Catena Aurea 11125

vv. 25-27

11125 Lc 21,25-27

Bède. Notre-Seigneur annonce ensuite successivement ce qui doit arriver, lorsque les temps des nations seront accomplis: «Il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles». - S. Ambr. Saint Matthieu explique plus clairement quels seront ces signes: «Alors, dit-il, le soleil s'obscurcira, et la lune ne donnera plus sa lumière, et les étoiles tomberont du ciel» (Mt 24,29). - Eusèbe. (Ch. des pèr. gr). En effet, lorsque la consommation de cette vie mortelle et corruptible sera venue, la figure de ce monde passera, selon l'expression de l'Apôtre, (1Co 7,31) pour faire place à un monde nouveau, dans lequel, au lieu des astres visibles, Jésus-Christ lui-même brillera comme l'astre et le roi de ce monde nouveau, et l'éclat de la gloire de sa divinité sera si grand, que le soleil qui nous éclaire maintenant, la lune et les autres astres disparaîtront en présence de cette incomparable lumière. - S. Chrys. (Ch. des pèr. gr). Aussitôt que le soleil se lève, la lune et les étoiles sont comme éclipsés; ainsi lorsque le Christ apparaîtra dans sa gloire, le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, et les étoiles tomberont du ciel, c'est-à-dire que ces astres seront dépouillés de leur premier vêtement, pour se revêtir d'une lumière plus éclatante.

Eusèbe. Le Sauveur expose ensuite ce qui doit arriver après que les astres du ciel seront obscurcis, et quelles seront les angoisses de tous les peuples de la terre: «Et sur la terre, les nations seront dans l'abattement et dans la consternation», etc. Il semble vouloir nous dire que le principe de la transformation de l'univers viendra de la suppression de l'élément liquide, qui sera dévoré par le feu ou gelé par le froid, de sorte qu'on n'entendra plus le bruit de la mer, que ses flots ne viendront plus mouiller les sables du rivage, par suite de cette excessive sécheresse, et qu'alors les autres parties du monde, ne recevant plus ces vapeurs humides, produites par les eaux, seront transformées. Comme l'avènement du Sauveur doit combattre et renverser les prodiges de l'ennemi de Dieu, c'est-à-dire de l'Antéchrist, ses premières vengeances commenceront par ce fléau de la sécheresse, qui sera si grande, qu'on n'entendra plus ni le bruit des tempêtes de la mer, ni le frémissement de ses flots soulevés; ce qui jettera dans les plus terribles angoisses les hommes qui survivront: «Les hommes sècheront de frayeur dans l'attente de ce qui doit arriver dans tout l'univers». Quels seront ces nouveaux fléaux qui doivent fondre sur l'univers, c'est ce que nous apprend la suite des paroles du Sauveur: «Les vertus des cieux seront ébranlées».

Théophyl. Ou encore: Lorsque le monde du firmament sera bouleversé, les éléments terrestres devront ressentir les mêmes secousses: «Et sur la terre les nations seront dans l'abattement», etc. Comme s'il voulait dire: Les mugissements de la mer seront si épouvantables, et ses rivages seront battus par de si violentes tempêtes, que les peuples seront dans l'angoisse, (c'est-à-dire dans une détresse universelle), jusqu'à sécher de frayeur dans l'attente des maux dont le monde entier sera menacé: «Les hommes sécheront de frayeur dans l'attente de ce qui doit arriver à tout l'univers».

S. Aug. (Lettre 80, à Hésych). Mais, direz-vous, nos calamités nous forcent de reconnaître que la fin des temps est venue, puisque les prédictions du Sauveur ont reçu leur accomplissement, car n'est-il pas certain qu'il n'y a aucun peuple, aucune contrée qui ne soit actuellement dans l'angoisse et la tribulation? Or, si ces calamités qui pèsent en ce moment sur le genre humain, sont des signes certains de la venue prochaine du Seigneur, pourquoi l'Apôtre nous dit-il au contraire: «Lorsque les hommes diront: Nous sommes dans la paix et la sécurité ?» (1Th 5,3). Avec un examen plus sérieux des prédictions du Sauveur, nous découvrirons qu'elles n'ont point encore reçu leur accomplissement; mais qu'il faut le différer jusqu'au temps où la tribulation s'étendra à tout l'univers, c'est-à-dire à l'Église qui sera persécutée dans le monde entier, et non à ses persécuteurs qui diront: «Nous sommes dans la paix et la sécurité». Or, nous voyons au contraire que les malheurs de notre temps, que nous regardons comme les grandes calamités qui doivent précéder la fin du monde, sont communs aux deux royaumes de Jésus-Christ et du démon. Les bons et les méchants en sont également victimes, et au milieu de ces épreuves déchirantes, les hommes continuent à se plonger partout dans les excès de la table et de la débauche. Est-ce là sécher de frayeur? N’est-ce pas plutôt brûler des ardeurs de la volupté ?

Théophyl. Ce ne sont pas seulement les hommes qui trembleront devant ces terribles épreuves auquel le mondé sera soumis, les anges eux-mêmes seront saisis d'étonnement à la vue des bouleversements épouvantables de l'univers: «Car les vertus des cieux seront ébranlées». - S. Grég. Quelles sont ces vertus des cieux, si ce n'est les anges, les dominations, les principautés et les puissances? Ils apparaîtront visiblement à nos yeux à l'avènement du juge sévère de nos âmes, pour exiger rigoureusement de nous ce que notre Créateur invisible supporte maintenant avec tant de miséricorde. - Eusèbe. Ajoutons que le Fils de Dieu devant venir dans sa gloire pour confondre la superbe tyrannie du fils du péché (2Th 2,3), environné des anges du ciel qui lui serviront de ministres, les portes du ciel depuis si longtemps fermées s'ouvriront pour nous laisser contempler les splendeurs du ciel. - S. Chrys. (Lettre 2, à Olymp). Ou bien encore, les vertus des cieux, quoiqu'elles n'aient la conscience d'aucune faute, seront ébranlées, c'est-à-dire qu'elles perdront leur assurance. - Bède. C'est ce qui est écrit dans le livre de Job: «Les colonnes du ciel tremblent, et sont saisies d'effroi devant un seul signe de sa volonté» (Jb 26,11), or, si les colonnes tremblent, que feront les planches légères? Que deviendra le roseau du désert, lorsque les cèdres du paradis sont ébranlés? - Eusèbe. Ou encore: Les vertus des cieux, sont les esprits qui gouvernent les diverses parties du monde visible; ils s'ébranleront alors pour s'élever à un état meilleur, car ils seront déchargés du ministère qu'ils remplissent par ordre de Dieu auprès des créatures visibles qui sont encore soumises à la corruption. - S. Aug. (A Hésych). Cependant, afin qu'on ne puisse dire que Notre-Seigneur a donné comme signes extraordinaires de son second avènement des choses qui arrivaient fréquemment dans le monde avant son premier avènement, et pour ne point nous exposer à la risée de ceux qui ont lu dans l'histoire des peuples le récit de calamités plus nombreuses et plus grandes, je crois qu'il vaut mieux appliquer ces prédictions à l'Église. En effet, l'Église est le soleil, la lune et les étoiles; et c'est d'elle qu'il est dit: «Vous êtes belle comme la lune, éclatante comme le soleil»; (Ct 6,10) et elle cessera de briller sous les violences inouïes de ses persécuteurs. - S. Ambr. Par suite de l'apostasie d'un grand nombre, la clarté de la foi sera obscurcie par les nuages de l'infidélité, car le soleil de justice croît ou décroît pour moi, en raison de ma foi; et de même que dans ses révolutions mensuelles, la lune perd sa clarté à mesure que la terre s'interpose entre elle et le soleil, de même la sainte Église ne peut plus emprunter aux rayons de Jésus-Christ l'éclat de sa divine lumière, lorsque les vices de la chair viennent s'interposer entre elle et la lumière céleste. En effet, presque toujours dans les persécutions l'amour de cette vie devient un obstacle à la lumière de ce soleil divin. Les étoiles (c'est-à-dire les personnages célèbres) tombent des cieux, lorsque la violence de la persécution redouble. Tout cela doit s'accomplir, jusqu'à ce que le nombre des enfants de l'Église soit complet, car la persécution est la pierre de touche qui fait reconnaître les bons et les mauvais. - S. Aug. (A Hésych). Notre-Seigneur ajoute: «Et sur la terre les nations seront dans l'abattement et la consternation»; Les nations ne sont pas les nations qui seront bénies dans celui qui sortira d'Abraham (Gn 12,3 Gn 23,18 Mt 25,32), mais les peuples qui au dernier jour seront placés à la gauche.

S. Ambr. L'agitation et les angoisses des esprits seront si grandes que la multitude des crimes dont le souvenir se réveillera par la crainte du jugement, desséchera pour nous la source de la rosée divine. Or, de même que l'avènement du Seigneur est ardemment attendu afin que sa présence se fasse sentir dans toute l'humanité comme dans tout l'univers, et que cette présence se manifeste à tous ceux qui reçoivent le Christ avec toutes les affections de leur coeur; de même les vertus des cieux recevront à l'avènement du Sauveur, une augmentation de grâce et seront comme ébranlées par la plénitude de la divinité qui se communiquera de plus près à elles. Ces vertus des cieux peuvent encore être celles qui racontent la gloire de Dieu, et qui s'ébranlerait pour contempler le Christ, lorsqu'il épanchera sur elle une plus grande abondance de ses grâces. - S. Aug. (A Hésych). Ou bien encore: Les vertus des cieux seront ébranlées, parce que la persécution des impies sera si violente qu'elle ébranlera les plus forts dans la foi.

«Alors ils verront le Fils de l'homme venant sur une nuée». - Théophyl. Aussi bien les infidèles que les fidèles, car il sera plus resplendissant que le soleil, lui et sa croix, de sorte que tous le connaîtront. - S. Aug. (comme précéd). Ces paroles: «Il viendra sur une nuée», peuvent s'entendre de deux manières: ou il viendra dans son Église comme dans une nuée lumineuse, ainsi qu'il ne cesse de venir dans le temps présent; mais il viendra avec une grande puissance et une grande majesté, parce que sa puissance et sa majesté se manifesteront avec plus d'éclat aux yeux des saints pour leur donner la force qui doit les faire triompher de la violence de la persécution. Ou bien il viendra dans ce même corps avec lequel il est assis à la droite de son Père, et nous devons croire en effet, qu'il viendra non seulement dans le même corps, mais sur une nuée, parce qu'il reviendra des cieux comme il y est remonté; or, ce fut une nuée qui le déroba aux yeux de ses disciples (Ac 1,11). - S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr). Nous voyons dans l'Écriture que Dieu apparaît toujours au milieu d'une nuée, selon ces paroles: «Les nuées sont autour de lui, et l'obscurité l'environne» (Ps 17 Ps 96,12). Le Fils de l'homme aussi viendra sur les nuées comme Dieu et Seigneur, non plus en cachant sa divinité, mais au milieu d'une gloire digne de Dieu, c'est pourquoi il ajoute: «Avec une grande puissance et majesté». - S. Cyr. Il faut sous-entendre: Avec une grande majesté. Dans son premier avènement, il a voulu paraître revêtu de notre infirmité et de notre bassesse, mais lorsqu'il reviendra pour la seconde fois, ce sera avec la puissance qui lui est propre. - S. Grég. Ceux qui n'ont pas voulu l'écouter dans son état d'humiliation, le verront alors dans sa puissance et dans sa gloire, et ils ressentiront d'autant plus les effets de sa colère que leurs coeurs auront résisté davantage aux avarices de sa miséricorde.


vv. 28-33

11128 Lc 21,28-33

S. Grég. (hom. 4). Les prédictions qui précèdent s'adressaient aux réprouvés, les paroles de consolation qui suivent sont pour les élus: «Pour vous, lorsque ces choses commenceront d'arriver, regardez en haut, et levez la tête, parce que votre rédemption est proche». Comme s'il disait: Lorsque vous verrez se multiplier les fléaux du monde, levez la tête, c'est-à-dire livrez-vous à la joie de vos coeurs, parce qu'en même temps que finit ce monde que vous n'aimez pas, la rédemption que vous avez cherchée approche. Dans le langage de l'Écriture la tête est souvent prise pour le coeur (Si 2,14 Si 32,11), parce que le coeur dirige les pensées comme la tête gouverne les membres du corps; lever la tête, c'est donc élever nos âmes vers les joies de la patrie céleste. - Eusèbe. Ou encore: aux choses corporelles et sensibles qui, auront cessé d'exister, succéderont les choses spirituelles et célestes, c'est-à-dire le règne d'un siècle qui n'aura plus de fin, et alors ceux qui en sont dignes, verront s'accomplir pour eux les promesses du salut: «Lorsque ces choses commenceront d'arriver, regardez en haut», etc. En effet, en voyant l'effet des promesses qui faisaient l'objet de nos espérances, nous nous relèverons, nous qui étions auparavant dans l'abaissement, et nous lèverons la tête, nous qui étions humiliés, parce que la rédemption que nous espérions et que toutes les créatures attendaient, est arrivée. - Théophyl. C'est-à-dire, la parfaite liberté du corps et de l'âme; car de même que le premier avènement du Seigneur avait pour but la réformation de nos âmes, le second aura pour but la réformation de nos corps. - Eusèbe. Notre-Seigneur parle ainsi à ses disciples, non pas que leur vie dût se prolonger jusqu'à la fin du monde, mais parce qu'ils ne font qu'un seul corps avec nous et avec tous ceux qui dans la suite de temps doivent croire en Jésus-Christ jusqu'à la consommation des siècles.

S. Grég. (comme précéd). Notre-Seigneur apporte ensuite une comparaison pleine de justesse pour nous faire comprendre que nous devons fouler aux pieds et mépriser le monde: «Voyez, dit-il, le figuier et tous les autres arbres, lorsqu'ils commencent à produire leurs fruits, vous savez que l'été est proche», etc. C'est-à-dire, de même que les fruits des arbres vous font juger de la proximité de l'été, ainsi la destruction du monde vous fera connaître que le royaume de Dieu approche. Nous voyons ici que le fruit du monde n'est que destruction. Il ne produit que pour détruire ce qu'il a contribué à faire croître et à nourrir. Le royaume de Dieu au contraire est justement comparé à l'été, parce qu'il dissipera tous les nuages de nos afflictions, et répandra sur les jours de notre vie les splendeurs du soleil éternel. - S. Ambr. Saint Matthieu ne parle ici que du figuier, tandis que saint Luc étend la comparaison à tous les autres arbres. Or, le figuier a ici une double signification symbolique, il figure à la fois l'adoucissement des dures épreuves, et la funeste abondance de tous les vices. Lors donc que nous verrons les arbres chargés de fruits encore verdoyants, et le figuier si fécond, couvert de fleurs, (c'est-à-dire lorsque toute langue louera Dieu de concert même avec le peuple juif), nous devons espérer l'avènement prochain du royaume de Dieu qui sera pour nous comme l'été et le temps de la moisson des fruits de la résurrection. De même encore, lorsque l'homme d'iniquité se sera revêtu de l'orgueil léger et frivole de la synagogue comparé aux feuilles des arbres, nous devons conjecturer que le jugement approche; car le Seigneur se hâtera de récompenser la foi et de mettre fin à l'iniquité. - S. Aug. (A Hésych). A quels signes se rapportent ces paroles: «Lorsque vous verrez ces choses arriver ?» évidemment à ceux qui sont rapportés plus haut; or, parmi ces signes, nous lisons: «Alors ils verront le Fils de l'homme qui viendra» (Mt 24,30). Ainsi l'avènement du Fils de l'homme ne sera pas encore le royaume de Dieu, mais il annoncera qu'il est proche. Ou bien faut-il dire que ces paroles: «Lorsque vous verrez arriver ces choses», ne doivent pas s'entendre de tous les signes qui précèdent, mais d'une partie seulement en exceptant celui-ci: «Alors ils verront le Fils de l'homme ?» Mais le récit de saint Matthieu ne nous permet pas de faire la moindre exception, puisqu'il dit en termes exprès: «Lorsque vous verrez arriver toutes ces choses» (Mt 24,33). Or, parmi ces choses se trouve la venue du Fils de l'homme qu'on peut entendre, ou de sa venue dans ses membres figurés par les nuages, ou de sa venue dans l'Église comparée à une grande nuée. - Tite. Ou encore: Le Seigneur dit: «Le royaume de Dieu est proche», parce que ces signes précurseurs n'annonceront pas la fin immédiate et irrévocable du monde, mais qu'il touche à sa fin, car la venue du Seigneur aura pour but de renverser tout pouvoir sur la terre pour préparer les voies au règne tout-puissant de Dieu. - Eusèbe. De même que dans cette vie, lorsque le printemps succède à l'hiver, le soleil réchauffe et vivifie de ses rayons les semences confiées à la terre, les transforme et leur fait produire d'innombrables plantes nuancées à l'infini; ainsi le glorieux avènement du Fils unique de Dieu répandant ses rayons vivifiants sur le monde nouveau, fera renaître à la lumière les semences ensevelies dans le monde entier, c'est-à-dire ceux qui dorment dans la poussière de la terre (cf. Da 12,2), leur rendra des corps bien préférables aux premiers, et fera succéder au règne de la mort vaincue à jamais, le règne d'une vie toute nouvelle.

S. Grég. (homél. 1 sur les Evang). Le Sauveur donne à toutes ces prédictions le sceau d'une certitude infaillible, en ajoutant: «Je vous le dis en vérité», etc. - Bède. Il donne ainsi la plus grande autorité à ses paroles, et s'il est permis de le dire, il fait une espèce de serment, car le mot amen, veut dire il est vrai. C'est donc la vérité elle-même qui nous dit: «Je vous dis la vérité», bien qu'elle ne puisse mentir en aucune manière, quand elle ne s'exprimerait pas de la sorte. Cette génération dont il parle est tout le genre humain en général, ou le peuple juif en particulier. Eusèbe. Ou bien, c'est la génération de sa sainte Église, et Jésus prédit au peuple fidèle, qu'il vivra jusqu'au temps où il sera témoin de tous ces événements, et contemplera de ses yeux l'accomplissement des promesses du Sauveur. - Théophyl. Comme il avait prédit, en effet, qu'il y aurait des troubles, des guerres et des bouleversements, tant parmi les éléments que parmi toutes les autres créatures, il ne veut point laisser croire que le peuple chrétien lui-même périrait, et il ajoute: «Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point»; comme s'il disait: Quand tout serait bouleversé, ma foi ne périra pas, preuve évidente qu'il met l'Église au-dessus de toutes les autres créatures, car toutes les autres créatures seront soumises au changement et à la destruction, tandis que l'Église des fidèles et les paroles de l'Évangile ne passeront pas. - S. Grég. (comme précéd). Ou encore: «Le ciel et la terre passeront», etc., c'est-à-dire, tout ce qui vous paraît durable sur la terre ne l'est point sans changement et ne peut durer toujours, tandis que ce qui semble passer en moi, demeure fixe et immuable, parce que mes paroles qui passent sont l'expression de vérités, permanentes et immuables. - Bède. Ce ciel qui doit passer, n'est ni le firmament, ni le ciel parsemé d'étoiles, mais l'atmosphère céleste, d'où les oiseaux prennent le nom d'oiseaux du ciel; mais si la terre doit aussi passer, pourquoi est-il dit dans l'Ecclésiaste: «La terre demeure éternellement» (Qo 1,4). C'est-à-dire, que le ciel et la terre passeront quant à leur forme présente et leurs propriétés actuelles, mais ils existeront toujours dans leur essence.


vv. 34-36

11134 Lc 21,34-36

Théophyl. Notre-Seigneur vient de prédire les signes terribles et manifestes des calamités qui doivent fondre sur les pécheurs, mais il donne comme préservatif contre ces maux la vigilance et la prière: «Prenez donc garde à vous», etc. - S. Bas. (hom. 1 sur ces par. du Dt 15,9: veillez sur vous). Tous les animaux ont reçu de Dieu un mystérieux instinct qui leur fait pourvoir à leur propre conservation. Or, le Sauveur nous donne cet avertissement pour que nous fassions ici par raison et par prudence ce qui est chez les animaux l'effet de l'instinct naturel. Nous devons donc fuir le péché, comme les animaux sans raison évitent les aliments qui leur seraient mortels, et rechercher la justice comme ils recherchent les plantes pleines pour eux d'un suc nutritif. C'est donc pour nous faire discerner ce qui est salutaire de ce qui est nuisible, que Notre-Seigneur nous dit: «Prenez garde à vous». Mais il y a deux manières de prendre garde ou de veiller, l'une extérieure par les yeux du corps, l'autre intérieure par l'attention de l'esprit; or, l'oeil du corps ne peut conduire à la vertu, c'est donc un acte de l'esprit que Notre-Seigneur nous conseille, lorsqu'il nous dit: «Prenez garde à vous», etc., c'est-à-dire, soyez pleins de circonspection, et que la lumière de votre âme veille sans cesse sur vous pour vous garder de tout danger. Il ne nous dit pas: Veillez sur ce qui est à vous ou sur les choses qui vous entourent, mais: «Veillez sur vous». Ce qui est vous, c'est votre intelligence et votre âme, ce qui est à vous, c'est votre corps et vos sens, ce qui est autour de vous, ce sont vos biens, votre industrie et tous les autres soutiens de votre vie. Or, ce n'est point à toutes ces choses que doit s'étendre votre vigilance, c'est votre âme qui doit être l'objet principal de vos soins. Ce même avertissement guérit à la fois les malades et donne une santé parfaite à ceux qui sont déjà guéris; il nous fait conserver le présent et pourvoir à l'avenir, il nous détourne de la censure du prochain pour reporter toute notre attention sur nos propres actions, il ne permet pas que notre esprit devienne l'esclave de ses passions, et soumet le corps et les sens dépourvus de raison à l'âme spirituelle et raisonnable. Mais pour quel motif devons nous veiller? Le voici: «De peur que vos coeurs ne s'appesantissent», etc. - Tite de Bostr. Comme s'il disait: Prenez garde que les yeux de votre âme ne s'appesantissent, car les préoccupations de la vie présente, la crapule et l'ivresse font perdre la prudence, ébranlent la foi, et sont cause de naufrages malheureusement certains.

Clém. d'Alexand. (Pédag., liv. 2, chap. 2). L'ivresse, c'est l'usage immodéré du vin, la crapule, c'est le malaise et les vomissements qui sont la suite de l'ivresse, elle est ainsi appelée d'un mot grec qui veut dire branlement de tête. Or, de même que nous ne devons faire usage des aliments que pour apaiser la faim, nous ne devons user de la boisson que pour éteindre la soif, et nous devons éviter avec soin tout excès, car le vin est un breuvage trompeur. L'âme qui sera libre des excès du vin aura la prudence et la sagesse en partage; mais celle qui se plonge dans les vapeurs de l'ivresse, sera comme couverte d'un nuage épais. - S. Bas. (Règl. abrég., quest. 88). Nous devons éviter la curiosité et les préoccupations de cette vie, alors même qu'elles semblent n'avoir rien de coupable si elles ne concourent point à nous faire honorer Dieu. Le Sauveur donne ensuite la raison de cet avertissement: «De peur que ce jour ne vienne tout d'un coup vous surprendre», etc. - Théophyl. Car ce jour viendra à l'improviste, sans qu'on en soit prévenu et il surprendra comme un filet ceux qui ne sont point sur leurs gardes: «Car il viendra, dit le Sauveur, comme un filet sur tous ceux qui habitent la face de la terre», etc. Approfondissons davantage ces paroles: Ce jour surprendra tous ceux qui sont assis (sedentes) sur la terre, c'est-à-dire, ceux qui vivent dans l'imprévoyance et l'inaction. Mais pour ceux qui sont pleins de vigilance et d'activité pour le bien, et qui, loin de croupir dans l'inaction et le désoeuvrement des plaisirs de la terre, s'arrachent à ces obstacles et se disent: «Lève-toi, marche, ce n'est pas ici le lieu du repos»; ce jour ne viendra ni comme un filet, ni comme un malheur, mais comme un jour de fête.

Eusèbe. Notre-Seigneur nous recommande donc la vigilance pour nous prémunir contre l'appesantissement que produisent les plaisirs et les sollicitudes de la terre: «Veillez donc et priez en tout temps, afin que vous soyez trouvés dignes d'échapper à tous ces maux qui arriveront». - Théophyl. C'est-à-dire, la faim, la peste et les autres fléaux de ce genre, qui menacent les élus aussi bien que les autres hommes, et les supplices éternels réservés aux coupables, car nous ne pouvons éviter ces malheurs que par la vigilance et la prière. - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 2, 77). C'est dans ce sens qu'il faut entendre cette fuite dont parle saint Matthieu, et qui ne doit avoir lieu ni dans l'hiver, ni le jour du sabbat. L'hiver est la figure des soucis de cette vie qui sont tristes comme la saison d'hiver; le sabbat figure les excès de l'intempérance et de l'ivresse, qui submergent et étouffent le coeur dans les jouissances et les voluptés de la chair. Ces excès sont figurés par le sabbat, parce que c'est le jour où les Juifs se livrent à toutes les jouissances de la terre, dans l'ignorance où ils sont du sabbat spirituel. - Théophyl. Et comme il est du devoir d'un chrétien, non seulement de fuir le mal, mais de s'efforcer de parvenir à la gloire que Dieu lui réserve, le Sauveur ajoute: «Et de paraître avec confiance devant le Fils de l'homme», car c'est la gloire des anges de se tenir devant le Fils de l'homme, qui est notre Dieu, et de contempler éternellement sa face. - Bède. Si un habile médecin nous recommandait de prendre bien garde au suc de quelque plante, de peur qu'elle ne nous donnât aussitôt la mort, avec quel soin nous observerions ses prescriptions. Cependant le Sauveur nous avertit de nous préserver de l'ivresse, de l'excès de la débauche et dés sollicitudes de cette vie, et nous ne craignons ni les blessures, ni la mort, dont toutes ces choses sont pour nous la cause, parce que nous refusons d'accorder aux paroles du Seigneur la même confiance que nous accordons aux paroles d'un médecin.


vv. 37-38

11137 Lc 21,37-38

Bède. Notre-Seigneur confirme ses enseignements par son exemple; il vient de nous recommander la vigilance et la prière pour attendre avec confiance l'arrivée du Fils de l'homme et le jour si incertain de notre mort, et lui-même, aux approches de sa passion, se donne tout entier à la prédication, aux veilles et à la prière: «Or, le jour il enseignait dans le temple». Il nous enseigne ainsi par son exemple, que la vigilance vraiment digne de Dieu est de faire connaître au prochain la voie de la vérité par ses paroles ou par ses actions. - S. Cyr. Quel était l'objet de son enseignement, si ce n'est cette religion sublime bien supérieure à celle de Moïse? Le temps approchait, en effet, où les ombres devaient faire place à la vérité.

Théophyl. Les Évangélistes ont passé sous silence la plus grande partie des enseignements de Jésus-Christ; il a prêché publiquement pendant près de trois années, et c'est à peine si ce qu'ils ont écrit suffirait à remplir une journée. Ils ne nous ont donc laissé qu'un abrégé de ses nombreux enseignements, pour nous donner le goût de la douceur et de la suavité de sa doctrine. Le Sauveur nous enseigne encore que nous devons converser avec Dieu dans le silence de la nuit et travailler pendant le jour à être utile au prochain, qu'il faut amasser des trésors pendant la nuit et les distribuer quand le jour est arrivé: «Et la nuit il sortait et se retirait sur la montagne appelée des Oliviers». Ce n'est point sans doute que la prière lui fût nécessaire, mais parce qu'il voulait nous donner l'exemple.

S. Cyr. Comme sa parole était puissante et qu'il substituait avec autorité le culte en esprit et en vérité aux traditions figuratives de Moïse et des prophètes, le peuple était avide de l'entendre: «Et tout le peuple accourait de grand matin dans le temple pour l'écouter». Ce peuple qui s'empressait ainsi autour de lui avant l'aurore, aurait pu dire: «Seigneur mon Dieu, je vous cherche dès l'aurore» (Ps 62).

Bède. Dans le sens figuré, lorsqu'au milieu de la prospérité nous vivons dans la tempérance, la piété, la justice, nous enseignons nous-mêmes dans le temple, en donnant aux fidèles l'exemple des bonnes oeuvres; nous passons les nuits sur la montagne des Oliviers, lorsqu'au milieu des ténèbres de l'adversité, nous aspirons après les consolations spirituelles; enfin le peuple vient à nous dès le matin, lorsqu'ayant dissipé les oeuvres de ténèbres, les nuages des tribulations, il s'empresse de nous imiter.



CHAPITRE XXII


vv. 1-2

11201 Lc 22,1-2

S. Chrys. Les solennités des Juifs étaient l'ombre et la figure des nôtres; si donc vous interrogez un juif sur la pâque et les azymes, il ne vous répondra rien de bien élevé, et se contentera de vous rappeler la délivrance de la captivité d'Égypte. Si, au contraire, vous me faites la même question, je ne vous parlerai ni de l'Égypte, ni de Pharaon, mais de la délivrance du péché et des ténèbres du démon, accomplie, non par Moïse, mais par le Fils de Dieu. - La Glose. En commençant le récit de la passion du Sauveur, l'Évangéliste parle d'abord de ce qui en était la figure: «La fête des pains sans levain, appelée la pâque, était proche». - Bède. Le mot pâque, en hébreu phase, ne tire pas son nom du mot souffrance, mais du mot passage, parce que l'ange exterminateur, voyant le sang de l'agneau sur les portes des Israélites, passa sans mettre à mort leurs premiers-nés; ou encore, parce que le Seigneur lui-même vint du ciel et passa au milieu d'eux pour secourir son peuple. Or, la pâque diffère des azymes, en ce que le nom de pâque est donné exclusivement au jour où l'on devait immoler l'agneau (c'est-à-dire le quatorzième de la lune du premier mois), tandis que le quinzième de la lune, jour de la sortie d'Égypte, commençait la fête des azymes qui durait sept jours, jusqu'au vingt et unième jour du même mois. C'est pourquoi les Évangélistes emploient indifféremment ces deux noms, comme dans cet endroit: «Le jour des azymes qui est appelé la pâque». Le sens mystique de cette interprétation est que Jésus-Christ, qui a souffert une fois pour nous, nous fait un devoir de vivre dans les azymes de la sincérité et de la vérité (1Co 5,7-8), pendant toute la durée de cette vie, qui se compose de révolutions successives de sept jours.

S. Chrys. (hom. 80 sur S. Matth). Les princes des prêtres concertent des projets criminels même pendant cette fête: «Et les princes des prêtres cherchaient un moyen pour faire mourir Jésus», etc. D'après les prescriptions de Moïse, il ne devait y avoir qu'un seul grand prêtre, et ce n'est qu'à sa mort qu'on pouvait en créer un autre. Mais comme les observances judaïques commençaient à se relâcher, on nommait chaque année plusieurs grands prêtres. Or, en voulant faire mourir Jésus, ils ne craignent point que la justice divine ne punisse un forfait d'autant plus énorme, qu'ils le commettaient dans ces jours sacrés, et ils redoutent beaucoup plus les hommes: «Mais ils craignaient le peuple». - Bède. Ce n'est pas qu'ils craignissent une sédition, mais ils avaient peur que le peuple ne vînt le délivrer de leurs mains. Ceci se passa, d'après saint Matthieu, deux jours avant la pâque, dans la maison de Caïphe, où ils étaient assemblés.


vv. 3-6

11203 Lc 22,3-6

Théophyl. Les princes des prêtres cherchaient donc le moyen de mettre Jésus à mort, sans courir de danger; l'Évangéliste raconte maintenant le moyen d'exécution qui vint s'offrir à eux: «Or, Satan entra dans Judas». Il entra dans Judas sans violence, et comme dans une place ouverte; car, absorbé tout entier par son avarice, il avait oublié tous les prodiges qu'il avait vus. - S. Chrys. (hom. 81 sur S. Matth). L'auteur sacré fait connaître son surnom, qui était Iscariote, parce qu'il y avait un autre Judas. Il ajoute: «L'un des douze apôtres», car Judas complétait le nombre, mais il était loin de remplir les devoirs d'un apôtre. - S. Chrys. Ou encore, l'Évangéliste fait mention de cette circonstance, pour établir un contraste, comme s'il disait: Il était de la première compagnie que Jésus avait choisie avec le plus de soin».

Bède. Il n'y a aucune contradiction entre le récit de saint Luc, et ce que dit saint Jean, que Satan entra dans Judas après le morceau de pain que Jésus lui avait présenté (Jn 13,27). Il entra la première fois comme sur un terrain qui n'était pas à lui, et pour tenter Judas, il entra la seconde fois comme dans un coeur qui lui appartenait, et pour le plier à toutes ses volontés. - S. Chrys. Considérez ici l'insigne méchanceté de Judas; c'est lui-même qui se charge de cet odieux forfait, et il met à prix sa trahison: «Et il s'en alla conférer avec les princes des prêtres et les officiers du temple, sur les moyens de le leur livrer, et ils en furent pleins de joie». - Théophyl. Ces officiers sont ceux qui étaient chargés de veiller à l'entretien et à la garde du temple, ou bien ceux que les Romains avaient établis pour prévenir les séditions auxquelles le peuple juif était porté.

S. Chrys. Or, ce fut l'avarice qui fut la cause de la perte de Judas: «Et ils convinrent de lui donner de l'argent». Telles sont les passions qu'engendre l'avarice, elle précipite les hommes dans l'impiété et dans l'ignorance de Dieu; et alors même qu'ils ont reçu des bienfaits sans nombre, elle les porte à se déclarer contre leurs bienfaiteurs: «Et il le leur promit». - Théophyl. C'est-à-dire qu'il s'engagea de son côté à livrer Jésus: «Et il cherchait une occasion favorable de le leur livrer, sans exciter de troubles», c'est-à-dire qu'il épiait le moment où il le verrait éloigné de la foule. - Bède. Combien en est-il qui ont en horreur le crime de Judas, et qui ne laissent pas de l'imiter. Car celui qui viole les droits de la charité et de la vérité, trahit Jésus-Christ (qui est la vérité et la charité), surtout lorsque sa trahison n'est l'effet ni de la faiblesse ni de l'ignorance, mais qu'à l'exemple de Judas, il cherche l'occasion de trahir sans témoin la vérité par le mensonge, et la vertu par le crime.



Catena Aurea 11125