manières, et une seule a été conservée; et il nous a montré dans cette dernière partie trois classes de fidèles, distinguées par des degrés divers de foi et de vie chrétienne. Cette nouvelle parabole n'a pour objet que ceux qui sont sauvés: «Et il disait: Il en est du royaume de Dieu comme d'un homme qui a semé», etc. - S. Jér. Le royaume de Dieu, c'est son Eglise qu'il dirige lui-même, et qui à son tour dirige les hommes et foule aux pieds les vices et les puissances qui s'opposent à son action. - S. Chrys. Ou bien le royaume de Dieu, c'est la foi en Jésus-Christ et le mystère de son incarnation. Il en est de ce royaume comme d'un homme qui jette en terre de la semence, car le Sauveur, Dieu et Fils de Dieu par sa nature, devenu homme sans altération de sa substance divine, a jeté pour nous sa semence sur la terre, c'est-à-dire qu'il a éclairé le monde entier par la parole qui lui a donné la connaissance de Dieu. - S. Jér. La semence, c'est la parole de vie; la terre qui reçoit la semence, c'est le coeur de l'homme, et le semeur qui se livre au sommeil, c'est la mort du Sauveur. La semence germe et pousse le jour et la nuit; ainsi le nombre des fidèles, après le sommeil de Jésus-Christ, ne cessa de germer par la foi et de se développer par les oeuvres à travers les vicissitudes des événements tour à tour heureux ou malheureux. - S. Chrys. Ou bien, ce semeur qui se lève, c'est Jésus-Christ qui d'abord restait assis, attendant avec une miséricordieuse bienveillance que les âmes qui avaient reçu la semence produisent du fruit. Il se lève ensuite lorsque, par la douce influence de sa parole, il aide notre fécondité par les armes de justice qu'il nous met dans la main droite (2Co 6,7), et dont le jour est le symbole, et dans la main gauche, qui est représentée par la nuit des persécutions; voilà ce qui fait germer la semence et l'empêche de se dessécher. - Théophyl. Ou bien encore, le Christ dort, c'est-à-dire qu'il monte au ciel, où quoiqu'il paraisse dormir, il se lève, soit la nuit, en nous envoyant des épreuves qui nous rappellent son souvenir, soit le jour, lorsque, exauçant nos prières, il multiplie pour nous les moyens de salut.

S. Jér. Ces paroles: «Sans qu'il sache comment», sont une expression figurée, c'est-à-dire que Jésus-Christ nous laisse ignorer qui de nous portera du fruit jusqu'à la fin. - S. Chrys. Ou bien cette expression: «Sans qu'il le sache» nous apprend la liberté laissée à ceux qui reçoivent la parole. Il confie à notre volonté l'oeuvre de notre salut; il ne produit pas seul tout le bien dans notre âme, afin qu'elle ne paraisse pas l'accomplir involontairement; aussi ajoute-t-il: «La terre produit d'elle-même», c'est-à-dire notre âme n'est pas contrainte à produire des fruits, et sa volonté concourt à sa fécondité: «Elle produit d'abord de l'herbe». - S. Jér. Cette herbe, c'est la crainte de Dieu qui est le commencement de la sagesse (Ps 110,10); «Puis un épi», c'est-à-dire la pénitence avec ses larmes; et enfin le blé qui remplit l'épi, c'est-à-dire la charité, car la charité est le parfait accomplissement de la loi (Rm 13,10).

S. Chrys. Ou bien l'herbe qui pousse d'abord, c'est le fruit de la loi de nature qui ne se développe que lentement; plus tard se montrent les épis qui seront réunis en gerbes et offerts à l'autel du Seigneur sous la loi de Moïse; enfin sous l'influence de l'Évangile, le fruit parvient à sa maturité. On peut dire encore que nous devons non seulement nous couvrir des feuilles de l'obéissance, mais par la pratique de la prudence nous tenir droits et fermes comme la tige de l'épi, sans aucun souci des vents qui nous agitent. Enfin, nous devons nous appliquer, aidés du secours de la mémoire, à faire produire à notre âme des fruits comme l'épi chargé de grains, c'est-à-dire le développement complet de la vertu. - Théophyl. La semence produit d'abord de l'herbe, c'est le commencement du bien; puis un épi, c'est la résistance aux tentations; puis le blé qui remplit l'épi, c'est l'oeuvre arrivée à sa perfection.

«Et lorsque la semence a produit son fruit, on y met la faucille». - S. Jér. La faux, c'est la mort ou le jugement qui tranche tout; la moisson, c'est la fin et la consommation des siècles. - S. Grég. (hom. 14 sur Ezéch). Ou bien, l'homme qui répand la semence sur la terre, c'est le chrétien qui sème dans son âme une intention sainte; il semble dormir quand il se repose dans la douce espérance que produit une bonne vie; et il se lève le jour et la nuit lorsqu'il avance dans la vertu, tant au milieu des épreuves qu'au sein de la prospérité. Le grain germe sans qu'il le sache, car lorsqu'il est incapable d'en mesurer les progrès, la vertu dont il a conçu le désir arrive à son complet développement. Lors donc que nous concevons de bons désirs, nous répandons la semence dans la terre; lorsque nous commençons à faire le bien, nous produisons de l'herbe; lorsque nous faisons des progrès dans la pratique des bonnes oeuvres, nous devenons un épi ferme et vigoureux; et si enfin nous parvenons à la perfection de la vertu, nous présentons au regard de Dieu un épi rempli de grains parvenus à la maturité.


vv. 30-34

6430 Mc 4,30-34

S. Chrys. Après avoir exposé, dans les paraboles précédentes, comment la semence de l'Évangile fructifie, le Sauveur en ajoute une autre pour faire ressortir la supériorité de la doctrine évangélique sur toutes les autres doctrines. Il disait encore: «A quoi comparerons-nous le royaume de Dieu ?» - Théophyl. Quoi de moins considérable que la parole de la foi: Croyez en Dieu et vous serez sauvés? Et cependant la prédication de cette parole, répandue et comme semée par toute la terre, y a pris de tels développements qu'elle a offert un abri aux oiseaux du ciel, c'est-à-dire aux âmes contemplatives, aux esprits plongés dans la méditation des grandes vérités. Combien de philosophes, parmi les Gentils, ont abandonné leur vaine sagesse pour venir reposer leur âme sous l'arbre de la prédication évangélique. Et c'est ainsi que cet arbre de la prédication de la foi a surpassé tous les autres. - S. Chrys. Comme cet enseignement si concis est ce que les parfaits appellent la vraie sagesse, il a eu plus de succès que tout autre enseignement, parce que rien n'est comparable à cette parole de vérité. - Théophyl. Cet arbre a étendu au loin ses branches; les apôtres, comme les rameaux de cet arbre, se sont répandus partout: les uns à Rome, les autres dans l'Inde, les autres dans toutes les autres parties de l'univers. - S. Jér. Ou bien cette semence, petite dans le coeur où règne la crainte, se développe dans la charité qui est la plus grande de toutes les plantes; car Dieu est charité (1Jn 4,8), et toute chair est comme l'herbe des champs (Is 40,6). Cet arbre a étendu les rameaux de la compassion et de la miséricorde, lorsqu'il a offert aux pauvres de Jésus-Christ, figurés par les oiseaux du ciel, un abri et un doux lieu de repos. - Bède. L'homme qui sème est, suivant les uns, le Sauveur lui-même, suivant les autres, l'âme chrétienne qui répand dans son coeur la semence qui lui a été confiée.

S. Chrys. Saint Marc, qui aime à abréger son récit, ajoute ensuite pour montrer la nature et le but des paraboles: «Il les enseignait ainsi sous diverses paraboles». - Théophyl. Comme la multitude à laquelle s'adressait le Sauveur était peu instruite, il n'usait que d'expressions et de comparaisons empruntées aux objets ordinaires et connus, et l'Évangéliste nous dit qu'il ne leur parlait pas sans parabole, comme pour les encourager à s'approcher de lui et à l'interroger: «Mais en particulier il expliquait tout à ses disciples». Le Sauveur n'expliquait pas absolument toutes choses, soit obscures, soit évidentes, mais simplement celles qu'ils ignoraient et dont ils lui demandaient l'explication. - S. Jér. Ils étaient dignes d'entendre en particulier l'explication des mystères dans la retraite profonde de leur amour de la sagesse, eux qui, loin du tumulte des pensées mauvaises, vivaient habituellement dans la solitude silencieuse des vertus; car c'est dans le repos et le calme du coeur que la sagesse fait entendre ses leçons.


vv. 35-40

6435 Mc 4,35-40


S. Jér. Après ces enseignements, ils s'embarquent sur la mer, où les flots se soulèvent et les agitent. «Le même jour, dit l'Évangéliste, le soir étant venu, Jésus leur dit: Passons de l'autre côté». - Rémi. Nous voyons dans les saints Évangiles que Jésus avait trois lieux de refuge; la barque, la montagne et le désert. Toutes les fois qu'il était pressé par la foule, il se réfugiait dans l'une de ces retraites. Ici, le Seigneur se voyant entouré d'une grande multitude de peuple, et voulant (comme homme) se dérober à leur importunité, il ordonna à ses disciples de passer à l'autre bord.

«Après qu'il eut renvoyé cette foule», etc. - S. Chrys. Le Seigneur prend avec lui ses disciples, pour les rendre témoins du miracle qu'il allait opérer; mais il ne reçoit aucune autre personne avec eux, pour ne pas exposer au grand jour la faiblesse de leur foi. C'est pour nous apprendre que les autres personnes étaient montées dans d'autres barques que le texte sacré ajoute: «D'autres barques accompagnaient la sienne». Pour garantir ses disciples de l'orgueil que pouvait leur inspirer le choix spécial dont ils étaient l'objet, il permet qu'ils soient exposés à un extrême danger; il veut en même temps leur apprendre à supporter courageusement les épreuves: «Et il s'éleva un vent impétueux». Afin que le miracle dont ils vont être témoins laisse dans leur âme une plus vive impression, il se livre au sommeil, pour laisser à la crainte l'occasion de s'emparer d'eux: «Et Jésus était à la poupe dormant sur un oreiller». S'il avait veillé, ou les disciples n'auraient eu aucune frayeur et n'auraient pas eu recours à lui au fort de la tempête, ou bien ils n'auraient pas cru qu'il pût faire un si grand miracle. - Théoph. Il les laissa donc tomber dans cette frayeur en face du danger, pour leur faire éprouver personnellement les effets de sa puissance, eux qui l'avaient vu s'exercer en faveur des autres. Or, il dormait sur l'oreiller du navire, c'est-à-dire la tête appuyée sur une planche. - S. Chrys. Le Sauveur nous donne ainsi une leçon d'humilité et aussi de grande sagesse. Or, ses disciples, qui l'entouraient, ne connaissaient pas encore l'étendue de sa puissance: ils croyaient sans doute qu'il pouvait, étant éveillé, commander aux vents et à la mer; mais ils étaient loin de lui supposer ce pouvoir pendant son repos et son sommeil. «Ils l'éveillent donc et lui disent: Maître, ne vous mettez-vous point en peine que nous périssions ?» - Théoph. Et le Sauveur s'éveillant, parla en maître, d'abord au vent qui soulevait cette tempête et agitait les flots: «Et, se levant, il parla au vent avec menaces»; puis à la mer: «Et il dit à la mer: Tais-toi et calme ta fureur». - La Glose. L'agitation des flots produit un bruit qui est comme la voix de la mer annonçant un danger. C'est donc avec raison que le Sauveur, dans un langage métaphorique, pour ramener le calme, ordonne à la mer de se taire; de même, pour réprimer la violence des vents qui bouleversent la mer, il leur fait comme des menaces, suivant l'expression de l'Évangéliste. C'est ainsi que les dépositaires de l'autorité, par la menace des châtiments, imposent un frein aux perturbateurs de la tranquillité publique. Le Sauveur agit donc ici comme un souverain qui fait usage de menaces contre des sujets turbulents, et qui, par de sages édits, met un terme aux murmures des rebelles. Roi de toutes les créatures, il enchaîne, par sa parole menaçante la violence des vents, et contraint la mer de rentrer dans le silence. Ses paroles sont aussitôt suivies de leur effet: «Et le vent cessa (sur la menace qui lui était faite), et il se fit un grand calme». - Théophyl. Il réprimande ensuite ses disciples sur leur peu de foi: «Pourquoi êtes-vous effrayés, leur dit-il, vous n'avez donc pas encore la foi ?» Et, en effet, s'ils avaient eu vraiment la foi, ils auraient été persuadés qu'il pouvait les sauver, même pendant son sommeil. Ils furent donc saisis d'une grande crainte, et ils se dirent l'un à l'autre: «Qui est donc ?» etc. Ces paroles indiquent le doute où ils étaient à son sujet. Ce n'est point à l'aide d'une verge mystérieuse qu'il avait apaisé la mer, comme avait fait Moïse (Ex 14,16); ce n'est point par la prière, comme Elisée se frayant un chemin à travers le Jourdain (2R 2,14); ce n'est point au moyen de l'Arche, comme Josué (Jos 3,15), c'est par une seule parole. Aussi, à ce signe, les disciples reconnaissent en lui une puissance divine, mais le sommeil auquel il s'abandonne ne leur fait voir en lui qu'un homme.

S. Jér. Dans le sens mystique, la poupe du navire, c'est le commencement de l'Eglise; le Seigneur y dort, mais seulement de corps, car «celui qui garde Israël ne dort jamais» (Ps 120) La poupe, sous les peaux de bêtes mortes, contient des hommes vivants; elle éloigne les flots et sa force est dans le bois; c'est l'Eglise, qui est sauvée par la croix et la mort du Sauveur. L'oreiller, c'est le corps du Seigneur, sur lequel la divinité, figurée par la tête, a bien voulu se reposer. Les vents déchaînés, la mer furieuse, ce sont les démons et les persécuteurs; le Sauveur leur impose silence, lorsqu'il lui plaît de frapper d'impuissance les décrets injustes des rois de la terre. Enfin le calme profond qui succède à la tempête, c'est la paix rendue à l'Eglise après la persécution, ou bien, c'est le repos de la vie contemplative, qui succède au mouvement de la vie active. - Bède. Ou bien, la barque dans laquelle monte le Sauveur, c'est l'arbre de la croix, qui est la voie par laquelle les fidèles abordent à la demeure de la patrie céleste, comme dans un port assuré et inaccessible à la tempête. Les barques qui accompagnent celle du Sauveur sont la figure des âmes qui, comme imprégnées de la foi dans la croix de Jésus-Christ, sont à l'abri des tempêtes des tribulations, ou bien abordent enfin au séjour de la paix, après avoir subi la tourmente des épreuves. C'est pendant que les disciples naviguent sur la mer que le Sauveur se livre au sommeil; ainsi verront-ils un jour arriver la passion de leur divin Maître, au moment même où ils méditeront sur le repos de son royaume futur. C'est le soir que ce fait eu lieu, parce que le coucher du véritable soleil devait être figuré, non seulement par le sommeil du Seigneur, mais encore par l'heure même où l'astre du jour se dérobe à nos regards. Lorsque le Sauveur monte sur la poupe de la croix, il voit se soulever autour de lui les flots des blasphèmes de ses persécuteurs, excités par une tempête qui vient de l'enfer, tempête qui ne peut troubler sa patience, mais qui ébranle la faiblesse de ses disciples. Leur empressement à éveiller leur Maître figure le désir ardent qu'ils ont eu de le voir ressusciter, après l'avoir vu mourir. Jésus s'éveillant, commande en maître aux vents irrités, et il ordonne à la mer de faire silence; ainsi, par la gloire de sa résurrection, il écrase l'orgueil du démon, et anéantit la race des Juifs. Il adresse des reproches à ses disciples, comme, après sa résurrection, il leur reproche leur incrédulité. Nous aussi, lorsque, marqués du signe de la croix, nous nous préparons à quitter cette terre, nous entrons dans la barque avec Jésus, nous nous efforçons du traverser la mer. Mais, dans le cours de la traversée, il s'endort au milieu des frémissements de l'abîme; c'est la flamme de l'amour, qui, malgré nos efforts pour pratiquer la vertu, s'affaiblit et devient languissante, au milieu de la lutte contre les esprits impurs, ou contre les hommes méchants, ou contre le tourbillon de nos propres pensées. Cependant, au milieu de ces bouleversements intérieurs, ayons soin d'éveiller notre Sauveur, et, à l'instant, sa voix calmera la tempête, rendra à notre âme sa tranquillité, et nous ouvrira le port bienheureux du salut.


Catena Aurea 6331