Catena Aurea 14019

vv. 19-25

14019 Jn 20,19-25

S. Chrys. (hom. 86 sur S. Jean). En apprenant de la bouche de Marie-Madeleine la nouvelle de la résurrection, les disciples devaient ou refuser d'y croire, ou en y ajoutant foi, s'attrister de ce que le Seigneur ne les avait pas jugés dignes de le voir eux-mêmes ressuscité. Jésus ne les laisse pas une seule journée dans ces pensées, et comme la nouvelle qu'ils avaient apprise qu'il était ressuscité, partageait leur esprit entre le désir de le voir et la crainte, lorsque le soir fut venu, il se présenta au milieu d'eux: «Sur le soir du même jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où les disciples se trouvaient rassemblés, étant fermées», etc. - Bède. Nous avons ici une preuve de la grande timidité des Apôtres qui les tient rassemblés les portes fermées de peur des Juifs, dont la crainte les avait déjà dispersés: «Jésus vint et se tint au milieu d'eux». Il leur apparaît le soir, parce que leur crainte devait alors être plus grande encore. - Théophyl. Peut-être aussi voulut-il attendre ce moment pour les trouver tous réunis. Il entre les portes fermées, pour leur montrer qu'il était ressuscité de la même manière, en traversant la pierre qui recouvrait le sépulcre. - S. Aug. (serm. sur la fête de Pâque). Il en est quelques-uns que ce fait étonne au point de mettre leur foi en péril, ils opposent aux miracles divins les préjugés de leurs raisonnements, et argumentent ainsi: Si c'était vraiment un corps, si le corps qui a été attaché à la croix est véritablement sorti du sépulcre, comment a-t-il pu traverser les portes qui étaient fermées? Si vous compreniez le comment, ce ne serait plus un miracle, là où la raison fait défaut, la foi commence à s'élever.

S. Aug. (Traité 121 sur S. Jean). Les portes fermées ne purent faire obstacle à un corps où habitait la Divinité, et celui dont la naissance laissa intacte la virginité de sa Mère, put entrer dans ce lieu sans que les portes fussent ouvertes.

S. Chrys. Il est surprenant que la pensée ne soit point venue aux disciples que c'était un fantôme, mais Marie-Madeleine, en leur annonçant que Jésus était ressuscité, avait animé et développé leur foi. Il se manifesta lui-même ensuite à leurs yeux, et par ses paroles il affermit leur âme encore chancelante: «Et il leur dit: La paix soit avec vous», c'est-à-dire, ne vous troublez point. Il rappelle ici ce qu'il leur avait dit avant sa passion: «Je vous donne ma paix» (Jn 14,27) et encore: «C'est en moi que vous aurez la paix» (Jn 16,33).

S. Grég. (hom. 20 sur les Evang). Comme la foi de ses disciples avait encore quelque doute sur la vérité du corps qu'ils avaient devant les yeux, Notre-Seigneur, ajoute l'Évangéliste, leur montra aussitôt ses mains et son côté. - S. Aug. Les clous avaient percé ses mains, la lance avait ouvert son côté, et il avait voulu conserver les cicatrices de ses blessures pour guérir de la plaie du doute le coeur de ses disciples. - S. Chrys. Il accomplit la prédiction qu'il leur avait faite avant sa passion: «Je vous verrai de nouveau, et votre coeur se réjouira». Aussi l'Évangéliste remarque, «qu'ils furent remplis de joie voyant le Seigneur». - S. Aug. (de la cité de Dieu, 22, 19). Cette gloire éclatante comme le soleil dont les justes brilleront dans le royaume de leur Père (Mt 13), demeura voilée dans le corps de Jésus-Christ ressuscité, mais n'en fut point séparée. La faiblesse des yeux de l'homme n'aurait pu le considérer dans cet éclat, et il suffisait d'ailleurs alors à ses disciples de le voir de manière à pouvoir le reconnaître.

S. Chrys. Toutes ces circonstances donnaient à leur foi une certitude absolue; mais comme ils devaient avoir à soutenir contre les Juifs une lutte acharnée, il leur souhaite de nouveau la paix: «Il leur dit de nouveau: La paix soit avec vous». - Bède. Ce souhait redoublé est une confirmation de la paix qu'il leur souhaite; et il le répète à deux fois parce que la vertu de charité a un double objet, ou bien parce que c'est lui «qui des deux peuples n'en a fait qu'un» (Ep 2,14). - S. Chrys. Il nous montre en même temps l'efficacité de la croix qui a dissipé toutes les causes de tristesse et a été pour nous la source de tous les biens, et c'est là la véritable paix. C'est ainsi qu'il avait fait porter précédemment aux saintes femmes ces paroles de joie, parce que ce sexe était comme dévoué à la tristesse par suite de cette malédiction prononcée contre lui: «Vous enfanterez dans la douleur» (Gn 3,16). Mais maintenant que tous les obstacles sont renversés et toutes les difficultés aplanies, le Sauveur ajoute: «Comme mon Père m'a envoyé, moi-même je vous envoie». - S. Grég. Le Père a envoyé son Fils lorsqu'il a décrété qu'il s'incarnerait pour la rédemption du genre humain. C'est pour cela qu'il dit à ses disciples: «Comme mon Père m'a envoyé, moi-même je vous envoie». C'est-à-dire en vous envoyant au milieu de tous les pièges que vous tendront les persécuteurs, je vous aime du même amour dont mon Père m'a aimé lorsqu'il m'a envoyé pour supporter toutes les souffrances que j'ai eu à endurer. - S. Aug. (Traité 121 sur S. Jean). Nous savons que le Fils est égal à son Père, mais nous reconnaissons à ces paroles le langage du Médiateur. Il nous montre en effet qu'il est Médiateur en leur disant: «Mon Père m'a envoyé, et moi je vous envoie». - S. Chrys. C'est ainsi qu'il relève leur courage par la pensée des événements qui ont eu lieu et de la dignité de celui qui les envoie. Il n'adresse plus ici de prière à son Père, c'est de sa propre autorité qu'il leur communique une puissance toute divine: «Ayant dit ces paroles, il souffla sur eux et leur dit: Recevez l'Esprit saint». - S. Aug. (de la Trin., 4, 20). Ce souffle extérieur ne fut point la substance de l'Esprit saint, mais une figure propre à nous faire comprendre que l'Esprit saint procédait non seulement du Père, mais aussi du Fils. Car, qui serait assez dénué de raison pour prétendre que l'Esprit saint que Jésus donna à ses disciples en soufflant sur eux est différent de celui qu'il leur a envoyé après sa résurrection? - S. Grég. Mais pourquoi le donne-t-il d'abord étant sur la terre à ses disciples, avant de le leur envoyer du ciel? C'est parce qu'il y a deux préceptes de la charité, le précepte de la charité de Dieu, le précepte de la charité du prochain. L'Esprit saint nous est donné sur la terre pour nous porter à l'amour du prochain; il nous est envoyé du haut du ciel pour nous inspirer l'amour de Dieu. De même que la charité est une, bien qu'elle ait deux préceptes pour objet, ainsi il n'y a qu'un seul esprit donné dans deux circonstances différentes, la première fois par le Sauveur, lorsqu'il était encore sur la terre; la seconde fois lorsqu'il fut envoyé du ciel, car c'est l'amour du prochain qui nous apprend à nous élever jusqu'à l'amour de Dieu.

S. Chrys. Quelques-uns prétendent que Notre-Seigneur n'a point donné l'Esprit saint à ses disciples, mais qu'il les prépara, en soufflant sur eux, à recevoir l'Esprit saint. En effet, si à la vue seule d'un ange Daniel fut saisi d'effroi, que n'auraient pas éprouvé les disciples en recevant ce don ineffable, si Jésus n'avait pris soin de les y préparer? On ne se trompera point du reste en disant qu'ils reçurent alors la puissance d'une grâce toute spirituelle, non point pour ressusciter les morts et faire des miracles, mais pour remettre les péchés, comme paraissent l'indiquer les paroles suivantes: «Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez».

S. Aug. La charité de l'Eglise que l'Esprit saint répand dans nos coeurs (Rm 5,5) remet les péchés de ceux qui entrent en participation de cette divine charité, mais elle les retient à ceux qui n'y ont aucune part. C'est pour cela qu'après avoir dit: «Recevez l'Esprit saint», le Sauveur parle aussitôt du pouvoir de remettre et du retenir les péchés.

S. Grég. Il faut remarquer que ceux qui ont reçu d'abord l'Esprit saint pour vivre dans l'innocence et prêcher d'une manière utile à quelques-uns, ont reçu ensuite visiblement ce même Esprit, pour que les effets de leur zèle fussent moins restreints et s'étendissent à un plus grand nombre. J'aime à considérer à quel degré de gloire Jésus élève ceux qu'il avait appelé à de si grands devoirs d'humilité. Voici que non seulement il leur donne toute espèce de sécurité pour eux-mêmes, mais ils reçoivent en partage la magistrature du jugement suprême et le pouvoir de remettre les péchés aux uns et de les retenir aux autres. Les évêques qui sont appelés au gouvernement de l'Eglise tiennent maintenant leur place et ont aussi le pouvoir de lier et de délier. C'est un grand honneur, mais c'est en même temps un bien lourd fardeau, car quelle charge plus pénible pour celui qui ne sait tenir les rênes de sa propre vie, de prendre en main la direction de la vie des autres ! - S. Chrys. Le prêtre qui se contente de bien régler sa vie personnelle, mais ne prend point un soin vigilant de la vie des autres, est condamné au feu de l'enfer avec les impies. En considérant la grandeur du danger auquel les prêtres sont exposés, ayez donc pour eux beaucoup de bienveillance et d'égards, quand même ils ne seraient point de condition très élevés, car il n'est pas juste qu'ils soient jugés sévèrement par ceux qui sont soumis à leur pouvoir. Quand même leur vie serait souverainement coupable, vous n'avez aucun dommage à craindre dans la distribution des grâces dont ils sont les dispensateurs, car dans les dons qui viennent de Dieu, ce n'est point le prêtre, ce n'est ni un ange, ni un archange qui peuvent agir; c'est du Père, du Fils et du Saint-Esprit que découlent toutes les grâces. Le prêtre ne fait que prêter sa langue et sa main. Il n'eût pas été juste, en effet, que par suite de la conduite criminelle des ministres de Dieu, les sacrements de notre salut perdissent de leur efficacité pour ceux qui ont embrassé la foi.

Tous les disciples étant rassemblés, Thomas seul manquait, depuis le moment où ils s'étaient tous dispersés. «Or Thomas, un des douze, appelé Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint». - Alcuin. Le mot grec Didyme veut dire double en latin, et ce disciple est ainsi appelé à cause de ses doutes dans la foi. Le mot Thomas signifie abîme, parce qu'il a pénétré ensuite avec une foi certaine les profondeurs de la divinité. Or, ce n'était point par l'effet du hasard que ce disciple était alors absent, car la conduite de la divine bonté paraît ici d'une manière merveilleuse, elle voulait que ce disciple incrédule, en touchant les blessures du corps du Sauveur, guérît en nous les blessures de l'incrédulité. En effet, l'incrédulité de Thomas nous a plus servi pour établir en nous la foi que la foi elle-même des disciples qui crurent sans hésiter. L'exemple de ce disciple qui revient à la foi en touchant le corps du Sauveur chasse de notre âme toute espèce de doute et nous affermit à jamais dans la foi. - Bède. On peut demander pourquoi saint Jean nous dit que Thomas était alors absent, tandis que saint Luc rapporte que les deux disciples qui revenaient d'Emmaüs à Jérusalem trouvèrent les onze réunis. Cette difficulté s'explique en admettant qu'il y eut un intervalle pendant lequel Thomas sortit pour un instant, et que ce fut alors que Jésus se présenta au milieu de ses disciples.

S. Chrys. (hom. 87 sur S. Jean). C'est la marque d'un esprit léger de croire trop facilement et sans examen, mais c'est le caractère d'un esprit peu intelligent de porter ses recherches au-delà de toute mesure et de vouloir trop approfondir, et c'est en quoi Thomas se rendit coupable. Les apôtres lui disent: «Nous avons vu le Seigneur», et il refuse de le croire, moins encore par défiance de ce qu'ils lui disaient que parce qu'il regardait la chose comme impossible. «Les autres disciples lui dirent donc: Nous avons vu le Seigneur. Il leur répondit: Si je ne vois dans ses mains la marque des clous qui les ont percées, et si je ne mets mon doigt dans le trou des clous et ma main dans la plaie de son côté, je ne le croirai point». Son esprit, plus grossier que celui des autres, voulait arriver à la foi par le sens le plus matériel, c'est-à-dire par le toucher. Le témoignage de ses yeux ne lui suffisait même pas; aussi ne se contente-t-il pas de dire: Si je ne vois, mais il ajoute: «Si je ne mets mon doigt», etc.


vv. 26-31

14026 Jn 20,26-31

S. Chrys. (hom. 87 sur S. Jean). Considérez la bonté du divin Maître; il daigne apparaître et montrer ses blessures pour le salut d'une seule âme. Les disciples qui lui avaient appris que le Sauveur était ressuscité étaient assurément bien dignes de foi, aussi bien que le Sauveur lui-même qui l'avait prédit; cependant comme Thomas exige une nouvelle preuve, Jésus ne veut pas la lui refuser. Toutefois il ne lui apparaît pas aussitôt, mais huit jours après, afin que le témoignage des disciples rendît ses désirs plus vifs, et que sa foi fût plus affermie dans la suite: «Huit jours après, dit l'Évangéliste, les disciples étaient encore dans le même lieu, et Thomas avec eux, Jésus vint, les portes étant fermées, et il se tint au milieu d'eux et leur dit: La paix soit avec vous». - S. Aug. (Serm. sur la Pass. ou serm. 3 pour l'oct. de Pâq., 159 du temps). Vous me demandez: Puisqu'il est entré les portes étant fermées, que sont devenues les propriétés naturelles du corps? Et moi je vous réponds: Lorsqu'il a marché sur la mer, qu'était devenue la pesanteur de son corps? Le Seigneur se conduisait ainsi comme étant le souverain Maître; a-t-il donc cessé de l'être parce qu'il est ressuscité ?

S. Chrys. Jésus apparaît donc, et il n'attend pas que Thomas l'interroge, et pour lui montrer qu'il était présent lorsqu'il exprimait ses doutes aux autres disciples, il se sert des mêmes paroles. Il commence par lui faire les reproches qu'il méritait: «Il dit ensuite à Thomas: Portez ici votre doigt et considérez mes mains; approchez aussi votre main et mettez-la dans mon côté». Puis il l'instruit en ajoutant: «Et ne soyez plus incrédule, mais fidèle». Vous voyez qu'ils étaient travaillés par le doute de l'incrédulité avant d'avoir reçu l'Esprit saint, mais ils furent ensuite affermis pour toujours dans la foi. Ce serait une question digne d'intérêt d'examiner comment un corps incorruptible pouvait porter la marque des clous, mais n'en soyez pas surpris, c'était un effet de la bonté du Sauveur qui voulait ainsi convaincre ses disciples que c'était bien lui qui avait été crucifié.

S. Aug. (du symb. aux catéch., 2, 8). Jésus aurait pu, s'il avait voulu, faire disparaître de son corps ressuscité et glorifié toute marque de cicatrice, mais il savait les raisons pour lesquelles il conservait ces cicatrices dans son corps. De même qu'il les a montrées à Thomas, qui ne voulait point croire à moins d'avoir touché et d'avoir vu, ainsi il montrera un jour ces mêmes blessures à ses ennemis, non plus pour leur dire: «Parce que vous avez vu, vous avez cru», mais pour qu'ils soient convaincus par la vérité qui leur dira: «Voici l'homme que vous avez crucifié, vous voyez les blessures que vous avez faites; vous reconnaissez le côté que vous avez percé, c'est par vous et pour vous qu'il a été ouvert, et cependant vous n'avez pas voulu y entrer». - S. Aug. (de la cité de Dieu, 22, 20). Je ne sais pourquoi l'amour que nous avons pour les saints martyrs nous fait désirer de voir sur leur corps, dans le royaume des cieux, les cicatrices des blessures qu'ils ont reçues pour le nom de Jésus-Christ, et j'espère que ce désir sera satisfait. Car ces blessures, loin d'être une difformité, seront un signe de gloire, et bien qu'empreintes sur leur corps, elles feront éclater la beauté, non point du corps, mais de leur courage et de leur vertu. Et quand même les martyrs auraient eu quelques-uns de leurs membres coupés ou retranchés, ils ne ressusciteront pas sans que ces membres leur soient rendus, car il leur a été dit: «Un cheveu de votre tête ne périra pas» (Lc 21,18). Si donc il est juste que dans cette vie nouvelle, on voie les marques de ces glorieuses blessures dans leur chair douée de l'immortalité, les cicatrices de ces blessures apparaîtront sur les membres qui leur seront rendus, à l'endroit même où ils ont été frappés ou coupés pour être retranchés. Tous les défauts du corps disparaîtront alors, il est vrai, mais on ne peut considérer comme des défauts ou des taches les témoignages du courage des martyrs.

S. Grég. (hom. 20). Notre-Seigneur offre au toucher cette même chair, avec laquelle il était entré les portes demeurant fermées. Nous voyons ici deux faits merveilleux et qui paraissent devoir s'exclure, à ne consulter que la raison; d'un côté, le corps de Jésus ressuscité est incorruptible, et de l'autre cependant, il est accessible au toucher. Or, ce qui peut se toucher doit nécessairement se corrompre, et ce qui est impalpable ne peut être sujet à la corruption. Notre-Seigneur, en montrant dans son corps ressuscité ces deux propriétés de l'incorruptibilité et de la tangibilité, nous fait voir que sa nature est restée la même, mais que sa gloire est différente. - S. Grég. (Moral., 14, 39 ou 31 dans les anc. édit). Après la gloire de la résurrection, notre corps deviendra subtil par un effet de la puissance spirituelle dont il sera revêtu, mais il demeurera palpable en vertu de sa nature première, et il ne sera pas, comme l'a écrit Eutychius, impalpable et plus subtil que l'air et les vents.

S. Aug. Thomas ne voyait et ne touchait que l'homme, et il confessait le Dieu qu'il ne pouvait ni voir ni toucher; mais ce qu'il voyait et ce qu'il touchait le conduisait à croire d'une foi certaine ce dont il avait douté jusqu'alors: «Thomas répondit et lui dit: Mon Seigneur et mon Dieu». - Théophyl. Celui qui avait d'abord été un incrédule, après l'épreuve du toucher, se montre un parfait théologien, en proclamant en Jésus-Christ deux natures et une seule personne, en disant: «Mon Seigneur», il reconnaît la nature humaine, et en ajoutant: «Mon Dieu», la nature divine, et ces deux natures dans un seul et même Dieu, et Seigneur.

«Jésus lui dit: Vous avez cru parce que vous m'avez vu». - S. Aug. Il ne lui dit pas: Vous m'avez touché, mais vous m'avez vu, parce que la vue est comme un sens général qui, dans le langage ordinaire, comprend les quatre autres sens. C'est ainsi que nous disons: Ecoutez et voyez quel son harmonieux, sentez et voyez quelle odeur agréable, touchez et voyez quelle chaleur? C'est ainsi que Notre-Seigneur lui-même dit à Thomas: «Mettez-là votre doigt, et voyez mes mains», ce qui ne veut dire autre chose que: «Touchez et voyez». Thomas cependant n'avait pas les yeux au bout du doigt. Les deux opérations de la vue et du toucher sont donc exprimées dans ces paroles du Sauveur: «Parce que vous m'avez vu, vous avez cru». On pourrait dire encore que Thomas n'osa pas toucher le corps de Jésus, bien qu'il le lui offrît.

S. Grég. (hom. 26). L'Apôtre nous dit: «La foi est le fondement des choses que l'on doit espérer, et une pleine conviction de celles qu'on ne voit point» (He 11,1). Il est donc évident que ce que l'on voit clairement n'est pas l'objet de la foi, mais de la connaissance. Pourquoi donc le Sauveur dit-il à Thomas, qui avait vu et touché: «Parce que vous avez vu, vous avez cru ?» C'est qu'il crut autre chose que ce qu'il voyait. Ses yeux ne voyaient qu'un homme, et il confessait un Dieu. Les paroles qui suivent: «Bienheureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru», répandent une grande joie dans notre âme, car c'est nous que Notre-Seigneur a eus particulièrement en vue, nous qui croyons dans notre esprit en celui que nous n'avons pas vu de nos yeux, si toutefois nos oeuvres sont conformes à notre foi. Car la vraie foi est celle qui se traduit et se prouve par les oeuvres. - S. Aug. Le Sauveur parle ici au passé, parce que dans les décrets de sa prédestination, il regardait comme déjà fait ce qui devait arriver. - S. Chrys. Lors donc qu'un chrétien est tenté de dire: Que n'ai-je été dans ces temps heureux pour voir de mes yeux les miracles de Jésus-Christ, qu'il se rappelle ces paroles: «Bienheureux ceux qui n'ont point vu et qui ont cru». - Théophyl. Notre-Seigneur désigne ici ceux de ses disciples qui ont cru sans toucher les blessures faites par les clous et la plaie du côté.

S. Chrys. Comme le récit de saint Jean est moins étendu que celui des autres évangélistes, il ajoute: «Jésus fit encore devant ses disciples beaucoup d'autres miracles qui ne sont pas écrits dans ce livre». Les autres évangélistes n'ont pas non plus raconté tout ce qu'ils ont vu, mais simplement tout ce qui suffisait pour amener les hommes à la foi. Je crois du reste que saint Jean ne veut parler ici que des miracles qui ont eu lieu après la résurrection, c'est pour cela qu'il dit: «En présence de ses disciples» avec lesquels seuls il eût des rapports après sa résurrection. Ne croyez pas du reste que ces miracles n'étaient faits que dans l'intérêt des disciples, car ajoute l'Évangéliste: «Ceux-ci sont écrits afin que vous croyiez que Jésus est le Christ Fils de Dieu», et il parle ici de tous les hommes. Et remarquez que cette foi est utile, non pas à celui qui en est l'objet, mais à nous-mêmes qui croyons: «Afin que croyant, vous ayez la vie en son nom».


CHAPITRE XXI


vv. 1-11

14101 Jn 21,1-11

S. Aug. (Traité 122 sur S. Jean). Les dernières paroles de l'Évangéliste semblaient indiquer la fin de son récit. Cependant il nous raconte encore comment Notre-Seigneur se manifesta près de la mer de Tibériade: «Après cela, Jésus apparut de nouveau près de la mer de Tibériade». - S. Chrys. (hom. 89 sur S. Jean). Saint Jean dit: «Après cela», parce que Notre-Seigneur ne restait pas continuellement avec ses disciples comme auparavant. Il se sert de cette expression: «Il se manifesta», parce que ses disciples n'auraient pu le voir, s'il n'avait consenti à se rendre visible par un effet de sa bonté, puisque son corps était incorruptible. Il fait mention expresse de l'endroit où il leur apparut, pour nous montrer que le Sauveur avait diminué de beaucoup leurs craintes, puisqu'ils s'éloignent à une assez grande distance de leur demeure. En effet, ils ne restaient plus renfermés, mais ils allaient dans la Galilée, pour éviter tout danger de la part des Juifs.

Bède. Suivant sa coutume, l'Évangéliste commence par exposer le fait, puis il raconte la manière dont il eut lieu: «Or, il se manifesta de cette sorte». - S. Chrys. Comme le Seigneur n'était pas continuellement avec eux, qu'ils n'avaient pas encore reçu l'Esprit saint, qu'aucune charge ne leur avait été confiée, et qu'ils n'avaient pas autre chose à faire, ils se livraient à leurs occupations de pêcheur: «Simon-Pierre et Thomas, appelé Didyme, et Nathanaël, qui était de Cana, en Galilée (qui avait été appelé par Philippe), et les fils de Zébédée (Jacques et Jean), et deux autres de ses disciples se trouvaient ensemble. Simon-Pierre leur dit: «Je vais pêcher». - S. Grég. (hom. 24 sur les Evang). On peut demander pourquoi Pierre, qui exerçait le métier de pêcheur avant sa conversion, revient à ses filets après sa conversion, alors que la vérité elle-même nous dit: «Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière, n'est point propre au royaume de Dieu» (Lc 9,62). - S. Aug. Si les Apôtres avaient agi de la sorte aussitôt la mort de Jésus, et avant sa résurrection, nous aurions lieu de penser qu'ils cédaient au découragement qui s'emparait de leur âme. Au contraire, c'est après avoir vu Jésus-Christ sorti du tombeau plein de vie; c'est après avoir examiné les traces que les blessures avaient laissées sur son corps, c'est après qu'il leur a donné l'Esprit saint en soufflant sur eux, qu'ils redeviennent ce qu'ils étaient auparavant, pécheurs non d'hommes, mais de poissons. Je réponds donc qu'il ne fut point défendu aux Apôtres de pourvoir à leur subsistance par l'exercice d'un métier légitime, tout en sauvegardant la dignité de leur apostolat, s'ils n'avaient point d'ailleurs d'autres moyens d'existence. En effet, si saint Paul refusa d'user du pouvoir qui lui était commun avec les autres prédicateurs de l'Évangile, et voulut combattre à ses propres frais, pour ne point être un obstacle à la conversion des peuples complètement étrangers au nom de Jésus-Christ, en leur laissant supposer que l'intérêt était le mobile de sa prédication; si cet Apôtre, dont l'éducation avait été tout autre, par suite de ce principe, voulut apprendre un métier qu'il ne connaissait pas, afin qu'en vivant du travail de ses mains, il ne fût à charge à aucun de ceux qu'il enseignait, à combien plus juste titre saint Pierre, qui avait été précédemment pêcheur, pût-il reprendre le métier qu'il savait, si pour le moment il ne trouvait point d'autre ressource pour vivre. On me dira peut-être: Et pourquoi n'en a-t-il point trouvé, lorsque la promesse du Seigneur est formelle: «Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné comme par surcroît» (Mt 6,33). Je réponds que le Seigneur a parfaitement accompli sa promesse, car quel autre a conduit les poissons dans les filets où ils ont été pris? Et très certainement c'est lui qui permit que la nécessité contraignît ses disciples de retourner à la pêche, parce qu'il voulait les rendre témoins du miracle qu'il se proposait d'opérer. - S. Grég. Ils purent donc reprendre sans aucune faute après leur conversion, des occupations auxquelles ils se livraient très licitement avant leur conversion. Voilà pourquoi Pierre, après sa conversion retourne à la pêche, mais Matthieu ne reprend point sa place au bureau des impôts, car il est des professions que l'on ne peut absolument, ou sans de grandes difficultés, exercer sans péché. Il faut donc que le coeur véritablement converti se détache complètement de tout ce qui peut l'entraîner au péché.

S. Chrys. Les autres disciples suivaient Pierre: «Ils lui dirent: Nous y allons aussi avec vous»; car ils ne formaient tous qu'une seule société, et voulaient tous ensemble être témoins de la pêche: «Ils s'en allèrent donc, et montèrent dans la barque». Ils pêchaient pendant la nuit, parce qu'ils étaient encore dominés par la crainte des Juifs. - S. Grég. Les disciples éprouvèrent de grandes difficultés dans cette pêche, afin qu'à l'arrivée de leur divin Maître, ils fussent remplis d'une grande admiration: «Et cette nuit-là ils ne prirent rien».

S. Chrys. Tandis qu'ils se fatiguent ainsi avec le regret de ne rien prendre, Jésus leur apparaît: «Mais le matin venu, Jésus parut sur le rivage». Il ne se découvre pas tout d'abord, mais veut auparavant lier conversation avec eux. Il leur parle donc en premier lieu un langage tout humain: «Enfants, n'avez-vous rien à manger ?» Il semble, par cette question, avoir l'intention de leur acheter quelque chose; mais comme il les voit saisis de crainte, il leur donne un signe qui put le faire reconnaître: «Il leur dit: Jetez le filet à droite de la barque, et vous en trouverez». Les miracles se succèdent alors en grand nombre; le premier, c'est qu'ils prennent une quantité énorme de poissons: «Ils le jetèrent et ils ne pouvaient plus le tirer tant il était chargé de poissons». Dans la manière dont ils reconnaissent Jésus-Christ, Pierre et Jean font voir chacun la différence de leur caractère. Le premier était plus ardent, le second d'une intelligence plus élevée, l'un avait plus d'initiative, l'autre plus de discernement; aussi est-il le premier à reconnaître Jésus-Christ: «Le disciple que Jésus aimait dit à Pierre: C'est le Seigneur». - Bède. C'est par ce miracle que Jésus, comme en beaucoup d'autres endroits, manifeste sa personne divine. Or, Jean reconnaît le premier le Seigneur, soit à cette pêche miraculeuse, soit au son d'une voix qui lui était connue, soit au souvenir de la première pêche. - S. Chrys. Pierre avait plus d'ardeur, et il met plus d'empressement à venir à Jésus-Christ: «Simon-Pierre ayant entendu que c'était le Seigneur, se ceignit de sa tunique (car il était nu) », etc.

Bède. Saint Jean dit que Pierre était nu par opposition aux autres vêtements dont il faisait usage. C'est ainsi qu'en voyant un homme couvert d'un simple vêtement, nous lui disons: Pourquoi donc êtes-vous ainsi nu? On peut aussi admettre que suivant la coutume des pêcheurs, il s'était dépouillé de tous ses vêtements pour pêcher plus librement. - Théophyl. Pierre se ceignit aussitôt, par un sentiment de pudeur; il se ceignit d'un vêtement de lin dont les pêcheurs de la Phénicie et de Tyr s'enveloppent, et dont ils se couvrent, qu'ils aient ou non d'autres vêtements. - Bède. Pierre vient à la rencontre de Jésus avec la même ardeur qu'il faisait éclater dans toutes ses actions: «Et il se jeta à la mer; les autres disciples vinrent avec la barque». Il n'est point cependant nécessaire d'entendre que Pierre ait marché sur les flots, il vint trouver Jésus, soit en nageant, soit en marchant dans l'eau, car on était près de la terre. «Car, remarque saint Jean, ils n'étaient pas éloignés de la terre». - La Glose. Il y a ici une transposition évidente, car nous lisons à la suite: «En tirant le filet rempli de poissons». Voici l'ordre naturel de la phrase: «Les autres disciples vinrent dans la barque, en tirant le filet rempli de poissons, car ils n'étaient pas loin de la terre».

S. Chrys. Un autre miracle les attendait sur le rivage: «Lorsqu'ils furent descendus à terre, ils virent des charbons allumés», etc. Notre-Seigneur n'opère plus ici sur une matière préexistante, mais il fait quelque chose de plus merveilleux, il donne l'être à ce qui n'existait pas, et il montre ainsi qu'avant sa passion, c'était par suite d'une mystérieuse économie qu'il faisait ses miracles en se servant d'une matière déjà existante. - S. Aug. (Traité 123 sur S. Jean). Il ne faut point entendre ces paroles dans ce sens que le pain fut placé sur les charbons, mais voici ce que l'Évangéliste veut dire: «Ils virent des charbons allumés, et un poisson placé dessus, et ils virent du pain». - Théophyl. Pour leur prouver qu'ils ne sont pas dupe d'une illusion fantastique, il leur commande de lui apporter quelques-uns des poissons qu'ils avaient pris: «Jésus leur dit: Apportez quelques-uns des poissons que vous venez de prendre». Un troisième miracle fut que le filet ne se rompit point sous l'énorme quantité de poissons qu'il renfermait: «Simon-Pierre monta donc dans la barque, et tira à terre ce filet plein de cent cinquante-trois grands poissons. Et quoiqu'il y en eût un si grand nombre, le filet ne se rompit point».

S. Aug. (Traité 122 sur S. Jean). Dans le sens mystique, cette pêche miraculeuse est la figure du mystère qui s'opérera dans l'Eglise lors de la résurrection des morts. C'est à mon avis pour faire ressortir plus clairement ce mystère que saint Jean paraît vouloir terminer son Évangile par cette réflexion qui devient comme l'introduction du récit qui va suivre et lui donne ainsi plus d'importance. Ce qui donne un nouveau caractère de vérité à ce sentiment, c'est que le récit évangélique paraissait terminé, et que ce fait est comme le commencement d'un nouveau récit. Les sept disciples qui prirent part à cette pêche sont, par leur nombre de sept, la figure de la fin du temps, dont la révolution s'accomplit dans un espace de sept jours. - Théophyl. Tant que dura la nuit, avant le lever du soleil de justice, qui est Jésus-Christ, les prophètes ne purent rien prendre, car bien que leurs efforts n'eussent pour but que la réforme du seul peuple juif, ce peuple ne laissait pas de tomber fréquemment dans l'idolâtrie.

S. Grég. (hom. 24). Mais pourquoi, pendant que ses disciples se consument en efforts au milieu de la mer, Jésus, après sa résurrection, se tient-il sur le rivage, lui qui, avant sa résurrection, marche sur les flots mêmes de la mer pour aller les trouver? La mer est la figure du siècle présent qui se brise au choc de l'agitation des événements et des flots de cette vie corruptible, tandis que la terre ferme du rivage est le symbole de la stabilité du repos éternel. Comme les disciples étaient encore au milieu des flots de cette vie mortelle, ils avaient à supporter les fatigues de la mer, mais notre Rédempteur, qui avait dépouillé la corruption de la chair, se tenait sur le rivage après sa résurrection. - S. Aug. Le rivage est comme la fin de la mer et figure la fin du monde. De même que Notre-Seigneur veut nous signifier dans cet endroit ce que sera l'Eglise à la fin du monde; ainsi dans une autre pêche qui a précédé, il a voulu nous figurer l'Eglise telle qu'elle est pendant cette vie. Aussi lors de cette première pêche, Jésus ne se tenait pas sur le rivage, mais montant sur une barque qui était celle de Simon-Pierre, il le pria de s'éloigner du rivage. Dans cette même circonstance, les filets ne sont pas jetés à droite de la barque, pour ne pas signifier les bons seulement, ni à gauche, pour ne pas figurer exclusivement les mauvais, mais indifféremment à droite ou à gauche: «Jetez, dit Jésus, vos filets pour pêcher», (Lc 5) afin de figurer ainsi le mélange des bons et des mauvais; ici, au contraire, il dit: «Jetez votre filet à la droite de la barque», pour signifier seulement ceux qui se tiendront à la droite, c'est-à-dire, les bons exclusivement. Le Sauveur fit le premier miracle au commencement de sa prédication, et le second après sa résurrection. La première pêche représente le mélange des bons et des mauvais, dont l'Eglise est maintenant composée; et la seconde, les bons seulement, dont elle sera formée, pour l'éternité après la résurrection des morts, qui aura lien à la fin du monde. Ceux qui auront part à la résurrection de la vie (c'est-à-dire, ceux qui seront à droite), et qui sont morts dans les filets du nom chrétien, ne paraîtront que sur le rivage (c'est-à-dire, à la fin du monde après la résurrection). Aussi les disciples ne purent tirer les filets pour verser comme la première fois dans la barque, les poissons qu'ils avaient pris. Ces poissons qui sont pris à la droite de la barque, l'Eglise les conserve cachés dans le sommeil de la paix, comme dans les profondeurs de la mer, jusqu'à ce que le filet soit tiré sur le rivage. Dans la première pêche il y avait deux barques, et dans celle-ci, les disciples étaient à deux cents coudées du rivage; on peut dire que c'est la figure des élus des deux peuples, du peuple de la circoncision et du peuple des Gentils (comprenant chacun le nombre cent). - Bède. Ou bien encore, ces deux cents coudées représentent les deux préceptes de la charité, car c'est par l'amour de Dieu et du prochain que nous approchons de Jésus-Christ. Le poisson rôti est la figure de Jésus-Christ dans sa passion; il a daigné se cacher dans les eaux du genre humain, il s'est laissé prendre dans les filets de notre mortalité; il a été pour nous comme un poisson par son humanité, et il est devenu pour nous un pain en nous fortifiant par sa divinité.

S. Grég. C'est à Pierre qu'a été confié le soin de la sainte Eglise, et c'est à lui spécialement qu'il est dit: «Paissez mes brebis». Ce que le Sauveur lui dira bientôt en termes exprès, il le lui dit maintenant par les faits. C'est Pierre qui tire les poissons sur la terre ferme du rivage, parce que c'est lui qui montre aux fidèles l'éternelle et immuable patrie; c'est ce qu'il a fait par ses paroles, c'est ce qu'il a fait par ses Epîtres, c'est ce qu'il fait encore tous les jours par l'éclat de ses miracles. L'Évangéliste ne se contente pas de nous dire que le filet était plein de poissons, mais il en précise le nombre: «Il était plein de cent cinquante-trois poissons». - S. Aug. Dans la première pêche, on ne parle pas du nombre des poissons, et nous y voyons comme un accomplissement de cette prédiction du Roi-prophète: «J'ai voulu annoncer vos oeuvres, leur multitude m'a paru innombrable» (Ps 39,6). Ici, au contraire, le nombre est précisé, et il faut en donner la raison. Le nombre qui figure la loi est le nombre dix, à cause du décalogue; mais lorsque la grâce vient s'unir à la loi (c'est-à-dire, l'esprit à la lettre), le nombre sept vient s'ajouter au nombre dix. En effet, le nombre sept est comme le symbole de l'Esprit saint, qui est surtout l'auteur de notre sanctification. Cette sanctification se montre pour la première fois dans le repos du septième jour. (Gn 2) Le prophète Isaïe fait l'éloge de l'Esprit saint, en énumérant ses sept dons ou ses sept opérations (Is 11). Lors donc qu'au nombre dix de la loi vient s'ajouter le nombre sept, symbole de l'Esprit saint; ces deux nombres réunis forment le nombre dix-sept; si l'on décompose ce nombre en commençant par l'unité et en ajoutant toujours à chacune de ces parties, depuis un jusqu'à dix-sept le nombre additionnel on arrive au nombre total de cent cinquante-trois. - S. Grég. Multiplions le nombre sept et dix-sept par trois, et nous trouvons cinquante-un. Or, c'est dans la cinquantième année que tout le peuple se reposait de tout travail. Mais le véritable repos est dans l'unité, car le véritable repos ne peut se trouver au milieu des déchirements produits par la division.

S. Aug. Il ne faudrait pas conclure de là qu'il n'y aura que cent cinquante-trois saints qui ressusciteront à la vie éternelle, car tous ceux qui ont part à la grâce de l'Esprit saint, sont compris dans ce nombre qui renferme trois fois le nombre cinquante, et de plus le nombre trois, symbole du mystère de la sainte Trinité. Or, le nombre cinquante est le produit du nombre sept multiplié par sept, et auquel on ajoute l'unité. Cette unité indique qu'ils ne doivent faire qu'un. Ce n'est pas sans raison que l'Évangéliste fait la remarque que les poissons étaient grands, car lorsque Notre-Seigneur eut dit: «Je ne suis pas venu détruire la loi, mais l'accomplir (en donnant l'Esprit saint qui devait la faire accomplir) » (Mt 5,17); il ajoute un peu plus loin: «Celui qui fera et enseignera sera grand dans le royaume des cieux» (Mt 5,19). Lors de la première pêche, le filet se rompait en figure des schismes qui devaient déchirer l'Eglise. Ici, au contraire, comme les schismes seront impossibles dans la paix suprême dont jouiront les saints, l'Évangéliste a dû faire remarquer que, malgré le grand nombre et la grosseur des poissons, le filet ne se rompit point. Il semble faire allusion à la première pêche où le filet se rompit, et vouloir faire ressortir par cette comparaison la supériorité de la pêche actuelle.



Catena Aurea 14019