Catena Aurea 6635

vv. 35-44

6635 Mc 6,35-44

Théophyl. Notre-Seigneur, après avoir donné à cette multitude ce qui est le plus utile, la nourriture de la parole de Dieu, lui distribue aussi la nourriture corporelle, et l'Évangéliste commence ainsi le récit de ce miracle: «Et comme l'heure était déjà fort avancée, ses disciples s'approchèrent de lui, et lui dirent: Ce lieu est désert», etc. - Bède. Cette heure avancée c'était le soir et la nuit qui approchait, comme saint Luc le dit clairement (Lc 9): «Le jour commençait à baisser». - Théophyl. Voyez le progrès des disciples dans l'amour du prochain; pleins de compassion pour cette multitude, ils s'approchent de Jésus et le prient de venir à son secours; mais le Sauveur veut les éprouver et savoir par expérience s'ils lui reconnaissent une assez grande puissance pour nourrir un si grand nombre de personnes: «Et il leur répondit: Donnez-leur vous-mêmes à manger». - Bède. Il presse les Apôtres de leur donner à manger, afin que l'aveu qu'ils feront de leur impuissance, rende plus éclatant le miracle qu'il doit opérer.

Théophyl. L'observation que les disciples font au Sauveur, suppose qu'il ignorait la quantité de pain nécessaire pour nourrir une si grande multitude, et ils lui répondent avec une espèce de trouble: «Irons-nous donc acheter pour deux cents deniers de pain, afin de leur donner à manger». - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 2, 46). Dans saint Jean, c'est Philippe qui fait cette réponse (Jn 6), saint Marc la place dans la bouche de tous les disciples, et veut nous faire entendre que Philippe l'avait faite au nom de tous les autres, quoiqu'il ait très-bien pu employer le pluriel pour le singulier, selon l'usage fréquent de la sainte Ecriture (Lc 22). «Et il leur demanda: «Combien avez-vous de pains? Allez et voyez». Les autres Évangélistes n'ont point fait mention de cette dernière circonstance. «Et s'en étant instruits, ils vinrent lui dire: «Cinq pains et deux poissons». La réponse que saint Jean prête à André au sujet des cinq pains et des deux poissons, est attribuée à tous les disciples par les autres Évangélistes qui emploient le pluriel pour le singulier. - «Et il leur commanda de les faire tous asseoir», etc. Saint Luc rapporte qu'on les fit asseoir par groupes de cinquante; saint Marc, par groupes de cinquante et de cent, il n'y a en cela aucune contradiction, l'un n'a mentionné qu'une partie, et l'autre le tout. Celui qui parle, des groupes de cent, a suppléé à ce que l'autre avait omis. - Théophyl. L'Évangéliste nous donne ainsi à entendre que toute cette multitude fut distribuée par groupes; car dans le texte grec, cette expression, par troupes, par sociétés, se trouve répétée, comme s'il y avait: «Par groupes et par groupes.

«Et Jésus prit les cinq pains et les deux poissons», etc. - S. Chrys. (hom. 50 sur S. Matth. ) Il lève les yeux au ciel dans une intention toute de sagesse; les Juifs, avant de recevoir la manne dans le désert, avaient osé dire: «Est-ce que Dieu pourra nous donner du pain ?» (Ps 67,20). C'est pour bannir de leur esprit ce doute injurieux, qu'avant d'opérer ce miracle, il rapporte à Dieu l'action qu'il allait faire. - Théophyl. Il lève encore les yeux au ciel, pour nous apprendre à demander à Dieu notre nourriture, et non au démon, comme ceux qui se nourrissent injustement aux dépens des travaux d'autrui. Il prouve encore à cette multitude qu'il n'était pas ennemi de Dieu, puisqu'il l'invoquait. Il charge ses disciples de distribuer le pain au peuple, afin qu'en tenant ce pain dans leurs mains, il ne leur reste aucun doute sur la réalité du miracle: «Et ils mangèrent tous, et ils furent rassasiés», etc. Mais ce miracle parut bien plus éclatant aux yeux de tout ce peuple, lorsqu'il vit douze corbeilles pleines de morceaux qui restaient, et chacun des apôtres rapportant sur ses épaules une de ces corbeilles. C'était l'oeuvre, en effet, d'une puissance qui n'est point restreinte, non seulement de nourrir une si grande multitude, mais encore de faire en sorte qu'on recueillit une si grande quantité de morceaux qui restaient. Moïse avait bien donné la manne au peuple de Dieu» mais il n'en donnait à chacun que le nécessaire, et ce qui dépassait cette mesure était aussitôt corrompu par les vers (Ex 16). Elie, que Dieu avait chargé de nourrir la veuve de Sarepta, ne le faisait également que dans la mesure du nécessaire (1R 17); Jésus seul donne en maître et avec une libéralité surabondante.

Bède. Dans le sens mystique, le Sauveur nourrit cette multitude affamée vers le déclin du jour, parce qu'en effet c'est aux approches de la fin des temps, ou lorsque le soleil de justice (Ml 4,2) s'est couché dans le tombeau, que nous avons été délivré des suites de la disette spirituelle. Il charge ses Apôtres de rompre le pain au peuple, pour leur apprendre qu'ils doivent tous les jours donner à nos âmes la nourriture dont elles ont besoin, autant par leurs exemples que par leurs écrits. Or, les cinq pains figurent les cinq livres de la loi, et les deux poissons, les psaumes et les prophètes. - Théophyl. Ou bien, les deux poissons sont les écrits des pêcheurs, c'est-à-dire l'Évangile et les Epîtres. - Bède. L'homme a cinq sens extérieurs, et ces cinq mille hommes qui suivent le Seigneur représentent ceux qui, tout en vivant encore au milieu du monde, savent cependant faire un bon usage des choses extérieures. - S. Grég. (Moral., 16, 23) Les divers groupes assis sur l'herbe sont la figure des diverses Eglises du monde, qui ne font entre elles qu'une seule Eglise catholique. Le nombre cinquante a ici une signification mystérieuse: il figure le repos du jubilé, et ce nombre cinquante se trouve répété pour former le nombre cent. Ils s'assoient donc par groupes de cinquante et de cent, et ils figurent ainsi le premier repos, qui consiste à s'abstenir du mal, et le repos plus complet est où l'âme jouira de la pleine connaissance de Dieu. - Bède. Ce n'est qu'après qu'ils sont assis sur l'herbe que le Seigneur les nourrit de ce pain miraculeux, et ils représentent ainsi ceux qui, après avoir foulé aux pieds la concupiscence par la pratique de la chasteté, s'appliquent tout entiers à écouter et à observer la parole de Dieu. Le Sauveur ne tire pas du néant de nouveaux aliments, parce qu'en effet, en venant sur la terre revêtu de notre chair, il n'a point annoncé d'autres vérités que celles qui avaient été prédites; mais il a fait voir que la loi et les prophètes portaient comme dans leur sein, et étaient prêts à enfanter les mystères de la grâce. Il leva les yeux au ciel, pour nous apprendre que c'est là qu'il faut chercher la lumière. Il rompt le pain et le donne à ses disciples, pour qu'ils le distribuent à la foule; c'est ce qu'il a fait encore en découvrant aux saints docteurs les secrets mystérieux des prophéties, qu'ils devaient eux-mêmes faire connaître à tout l'univers. Les disciples recueillent les restes que laisse la foule, c'est-à-dire qu'il ne faut pas laisser perdre négligemment les vérités plus augustes que les esprits grossiers ne peuvent comprendre, mais les recueillir et les approfondir avec soin pour les âmes plus parfaites. Ainsi, ces douze corbeilles sont la figure des douze Apôtres et des docteurs qui sont venus après eux. De même que les corbeilles sont destinées aux usages, les plus communs, ils ont extérieurement peu d'apparence aux yeux des hommes, mais ils sont remplis au dedans des restes précieux de la nourriture du salut. - S. Jér. Ou bien encore, ils recueilleront ces douze corbeilles pleines de morceaux, lorsqu'ils s'assoiront sur douze trônes, pour juger les douze tribus d'Israël (Mt 19,28), qui sont comme les restes d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, alors que les restes d'Israël seront sauvés (Rm 11,5).


vv. 45-52

6645 Mc 6,45-52

La Glose. Dans le miracle de la multiplication des pains, Notre-Seigneur avait montré qu'il était le créateur de toutes choses; en marchant sur la mer, il fait voir que son corps est affranchi du poids accablant de nos péchés, et, en apaisant les vents et en calmant la fureur des flots soulevés, il prouve qu'il est le souverain Maître des éléments: «Et aussitôt, il fît monter ses disciples», etc. - S. Chrys. Notre-Seigneur renvoie le peuple après l'avoir comblé de bénédictions et guéri ses malades; mais il est obligé de forcer ses disciples, selon l'expression de l'Évangéliste, de traverser la mer, parce qu'ils ne se séparaient que difficilement de sa personne, tant à cause du vif attachement qu'ils avaient pour lui que parce qu'ils étaient en peine comment ils pourraient le rejoindre. - Bède. On se demande avec raison comment après le miracle de la multiplication des pains, saint Marc a pu dire que les disciples traversèrent la mer pour se rendre à Bethsaïde, tandis que selon saint Luc, c'est à Bethsaïde même qu'aurait eu lieu ce miracle. Cette apparente contradiction disparaît en admettant que saint Luc, par ces paroles: «Il se retira dans un lieu désert, qui est Bethsaïde», a voulu désigner, non l'intérieur de la ville qui porte ce nom, mais un lieu désert situé près de cette ville, tandis que saint Marc, en disant: «Pour le précéder à Bethsaïde», a voulu parler de la ville elle-même de Bethsaïde.

«Et après avoir renvoyé le peuple, il s'en alla sur la montagne pour prier». - S. Chrys. Il faut entendre ces paroles de Jésus-Christ en tant qu'il est homme, et il agit de la sorte pour nous enseigner l'assiduité dans la prière. - Théophyl. Après avoir renvoyé la foule, il monte sur une montagne pour y prier, car la prière réclame le silence et le repos. - Bède. Tous ceux qui prient ne montent pas sur la montagne; il n'y a que ceux qui prient convenablement, et qui cherchent Dieu dans la prière. Mais celui qui ose demander à Dieu les richesses de la terre, les honneurs du siècle ou la mort de son ennemi reste plongé dans les choses basses et n'offre à Dieu que de viles et misérables prières. Saint Jean nous fait connaître le motif pour lequel Notre-Seigneur se retira sur une montagne pour prier, après avoir congédié le peuple: «Jésus, ayant connu qu'ils devaient venir pour l'enlever et le faire roi, il s'enfuit de nouveau sur la montagne tout seul».

«Et le soir étant venu, la barque se trouvait au milieu de la mer», etc. - Théophyl. Notre-Seigneur permit que ses disciples fussent exposés au danger pour leur donner lieu de pratiquer la patience. Aussi ne vient-il pas immédiatement à leur secours, mais il permet que le danger dure toute la nuit, pour leur apprendre à attendre avec patience et à ne pas compter que le secours leur viendrait aussitôt au milieu de leurs tribulations: «Et voyant ses disciples qui se fatiguaient à ramer», etc. - S. Chrys. (comme précéd). L'Ecriture, suivant l'usage des anciens, divise la nuit en quatre veilles, et chaque veille en trois heures; ainsi, la quatrième veille est celle qui commence après la neuvième heure, c'est-à-dire à la dixième ou à la dernière.

«Et il voulait les devancer». - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 2, 47). Les Apôtres ne purent comprendre que Jésus voulait les devancer que parce qu'il se dirigeait en sens contraire. Il voulait les dépasser comme des hommes qui lui étaient étrangers, et qui le reconnaissaient si peu qu'ils le prenaient pour un fantôme: «Mais eux le voyant marcher sur la mer, crurent que c'était un fantôme», etc. - Théophyl. Remarquez que c'est au moment même où le Sauveur devait calmer leur effroi, qu'il leur inspire une crainte plus vive; mais il les rassure aussitôt en lui adressant la parole: «Aussitôt il leur parla, et leur dit: Rassurez-vous, c'est moi, ne craignez pas». - S. Chrys. Et en effet, ils le reconnurent aussitôt à sa voix, et ils cessèrent de craindre. - S. Aug. (De l'acc. des Evang). On ne peut expliquer que Notre-Seigneur voulut dépasser ses disciples dont il dissipe si pleinement l'épouvante, qu'en admettant que son intention n'avait d'autre but en les dépassant que de leur faire pousser ce cri qu'il attendait pour venir à leur secours. - Bède. Un certain Théodore, qui fut autrefois évêque de Pharan, soutint que Notre-Seigneur avait eu un corps sans pesanteur, ce qui explique comment il avait pu marcher sur la mer: mais la foi catholique enseigne que la chair du Sauveur était soumise aux lois de la pesanteur, car, dit saint Denis (Des noms div., 2), nous ne savons comment le Sauveur, avec des pieds qui avaient leur pesanteur naturelle et qui soutenaient tout le poids du corps, a pu marcher sans enfoncer sur la mer, élément liquide et sans consistance. - Théophyl. Mais à peine est-il entré dans la barque qu'il apaise la tempête: «Et il monta avec eux dans la barque, et le vent cessa». C'était déjà un grand miracle que de marcher sur la mer, mais la tempête et le vent contraire rendent encore ce miracle plus éclatant. Aussi les Apôtres, que le miracle de la multiplication des pains n'avait pas suffisamment convaincus de la puissance de Jésus-Christ, la comprennent mieux en voyant la tempête miraculeusement apaisée: «Et leur étonnement en devint plus grand, car ils n'avaient pas compris le miracle des pains». - Bède. La grandeur de ces miracles étonnait les disciples qui étaient encore charnels; mais ils ne pouvaient encore reconnaître dans le Sauveur la vérité de la majesté divine: «Parce que leur coeur était aveuglé».

Dans le sens allégorique, le travail des disciples qui se fatiguent à ramer et le vent qui est contraire, sont une figure des travaux de la sainte Eglise, qui malgré les flots soulevés du monde et les tempêtes déchaînées par les esprits impurs, s'efforce de parvenir au repos de la patrie céleste. Ce n'est point sans raison que cette barque nous est représentée au milieu de la mer, tandis que Jésus est seul sur le rivage, parce que l'Eglise, quelquefois, est tellement accablée par les persécutions des infidèles, que le divin Rédempteur paraît l'avoir complètement abandonnée. Mais le Seigneur ne perd pas de vue ses serviteurs qui luttent contre les flots soulevés; il les fortifie d'un regard de sa miséricorde pour qu'ils ne succombent pas sous le poids de leurs tribulations, et quelquefois même il les délivre d'une manière éclatante. Il vient à leur secours à la quatrième veille, et lorsque le jour approche, parce qu'en effet, lorsque l'homme ouvre les yeux de son âme à la lumière du secours qui vient d'en haut, le Seigneur vient lui-même eu personne, et tous les dangers des tentations sont assoupis. - S. Chrys. Ou bien la première veille est le temps qui s'est écoulé jusqu'au déluge; la seconde s'étend jusqu'à Moïse; la troisième, jusqu'à l'avènement du Sauveur; c'est dans la quatrième veille que le Seigneur arrive et adresse la parole à ses disciples. - Bède. Souvent la bonté divine paraît avoir abandonné les fidèles au milieu des tribulations, et il semble encore que Jésus veuille passer outre sans jeter un regard sur ses disciples qui luttent contre la fureur de la nier. Il est encore aussi des hérétiques qui pensent que le Sauveur eut un corps sans réalité, et qu'il n'a point pris une chair véritable dans le sein de la Vierge Marie. - S. Jér. Jésus dit à ses disciples: «Ayez confiance, c'est moi, ne craignez point», parce qu'un jour nous le verrons tel qu'il est. Le vent tombe et la tempête s'apaise aussitôt que Jésus s'est assis; c'est-à-dire aussitôt qu'il exerce l'autorité de roi dans la barque qui est la figure de l'Eglise universelle. - Bède. De même encore, aussitôt qu'il entre dans un coeur par la grâce du divin amour il apaise et fait cesser aussitôt toutes les guerres soulevées par les passions, par le monde et les esprits mauvais.


vv. 53-56

6653 Mc 6,53-56


La Glose. L'Évangéliste, après avoir raconté le danger qu'avaient couru les disciples au milieu de la mer et le miracle qui les en avait délivré, nous fait connaître le lieu où ils vinrent aborder: «Après avoir traversé le lac, ils vinrent au territoire de Génésareth». - Théophyl. Ce fut après un assez long espace de temps que le Seigneur aborda dans ce lieu, ce qui explique ces paroles de l'Évangéliste: «Et dès qu'ils furent sortis de la barque, les habitants de ce pays le reconnurent». - Bède. Ils le connurent, non de visage, mais de réputation, peut-être aussi plusieurs d'entre eux le connaissaient de vue à cause de l'éclat de ses miracles. Voyez quelle est la foi de ces habitants de Génésareth: il ne leur suffit pas que Jésus guérisse les malades qui sont au milieu d'eux; ils vont parcourir toutes les villes des environs pour les inviter à venir trouver le médecin: «Et parcourant toute la contrée, ils lui apportèrent les malades dans des lits». - Théophyl. Ils ne le priaient point d'entrer dans les maisons pour guérir les malades; ils préféraient les apporter devant lui. «Et partout où il entrait, dans les bourgs, dans les villages ou dans les villes, ils mettaient les malades sur les places publiques», etc. Le miracle que le Sauveur avait opéré en faveur de l'hémorrhoïsse était parvenu à la connaissance d'un grand nombre, et leur inspirait cette foi qui était la cause de leur guérison: «Et tous ceux qui le touchaient étaient guéris».

Bède. Dans le sens allégorique, la frange du vêtement du Sauveur représente le moindre de ses commandements; quiconque le transgressera sera le moindre dans le royaume des cieux (Mt 5,19). Ou bien encore, elle peut représenter la chair qu'a prise le Fils de Dieu, qui nous conduit jusqu'au Verbe de Dieu et nous fait ensuite entrer en jouissance de sa majesté. - S. Jér. Les paroles suivantes: «Et tous ceux qui le touchaient étaient sauvés», s'accompliront quand il n'y aura plus ni gémissements ni douleur (Is 35,10).


CHAPITRE VII


vv. 1-13

6701 Mc 7,1-13

Bède. Les habitants de Génésareth, dont l'instruction était moins développée, non seulement viennent trouver Notre-Seigneur, mais ils lui amènent leurs malades, pour qu'ils puissent toucher au moins la frange de ses vêtements. Les pharisiens et les scribes, au contraire, qui auraient dû être les docteurs du peuple, s'empressent autour du Sauveur, non pour en obtenir la guérison de leurs maladies, mais pour soulever de vaines disputes en lui proposant des questions sans fin: «Des pharisiens et plusieurs scribes s'assemblèrent près de Jésus». - Théophyl. Les disciples de Jésus, à qui leur divin Maître avait enseigné surtout la pratique sérieuse de la vertu, prenaient leur nourriture sans s'être lavé les mains; les pharisiens qui ne cherchaient qu'un prétexte, saisirent celui-ci pour les accuser. Ils ne leur reprochent pas précisément de transgresser la loi, mais de ne pas se conformer aux traditions des anciens: «Car les pharisiens et tous les Juifs ne mangent point sans s'être à plusieurs reprises lavé les mains, suivant en cela la tradition des anciens». - Bède. Ils prenaient dans un sens purement matériel les paroles toutes spirituelles des prophètes, et entendaient exclusivement de la purification du corps des recommandations qui n'avaient pour objet que les pensées et les oeuvres, comme celles-ci: «Lavez-vous, et soyez purs» (Is 1,16): «Soyez purs, vous qui portez les vases du Seigneur» (Is 52,11). C'est donc une tradition toute humaine et superstitieuse, quand on s'est lavé une fois les mains, de les laver encore à plusieurs reprises avant de prendre sa nourriture, et de ne vouloir point se mettre à table en revenant de la place publique, sans s'être purifié. Mais il est nécessaire que ceux qui désirent participer au pain descendu du ciel, ne cessent de purifier leurs oeuvres par les aumônes, les larmes, et par d'autres fruits de justice. Il faut aussi purifier sous l'action incessante des bonnes pensées et des actions vertueuses, les souillures que l'on contracte nécessairement au milieu des préoccupations des affaires du siècle. Mais pour les Juifs, c'est inutilement qu'ils se lavent fréquemment et se purifient en revenant de la place publique, tant qu'ils refusent de venir se purifier dans la fontaine du Sauveur; et c'est en vain qu'ils observent la purification des vases, eux qui négligent de purifier leurs corps et leurs coeurs de leurs véritables souillures.

«Et les pharisiens et les scribes lui demandèrent: Pourquoi vos disciples ne se conforment-ils pas à la tradition des anciens, mais prennent-ils leurs repas avec des mains impures ?» - S. Jér. (sur S. Matth., 15). Quel aveuglement étonnant dans les pharisiens et dans les scribes ! Ils reprochent au Fils de Dieu que ses disciples n'observent pas les traditions et les préceptes des hommes. Le mot latin commune, commun, veut dire ici qui est impur. Le peuple juif, qui se considérait comme le partage de Dieu, regardait comme impurs certains aliments dont les autres peuples se nourrissaient, comme les huîtres, la chair de porc, les lièvres et autres animaux semblables.

S. Jér. Notre-Seigneur oppose à cette ridicule agression des pharisiens, l'arme de la raison, c'est-à-dire, les reproches que faisaient autrefois Moïse et Isaïe, et il nous apprend ainsi à nous servir des paroles de la sainte Ecriture, pour combattre et vaincre les hérétiques. «Il leur répondit: Isaïe a bien prophétisé de vous, hypocrites, lorsqu'il dit: Ce peuple m'honore des lèvres, mais son coeur est loin de moi» (Is 29,13). - S. Chrys. (hom. 52 sur S. Matth). Comme ils accusaient injustement ses disciples de transgresser, non les préceptes de la loi, mais la tradition des anciens, il les confond en les traitant d'hypocrites, eux qui professent un respect exagéré pour des choses qui ne le méritent pas. Il leur applique ensuite cette parole d'Isaïe, comme leur étant adressée directement. Ceux à qui le prophète reprochait d'honorer Dieu des lèvres, tandis que leur coeur était loin de lui, se vantaient inutilement d'observer les règles de la vraie religion, il en est ainsi de vous-mêmes qui négligez de guérir le mal intérieur dont vous êtes atteint, et qui accusez ceux qui suivent les règles de la justice. - S. Jér. Il faut rayer et détruire la tradition des pharisiens sur la purification des tables et des vases, car souvent on sacrifie à de semblables traditions les commandements de Dieu: «Car vous négligez la loi de Dieu, et vous observez avec soin la tradition des hommes, purifiant les vases et les coupes», etc. - S. Chrys. Et pour leur montrer qu'ils ont sacrifié le commandement de Dieu et le respect qu'ils lui devaient, à la tradition des anciens opposée aux divines Écritures, il ajoute: «Car Moïse a dit: Honore ton père et ta mère», etc. - Bède. L'honneur dans le langage des saintes Écritures, consiste moins dans les marques extérieures de respect et de déférence, que dans l'assistance et les secours effectifs donnés à ceux qui en ont besoin: Honorez, dit l'Apôtre, les veuves qui sont vraiment veuves (1Tm 5,3). - S. Chrys. Et vous, malgré l'existence de cette loi divine et malgré les menaces qui sont faites à ceux qui la transgressent, vous transgressez pour rien le précepte divin, vous contentant d'observer les traditions des anciens. «Et vous dites: Si un homme dit à son père ou à sa mère: Tout corban, c'est-à-dire, tout don fait à Dieu de mon bien vous profite», il sera par-là même affranchi de l'observation de ce commandement: «Et vous le dispensez de rien faire davantage pour son père et pour sa mère». - Théophyl. Les pharisiens, avides de s'emparer des offrandes qui étaient faites, enseignaient aux enfants qui avaient quelque argent, à répondre à leurs parents qui leur demandaient des secours: le corban, c'est-à-dire, le don que vous me demandez, a déjà été offert à Dieu. C'est ainsi qu'ils persuadaient aux parents de ne plus demander ces offrandes comme faites à Dieu, et ayant satisfait par là même à tous leurs besoins; et qu'ils induisaient les enfants en erreur, en les détournant de l'honneur qu'ils devaient à leurs parents, afin de pouvoir eux-mêmes dévorer les offrandes qui étaient faites à Dieu dans le temple. Notre-Seigneur leur reproche donc de transgresser la loi divine pour l'appât d'un gain sordide: «Et c'est ainsi que vous annulez la parole de Dieu par une tradition dont vous êtes les auteurs. - S. Chrys. (comme précéd). On peut dire encore que les pharisiens enseignaient aux jeunes gens, que, si pour réparer les torts qu'ils faisaient à leurs parents, ils offraient à Dieu des présents, ils étaient quittes en donnant à Dieu ce qui leur était dû, et c'est ainsi qu'ils détruisaient le précepte qui fait un devoir d'honorer ses parents. - Bède. On peut enfin donner de ces paroles: «Le don que je fais à Dieu vous servira», cette explication abrégée: Vous forcez les enfants à dire à leurs parents: Ce que je devais offrir à Dieu, je vais l'employer à vous nourrir, et cela vous servira, ô mon père et ma mère: ce qui revenait à dire: Cela ne vous servira pas. Car les parents craignant d'employer à leur usage ce qu'ils voyaient destiné à l'autel, aimaient mieux mener une vie pauvre que de se nourrir des choses consacrées à Dieu.

S. Jér. Dans le sens allégorique, les disciples qui mangeaient sans s'être lavé les mains, figurent la communion qui devait exister entre toutes les nations. Les ablutions et les purifications pharisaïques sont stériles, tandis que la coutume suivie par les apôtres de s'affranchir des purifications légales, a étendu ses branches jusqu'à la mer.


vv. 14-23


6714 Mc 7,14-23

S. Chrys. Les Juifs attachaient la plus grande importance aux purifications légales, et murmuraient du peu d'estime qu'en faisait Notre-Seigneur, et c'est pour cela qu'il tient à bien établir la doctrine contraire: «Et appelant de nouveau le peuple, il leur dit: Ecoutez-moi tous, et comprenez. Il n'est rien en dehors de l'homme, qui entrant en lui, puisse le souiller, mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui souille l'homme». Les préceptes de Jésus-Christ ont surtout pour objet l'intérieur de l'homme, tandis que les prescriptions légales sont surtout pour l'extérieur, et c'est à ces observances trop matérielles que la croix de Jésus-Christ devait bientôt mettre fin.

Théophyl. En parlant de la sorte, Notre-Seigneur veut apprendre au peuple qu'il fallait entendre dans un sens spirituel les prescriptions légales sur la nourriture, et il prend occasion de là pour leur faire connaître le but que se proposait la loi. - S. Chrys. Il ajoute: «Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende». En effet, il n'avait pas expliqué ouvertement quelles étaient ces choses qui sortaient de l'homme et le souillaient, et cet avertissement du Sauveur fit croire aux apôtres que les paroles qui précèdent avaient un sens plus profond, c'est pourquoi: «Etant entré dans une maison après avoir quitté le peuple, ses disciples l'interrogeaient sur cette parabole, etc». Le mot parabole veut dire ici un discours qui renferme quelque obscurité.

Théophyl. Notre-Seigneur commence par leur faire un reproche: «Et il leur dit: Vous aussi, vous avez si peu d'intelligence ?» - Bède. On est mauvais auditeur, ou quand on veut comprendre trop clairement des choses naturellement obscures, ou quand on veut laisser planer de l'obscurité sur des choses évidentes. - Théophyl. Notre-Seigneur leur dévoile ensuite ce qu'il y avait d'obscur pour eux dans ces paroles, en leur disant: «Ne comprenez-vous pas que tout ce qui du dehors entre dans l'homme ne peut le souiller ?» Un lecteur attentif fera peut-être cette difficulté: Pourquoi donc alors ne mangeons-nous pas des viandes immolées aux idoles? Nous répondons que la viande immolée aux idoles ne doit pas être considérée comme impure par elle-même. - Bède. Elle n'est pas impure, en tant qu'elle est une nourriture créée de Dieu, mais c'est l'invocation des idoles ou des démons qui en fait une viande souillée et illicite. Notre-Seigneur donne la raison de ce qu'il vient de dire: «Parce que cela n'entre pas dans son coeur». Le siège principal de l'âme, suivant Platon, est dans le cerveau, mais d'après Jésus-Christ, il est dans le coeur. - La Glose. (cf. II-II 148,1 I 119,1) Il dit: «Dans le coeur», c'est-à-dire, dans cette partie supérieure de l'âme d'où dépend toute la vie de l'homme, et qui rend ses actes innocents ou coupables; et il est donc évident que ce qui ne parvient pas jusqu'à l'âme, ne peut être la cause d'aucune souillure dans l'homme. Donc les aliments qui ne peuvent arriver jusqu'à l'âme, ne peuvent de leur nature la souiller en aucune façon, mais l'usage immodéré des aliments qui vient du dérèglement de l'esprit, peut produire une véritable souillure dans l'âme. Or, Notre-Seigneur prouve que les aliments ne peuvent parvenir jusqu'à l'âme, en ajoutant: «Mais se rend dans le ventre et est jeté dans le lieu secret», etc. Il s'exprime de la sorte, pour qu'on n'applique pas ce qu'il vient de dire à la partie des aliments qui reste dans le corps, car le corps conserve tout ce qui est nécessaire pour sa nourriture et son accroissement, et il laisse sortir tout ce qui est inutile par un travail qui purifie pour ainsi dire la partie des aliments qui reste à l'intérieur. - S. Aug. (Livre des 83 quest.). Il est des choses qui entrent en nous pour être à la fois la cause et l'objet d'un changement, comme les aliments qui perdent leur nature pour s'assimiler à notre corps, et qui en même temps accroissent et transforment notre force. - Bède. Lorsque la partie des aliments qui reste dans le corps a été comme cuite et digérée dans les veines et dans les artères, il se produit une légère substance liquide qui s'échappe par des conduits secrets que les Grecs appellent pores, et qui de là est rejetée au dehors.

Bède. Ce ne sont donc pas les aliments qui rendent les hommes impurs, c'est la malice qui est la source des passions intérieures: «Mais, disait le Sauveur, ce qui sort de l'homme, c'est là ce qui souille l'homme», etc. - La Glose. Et il en donne la raison: «Car c'est du dedans du coeur des hommes que sortent les mauvaises pensées». D'où il faut conclure que les mauvaises pensées viennent de l'âme (que Notre-Seigneur appelle ici le coeur), c'est-à-dire, du principe qui rend l'homme bon ou mauvais, pur ou impur. - Bède. Ces paroles sont la condamnation de ceux qui prétendent que les mauvaises pensées nous sont envoyées par le démon, et ne viennent pas de notre propre volonté. Le démon peut être l'instigateur et le fauteur des mauvaises pensées, mais il ne peut en être l'auteur. - La Glose. Des mauvaises pensées, sortent à leur tour, toutes les actions mauvaises: les adultères, qui font outrage au lit d'autrui; les fornications, c'est-à-dire, les relations criminelles avec des personnes non mariées; les homicides, qui sont un attentat à la vie du prochain; les vols, par lesquels on s'empare injustement de ses biens; les faits d'avarice qui sont la détention injuste des biens d'autrui; les méchancetés, qui portent atteinte à la réputation du prochain; les fourberies qui le trompent; les impudicités qui embrassent toutes les actions qui corrompent l'âme ou le corps. - Théophyl. L'oeil mauvais, c'est la haine et la flatterie, car celui qui nourrit de la haine contre son frère, le voit d'un oeil mauvais et envieux; or, celui qui le flatte, l'entraîne au mal, en ne voyant pas d'un oeil droit ses véritables intérêts. Les blasphèmes sont les outrages faits à Dieu; l'orgueil, c'est le mépris que l'on fait de Dieu, en attribuant, non à Dieu mais à ses propres forces le bien que l'on opère; la folie, c'est l'outrage commis contre le prochain. - La Glose. (cf. II-II 46,1 I-II 1,1) Ou bien, la folie consiste à n'avoir pas des idées saines et droites sur Dieu, elle est opposée à la sagesse qui est la connaissance des choses divines. - Suite. «Toutes ces choses sortent du dedans et souillent l'homme». Car on doit imputer à l'homme ce qu'il est libre de faire ou de ne pas faire; or, telles sont toutes les choses qui viennent de la volonté intérieure, qui rend l'homme le maître de ses actes.



Catena Aurea 6635