Catena Aurea 9428

vv. 28-30

9428 Lc 4,28-30

Ch. des Pèr. gr. (Cyr) Ils s'indignent contre lui, parce qu'il les a repris de leur coupable intention: «En entendant ces paroles, ils furent tous remplis de colère dans la synagogue». Comme il leur avait dit: Aujourd'hui cette prophétie s'est accomplie», ils crurent qu'il se comparait lui-même aux prophètes, et ils le chassèrent hors de leur ville: «Et se levant, ils le chassèrent hors de la ville», etc. - S. Ambr. Il n'est pas étonnant qu'ils aient perdu le salut, eux qui chassent le Sauveur de leur pays. Cependant le Seigneur qui avait enseigné à ses Apôtres, par son exemple, à se faire tout à tous, ne repousse pas les hommes de bonne volonté, mais il ne contraint pas non plus ceux qui résistent; il ne lutte pas contre ceux qui le rejettent, il ne fait pas défaut à ceux qui le prient de rester avec eux. Il fallait cependant que leur jalousie fut bien grande pour leur faire oublier les sentiments qui unissent d'ordinaire les concitoyens, et pour changer en haine mortelle les motifs de la plus légitime affection, En effet, c'est alors que le Sauveur répandait ses bienfaits surtout le peuple, qu'ils lui prodiguent leurs outrages: «Et ils le conduisirent sur le sommet de la montagne pour l'en précipiter». - Bède. Les Juifs, disciples du démon, sont mille fois pires que leur maître lui-même; le démon s'est contenté de dire à Jésus: «Jetez-vous en bas», tandis que les Juifs cherchent à le précipiter eux-mêmes. Mais Jésus change tout à coup leurs dispositions, ou les frappe de stupeur et d'aveuglement, et descend de la montagne, parce qu'il veut leur laisser encore l'occasion de se repentir: «Or Jésus passant au milieu d'eux, s'en alla». - S. Chrys. (hom. 47 sur S. Jean). Notre-Seigneur fait paraître ici tout à la fois les attributs de la divinité et les signes de son humanité. En effet, en passant au milieu de ceux qui le poursuivaient, sans qu'ils puissent se saisir de lui, il montre la supériorité de sa nature divine; et en s'éloignant d'eux, il prouve le mystère de son humanité ou de son incarnation. - S. Ambr. Comprenez encore ici que sa passion a été non un acte forcé, mais complètement volontaire. Ainsi, on se saisit de sa personne quand il le veut, il échappe à ses ennemis quand il le veut; car comment un petit nombre de personnes aurait-il pu le retenir captif, puisqu'il ne pouvait être arrêté par un peuple tout entier? Mais il ne voulut pas qu'un si grand sacrilège fût commis par la multitude; et il devait être crucifié par un petit nombre, lui qui mourait pour le monde entier. D'ailleurs, son désir était de guérir les Juifs plutôt que de les perdre, et il voulait que le résultat de leur impuissante fureur leur fit renoncer à des desseins qu'ils ne pouvaient accomplir. - Bède. Ajoutons encore que l'heure de sa passion n'était pas encore venue, puisqu'elle ne devait arriver que le jour de la préparation de la fête de Pâques. Il n'était pas non plus dans le lieu marqué pour sa passion, qui était figurée par les victimes qu'on immolait, non pas à Nazareth, mais à Jérusalem. Enfin ce n'était pas de ce genre de mort qu'il devait mourir, puisqu'il était prédit depuis des siècles qu'il serait crucifié.


vv. 31-37

9431 Lc 4,31-37

S. Ambr. En quittant la Judée, Notre-Seigneur ne cède ni à un sentiment d'indignation, ni au juste ressentiment du crime des Juifs; au contraire, il oublie cet outrage pour ne se souvenir que de sa clémence, et tantôt par ses enseignements, tantôt par les guérisons qu'il opère, il cherche à toucher les coeurs de ce peuple infidèle: «Et il descendit à Capharnaüm qui est une ville de Galilée», etc. - S. Cyr. Il connaissait bien leur penchant à l'indocilité et la dureté de leur coeur, cependant il les visite comme un bon médecin qui s'efforce de guérir des malades qu'il voit réduits à l'extrémité. Il enseignait sans crainte dans les synagogues, selon ces paroles d'Isaïe: «Je n'ai point parlé en secret, ni dans quelque coin obscur de la terre» (Is 45,19). Il choisissait le jour de sabbat pour discuter avec eux, parce que c'était pour eux le jour du repos; ils furent donc étonnés de la grandeur de sa doctrine, de sa vertu, de sa puissance: «Et sa doctrine les frappait d'étonnement, parce qu'il leur parlait avec autorité». C'est-à-dire, que ses paroles n'étaient point molles et flatteuses, mais entraînantes, et qu'elles pressaient ceux qui les entendaient, de travailler à leur salut. Mais les Juifs ne voyaient dans Jésus-Christ qu'un saint ou un prophète; aussi pour leur donner de lui une plus haute et une plus juste idée, il s'élève au-dessus du langage prophétique. Son exorde, en effet, n'était pas comme celui des prophètes: «Voici ce que dit le Seigneur»; mais comme maître de la loi, il enseigne une doctrine supérieure à la loi, et passe de la lettre à la vérité, des figures à leur accomplissement spirituel. - Bède. On peut dire encore que la parole d'un docteur a de l'autorité, lorsqu'il pratique ce qu'il enseigne, car on n'a que du mépris pour celui dont la conduite est en opposition avec ses discours.

S. Cyr. A la prédication de la doctrine, Notre-Seigneur joint avec à propos des oeuvres étonnantes, et persuade ainsi ceux que la raison ne parvenait pas à convaincre de ce qu'il était: «Or, il y avait dans la synagogue un homme possédé du démon», etc. - S. Ambr. Notre-Seigneur, en commençant le jour du sabbat les oeuvres de la rédemption divine, veut nous apprendre que la nouvelle création commence le jour même où l'ancienne création avait fini, et nous montrer tout d'abord que le Fils de Dieu n'est pas soumis à la loi mais qu'il était supérieur à la Loi. Il commence encore le jour du sabbat, pour montrer qu'il est le Créateur qui fait succéder aux oeuvres anciennes des oeuvres nouvelles, et poursuit le dessein qu'il avait commencé à réaliser si longtemps auparavant. Semblable à un ouvrier qui veut rebâtir une maison et qui en fait disparaître tout ce qu'elle a de ruineux, en commençant, non par les fondations, mais par le faîte et en démolissant d'abord ce qui avait été construit en dernier lieu. Ajoutons que le Sauveur commence par des oeuvres moins importantes pour arriver à celles qui ont plus d'éclat. Les saints eux-mêmes peuvent délivrer du démon au nom et par le Verbe de Dieu, mais il n'appartient qu'à la puissance divine de commander aux morts de ressusciter (Lc 7,14 Jn 11,43).

S. Cyr. Les Juifs calomniaient la gloire de Jésus-Christ en disant: «Il chasse les démons par Beelzebub, prince des démons» (Mt 12,24). C'est pour confondre cette accusation sacrilège, que les démons se trouvant en présence de son invincible puissance, et ne pouvant supporter l'approche de la divinité, jetaient des cris effrayants: «Et il jeta un grand cri en disant: Laissez-nous, qu'y a-t-il de commun entre vous et nous ?» etc. - Bède. Comme s'il disait: Cessez un peu de nous tourmenter, vous qui êtes complètement étranger à nos mauvais desseins. - S. Ambr. On ne doit point s'étonner de lire dans l'Évangile, que le démon soit le premier à donner au Sauveur le nom de Jésus de Nazareth; car ce n'est pas du démon que le Christ a reçu ce nom, qui a été apporté du ciel par un ange à la très-sainte Vierge. Mais telle est l'impudence du démon, qu'il cherche à introduire le premier parmi les hommes, un usage, une coutume, et la présente comme nouvelle pour imprimer une plus grande crainte de sa puissance. Il dit donc: «Je sais qui vous êtes, le saint de Dieu». - S. Athan. Il l'appelle le saint de Dieu, non pas comme s'il était semblable aux autres saints, mais comme étant saint d'une sainteté toute particulière, saint par excellence et avec addition de l'article. En effet, Jésus-Christ est le seul saint par nature, et les autres ne méritent le nom de saints que par leur participation à sa sainteté. Toutefois en parlant de la sorte, le démon ne le connaissait pas en réalité, mais il feignait de le connaître. - S. Cyr. Les démons s'imaginèrent que ces louanges inspireraient au Sauveur l'amour de la vaine gloire, et le détourneraient de s'opposer à leurs desseins, ou de les chasser, et qu'il leur rendrait ainsi service pour service. - S. Chrys. (hom. sur la 4e Ep. aux Corinth). Le démon voulut aussi bouleverser l'ordre établi de Dieu, usurper la dignité des Apôtres et ranger un grand nombre d'hommes sous son obéissance. - S. Athan. Bien qu'il confessât la vérité, Jésus ne laisse pas de lui imposer silence; il ne veut pas qu'avec la vérité il puisse propager le mensonge, et il voulait aussi nous accoutumer à ne faire aucun cas de semblables révélations, bien qu'elles paraissent conformes à la vérité, car c'est un crime de choisir le démon pour maître, quand nous avons pour nous instruire les saintes Écritures: «Mais Jésus lui dit avec menace: Tais-toi et sors de cet homme».

Bède. C'est par une permission divine que cet homme qui allait être délivré du démon est jeté au milieu de l'assemblée, Dieu voulait ainsi rendre plus éclatante la puissance du Sauveur, et en faire entrer un plus grand nombre dans les voies du salut: «Et lorsqu'il l'eût jeté à terre», etc. Le récit de saint Matthieu paraît ici en contradiction avec celui de saint Marc, où nous lisons: «Et l'esprit impur l'agitant violemment, sortit de lui en jetant un grand cri» (Mc 1,26). Mais on peut dire que ces paroles de saint Marc: «L'agitant violemment», ont la même signification que ces autres de saint Luc: «Et l'ayant jeté au milieu de l'assemblée». Quant aux paroles suivantes: «Et il ne lui fit aucun mal», il faut les entendre dans ce sens, que cette agitation des membres et cette violente secousse ne fit éprouver à cet homme aucune faiblesse, comme il arrive d'ordinaire, lorsque les démons ne sortent des corps qu'ils possèdent qu'en coupant ou en brisant quelques membres. Aussi ceux qui sont présents, sont-ils à bon droit surpris d'une guérison aussi complète: «Et l'épouvante les saisit tous», etc. - Théophyl. Ils semblent dire: Quel est cet ordre qu'il vient de donner au démon: «Sors de cet homme», et il est sorti? - Bède. Les saints peuvent également chasser les démons par la puissance du Verbe de Dieu; mais seul le Verbe de Dieu opère de semblables miracles par sa propre puissance.

S. Ambr. Dans le sens allégorique, cet homme de la synagogue qui était possédé de l'esprit immonde, c'est le peuple des Juifs qui, enlacé dans les filets du démon, profanait la pureté apparente de son corps par les souillures trop réelles de son âme, il était possédé de l'esprit immonde, parce qu'il avait perdu l'Esprit saint, car le démon prenait possession de la demeure que le Christ venait de quitter. - Théophylacte. Il en est encore beaucoup aujourd'hui qui sont possédés du démon, c'est-à-dire, ceux qui accomplissent les désirs que les démons leur inspirent; c'est ainsi que les furieux sont possédés du démon de la colère, et ainsi des autres. Or le Seigneur entre dans la synagogue, lorsque l'âme de l'homme se trouve toute réunie, et il dit au démon qui l'habite: Tais-toi, et aussitôt le démon jette cet homme dans le milieu et sort de lui. Il ne convient pas, en effet, que l'homme soit constamment dominé par la colère (c'est le propre des bêtes féroces), ni qu'il soit inaccessible au sentiment de la colère (ce qui serait insensibilité), mais il doit tenir un juste milieu, et manifester une certaine colère contre le mal, et c'est pourquoi cet homme est jeté au milieu de l'assemblée, lorsque l'esprit immonde sort de son corps.


vv. 38-39

9438 Lc 4,38-39

S. Amb. Après la délivrance de cet homme possédé de l'esprit impur, saint Luc raconte immédiatement la guérison d'une femme, car le Seigneur était venu guérir l'un et l'autre sexe, et il devait commencer par celui qui fut créé le premier: «Et étant sorti de la synagogue, il entra dans la maison de Simon» - S. Chrys. (hom. 28 sur S. Matth). Il demeurait ainsi volontiers chez ses disciples, pour leur témoigner de l'honneur, et leur inspirer un plus grand courage et un zèle plus ardent. - S. Cyr, Considérez la condescendance du Sauveur, qui demeure chez un homme pauvre, lui qui, de sa pleine volonté, s'est soumis à toutes les privations de la pauvreté, pour nous apprendre à aimer le commerce des pauvres, et à ne jamais mépriser les indigents et les malheureux.

«La belle-mère de Simon avait une forte fièvre, et ils le prièrent pour elle». - S. Jér. Tantôt le Sauveur attend qu'on le prie, tantôt il guérit de lui-même les malades qui se présentent. Il nous apprend par cette conduite, qu'il accorde aux prières des fidèles ces grâces puissantes qui aident les pécheurs à triompher de leurs passions, et que quant aux maladies intérieures qu'ils ne connaissent pas, ou bien il leur en donne l'intelligence, ou il leur pardonne ce qu'ils ne comprennent pas, selon ces paroles du Psalmiste: «Qui peut connaître ses péchés? Purifiez-moi de celles qui sont cachées en moi» (Ps 18,13-14). - S. Chrys. Que saint Matthieu ait passé ce fait sous silence, cela ne fait aucune contradiction, et n'a d'ailleurs aucune importance, l'un s'est appliqué à être court, l'autre a voulu donner une explication plus complète. - Suite. «Alors se tenant debout auprès d'elle», etc. - S. Bas. (et Orig ., Ch. des Pèr. gr). D'après le récit de saint Luc, Notre-Seigneur tient ici un langage figuré, il parle à la fièvre comme à un être animé et intelligent, il lui commande de sortir, et la fièvre obéit à ce commandement: «Et la fièvre la quitta, et s'étant levée aussitôt, elle se mit à les servir». - S. Chrys. Comme cette maladie n'est pas incurable, Notre-Seigneur fait éclater sa puissance par la manière dont il la guérit, et en faisant ce que toute la science médicale n'aurait jamais pu faire. Car après que la fièvre a disparu, les malades sont encore bien longtemps à revenir à leur premier état de santé, tandis qu'ici la cessation de la fièvre est suivie d'une guérison complète.

S. Ambr. Si nous voulons examiner ce fait miraculeux à un point de vue plus élevé, nous devrons y reconnaître la guérison de l'âme aussi bien que celle du corps, et c'est l'esprit qui a souffert le premier des atteintes mortelles du serpent qui est aussi guéri le premier. D'ailleurs, Eve ne désire manger du fruit défendu qu'après avoir été séduite par la ruse perfide du serpent; c'est pourquoi le remède du salut devait agir d'abord contre l'auteur même du péché. Peut-être aussi cette femme est-elle la figure de notre chair languissante et malade de la fièvre des passions criminelles; en effet, la fièvre de l'amour est-elle moins ardente que la fièvre qui vient de la chaleur ou de l'inflammation? - Bède. Si dans cet homme délivré du démon, nous reconnaissons une figure de l'âme purifiée de ses pensées immondes, dans cette femme en proie à une fièvre ardente et guérie par le commandement du Sauveur, nous pourrons voir la chair préservée des ardeurs de la concupiscence par les préceptes de la continence. - S. Cyr. Nous donc aussi, recevons Jésus avec empressement, car s'il daigne nous visiter et que nous le portions dans notre âme et dans notre coeur, il éteindra le feu des voluptés coupables, et nous rendra la force et la santé nécessaires pour le servir, c'est-à-dire, pour accomplir ses volontés.


vv. 40-41

9440 Lc 4,40-41

Théophyl. Considérez l'empressement de cette multitude, bien que le soleil fût couché, ils amènent à ses pieds les infirmes, sans être arrêtés par l'heure avancée: «Lorsque le soleil fut couché, tous ceux qui avaient des infirmes», etc. - Orig. Ils les amenaient après le coucher du soleil, c'est-à-dire, à la fin du jour, parce que, dans le courant de la journée, ils étaient retenus par d'autres occupations, ou bien encore, parce qu'ils croyaient qu'il n'était pas permis de guérir le jour du sabbat; Jésus les guérissait: «Or, Jésus imposant les mains sur chacun d'eux», etc. - S. Cyr. Il eut pu, sans doute, comme Dieu, guérir ces malades d'un seul mot, cependant il les touche et montre ainsi la puissance de sa chair pour opérer des guérisons, car c'était la chair d'un Dieu; or, de même que le feu approché d'un vase d'airain, lui communique sa propre chaleur, de même le Verbe tout-puissant de Dieu, en s'unissant véritablement ce temple animé et intelligent qu'il reçut de la vierge Marie, le rendit participant de sa puissance divine. Que Jésus daigne aussi nous toucher, ou plutôt touchons-le nous-mêmes pour être délivrés des attaques et de l'orgueil du démon: «Les démons sortaient du corps de plusieurs», etc. - Bède. Les démons confessent le Fils de Dieu, et, comme l'Évangéliste le dit plus loin: «Ils savaient qu'il était le Christ». En effet, lorsque le démon le vit épuisé par le jeûne, il en conclut qu'il était homme, mais le voyant inaccessible à la tentation, il doutait s'il n'était pas le Fils de Dieu; maintenant l'éclat et la puissance des miracles lui fait comprendre ou plutôt soupçonner qu'il est le Fils de Dieu. Si donc il a porté les Juifs à crucifier Jésus-Christ, ce n'est pas qu'il doutât qu'il fût le Christ ou le Fils de Dieu, mais parce qu'il ne prévoyait pas que sa mort serait sa propre condamnation. Car saint Paul dit de ce mystère caché depuis les siècles: «Que nul des princes de ce monde ne l'a connu, car s'ils l'eussent connu, ils n'eussent jamais crucifié le Seigneur de la gloire (1Co 2,8). - S. Chrys. «Mais il les menaçait, et ne leur permettait pas de dire», etc. Admirez ici l'humilité de Jésus-Christ, il ne veut pas que les esprits immondes manifestent sa gloire. Il ne fallait pas, en effet, laisser usurper au démon la gloire du ministère apostolique, et il ne convenait pas que le mystère de Jésus-Christ fût annoncé par des langues impures. - Théophyl. Ou bien, c'est parce que la louange qui sort de la bouche du pécheur n'a aucune beauté (Si 15,9), ou parce qu'il ne voulait pas exciter davantage la jalousie des Juifs, en s'attirant les louanges de la multitude. - Bède. Les Apôtres eux-mêmes avaient ordre de ne point parler de lui, de peur que la connaissance de sa divinité venant à se répandre, le mystère de sa passion ne fût différé.


vv. 42-44

9442 Lc 4,42-44

S. Chrys. Après avoir fait un nombre suffisant de miracles en faveur du peuple, le Seigneur devait se retirer, car les miracles paraissent plus grands après le départ de celui qui les a faits, ils proclament plus haut la puissance divine, et font l'office de prédicateurs: «Donc, dit l'Évangéliste, lorsqu'il fut jour il sortit dehors, et s'en alla en un lieu désert», etc. - Ch. des Pèr. Gr. Il s'en alla dans le désert (d'après saint Marc), et il priait, non pas qu'il eût besoin de prière, mais pour nous donner le modèle d'une prière parfaite. - S. Chrys. (tiré des hom. sur S. Matth). Malgré tant de miracles éclatants, les pharisiens sont scandalisés de la puissance de Jésus-Christ, tandis que le peuple docile à ses divins enseignements, marchait à sa suite: «Et la foule le cherchait», etc. Ce ne sont ni les premiers du peuple, ni les scribes qui le cherchent, mais ceux que la noirceur de la méchanceté n'avait pas atteint, et dont la conscience était restée pure. - Ch. des Pèr. gr. Saint Marc dit que les Apôtres rejoignirent le Sauveur, pour lui dire que le peuple le cherchait; d'après saint Luc, c'est le peuple lui-même qui vient trouver le Sauveur, mais il n'y a en cela aucune contradiction, car le peuple était venu le trouver à la suite des Apôtres. Le Seigneur éprouvait de la joie de se voir ainsi entouré par la foule, mais il commandait cependant qu'on le laissât aller, car il fallait que d'autres aussi fussent initiés à sa doctrine, parce que le temps de sa présence sur la terre ne devait pas être bien long: «Et il leur dit: Il faut aussi que j'annonce aux autres villes», etc. Saint Marc dit: «C'est pour cela que je suis venu» (Mc 1,38), montrant ainsi l'excellence de sa divinité et son anéantissement volontaire. D'après saint Luc, au contraire, le Sauveur aurait dit: «C'est pour cela que je suis envoyé»; et il exprime ainsi le mystère de son incarnation, et donne le nom de mission à la volonté du Père. L'un dit simplement: «Afin que j'annonce»; l'autre ajoute: «Le royaume de Dieu», qui est Jésus-Christ lui-même. - S. Chrys. (comme précéd). Considérez ici que le Sauveur pouvait attirer à lui tous les hommes, en demeurant dans le même endroit; cependant il ne le fit point, pour nous donner l'exemple d'aller à la recherche de ceux qui périssent, comme le pasteur court après la brebis perdue, comme le médecin va lui-même visiter ses malades; car sauver une seule âme, c'est mériter le pardon de bien des fautes: «Et il prêchait dans les synagogues de Galilée». Il fréquentait les synagogues, pour leur prouver qu'il n'était pas un séducteur, car s'il eût recherché constamment les lieux inhabités, ils l'eussent accusé de vouloir se dérober à la connaissance des hommes.

Bède. Si le coucher du soleil est une figure allégorique de la mort du Seigneur, le retour du jour est un symbole de sa résurrection; le peuple des croyants le recherche à la clarté de cette lumière, et après l'avoir trouvé dans le désert des nations, il l'entoure et cherche à le retenir, dans la crainte qu'il ne lui échappe, explication d'autant plus probable que ce fait se passa le premier jour après le sabbat, qui fut le jour de la résurrection du Sauveur.


CHAPITRE V


vv. 1-3

9501 Lc 5,1-3

S. Ambr. Après que Notre-Seigneur eut opéré un grand nombre de guérisons, l'empressement du peuple pour recourir à sa puissance salutaire ne put être arrêté ni par le temps, ni par les lieux; le soir est venu, ils ne cessent de marcher à sa suite, un lac se présente, ils se pressent autour de lui: «Un jour que la foule se précipitait sur lui», etc. - S. Chrys. Ils étaient comme enchaînés à sa divine personne, pleins d'amour et d'admiration pour lui, et ils voulaient le retenir au milieu d'eux. Et, en effet, qui aurait voulu se séparer de lui pendant qu'il opérait de si grands miracles? Qui aurait refusé de contempler cette face adorable et cette bouche d'où sortaient tant de merveilles. Car le Sauveur n'était pas seulement admirable dans les miracles qu'il opérait, mais son aspect seul était rempli de grâce; aussi quand il parlait, on l'écoutait dans un profond silence, sans jamais oser l'interrompre: «La foule, se précipitant sur lui pour entendre la parole de Dieu», etc.

«Il était sur le bord du lac de Génésareth». - Bède. Le lac de Génésareth est le même qui porte le nom de mer de Galilée ou de Tibériade. On l'appelle mer de Galilée, de la province qui est baignée par ses eaux, et mer de Tibériade, de la ville qui en est voisine. Le nom de Génésareth vient de la nature même du lac, dont les ondes, en se ridant, produisent d'elles-mêmes les vents qui agitent ses flots. En effet, le mot Génésareth signifie qui produit de lui-même le vent. Les eaux, au lieu d'être calmes et tranquilles comme celles des autres lacs, sont souvent agitées par le souffle des vents, elles sont douces et agréables à boire. Mais dans la langue hébraïque, toute grande étendue d'eau douce ou salée, reçoit le nom de mer.

Théophyl. Plus la gloire s'attache au Sauveur, plus il cherche à s'y dérober, c'est pourquoi nous le voyons s'éloigner de la foule et monter dans une barque: «Et il vit deux barques arrêtées au bord du lac, et dont les pêcheurs étaient descendus pour laver leurs filets». - S. Chrys. C'était un signe que les pécheurs se reposaient. Selon saint Matthieu, Jésus les trouva raccommodant leurs filets; car ils étaient si pauvres qu'ils étaient obligés de réparer leurs filets déchirés, dans l'impossibilité d'en avoir de nouveaux. Il monte dans une barque pour rassembler convenablement toute la multitude, de manière que personne ne fût derrière lui, mais que tous puissent le voir en face: «Montant dans une des barques qui appartenaient à Simon, il le pria», etc. - Théophyl. Voyez l'humilité de Jésus-Christ, qui s'abaisse jusqu'à prier Pierre, et la soumission de Pierre, qui obéit en toutes choses à son divin Maître.

S. Chrys. Après avoir opéré un grand nombre de miracles, il enseigne de nouveau sa doctrine, et tout en étant sur la mer, il prêche ceux qui sont sur la terre: «Et étant assis, il enseignait le peuple de dessus la barque». - S. Grég. de Nazianze. (disc. 31). Il se montre plein de condescendance pour tous, afin de tirer le poisson de l'abîme, c'est-à-dire l'homme qui nage pour ainsi dire au milieu des choses inconstantes et mobiles, et parmi les violentes tempêtes de cette vie.

Bède. Dans le sens allégorique, ces deux barques figurent les Juifs et les Gentils. Le Seigneur les voit toutes deux, parce qu'il connaît dans chaque peuple ceux qui sont à lui, et en les voyant près du rivage, c'est-à-dire en les visitant dans sa miséricorde, il les conduit au port tranquille de la vie éternelle. Les pêcheurs sont les docteurs de l'Église qui nous prennent dans les filets de la foi, et nous amènent au rivage de la terre des vivants. Ces filets, tantôt les pêcheurs les jettent pour pêcher, tantôt ils les plient après les avoir lavés, parce qu'en effet, tous les temps ne sont pas également propres à la prédication, et que le docteur doit tantôt se livrer à l'enseignement, tantôt s'occuper de lui-même, et prendre soin de son âme. La barque de Simon, c'est l'Église primitive dont saint Paul a dit: «Celui qui a opéré en Pierre pour l'apostolat de la circoncision» (Ga 2,8). Notre-Seigneur monte dans une seule de ces barques, parce que la multitude de ceux qui croyaient n'avait qu'un coeur et qu'une âme (Ac 4,32). - S. Aug. (Quest. évang., 2, 2). De cette barque, il enseignait la foule, car c'est par l'autorité de l'Église que Pierre instruit les nations. Le Seigneur, en montant dans cette barque, prie son disciple de s'éloigner un peu de la terre, pour nous apprendre qu'il faut parler au peuple un langage plein de modération et de réserve, il ne faut pas lui prêcher une doctrine terrestre, mais il faut se garder également de trop l'éloigner de la terre pour le jeter dans les profondeurs insondables des mystères. Cette circonstance peut encore signifier qu'il faut d'abord prêcher l'Évangile aux peuples des pays voisins, de même que bientôt il dira: «Avancez en pleine mer», c'est-à-dire prêchez aux nations plus éloignées.


v. 4-7

9504 Lc 5,4-7

S. Cyr. (Ch. des Pèr. gr). Après avoir donné au peuple les enseignements qu'il jugeait convenables, le Sauveur reprend le cours de ses opérations merveilleuses et divines, et en favorisant à ses disciples l'exercice de la pêche, il les prend lui-même dans ses filets: «Lorsqu'il eut cessé de parler, il dit à Simon: «Avancez en pleine mer, et jetez vos filets pour pêcher». - S. Chrys. (hom. 6 sur S. Matth). Il s'accommode aux dispositions comme aux diverses occupations des hommes, c'est par une étoile qu'il avait appelé les mages, c'est par le métier de la pêche qu'il appelle à lui les pécheurs. - Théophyl. Pierre ne fait aucune difficulté d'obéir: «Et Simon lui répondit: Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre». Il n'ajoute pas: Je ne me rendrai pas à votre parole, je ne veux pas m'exposer à de nouvelles fatigues. Loin de là, il s'empresse de répondre: «Mais sur votre parole, je jetterai le filet». C'était de la barque de Pierre que Notre-Seigneur avait enseigné le peuple, il ne veut pas laisser sans récompense le maître de la barque; et il le récompense doublement, d'abord il lui fait prendre une multitude innombrable de poissons, et en second lieu, il en fait lui-même son disciple: «Et l'ayant jeté, ils prirent une si grande quantité de poissons, que leur filet se rompait». Pierre prit une telle quantité de poissons, qu'il ne pouvait les tirer hors de l'eau, et qu'il demanda du secours à ses compagnons: «Et ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans l'autre barque de venir», etc. Il les appelle en leur faisant signe; car l'étonnement que lui causait cette pêche abondante, lui ôtait pour ainsi dire l'usage de la parole. Les autres disciples répondent à son appel: «Et ils vinrent, et ils remplirent les deux barques», etc. L'évangéliste saint Jean paraît raconter un miracle semblable, mais qui est cependant tout autre, et qui eut lieu après la résurrection du Sauveur sur la mer de Tibériade. Ces deux miracles diffèrent et quant au temps, et quant à la nature même du fait. Dans saint Jean, les filets, jetés à la droite de la barque, prennent cent cinquante-trois grands poissons, et l'Évangéliste a soin de dire que, malgré la grandeur des poissons, les filets ne se rompirent pas. Et il avait alors en vue le fait miraculeux raconté par saint Luc, où le filet se rompait sous le poids énorme des poissons qu'il contenait.

S. Ambr. Dans le sens allégorique, la barque de Pierre qui, selon saint Matthieu, est agitée par les flots, et qui, selon saint Luc, est remplie de poissons, figure l'Église jouet des flots à son origine, et dans la suite, se réjouissant de la multitude innombrable de ses enfants. La barque qui porte Pierre n'est point agitée, mais celle qui portait Judas est ballottée par les flots. Pierre, il est vrai, se trouvait dans ces deux barques, mais bien qu'il demeurât ferme dans la conscience de son innocence personnelle, il était cependant agité par suite des crimes d'un autre. Gardons-nous donc de toute société avec les traîtres, il n'en faut qu'un seul pour nous jeter dans l'agitation et le trouble. Là où la foi est faible, il y a nécessairement trouble, là, au contraire, où la charité est parfaite, il y a pleine et entière sécurité. Remarquez enfin que si Notre-Seigneur commande à tous les disciples de jeter leurs filets, c'est à Pierre seul qu'il dit: «Avance en pleine mer», c'est-à-dire dans la profondeur des controverses. Qu'y a-t-il de plus profond que la connaissance du Fils de Dieu? Mais quels sont ces filets qu'il commande aux Apôtres de jeter, sinon les réseaux des paroles, les détours des discussions et les profondes sinuosités des discours, qui ne laissent point échapper ceux qu'ils ont pris? Les instruments dont se servent les Apôtres pour cette pêche spirituelle sont justement comparés à des filets qui ne tuent point ceux qu'ils prennent, mais les tiennent en réserve, et qui les retirent des flots agités, pour les transporter jusque dans les cieux. Pierre dit à Jésus: «Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre», parce que ce n'est point ici l'oeuvre de l'éloquence humaine, mais un don de la vocation céleste. Aussi ceux dont les efforts avaient été jusque là infructueux, prennent, sur la parole du Seigneur, une grande quantité de poissons. - S. Cyr. C'était la figure de ce qui devait arriver dans la suite aux prédicateurs de l'Évangile; car ceux qui jetteront le filet de la doctrine évangélique ne travailleront pas inutilement, mais parviendront à réunir la multitude des nations. - S. Aug. (Question évang., 2, 9). Leurs filets se rompaient, et les barques étaient remplies de cette quantité de poissons, au point qu'elles étaient près de couler à fond, figure de cette multitude d'hommes charnels, qui devaient abonder un jour dans l'Église, au point de rompre la paix et de déchirer l'Église par les hérésies et par les schismes. - Bède. Le filet se rompt, mais le poisson ne s'échappe pas, parce que le Seigneur conserve les siens au milieu des scandales de ceux qui les persécutent. - S. Ambr. L'autre barque représente la Judée, dans laquelle Jean et Jacques sont choisis; ils viennent de la synagogue à la barque de Pierre (c'est-à-dire à l'Église), et ils viennent pour remplir les deux barques, car tous. juifs ou grecs, doivent fléchir le genou au nom de Jésus. - Bède. Ou bien encore, la seconde barque c'est l'Église des Gentils qui, pour suppléer à l'insuffisance de la première est aussi remplie de poissons, qui représentent les élus; car le Seigneur connaît ceux qui sont à lui (2Tm 2,19), il a déterminé le nombre précis de ses élus; et comme il n'a pas trouvé dans la Judée autant de fidèles qu'il en avait prédestinés à la vie éternelle, il cherche pour ainsi dire une autre barque pour recevoir les poissons qui sont à lui, et il répand la grâce de la foi dans le coeur des Gentils. Le filet venant à se rompre, on a recours à la barque voisine; ainsi lorsque Judas le traître, Simon le Magicien, Ananie et Saphire, et un grand nombre de disciples se séparent de l'unité, Paul et Barnabé sont choisis pour exercer l'apostolat parmi les Gentils. - S. Ambr. Nous pouvons encore voir dans cette seconde barque la figure d'une autre Église; car l'Église de Jésus-Christ qui est une, se divise en plusieurs Églises particulières. - S. Cyr. Pierre fait signe à ses compagnons de venir à son secours, un grand nombre, en effet, se sont associés aux travaux des Apôtres: d'abord ceux qui ont écrit les Évangiles, ensuite les autres évêques ou pasteurs des peuples, et les docteurs versés dans la science de la vérité. - Bède. Ces barques ne cessent de se remplir jusqu'à la fin du monde; lorsqu'elles sont pleines, elles s'enfoncent, ou plutôt elles sont exposées au danger d'être submergées; car elles ne le sont jamais en réalité. C'est ce qu'enseigne l'Apôtre, lorsqu'il dit: «Dans les derniers temps, il y aura des temps périlleux, les hommes s'aimeront eux-mêmes» (2Tm 3,1-2), etc. En effet, les barques sont submergées lorsque les hommes que Dieu avait retirés du siècle par la vocation à la foi y sont de nouveau entraînés par la corruption des moeurs.



Catena Aurea 9428