Catena Aurea 12622

vv. 22-27

12622 Jn 6,22-27

S. Chrys. (hom. 43 sur S. Jean). Notre-Seigneur n'a pas fait connaître clairement au peuple comment il avait marché sur la mer, mais il le lui a laissé soupçonner à en juger par ces paroles de l'Évangéliste: «Le lendemain, le peuple qui était demeuré de l'autre côté de la mer, vit que Jésus n'était point entré dans la seule barque qui était près du rivage», etc. Cette manière de parler indique que le peuple pouvait présumer que le Sauveur avait traversé la mer à pied. Et on ne peut dire ici qu'il était monté dans une autre barque puisqu'il n'y en avait qu'une seule dans laquelle ses disciples étaient montés, sans que Jésus fût monté avec eux.

S. Aug. (Traité 25 sur S. Jean). Notre-Seigneur leur suggère donc l'idée de ce grand miracle. D'autres barques arrivèrent près du lieu où ils avaient mangé le pain que le Sauveur leur avait donné, et le peuple monta dans ces barques pour aller à la recherche de Jésus: «D'autres barques suivirent, etc., et ils se dirigèrent vers Capharnaüm pour chercher Jésus». - S. Chrys. (hom. 42). Et cependant après un si grand miracle, ils ne lui demandent pas comment il a traversé la mer, ni la manière dont s'est opéré ce prodige extraordinaire: «Et l'ayant trouvé au-delà de la mer, ils lui dirent: Maître, quand êtes-vous venu ici ?» A moins qu'on ne prenne ici le mot quand dans le sens de comment. Ils font ici preuve d'une habileté remarquable; ils proclamaient précédemment que c'était un prophète, ils s'étaient concertés pour le faire roi, ils le trouvent aujourd'hui et ne lui découvrent rien de ce dessein. - S. Aug. Voici celui qui s'était enfui sur la montagne, dans la crainte que le peuple ne le fît roi, qui s'entretient maintenant avec le peuple, ils peuvent se saisir de sa personne et le proclamer roi. Mais Jésus, après le miracle plein de mystère qu'il a opéré, leur adresse ses enseignements, afin de nourrir de sa doctrine divine l'âme de ceux dont il a nourri miraculeusement le corps.

Alcuin. Celui qui nous a enseigné par son exemple à fuir la louange et les honneurs de la terre, apprend également aux docteurs comment ils doivent remplir le ministère de la prédication.

S. Chrys. (hom. 44). La mansuétude et la douceur ne sont pas toujours utiles, lorsque vous avez affaire à un disciple d'un esprit lent et peu ouvert encore, il faut le presser avec l'aiguillon; c'est ce que fait ici le Fils de Dieu. La multitude accourt à lui et cherche à le flatter en lui disant: «Maître, quand donc êtes-vous venu ici ?» et il ne répond à cette question que par un reproche pour montrer qu'il ne désire nullement l'honneur qui vient des hommes, mais qu'il ne cherche que leur salut, aussi il ne se contente pas de blâmer leur conduite, il dévoile les pensées les plus secrètes de leur coeur: «Jésus leur répondit: En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez non parce que vous avez vu des miracles», etc. - S. Aug. C'est-à-dire: En me cherchant, vous obéissez aux instincts de la chair, et non aux désirs de l'esprit.

S. Chrys. (hom. 44). Aux reproches Notre-Seigneur ajoute l'enseignement de la doctrine: «Travaillez pour avoir, non la nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle». C'est-à-dire: Vous cherchez la vie matérielle et périssable, mais mon intention en nourrissant vos corps a été de vous inspirer le désir de cette nourriture qui donne non point la vie du temps, mais la vie éternelle. - Alcuin. La nourriture matérielle n'alimente et n'entretient que le corps, et encore n'atteint-elle ce but qu'à la condition d'être renouvelée tous les jours, mais la nourriture spirituelle demeure éternellement et nous donne une satiété perpétuelle et une vie qui n'a d'autre terme que l'éternité.

S. Aug. (Traité 25). Il fait pressentir qu'il est lui-même cette nourriture comme il le déclarera plus ouvertement dans la suite de son discours, et il semble leur dire: Vous me cherchez pour toute autre chose que moi, cherchez-moi donc pour moi-même.

S. Chrys. (hom. 44). Mais comme il en est qui voudraient s'autoriser de ces paroles pour mener une vie toute de paresse et d'oisiveté, il est nécessaire de leur rappeler ce que dit saint Paul: «Que celui qui dérobait ne dérobe plus, mais qu'il s'occupe en travaillant des mains à quelque ouvrage bon et utile, pour avoir de quoi donner à ceux qui sont dans l'indigence» (Ep 4,28). Et lui-même lorsqu'il vint à Corinthe, demeurait chez Aquila et Priscille et travaillait de ses mains (Ac 18). Ces paroles: «Ne travaillez pas pour avoir la nourriture qui périt», n'autorisent en aucune façon la paresse et l'oisiveté, mais nous font un devoir de travailler et de distribuer le fruit de notre travail. C'est là en effet la nourriture qui ne périt pas, tandis que travailler pour la nourriture qui périt, c'est être dominé par l'amour des choses de la terre. Jésus leur tient ce langage parce qu'ils n'avaient aucun souci de la foi, et qu'ils ne songeaient qu'à se rassasier sans travailler, c'est ce qu'il appelle la nourriture qui périt. - S. Aug. De même qu'il avait dit précédemment à la Samaritaine: «Si vous saviez quel est celui qui vous demande à boire, vous lui en auriez demandé vous-même et il vous eût donné une eau vive» (Jn 4,10). Il ajoute ici: «Cette nourriture que le Fils de l'homme donnera».

Alcuin. Lorsque vous recevez le corps de Jésus-Christ des mains du prêtre, faites attention non au prêtre que vous voyez, mais à celui que vous ne voyez pas. Le prêtre n'est que le dispensateur de cette nourriture, il n'en est pas l'auteur. Or le Fils de l'homme se donne à nous, afin qu'il demeure en nous, et que nous demeurions en lui. Ne considérez pas ce Fils de l'homme comme un des enfants ordinaires des hommes, il en a été séparé par une grâce toute particulière qui l'a placé en dehors de tous les autres; ce Fils de l'homme est tout ensemble le Fils de Dieu, comme il le déclare dans ce qui suit: «Car c'est lui que le Père a marqué de son sceau». Marquer d'un sceau, c'est appliquer un signe, et Notre-Seigneur semble dire: Gardez-vous de me mépriser, parce que je suis le Fils de l'homme, car je suis le Fils de l'homme marqué du sceau de Dieu le Père, c'est-à-dire qu'il a imprimé sur moi un signe qui me distingue de tout le reste du genre humain, et qui me constitue son libérateur.

S. Hil. (de la Trin., 8) Les sceaux ont cette propriété de reproduire parfaitement la figure dont ils portent l'empreinte, et de la conserver néanmoins tout entière. Ils reçoivent cette empreinte gravée à leur surface, et la reproduisent dans toute son intégrité. Cette comparaison ne peut donc être appliquée à la génération divine, car dans les sceaux il y a la matière, la différence entre l'original et l'empreinte et l'impression qui reproduit sur une matière plus molle l'empreinte gravée sur un métal plus dur. Mais lorsque le Fils de Dieu qui est devenu le Fils de l'homme pour opérer le mystère de notre salut, dit qu'il a été marqué du sceau de Dieu, il veut nous faire comprendre qu'il reproduit en lui la nature du Père, et qu'il a le pouvoir de donner la nourriture qui renferme le germe de la vie éternelle, parce qu'il contient la plénitude de la nature divine du Père qui l'a marqué de son sceau. - S. Chrys. (hom. 44). Ou bien encore il l'a marqué de son sceau, c'est-à-dire il l'a comme désigné pour nous apporter cette nourriture; ou enfin il l'a marqué de son sceau, c'est-à-dire il nous l'a fait connaître par son témoignage.

Alcuin. Dans le sens mystique, c'est le lendemain, c'est-à-dire après l'ascension de Jésus-Christ, que la multitude, qui s'applique à la pratique des bonnes oeuvres, et qui cesse d'être esclave des plaisirs des sens, attend l'arrivée de Jésus. Cette seule barque qui est sur le rivage, c'est l'Eglise qui est une; les autres barques qui surviennent sont les conventicules des hérétiques, qui recherchent leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ (Ph 2,21); et c'est avec raison qu'il leur dit: «Vous me cherchez, parce que vous avez mangé des pains».

S. Aug. (Traité 25 sur S. Jean). Combien en est-il encore qui ne cherchent Jésus que pour en obtenir des faveurs temporelles? L'un a une affaire, il vient réclamer l'appui du clergé, un autre est opprimé par un homme puissant, il s'empresse de venir réclamer le secours de l'Eglise; à peine s'en trouvent-ils qui cherchent Jésus pour lui seul.

S. Grég. (Moral., 23, 17 ou 20). Cette multitude représente encore ceux qui, au sein même de la sainte Eglise, s'attirent la haine de Dieu en recevant les ordres sacrés qui les rapprochent de Dieu, sans s'occuper des vertus qu'exigent les saints ordres, et en n'y cherchant qu'un moyen de subvenir aux besoins de la vie présente. On suit le Seigneur pour le pain dont on a été rassasié, lorsqu'on ne demande à la sainte Eglise que les biens et les aliments temporels; on le cherche à cause des pains, et non pour ses miracles, lorsqu'on aspire au ministère sacré, non pour y pratiquer la vertu dans un degré plus excellent, mais pour un intérêt tout matériel. - Bède. Ceux encore qui demandent dans leurs prières les biens temporels plutôt que les biens de l'éternité, cherchent Jésus, non pour Jésus, mais pour toute autre chose. Nous voyons ici, en figure, que les conciliabules des hérétiques ne peuvent avoir pour hôtes ni Jésus-Christ, ni ses disciples; ces autres barques qui surviennent, ce sont les hérésies que l'on voit surgir tout d'un coup. Cette foule qui reconnaît que ni Jésus ni ses disciples n'étaient là, représente ceux qui, reconnaissant les erreurs des hérétiques, les abandonnent pour venir embrasser la vraie foi.


vv. 28-34

12628 Jn 6,28-34

Alcuin. Ils comprirent que cette nourriture, qui demeure pour la vie éternelle, c'était l'oeuvre de Dieu, et ils demandent ce qu'ils doivent faire pour travailler à se procurer cette nourriture, c'est-à-dire pour opérer l'oeuvre de Dieu: «Ils lui dirent donc: Que ferons-nous pour opérer les oeuvres de Dieu ?» - Bède. C'est-à-dire, quels préceptes devrons-nous observer pour accomplir les oeuvres de Dieu? - S. Chrys. (hom. 45). Ils lui faisaient cette question, non dans le dessein de s'instruire et d'agir en conséquence, mais pour l'amener à reproduire le miracle de la multiplication des pains. - Théophyl. Bien que Jésus-Christ connût parfaitement l'inutilité de ses enseignements pour ce peuple grossier, il ne laisse pas de lui répondre pour l'utilité générale; et il lui apprend ainsi qu'à tous les hommes quelle est cette oeuvre de Dieu: «Jésus répondit: L'oeuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé». - S. Aug. (Traité 25). Il ne dit pas: C'est que vous croyiez à lui, mais: «C'est que vous croyiez en lui». On peut croire à Jésus-Christ, sans croire immédiatement en lui; ainsi les démons croyaient à Jésus-Christ, sans cependant croire en lui; ainsi nous croyons à Paul, sans pour cela croire en Paul. Croire en Jésus-Christ, c'est donc l'aimer en croyant, c'est unir la foi à l'amour, c'est s'unir à lui par la foi et faire partie du corps dont il est le chef. C'est la foi que Dieu exige de nous, et qui opère par la charité (Ga 5,6). Cependant la foi est distincte des oeuvres, selon la doctrine de l'Apôtre: «L'homme est justifié par la foi, sans les oeuvres de la loi» (Rm 3,28). Il est des oeuvres qui paraissent bonnes, quoique séparées de la foi en Jésus-Christ, mais elles ne le sont pas en réalité, parce qu'elles ne se rapportent pas à la fin qui les rend véritablement bonnes: «Car Jésus-Christ est la fin de la loi, pour justifier tout homme qui croit» (Rm 10,4). Voilà pourquoi Notre-Seigneur n'a pas voulu distinguer la foi des oeuvres, mais qu'il a déclaré que la foi est l'ouvrage de Dieu; car c'est la foi qui opère par la charité. Et il ne dit pas: Votre oeuvre, mais: «L'oeuvre de Dieu est que vous croyiez en lui», afin que celui qui se glorifie, ne se glorifie que dans le Seigneur (2Co 10,17). Croire en lui, c'est donc manger la nourriture qui demeure pour la vie éternelle. Pourquoi préparer vos dents et votre estomac? Croyez, et vous avez mangé. A cause de cette invitation que le Sauveur leur fait de croire en lui, ils répondent en demandant de nouveaux miracles pour appuyer leur foi; car c'est le propre des Juifs de demander des miracles: «Ils lui répartirent: Quel miracle faites-vous, pour que, le voyant, nous croyions en vous ?» (Jn 6,30)

S. Chrys. (hom. 45). Rien de plus déraisonnable à des hommes qui ont pour ainsi dire un miracle entre les mains, que de tenir un pareil langage, comme s'ils n'avaient jamais été les témoins d'aucun miracle. Ils ne laissent même pas au Sauveur le choix du miracle, mais ils veulent le mettre dans la nécessité de n'opérer d'autre prodige que celui qui a été fait en faveur de leurs ancêtres: «Nos pères ont mangé la manne dans le désert». - Alcuin. Et pour ne point exposer cette manne au mépris, ils la relèvent par l'autorité du Psalmiste en ajoutant: «Ainsi qu'il est écrit: Il leur a donné à manger le pain du ciel» (Ps 77,24) -

S. Chrys. (hom. 45). Parmi tant de miracles que Dieu opéra dans l'Egypte, dans la mer Rouge, dans le désert, ils rappellent de préférence le souvenir du miracle de la manne, dont leurs instincts sensuels leur faisaient désirer le retour. Remarquez qu'ils n'attribuent point ce miracle à Dieu, pour ne point paraître égaler le Sauveur à Dieu, ils ne présentent point non plus Moïse comme en étant l'auteur, parce qu'ils ne veulent point humilier Jésus-Christ; ils échappent à cette double difficulté en disant: «Nos pères ont mangé la manne dans le désert».

S. Aug. (Traité 25). Ou bien encore, Notre-Seigneur se posait comme supérieur à Moïse, car jamais Moïse n'osa dire de lui qu'il donnait la nourriture qui ne périt point. Au souvenir donc des grands miracles opérés par Moïse, ils en voulaient de plus grands encore, et semblaient dire au Sauveur: Vous promettez la nourriture qui ne périt point, et vous êtes loin de faire des miracles semblables à ceux de Moïse, ce ne sont point des pains d'orge qu'il a donnés au peuple de Dieu, mais la manne qui tombait du ciel.

S. Chrys. (hom. 45). Notre-Seigneur aurait pu leur répondre que Moïse avait fait de plus grands miracles que celui de la manne; mais ce n'était pas le moment de leur parler de la sorte, il n'avait en vue qu'une seule chose, c'était de leur inspirer le désir de la nourriture spirituelle: «Jésus leur répondit donc: En vérité, en vérité, je vous le dis, Moïse ne vous a point donné le pain du ciel», etc. La manne ne venait donc point du ciel, et si l'Ecriture dit qu'elle venait du ciel, c'est dans le même sens qu'elle appelle les oiseaux, les oiseaux du ciel (Ps 8), et qu'elle dit ailleurs: «Le Seigneur a tonné du haut du ciel» (Ps 17,14 Si 46,17). Le Sauveur dit que la manne n'était pas un pain véritable, non pas que la manne ne fût vraiment miraculeuse, mais parce que c'était une figure et non la vérité. Remarquez encore qu'il ne se met pas en opposition avec Moïse, c'est Dieu qu'il oppose à Moïse, et il se met lui-même à la place de la manne. - S. Aug. (Traité 25). Voici le vrai sens des paroles du Sauveur: La manne était le symbole de la nourriture dont je viens de vous parler, et toutes ces choses étaient des figures de la vérité qui devait s'accomplir en moi; vous vous attachez aux figures, et vous n'avez que du mépris pour la vérité. C'est Dieu, en effet, qui donne le pain figuré par la manne, c'est-à-dire, Notre-Seigneur Jésus-Christ: «Car le pain véritable est celui qui descend du ciel et donne la vie au monde». - Bède. Le monde doit s'entendre ici non pas des éléments qui le composent, mais des hommes qui l'habitent. - Théophyl. Notre-Seigneur déclare qu'il est le pain véritable, parce que le premier et le principal objet figuré par la manne, c'était le Fils unique de Dieu fait homme. Le mot manne signifie en effet: Qu'est-ce que cela? Car les Juifs ayant vu la manne tomber du ciel, se disaient l'un à l'autre dans leur étonnement: «Quelle chose est-ce là ?» (Ex 16) Or, le Fils de Dieu fait homme est par-dessus tout cette manne, objet d'étonnement pour les Juifs, qui se demandaient aussi les uns les autres: «Qu'est-ce que cela veut dire? Comment le Fils de Dieu peut-il être le Fils de l'homme? Comment deux natures ne forment-elles qu'une seule personne ?» - Alcuin. Il est descendu des cieux en se revêtant de notre humanité, et c'est la divinité qui s'en est revêtue qui donne la vie au monde.

Théophyl. Ce pain, qui de sa nature est la vie, parce qu'il est le Fils du Dieu vivant, fait l'oeuvre qui lui est propre, en donnant la vie à tout ce qui existe; de même, en effet, que le pain matériel conserve la vie du corps, ainsi Jésus-Christ donne la vie à l'âme par les secrètes opérations de l'Esprit. Il communique même au corps un principe d'incorruptibilité, qu'il lui assure par sa résurrection, et c'est en ce sens qu'il donne la vie au monde. - S. Chrys. (hom. 45). Et ce n'est pas seulement aux Juifs, mais à tous les hommes répandus sur la surface de la terre. Mais ceux qui l'écoutaient ne portaient pas encore leurs pensées si haut: «Ils lui dirent donc: Seigneur, donnez-nous ce pain». Il vient de leur déclarer que c'était son Père qui leur donnait ce pain, et ils ne lui disent pas: Priez-le de nous le donner, mais: «Donnez-nous ce pain». À l'exemple de la Samaritaine, qui avait pris dans un sens matériel ces paroles du Sauveur: «Celui qui boira de cette eau n'aura jamais soif», (Jn 4,14) et qui lui disait pour se mettre à l'abri du besoin: «Donnez-moi de cette eau»; les Juifs disent à Jésus: «Donnez-nous toujours ce pain pour nous soutenir».



vv. 35-40

12635 Jn 6,35-40

S. Chrys. (hom. 45 sur S. Jean). Notre-Seigneur, sur le point d'initier les Juifs à la connaissance de ses mystères, commence par établir sa divinité et leur dit: «Je suis le pain de vie» (Jn 6,35), paroles qui ne s'appliquent point à son corps, dont il dira plus tard: «Le pain que je donnerai, c'est ma chair». Il leur parle donc de sa divinité, car c'est par suite de son union avec le Verbe que la chair est un véritable pain qui devient le pain du ciel pour celui qui reçoit l'Esprit lui-même. - Théophyl. Il ne dit point: Je suis le pain qui sert d'aliment, mais: «Je suis le pain de vie» (Jn 6,35). Tout était devenu la proie de la mort, et c'est par lui-même que Jésus-Christ nous a rendu la vie; et la vie que ce pain soutient et alimente n'est pas cette vie naturelle et passagère, mais la vie sur laquelle la mort n'a aucun empire. C'est pour cela qu'il ajoute: «Celui qui vient à moi, c'est-à-dire, celui qui croit en moi n'aura jamais soif» (Jn 6,35). Ces paroles: «Il n'aura jamais faim», doivent être entendues dans le même sens que ces autres: «Il n'aura jamais soif» (Jn 6,35), elles expriment ce rassasiement éternel qui ne laisse place à aucun besoin, à aucun désir.

Théophyl. Ou bien il n'aura jamais ni faim ni soif, c'est-à-dire, qu'il n'éprouvera jamais aucun dégoût, aucune langueur pour entendre la parole de Dieu, et qu'il ne souffrira jamais de la soif spirituelle, comme ceux qui n'ont point été régénérés dans l'eau du baptême et qui n'ont point été sanctifiés par l'Esprit saint.

S. Aug. (Traité 25). Vous désirez donc le pain du ciel que vous avez devant vous, mais vous ne le mangez pas. «Je vous l'ai dit, vous m'avez vu et vous ne croyez point» (Jn 6,36). - Alcuin. Si je m'exprime de la sorte, ce n'est pas que j'espère que vous chercherez à vous rassasier de ce pain, mais c'est bien plutôt pour condamner votre incrédulité qui, tout en me voyant, refuse de croire en moi. - S. Chrys. (hom. 45). Ou bien, Notre-Seigneur fait ici allusion au témoignage des Écritures dont il a dit plus haut: «Les Écritures rendent témoignage de moi»; et encore à ces autres paroles: «Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m'avez pas reçu», etc. Quant à ce qu'il leur dit ici: «Parce que vous m'avez vu et vous n'avez pas cru»; il veut parler en termes couverts des miracles qu'il a opérés sous leurs yeux.

S. Aug. (Traité 25). Cependant je n'ai point perdu le peuple de Dieu tout entier, parce que vous avez vu et que vous n'avez pas cru: «Car tout ce que me donne mon Père viendra à moi, et celui qui vient à moi je ne le rejetterai pas dehors». - Bède. Il dit en termes absolus: «Tout ce que me donne mon Père», c'est-à-dire, la plénitude des fidèles. Ce sont ceux que le Père donne au Fils, lorsque, par une inspiration secrète, il les fait croire au Fils. - Alcuin. Celui donc que le Père attire à la foi qui le fait croire en moi, viendra à moi par la foi pour entrer en union avec moi, et je ne rejetterai pas dehors celui que les pas de la foi et des bonnes oeuvres conduiront jusqu'à moi, c'est-à-dire, qu'il demeurera avec moi dans le secret d'une conscience pure, et je finirai par le recevoir dans l'éternelle béatitude. - S. Aug. (Traité 25). Cette retraite intérieure, d'où l'on n'est point chassé dehors, est un sanctuaire profond et une douce solitude sans aucun ennui, sans l'amertume des mauvaises pensées, sans les agitations des tentations et des douleurs, et c'est de cette retraite intérieure que Notre-Seigneur a voulu parler lorsqu'il dit: «Entrez dans la joie de votre maître» (Mt 25).

S. Chrys. (hom. 45). Ces expressions: «Tout ce que me donne mon Père», prouvent que la foi en Jésus-Christ n'est point une chose ordinaire et facile, ni qui soit l'oeuvre exclusive de notre volonté, elle demande en même temps une révélation supérieure et une âme sincèrement disposée à recevoir cette révélation. Il suit de là que ceux à qui le Père ne donne point cette grâce ne sont pas à l'abri de toute accusation, car nous avons aussi besoin de notre volonté pour croire. Notre-Seigneur condamne en même temps leur incrédulité, en montrant que celui qui ne croit point en lui, va contre la volonté de son Père. Saint Paul dit de son côté, que c'est lui-même qui donne les fidèles à son Père: «Ensuite viendra la fin de toutes choses, lorsqu'il aura remis son royaume à Dieu son Père» (1Co 15,24). Le Père, lorsqu'il donne, ne se dépouille pas de ce qu'il donne, il en est de même du Fils; et s'il est dit de lui qu'il nous remet entre les mains de son Père, parce que c'est lui qui nous amène à son Père; il est aussi écrit du Père: «C'est par lui que nous avons été appelés dans la société de son Fils» (1Jn 1). Celui donc qui croit en moi sera sauvé, car c'est pour les hommes que je suis venu sur la terre, et que je me suis incarné: «Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m'a envoyé». Quoi donc ! est-ce que votre volonté est différente de celle de Dieu? Notre-Seigneur va au-devant de cette pensée, en ajoutant: «Or, la volonté de mon Père, qui m'a envoyé, est que, quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle»; donc c'est aussi la volonté du Fils, puisque le Fils donne la vie à ceux qu'il veut. Tel est donc le sens de ces paroles: Je ne suis point venu faire autre chose que ce que veut le Père, et je n'ai point d'autre volonté que la sienne: «Car tout ce qui est à mon Père, est également à moi»; ce qu'il réserve de dire à la fin de son discours, car il voile de temps en temps les vérités trop relevées pour l'intelligence de ses auditeurs.

S. Aug. (Traité 25). Ou bien encore, le Sauveur donne ici la raison pour laquelle il ne rejette pas dehors celui qui vient à lui: «C'est parce que je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m'a envoyé». L'âme est sortie de Dieu, parce qu'elle était orgueilleuse, c'est par l'orgueil que nous avons été chassés dehors, c'est par l'humilité seule que nous pouvons rentrer. Lorsqu'un médecin qui entreprend la guérison d'une maladie, guérit la maladie elle-même, sans guérir la cause qui l'a produite, la guérison n'est que momentanée, et le mal revient sous l'action de la cause qui persévère. Or, c'est pour guérir la cause de toutes les maladies; c'est-à-dire, l'orgueil, que le Fils de Dieu est descendu des cieux, et qu'il s'est profondément humilié. Pourquoi donc vous enorgueillir, ô homme? C'est pour vous que le Fils de Dieu s'est réduit à cet état d'humiliation. Peut-être rougirez-vous d'imiter l'exemple de l'humilité qui vous serait donné par un homme, imitez-le du moins quand cet exemple vous est donné par un Dieu, qui vous recommande si hautement l'humilité en vous disant: «Je suis venu, non pour faire ma volonté, mais pour faire la volonté de celui qui m'a envoyé». L'orgueil, en effet, ne veut faire que sa volonté, l'humilité, au contraire, fait la volonté de Dieu.

S. Hil. (de la Trin., 3) En s'exprimant de la sorte, le Sauveur ne veut point dire qu'il fait ce qu'il ne veut pas, mais il fait paraître son obéissance dans sa soumission à la volonté de son Père, volonté qu'il veut accomplir dans toute sa perfection. - S. Aug. (Traité 25). Celui-là donc qui viendra à moi, je ne le rejetterai pas dehors, parce que je ne suis pas venu pour faire ma volonté; humble moi-même, je suis venu enseigner l'humilité; celui qui vient à moi s'unit et s'incorpore à moi, parce qu'il ne fait pas sa volonté, mais celle de Dieu, et c'est pour cela qu'il ne sera pas jeté dehors, car l'orgueil seul l'avait chassé dehors. On ne peut venir à moi qu'à la condition d'être humble, et on n'est rejeté dehors que par l'orgueil: celui qui pratique l'humilité ne tombe jamais des hauteurs de la vérité. Mais pour quelle raison ne jette-t-il pas dehors celui qui vient à lui, parce qu'il n'est pas venu faire sa volonté? La voici: «Car la volonté de mon Père qui m'a envoyé, est que je ne perde aucun de ceux qu'il m'a donnés». Celui qui est donné à Jésus-Christ est celui qui est resté fidèle à la pratique de l'humilité: «Votre Père qui est dans les cieux ne veut pas qu'il se perde un seul de ces petits» (Mt 18,14). Il en peut périr parmi les orgueilleux, mais aucun de ceux qui sont petits ne périt, car il faut devenir semblable à ce petit pour entrer dans le royaume des cieux (Mt 18,3-5). - S. Aug. (de la correct, et de la grâce, chap. 9) Ceux donc, qui dans les décrets de la providence de Dieu, ont été prévus, prédestinés, appelés, justifiés, glorifiés, sont déjà enfants de Dieu, avant leur seconde naissance et même avant la première, et il est impossible qu'ils périssent, parce qu'ils sont véritablement venus à Jésus-Christ. C'est lui donc qui leur donne la persévérance finale dans le bien, car elle n'est donnée qu'à ceux qui ne doivent point périr. Quant à ceux qui ne persévèrent point, leur perte est certaine.

S. Chrys. (hom. 45 sur S. Jean). Lorsque Notre-Seigneur dit: «Je ne perdrai aucun d'eux»; ce n'est pas qu'il ait besoin d'eux, mais en s'exprimant de la sorte, il fait voir le désir qu'il a de leur salut. Après avoir dit: «Je n'en perdrai aucun, et je ne le jetterai pas dehors»; il ajoute: «Mais je le ressusciterai au dernier jour». C'est qu'en effet, à la résurrection générale, les méchants seront jetés dehors, selon ces paroles du Sauveur: «Prenez-le, et jetez-le dans les ténèbres extérieures» (Mt 22,13 Mt 25,30). Vérité que confirment ces autres paroles: «Lui qui peut précipiter dans la géhenne l'âme et le corps» (Mt 10). Il ramène souvent la pensée de la résurrection, pour que les hommes ne jugent pas la conduite de la Providence divine par les seules choses présentes, et pour qu'ils vivent dans l'attente d'une autre vie.

S. Aug. (Traités 23 et 25). Voyez comme il parle ici en termes précis de cette double résurrection: «Celui qui vient à moi ressuscite dès maintenant, en partageant l'humilité de mes membres»; et de plus: «Je le ressusciterai au dernier jour». Pour expliquer davantage ce qu'il venait de dire: «Tout ce que mon Père m'a donné;» et encore: «Je ne perdrai aucun d'eux». Notre-Seigneur ajoute: «Telle est la volonté de mon Père qui m'a envoyé, que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle». Il avait dit précédemment: «Celui qui écoute ma parole et qui croit à celui qui m'a envoyé». Ici au contraire: «Celui qui voit le Fils et qui croit en lui». Il ne dit point: Et qui croit dans le Père, parce que croire dans le Fils et croire dans le Père, sont une seule et même chose; car de même que le Père a la vie en lui-même, il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même; et ainsi celui qui voit le Fils et qui croit en lui, a la vie éternelle, en arrivant par la foi à la vie qui est comme la première résurrection. Mais cette première résurrection n'est pas la seule, aussi Notre-Seigneur ajoute: «Et je le ressusciterai au dernier jour».


vv. 41-46

12641 Jn 6,41-46

S. Chrys. (hom. 46 sur S. Jean). Les Juifs qui espéraient recevoir une nourriture matérielle, ne commencèrent à se troubler que lorsque cette espérance leur fut enlevée: «Cependant les Juifs murmuraient contre lui, parce qu'il avait dit: Je suis le pain vivant», etc. La cause apparente de leur trouble, c'est que Notre-Seigneur leur déclarait qu'il était descendu du ciel, mais la cause véritable, c'est qu'ils avaient perdu l'espérance de la nourriture matérielle qu'ils attendaient. Cependant le miracle qu'il venait d'opérer leur inspirait encore pour lui quelque respect, voilà pourquoi ils n'osent le contredire ouvertement, ils se contentent de témoigner leur désapprobation par leurs murmures. Quel était l'objet de ces murmures, le voici: «Et ils disaient: Est-ce que ce n'est pas là Jésus, fils de Joseph ?» - S. Aug. (Traité 26 sur S. Jean). Ils étaient encore loin du pain du ciel, et ils n'en connaissaient pas le désir; car ce pain exige la faim de l'homme intérieur. - S. Chrys. (hom. 46). Il est évident qu'ils ne connaissaient pas encore l'admirable génération du Sauveur, puisqu'ils l'appellent le fils de Joseph, et toutefois il ne leur en fait point de reproche, et ne leur dit point: Je ne suis pas le fils de Joseph, parce qu'ils étaient incapables de comprendre sa naissance miraculeuse; car s'ils ne pouvaient comprendre sa naissance selon la chair, à plus forte raison sa naissance éternelle et ineffable. - S. Aug. (Traité 26). Il a pris notre chair mortelle, mais non pas comme les hommes la prennent. Il avait un Père dans les cieux, et il s'est choisi une mère sur la terre; il est né sans mère dans le ciel, et sans père sur la terre. Mais quelle fut sa réponse aux murmures des Juifs? «Jésus leur répondit: Ne murmurez point entre vous», c'est-à-dire: Je sais pourquoi vous n'avez point cette faim spirituelle, et pourquoi vous ne comprenez ni ne cherchez ce pain: «C'est que personne ne peut venir à moi, si mon Père qui m'a envoyé, ne l'attire» (Jn 6,44). Quel magnifique éloge de la grâce ! Nul ne vient, s'il n'est attiré; ne cherchez point à savoir et à juger qui est attiré, et qui ne l'est pas; pourquoi Dieu attire celui-ci plutôt que celui-là, si vous ne voulez vous égarer, et contentez-vous d'entendre cette vérité: Vous n'êtes point encore attiré, priez Dieu qu'il vous attire.

S. Chrys. (hom. 46). Les Manichéens saisissent avidement ces paroles pour nous objecter que notre libre arbitre n'a aucune puissance. Cependant Notre-Seigneur ne veut pas détruire ici ce qui est en nous, mais nous montrer simplement le besoin que nous avons du secours de Dieu, et il veut parler ici non de celui qui vient malgré lui, mais de celui qui rencontre de grands obstacles. - S. Aug. Si nous sommes attirés malgré nous à Jésus-Christ, c'est donc aussi malgré nous que nous croyons. C'est donc ici l'oeuvre de la violence et non de la volonté; mais on ne peut entrer dans l'Eglise qu'autant qu'on le veut, on ne peut croire que parce qu'on le veut, «car il faut croire de coeur pour obtenir la justice» (Rm 10,10). Si donc celui qui est attiré vient malgré lui, il n'a point la foi; s'il n'a point la foi, il ne vient pas. En effet, ce n'est pas en marchant que nous approchons de Jésus-Christ, mais en croyant; ce n'est point par un mouvement de notre corps, mais par la volonté de notre coeur. C'est donc par la volonté que nous sommes attirés. Comment sommes-nous attirés par la volonté? «Mettez vos délices dans le Seigneur, et il vous accordera ce que votre coeur demande» (Ps 36,4). Il y a une certaine volupté du coeur pour celui qui goûte la douceur de ce pain céleste. Or, si le poète a pu dire: «Chacun est entraîné par son plaisir», à combien plus juste titre pouvons-nous dire que l'homme qui place ses délices dans la vérité, dans la béatitude, dans la justice, dans la vie éternelle, est véritablement attiré vers le Christ; car toutes ces choses c'est le Christ. Dira-t-on que les sens du corps ont leurs voluptés, et que l'âme n'en a point qui lui soient propres? Donnez-moi une âme qui aime, donnez-moi une âme qui désire, une âme fervente, une âme qui se regarde comme exilée et qui ait faim et soif dans la solitude de cette vie, une âme qui soupire après la fontaine de l'éternelle patrie, et elle comprendra ce que je dis. Mais pourquoi Notre-Seigneur s'exprime-t-il de la sorte: «Si mon Père ne l'attire ?» S'il faut que nous soyons attirés, soyons-le par celui à qui l'Epouse des cantiques a dit: «Attirez-moi après vous» (Ct 1,3). Mais examinons le véritable sens de ces paroles. Le Père attire au Fils ceux qui croient au Fils, parce qu'ils pensent qu'il a Dieu pour Père. En effet, Dieu le Père a engendré un Fils qui lui est égal, et celui qui pense et médite attentivement dans la foi de son âme, que celui en qui il met sa foi est égal au Père, est attiré par le Père vers le Fils. Arius ne voit en lui qu'une créature; le Père ne l'a pas attiré. Photius dit que le Christ n'est qu'un homme, celui qui partage ses sentiments n'est pas attiré par le Père. Dieu le Père attire Pierre, lorsqu'il dit: «Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant» (Mt 16,16). Aussi que lui répond Notre-Seigneur: «Ce n'est point la chair et le sang qui vous l'ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux» (Mt 16,17). Il l'attire par là même qu'il lui révèle; car si les révélations qui ont lieu parmi les jouissances de la terre sont assez fortes pour entraîner ceux qui aiment, comment supposer que Jésus-Christ, révélé par le Père, n'ait pas la même force pour nous entraîner? Qu'est-ce que l'âme désire plus vivement que la vérité? Mais ici les hommes sont tourmentés par la faim et la soif de la vérité, ce n'est que dans le ciel que leurs désirs seront rassasiés, c'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute: «Et je le ressusciterai au dernier jour». La soif qu'il éprouve ici-bas sera rassasiée à la résurrection des morts, parce que je le ressusciterai.

S. Aug. (Quest. sur le Nouv. et l'Ane. Test., chap. 27) Ou bien encore, le Père attire au Fils par les oeuvres qu'il faisait par le Fils. - S. Chrys. (hom. 46). Qu'elle est grande la dignité du Fils, puisqu'il ressuscite ceux que le Père lui amène, que ses oeuvres ne sont point séparées de celles du Père, et qu'il nous montre ici la parfaite égalité de sa puissance avec celle du Père. Mais de quelle manière le Père attire au Fils? la voici: «Et il est écrit dans les prophètes: Et ils seront tous enseignés de Dieu». Voyez ici la dignité de la foi, ce n'est point des hommes, ni par le moyen des hommes, qu'elle nous est enseignée, Dieu seul en est le souverain maître, toujours prêt à répandre sur tous les hommes ses grâces aussi bien que sa doctrine. Mais si tous sont enseignés de Dieu, comment expliquer l'incrédulité d'un certain nombre? L'expression tous doit s'entendre de plusieurs, ou bien de tous ceux qui ont la bonne volonté. - S. Aug. (de la prédest., chap. 8) On peut encore l'entendre dans un autre sens: Lorsqu'un maître de belles-lettres est seul dans une ville, nous disons: Il enseigne les lettres à tout le monde, non pas que tous les habitants de la ville les apprennent, mais parce que ceux qui veulent les apprendre n'ont que lui pour maître; de même nous disons ici que Dieu enseigne à tous les hommes à venir à Jésus-Christ, non pas que tous soient dociles à ses enseignements, mais parce que personne ne peut venir par une autre voie. - S. Aug. (Traité 26). Ou bien encore, tous les hommes de ce royaume seront enseignés de Dieu, dans ce sens que les hommes ne seront point leur véritable maître. Sans doute, ce sont les hommes qui leur enseignent extérieurement la doctrine qu'ils cherchent à comprendre, mais c'est au dedans que l'intelligence en est donnée, au dedans que la lumière brille, au dedans que la révélation se fait. Le bruit de mes paroles vient frapper vos oreilles, mais si le maître intérieur n'en révèle le sens, qu'est-ce que je dis? que sont mes paroles? Notre-Seigneur dit donc aux Juifs: «Et ils seront tous enseignés de Dieu», c'est-à-dire: Comment, Juifs, pouvez-vous me connaître, vous que le Père n'a pas enseignés ?

Bède. Notre-Seigneur dit au pluriel: «Il est écrit dans les prophètes», parce que tous les prophètes, remplis d'un seul et même esprit, tendaient au même but, bien que l'objet de leurs prophéties fût différent. Aussi tous les prophètes s'accordent avec chacun d'entre eux, c'est ainsi que le prophète Joël s'accorde avec le prophète qui a dit: «Ils seront tous enseignés de Dieu». - Glose. On ne trouve pas ces paroles dans Joël, mais on y lit quelque chose de semblable: «Enfants de Sion, faites éclater votre joie, livrez-vous à votre allégresse, à la présence du Seigneur votre Dieu, parce qu'il vous a donné un docteur de justice» (Jl 2,23). Cependant cette pensée se trouve plus explicitement exprimée dans Isaïe, lorsqu'il dit: «Je rendrai tous tes enfants disciples de Dieu» (Is 54,13). - S. Chrys. (hom. 46). C'est qu'en effet avant Jésus-Christ, c'étaient les hommes qui enseignaient les vertus divines, maintenant, au contraire, c'est le Fils unique de Dieu et l'Esprit Saint.

S. Aug. (de la prédestin., chap. 8) Tous ceux qui sont ainsi enseignés de Dieu, viennent au Fils, parce que le Père les a instruits et enseignés par le Fils: «Quiconque a entendu le Père et appris de lui, vient à moi». Si tout homme qui a entendu le Père et appris de lui, vient au Fils, tous ceux qui ne l'ont pas entendu sont privés d'enseignement. Que cette école céleste dans laquelle le Père se fait entendre, et apprend à venir au Fils, est éloignée des sens de la chair ! Ce n'est point à l'oreille du corps qu'il s'adresse, mais à l'oreille du coeur, là où est le Fils lui-même, parce qu'il est le Verbe, par lequel le Père enseigne; là où est aussi l'Esprit saint, car la foi nous apprend que les oeuvres de la Trinité sont indivisibles; cependant ce divin enseignement est attribué au Père, parce que le Fils procède de lui ainsi que le Saint-Esprit. Ainsi la grâce qui se répand secrètement dans les âmes par un effet de la bonté divine, n'est rejetée par aucune dureté de coeur, car son premier objet est de faire disparaître cette dureté de coeur. Pourquoi donc Dieu n'enseigne-t-il pas à tous les hommes à venir à Jésus-Christ? C'est que ceux qui sont enseignés, le sont par miséricorde, tandis que ceux qui ne le sont pas en sont privés par un juste jugement. Dirons-nous que ceux qu'il n'enseigne pas veulent cependant apprendre? On nous répondra: Et que signifient ces paroles: «O Dieu ! vous nous convertirez de nouveau vers nous, et vous nous donnerez la vie? » (Ps 84,7) Et si ce n'est pas Dieu qui inspire la bonne volonté à ceux qui ne l'ont pas, pourquoi l'Eglise prie-t-elle pour ses persécuteurs, conformément au précepte que lui en fait le Seigneur? Il n'est personne qui puisse dire: J'ai cru et c'est ma foi qui a été le principe de ma vocation, car c'est la miséricorde de Dieu qui prévient celui qui est appelé, afin qu'il puisse recevoir le don de la foi.

S. Aug. (Traité 26). Voilà donc comment le Père nous attire en nous enseignant la vérité, et sans nous imposer aucune nécessité, et il n'appartient qu'à Dieu de nous attirer ainsi: «Quiconque a entendu le Père, et appris de lui, vient à moi». Quoi donc ! est-ce que Jésus-Christ n'a rien enseigné? Mais les hommes n'ont point vu le Père se faisant leur maître, et ils ont vu le Fils qui en remplissait les fonctions à leur égard? C'était le Fils qui parlait, mais c'était le Père qui enseignait. Si donc moi qui ne suis qu'un homme, j'enseigne celui qui a entendu ma parole, à plus forte raison le Père enseigne celui qui a entendu sa parole ou son Verbe. C'est ce que le Sauveur nous explique parfaitement en ajoutant immédiatement: «Non que personne ait vu le Père, si ce n'est celui qui est de Dieu», paroles dont voici le sens: Je viens de vous dire: «Quiconque a entendu le Père et appris de lui»; n'allez pas vous tenir à vous-mêmes ce langage: Nous n'avons jamais vu le Père, comment pourrons-nous être instruits par lui? Apprenez de moi comment vous pourrez être instruits: Je connais mon Père, je viens de lui comme la parole sort de celui qui la profère, je suis non pas la parole qui retentit et qui passe, mais la parole qui demeure avec celui qui la prononce, et qui attire celui qui l'entend. - S. Chrys. (hom. 46). Tous nous venons de Dieu, mais Notre-Seigneur ne parle point ici de ce qui distingue le Fils de Dieu et lui est propre, à cause de l'esprit encore faible et grossier de ses auditeurs.



Catena Aurea 12622