Catena Aurea 12446

vv. 46-54

12446 Jn 4,46-54

S. Chrys. (hom. 35). Notre-Seigneur était venu une première fois à Cana, en Galilée, où il était invité à assister à des noces; il retourne maintenant dans cette ville pour l'attirer davantage à lui par cette démarche toute volontaire qu'il fait en quittant sa patrie, et pour affermir par sa présence la foi que son premier miracle avait commencé de former dans le coeur de ses habitants. - S. Aug. (Traité 16). Lorsqu'il changea l'eau en vin dans cette circonstance, ses disciples crurent en lui, la maison était pleine de convives, et cependant à la vue d'un si grand miracle, aucun autre ne crut à sa puissance divine. Il revient donc dans cette ville pour amener à la foi ceux que son premier miracle n'avait pu déterminer à croire. - Théophyl. L'Évangéliste nous rappelle le miracle qu'il fit à Cana, en Galilée, en changeant l'eau en vin, pour ajouter à la gloire de Jésus-Christ, parce qu'en effet ce ne fut pas seulement à cause des miracles dont ils furent témoins à Jérusalem, mais par suite des prodiges qui s'accomplirent au milieu d'eux qu'ils accueillirent Notre-Seigneur. Il veut nous apprendre en même temps que cet officier croyait en Jésus-Christ depuis le miracle de Cana, bien qu'il ne connût point parfaitement sa dignité: «Or, il y avait à Capharnaüm un officier du roi dont le fils était malade».

Orig. Quelques-uns pensent que cet homme était un des officier d'Hérode, et d'autres affirment qu'il était dé la maison de César, et qu'il avait été envoyé en mission particulière en Judée, car on ne dit pas qu'il fut juif. - S. Chrys. (hom. 35). L'Évangéliste lui donne le nom de Régulus, officier royal, soit qu'il fût de race royale, soit qu'il fût revêtu de quelque haute dignité qui lui faisait donner ce titre. Il en est qui pensent que cet officier est le même que le centenier dont parle saint Matthieu (Mt 8,5). Mais tout prouve que ce sont deux personnages différents. Le centenier prie Jésus de ne pas venir dans sa maison, alors que le Sauveur se disposait à y aller, cet officier, au contraire, veut l'entraîner chez lui sans que Notre-Seigneur le lui ait promis. Le premier vint trouver Jésus, alors qu'il descendait de la montagne et qu'il entrait à Capharnaüm, celui-ci, lorsque le Sauveur était dans la ville de Cana. Le serviteur de l'un était paralytique, le fils du second était atteint d'une fièvre mortelle. C'est donc de l'officier royal que l'Évangéliste dit: «Ayant appris que Jésus arrivait de Judée en Galilée, il l'alla trouver et le pria de descendre en sa maison», etc. - S. Aug. Il priait, il n'avait donc pas la foi? Quelle explication attendez-vous de moi? Demandez au Seigneur lui-même ce qu'il pense de cet homme: «Jésus lui dit: Si vous ne voyez des signes et des prodiges vous ne croyez pas». Il reproche à cet homme sa tiédeur, sa froideur dans la foi, peut-être même son absence complète de foi; il n'avait qu'un désir la guérison de son fils comme une épreuve certaine de ce qu'était Jésus, de sa dignité, de sa puissance. Le mot prodige (prodigium comme porro dictum), signifie une chose qui date de loin, qui est éloignée et qui annonce un événement futur.

S. Aug. (de l'accord des Evang., 4, 10). Notre-Seigneur veut tellement élever l'âme de ses fidèles au-dessus de toutes les choses soumises à la mutabilité, qu'il ne veut pas leur voir rechercher des miracles, où sa divinité est le premier et le principal agent, mais qui portent sur de simples changements opérés dans les corps. - S. Grég. (hom. 28 sur les Evang). Rappelez-vous l'objet de la prière de cet officier, et vous connaîtrez. clairement que sa foi était bien chancelante: «Cet officier lui dit: Seigneur, descendez avant que mon fils ne meure». Sa foi était donc bien faible, puisqu'il ne croyait pas qu'il pût guérir son fils sans venir lui-même en personne. - S. Chrys. (hom. 35). Ecoutez sous quelle impression toute humaine il veut attirer le Sauveur chez lui, comme s'il ne pouvait ressusciter son fils après sa mort. Rien d'étonnant du reste qu'il vienne trouver Jésus sans avoir la foi; l'amour des pères pour leurs enfants leur fait consulter, non seulement les médecins qui ont leur confiance, mais ceux mêmes qui ne leur en inspirent pas une bien grande, parce qu'ils ne veulent rien omettre de ce qui peut conserver la vie à leurs enfants. S'il avait eu une foi vive à la puissance de Jésus-Christ, il l'aurait été trouver jusque dans la Judée.

S. Grég. (hom. 28 sur les Evang). Notre-Seigneur à qui cette prière est adressée, veut nous apprendre qu'il se rend toujours aux invitations qui lui sont faites, et il guérit le fils de cet homme par son commandement, lui qui a tout créé par sa volonté: «Jésus lui dit: Allez, votre fils est plein de vie». Quelle condamnation pour notre orgueil qui respecte et vénère dans les hommes non cette nature faite à l'image et à la ressemblance de Dieu, mais les honneurs et les richesses ! Notre Rédempteur au contraire, pour nous apprendre que les saints méprisent ce qui paraît élevé aux yeux des hommes, et qu'ils estiment et vénèrent ce que les hommes méprisent, refuse d'aller dans la maison de cet officier pour guérir son fils; et il est disposé au contraire à se rendre près du serviteur du centenier. - S. Chrys. (hom. 35). Ou bien encore, la foi du centenier était solidement affermie, et Notre-Seigneur promet d'aller chez lui, pour faire ressortir la piété du centenier. Cet officier au contraire, n'avait qu'une foi bien imparfaite, il ne croyait pas bien entièrement que Jésus pût guérir son fils, sans se rendre près de lui, et le refus du Sauveur a pour but de le lui apprendre, comme l'Évangéliste le dit expressément: «Cet homme crut à la parole que Jésus lui avait dite et s'en alla, sans toutefois comprendre parfaitement cette leçon».

Orig. Ces serviteurs qui viennent à sa rencontre montrent que cet homme était d'un rang élevé et occupait un emploi supérieur: «Comme il était en chemin, ses serviteurs vinrent à sa rencontre», etc. - S. Chrys. (hom. 35). Ils viennent à sa rencontre, non seulement pour lui annoncer la guérison de son fils, mais parce qu'ils croyaient que Jésus l'accompagnait, et qu'ils regardaient comme inutile qu'il allât plus loin. La question que leur fait cet officier prouve que sa foi n'était ni bien pure ni bien parfaite: «Et il leur demandait à quelle heure il s'était trouvé mieux», Il voulut savoir si sa guérison était l'effet du hasard ou de la parole de Jésus: «Et ils lui dirent: Hier à la septième heure, la fièvre l'a quitté». Voyez comme tout, concourt à rendre ce miracle éclatant, la guérison de cet enfant ne suit pas la marche ordinaire, elle est instantanée et complète pour bien établir qu'elle n'est pas due aux lois de la nature, mais à l'action toute puissante de Jésus-Christ: «Et son père reconnut que c'était l'heure à laquelle Jésus lui avait dit: Votre fils est plein de vie, et il crut lui et toute sa maison».

S. Aug. (Traité 16). S'il crut lorsqu'il apprit que son fils était guéri, et qu'il eut rapproché l'heure de sa guérison de celle où Jésus lui avait dit: «Votre fils est guéri», il n'avait donc pas encore la foi quand il se présenta devant le Sauveur. - Bède. Nous devons conclure de là qu'il y a des degrés dans la foi comme dans les autres vertus qui ont leur commencement, leur progrès et leur perfection. La foi de cet officier était à son commencement, lorsqu'il vint demander la guérison de son fils, elle prenait de l'accroissement, lorsqu'il crût à la parole du Seigneur qui lui disait: «Votre fils est guéri»; et elle eut toute sa perfection lorsque ses serviteurs lui confirmèrent la guérison de son fils.

S. Aug. (Traité 16). C'est après l'avoir simplement entendu qu'un grand nombre de Samaritains crurent en lui, et après ce grand miracle, il n'y eut que la maison seule de cet officier où cette guérison miraculeuse avait eu lieu. L'Évangéliste ajoute: «Ce fut le second miracle que Jésus fit après être revenu de Judée en Galilée». - S. Chrys. (hom. 35). Ce n'est pas sans raison qu'il fait cette réflexion, et il veut nous faire remarquer que même après ce second miracle, les Juifs n'étaient pas encore parvenus à la hauteur des Samaritains qui n'avaient vu aucun miracle. - Orig. (Traité 18 sur S. Jean). Cette proposition est amphibologique, on peut l'entendre en ce sens, que Jésus en venant de la Judée en Galilée, fit deux miracles, dont le second fut la guérison du fils de cet officier; ou dans cet autre qui est le plus vrai, que de ces deux miracles que Jésus fit dans la Galilée, le second eut lieu lorsqu'il vint de la Judée en Galilée.

Dans le sens mystique, ce double voyage de Jésus en Galilée figure le double avènement du Sauveur dans le monde, le premier qui est tout de miséricorde et où il porte la joie dans le coeur des convives en changeant l'eau en vin; le second où il rend à la vie le fils de cet officier presque entre les bras de la mort, c'est-à-dire le peuple juif qui sera sauvé à la fin du monde après que la plénitude des nations sera entrée dans l'Eglise. C'est lui qui est le grand Roi des rois que Dieu a établi sur la sainte montagne de Sion (Ps 2); ceux qui ont vu son jour ont été remplis de joie (Jn 8). Cet officier royal, c'est Abraham; son fils malade, c'est le peuple d'Israël qui a laissé s'affaiblir entre ses mains le culte du vrai Dieu, et qui transpercé des traits enflammés de l'ennemi, est comme atteint d'une fièvre mortelle. Nous voyons encore ici que les saints dont nous venons de parler, lorsqu'ils ont dépouillé l'enveloppe de cette chair mortelle, prennent compassion de leur peuple. C'est ce que nous lisons dans le livre des Macchabées (1M 2,45), après la mort de Jérémie: «C'est Jérémie, le prophète de Dieu qui prie beaucoup pour le peuple». Abraham prie le Sauveur de venir au secours de ce peuple infirme, c'est de Cana que part cette parole toute puissante: «Votre fils est plein de vie», mais c'est à Capharnaüm que son efficacité se fait sentir; car c'est là que le fils de cet officier est guéri, comme dans le champ de la consolation, et cet enfant représente ces hommes atteints de grandes faiblesses, mais sans être réduits à une stérilité complète. Ces paroles du Sauveur: «Si vous ne voyez des signes et des prodiges» peuvent s'appliquer à la multitude des enfants du patriarche, aussi bien qu'à lui-même. En effet, de même que Jean-Baptiste attendait le signe qui lui avait été donné: «Celui sur lequel vous verrez l'Esprit saint descendre»; ainsi les justes morts depuis le commencement du monde, attendaient l'avènement de Jésus-Christ dans la chair, avènement qui devait se manifester par des signes et par des prodiges. Cet officier, outre son fils, avait des serviteurs qui représentent ceux dont la foi est encore faible et imparfaite, et ce n'est point sans dessein que la fièvre quitte cet enfant à la septième heure, car le nombre, sept est le symbole du repos. - Alcuin. Ou bien encore, c'est parce que c'est l'Esprit aux sept dons qui est l'auteur de la rémission des péchés, car le nombre sept composé des nombres trois et quatre, représente la sainte Trinité dans les quatre temps de l'année, dans les quatre parties du monde, comme dans les quatre éléments.

Orig. On peut encore voir ici les deux avènements du Verbe dans notre âme: le premier ou l'eau fut changée en vin fait éprouver à l'âme la joie d'un banquet spirituel; le second qui retranche tous les restes de langueur et de mort spirituelle. - Théophyl. Cet officier du roi représente tout homme, non seulement parce que l'homme est par son âme dans des rapports étroits avec le souverain roi de tout ce qui existe, mais aussi parce que Dieu lui a donné l'autorité sur toutes les créatures. Son fils, c'est l'âme de l'homme en proie à la fièvre des mauvais désirs et des convoitises charnelles. Il s'approche de Jésus et le prie de descendre, c'est-à-dire de s'abaisser jusqu'à lui par une miséricordieuse condescendance et de lui pardonner ses péchés, avant que cette maladie des voluptés sensuelles ne lui ait fait perdre la vie. Le Seigneur lui dit: «Allez», c'est-à-dire faites toujours de nouveaux progrès dans le bien; et alors votre fils sera rendu à la vie; mais si vous cessez de marcher, votre âme frappée de mort ne pourra plus faire aucune bonne action.



CHAPITRE V


vv. 1-13

12501 Jn 5,1-13

S. Aug. (de l'acc. des Evang., 4,10). Après que Jésus eut opéré ce miracle dans la Galilée, il revint à Jérusalem: «Après cela, la fête étant arrivée, Jésus s'en alla à Jérusalem». - S. Chrys. (hom. 36 sur S. Jean). Cette fête, je pense, était celle de la Pentecôte. Jésus se rendait toujours à Jérusalem aux jours de fête; en célébrant ces fêtes avec les Juifs, il détruisait le préjugé qu'il était opposé à la loi, et attirait à lui le peuple par l'éclat de ses miracles et de sa doctrine; car c'était surtout aux jours de fête que ceux qui n'étaient pas éloignés de Jérusalem s'y rendaient en foule.

«Or, il y avait à Jérusalem une piscine probatique», etc. - S. Aug. Le mot grec ðñüîáôïí veut dire brebis. La piscine probatique était donc une piscine réservée aux animaux, et où les prêtres lavaient les corps des victimes. - S. Chrys. Le Sauveur devait instituer un baptême pour la rémission des péchés, et dont nous trouvons un emblème dans cette piscine et dans d'autres figures semblables. Dieu ordonna d'abord des purifications extérieures pour laver les souillures du corps et les taches qui n'existaient pas en réalité, mais qu'on regardait comme telles, par exemple, celles que l'on contractait par le contact d'un cadavre, par la lèpre ou par d'autres causes du même genre. Dieu voulut ensuite que l'eau fût encore un remède efficace pour diverses maladies, comme nous le voyons ici: «Sous ces portiques gisaient un grand nombre de malades, d'aveugles, de boiteux», etc. Pour nous préparer de plus près à la grâce du baptême, il ne se contente plus de purifier les souillures extérieures, il guérit encore les maladies. Ceux qui approchent de plus près les rois, occupent aussi un rang plus éminent que ceux qui sont plus éloignés, il en est de même des figures de l'ancienne loi. Or, cette eau ne guérissait pas les malades en vertu de sa nature (autrement, elle aurait toujours eu cette efficacité), mais seulement lorsque l'ange descendait: «Un ange du Seigneur descendait à certain temps dans la piscine, et l'eau s'agitait». Il en est de même dans le baptême, l'eau n'agit point par elle-même, mais ce n'est qu'après avoir reçu la grâce de l'Esprit saint, qu'elle efface tous les péchés. L'ange qui descendait du ciel agitait cette eau, et lui communiquait une vertu toute particulière contre les maladies, pour apprendre aux Juifs, qu'à plus forte raison le Seigneur des anges avait le pouvoir de guérir toutes les maladies de l'âme. Mais alors l'infirmité était elle-même un obstacle pour celui qui voulait obtenir la guérison, comme l'indique l'Évangéliste: «Et celui qui y descendait le premier après le mouvement de l'eau, était guéri de son infirmité». Maintenant, au contraire, chacun peut avoir accès; car ce n'est point un ange qui vient agiter l'eau, mais le Dieu des anges qui opère toutes ces merveilles. L'univers entier se présenterait que la grâce ne serait point épuisée, elle reste toujours la même; de même que les rayons du soleil éclairent tous les jours qui se succèdent, sans qu'ils soient jamais épuisés, sans que la profusion avec laquelle le soleil répand sa lumière en diminue l'éclat; ainsi, et à plus forte raison la multitude de ceux qui participent à la grâce de l'Esprit saint n'en amoindrit en rien l'efficacité toute divine. Or, un seul homme était guéri après que l'eau était agitée, afin que ceux qui connaissaient la puissance de cette eau pour guérir les maladies du corps, instruits par une longue expérience, pussent croire plus facilement que l'eau pouvait également guérir les maladies de l'âme.

S. Aug. (Traité 17 sur S. Jean). C'est un plus grand miracle pour Notre-Seigneur d'avoir guéri les maladies de l'âme, que d'avoir porté remède aux maladies de ce corps périssable et mortel; mais comme l'âme ne connaissait pas le divin médecin qui devait la guérir, qu'elle ne voyait par les yeux du corps que ce qui affectait les sens, et qu'elle n'avait point ces yeux du coeur, à l'aide desquels elle peut connaître le Dieu invisible, il fît un miracle que chacun pouvait voir pour guérir les yeux qui avaient perdu l'usage de la vue; il entra dans ce lieu où gisaient un grand nombre de malades, et il en choisit un pour le guérir de son infirmité: «Or, il y avait là un homme qui était malade depuis trente-huit ans».

S. Chrys. (hom. 36 sur S. Jean). Notre-Seigneur ne guérit pas cet homme tout d'abord, il commence par ouvrir son coeur à la confiance et à le préparer à la foi par une question toute de bienveillance. Il n'exige pas de lui la foi, comme lorsqu'il dit aux deux aveugles: «Croyez-vous que je puisse faire ce que vous demandez ?» (Mt 9,28) car ce paralytique ne savait pas encore bien clairement ce qu'était Jésus. Ceux qui connaissaient déjà la puissance du Sauveur par d'autres miracles, étaient comme préparés à cette demande, mais pour ceux qui n'en avaient aucune idée, Jésus attend qu'ils aient vu de leurs yeux de semblables prodiges pour leur demander s'ils ont la foi: «Jésus l'ayant vu couché, et sachant qu'il était malade depuis longtemps, il lui dit: Voulez-vous être guéri ?» Il lui fait cette question, non pour apprendre ce qu'il savait parfaitement, mais pour faire ressortir la patience de ce malade depuis trente-huit ans, et qui chaque année, sans se décourager jamais, se faisait porter en ce lieu dans l'espérance d'être guéri de sa maladie. Il voulait encore nous faire connaître le motif pour lequel parmi tant d'autres, il avait choisi cet homme de préférence pour le guérir. Et il ne lui dit pas: Si vous le voulez, je vous guérirai; car cet homme ne se formait encore aucune idée bien grande de Jésus-Christ. Toutefois, il n'est nullement déconcerté par cette question, il ne dit pas au Sauveur: Vous venez insulter à mon malheur en me demandant si je veux être guéri, il lui répond avec une grande modération: «Le malade lui répondit: Seigneur, je n'ai personne qui me jette dans la piscine dès que l'eau est agitée». II ne savait pas quel était celui qui lui faisait cette question, et ne soupçonnait pas qu'il allait lui rendre la santé; il croyait simplement que Jésus l'aiderait à descendre dans la piscine, mais Jésus lui montre qu'il peut tout faire d'une seule parole: «Jésus lui dit: Levez-vous, prenez votre lit et marchez».

S. Aug. (Traité 17). Notre-Seigneur dit trois choses à cet homme; ces paroles: «Levez-vous», ne sont pas un commandement qu'il lui fait, c'est l'acte même de la guérison, et c'est lorsque cet homme est guéri, qu'il lui commande ces deux choses: «Prenez votre lit et marchez».

S. Chrys. (hom. 37). Voyez jusqu'où s'étend la bonté divine, Jésus ne se contente pas de guérir cet homme, il lui ordonne d'emporter son lit, pour rendre le miracle de sa guérison plus évident et convaincre les plus incrédules que ce n'était pas une illusion des sens, car comment aurait-il pu emporter son lit, si ses membres n'avaient repris toute leur force et leur fermeté. Le paralytique, en entendant cette parole d'autorité et de commandement: «Levez-vous, prenez votre lit, et marchez», ne songe pas à les tourner en ridicule en répondant: Lorsque l'ange descend pour agiter l'eau, un seul homme peut-être guéri; et vous qui n'êtes qu'un homme, vous espérez par une seule parole avoir plus de puissance que les anges? Non, il écoute avec docilité, il ajoute foi au commandement qui lui est fait, et il obtient sa guérison: «Et à l'instant cet homme fut guéri». - Bède. Les guérisons opérées par le Seigneur sont bien différentes de celles qui sont dues aux soins et à l'habileté des médecins; les premières se font sur une simple parole de commandement, et d'une manière instantanée, tandis que les secondes ont ordinairement besoin d'un temps fort long pour atteindre à leur perfection.

S. Chrys. (hom. 36). La conduite de cet homme est certainement admirable, mais ce qui suit l'est bien plus encore. Qu'il ait obéi au commandement du Sauveur, alors qu'aucune réclamation ne s'élevait encore, c'est un fait moins digne d'admiration que la fermeté avec laquelle il exécute l'ordre du Sauveur, malgré les récriminations violentes et les accusations des Juifs, que l'Évangéliste rapporte en ces termes: «Or, c'était un jour de sabbat, les Juifs dirent donc à celui qui avait été guéri: C'est aujourd'hui le jour du sabbat, et il ne vous est pas permis d'emporter votre lit». - S. Aug. (Traité 17). Ils n'accusaient pas précisément le Sauveur d'avoir guéri cet homme le jour du sabbat, parce qu'il aurait pu leur répondre que si leur boeuf ou leur âne venait à tomber dans un puits, ils s'empresseraient bien de les retirer le jour du sabbat; ils s'attaquent donc à celui qui portait son lit, et lui disent: Admettons qu'on ne dût point différer de vous guérir, pourquoi vous commander ce travail? Cet homme se contente de leur opposer l'auteur de sa guérison: «Il leur répondit: Celui qui m'a guéri m'a dit: Prenez votre lit et marchez», comme s'il leur disait: Pourquoi ne recevrai-je pas d'ordre de celui de qui j'ai reçu la santé? - S. Chrys. (hom. 36). S'il avait voulu user de malice, il aurait pu leur dire: L'action que je fais est-elle répréhensible, accusez celui qui me l'a commandée, et je déposerai le lit que je porte. Mais en parlant de la sorte, il eût dissimulé la guérison qu'il avait obtenue; il savait que ce qui les blessait, c'était moins la transgression du sabbat que la guérison de sa maladie, il ne cherche pas cependant à cacher ce bienfait, ou à se le faire pardonner, mais il le proclame à haute voix. Quant aux Juifs, leur question cache une intention perfide: «Ils lui demandèrent: Quel est cet homme qui vous a dit: Prenez votre lit et marchez ?» Ils ne disent pas: Quel est celui qui vous a guéri? ils insistent sur ce qui pouvait être regardé comme une violation de la loi. Or, celui qui avait été guéri ne savait pas qui il était; car Jésus s'était retiré de la foule du peuple assemblé en ce lieu». Jésus s'était éloigné pour mettre en dehors de tout soupçon le témoignage qui lui était rendu; car cet homme était un témoin irrécusable du bienfait qu'il avait reçu. Il voulait éviter aussi de donner un nouvel aliment à leur méchanceté; car la vue seule de celui à qui on porte envie redouble les ardeurs de cette honteuse passion. Il s'éloigne donc pour leur laisser toute facilité d'examiner ce fait miraculeux. Il en est qui pensent que ce paralytique est celui dont parle saint Matthieu (Mt 9), mais ils se trompent, le paralytique de saint Matthieu était entouré de gens qui prenaient soin de lui et le portaient, celui-ci n'avait personne qui s'intéressât à lui. D'ailleurs les lieux où s'accomplirent ces deux miracles sont tout différents.

S. Aug. (Traité 17). Si nous considérons ce miracle avec nos idées étroites et à un point de vue purement humain, nous n'y voyons pas un grand acte de puissance, et la part de la bonté ne nous y paraît guère plus grande. Dans un si grand nombre de malades, un seul est guéri, alors que Jésus pouvait d'un seul mot leur rendre à tous la santé. Il nous faut donc comprendre que ce que la puissance et la bonté du Sauveur se proposaient dans les miracles qu'il opérait, c'était l'intérêt et le salut éternel des âmes, beaucoup plus que la guérison temporelle des corps. Les miracles qui avaient pour objet la guérison des corps mortels n'ont eu qu'une durée passagère; l'âme au contraire qui a cru sur le témoignage de ces miracles a passé de cette vie d'un instant à une vie éternelle. Cette piscine et l'eau qu'elle contenait me paraissent être le symbole du peuple juif, car nous voyons clairement dans l'Apocalypse (Ap 17,15), les peuples figurés sous l'emblème des eaux.

Bède. C'est avec raison que cette piscine est appelée la piscine probatique ou des brebis, car le peuple juif est souvent représenté sous l'emblème de la brebis, selon ces paroles du psaume: «Nous sommes votre peuple et les brebis de votre troupeau» (Ps 95,7). - S. Aug. (Traité 17). L'eau de cette piscine, c'est-à-dire le peuple juif, était renfermée dans les cinq livres de Moïse comme dans cinq portiques; et ces livres découvraient les maladies, mais sans les guérir, car la loi convainquait les pécheurs de leurs crimes, mais sans pouvoir les absoudre. - Bède. Toutes sortes d'infirmités se donnaient rendez-vous autour de cette piscine; les aveugles qui sont privés de la lumière de la science, les boiteux qui n'ont pas la force d'accomplir ce que la loi leur commande, et les desséchés (ou les paralytiques) qui ont perdu la sève vivifiante de l'amour céleste.

S. Aug. (Traité 17). Jésus-Christ est venu vers le peuple juif, et par les grands miracles qu'il a opérés, et par les enseignements salutaires qu'il leur a donnés, il a troublé les pécheurs (c'est-à-dire l'eau) par sa présence, et les a comme excités à le mettre à mort. Cependant c'est sans se découvrir qu'il les a troublés, car s'ils l'avaient connu, ils n'auraient jamais crucifié le Seigneur de la gloire (1Co 2,8). L'eau paraissait agitée tout d'un coup, sans qu'on pût voir l'auteur de cette agitation. Descendre dans cette eau agitée, c'est croire humblement à la passion du Sauveur. Un seul homme était guéri à la fois pour représenter l'unité de l'Eglise. Nul autre malade qui venait ensuite n'était guéri, parce qu'on ne peut être ni guéri ni sauvé en dehors de l'unité. Malheur à ceux qui n'aiment point l'unité, et qui forment des parties ou des sectes parmi les hommes ! Celui qui fut guéri de son infirmité était malade depuis trente-huit ans, et ce nombre est bien plutôt l'emblème de la maladie que de la santé. En effet, le nombre quarante est un nombre consacré pour signifier la perfection, ainsi la loi contient dix préceptes et elle devait être annoncée dans tout l'univers qui se divise en quatre parties, or le nombre dix pris quatre fois ou multiplié par quatre fait quarante. Peut-être encore est-ce parce que les quatre livres de la loi trouvent leur accomplissement dans l'Évangile. Si donc le nombre quarante emporte la perfection de la loi, et si la loi ne peut être accomplie que par le double précepte de la charité, pourquoi vous étonner que cet homme à qui il manquait deux ans pour avoir quarante ans fût languissant et malade? Il lui fallait absolument un homme pour le guérir, mais un homme qui fût en même temps Dieu. Le Sauveur le trouve malade depuis quarante ans moins deux années, et il lui ordonne deux choses pour combler cette lacune; car ces deux commandements du Seigneur représentent les deux préceptes de la charité, c'est-à-dire de l'amour, de Dieu et de l'amour du prochain. L'amour de Dieu est le premier qui soit commandé; l'amour du prochain est le premier qui doit être mis en pratique, Jésus lui dit: «Prenez votre lit», c'est-à-dire: Lorsque vous étiez infirme, c'était votre prochain qui vous portait; maintenant que vous êtes guéri, portez votre prochain à votre tour. Il lui dit encore: «Marche» mais quelle voie devez-vous suivre? Celle qui conduit au Seigneur votre Dieu. - Bède. Que signifient ces paroles: «Levez-vous et marchez ?» Sortez de votre torpeur et de votre indolence, et appliquez-vous à faire des progrès dans les bonnes oeuvres. Prenez votre lit: c'est-à-dire votre prochain qui vous porte lui-même et supportez patiemment ses défauts. - S. Aug. (Traité 17). Portez celui avec qui vous marchez si vous voulez parvenir jusqu'à celui avec lequel vous désirez demeurer éternellement. Ce paralytique ne connaissait pas encore Jésus, ainsi nous-mêmes nous croyons en lui sans le voir, parce qu'il se retire de la foule pour se dérober aux regards. Dieu ne peut être vu que dans une certaine solitude que se fait l'intention; la foule est toujours au milieu de l'agitation, et la vue de Dieu demande le silence et le secret.


vv. 14-18

12514 Jn 5,14-18

S. Chrys. (hom. 38 sur S. Jean. ) Cet homme une fois guéri ne va pas se mêler aux bruits tumultueux des affaires du monde, ni se livrer aux voluptés sensuelles ou à la vaine gloire, il va tout droit dans le temple, ce qui est une preuve de son grand esprit de religion. - S. Aug. (Traité 17) Le Seigneur Jésus le voyait aussi bien au milieu de la foule que dans le temple; mais pour lui il ne peut connaître Jésus dans la foule, il ne le reconnaît pour vrai Dieu et pour Sauveur que dans un lieu sacré, dans le temple. - Alcuin. Si nous voulons bien connaître la grâce de notre Créateur et parvenir à le voir, il faut éviter la foule, les pensées mauvaises et les affections coupables; il faut fuir les assemblées des méchants, nous retirer dans le temple et nous efforcer de devenir nous-mêmes le temple où Dieu daigne venir et fixer sa demeure.

«Et il lui dit: Vous voilà guéri, ne péchez plus à l'avenir, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pire». - S. Chrys. (hom. 38). Ces paroles nous apprennent d'abord que la longue infirmité du paralytique était la conséquence et la punition de ses péchés. Comme nous sommes la plupart du temps insensibles aux maladies de notre âme, tandis qu'à la moindre blessure que reçoit notre corps, nous prenons tous les moyens pour en être aussitôt guéris, Dieu frappe le corps en punition des péchés de l'âme. Elles renferment un second et un troisième avertissements, c'est la vérité des peines de l'enfer, et la durée infinie de ces mêmes peines. Il en est qui osent dire: Est-ce qu'un adultère d'un instant sera puni par un supplice éternel? Mais est-ce que le paralytique avait péché autant d'années qu'avait duré sa maladie? Concluons de là que la gravité du péché ne doit pas se calculer sur le temps que l'homme a mis à le commettre, mais la nature même de ces péchés. Ces paroles nous apprennent encore que si nous retombons dans les mêmes péchés pour lesquels Dieu nous a sévèrement châtiés, des peines beaucoup plus sévères nous sont réservées, et c'est justice; car celui que les premiers châtiments n'ont pu rendre meilleur, doit s'attendre en punition de son insensibilité et de ses mépris à un supplice bien plus terrible. Si nous ne recevons pas tous ici-bas la punition de nos péchés, ne mettons pas notre confiance dans cette impunité, car elle nous présage pour la vie future des châtiments bien plus terribles. Cependant toutes les maladies ne sont pas absolument la peine du péché, les unes sont la suite de notre négligence, les autres nous sont envoyées comme au saint homme Job pour nous éprouver. Mais pourquoi Notre-Seigneur rappelle-t-il ici ses péchés à ce paralytique? Il en est qui le jugent sévèrement et qui prétendent que le Sauveur lui parle de la sorte parce qu'il avait été un des accusateurs de Jésus-Christ. Que diront-ils donc du paralytique dont il est question dans saint Matthieu (Mt 9,2), et à qui Notre-Seigneur dit aussi: «Vos péchés vous sont remis ?» D'ailleurs Jésus ne reproche pas au paralytique de la piscine ses péchés passés, il se contente de le prémunir pour l'avenir. Dans les autres guérisons miraculeuses qu'il opère, il ne les présente point comme la peine du péché parce qu'elles n'avaient pour cause que l'infirmité naturelle à l'homme, tandis que pour ces paralytiques, leurs maladies pouvaient être la punition de leurs péchés. Ou bien encore dans la personne de ces paralytiques, c'est un avertissement donné à tous les autres. On peut dire aussi que Notre-Seigneur parle de la sorte à ce paralytique, parce que témoin de sa grande patience, il le reconnut capable de recevoir cette leçon. Il lui donne en même temps une preuve de sa divinité, car ces paroles: «Ne péchez plus,» montrent évidemment qu'il connaissait toutes les fautes dont il s'était rendu coupable.

S. Aug. (Traité 17). Quant à ce paralytique, aussitôt qu'il eut vu Jésus et qu'il eut connu qu'il était l'auteur de sa guérison, il s'empressa de publier sans aucun retard le nom de son bienfaiteur: «Cet homme s'en alla et apprit aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri». - S. Chrys. (hom. 38). Gardons-nous de croire qu'après un si grand bienfait, et l'avertissement qui l'avait suivi, cet homme ait eu si peu de reconnaissance que d'agir ici par un sentiment de méchanceté; s'il avait eu l'intention d'accuser le Sauveur, il n'eût parlé que de la violation du sabbat, sans rien dire de sa guérison; mais il fait tout le contraire, il ne leur dit pas: C'est Jésus qui m'a commandé d'emporter mon lit (ce qui paraissait un crime aux yeux des juifs), mais: «C'est Jésus qui m'a guéri». - S. Aug. (Traité 17). A une déclaration si franche, les Juifs ne répondent que par une haine toujours croissante: «C'est pourquoi les Juifs persécutaient Jésus, parce qu'il faisait ces choses-là le jour du sabbat». Une oeuvre évidemment matérielle et servile avait été faite sous leurs yeux, ce n'était point la guérison de ce paralytique, mais l'action d'emporter son lit, ce qui ne paraissait point aussi nécessaire que sa guérison. Notre-Seigneur déclare donc ouvertement que la loi figurative du sabbat, et l'obligation de garder ce jour n'avaient été données que pour un temps aux Juifs, et que cette loi figurative trouvait en lui son accomplissement: «Mais Jésus leur dit: Mon Père ne cesse point d'agir jusqu'à présent, et moi aussi j'agis sans cesse». (Traité 20) C'est-à-dire: Ne croyez pas que mon Père se soit reposé le jour du sabbat, en ce sens qu'il ait cessé d'opérer; non, il continue d'opérer sans aucun travail, et j'agis de même à son exemple. Le repos de Dieu doit donc s'entendre dans ce sens, qu'après avoir achevé l'oeuvre de la création, il n'a plus tiré du néant de nouvelles créatures. C'est ce que l'Ecriture appelle repos, pour nous apprendre que nos bonnes oeuvres seront suivies d'un repos éternel. C'est après avoir fait l'homme à son image et à sa ressemblance, après avoir achevé tous ses ouvrages, et vu que toutes les choses qu'il avait faites étaient très-bonnes, que Dieu se reposa le septième jour; ainsi n'espérez point de repos pour vous-même, avant d'avoir recouvré cette divine ressemblance que Dieu vous avait donnée et que vous avez perdue par vos péchés, et avant que votre vie ait été remplie par la pratique des bonnes oeuvres.

S. Aug. (de la Genèse expliq., littér., chap. 11). Il est probable que le précepte de l'observation du sabbat fut donné aux Juifs comme une figure de l'avenir et pour signifier le repos spirituel semblable au repos de Dieu, et qu'il promettait sous une forme mystérieuse aux fidèles qui auraient persévéré dans la pratique du bien. - S. Aug. Le sabbat viendra lorsque les six âges du monde qui sont comme les six jours seront écoulés, et c'est alors que les saints jouiront du repos qui leur est promis. - S. Aug. (de la Gen. expl. litt., ch. 2) Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même a voulu consacrer par sa sépulture le mystère de ce repos, en se reposant dans le tombeau le jour du sabbat, après avoir achevé toutes ses oeuvres le sixième jour, et il prononça cette parole solennelle: «Tout est consommé» (Jn 19,30). Qu'y aurait-il donc d'étonnant que Dieu, voulant comme figurer d'avance le jour où le Christ devait se reposer dans le tombeau, ait choisi ce jour pour se reposer de toutes ses oeuvres avant de dérouler l'ordre des siècles? (chap. 12) On peut encore entendre ce repos de Dieu, en ce sens qu'il a cessé de créer de nouvelles espèces d'êtres, car il n'en a créé aucune depuis ce repos mystérieux. Mais depuis cette époque jusqu'à la fin des siècles, il gouverne tous ces êtres qu'il a créés. Sa puissance n'a donc pas abdiqué le septième jour le gouvernement du ciel, de la terre, et de toutes les choses dont il est le créateur, autrement elles rentreraient aussitôt dans le néant. En effet, c'est la puissance du Créateur qui est l'unique cause de l'existence de toutes les créatures, et si l'action de cette divine puissance cessait un instant de se faire sentir, elles cesseraient elles-mêmes d'exister, et toute la nature rentrerait dans le néant. Il n'en est pas du monde comme d'un édifice que le constructeur peut abandonner après l'avoir construit, et qui reste debout alors que celui-ci a cessé d'y mettre la main; le monde serait détruit en un clin d'oeil si Dieu lui retirait son action régulatrice. Ces paroles du Sauveur: «Mon Père ne cesse d'agir», indiquent une continuation de l'oeuvre divine qui embrasse et gouverne toute créature. On pourrait les entendre dans un autre sens, s'il avait dit: «Et il opère maintenant», sans qu'il fût nécessaire d'y voir la continuation non interrompue de son oeuvre, mais nous sommes forcés de leur donner le premier sens, parce que Notre-Seigneur dit expressément: «Il ne cesse d'opérer jusqu'à présent», depuis le jour qu'il a créé toutes choses.

S. Aug. (Traité 17) Notre-Seigneur semble donc dire aux Juifs: Pourquoi vouloir que je ne fasse rien le jour du sabbat? La loi qui vous ordonne de garder le jour du sabbat vous a été donnée en figure de ce que je devais faire. Vous considérez les oeuvres de Dieu, c'est par moi que toutes choses ont été faites. Mon Père a créé la lumière mais en disant: «Que la lumière soit». S'il a dit cette parole, c'est par son Verbe qu'il a créé la lumière, et c'est moi qui suis son Verbe. Mon Père a donc agi lorsqu'il a créé le monde, et il agit encore en le gouvernant; donc c'est par moi qu'il a créé le monde lorsqu'il l'a tiré du néant, et c'est par moi qu'il le gouverne, lorsqu'il lui fait sentir les effets de son action providentielle.

S. Chrys. Lorsque Jésus-Christ avait à défendre ses disciples contre le même grief, il produisait l'exemple de David comme eux serviteur de Dieu; mais lorsque lui-même est en cause, il invoque l'exemple de son Père. Remarquons que ce n'est ni comme homme exclusivement, ni comme Dieu qu'il se justifie, mais tantôt sous un rapport, tantôt sous un autre, car il voulait que le mystère de ses humiliations fût l'objet de la foi comme le mystère de sa divinité. Il établit donc ici sa parfaite égalité avec son Père, et en l'appelant son Père d'une manière toute spéciale (il dit en effet: «Mon Père»), et en faisant les mêmes choses que lui: («Et moi aussi j'agis sans cesse»). «Aussi les Juifs cherchaient encore plus à le faire mourir, parce que non content de violer le sabbat, il disait encore que Dieu était son Père, se faisant ainsi égal à Dieu». - S. Aug. (Traité 17). Ce n'était pas d'une manière quelconque, mais dans quel sens? «En se faisant égal à Dieu». Nous disons tous à Dieu: «Notre Père qui êtes aux cieux» (Mt 6,9); nous lisons dans Isaïe, que les Juifs lui disaient: «Vous êtes notre Père» (Is 63,19). Ce qui les irritait n'était donc pas qu'il appelait Dieu son Père, mais de ce qu'il le faisait dans un autre sens que le reste des hommes. - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 4, 10). En disant: «Mon Père continue d'agir jusqu'à présent, et moi aussi j'agis sans cesse», il a voulu prouver qu'il était égal à son Père, car il donne comme conséquence que le Fils agit, parce que le Père agit lui-même, et que le Père ne peut agir sans le Fils. - S. Chrys. (hom. 38 sur S. Jean). Si Jésus n'était pas le Fils naturel et consubstantiel au Père, sa justification serait pire que le crime qu'on lui reproche. Un préfet, un gouverneur qui transgresserait un décret royal, ne pourrait se justifier en disant que le roi lui-même transgresse la loi. Mais comme ici la dignité du fils est égale à celle du Père, la justification ne laisse rien à désirer. Le Père qui continue d'agir le jour même du sabbat est à l'abri de tout reproche, il en est de même du Fils. - S. Aug. (Traité 17). Voici que les Juifs comprennent ce que les ariens ne veulent point comprendre; les ariens prétendent que le Fils n'est pas égal au Père, et de là vient cette hérésie qui afflige l'Eglise.

S. Chrys. (hom. 38). Ceux qui ne veulent pas interpréter ces paroles avec un esprit droit, disent que Jésus-Christ ne s'est pas fait égal à Dieu, mais que c'était là un simple soupçon des Juifs. Raisonnons ici d'après ce que nous avons dit plus haut. Il est incontestable que les Juifs poursuivaient Jésus-Christ, et parce qu'il transgressait la loi du sabbat, et parce qu'il disait que Dieu était son Père; donc les paroles qui suivent: «En se faisant égal à Dieu», doivent être entendues dans le même sens que celles qui précèdent, c'est-à-dire dans le sens littéral.

S. Hil. (de la Trin., 7) Quel est ici le dessein de l'Évangéliste? C'est évidemment de faire connaître la cause pour laquelle les Juifs voulaient faire mourir Notre-Seigneur. - S. Chrys. (hom. 38). Si Notre-Seigneur n'avait pas voulu établir clairement cette vérité, et que ce ne fût là qu'un vain soupçon des Juifs, il ne les eût pas laissés dans cette erreur, et il se fût empressé de la combattre. L'Évangéliste lui-même n'aurait point omis cette circonstance, et il eût fait comme dans une autre occasion où Jésus avait dit aux Juifs: «Détruisez ce temple» (Jn 2,19). - S. Aug. (Traité 17). Cependant les Juifs ne comprirent pas qu'il était le Christ, ni qu'il était le fils de Dieu; mais ils comprirent que Jésus leur parlait d'un Fils de Dieu qui était égal à Dieu. Quel était ce Fils de Dieu? ils ne le savaient pas, ils comprenaient cependant qu'il se disait le Fils de Dieu, c'est pour cela que l'Évangéliste ajoute: «Se faisant égal à Dieu». Or, ce n'est pas lui qui se faisait égal à Dieu, c'est Dieu qui l'avait engendré égal et consubstantiel à lui-même.



Catena Aurea 12446