Catena Aurea 12527

vv. 27-29

12527 Jn 5,27-29

Théophyl. Le Père a donné à son Fils, non seulement le pouvoir de donner la vie, mais la puissance pour juger: «Et il lui a donné le pouvoir». - S. Chrys. (hom, 39). Pourquoi Notre-Seigneur rappelle-t-il continuellement les idées de jugement, de résurrection et de vie? Parce que rien n'est plus propre à conduire à la foi les esprits les plus rebelles. Celui qui est profondément convaincu qu'il ressuscitera, et qu'il doit payer au Fils de Dieu la peine des fautes qu'il a commises, sans autre considération, s'empresse de se rendre son juge favorable.

«Parce qu'il est le Fils de l'homme ne vous étonnez pas». Paul de Samosate dispose ainsi le texte sacré: «Il lui a donné le pouvoir de juger, parce qu'il est le Fils de l'homme». Mais cette manière de lire est contraire à toute logique; le Sauveur en effet n'a pas reçu la puissance de juger parce qu'il est homme, car alors pourquoi tous les hommes ne recevraient-ils pas le même pouvoir? Mais il est juge parce qu'il est le Fils ineffable de Dieu. Voici donc comment il faut lire: «Ne vous étonnez pas de ce qu'il est le Fils de l'homme». Un des grands obstacles qui s'opposaient dans l'esprit des Juifs à la parfaite intelligence des enseignements du Sauveur, c'est qu'ils ne voyaient en lui qu'un homme; tandis que sa doctrine était de beaucoup supérieure à celle des hommes, à celle des anges et semblait ne convenir qu'à un Dieu. Il va donc au-devant de cette difficulté et leur dit: «Ne vous étonnez point, parce qu'il est le Fils de l'homme», et il en donne la raison: «Car l'heure vient où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils». Et pourquoi ne leur dit-il pas: «Ne vous étonnez point parce qu'il est le Fils de l'homme: parce qu'il est en même temps le Fils de Dieu»? Il vient de parler de la résurrection, comme d'une oeuvre qui est l'oeuvre de Dieu par excellence, et il laisse à ses auditeurs à tirer la conséquence qu'il était Dieu et Fils de Dieu. En effet ceux qui font usage de raisonnements, lorsque les propositions qu'ils avancent prouvent évidemment la vérité qu'ils établissent, se dispensent de tirer eux-mêmes la conclusion, mais pour rendre la victoire plus éclatante, ils laissent à leurs contradicteurs le soin de tirer cette conséquence contre eux-mêmes. Lorsqu'il a fait allusion précédemment à la résurrection de Lazare, il n'a point parlé du jugement, car Lazare n'est point ressuscité pour le jugement; mais lorsqu'il parle de la résurrection générale, il y joint le souvenir du jugement: «Et ceux qui auront fait le bien en sortiront pour une résurrection de vie, et ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de châtiment». Il avait dit précédemment: «Celui qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m'a envoyé, n'entre point en jugement»; mais pour ne point laisser croire que la foi suffît pour être sauvé, il y joint ici la nécessité d'une vie pleine de bonnes oeuvres: «Et ceux qui ont fait le bien en sortiront pour une résurrection de vie».

S. Aug. (Traités 22 et 23) On peut encore expliquer autrement ces paroles: «Dieu lui a donné d'avoir la vie en lui-même en tant qu'il était le Verbe qui était en Dieu dès le commencement; mais le Verbe s'est fait chair dans le sein de la Vierge Marie, et c'est parce qu'il s'est fait homme qu'il est le Fils de l'homme», et c'est à ce titre qu'il a reçu le pouvoir de juger, pouvoir qu'il exercera à la fin du monde alors qu'aura lieu la résurrection des corps. Dieu ressuscite donc les âmes par Jésus-Christ Fils de Dieu, et il ressuscite les corps par Jésus-Christ Fils de l'homme. Et c'est pour cela qu'il ajoute: «Parce qu'il est le Fils de l'homme», car comme Fils de Dieu, il a toujours eu ce pouvoir». - S. Aug. (Sermon 64 sur les par. du Seign). C'est sous la forme extérieure du Fils de l'homme que Jésus-Christ doit juger les hommes, il les jugera sous cette forme qu'ils l'ont jugé eux-mêmes, le même qui a comparu devant le tribunal d'un juge de la terre montera sur son tribunal pour juger à son tour, il condamnera les vrais coupables, lui qui a été condamné malgré les fausses accusations dont il a été chargé. Il fallait en effet que ceux qui devaient être jugés vissent leur juge de leurs propres yeux; mais comme ce jugement devait s'étendre aux bons comme aux méchants, il convenait qu'il se manifestât sous la forme de serviteur aux bons et aux méchants, et qu'il réservât exclusivement aux bons la vue de la nature divine suivant ces paroles: «Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu'ils verront Dieu».

S. Aug. (Traité 19) Aucun de ceux qui ont essayé d'établir des sectes où l'erreur était substituée à la vérité, n'ont pu nier la résurrection spirituelle qui rend les âmes meilleures, et les fait passer du vice à la vertu; mais beaucoup d'entre eux ont nié la résurrection de la chair, et que pourrions-nous leur répondre, Seigneur Jésus, si vous n'eussiez affirmé cette vérité. C'est donc pour en établir plus solidement la croyance qu'il ajoute: «Ne vous étonnez pas», c'est-à-dire ne soyez pas surpris que Dieu ait donné au Fils de l'homme le pouvoir de juger, car «l'heure vient», etc. - S. Aug. (Sermon 64 sur les par. du Seig). Il n'ajoute pas ici comme précédemment: «Et cette heure est venue», parce qu'elle ne doit venir qu'à la fin du monde. Ne vous étonnez pas que j'aie dit: «Il faut que les hommes soient jugés par un homme, mais quels sont ces hommes? Non seulement ceux qui seront alors en vie; car voici l'heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux», etc. - S. Aug. (Traité 19) Quoi de plus évident? Ce sont les corps et non pas les âmes qui sont dans les tombeaux. Lorsqu'il disait plus haut: «L'heure vient» et qu'il ajoutait: «Et elle est venue», il continuait en ces termes: «Où les morts entendront la voix du Fils de Dieu»; il ne dit pas: Tous les morts, car ces morts dont il parle sont les pécheurs, et tous n'obéissent pas à l'Évangile. Mais à la fin du monde, tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et en sortiront. Notre-Seigneur n'ajoute point: Et ils vivront, comme précédemment, ce qu'il disait de la vie éternelle et bienheureuse, qui ne sera point le partage de tous ceux qui sortiront des tombeaux. Vous avez certainement et sans nul doute reçu le pouvoir de juger, parce que vous êtes le Fils de l'homme, les corps ressusciteront tout d'abord, mais dites-nous quelque chose de ce jugement. Ecoutez sa réponse: Ceux qui auront fait le bien sortiront des tombeaux pour la résurrection de la vie, c'est-à-dire pour vivre avec les anges de Dieu; et ceux qui auront mal fait, pour la résurrection du jugement», et ici le mot jugement est synonyme de châtiment.



v. 30

12530 Jn 5,30

S. Aug. (Traité 19 sur S. Jean). Nous étions sur le point de dire à Notre-Seigneur Jésus-Christ: C'est vous qui jugerez et non pas votre Père, est-ce que votre jugement ne sera pas conforme à sa volonté? C'est pourquoi le Sauveur ajoute: «Je ne puis rien faire de moi-même», etc. - S. Chrys. (hom. 39). C'est-à-dire vous ne me verrez rien faire qui soit contraire ou opposé à la volonté du Père, mais «selon que j'entends, je juge», c'est-à-dire qu'il est impossible que ma volonté ne soit pas conforme en tout à celle de mon Père; et je juge absolument comme si mon Père lui-même jugeait. - S. Aug. (Traité 23) Lorsqu'il était question de la résurrection des âmes, il ne disait pas: J'entends mais «je vois». Ici au contraire, il dit «J'entends», comme la voix du Père qui commande; il parle ici comme homme, et sous ce rapport, son Père est plus grand que lui.

S. Aug. (Contre le serm. des Ar., chap. 13) On peut dire encore que ces paroles: «Selon que j'entends, je juge» doivent s'entendre de la dépendance où Jésus se trouve vis-à-vis de Dieu comme Fils de l'homme; ou même de cette nature simple et immuable qui appartient au Fils mais qu'il a reçue du Père, nature pour laquelle entendre, voir, être sont une seule et même chose, de sorte que la faculté de voir, d'entendre lui vient du même principe que son existence. (chap. 17) Il juge selon qu'il entend, parce que le Verbe ayant été engendré pour être la vérité, il doit nécessairement juger selon la vérité. (chap. 18) «Et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas ma volonté», etc. En parlant de la sorte, Notre-Seigneur veut rappeler à notre pensée cet homme qui, en cherchant sa volonté et non la volonté de son Créateur, ne porta point de lui-même un juste jugement, mais obligea Dieu à porter sur lui ce juste jugement. En faisant sa volonté, il crut qu'il échapperait à la mort, et en cela son jugement ne fut pas juste. Il fit donc sa volonté et en fut puni par la mort, parce que le jugement de Dieu est juste. C'est ce jugement auquel le Fils de Dieu se conforme en ne cherchant pas sa volonté en tant qu'il est le Fils de l'homme, non pas que sa volonté n'ait aucune part dans le jugement qu'il rend, mais parce que cette volonté qui lui est propre est en tout point conforme à la volonté du Père. - S. Aug. (Traité 19). Je ne cherche pas ma volonté propre, c'est-à-dire la volonté du Fils de l'homme qui soit opposée à celle de Dieu. Les hommes font leur volonté et non celle de Dieu, lorsqu'ils font ce qu'ils veulent au préjudice de ce que Dieu commande. Mais lorsque tout en faisant ce qu'ils veulent, ils suivent cependant la volonté de Dieu, ce n'est plus leur volonté qu'ils suivent. Ou bien encore, il dit: «Je ne cherche pas ma volonté», parce que Jésus-Christ n'existe point par lui-même, mais par son Père. - S. Chrys. (hom. 39). C'est ainsi qu'il établit que la volonté du Père n'est point différente de la sienne, mais qu'ils n'ont tous deux qu'une seule et même volonté. Si son langage vous parait un peu trop le langage de l'homme, n'en soyez pas surpris, les Juifs ne voyaient en lui qu'un homme. Il prouve que son jugement est juste par les raisons que tout homme apporterait pour se justifier en pareille circonstance. En effet, celui qui songe à faire prévaloir ses intérêts, sera facilement soupçonné d'avoir altéré la justice; mais celui qui ne se guide point d'après des vues personnelles n'est point exposé à prononcer des jugements injustes. - S. Aug. (Traité 22) Le Fils unique dit: «Je ne cherche pas ma volonté», et les hommes ne veulent faire que leur volonté. Faisons donc la volonté du Père et de Jésus-Christ et de l'Esprit saint, parce qu'ils n'ont qu'une même volonté, une même puissance, une même majesté.


vv. 31-40

12531 Jn 5,31-40

S. Chrys. (hom. 40 sur S. Jean). Notre-Seigneur Jésus-Christ venait de s'attribuer de grands privilèges, mais sans en donner encore de démonstration évidente. Pour première preuve, il apporte l'objection qu'on pouvait lui faire: «Si je rends témoignage de moi-même, mon témoignage n'est pas vrai». Mais qui ne serait troublé en entendant ces paroles du Sauveur? car en mille endroits, nous le voyons se rendre témoignage à lui-même. Si donc tous ces témoignages sont dépourvus de vérité, quelle espérance de salut nous reste-t-il? Où pourrons-nous trouver la vérité, alors que la vérité elle-même nous dit: «Mon témoignage n'est pas vrai ?» Notre-Seigneur en parlant ainsi n'exprime pas sa pensée propre comme Fils de Dieu, mais celle des juifs qui pouvaient lui objecter: Nous ne croyons pas en vous, parce que nul bomme qui se rend témoignage à lui-même, n'est digne de foi. Après avoir reproduit cette objection des Juifs, il apporte trois preuves évidentes et irréfragables, en produisant trois témoins de la vérité de ses paroles, les oeuvres qu'il a faites, le témoignage du Père et la prédication de Jean-Baptiste, et il commence par le témoignage le moins fort, celui de Jean-Baptiste: «Il en est un autre qui rend témoignage de moi», etc. - S. Aug. (serm. 43 sur les par. du Seig). Jésus savait bien que son témoignage était vrai; mais le soleil cherchait des flambeaux par ménagement pour les infirmes et pour les incrédules, car leurs yeux malades ne pouvaient supporter l'éclat du soleil; Jean-Baptiste fut donc choisi pour rendre témoignage à la vérité. Est-ce que les martyrs ne sont pas les témoins de Jésus-Christ, pour rendre témoignage à la vérité? Mais en y réfléchissant de plus près, lorsque les martyrs lui rendent témoignage, c'est lui qui se rend témoignage à lui-même, car c'est lui qui habite dans les martyrs, et leur inspire le témoignage qu'ils rendent à la vérité.

Alcuin. On peut dire encore que Jésus-Christ étant Dieu et homme, manifeste tour à tour les propriétés de ces deux natures; tantôt il parle le langage qui convient à l'humanité qu'il s'est unie, tantôt celui qui n'appartient qu'à la divinité. C'est donc en tant qu'homme qu'il dit: «Si je rends témoignage de moi-même, mon témoignage n'est pas vrai», paroles dont voici le sens: «Si je rends témoignage de moi-même en tant que je suis homme (c'est-à-dire en séparant ce témoignage de celui de Dieu), mon témoignage n'est pas vrai». C'est pour cela qu'il ajoute: «C'est un autre qui rend témoignage de moi». En effet, le Père a rendu témoignage de Jésus-Christ, et sa voix s'est fait entendre au baptême du Sauveur, et sur la montagne où il fut transfiguré: «Et je sais que son témoignage est vrai». Car Dieu est vérité et le témoignage de la vérité ne peut être que véritable.

S. Chrys. (hom. 40). Mais d'après la première interprétation, les Juifs pouvaient faire au Sauveur cette nouvelle objection: «Si votre témoignage n'est pas vrai, comment pouvez-vous dire que vous savez que le témoignage de Jean-Baptiste est véritable ?» Notre-Seigneur répond à cette pensée en ajoutant: «Vous avez envoyé à Jean», etc., ce qui veut dire: Vous n'auriez pas député des envoyés à Jean, si vous ne l'aviez pas cru digne de foi. Et ce qu'il y a de plus fort, ces envoyés ne devaient pas lui demander ce qu'il pensait du Christ, mais ce qu'il pensait de lui-même. Ils ne lui disent pas, en effet: Que dites-vous du Christ? mais: «Qui êtes-vous? » Que dites-vous de vous-même? tant était grande l'admiration qu'ils professaient pour lui. - Alcuin. Jean-Baptiste a rendu témoignage non pas à lui-même, mais à la vérité; comme un ami de la vérité, il a rendu témoignage à Jésus-Christ qui est la vérité. Or, Notre-Seigneur ne rejette pas précisément le témoignage de Jean, comme un témoignage qui ne lui fut pas nécessaire, mais il leur apprend que leurs regards ne doivent pas se fixer sur Jean, au point de les empêcher d'admettre que Jésus-Christ seul leur est nécessaire. C'est pour cela qu'il ajoute: «Pour moi, ce n'est pas d'un homme que je reçois témoignage». - Bède. Parce que je n'en ai pas besoin. Si Jean, d'ailleurs, rendit témoignage à Jésus-Christ, c'était moins pour le grandir dans l'esprit des juifs, que pour leur en donner la connaissance.

S. Chrys. (hom. 40). Le témoignage de Jean-Baptiste n'était autre que le témoignage de Dieu, car c'est Dieu lui-même qui le lui avait dicté. Mais Notre-Seigneur va au-devant d'une objection, que les Juifs pouvaient lui faire: Où est la preuve que c'est Dieu lui-même qui a dicté ce témoignage à Jean-Baptiste, en ajoutant: «Je vous dis ces choses, afin que vous soyez sauvés», c'est-à-dire, moi qui suis Dieu, je n'avais pas besoin d'un témoignage humain, mais je vous rappelle ce témoignage, parce qu'il a eu le privilège d'attirer votre attention, et que vous l'avez jugé digne de confiance à l'exclusion de tout autre, tandis que vous n'avez pas voulu croire en moi malgré les miracles que j'ai opérés. Ils pouvaient encore lui dire: Qu'importe le témoignage de Jean, si nous ne l'avons pas reçu? Jésus leur prouve qu'ils ont cru aux paroles du Précurseur: «Il était la lampe ardente et luisante, et un moment vous avez voulu vous réjouir à sa lumière». Cette expression: «un moment» prouve la facilité avec laquelle ils ont cru, et le peu de durée de leur foi; si cette foi avait persévéré, Jean les aurait conduits comme par la main à Jésus-Christ. Il appelle le saint Précurseur une lampe, parce que sa lumière ne venait pas de lui-même, mais de la grâce de l'Esprit saint. - Alcuin. Jean était donc comme une lampe éclairée par Jésus-Christ qui est la vraie lumière, brûlant de foi et de charité, brillant par la parole et par les oeuvres, envoyé devant le Christ pour confondre ses ennemis, selon ces paroles du Ps 131,17-18: «J'ai préparé une lampe à mon Christ, je couvrirai de confusion ses ennemis».

S. Chrys. (hom. 40). Si donc je vous rappelle le souvenir de Jean, ce n'est pas que j'aie besoin de son témoignage, c'est dans l'intérêt de votre salut; car pour moi, j'ai un témoignage plus grand que celui de Jean, c'est le témoignage de mes oeuvres: «Car ces oeuvres que mon Père m'a données à faire, ces oeuvres que je fais moi-même, rendent témoignage de moi».

Alcuin. Jésus rend la vie aux aveugles, l'ouïe aux sourds, il délie la langue des muets, il met les démons en fuite, il ressuscite les morts, ce sont là les oeuvres qui rendent témoignage de lui. - S. Hil. (de la Trin., 6) Ce n'est pas seulement par le témoignage du nom qu'il porte, que le Fils unique de Dieu prouve sa filiation divine, mais par les oeuvres de sa puissance, qui attestent qu'il est vraiment l'envoyé du Père, en qui nous voyons éclater tout à la fois l'obéissance du Fils et l'autorité du Père. Mais comme les oeuvres ne sont point un témoignage suffisant pour les incrédules, il ajoute: «Et mon Père qui m'a envoyé a rendu lui-même témoignage de moi». Parcourez toutes les pages de l'Évangile, et examinez sérieusement ce qu'elles renferment, et vous n'y trouverez aucun témoignage du Père qui ne proclame que Jésus-Christ est son Fils. Quelle est donc cette erreur calomnieuse (et quel en est le motif), qui ne voit dans la filiation divine qu'une simple adoption, accuse Dieu de mensonge, et réduit à rien les noms qui sont donnés au Fils ?

Bède. La mission du Fils n'est autre que son incarnation. Notre-Seigneur prouve ensuite que Dieu est incorporel et ne peut par conséquent être vu des yeux du corps: «Mais vous n'avez jamais entendu sa voix, ni vu sa figure». - Alcuin. Les Juifs auraient pu lui dire: «Nos pères ont entendu la voix de Dieu sur le Sinaï, et ils l'ont vu sous la forme de feu; si donc Dieu consentait à rendre témoignage de vous, nous pourrions entendre sa voix». Jésus les prévient et leur dit: «J'ai le témoignage que me rend mon Père, bien que vous ne le compreniez pas, parce que vous n'avez jamais entendu sa voix, et vous n'avez jamais vu sa figure». - S. Chrys. (hom. 40). Comment donc Moïse a-t-il pu dire: «S'est-il jamais fait une chose semblable, et jamais a-t-on ouï dire qu'un peuple ait entendu la voix du Seigneur parlant du milieu du feu, comme vous l'avez entendue, sans être frappé de mort? (Dt 4,33-34). Isaïe et plusieurs autres encore attestent qu'ils ont vu Dieu. Que signifient donc ces paroles du Sauveur? Il veut donner aux Juifs des idées plus saines et plus exactes sur Dieu, en leur enseignant peu à peu que Dieu n'a ni voix, ni figure; mais qu'il est supérieur à toutes les figures et à tous les langages possibles. En effet, ces paroles: «Vous n'avez jamais entendu sa voix», ne signifient pas que Dieu ait une voix, bien qu'inintelligible pour l'homme; de même que ces autres paroles: «Et vous n'avez jamais vu sa figure», ne veulent pas dire que Dieu ait une forme sensible, quoique invisible pour l'homme; mais il veut établir qu'il n'y a en Dieu ni voix ni figure. - Alcuin. Ce n'est donc point avec les oreilles du corps, mais avec l'intelligence du coeur, que Dieu peut être entendu par la grâce de l'Esprit saint. Or, les Juifs n'avaient pas entendu cette voix toute spirituelle, parce qu'ils refusaient de l'aimer et d'obéir à ses commandements; et ils ne pouvaient voir sa face, parce que ce n'est point des yeux du corps, mais des yeux de la foi et de l'amour qu'elle peut être vue.

S. Chrys. (hom. 40). Les Juifs ne pouvaient même se flatter d'avoir reçu les commandements de Dieu, et de les observer, aussi le Sauveur ne craint pas de leur dire: «Et vous n'avez point sa parole demeurant en vous», c'est-à-dire les préceptes divins, la loi, les prophètes, dont Dieu est l'auteur, et que vous ne recevez pas comme vous devriez le faire. En effet, les Écritures vous enseignent en mille endroits à croire en moi, et vous refusez de croire, n'est-ce pas une preuve évidente que vous n'avez point en vous la parole de Dieu, et il ajoute: «Parce que vous ne croyez pas en celui qu'il a envoyé».

Alcuin. Ou bien encore, ils n'ont pas le Verbe qui était au commencement demeurant en eux, parce qu'ils négligent de conserver le souvenir de la parole de Dieu qu'ils ont entendue, et encore plus de la mettre en pratique. Notre-Seigneur avait déclaré qu'il avait pour lui le témoignage de Jean, de ses oeuvres, de son Père; il y ajoute le témoignage de la loi qui leur avait été donnée par Moïse: «Approfondissez les Écritures, puisque vous pensez avoir en elles la vie éternelle; ce sont elles qui rendent témoignage de moi», c'est-à-dire, vous qui pensez trouver dans les Écritures la vie éternelle, et qui me rejetez comme contraire à Moïse, vous arriveriez à comprendre par le témoignage de Moïse lui-même, que je suis Dieu; si vous vouliez étudier sérieusement ces Écritures, car toutes les Écritures rendent témoignage de Jésus-Christ, ou par les figures, ou par les prophéties, ou par le ministère des anges. Mais les Juifs n'ont point voulu appliquer au Christ ces différents témoignages, et c'est pourquoi ils ne peuvent avoir la vie éternelle: «Et vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie», c'est-à-dire, les Écritures rendent témoignage de moi, et malgré tant de témoignages, vous ne voulez pas venir à moi, vous ne voulez pas croire en moi, vous ne voulez pas chercher en moi votre véritable Sauveur.

S. Chrys. (hom. 40). On peut encore enchaîner autrement les différentes parties de ce discours de Notre-Seigneur. Les Juifs pouvaient lui dire: Comment nous assurer que Dieu vous ait rendu témoignage, si nous n'avons pas entendu sa voix? Jésus leur répond: «Approfondissez les Écritures», preuve évidente qu'elles contiennent le témoignage que Dieu a rendu en sa faveur. Dieu, en effet, ne lui a-t-il pas rendu témoignage sur les bords du Jourdain et sur la montagne? cependant Notre-Seigneur ne leur rappelle pas textuellement ces deux témoignages, qui eussent peut-être été pour eux l'occasion d'un nouvel acte d'incrédulité, car ils n'avaient pas été témoins de la voix qui se fit entendre sur la montagne, et quant à celle qui se fit entendre au baptême de Notre-Seigneur, ils l'avaient bien entendue, mais sans y faire aucune attention. Il les renvoie donc aux Écritures, leur enseignant ainsi qu'elles renferment le témoignage que le Père lui a rendu. (hom. 41). Remarquez qu'il ne les renvoie pas à une simple lecture, mais à un sérieux examen des Écritures, parce que les témoignages dont il était l'objet dans les Écritures, étaient couverts d'un voile et cachés comme un trésor sous l'écorce de la lettre. Il ne dit pas: Dans lesquelles vous avez la vie éternelle, mais: «Dans lesquelles vous pensez trouver la vie éternelle», et il leur démontre ainsi le fruit médiocre qu'ils tiraient des Écritures, en s'imaginant qu'il leur suffisait de les lire pour être sauvés, alors même qu'ils étaient dépourvus de la foi; c'est pour cela qu'il leur dit: «Et vous ne voulez pas venir à moi», parce qu'ils refusaient de croire en lui. - Bède. Le Psalmiste nous apprend que le mot venir est ici synonyme du mot croire, lorsqu'il dit: «Approchez de lui et soyez sauvés» (Ps 33,6). Notre-Seigneur ajoute: «Pour avoir la vie». Si l'âme, en effet, qui commet le péché est frappée de mort, ils étaient morts d'esprit et de coeur. Il leur promettait donc la vie de l'âme ou de la félicité éternelle.


vv. 41-47

12541 Jn 5,41-47

S. Chrys. (hom. 41). L'intention du Sauveur, en rappelant aux Juifs les témoignages de Jean-Baptiste, de Dieu et de ses oeuvres, était de les attirer à lui, mais plusieurs d'entre eux pouvaient y voir le désir d'une gloire toute humaine; il repousse donc cet injurieux soupçon par cette déclaration: «Je n'accepte point la gloire qui vient des hommes», c'est-à-dire, je n'en ai pas besoin, et ma nature n'est pas réduite à la nécessité de rechercher cette gloire; le soleil ne reçoit aucun nouvel éclat de la lumière d'une lampe, à bien plus forte raison n'ai-je nul besoin de la gloire humaine. - Alcuin. Ou bien encore, ces paroles: «Je n'accepte point la gloire qui vient des hommes», veulent dire: Je ne recherche pas les louanges des hommes, je ne suis pas venu pour recevoir des hommes des honneurs terrestres, mais pour leur faire part d'honneurs tout spirituels. Si donc je parle de la sorte, ce n'est point pour rechercher la gloire, mais par compassion pour votre égarement, et pour vous ramener dans la voie de la vérité. C'est pour cela qu'il leur dit: «Mais j'ai reconnu que vous n'aviez point en vous l'amour de Dieu». - S. Chrys. (hom. 41). C'est-à-dire, en parlant de la sorte, j'ai voulu vous convaincre que ce n'est point pour l'amour de Dieu que vous me persécutez, puisqu'il me rend lui-même témoignage par mes oeuvres et par les Écritures. Vous me repoussez dans la pensée que j'étais opposé à Dieu; si donc vous aimiez véritablement Dieu, vous deviez donc venir à moi, mais vous n'avez pas cet amour en vous. Et il leur prouve non seulement par leur conduite présente, mais par ce qu'ils feraient, si quelqu'un venait leur parler en son propre nom: «Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas, si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez». Il déclare qu'il est venu au nom de son Père, pour leur ôter tout prétexte de lui refuser leurs hommages. - Alcuin. Je suis venu au nom de mon Père, c'est-à-dire, je suis venu pour que le nom de mon Père soit glorifié par moi, parce que je renvoie tout à mon Père. Ils n'avaient donc pas en eux l'amour de Dieu, parce qu'ils ne voulaient pas recevoir celui qui venait faire la volonté de son Père. L'Antéchrist, au contraire, viendra non pas au nom du Père, mais en son propre nom, non point pour procurer la gloire du Père, mais pour chercher la sienne propre. Les Juifs n'ont point voulu recevoir Jésus-Christ; comme juste châtiment de leur infidélité ils recevront l'Antéchrist, et croiront au mensonge pour avoir refusé de croire à la vérité.

S. Aug. (serm. 45 sur les par. du Seig). Mais écoutons ce que dit Jean lui-même: «Vous avez ouï-dire que l'Antéchrist doit venir, et maintenant il y a beaucoup d'antéchrists». (1Jn 2,18). Or, qui vous fait trembler dans l'Antéchrist? c'est qu'il doit chercher à faire honorer son nom et à couvrir de mépris le nom de Dieu. Et que fait donc autre chose celui qui ose dire: «C'est moi qui justifie», et ceux qui disent: «Si nous ne sommes bons et vertueux, vous êtes perdus sans ressources ?» Ainsi la vie de mon âme dépendra de vous, et mon salut sera attaché à vos mérites? Ai-je donc oublié à ce point le fondement que Dieu lui-même a posé? Est-ce que la pierre n'était pas le Christ ?

S. Chrys. (hom. 41). Notre-Seigneur leur donne ici une preuve incontestable de leur peu de religion en leur tenant équivalemment ce langage: Si c'est par amour pour Dieu que vous me persécutez, à plus forte raison, devriez-vous persécuter l'Antéchrist, car il ne vous dira point qu'il est envoyé par le Père, ou qu'il vient pour faire sa volonté, mais il usurpera au contraire les prérogatives qui ne lui appartiennent pas, et se donnera comme le Dieu qui est au-dessus de tout. Il est donc évident que les Juifs persécutaient Jésus-Christ par un sentiment d'envie contre lui et de haine contre Dieu. Le Sauveur leur fait connaître ensuite la cause de leur incrédulité: Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez la gloire l'un de l'autre, et ne cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul? Il leur fait voir une fois de plus que ce ne sont pas les intérêts de Dieu, mais les intérêts de leur passion qu'ils cherchaient à défendre.

Alcuin. C'est donc un grand vice que la vanité, et le désir de la gloire humaine qui veut faire estimer en elle des qualités qu'elle n'a pas et qu'elle ne cherche pas à avoir. Ils ne peuvent donc croire, parce qu'ils sont avides de gloire humaine, mais quel est ce désir de la gloire humaine, si ce n'est l'enflure d'une âme orgueilleuse? C'est donc comme si Jésus-Christ disait: «Ils ne peuvent croire, parce que leur âme superbe désire les louanges et veut s'élever au-dessus de tous les autres». - Bède. Or, le moyen, le plus efficace pour nous garantir de ce vice, c'est de rentrer dans notre conscience, de considérer que nous ne sommes que poussière, et si nous découvrons quelque bien en nous, de l'attribuer, non point à nous, mais à Dieu seul. Le Sauveur nous apprend en même temps à toujours être tels que nous voulons paraître aux yeux des autres. Ils pouvaient enfin lui faire cette question: c'est donc vous qui nous accuserez près de votre Père? Jésus les prévient et leur dit: «Ne pensez pas que ce soit moi qui doive vous accuser devant mon Père», etc. - S. Chrys. (hom. 41). Car je ne suis point venu pour condamner, mais pour sauver. «Votre accusateur sera Moïse, en qui vous mettez votre espoir». Il leur a dit plus haut, en parlant des Écritures: «Vous pensez trouver en elles la vie éternelle», de même il leur dit ici: «Moïse, dans lequel vous espérez», cherchant à les convaincre par leurs propres croyances. Mais ils pouvaient encore lui faire cette objection. Comment Moise pourra-t-il nous accuser? Qu'y a-t-il de commun entre Moïse et vous, qui transgressez la loi du sabbat? Jésus répond à cette objection: «Si vous croyez Moïse, peut-être me croiriez-vous aussi, car il a écrit de moi». La preuve de ce que j'avance se trouve dans ce qui précède, puisqu'en effet les oeuvres que j'ai faites, le témoignage de Jean-Baptiste et celui de mon Père prouvent jusqu'à l'évidence que je suis envoyé de Dieu, il est également certain que Moïse sera votre accusateur, car il a dit: S'il s'élève parmi vous un homme qui opère des prodiges, conduise les hommes vers Dieu, et fasse des prédictions que les événements justifient, vous devrez lui obéir. Or, Jésus-Christ a fait toutes ces choses, et ils n'ont pas cru en lui. - Alcuin. Notre-Seigneur emploie ici le mot «peut-être», pour se conformer à notre manière de parler et non pas qu'il y ait en Dieu le moindre doute. Or, Moïse a prédit la venue du Christ, lorsqu'il a dit: Dieu vous suscitera du milieu de vos frères un prophète semblable à moi, vous l'écouterez» (Dt 18,15). - S. Aug. (contr. Faust., 16, 9). On peut même dire que tout ce que Moïse a écrit, les figures, les événements, les discours ont Jésus-Christ pour objet, ou se rapportent entièrement à Jésus-Christ, aussi bien lorsque Moïse prophétise le règne de sa grâce et de sa gloire.

«Mais si vous ne croyez point à ses écrits, comment croirez-vous à ses paroles? - Théophyl. C'est-à-dire, Moïse a écrit, et vous avez ses livres entre les mains, et si vous veniez à oublier ce qu'ils contiennent, vous pourriez facilement en rappeler le souvenir, mais vous ne croyez point aux écrits de Moïse, comment donc pourrez-vous croire à mes simples paroles? - Alcuin. On peut conclure de là que ceux qui lisent les commandements qui interdisent le vol et les autres crimes, sans prendre soin de les mettre en pratique, ne pourront accomplir à plus forte raison les préceptes évangéliques qui sont beaucoup plus parfaits et plus sublimes. - S. Chrys. (hom. 41) S'ils avaient donné une sérieuse attention aux paroles du Sauveur, ils devaient lui demander et apprendre de lui ce que Moïse avait écrit sur le Christ, mais ils gardent le silence; telle est en effet la malice du coeur humain, que malgré tout ce que l'on peut dire ou faire, il conserve le venin dont il est infecté.


Catena Aurea 12527