Catena Aurea 13928

vv. 28-30

13928 Jn 19,28-30

S. Aug. (Traité 119 sur S. Jean). L'homme qui apparaissait aux regards endurait toutes les souffrances qui étaient réglées par le Dieu qui demeurait caché. «Après cela, Jésus sachant que toutes choses étaient accomplies, afin que l'Ecriture», c'est-à-dire cette prédiction de l'Ecriture: «Et dans ma soif, ils m'ont abreuvé de vinaigre» (Ps 69,22), reçût aussi son accomplissement, il dit: «J'ai soif». Il semble dire par là aux Juifs: Vous avez oublié ce dernier trait, donnez-moi ce que vous êtes. Les Juifs étaient en effet un vinaigre dégénéré du vin des patriarches et des prophètes. Or, il y avait là un vase plein de vinaigre, c'est-à-dire que les Juifs, dont le coeur, semblable à une éponge, renfermait mille cavités tortueuses comme autant de repaires de malice, puisèrent à plein vase et remplirent leur coeur de l'iniquité du monde: «Les soldats remplirent une éponge de vinaigre, et, l'environnant d'hysope, la lui présentèrent à la bouche». - S. Chrys. (Hom. 85 sur S. Jean). Le spectacle qu'ils avaient sous les yeux, loin de les adoucir, ne fit qu'augmenter leur cruauté, et pour étancher sa soif, ils lui donnent le breuvage des condamnés, c'est pour cela qu'ils font usage d'hysope.

S. Aug. L'hysope dont ils entourent l'éponge est une petite plante qui a une vertu purgative; elle représente justement l'humilité de Jésus-Christ qu'ils entourèrent de leurs criminelles intrigues et qu'ils crurent avoir circonvenue; car c'est l'humilité de Jésus-Christ qui nous purifie. Il ne faut pas s'étonner qu'ils aient pu approcher une éponge de la bouche de Jésus qui, sur la croix, était élevé bien au-dessus de la terre, car d'après les autres évangélistes qui nous rapportent cette circonstance, que celui-ci passe sous silence, ils le firent à l'aide d'un roseau, afin que le breuvage contenu dans l'éponge pût arriver à la hauteur de la croix. - Théophyl. Il en est qui pensent que ce roseau fut tout simplement l'hysope, parce que cette plante a des branches qui ressemblent au roseau.

«Jésus ayant donc pris le vinaigre dit: Tout est accompli». Qu'est-ce qui est accompli? Ce que les prophètes avaient prédit si longtemps auparavant. - Bède. Mais comment concilier ce que dit ici saint Jean: «Après qu'il eut pris ce vinaigre», avec ce que rapporte un autre Évangéliste: «Qu'il n'en voulut point boire ?» (Mt 27,34) Cette difficulté est facile à résoudre. Jésus prit le vinaigre non pour le boire, mais pour accomplir ce qui était écrit. - S. Aug. Et comme il ne restait plus rien de ce qui devait s'accomplir avant sa mort, l'Évangéliste ajoute: «Et baissant la tête, il rendit l'esprit», après avoir fait toutes les choses dont il attendait l'accomplissement pour mourir, agissant en tout comme celui qui avait le pouvoir de donner sa vie et le pouvoir de la reprendre. - S. Grég. (Moral., 11, 3). L'esprit est mis ici pour l'âme, car si par esprit l'Évangéliste entendait autre chose que l'âme, il s'en suivrait que l'âme serait restée après le départ de l'esprit. - S. Chrys. Ce n'est point parce qu'il expire qu'il baisse la tête, mais c'est après qu'il a baissé la tête qu'il expire, et l'Évangéliste veut nous montrer par toutes ces circonstances que Jésus est le maître de toutes choses. - S. Aug. Quel autre s'endort si précisément quand il veut comme Jésus est mort au moment qu'il a voulu? Quelle espérance, mais aussi quelle crainte doit inspirer la puissance qu'il fera éclater au jour du jugement, alors que celle qu'il manifeste en mourant est déjà si grande? - Théophyl. Le Sauveur remet son esprit à Dieu et à son Père, pour nous apprendre que les âmes des saints ne restent point dans les tombeaux, mais qu'elles reviennent dans les mains du Père de tous les hommes, tandis que les âmes des pécheurs sont envoyées dans un lieu de supplices, c'est-à-dire dans l'enfer.


vv. 31-37

13931 Jn 19,31-37

S. Chrys. (Hom. 85 sur S. Jean). Les Juifs, qui ne craignaient pas d'avaler le chameau et rejetaient le moucheron, après avoir audacieusement consommé un si grand attentat, manifestent des scrupules, des inquiétudes au sujet du jour du sabbat. «Les Juifs, de peur que les corps ne demeurassent sur la croix le jour du sabbat», etc. - Bède. Le mot parasceve, qui veut dire préparation, indique ici le sixième jour de la semaine, et on lui donnait ce nom parce qu'en ce jour, les Israélites devaient préparer une double provision d'aliments; parce que le lendemain était le grand jour du sabbat, à cause de la grande solennité de Pâque. - S. Aug. (Traité 120 sur S. Jean). Ce ne sont point les jambes des suppliciés qui devaient être enlevées, mais ceux à qui on les brisait pour les faire mourir devaient être détachées de la croix pour ne point profaner ce grand jour de fête par le spectacle de leur supplice prolongé sur la croix. - Théophyl. D'ailleurs la loi défendait que le supplice d'un homme condamné à mort se prolongent au-delà du coucher du soleil. Peut-être aussi ne voulurent-ils pas être regardés comme des bourreaux ou des homicides dans ce jour de fête.


S. Chrys. Voyez ici combien est grande la force de la vérité; les Juifs eux-mêmes, par leurs efforts, concourent à l'accomplissement des prophéties: «Il vint donc des soldats qui rompirent les jambes au premier, et de même à l'autre qu'on avait crucifié avec lui. Puis étant venu à Jésus, et voyant qu'il était déjà mort, ils ne lui rompirent point les jambes; mais un des soldats lui ouvrit le côté avec une lance». - Théophyl. Pour complaire aux Juifs, les soldats percent de leur lance le corps de Jésus-Christ et poursuivent de leurs outrages ce corps même inanimé; mais cet outrage donne lieu à un miracle éclatant, car n'est-ce pas un véritable miracle que le sang coule d'un corps privé de la vie? - S. Aug. L'Évangéliste se sert ici d'une expression choisie à dessein; il ne dit pas il frappa ou il blessa son côté, mais il ouvrit son côté avec une lance, pour nous apprendre qu'il ouvrait ainsi la porte de la vie d'où sont sortis les sacrements de l'Eglise, sans lesquels on ne peut avoir d'accès à la véritable vie. «Et il en sortit aussitôt du sang et de l'eau». Ce sang a été répandu pour la rémission des péchés, cette eau vient se mêler pour nous au breuvage du salut; elle est à la fois un bain qui purifie et une boisson rafraîchissante. Nous voyons une figure de ce mystère dans l'ordre donné à Noé d'ouvrir sur un des côtés de l'arche une porte par où pussent entrer les animaux qui devaient échapper au déluge, et qui représentaient l'Eglise (Gn 6,16). C'est en vue du même mystère que la première femme fut faite d'une des côtes d'Adam pendant son sommeil (Gn 2,22), et nous voyons ici le second Adam s'endormir sur la croix après avoir incliné la tête pour qu'une épouse aussi lui fût formée par ce sang et cette eau qui coulèrent de son côté après sa mort. O mort qui devient pour les morts un principe de résurrection et de vie ! Quoi de plus pur que ce sang? Quoi de plus salutaire que cette blessure? - S. Chrys. C'est donc de ce côté ouvert que nos saints mystères tirent leur origine; lors donc que vous approchez de l'autel pour boire ce calice redoutable, approchez dans les mêmes dispositions que si vous deviez appliquer vos lèvres sur le côté même de Jésus-Christ. - Théophyl. Ceux qui refusent de mêler l'eau avec le vin dans la célébration des saints mystères trouvent donc ici leur condamnation, car ils paraissent ne pas croire que l'eau ait coulé du côté du Sauveur. Essaiera-t-on de dire qu'il restait encore un léger principe de vie dans le corps de Jésus, ce qui explique le sang qui sortit de son côté; mais l'eau qui en sort maintenant est une preuve sans réplique qu'il était mort. Aussi l'Évangéliste prend-il soin d'ajouter: «Et celui qui l'a vu en rend témoignage». - S. Chrys. C'est-à-dire, il ne l'a point appris des autres, il était présent, il en a été le témoin oculaire; «et son témoignage est véritable». Il fait cette réflexion à l'occasion de ce nouvel outrage fait au corps du Sauveur, et non après le récit de quelque prodige extraordinaire pour fixer davantage l'attention. En s'exprimant de la sorte, il ferme aussi par avance la bouche des hérétiques, prédit les mystères que l'avenir devait dévoiler, et arrête ses regards sur le trésor inépuisable qu'ils renferment.

«Et il sait qu'il dit vrai, afin que vous croyiez aussi». - S. Aug. Celui qui a vu ce miracle le sait, et son témoignage doit servir d'appui à la foi de celui qui ne l'a pas vu. Saint Jean confirme par deux-témoignages de l'Ecriture les deux faits dont il atteste la vérité. Après avoir dit: «Ils ne brisèrent point les jambes à Jésus», il ajoute: «Ces choses se sont faites afin que cette parole de l'Ecriture fût accomplie: Vous ne briserez aucun de ses os», etc. (Ex 12,46). C'est ce qui était recommandé à ceux qui, dans l'ancienne loi, célébraient la pâque par l'immolation d'un agneau, qui était la figure de la passion du Sauveur. Saint Jean avait dit aussi: «Un des soldats ouvrit son côté avec une lance», et à l'appui il cite cet autre témoignage: «Il est dit encore dans un autre endroit de l'Ecriture: Ils jetèrent leurs regards sur celui qu'ils ont percé» (Za 12,10); prophétie qui annonçait que le Christ paraîtrait au monde avec cette chair dans laquelle il a été crucifié. - S. Jer. (Préface sur le Pentateuque). Ce second témoignage est emprunté au prophète Zacharie.


vv. 38-42

13938
Jn 19,38-42

S. Chrys. (hom. 85 sur S. Jean). Joseph pensant que la mort de Jésus avait suffi pour calmer la fureur des Juifs, se présente avec confiance pour rendre au Sauveur les honneurs de la sépulture: «Après cela Joseph d'Arimathie, qui était disciple de Jésus», etc. - Bède. Arimathie n'est autre que Ramatha, patrie d'Helcana et de Samuel. C'est par une providence toute particulière que Dieu avait veillé à ce que Joseph fut juste pour être digne de recevoir le corps du Seigneur. C'est ce que nous indique l'Évangéliste par ces paroles: «Qui était disciple de Jésus», etc. - S. Chrys. Il ne faisait point partie des douze Apôtres, mais des soixante-douze disciples. Et comment se fait-il que nous ne voyions ici aucun des douze? Dira-t-on que la crainte des Juifs les retenait, mais Joseph avait les mêmes raisons de craindre, c'est pour cela que l'Évangéliste ajoute: «Mais en secret, parce qu'il craignait les Juifs». Toutefois comme il jouissait d'une grande réputation et qu'il était connu de Pilate, il obtint de lui ce qu'il demandait: «Et Pilate lui permit d'enlever le corps de Jésus», qu'il ensevelit non pas comme le corps d'un condamné, mais comme celui d'un personnage des plus célèbres et des plus éminents: «Il vint donc et prit le corps de Jésus». - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 22). En rendant à Jésus les derniers devoirs, il n'est point arrêté par la pensée des Juifs, bien qu'il prit soin de se mettre à l'abri de leur jalousie haineuse lorsqu'il écoutait les enseignements du Sauveur. - Bède. Leur fureur était apaisée en partie par la joie qu'ils éprouvaient de l'avoir emporté contre Jésus-Christ; Joseph ne craint donc plus de venir demander le corps de Jésus-Christ, démarche qu'il paraissait faire non comme disciple, mais pour remplir à son égard un acte de religion en lui rendant ces derniers devoirs qu'on n'accorde pas seulement aux bons, mais qu'on ne refuse même pas aux méchants. Nicodème vient se joindre à lui: «Nicodème qui était venu trouver Jésus la première fois», etc. - S. Aug. L'expression primum, la première fois, ne doit pas se joindre à ces paroles: «Portant cent livres d'une composition de myrrhe», mais au membre de phrase qui précède, car Nicodème était venu trouver Jésus pour la première fois la nuit, comme saint Jean le raconte dans les premiers chapitres de son Évangile. Ce ne fut donc pas la seule fois mais la première fois que Nicodème vint alors trouver Jésus, car il vint plusieurs fois dans la suite pour écouter ses divins enseignements et devenir son disciple.

S. Chrys. Ils apportent avec eux des aromates qui ont la vertu de conserver très longtemps les corps et de les préserver de la corruption, car ils ne considéraient encore le Sauveur que comme un homme, mais ils faisaient preuve d'un amour extraordinaire pour lui. - Bède. Il faut remarquer que c'était un parfum simple, parce qu'il ne leur était point permis d'en faire un qui fût composé de divers aromates.

«Ils prirent donc le corps de Jésus, et ils l'ensevelirent», etc. - S. Aug. L'Évangéliste nous apprend ici que dans les derniers devoirs que l'on rend aux morts, il faut se conformer aux usages particuliers à chaque nation. Or, les Juifs avaient coutume d'embaumer les corps avec divers parfums, afin de les préserver plus longtemps de la corruption. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 23). Saint Jean n'est point ici en contradiction avec les autres évangélistes, ils ne parlent point il est vrai de Nicodème, mais ils n'affirment pas pour cela que Joseph seul ait enseveli le corps du Sauveur, bien qu'ils ne fassent mention que de lui seul. Ils disent encore, que Joseph l'ensevelit dans un linceul, nous défendent-ils pour cela d'admettre que Nicodème ait pu apporter d'autres linges et de justifier ainsi la vérité du récit de saint Jean d'après lequel le corps de Jésus fut enseveli non dans un seul mais dans plusieurs linceuls. D'ailleurs le suaire dont sa tête fut enveloppée et les bandelettes dont son corps fut entouré, et qui étaient de lin aussi bien que le suaire, permettent de dire en toute vérité: Ils l'enveloppèrent dans des linges, quand même il n'y aurait eu qu'un linceul, car on appelle linges généralement tout ce qui est fait de lin. - Bède. C'est de là qu'est venue la coutume de l'Eglise de consacrer le corps de Jésus-Christ non sur des étoffes de soie ou d'or, mais sur une toile de lin d'une éclatante blancheur.

S. Chrys. Comme le temps pressait, (car Jésus était mort à la neuvième heure), et le soir devait bientôt arriver, pendant qu'ils iraient chez Pilate, et qu'ils descendraient de la croix le corps du Sauveur ils le déposent donc dans un tombeau qui était proche: «Or il y avait dans le lieu où il avait été crucifié, un jardin, et dans ce jardin un sépulcre tout neuf, où personne n'avait été encore mis»; ce qui se fit par une providence toute spéciale, afin qu'on ne pût supposer que c'était un autre que Jésus qui était ressuscité. - S. Aug. De même que ni avant ni après lui, nul autre ne fut conçu dans le sein de la Vierge, ainsi, aucun autre corps ni avant ni après le sien, ne fut déposé dans ce tombeau. - Théophyl. C'était un sépulcre nouveau, et cette circonstance nous apprend que nous sommes renouvelés par la sépulture de Jésus-Christ qui détruit le règne de la mort et de la corruption. Voyez encore à quel excès de pauvreté Jésus s'est réduit pour notre amour, il n'avait point de demeure pendant sa vie; après sa mort, il est enseveli dans un tombeau d'emprunt, et il faut que Joseph vienne couvrir la nudité de son corps dépouillé de tous ses vêtements.

«Et comme c'était le jour de la préparation du sabbat des Juifs, et que ce sépulcre était proche, ils y mirent Jésus». - S. Aug. L'Évangéliste veut nous faire entendre qu'ils se hâtèrent de l'ensevelir, pour ne pas être surpris par la nuit, car alors, le temps de la préparation parasceve, que les Juifs appellent en latin le temps des pains sans levain ne leur eût pas permis de remplir cet office. - S. Chrys. Ils choisirent ce tombeau qui était proche, afin que les disciples pussent y venir plus facilement et observer attentivement ce qui s'y passerait. Ce sépulcre fut encore choisi afin que les ennemis du Sauveur qui en étaient gardiens fussent eux-mêmes témoins qu'il avait été enseveli, et pour convaincre de mensonge le bruit qu'ils devaient faire courir que son corps avait été enlevé.

Bède. Dans le sens mystique le nom de Joseph veut dire qui est augmenté par l'accroissement des bonnes oeuvres, et c'est pour nous un avertissement de nous rendre dignes de recevoir le corps du Seigneur. - Théophyl. Maintenant encore Jésus-Christ est mis à mort par les avares dans la personne des pauvres qui souffrent la faim. Soyez donc un nouveau Joseph, et couvrez la nudité de Jésus-Christ, ensevelissez-le par la méditation dans le tombeau spirituel de votre âme. Couvrez-le d'un mélange de myrrhe et d'aloès, deux substances amères, en méditant sérieusement ces paroles: «Allez maudits au feu éternel» (Mt 25,41), qui est ce qu'il y a de plus amer.


CHAPITRE XX


vv. 1-10

14001 Jn 20,1-10

S. Chrys. (hom. 85 sur S. Jean). Le sabbat où la loi commandait à chacun de rester en repos, étant passé, Madeleine ne put résister plus longtemps au désir qui la pressait; elle vint donc à la première aurore pour trouver quelque consolation en voyant le lieu où Jésus avait été enseveli: «Le jour d'après le sabbat», etc. - S. Aug. (de l'acc. des Evang., 3, 12). Marie-Madeleine vint au sépulcre sous l'impulsion d'un amour plus ardent que celui des autres femmes qui avaient servi le Sauveur, et c'est la raison pour laquelle saint Jean ne parle ici que d'elle, à l'exception des autres femmes qui étaient venues avec elle d'après le récit des autres évangélistes.

S. Aug. Ce premier jour de la semaine est celui que les chrétiens appellent maintenant le jour du Seigneur, à cause de la résurrection du Sauveur, et que saint Matthieu désigne sous le nom de premier jour du sabbat. - Bède. Le premier jour du sabbat, c'est-à-dire, le lendemain du sabbat, ou le premier jour qui suit le sabbat. - Théophyl. Ou bien encore, comme les Juifs donnaient le nom de sabbat à tous les jours de la semaine, ils appelaient le premier du sabbat, le premier des jours du sabbat ou de la semaine. Ce jour est le symbole de la vie future, qui ne sera composée que d'un seul jour que la nuit n'interrompra jamais, car Dieu en est le soleil, et ce soleil ne se couche jamais. C'est donc dans ce jour que le Seigneur a voulu ressusciter et revêtir son corps de l'incorruptibilité dont nous nous revêtirons nous-mêmes dans la vie future.

S. Aug. (de l'accord des Evang). Ce que rapporte saint Marc: «Qu'elles vinrent de grand matin le soleil étant déjà levé» (Mc 16,12), n'est point en contradiction avec ce que dit ici saint Jean: «Alors que les ténèbres n'étaient pas encore dissipées», car à la naissance du jour il reste encore quelque obscurité qui se dissipe d'autant plus que la lumière du jour s'avance davantage. Il ne faut pas du reste entendre ces paroles de saint Marc, dans ce sens que le soleil paraissait déjà sur l'horizon, mais dans le sens où nous disons, lorsque nous voulons qu'une chose soit faite le plus tôt possible: «Vous la ferez au soleil levé», c'est-à-dire à l'heure où il est près de se lever. - S. Grég. (hom. 22 sur S. Jean. ) L'expression: «Lorsque les ténèbres n'étaient pas encore dissipées», est pleine de justesse; Marie, en effet, cherchait dans le sépulcre le Créateur de toutes choses qu'elle avait vu mourir dans son corps sur la croix, et comme elle ne le trouve point, elle croit qu'on l'a dérobé ou enlevé. Il est donc vrai de dire que les ténèbres duraient encore lorsqu'elle se rendit au sépulcre.

«Et elle vit la pierre ôtée du tombeau». - S. Aug. (de l'acc. des Evang). Ce que saint Matthieu seul rapporte du tremblement de terre, du renversement de la pierre et de l'effroi des gardes avait donc eu déjà lieu.

S. Chrys. Le Seigneur était ressuscité sans renverser la pierre du sépulcre, sans rompre les sceaux qu'on y avait apposés, mais comme le fait de la résurrection devait être connu avec certitude d'un grand nombre d'autres, le tombeau est ouvert après que Jésus est ressuscité, afin que chacun puisse croire à la vérité de ce qui est arrivé. Cette circonstance frappe vivement Madeleine; aussi à la vue de la pierre ôtée du tombeau, elle n'entra pas dedans, elle ne prit pas le temps de regarder, mais courut avec un empressement mêlé d'amour, apprendre cet événement aux disciples. Elle n'avait encore aucune idée claire de la résurrection, et croyait seulement qu'on avait changé le corps de place. - La Glose. Elle court donc apprendre cette nouvelle aux disciples, pour les engager, ou à chercher avec elles, ou du moins à partager sa douleur: «Elle courut donc, et vint trouver Simon-Pierre et cet autre disciple que Jésus aimait», etc. - S. Aug. (Traité 119 sur S. Jean). Saint Jean se désigne ordinairement par l'affection que Jésus avait pour lui, non pas que Jésus n'aimât les autres disciples, mais parce que le Sauveur avait pour lui un amour plus particulier et plus intime.

«Et elle leur dit: Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre, et nous ne savons où ils l'ont mis». - S. Grég. (Moral., 3, 10 ou 9 dans les anc. édit). En parlant de la sorte, Madeleine prend la partie pour le tout; c'était le corps seul du Sauveur qu'elle était venu chercher, et elle s'afflige comme si on eût enlevé le Seigneur tout entier.

S. Aug. (Traité 120 sur S. Jean). Quelques exemplaires grecs portent: «Ils ont enlevé mon Seigneur», ce qui parait être l'expression d'un amour plus ardent ou d'un plus grand attachement. Mais nous n'avons pas trouvé cette addition dans un grand nombre de manuscrits que nous avons sous la main. - S. Chrys. L'Évangéliste ne veut point ravir à cette femme la gloire qui lui est due, et ne croit pas qu'il y ait de la honte pour eux que Madeleine leur ait appris la première cette nouvelle. Aussitôt donc qu'elle leur eût parlé, ils se rendent en toute hâte au tombeau.

S. Grég. (hom. 22 sur les Evang). Ce sont ceux dont l'amour est plus grand qui courent aussi plus vite que les autres, c'est-à-dire, Pierre et Jean: Pierre sortit avec l'autre disciple, et il vint au sépulcre. - Théophyl. Demanderez-vous comment ils osèrent venir au tombeau en présence de ceux qui le gardaient? C'est une question qui suppose bien de l'ignorance, car après que le Seigneur fut ressuscité, et qu'en même temps que la terre tremblait, un ange apparut sur la pierre du sépulcre, les gardes s'enfuirent pour annoncer aux pharisiens ce qui venait d'avoir lieu. - S. Aug. Après avoir dit: «Ils vinrent au tombeau», saint Jean revient sur ses pas pour raconter comment ils y arrivèrent: «Ils couraient tous deux ensemble, et l'autre courut plus vite que Pierre, et arriva le premier au sépulcre». Il nous apprend ainsi qu'il arriva le premier, mais il raconte tout ce qui le concerne, comme s'il s'agissait d'un autre.

S. Chrys. Aussitôt qu'il fut arrivé, il considère les linges qui avaient été laissés dans le tombeau: «Et s'étant penché, il vit les linceuls posés à terre». Toutefois il ne pousse pas plus loin ses recherches, et s'en tient là. Pierre, au contraire, beaucoup plus ardent, entre dans le tombeau, examine tout avec soin, et voit quelque chose de plus: «Simon-Pierre qui le suivait, arriva ensuite et entra dans le sépulcre, et vit les linges posés à terre, et le suaire qui couvrait sa tête, non point avec les linges, mais plié en un lieu à part». Il y avait dans toutes ces circonstances une preuve évidente de la résurrection. Car en supposant qu'on eût enlevé son corps, on ne l'eût pas dépouillé de ses linceuls, et ceux qui seraient venus le dérober, n'auraient pas pris tant de soin d'ôter le suaire, de le rouler et de le placer dans un endroit à part, séparé des linceuls; mais ils auraient tout simplement enlevé le corps tel qu'il se trouvait. Pourquoi saint Jean nous a-t-il fait remarquer précédemment que Jésus avait été enseveli avec une grande quantité de myrrhe, qui fait adhérer fortement les linges au corps, c'est pour que vous ne soyez pas dupe de ceux qui vous affirment que le corps du Sauveur a été enlevé, car celui qui serait venu pour le dérober, n'aurait point perdu le sens à ce point que de dépenser tant de soins et de temps pour une chose parfaitement inutile.

Jean entre dans le tombeau après Pierre: «Alors l'autre disciple qui était arrivé le premier au sépulcre, entra aussi, et il vit, et il crut», etc. - S. Aug. Il en est qui pensent que Jean croyait déjà que Jésus était ressuscité, mais ce qui suit indique le contraire. Il vit que le tombeau était vide, et il crut à ce que Madeleine leur avait rapporté: «Car, ajoute le récit évangélique, ils n'avaient pas encore compris ce que dit l'Ecriture, qu'il fallait qu'il ressuscitât d'entre les morts». Jean ne croyait donc pas encore à la résurrection du Sauveur, puisqu'il ne savait pas encore qu'il dût ressusciter. Le Seigneur leur en avait parlé souvent, mais bien qu'il s'exprimât dans les termes les plus clairs, l'habitude qu'ils avaient d'entendre des paraboles, les empêchait de comprendre ce qu'il leur disait et leur faisait donner un autre sens à ses paroles.

S. Grég. (hom. 22 sur les Ev). Gardons-nous de croire que ce récit aussi détaillé ne renferme quelques mystères; en effet, Jean, le plus jeune des deux disciples, représente la synagogue juive; Pierre, le plus âgé, est la figure de l'Eglise des nations, car bien que la synagogue ait précédé l'Eglise des nations, pour ce qui concerne le culte de Dieu, toutefois, dans l'ordre naturel, le peuple des Gentils précède la synagogue des Juifs. Ils coururent tous deux ensemble, parce que depuis le temps de leur naissance jusqu'à celui de leur déclin, le peuple des Gentils et la synagogue ont suivi une voie commune, quoiqu'avec des sentiments bien différents. La synagogue arrive la première au sépulcre, mais elle n'y entre pas, c'est qu'en effet, elle a bien reçu de Dieu les commandements de la loi, elle a entendu les prophéties qui avaient pour objet l'incarnation et la passion du Seigneur, mais elle a refusé de croire en lui lorsqu'il fut mort. Simon-Pierre, au contraire, vient et entre dans le sépulcre, parce que l'Eglise des Gentils est venue la dernière, à la suite de Jésus-Christ, et a connu et cru qu'il était mort dans sa nature humaine, mais qu'il était vivant dans sa nature divine. Le suaire qui enveloppait la tête du Seigneur ne se trouve point avec les linceuls, parce que Dieu est la tête du Christ, et que les mystères incompréhensibles de la divinité sont en dehors de l'intelligence de notre faible humanité, et que sa puissance est au-dessus de toute nature créée. Le suaire n'est pas seulement séparé, mais roulé; en effet, un linge qui est roulé ne laisse voir aucune de ses deux extrémités, et il est ainsi la figure de la divinité sublime qui n'a point eu de commencement et ne doit point avoir de fin. L'Évangéliste ajoute avec raison, qu'il était placé dans un endroit seul, parce que Dieu ne se trouve pas dans les âmes divisées, et que ceux-là seuls méritent de recevoir sa grâce qui ne se séparent pas les uns des autres par les scandales que produisent les sectes. Le linge qui couvre la tête sert à essuyer la sueur de ceux qui travaillent, et ce suaire peut être considéré comme la figure du travail de Dieu, qui demeure toujours dans son repos et dans son immutabilité, et qui nous déclare cependant qu'il ne cesse de travailler, parce qu'il supporte le lourd fardeau des iniquités des hommes. Le suaire qui enveloppait la tête est trouvé plié en un lieu à part, parce que la passion de notre divin Rédempteur est bien éloignée de nos propres souffrances, car Jésus a souffert sans être coupable, ce que nous souffrons en expiation de nos crimes. Il s'est soumis volontairement à la mort dont nous sommes les victimes involontaires. Après que Pierre est entré, Jean entre à son tour, parce qu'à la fin du monde, les Juifs se réuniront au peuple fidèle pour embrasser la foi du Rédempteur.

Théophyl. Ou bien encore, Pierre est la figure de l'esprit actif et prompt, Jean, le symbole de l'esprit contemplatif et instruit dans la connaissance des choses de Dieu. Or, souvent l'esprit contemplatif est le premier par sa facilité à comprendre les charités divines, mais l'esprit actif l'emporte sur cette pénétration d'intelligence par sa ferveur persévérante et sa constante application, et son regard pénètre le premier la profondeur des divins mystères.


vv. 10-18

14010 Jn 20,10-18

S. Grég. (hom. 25 sur les Evang). Marie-Madeleine, qui avait été connue pour une femme pécheresse dans la ville, dans son amour pour la vérité, lava de ses larmes les taches de sa vie criminelle, et vit s'accomplir en elle ces paroles de la vérité: «Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu'elle a beaucoup aimé» (Lc 7). Elle était restée précédemment dans le froid mortel du péché, elle brûle maintenant des flammes de l'amour le plus ardent. Considérez, en effet, combien grande était la force de son amour qui la retient près du tombeau du Sauveur, alors que tous ses disciples l'ont abandonné, comme le rapporte l'Évangéliste: «Les disciples s'en revinrent de nouveau chez eux». - S. Aug. C'est-à-dire, dans le lieu qu'ils habitaient et d'où ils étaient accourus au tombeau. Les hommes s'en sont retourné, mais un amour beaucoup plus fort enchaîne près du tombeau le sexe qui est le plus faible: «Mais Marie se tenait dehors, près du sépulcre, versant des larmes». - S. Aug. (de l'acc. des Ev., 3, 24). Elle se tenait près du sépulcre de pierre, mais dans le lieu fermé dans lequel elles étaient déjà entrées, et qui formait comme un jardin autour du tombeau.

S. Chrys. (hom. 86 sur S. Jean). Ne soyez point surpris que Marie pleure amèrement auprès du tombeau, tandis que nous ne voyons pas que Pierre ait versé des larmes, car les femmes sont naturellement portées à la compassion et aux pleurs. - S. Aug. Les yeux qui avaient cherché le Seigneur sans le trouver étaient donc baignés de larmes et ils s'affligeaient beaucoup plus de ce que le corps du Sauveur avait été enlevé du tombeau, que de ce qu'il avait été mis à mort sur la croix, car on ne possédait même plus alors le tombeau de ce divin Maître dont la vie avait été si cruellement tranchée.

S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 24). Marie avait vu avec les autres femmes l'ange assis à droite sur la pierre renversée du tombeau, et à sa voix elle regarde en pleurant dans le tombeau. - S. Chrys. La vue du tombeau d'une personne chère est un adoucissement à la douleur de l'avoir perdue, aussi voyez comment Marie cherche à se consoler en se penchant et en regardant de plus près le lieu où a reposé le corps du Sauveur. - S. Grég. (hom. 25) Ce n'est pas assez pour son amour de l'avoir vu une fois, et sa vive affection redouble ses désirs et lui fait multiplier ses recherches. - S. Aug. (Traité 121 sur S. Jean). Sa douleur n'avait point de bornes, elle n'en croyait ni à ses yeux ni à ceux des disciples, ou plutôt une inspiration divine la portait à regarder dans l'intérieur du tombeau. - S. Grég. Elle a cherché le corps du Sauveur sans le trouver, elle a persévéré dans ses recherches et elle a fini par le trouver. Ses désirs retardés dans la jouissance de leur objet n'en devinrent que plus ardents, et dans leur ardeur ils se saisirent de ce qu'ils cherchaient. En effet, le retard ne fait qu'accroître les saints désirs, et ceux qu'il rend moins ardents n'étaient pas de vrais désirs. Or voyons dans cette femme dont l'affection est si forte et qui se penche de nouveau vers le tombeau qu'elle avait déjà considéré, quelle est la récompense de cet amour ardent qui la porte à multiplier ses recherches: «Et elle vit deux anges vêtus de blanc», etc. - S. Chrys. Comme l'esprit de cette femme n'était pas encore assez élevé pour que la vue des linceuls lui fît conclure que Jésus était ressuscité, elle voit des anges revêtus d'habits de joie et qui devaient porter la consolation dans son âme.

S. Aug. Mais pourquoi l'un de ces anges est-il assis à la tête et l'autre aux pieds? Ceux qui sont appelés anges en grec portent en latin le nom de messagers; cette manière d'apparaître ne signifierait-elle donc pas que l'Évangile de Jésus-Christ devait être annoncé des pieds jusqu'à la tête, c'est-à-dire, du commencement jusqu'à la fin? - S. Grég. Ou bien encore l'ange qui est assis à la tête représente les apôtres annonçant au monde ces sublimes paroles: «Au commencement était le Verbe» (Jn 1,1), et celui qui est assis aux pieds figure les mêmes apôtres prêchant cette autre vérité: «Et le Verbe s'est fait chair» (Jn 1,14). Nous pouvons encore voir dans ces deux anges les deux Testaments qui annoncent d'un commun accord l'incarnation, la mort et la résurrection du Sauveur, le premier des deux Testaments est comme assis à la tête, et le second aux pieds.

S. Chrys. Les anges qui apparaissent ne disent rien de la résurrection, mais amènent indirectement le discours sur cette vérité. La vue de ces vêtements éclatants et extraordinaires pouvait inspirer à Marie un sentiment d'effroi, ils lui disent donc: «Femme, pourquoi pleurez-vous? » - S. Aug. Les anges lui défendent les larmes, et lui annoncent la joie qui devait bientôt inonder son âme, car lui demander: «Pourquoi pleurez-vous ?» c'est lui dire: «Ne pleurez pas». - S. Grég. C'est qu'en effet les saintes Écritures qui excitent en nous les larmes de l'amour, sèchent ces mêmes larmes, en nous donnant l'espérance du Rédempteur. - S. Aug. Marie, persuadée qu'ils ignorent ce qu'ils lui demandent, leur fait connaître la cause de ses larmes: «Elle leur répondit: Parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur». Elle appelle son Seigneur, le corps inanimé du Sauveur, en prenant la partie pour le tout, dans le sens ou nous confessons tous que Jésus-Christ, Fils de Dieu a été enseveli, bien que son corps seul ait été mis dans le tombeau. «Et je ne sais où ils l'ont mis». Ce qui augmentait sa douleur, c'est qu'elle ne savait où aller pour la consoler. - S. Chrys. Elle ne savait encore rien de la résurrection, et s'imaginait que le corps avait été enlevé. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 24). Il faut admettre ici que les anges se levèrent, et apparurent debout, comme saint Luc le dit en termes exprès.

S. Aug. (Traité 121 sur S. Jean). Mais le moment était venu où selon la prédiction des anges qui lui avaient dit: «Ne pleurez pas», la joie devait succéder aux larmes: «Ayant dit cela, elle se retourna», etc. - S. Chrys. Pourquoi Marie qui vient de parler aux anges, se retourne-t-elle en arrière sans attendre leur réponse? C'est à mon avis qu'au moment où elle parlait aux anges, Jésus-Christ apparut derrière elle, et que les anges à la vue de leur souverain Maître, manifestèrent par leur attitude, leur regard et leurs mouvements qu'ils avaient vu le Seigneur, et c'est ce qui porta Marie à se retourner. - S. Grég. Remarquez que Marie qui doutait encore de la résurrection du Seigneur, se retourne en arrière pour voir Jésus, parce qu'en doutant ainsi, elle tournait pour ainsi dire le dos au Seigneur, à la résurrection duquel elle ne croyait pas. Mais comme malgré le doute de son esprit, elle aimait le Sauveur, elle le voyait sans le connaître: «Elle vit Jésus debout et elle ne savait pas que ce fut Jésus». - S. Aug. Jésus apparut aux anges comme leur souverain maître, mais à Marie sous un autre aspect pour ne point jeter l'effroi dans son âme, car ce n'est pas tout d'un coup, mais insensiblement qu'il fallait la ramener à des idées plus élevées.

«Jésus lui dit: Femme, pourquoi pleurez-vous ?» - S. Grég. Il lui demande la cause de sa douleur pour accroître ses désirs et embraser son âme d'un amour plus ardent en lui faisant prononcer le nom de celui qu'elle cherchait. - S. Chrys. Comme Jésus lui était apparu sous une forme ordinaire, elle crut que c'était le jardinier: «Elle, pensant que c'était le jardinier, lui dit: Seigneur, si vous l'avez enlevé, dites-moi où vous l'avez mis et je l'emporterai», c'est-à-dire: si c'est par crainte des Juifs que vous l'avez enlevé, dites-le moi, et je le prendrai pour le mettre en sûreté. - Théophyl. Elle craignait que les Juifs ne se portassent à de nouveaux excès sur son corps même inanimé, et elle voulait le transporter dans un autre endroit qui leur fût inconnu.

S. Grég. Mais ne peut-on pas dire que cette femme tout en se trompant ne fut pas dans l'erreur en croyant que Jésus était le jardinier? N'était-il pas pour elle un jardinier spirituel, lui qui par la force de son amour avait semé dans son coeur les germes féconds de toutes les vertus? Mais comment se fait-il, qu'en voyant celui qu'elle prenait pour le jardinier, et sans lui avoir dit qui elle cherchait, elle lui fait cette question: Seigneur, si c'est vous qui l'avez enlevé? etc. Tel est le caractère d'un amour ardent, il ne suppose point que personne puisse ignorer celui qui est l'objet constant de ses pensées. Après l'avoir d'abord appelé de son nom de femme sans en avoir été reconnu, le Sauveur l'appelle par son nom propre: «Jésus lui dit Marie», comme s'il lui disait: Reconnaissez celui qui vous reconnaît. Marie, en s'entendant appeler par son nom, reconnaît son divin Maître, car celui qu'elle cherchait extérieurement, était le même qui lui inspirait intérieurement le désir de le chercher: «Elle, se retournant, lui dit: Rabboni, c'est-à-dire Maître». - S. Chrys. De même qu'il était quelquefois présent au milieu des Juifs, sans qu'il en fût reconnu, ainsi même en parlant, il ne se faisait connaître que lorsqu'il le voulait. Mais comment expliquer ce que dit l'Évangéliste, que Marie se retourna, lorsque Jésus lui adressa la parole? Je pense que lorsqu'elle fit cette question: «Dites-moi où vous l'avez mis ?» elle se tourna vers les anges pour leur demander la cause de leur étonnement, et lorsqu'ensuite Jésus-Christ l'appelle par son nom, elle se retourne vers lui, et se découvre à elle par sa parole. - S. Aug. On peut dire encore qu'en se retournant d'abord extérieurement elle prit Jésus pour un autre, mais lorsqu'elle se tourne vers lui par le mouvement de son coeur, elle le reconnaît pour ce qu'il est. Que personne du reste n'accuse cette femme de donner au jardinier le nom de Seigneur, et à Jésus celui de Maître. Ici, elle adressait une prière, là elle reconnaît, d'un côté elle témoigna des égards à un homme de qui elle attendait un service; de l'autre, elle reconnaît le docteur qui lui avait appris à faire le discernement des choses humaines et des vérités divines. C'est donc dans un tout autre sens qu'elle prend le nom de Seigneur dans cette phrase: «Ils ont enlevé mon Seigneur», et dans cette autre: «Seigneur, si vous l'avez enlevé».

S. Grég. L'Évangéliste ne nous dit pas ce que fit ensuite Marie-Madeleine, mais nous pouvons facilement le supposer par les paroles que le Sauveur lui adresse: «Jésus lui dit: Ne me touchez point», et qui prouvent qu'elle voulait embrasser les pieds de celui qu'elle venait de reconnaître. Mais pourquoi ne veut-il point qu'elle le touche? Il en donne la raison: «Car je ne suis pas encore remonté vers mon Père». - S. Aug. Mais si on ne peut le toucher alors qu'il est sur la terre, comment les hommes pourront-ils le toucher lorsqu'il sera remonté dans le ciel? D'ailleurs, avant de remonter dans le ciel, n'a-t-il pas engagé lui-même ses disciples à le toucher, en leur disant: «Touchez et voyez qu'un esprit n'a ni chair ni os», ainsi que le rapporte saint Luc (Lc 24,39). Or, qui donc oserait pousser l'absurdité jusqu'à dire qu'à la vérité il a consenti à être touché par ses disciples avant de remonter vers son Père, mais qu'il n'a voulu être touché par des femmes que lorsqu'il serait remonté dans le ciel? Mais ne voyons-nous pas que les femmes elles-mêmes, parmi lesquelles était Marie-Madeleine, ont touché le corps du Sauveur après sa résurrection, avant qu'il fut remonté vers son Père, comme le raconte saint Matthieu: «Et voilà que Jésus se présenta devant elles et leur dit: Je vous salue. Elles s'approchèrent, et, embrassant ses pieds, elles l'adorèrent» (Mt 28,9). Il faut donc entendre cette défense dans ce sens que Marie-Madeleine était la figure de l'Eglise des Gentils, qui n'a cru en Jésus-Christ que lorsqu'il fut remonté vers son Père. On peut dire encore que Jésus a voulu que la foi qu'on avait en lui, foi par laquelle on le touche spirituellement, allait jusqu'à croire que son Père et lui ne faisaient qu'un. Car celui qui a fait en lui d'assez grands progrès pour reconnaître qu'il est égal à son Père, monte en quelque manière jusqu'au Père par les sentiments intérieurs de son âme. Comment, en effet, la foi de Madeleine en Jésus-Christ n'aurait-elle pas été charnelle, puisqu'elle ne le pleurait encore que comme un homme? - S. Aug. (de la Trin., 1, 9). Le toucher est comme le dernier degré de la connaissance; aussi Jésus ne voulait pas qu'il fût comme le dernier terme de l'affection si vive de Marie-Madeleine pour lui, et que sa pensée s'arrêtât à ce qui frappait ses regards.

S. Chrys. Ou bien encore, cette femme voulait dans ses rapports avec le Sauveur, se conduire comme avant sa passion, et la joie qu'elle éprouvait, fermait son esprit à toute pensée élevée, bien que le corps de Jésus-Christ fût revêtu de propriétés bien supérieures depuis sa résurrection. C'est donc pour la détourner de ces pensées trop naturelles, qu'il lui dit: «Ne me touchez point»; il veut ainsi qu'elle apprenne à lui parler avec une moins grande familiarité; c'est pour la même raison que ses rapports avec ses disciples ne sont plus les mêmes qu'avant sa passion, afin qu'ils aient pour lui une plus grande vénération. Ces paroles: «Je ne suis pas encore monté vers mon Père», indiquent qu'il se hâte de se rendre au plus tôt vers lui. Or, il ne fallait plus voir et traiter de la même manière celui qui devait bientôt se rendre dans les cieux et cesser tout rapport extérieur avec les hommes, et c'est ce qu'il veut faire entendre, en ajoutant: «Allez à mes frères, et dites-leur: Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu». - S. Hil. (de la Trin., 11) Parmi tant d'autres impiétés, les hérétiques prétendent s'appuyer sur ces paroles du Seigneur, pour soutenir que son Père étant le Père de ses disciples, et son Dieu leur Dieu, il n'est pas Dieu lui-même. Ils ne réfléchissent pas qu'il a pris la nature du serviteur, tout en conservant la nature divine. Or, puisque c'est dans la forme de serviteur que Jésus-Christ s'adresse à des hommes, nul doute qu'à ne considérer que sa nature humaine et la forme d'esclave dont il s'est revêtu, son Père ne soit aussi leur Père, et son Dieu leur Dieu. Il s'exprime encore de la même manière lorsqu'il leur dit en commençant: «Allez à mes frères». Ils sont les frères de Dieu selon la chair, car en tant que Fils unique de Dieu, il n'a point de frères. - S. Aug. Remarquez d'ailleurs que Jésus ne dit point: Notre Père, mais: «Mon Père, et votre Père». Il est donc mon Père dans un autre sens qu'il est le vôtre; il est mon Père par nature, il est le vôtre par grâce. Il ne dit pas non plus: Notre Dieu, mais: «Mon Dieu», auquel je suis inférieur comme homme, et: «Votre Dieu», et je suis le médiateur entre vous et lui.

S. Aug. (de l'accord des Evang., 3, 24). Madeleine sortit alors du tombeau, c'est-à-dire, du jardin qui entourait le tombeau creusé dans le roc. Avec elle sortirent les autres femmes que saint Marc nous représente saisies de crainte et d'effroi, et toutes gardent un profond silence. Marie-Madeleine, poursuit l'Évangéliste, vint trouver les disciples et leur dit: «J'ai vu le Seigneur, et il m'a dit cela». - S. Grég. Le crime du genre humain est effacé dans les mêmes circonstances où il a été commis, c'est dans un jardin que la femme a communiqué la mort à l'homme, c'est en sortant d'un sépulcre qu'une femme vient annoncer la vie aux hommes, et celle qui s'était rendu l'organe des paroles de mort du serpent, rapporte aujourd'hui les paroles du souverain auteur de la vie.

S. Aug. (de l'accord des Evang., 3, 24). D'après le récit de saint Matthieu, c'est alors que Madeleine revenait avec les autres femmes, que Jésus se présenta devant elles et leur dit: «Je vous salue» (Mt 28,9). Il faut conclure de là que les anges aussi bien que le Sauveur, parlèrent aux pieuses femmes, lorsqu'elles allèrent au tombeau, à deux reprises différentes; une première fois lorsque Marie prit Jésus pour le jardinier, et une seconde fois, lorsqu'il se présenta de nouveau devant elles pour les affermir par cette double apparition; c'est donc alors que Marie-Madeleine, non pas seule, mais avec les autres femmes dont parle saint Luc, vint annoncer cette nouvelle aux disciples.

Bède. (sur S. Matth., 27) Dans le sens allégorique ou tropologique, Jésus se présente à tous ceux qui commencent à marcher dans le chemin des vertus, et il les salue en leur donnant les secours nécessaires pour arriver au salut éternel. Les deux femmes qui portent le même nom et qui, animées des mêmes sentiments de piété et d'amour (c'est-à-dire, Marie-Madeleine et l'autre Marie), viennent visiter le tombeau du Sauveur, figurent les deux peuples fidèles, le peuple des Juifs et le peuple des Gentils, qui manifestent le même zèle et le même empressement pour célébrer la passion et la résurrection du Rédempteur. (Sur S. Marc). C'est avec raison que la femme qui a la première annoncé aux disciples éplorés la joyeuse nouvelle de la résurrection du Sauveur, nous est représentée comme ayant été délivrée de sept démons, c'est-à-dire, de tous les vices; elle nous apprend ainsi, que nul de ceux dont le repentir est véritable, ne doit désespérer du pardon de ses fautes, en la voyant elle-même élevée à un si haut degré de foi et d'amour, qu'elle est jugée digne d'annoncer aux Apôtres eux-mêmes le miracle de la résurrection. - La Glose. Marie-Madeleine qui se montre bien plus empressée que tous les autres d'aller voir le tombeau de Jésus-Christ, représente toute âme qui désire vivement connaître la vérité divine, et qui mérite ainsi d'obtenir cette connaissance. Mais elle doit alors faire connaître aux autres la vérité qui lui a été révélée, à l'exemple de Madeleine, qui annonce la résurrection aux disciples, pour éviter la juste condamnation d'avoir tenu caché son talent. (Sur S. Marc). Il ne vous est pas permis de renfermer cette joie dans le secret de votre coeur, mais vous devez la faire partager à ceux qui partagent votre amour. Dans le sens allégorique, Marie qui signifie maîtresse, illuminée, illuminatrice, étoile de la mer, est la figure de l'Eglise. Elle s'appelle aussi Madeleine, c'est-à-dire, élevée comme une tour, car le mot Magdal, en hébreu, a la même signification que le mot turris en latin. Or, ce nom qui est dérivé du mot tour, convient parfaitement à l'Eglise, dont il est dit dans le Ps 60,4: «Vous êtes devenu pour moi une forte tour contre l'ennemi». L'exemple de Marie-Madeleine, annonçant la résurrection de Jésus-Christ aux disciples, nous avertit tous et surtout ceux à qui a été confié le ministère de la parole, de transmettre soigneusement à notre prochain ce que nous avons reçu nous-mêmes par révélation divine.



Catena Aurea 13928