Catena Aurea 10928

vv. 28-37

10928
Lc 19,28-37

Tite de Bostr. (Ch. des Pèr. gr). Les disciples qui avaient entendu dire au Sauveur: «Le royaume de Dieu est proche», et qui le voyaient se diriger vers Jérusalem, pensaient qu'il allait commencer à y établir le royaume de Dieu. Dans la parabole qui précède, Jésus a redressé cette erreur, et montré qu'il n'avait pas encore triomphé de la mort qu'on lui préparait. Cette parabole achevée, il va au-devant de sa passion en continuant sa marche vers Jérusalem: «Après ce discours, il continua de marcher vers Jérusalem». - Bède. Il leur apprend en même temps que cette parabole est une prédiction de la triste destinée de cette ville qui allait le mettre à mort, et devait périr elle-même au milieu des horreurs de la guerre: «Comme il approchait de Bethphagé et de Béthanie», etc. Bethphagé était une bourgade habitée par les prêtres, et située sur le versant du mont des Oliviers; Béthanie était aussi une petite ville située sur le penchant de la même montagne, à quinze stades environ de Jérusalem (cf. Mc 11,1 Lc 19,59 Jn 11,1 Jn 11,14).

S. Chrys. (hom. 67, sur S. Matth). Dans les commencements de sa vie publique, Jésus se mêlait simplement et sans distinction avec les Juifs; mais lorsqu'il eut donné assez de preuves de sa puissance, toutes ses actions sont empreintes d'une grande autorité. Les miracles se multiplient, il annonce à ses disciples qu'ils trouveront un ânon qui n'a pas encore été monté: «Allez à ce village qui est devant vous», etc. Il leur prédit également que personne ne les empêchera, mais qu'aussitôt qu'ils auront parlé, on les laissera faire sans dire un seul mot. Il ajoute donc: «Déliez-le, et me l'amenez».

Tite de Bostr. Il y eut ici un ordre divin bien clairement connu, car personne ne peut résister à Dieu, quand il réclame ce qui lui appartient. Or, les disciples chargés de conduire cet ânon, ne refusèrent point de remplir cette office comme peu relevé, mais ils partirent aussitôt pour l'amener: «Ceux qui étaient envoyés, s'en allèrent», etc. - S. Bas. C'est ainsi que nous devons accepter avec empressement et avec zèle les plus humbles fonctions, persuadés qu'aucune action n'est petite lorsqu'elle est faite en vue de Dieu, et qu'elle est digne du royaume des cieux.

Tite de Bostr. Ceux qui avaient attaché l'ânon, obéissent en silence à cet acte de puissance du Sauveur, et ne peuvent résister à l'ordre qu'il leur donne: «Comme ils détachaient l'ânon, ses maîtres leur dirent: Pourquoi déliez-vous cet ânon? Ils répondirent: Parce que le Seigneur en a besoin». C'est qu'en effet le nom du Seigneur annonce la majesté, et qu'il allait paraître comme un roi à la vue de tout le peuple.

S. Aug. (de l'acc. des Evang., 2, 66). Ne soyez pas surpris que saint Matthieu parle de l'ânesse et de son ânon, tandis que les autres ne disent rien de l'ânesse; car lorsque deux faits peuvent se concilier, il n'y a aucune contradiction à les admettre, alors même que chaque évangéliste y mêlerait des circonstances différentes, a plus forte raison quand un évangéliste raconte une circonstance qu'un autre passe tout simplement sous silence.

La Glose. Les disciples témoignent ici leur empressement et leur zèle pour Jésus-Christ, non seulement en lui amenant l'ânon qui ne leur appartenait pas, mais en se dépouillant de leurs propres vêtements qu'ils jetèrent sur l'ânon, et qu'ils étendirent le long du chemin: «Et ils l'amenèrent à Jésus, et jetant leurs vêtements sur l'ânon», etc. - Bède. D'après les autres évangélistes, ce ne furent pas seulement les disciples, mais une grande partie de la foule, qui étendirent leurs vêtements le long du chemin.

S. Ambr. Dans le sens figuré, Notre-Seigneur vient sur la montagne des Oliviers, pour planter de nouveaux oliviers en vertu de sa souveraine puissance; or, cette montagne, c'est Jésus-Christ lui-même, car quel autre que lui pourrait produire ces olives fécondées par la plénitude de l'Esprit? - Bède. Les villes dont il est ici question, sont situées sur le versant du mont des Oliviers, c'est-à-dire sur le Seigneur lui-même, qui entretient l'onction des grâces spirituelles par la double lumière de la science et de la piété.

Orig. (hom. 37, sur S. Luc). Béthanie veut dire maison d'obéissance, et Bethphagé, ville habitée par les prêtres, signifie maison des mâchoires, parce que la loi attribuait aux prêtres les mâchoires des victimes dans les sacrifices. C'est donc dans la maison de l'obéissance et dans une ville habitée par les prêtres, que le Sauveur envoie ses disciples pour délier le petit de l'ânesse. - S. Ambr. Ils trouvèrent donc dans ce village l'ânon qui était lié avec l'ânesse: il ne pouvait être délié que par l'ordre du Seigneur, et ce fut la main des Apôtres qui le délia. Telles sont les actions, telle est la vie, telle est la grâce. Soyez donc tels que vous méritiez de rompre les liens de ceux qui sont attachés. Dans l'ânesse, saint Matthieu a comme figuré la mère de l'erreur; et saint Luc représente dans l'ânon l'universalité du peuple des Gentils. Notre-Seigneur ajoute avec dessein: «Sur lequel aucun homme ne s'est encore assis», parce qu'avant Jésus-Christ, personne n'avait appelé les Gentils à faire partie de l'Église. Ce peuple était retenu dans les liens de l'infidélité, attaché à un maître injuste, et esclave de l'erreur. Il ne pouvait revendiquer son indépendance, parce qu'elle était enchaînée non par sa nature, mais par sa faute. Aussi quand on parle ici du Seigneur, on ne veut parler que d'un seul. Misérable servitude que celle dont les droits ne sont pas clairement définis; car celui qui n'est pas soumis à un seul maître en a nécessairement plusieurs. Les maîtres étrangers lient pour posséder, celui-ci délie pour retenir, car il sait que les bienfaits sont plus forts pour retenir que tous les liens. - Orig. (hom. 37, sur S. Luc). Cet ânon avait donc plusieurs maîtres avant que le Sauveur en eût besoin, mais dès qu'il en fut devenu le véritable maître, les autres cessèrent d'avoir autorité sur lui, car personne ne peut servir Dieu et l'argent (Mt 12). Lorsque nous étions esclaves du péché, nous étions sous la domination d'une multitude de passions et de vices. Or, le Seigneur déclare qu'il a besoin de l'ânon, parce que son grand désir est de rompre les liens qui nous attachent au péché.

Orig. (Traité 11, sur S. Jean). Ce n'est pas sans raison que le lieu où l'ânesse et l'ânon se trouvaient attachés, était un village; parce que la terre tout entière, en comparaison du monde céleste, n'est elle-même que comme un simple hameau.

S. Ambr. Ce n'est pas non plus sans un dessein particulier qu'il envoie deux de ses disciples, ils figurent Pierre qui fut envoyé au centurion Corneille, et Paul au reste de la gentilité; et c'est pourquoi l'Évangéliste se contente d'indiquer le nombre sans désigner les personnes. Si cependant on veut ici une désignation spéciale, ou peut appliquer ceci à Philippe que l'Esprit-Saint envoya dans la ville de Gaza, lorsqu'il baptisa l'eunuque de la reine Candace. (Ac 8). - Théophyl. Ou bien encore, ces deux disciples figurent les deux ordres des prophètes et des Apôtres qui doivent amener à l'Église, et soumettre à Jésus-Christ le peuple des Gentils, Us amènent cet ânon d'un simple village, pour signifier la grossièreté et l'ignorance de ce peuple avant sa conversion. - S. Ambr. Ces deux disciples envoyés pour délier l'ânon, ne parlent point en leur propre nom, ils reproduisent les paroles de Jésus, pour vous apprendre que ce n'est point par la vertu de leurs discours, mais par la parole de Dieu, ni en leur nom, mais au nom de Jésus-Christ qu'ils ont converti les Gentils à la foi, et que les puissances ennemies qui exerçaient sur les nations un empire tyrannique ont cédé devant l'ordre de Dieu. - Orig. Les disciples jettent leurs vêtements sur l'ânon et y font asseoir le Sauveur, lorsqu'ils prennent la parole de Dieu et la déposent sur l'âme de ceux qui les écoutent. Ils se dépouillent de leurs vêtements, et les étendent le long du chemin; les vêtements des Apôtres, ce sont leurs bonnes oeuvres, et il est vrai de dire que l'ânon délié par les disciples, et qui porte Jésus, marchent sur les vêtements des Apôtres, quand il pratique leur doctrine et qu'il imite leurs vertus. Qui de nous est assez heureux pour porter ainsi Jésus? - S. Ambr. Ce n'est pas que le Maître du monde trouve aucun plaisir à être ainsi porté par une ânesse; mais cette action est un emblème mystérieux de sa présence sur le siège intime de notre âme où il est assis comme un guide invisible pour diriger les démarches de notre âme, et réprimer tous les mouvements de la concupiscence de la chair par la vertu de sa parole dont il se sert à la fois comme de rênes et d'aiguillon.


vv. 37-40

10937 Lc 19,37-40

Orig. (sur S. Luc). Tant que le Seigneur fut sur la montagne, il était avec les Apôtres seuls; mais lorsqu'il est près de descendre, le peuple vient à sa rencontre: «Et comme il approchait de la descente du mont des Oliviers, les disciples en foule», etc. - Théophyl. L'Évangéliste appelle disciples non seulement les douze, ou les soixante-douze, mais encore tous ceux qui suivaient Jésus-Christ, entraînés par l'éclat de ses miracles ou par le charme de sa doctrine qui attirait même jusqu'aux enfants, comme le racontent les autres évangélistes: «Ils commencèrent à louer Dieu de tous les prodiges qu'ils avaient vus». - Bède Le Sauveur les avaient rendus témoins d'un grand nombre de miracles, mais ils étaient surtout frappés de la résurrection de Lazare, car comme le dit saint Jean: «Une grande multitude de peuple vint à sa rencontre, parce qu'ils avaient entendu parler de ce miracle» (Jn 12,48). Il faut remarquer aussi que ce n'est pas la première fois que Notre-Seigneur venait à Jérusalem, nous voyons dans l'Évangile selon saint Jean, qu'il y était déjà venu plusieurs fois.

S. Ambr. La foule reconnaît sa dignité, elle l'appelle son roi, elle lui applique les oracles des prophètes, et proclame que le Fils de David selon la chair qu'ils attendaient, est arrivé: «Béni soit, disaient ils, le roi qui vient au nom du Seigneur !» - Bède. C'est-à-dire, au nom de Dieu le Père; bien qu'on puisse entendre aussi, en son propre nom, car il est Dieu lui-même; mais il vaut mieux adopter ici le sens que nous indiquent les propres paroles: «Je suis venu, nous dit-il, au nom de mon Père», (Jn 5,43) car Jésus est le maître et le modèle de l'humilité. Si donc il consent à être appelé roi, ce n'est ni pour exiger des impôts, lever des armées, et combattre visiblement contre ses ennemis; mais parce qu'il est le roi des coeurs, et qu'il veut conduire dans le royaume des cieux tous ceux qui croient, espèrent en lui, et qui l'aiment; car s'il a voulu être roi d'Israël, c'est pour nous montrer sa miséricorde et non pour augmenter sa puissance. Or, comme Jésus-Christ s'est manifesté dans une chair mortelle pour être la victime de propitiation du monde entier, le ciel est la terre s'unissent dans un admirable concert pour célébrer ses louanges. A sa naissance, les armées des cieux ont chanté un cantique de louanges sur son berceau, et lorsqu'il est sur le point de retourner dans les cieux, les hommes publient à leur tour ses louanges: «Paix dans les cieux !» - Théophyl. C'est-à-dire que la guerre que nous faisions depuis si longtemps à Dieu a enfin cessé: «Gloire à Dieu au plus haut des cieux !» parce qu'en effet les anges louent Dieu d'avoir opéré cette réconciliation, car n'est-ce pas une preuve que Dieu est en paix avec nous, de le voir se manifester sous une forme visible au milieu même de ses ennemis? Cependant les pharisiens murmuraient d'entendre la foule le proclamer roi, et le louer comme un Dieu. Lui donner le nom de roi, c'est à leurs yeux un acte de sédition, lui donner celui, de Dieu un blasphème «Alors quelques pharisiens qui étaient parmi le peuple, lui dirent: Maître, faites taire vos disciples». - Bède. Dans quel excès de folie tombent les envieux; ils n'ont pas hésité à lui donner le nom de Maître, parce qu'ils ont reconnu la vérité de sa doctrine, et comme s'ils étaient maintenant mieux instruits, ils veulent empêcher ses disciples de publier ses louanges.

S. Cyr. Mais le Sauveur, loin de faire taire ceux qui publiaient ses louanges, comme s'il était Dieu, impose silence à ceux qui veulent les reprendre, et atteste lui-même la gloire de sa divinité: «Il leur répondit: Je vous le dis, si ceux-ci se taisent, les pierres crieront. - Théophyl. C'est-à-dire, ce n'est pas sans raison qu'ils publient mes louanges, mais ils agissent sous l'impression des miracles dont ils ont été les témoins.

Bède. Lorsque le Seigneur fut crucifié, tandis que la crainte fermait la bouche à ses amis, les pierres et les rochers publièrent sa gloire, alors qu'au moment où il rendait le dernier soupir la terre trembla, les rochers se fendirent, et les tombeaux s'ouvrirent. - S. Ambr. Or, il n'est pas étonnant que les rochers, contre leur nature, publient sa divinité, puisque ses bourreaux, plus durs que les rochers, sont obligés de la reconnaître. N'entendons-nous pas, en effet, cette même foule qui, dans quelques jours, doit crucifier son Dieu, et renier dans son coeur celui dont sa voix confesse aujourd'hui la divinité? Ne peut-on pas dire aussi qu'au milieu du silence gardé par les Juifs après la passion du Seigneur, les pierres vivantes (selon le langage de saint Pierre) (1P 2,5), élèveront la voix. - Orig. (sur S. Luc). Lorsque nous gardons le silence (c'est-à-dire lorsque la charité d'un grand nombre se refroidit, les pierres élèvent la voix; car Dieu, des pierres mêmes, peut susciter des enfants d'Abraham. - S. Ambr. Ce n'est pas sans un dessein mystérieux que nous voyons la foule qui louait Dieu, venir à la rencontre du Sauveur, lorsqu'il descendait de la montagne, elle nous apprend par cette démarche que celui qui doit accomplir les mystères du salut de nos âmes est descendu du ciel. La multitude descend avec le Seigneur de la montagne des Oliviers, pour nous apprendre encore, à nous qui avons besoin de la miséricorde du Sauveur, à marcher sur les traces de l'auteur de la miséricorde qui s'est si profondément humilié pour notre salut.


vv. 41-44

10941 Lc 19,41-44

Orig. (hom. 38 sur S. Luc). Jésus a confirmé par son exemple toutes les béatitudes qu'il a proclamées dans son Évangile. Il a dit «Bienheureux ceux qui sont doux» (Mt 5,4), et il confirme cette vérité en disant de lui-même: «Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur» (Mt 11,29). Il a dit: «Bienheureux ceux qui pleurent» (Mt 5,5), et il a pleuré lui-même sur la ville de Jérusalem: «Et comme il approchait, voyant la ville, il pleura sur elle», etc. - S. Cyr. Jésus-Christ, qui veut sincèrement le salut de tous les hommes, était ému de compassion, mais comment aurions-nous pu en être certains, si le Sauveur ne nous en avait donné une preuve sensible? Les larmes, en effet, sont le signe de la tristesse.

S. Grég. (hom. 39 sur les Evang). Notre miséricordieux Rédempteur pleure donc la ruine de cette ville infidèle qui ne savait pas que cette ruine était si proche: «Si tu connaissais, toi aussi», dit-il; sous entendez: Tu verserais des larmes, toi qui te livres aux transports de la joie dans l'ignorance où tu es de ta triste destinée. Il ajoute: «Du moins en ce jour qui t'est encore donné», etc. Comme elle s'abandonnait aux plaisirs sensibles, elle avait ce qui pouvait lui apporter la paix. Notre-Seigneur donne ensuite la raison pour laquelle elle mettait sa paix dans les biens sensibles: «Mais maintenant ces choses sont cachées à tes yeux». En effet, si les malheurs qui la menacent n'étaient pas cachés aux yeux de son coeur, elle ne placerait pas sa joie dans les prospérités de la vie présente. Aussi lui prédit-il aussitôt le châtiment dont elle était menacée: «Viendront des jours sur toi».

S. Cyr. «Si tu connaissais, toi aussi». Ils n'étaient pas dignes, en effet, de comprendre les Écritures divinement inspirées, qui annoncent les mystères de Jésus-Christ. Car toutes les fois qu'ils lisent les livres de Moïse, le voile qui est sur leur coeur ne leur permet pas de voir l'accomplissement de la loi en Jésus-Christ qui, étant la vérité, dissipe toutes les ombres; et pour n'avoir pas voulu voir la vérité, ils se sont rendus indignes du salut que Jésus-Christ leur apportait: «Du moins en ce jour, ce qui importe à ta paix». - Eusèbe. Il nous apprend ainsi que son avènement a eu pour objet la paix du monde entier; il est venu, en effet, pour annoncer la paix à ceux qui étaient près, comme à ceux qui étaient loin (Ep 2,17), mais cette paix est restée cachée pour eux, parce qu'ils n'ont pas voulu la recevoir, lorsqu'elle était annoncée. «Mais maintenant ces choses sont cachées à tes yeux». Il lui prédit donc dans les termes les plus clairs le siège qui la menace: «Viendront des jours sur toi», etc. - S. Grég. (comme précéd). Il veut parler des généraux qui commandaient les armées romaines, car il décrit ici la ruine de Jérusalem qui eut lieu sous Vespasien et sous Tite: «ils t'environneront», etc.

Eusèbe. Nous pouvons vérifier l'accomplissement de ces paroles dans le récit de Josèphe, qui, tout juif qu'il était, a raconté ces événements d'une manière conforme à ce qui avait été prédit par Jésus-Christ. - S. Grég. La translation même de cette ville vient rendre témoignage à ces paroles du Sauveur: «Et ils ne laisseront pas sur toi pierre sur pierre»; car elle est rebâtie aujourd'hui hors de la porte où Notre-Seigneur a été crucifié, tandis que l'ancienne Jérusalem est totalement détruite. Quelle a été la cause de cette entière destruction? «Parce que tu n'as pas connu le temps où tu as été visitée». - Théophyl. C'est-à-dire le temps de mon avènement; car je suis venu pour te visiter et te sauver; si tu m'avais connu, et si tu avais voulu croire en moi, tu serais restée en paix avec les Romains, préservée de tout danger, comme l'ont été tous ceux qui ont embrassé la foi en Jésus-Christ.

Orig. (hom. 36 sur S. Luc). J'admets que cette Jérusalem a été détruite en punition des crimes de ses habitants; mais je me demande si ces larmes du Sauveur n'ont pas été versées sur une autre Jérusalem qui est la vôtre. Si après avoir connu les mystères de la vérité, un chrétien retombe dans le péché, Jésus pleure sur lui, il ne pleure point sur les Gentils, mais sur celui qui appartenait à Jérusalem, et qui a cessé d'en faire partie. - S. Grég. (comme précéd). Notre Rédempteur ne cesse de pleurer dans la personne de ses élus, lorsqu'il en voit un certain nombre faire succéder à une vie sainte, une conduite criminelle. S'ils pouvaient connaître le jugement de condamnation qui les menace, ils mêleraient leurs larmes à celles des élus. L'âme coupable a ici-bas son jour, parce qu'elle met sa joie dans des jouissances passagères; elle a ce qui importe à sa paix, puisqu'elle met son bonheur dans les biens de la terre, et elle ne veut pas prévoir l'avenir dont la vue pourrait troubler sa joie présente: «Mais maintenant ces choses sont cachées à tes yeux».

Orig. (hom. 36 sur S. Luc). Le Sauveur pleure sur notre Jérusalem, c'est-à-dire sur notre âme, de ce qu'en punition des péchés qu'elle a commis, ses ennemis (c'est-à-dire les esprits mauvais), l'environnent et l'entourent de tranchées pour en faire le siège, et ne pas laisser dans son enceinte pierre sur pierre. Tel est surtout le sort de celui qui, après une longue pratique de la continence, après plusieurs années de chasteté, succombe à la tentation, et séduit par les attraits des plaisirs de la chair, perd le sentiment de la pudeur. S'il devient impudique, les démons ne laisseront pas en lui pierre sur pierre, selon cet oracle d'Ézéchiel : «Je ne me souviendrai plus de ses premières justices (Ez 18,24).

S. Grég. (comme précéd). Ou encore, les esprits mauvais assiègent l'âme lorsqu'elle est sur le point de sortir du corps. Comme ils l'ont toujours vue dominée par l'amour de la chair, ils la séduisent par l'attrait des plaisirs trompeurs. Ils l'environnent de tranchées, en ramenant devant ses yeux toutes les iniquités qu'elle a commises, et en la resserrant par la triste perspective des compagnons de sa damnation; et ainsi cette pauvre âme, saisie de toutes parts au dernier moment de sa vie, voit quels ennemis l'environnent, sans qu'elle trouve aucune issue pour leur échapper, parce qu'elle ne peut plus faire le bien qu'elle a négligé de pratiquer, lorsqu'elle le pouvait. Ils la serrent de toutes parts, en lui représentant tous ses péchés, non seulement d'actions, mais de paroles et de pensées; et parce qu'elle s'est donnée autrefois toute latitude pour le crime, elle se voit resserrée dans cette extrémité, par les angoisses du châtiment qu'elle a mérité. Cette âme alors, en punition de ses crimes, est renversée par terre, lorsque ce corps, qu'elle croyait être toute sa vie, est forcé de retourner dans la poussière. Ses enfants tombent sous les coups de la mort, alors que les pensées coupables, qui prenaient naissance au milieu d'elles, se dissipent dans ce dernier jour de la vengeance. Ces pensées peuvent aussi être représentées par les pierres. En effet, lorsque l'âme coupable ajoute à une pensée mauvaise une pensée plus criminelle encore, elle met pour ainsi dire pierre sur pierre; mais lorsqu'arrive le jour de la vengeance et du châtiment, tout cet édifice de pensées mauvaises s'écroule. Or, Dieu visite l'âme continuellement en lui rappelant ses préceptes, quelquefois par des châtiments, quelquefois par des miracles, pour lui faire entendre la vérité qu'elle ne connaissait pas, lui faire mépriser ce qu'elle aimait, afin que, ramenée à lui par la douleur du repentir ou vaincue par ses bienfaits, elle rougisse du mal qu'elle a fait. Mais comme elle n'a point voulu connaître le jour où Dieu l'a visitée, elle est livrée à ses ennemis, avec lesquels la sentence du jugement dernier doit l'unir par les tristes liens d'une éternelle damnation.


vv. 45-48

10945 Lc 19,45-48

S. Grég. (hom. 39 sur les Evang). Après avoir prédit les malheurs qui devaient fondre sur Jérusalem, Jésus entre aussitôt dans le temple, pour en chasser les vendeurs et les acheteurs, montrant ainsi que la ruine du peuple a pour cause la conduite coupable des prêtres: «Et étant entré dans le temple, il commença à chasser ceux qui y vendaient et y achetaient». - S. Ambr. Dieu ne veut pas que son temple soit un rendez-vous de marchands, mais la maison de la sainteté, et son dessein, en instituant le ministère sacerdotal, n'a pas été que ses fonctions augustes devinssent l'objet d'un trafic sacrilège, mais qu'elles fussent remplies avec un désintéressement parfait.

S. Cyr. Il y avait, en effet, dans le temple, une multitude de marchands qui vendaient les animaux destinés à être immolés conformément aux prescriptions de la loi. Mais le temps était venu où les ombres allaient faire place au brillant éclat de la vérité en Jésus-Christ. C'est pourquoi Notre-Seigneur, qui était adoré dans le temple avec son Père, commence à réformer les rites défectueux de la loi, et rappelle que le temple est une maison de prières: «Il est écrit: Ma maison est une maison de prières, et vous en faites une caverne de voleurs». - S. Grég. C'est, qu'en effet, ceux qui demeuraient dans le temple pour recevoir les offrandes, commettaient souvent des exactions à l'égard de ceux qui refusaient de donner.

Théophyl. Notre-Seigneur avait déjà vengé de la sorte la sainteté du temple au commencement de sa prédication, comme nous le voyons dans saint Jean, il le fait encore aujourd'hui, et fait ainsi ressortir en même temps la conduite sacrilège des Juifs, que le premier avertissement n'avait pu corriger.

S. Aug. (Quest. évang., 2, 48). Dans le sens figuré, le temple, c'est l'humanité de Jésus-Christ, ou le corps qu'il s'est uni, qui est l'Église. C'est comme chef de l'Église qu'il disait: «Détruisez ce temple et je le rebâtirai en trois jours»; et c'est en tant qu'il est uni à l'Église, qu'il dit en cet endroit: «Emportez tout cela d'ici», etc. Il a voulu nous signifier par là qu'il s'en trouverait qui chercheraient leurs intérêts dans l'Église, ou qui s'en feraient un asile pour cacher leurs crimes au lieu de pratiquer la charité de Jésus-Christ, et de réformer leur vie après avoir obtenu le pardon de leurs fautes par une confession sincère.

S. Grég. (hom. 39). Notre divin Rédempteur ne veut pas priver de ses divins enseignements les indignes mêmes et les ingrats, et après cet acte de vigueur pour venger la sainteté du temple, en chassant ceux qui l'outrageaient, il répand sur eux les dons de sa grâce: «Et il enseignait tous les jours dans le temple». - S. Cyr. La doctrine de Jésus-Christ, aussi bien que ses oeuvres, auraient dû les convaincre qu'ils devaient l'adorer comme leur Dieu, mais loin de là, ils cherchaient à le mettre à mort: «Cependant les princes des prêtres, les scribes et les principaux du peuple cherchaient à le perdre». - Bède. Ou parce qu'il enseignait tous les jours dans le temple, ou parce qu'il en avait chassé les voleurs, ou enfin, parce qu'en y entrant comme roi et Seigneur, il avait été reçu par la foule de ceux qui croyaient en lui au milieu des louanges et des chants des hymnes célestes. - S. Cyr. Mais le peuple avait conçu de Jésus-Christ une idée meilleure et plus juste que les scribes, les pharisiens et les princes des Juifs, qui, refusant de croire en lui, blâmaient ceux qui proclamaient ses louanges: «Mais ils ne trouvaient aucun moyen de rien faire contre lui, car tout le peuple était ravi en l'écoutant». - Bède. Ces paroles peuvent s'entendre de deux manières; soit que dans la crainte de soulever le peuple, ils ne sussent que faire de Jésus, qu'ils avaient résolu de mettre à mort, soit qu'ils cherchassent à le perdre, parce qu'ils en voyaient un grand nombre abandonner leur enseignement pour se presser en foule autour du Sauveur.

S. Grég. (hom. 39). Dans un sens figuré, de même que le temple est au milieu de la ville, ainsi ceux qui sont consacrés à Dieu, se trouvent au milieu du peuple fidèle. Or, il arrive souvent que quelques-uns de ceux qui prennent l'habit religieux et qui remplissent les fonctions des saints ordres, font de cet auguste ministère l'objet d'un commerce terrestre. Les vendeurs dans les temples sont ceux qui ne veulent donner qu'à prix d'argent ce qui appartient de droit aux fidèles, car c'est vendre la justice de ne vouloir en faire part que moyennant une somme d'argent. Ceux à leur tour qui achètent dans le temple, sont ceux qui ne veulent pas rendre au prochain ce qui lui est dû, et qui en refusant de faire ce qui est juste, achètent à prix d'argent les coupables faveurs de leurs supérieurs.

Orig. (Hom. 37 sur S. Luc). Celui qui vend sera donc chassé du temple et surtout s'il vend les colombes. En effet, si je vends au peuple à prix d'argent les vérités qui m'ont été révélées et confiées par l'Esprit saint, ou que je refuse de les enseigner gratuitement, que fais-je autre chose que de vendre une colombe, c'est-à-dire l'Esprit saint? - S. Ambr. Le Seigneur nous apprend donc en général que toute transaction commerciale doit être bannie du temple. Dans un sens spirituel, il chasse les changeurs qui cherchent à trafiquer avec l'argent du Seigneur, c'est-à-dire avec les divines Écritures, et qui ne mettent plus de distinction entre le bien et le mal. - S. Grég. (hom. 39 sur S. Luc). Ils font de la maison de Dieu une caverne de voleurs, car lorsque des hommes pervers remplissent les fonctions du ministère sacerdotal, ils mettent à mort avec le glaive de leur malice ceux qu'ils auraient dû vivifier par leurs prières médiatrices. Le temple, c'est encore l'âme des fidèles, si elle se laisse aller à des pensées préjudiciables aux intérêts du prochain, elle devient comme une caverne de voleurs. Au contraire, la vérité enseigne tous les jours dans le temple, lorsqu'elle instruit soigneusement l'âme des fidèles des moyens à prendre pour éviter le mal.


CHAPITRE XX


vv. 1-8

11001 Lc 20,1-8

S. Aug. (De l'acc. des Evang., 2, 69). Saint Luc ayant raconté comment Jésus avait chassé du temple les vendeurs et les acheteurs, passe sous silence qu'il retournait chaque jour à Béthanie, et revenait le lendemain à Jérusalem, ne dit rien du figuier qu'il dessécha, ni de la réponse qu'il fit à ses disciples étonnés sur la vertu de la foi (Mt 21,21 Mc 11,28), et au lieu de suivre par ordre les événements de chaque jour, il continue ainsi son récit: «Un de ces jours-là», etc., paroles qui doivent s'entendre du jour où saint Matthieu et saint Marc placent les mêmes faits. - Eusèbe. Tandis que les principaux d'entre les Juifs auraient dû être dans l'admiration devant la doctrine toute céleste du Sauveur, et reconnaître à ses paroles comme à ses actions qu'il, était le Christ prédit par les prophètes, ils ne cherchent qu'à soulever le peuple contre lui et à entraver son enseignement: «Et ils lui parlèrent de la sorte: Dites-nous par quelle autorité vous faites ces choses», etc. - S. Cyr. C'est-à-dire, d'après la loi de Moïse, il n'y a que ceux qui sont de la tribu de Lévi, qui aient reçu le droit d'enseigner et le pouvoir de remplir les fonctions sacrées dans le temple; or, comme vous êtes de la tribu de Juda, vous usurpez évidemment les fonctions qui nous ont été confiées. Mais, ô pharisien ! si vous connaissiez les Écritures, vous vous rappelleriez qu'il est le prêtre selon l'ordre de Melchisédech, qui doit offrir à Dieu ceux qui croient en lui par le moyen d'un culte bien supérieur à la loi. Pourquoi donc vous tourmenter de ce qu'il a chassé et banni des parvis sacrés des coutumes qui n'avaient leur raison d'être que dans les sacrifices prescrits par la loi, puisqu'il vient appeler les hommes à la véritable justification par la foi.

Bède. Ou encore: Quand ils font au Sauveur cette question: Par quelle autorité faites-vous ces choses? Ils doutent que ce soit par la puissance de Dieu, et veulent faire entendre que ses oeuvres sont les oeuvres du démon. D'ailleurs, en ajoutant: Qui vous a donné cette puissance, ils nient ouvertement qu'il soit le Fils de Dieu, puisqu'ils attribuent les miracles qu'il opère à une puissance autre que la sienne. Notre-Seigneur pouvait confondre cette atroce calomnie par une réponse péremptoire, mais il préfère leur adresser une question pleine de sagesse pour les confondre et les condamner par leur silence ou par leur propre réponse: «Jésus leur répondit: Moi aussi, je vous ferai une question», etc. - Théophyl. Il veut leur prouver qu'ils ont toujours résisté à l'Esprit saint, et qu'ils ont refusé de croire non seulement à Isaïe dont ils ne se souvenaient plus, mais à Jean-Baptiste qui avait paru récemment au milieu d'eux, Il leur adresse donc à son tour une question pour leur faire entendre que s'ils n'ont point voulu croire au témoignage que lui rendait Jean-Baptiste, un si grand prophète, et qui jouissait parmi eux d'une si grande considération, ils ne le croiraient pas davantage lui-même lorsqu'il leur dirait par quelle puissance il fait ces choses.

Eusèbe. Le Sauveur demande non pas quelle était l'origine de Jean-Baptiste, mais d'où venait son baptême? - S. Cyr. Et ils ne rougirent pas de reculer devant la vérité, car n'est-ce pas Dieu qui avait envoyé Jean comme une voix qui criait: «Préparez la voie du Seigneur (Is 40,3 Mt 3,3 Mc 1,3 Lc 3,4) ». Or, ils craignirent de dire la vérité de peur de s'attirer cette réponse: Pourquoi donc n'y avez-vous pas cru? Et ils n'osent d'ailleurs blâmer le saint précurseur, non par un sentiment de crainte de Dieu, mais par crainte du peuple: «Et ils faisaient en eux-mêmes cette réflexion: Si nous répondons: Du ciel, il dira: Pourquoi donc n'y avez-vous pas cru ?» - Bède. C'est-à-dire: Celui qui de votre aveu a reçu du ciel le don de prophétie, m'a rendu témoignage, et vous avez appris de lui par quelle puissance je fais ces choses: «Et si nous répondons: Des hommes, tout le peuple nous lapidera, car il est persuadé que Jean était un prophète». Ils comprirent donc que quelle que fût leur réponse, ils tomberaient dans un piège; car ils craignaient d'être lapidés; mais plus encore peut-être de confesser la vérité: «Ils lui répondirent donc qu'ils ne savaient d'où il était». Ils n'ont pas voulu avouer ce qu’ils savaient; par un juste retour Notre-Seigneur ne veut pas leur dire non plus ce qu'il sait: «Et moi, leur dit Jésus, je ne vous dirai pas non plus par quelle autorité je fais ces choses». Il y a deux raisons en effet qui autorisent à cacher la connaissance de la vérité: lorsque celui qui demande à la connaître n'a pas assez d'intelligence pour comprendre ce qu'il demande, ou qu'il est indigne de la connaître par la haine ou le mépris qu'il affecte pour la vérité.



Catena Aurea 10928