Catena Aurea 12660


CHAPITRE VII


vv. 1-8

12701 Jn 7,1-8

S. Aug. (Traité 28 sur S. Jean). Les fidèles disciples de Jésus-Christ devaient dans la suite chercher dans des retraites cachées un asile contre la fureur de leurs persécuteurs, et c'est pour justifier cette fuite prudente, que Notre-Seigneur veut donner dans le chef l'exemple que devaient un jour suivre les membres: «Après cela, Jésus parcourut la Galilée, car il ne voulait point aller en Judée, parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir». - Bède. La liaison que ces paroles: «Après cela», semblent établir entre ce chapitre et le précédent, n'est pas tellement étroite, qu'on ne puisse supposer dans l'intervalle un grand nombre d'événements intermédiaires. Or, la Judée et la Galilée sont des provinces de la Palestine, la Judée tire son nom de la tribu de Juda, et cependant ce nom de Judée ne fut pas seulement donné à la contrée occupée par la tribu de Juda, mais à celle qui était échue à la tribu de Benjamin, parce que c'est de la Judée que les rois tiraient leur origine. La Galilée, au contraire, fut ainsi appelée de la blancheur du teint qui distingue ses habitants, car le mot grec ãÜëá, signifie lait en latin.

S. Aug. (Traité 28). L'Évangéliste s'exprime ici comme si Notre-Seigneur ne pouvait parcourir la Judée sans être mis à mort par les Juifs. Il manifesta, lorsqu'il le voulut, la puissance divine qui était en lui, mais il n'avait point perdu cette puissance parce qu'il voulait servir d'exemple à notre faiblesse. - S. Chrys. (hom. 48). Disons encore que Notre-Seigneur faisait paraître en lui tour à tour les caractères de sa divinité et de son humanité, il fuyait ses persécuteurs en tant qu'homme, et il se manifestait à eux comme Dieu, puisqu'il était à la fois l'un et l'autre.

Théophyl. Il se retire pour le moment dans la Galilée, parce que le temps de sa passion n'était pas encore venu. Il regardait donc comme inutile de demeurer au milieu de ses ennemis, pour ne point augmenter la haine qu'ils avaient contre lui. L'Évangéliste nous fait connaître ensuite à quelle époque de l'année on se trouvait alors: «Or, la fête des Juifs, dite Scénopégie ou des Tabernacles, était proche».

S. Aug. (Traité 28). Ceux qui ont lu les saintes Écritures savent ce que c'est que cette fête des Tabernacles. Pendant cette fête, les Juifs se construisaient des tentes semblables à celles que leurs pères avaient habitées, en traversant le désert après leur sortie d'Egypte. Ils célébraient cette fête en souvenir des bienfaits du Seigneur, eux qui bientôt devaient mettre à mort le Seigneur. L'Évangéliste appelle cette fête un jour de fête bien qu'elle durât, non pas un jour seulement, mais sept jours consécutifs.

S. Chrys. (hom. 48). Nous avons ici une preuve que l'Évangéliste passe sous silence un temps assez long de la vie du Sauveur. Lorsqu'en effet, Notre-Seigneur s'assit sur la montagne, on était près de la fête de Pâques, ici c'est la fête des Tabernacles qui était proche, et saint Jean ne mentionne d'autre fait dans les cinq mois intermédiaires entre ces deux fêtes, que le miracle de la multiplication des pains, et le discours que le Sauveur fit à ceux qu'il avait miraculeusement nourris. Il faut en conclure que les Évangélistes ne pouvaient raconter tous les miracles que le Seigneur ne cessait de faire, non plus que tous ses discours, mais qu'ils s'attachaient de préférence à ce qui était, de la part des Juifs, l'objet d'une dispute ou d'une contradiction quelconque, comme nous le voyons ici. - Théophyl. Ses frères, voyant qu'il n'était pas disposé à aller à Jérusalem, lui dirent: «Quittez ce pays et allez en Judée». - Bède. C'est-à-dire, vous faites des miracles devant un petit nombre de témoins, allez dans la ville royale où se trouvent les princes de la nation, pour recueillir la gloire qu'ils ne peuvent manquer d'accorder à l'auteur de si grands prodiges. Comme tous les disciples de Jésus ne marchaient pas à sa suite, et qu'il en était un grand nombre dans la Judée, ils ajoutent: «Afin que vos disciples voient eux aussi les oeuvres que vous faites». - Théophyl. C'est-à-dire la multitude qui s'empresse autour de vous, car ils ne veulent point parler ici des douze, mais de ceux qui accompagnaient ordinairement le Sauveur.

S. Aug. (Traité 28). Par les frères du Seigneur, vous ne devez entendre que les parents de Marie, et non aucun autre fils né de son sein; car de même que ni avant ni après la mort du Sauveur aucun corps ne fut placé dans le sépulcre où avait été déposé son corps sacré, ainsi le sein virginal ne porta aucun autre enfant soit avant soit après la naissance de Jésus: Les oeuvres du Seigneur n'étaient point cachées pour les disciples du Seigneur, mais elles demeuraient voilées pour ceux dont il est ici question. Aussi écoutez leur langage: «Afin que vos disciples eux aussi voient les oeuvres que vous faites». C'est le langage de la prudence de la chair au Verbe qui est fait chair; ils ajoutent: «Car personne n'agit en secret, lorsqu'il désire être connu». C'est-à-dire, vous opérez des prodiges, faites-les en présence des hommes pour recueillir leurs louanges. En lui parlant de la sorte, ils semblaient épouser les intérêts de sa gloire; mais comme ils recherchaient une gloire tout humaine, ils ne croyaient pas en lui: «Car ses frères mêmes, dit l'Évangéliste, ne croyaient pas en lui». Ils étaient unis à Jésus-Christ par les liens du sang, mais cette parenté fut pour eux un obstacle volontaire qui les empêcha de croire en lui.

S. Chrys. (hom. 48). C'est une chose digne d'admiration de voir que les Évangélistes, dans leur amour pour la vérité, n'ont pas craint de raconter les faits qui paraissaient les plus défavorables à leur Maître, et se sont même attaché à en conserver le souvenir. En effet, l'incrédulité de ses frères ne paraissait pas fort honorable pour le Sauveur. Le langage qu'ils lui tiennent paraît inspiré par l'amitié, mais il est empreint d'un profond sentiment d'aigreur, et ils l'accusent à la fois de timidité et d'amour de la vaine gloire: «Personne, disent-ils, n'agit en secret». Voilà l'accusation de crainte et de timidité, et en même temps l'expression d'un doute sur la vérité de ses miracles. Ils ajoutent: «Lorsqu'il désire d'être connu», voilà le reproche d'aimer la vaine gloire. Cependant Jésus leur répond avec douceur, et nous enseigne par sa conduite à ne point nous irriter des conseils qui peuvent nous être donnés par des hommes peu estimables. Mais Jésus leur dit: «Mon temps n'est pas encore venu, pour vous votre temps est toujours prêt».

Bède. Ces paroles pourraient paraître contraires à ce que dit l'Apôtre: «Lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils», etc. (Ga 4) il faut donc les rapporter non pas au temps de la naissance du Sauveur, mais à celui où il devait être glorifié. - S. Aug. (Traité 28). Ils lui donnent le conseil de rechercher la gloire, obéissant en cela à des inspirations mondaines et terrestres, et ne pouvant souffrir que le Sauveur restât dans l'obscurité et l'oubli. Mais Jésus veut au contraire frayer par l'humilité le chemin qui conduit à la gloire: «Il leur dit donc: Mon temps (c'est-à-dire le temps de ma gloire, où je viendrai juger le monde avec majesté), n'est pas encore venu, mais votre temps (c'est-à-dire le temps de la gloire du monde), est toujours prêt». Puisque nous sommes le corps du Seigneur, lorsque les partisans du monde nous insultent, répondons-leur: «Votre temps est toujours prêt, notre temps n'est pas encore arrivé»; notre patrie est sur les hauteurs, le chemin qui nous y conduit est humble: celui qui refuse de suivre le chemin, c'est en vain qu'il cherche la patrie.

S. Chrys. (hom. 48). Ou bien encore, Notre-Seigneur fait allusion aux dispositions secrètes de ceux qui lui tenaient ce langage. Peut-être avaient-ils l'intention de le trahir et de le livrer aux Juifs; il leur dit donc: «Mon temps n'est pas encore venu (c'est-à-dire le temps de ma croix et de ma mort); mais votre temps est toujours prêt, car vous êtes bien toujours au milieu des Juifs», mais ils ne vous mettront point à mort, puisque vous partagez leurs sentiments. C'est pourquoi il ajoute: «Le monde ne saurait vous haïr, mais il me hait, parce que je rends de lui le témoignage que ses oeuvres sont mauvaises». C'est-à-dire, comment voulez-vous que le monde haïsse ceux qui n'ont point d'autres volontés que les siennes, et obéissent aux mêmes inclinations? Pour moi, au contraire, il me hait, parce que je le reprends de ses vices. Je suis si loin de rechercher la gloire des hommes, que je me fais un devoir de leur adresser de sévères reproches, bien que je sache qu'ils en concevront une haine violente, et qu'ils chercheront à me faire mourir. Nous avons ici une preuve que la cause de la haine des Juifs contre le Sauveur, n'était point la transgression du sabbat, mais les reproches publics qu'il leur adressait.

Théophyl. On peut dire encore que le Seigneur fait ici deux réponses aux deux accusations dont il était l'objet. On l'accusait de se laisser dominer par la crainte, et il répond en disant qu'il censure publiquement les oeuvres du monde, c'est-à-dire les oeuvres des mondains, ce qui n'est point le fait d'un homme accessible à la crainte. Il répond au reproche de vaine gloire, en les envoyant eux-mêmes à la fête: «Pour vous, allez à cette fête». S'il avait été l'esclave de la vaine gloire, il les eût retenus près de lui, car ceux qui sont dominés par cette passion aiment à se voir environnés d'un grand nombre de personnes. - S. Chrys. (hom. 48). Il s'exprime de la sorte, pour leur montrer que son intention n'est pas de les flatter, et qu'il leur laisse accomplir les observances légales. - S. Aug. Ou bien: «vous allez à cette fête où vous cherchez la gloire humaine, où vous voulez augmenter les joies de la chair au lieu de penser aux joies éternelles. Pour moi, je n'y vais point, parce que mon temps n'est pas encore accompli». - S. Chrys. (hom. 48). C'est-à-dire, je n'y vais point avec vous, parce que mon temps n'est pas encore accompli, car ce n'était qu'à la fête de Pâque suivante qu'il devait être crucifié. - S. Aug. (Traité 28). Ou bien encore, mon temps, c'est-à-dire le temps de ma gloire n'est pas encore venu, ce sera là mon véritable jour de fête, non pas une fête passagère et transitoire comme les fêtes d'ici-bas, mais une fête qui durera éternellement; ce sera la fête et la joie sans fin, l'éternité sans travail, la sérénité sans nuages.


vv. 9-13

12709 Jn 7,9-13

Théophyl. Le Seigneur ayant déclaré qu'il n'irait pas à la fête avec ses frères, refuse tout d'abord d'y aller pour ne point s'exposer à la colère des Juifs qui avaient juré sa perte: «Ayant dit ces choses, il demeura en Galilée». Et il s'y rendit ensuite lui-même: «Et lorsque ses frères furent partis, il alla aussi lui-même à la fête». - S. Aug. (hom. 28). Il n'y est point conduit par un vain désir de gloire humaine, il n'a d'autre but que de leur donner de salutaires enseignements, et de leur rappeler la pensée de la fête éternelle. - S. Chrys. (hom. 48 et 49 sur S. Jean). Ou bien, il se rend à cette fête, non pour souffrir, mais pour instruire. Il y vient secrètement, il aurait pu sans doute s'y rendre publiquement, et maîtriser les efforts désordonnés de leur colère, comme il le fit souvent dans d'autres circonstances, mais il ne voulait pas faire un usage continuel de sa puissance, pour ne pas dévoiler sa divinité d'une manière trop éclatante, pour rendre plus certain le mystère de son incarnation, et nous enseigner la pratique de la vertu. C'est donc pour nous apprendre ce que nous devons faire, à nous, qui ne pouvons arrêter les efforts de nos persécuteurs, qu'il se rend secrètement à cette fête. L'Évangéliste ne dit pas: En secret, mais: «Comme en secret», pour nous montrer qu'il agissait ici par un dessein tout particulier de sa Providence. En effet, s'il avait toujours agi comme Dieu, comment pourrions-nous savoir ce que nous devons faire, lorsque nous sommes aux prises avec les dangers? - S. Aug. (Traité 28). Ou bien encore, il monte secrètement, parce qu'il ne cherche pas la faveur des hommes, et ne prend point plaisir à se voir entouré du glorieux cortège de la multitude qui aurait marché à sa suite. Bède. Dans le sens mystique, nous voyons ici que pendant que des hommes charnels cherchent avec empressement la gloire humaine, le Seigneur reste dans la Galilée, dont le nom signifie transmigration, c'est-à-dire qu'il demeure dans ses membres qui passent des vices aux vertus, et font de grands progrès dans la perfection. Le Seigneur se rend lui-même à Jérusalem, parce que les membres du Christ cherchent non pas la gloire de cette vie; mais celle de la vie éternelle. Mais il s'y rend en secret, parce que toute sa gloire vient de l'intérieur (Ps 44), c'est-à-dire, d'un coeur pur, d'une bonne conscience et d'une foi sincère. (1Tm 1,5) - S. Aug. (Traité 28). On peut dire encore qu'en se rendant comme en secret à cette fête, Jésus a voulu nous donner une leçon mystérieuse. Toutes les lois et les prescriptions imposées au peuple ancien, et par conséquent la fête des Tabernacles, étaient la figure des choses futures; or, tout ce qui était pour eux figure, est devenu pour nous une réalité. Jésus se rend donc à cette fête comme en secret, pour figurer qu'il demeurait comme voilé. Au jour même de la fête, le Sauveur demeura caché, parce que ce jour de fête figurait l'exil des membres de Jésus-Christ. N'est-ce pas, en effet, habiter comme dans des tentes, que de regarder cette vie comme un pèlerinage et un exil? Or, la Scénopégie était la fête des Tabernacles ou des tentes.

«Les Juifs donc le cherchaient pendant la fête, et disaient: Où est-il ?» - S. Chrys. (hom. 49). La haine et l'aversion qu'ils ont pour lui les empêchent même de prononcer son nom. «Où est-il ?»Quel grand respect pour la fête, quel esprit de religion ! ils veulent profiter de cette solennité pour se saisir frauduleusement du Sauveur.

«Et il y avait une grande rumeur dans le peuple à son sujet». - S. Aug. (Traité 28). Cette rumeur était produite par la diversité des opinions que l'Évangéliste nous fait connaître: «Les uns disaient, c'est un homme de bien; non, disaient les autres, il séduit la foule». Ainsi qu'un homme se distingue par quelque mérite extraordinaire, tel est le jugement qu'on portera de lui; les uns diront: C'est un homme de bien; les autres: Il séduit le peuple. Mais quelle consolation pour un chrétien, de penser que ce qu'on dit de lui on l'a dit auparavant de Jésus-Christ ! En effet, s'ils donnent au mot séduire le sens de tromper, il est évident que Jésus-Christ n'est pas un séducteur; mais si séduire, c'est simplement amener quelqu'un par la persuasion à son sentiment, il faut pour apprécier cette action, examiner d'où l'on part et où l'on arrive. Celui qui entraîne du bien au mal est un mauvais séducteur; celui qui ramène du mal au bien est un bon séducteur, et plût à Dieu qu'on nous appelle et que nous soyons en effet des séducteurs de cette sorte. - S. Chrys. (hom. 49). A mon avis, c'était le peuple qui le proclamait un homme de bien, tandis que l'opinion défavorable était celle des chefs du peuple et des prêtres, comme le prouve d'ailleurs leur manière de s'exprimer, car ils ne disent pas: Il nous séduit, mais: «Il séduit la foule».

«Cependant personne ne parlait ouvertement en sa faveur par crainte des Juifs». C'était surtout ceux qui disaient: «C'est un homme de bien», plutôt que ceux qui le traitaient de séducteur; ces derniers s'exprimaient plus ouvertement, tandis que les autres ne disaient qu'à voix basse: «C'est un homme de bien». - S. Chrys. (hom. 49). Voyez la corruption des chefs de la nation, et la timidité du peuple qui leur est soumis; il a des idées plus droites, et il n'ose les manifester, ce qui est un des caractères de la multitude.


vv. 14-19

12714 Jn 7,14-19

S. Chrys. (hom. 49). Notre-Seigneur, en ne se rendant pas à la fête dans les premiers jours, mais vers le milieu de la fête, comme l'Évangéliste le remarque, voulait par ce retard rendre les Juifs plus attentifs à sa doctrine. En effet, ceux qui l'avaient cherché dans les premiers jours, en le voyant tout à coup sous leurs yeux, quelles que fussent d'ailleurs leurs dispositions, qu'ils le considérassent comme un homme de bien ou comme un séducteur, étaient naturellement portés à donner une plus grande attention à ses enseignements, les uns pour admirer sa doctrine, et en profiter, les autres pour le surprendre et se saisir de sa personne. - Théophyl. Dans les premiers jours de la fête, l'attention était presque tout entière à la solennité elle-même; mais dans les jours suivants, les esprits étaient plus disposés à écouter attentivement le Sauveur. - S. Aug. (Traité 28). Cette fête, comme le récit le donne à entendre, se célébrait durant plusieurs jours; voilà pourquoi l'Évangéliste dit: «Vers le milieu de la fête», c'est-à-dire, lorsqu'il restait encore autant de jours qu'il s'en était écoulé. Notre-Seigneur agit de la sorte pour tenir la parole qu'il a donnée: «Je ne vais point à ce jour de fête que vous m'indiquez», c'est-à-dire le premier ou le second, mais il se rend à Jérusalem vers le milieu de la fête. - S. Aug. (Quest. sur le Nouv. et l'Anc. Test., quest. 78). Jésus se rendit alors à Jérusalem, moins pour la solennité que pour manifester sa divine lumière. Ses parents s'y rendirent pour y jouir des plaisirs de cette fête, mais le vrai jour de fête pour Jésus-Christ, fut celui où il racheta le monde par sa passion.

S. Aug. (Traité 29) Voilà celui qui avait voulu d'abord se couvrir des voiles de l'obscurité qui enseigne, et parle en public, et personne ne s'empare de lui, car s'il a voulu rester caché, c'est pour notre instruction, et s'il se manifeste, c'est pour donner des preuves de sa puissance. - S. Chrys. (hom. 49). Quel était le sujet de son enseignement? L'Évangéliste n'en dit rien, il rapporte seulement qu'il instruisait d'une manière admirable, car son enseignement-avait un tel caractère d'autorité, que ceux mêmes qui l'accusaient de séduire le peuple étaient complètement changés et dans un profond étonnement: «Et les Juifs étonnés disaient: Comment sait-il les Écritures, puisqu'il ne les a pas apprises ?» Voyez comme leur étonnement est plein de malice; l'Évangéliste ne nous dit pas en effet que ce fut sa doctrine qui excitât leur étonnement, c'était une autre cause, le désir de savoir comment il pouvait avoir tant de science. - S. Aug. (Traité 28). Tous sans doute partageaient cet étonnement, mais tous ne se convertissaient pas. Et d'où venait donc cet étonnement? C'est qu'un grand nombre d'entre eux connaissaient le lieu de sa naissance et le genre de son éducation. Ils ne l'avaient jamais vu apprendre les lettres, et ils l'entendaient cependant discuter la loi, citer les textes de la loi, ce qu'on ne peut faire sans avoir lu la loi, que personne ne peut lire avant d'avoir fait des études littéraires, et c'est ce qui causait leur étonnement.

S. Chrys. (hom. 49). Cette incertitude et ce doute devaient leur faire conclure que la science du Sauveur n'était pas d'origine humaine, mais qu'elle était divine. Ils ne vont pas au-delà de l'étonnement, parce qu'ils ne veulent pas tirer cette conclusion. Notre-Seigneur va donc s'en charger: «Jésus lui répondit: Ma doctrine n'est pas de moi, mais de celui qui m'a envoyé». - S. Aug. (Traité 29) Il semble y avoir une contradiction dans ces paroles: «Ma doctrine n'est pas la mienne, mais la doctrine de celui qui m'a envoyé». S'il avait dit: Cette doctrine n'est pas la mienne, il n'y aurait eu aucune difficulté. Quelle est donc la doctrine du Père, si ce n'est le Verbe du Père? Jésus-Christ est donc la doctrine du Père, s'il est le Verbe du Père. Mais comme le Verbe ou la parole doivent nécessairement avoir un auteur, Notre-Seigneur s'identifie avec sa doctrine, et déclare cependant qu'elle n'est pas de lui, parce qu'il est le Verbe du Père. Qu'y a-t-il de plus à vous que vous-même? Et qu'y a-t-il de moins à vous que vous-même, si vous tenez d'un antre tout ce que vous avez? En un mot, voici ce que le Sauveur a voulu dire: «Ma doctrine n'est pas de moi». Ce qui revient à cette proposition: Je ne viens pas de moi-même». Ces paroles renversent l'hérésie des Sabelliens, qui ont osé avancer que le Fils était le même que le Père, et qu'il y avait deux noms pour exprimer une seule chose. - S. Chrys. (hom. 49). Ou bien encore, il dit: «Ma doctrine», parce qu'il l'avait enseignée, et il déclare qu'elle n'est pas de lui, parce que c'était la doctrine du Père. Mais si tout ce qui appartient au Père lui appartient également, dès lors que cette doctrine est la doctrine du Père, elle devrait être la sienne? Sans doute, mais en disant: «Elle n'est pas la mienne». Il affirme énergiquement que son Père et lui n'ont qu'une seule et même doctrine; comme s'il disait: Il n'y a aucune différence entre la doctrine de mon Père et la mienne; et dans mes paroles comme dans mes actions, je fais en sorte qu'on ne remarque rien qui soit contraire, soit aux paroles, soit à la manière d'agir de mon Père. - S. Aug. (De la Trin., 1, 12). Ou bien encore, il dit qu'elle est sa doctrine dans un sens, et qu'elle ne l'est pas dans un autre sens; si on le considère comme Dieu, c'est sa doctrine; si on le considère comme homme, elle n'est plus sa doctrine, mais celle de son Père. - S. Aug. (Traité 29). Si l'intelligence dé ces paroles laisse encore à désirera quelques-uns, qu'ils écoutent le conseil que leur donne le Sauveur: «Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu». Mais, que signifient ces paroles: «Si quelqu'un veut faire la volonté de Dieu ?» C'est-à-dire, s'il veut croire en Jésus-Christ, car il a dit lui-même précédemment: «L'oeuvre de Dieu est que vous croyiez en celui qu'il a envoyé»; or, qui ne sait qu'accomplir la volonté de Dieu, c'est faire son oeuvre? De même encore, connaître c'est comprendre. Ne cherchez donc pas à comprendre pour arriver à la foi, mais commencez par croire pour arriver à l'intelligence, car si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas. (Is 5,9, selon la vers. des Sept). - S. Chrys. (hom. 49). Ou bien encore, tel est le sens de ces paroles: Bannissez de vos coeurs la colère, l'envie, la haine que vous nourrissez injustement contre moi, et rien alors ne vous empêchera de connaître que mes paroles sont les paroles mêmes de Dieu. Il apporte ensuite une autre preuve non moins forte qu'il puise pour notre instruction dans la conduite ordinaire des hommes: «Celui qui parle de soi-même cherche sa propre gloire», c'est-à-dire, celui qui veut établir une doctrine qui lui est personnelle, n'a point d'autre but que d'acquérir de la gloire. Si donc je cherche la gloire de celui qui m'a envoyé, pour quelle raison voudrais-je vous enseigner une doctrine étrangère? c'est le sens des paroles qui suivent: «Mais qui cherche la gloire de celui qui l'a envoyé est digne de foi, et il n'y a point en lui d'imposture». - Théophyl. C'est-à-dire, je suis digne de foi, parce que ma doctrine est l'expression de la vérité, il n'y a point en moi d'imposture, parce que je ne cherche pas à usurper la gloire d'autrui. - S. Aug. (Traité 29). Celui qui cherche sa propre gloire est un Antéchrist. Notre-Seigneur nous a donné un grand exemple d'humilité, lorsque s'étant rendu semblable à nous par ce qui a paru de lui au dehors, il a cherché non point sa gloire, mais celle de son Père; pour vous, au contraire, faites-vous quelque bonne action, vous n'y cherchez que votre gloire; faites-vous le mal, vous le rejetez injustement sur Dieu. - S. Chrys. (hom. 49). Remarquez donc qu'une des causes de ce langage si humble dans la bouche du Sauveur, c'est de bien persuader les Juifs qu'il ne désire ni la gloire, ni la puissance; c'est aussi de s'accommoder à la faiblesse de ses auditeurs, et enfin d'enseigner aux hommes la fuite de l'orgueil et la pratique de l'humilité dans les pensées comme dans les paroles.


vv. 20-24

12720 Jn 7,20-24

S. Chrys. (hom. 49 sur S. Jean). Les Juifs formulaient deux accusations contre Jésus-Christ, l'une qu'il violait le sabbat, l'autre qu'il appelait Dieu son Père, et se faisait ainsi l'égal de Dieu. Il confirme cette dernière proposition en montrant qu'il n'est nullement opposé à Dieu, et qu'il enseigne la même doctrine. Quant à la violation du sabbat, voici comment il y répond: «Est-ce que Moïse ne vous a pas donné la loi? et personne de vous n'accomplit la loi», paroles dont voici le sens: La loi dit: Vous ne tuerez pas, et cependant vous vous rendez coupables de meurtre, comme il le leur reproche ouvertement: «Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir ?» c'est-à-dire, supposons que j'aie violé la loi en guérissant cet homme, au moins cette transgression a-t-elle eu pour objet de le sauver; vous, au contraire, vous violez le sabbat pour commettre le mal; je vous récuse donc pour juges dans cette question. Il leur oppose donc deux moyens de défense, et en leur reprochant de chercher à le mettre à mort, et en leur prouvant que le meurtre qu'ils méditent, les rend indignes de se constituer les juges d'un autre. - S. Aug. (Traité 30). Ou bien encore, Notre-Seigneur leur parle de la sorte, parce que s'ils observaient la loi, ils auraient trouvé et reconnu Jésus-Christ dans les Écritures, et ne chercheraient point à le mettre à mort, alors qu'il est au milieu d'eux. La réponse que fait la foule au Sauveur, lui est inspirée non par le désir de la paix, mais par un esprit de désordre: «Le peuple lui répondit: Vous êtes possédé du démon, qui cherche à vous mettre à mort ?» Ils accusent d'être possédé du démon celui qui chassait les démons. Mais le Seigneur, sans se troubler, et avec ce calme que donne la vérité, ne leur rend pas injure pour injure, et leur fait une réponse pleine de modération. - Bède. Il nous donne ici un exemple de la patience avec laquelle nous devons supporter les fausses accusations dont nous sommes victimes, sans faire connaître la vérité qui peut nous justifier, et en nous contentant de donner de salutaires avis: «Jésus répliqua et leur dit: J'ai fait une seule oeuvre (le jour du sabbat), et vous en êtes tous surpris». - S. Aug. (Traité 29). C'est-à-dire, que serait-ce s'il vous était donné de voir toutes mes oeuvres? Ses oeuvres, c'était tout ce qu'ils voyaient dans le monde, mais ils ne voyaient pas celui qui a fait toutes choses. Il a fait une seule oeuvre sous leurs yeux, il a guéri un homme le jour du sabbat, et ils en sont tous surpris, comme si tout malade, guéri le jour du sabbat, pouvait l'être par un autre que celui dont ils se sont scandalisés, parce qu'il avait rendu la santé à un homme le jour du sabbat. - S. Chrys. (hom. 49). «Vous êtes surpris, étonnés», c'est-à-dire, vous êtes en proie au trouble, à l'agitation. Voyez avec quelle prudence il raisonne contre eux en s'appuyant sur la loi même. Il veut leur prouver qu'en guérissant cet homme, il n'a point transgressé la loi, car il est beaucoup d'autres points plus importants que le précepte du sabbat, et dont l'observation accomplit la loi, loin de la violer. Il ajoute donc: «Cependant Moïse vous a donné la circoncision (bien qu'elle soit non de Moïse, mais des patriarches), et vous la pratiquez le jour du sabbat». - S. Aug. (Traité 29). Comme s'il leur disait: Vous avez bien fait en recevant la circoncision, non point parce qu'elle vient de Moïse, mais des patriarches. Ce fut, en effet, Abraham qui, le premier, reçut du Seigneur le précepte de la circoncision: «Et vous pratiquez la circoncision le jour même du sabbat». Vous êtes convaincus par Moïse lui-même, la loi vous fait un devoir de circoncire les enfante le huitième jour, elle vous oblige également à vous abstenir d'oeuvre servile le septième jour. Si le huitième jour qui suit la naissance d'un enfant, tombe justement le septième jour de la semaine, vous ne laissez pas de le circoncire, parce que la circoncision est un moyen de salut, et qu'il n'est pas défendu aux hommes de travailler à leur salut le jour du sabbat. - Alcuin. La circoncision a été établie pour trois raisons, la première pour être un signe de la grande foi d'Abraham; la seconde pour être un signe distinctif entre les Juifs et les autres nations; la troisième, afin que la circoncision qui était faite sur l'organe de la virilité, rappelât l'obligation d'observer la chasteté du corps et de l'âme. La circoncision conférait alors la même grâce que le baptême confère aujourd'hui, avec cette différence que la porte du ciel n'était pas encore ouverte. Notre-Seigneur tire donc la conclusion des propositions qui précèdent: «Or, si un homme reçoit la circoncision le jour du sabbat, pour ne pas violer la loi de Moïse, comment vous indignez-vous contre moi, parce que le jour du sabbat, j'ai rendu un homme sain dans tout son corps ?» - S. Chrys. C'est-à-dire, violer la loi du sabbat pour donner la circoncision, c'est observer la loi; c'est ainsi que j'ai moi-même observé la loi en guérissant un homme le jour du sabbat; et vous qui n'êtes point des législateurs, vous défendez la loi outre mesure. Moïse, au contraire, ordonne de transgresser la loi pour observer un précepte qui ne vient pas de la loi, mais qui a été donné aux patriarches. En disant: «J'ai rendu un homme sain tout entier», il montre que la circoncision ne rendait l'homme sain qu'en partie.

S. Aug. (Traité 30). Peut-être encore cette circoncision était la figure du Seigneur, car qu'est-ce que la circoncision, sinon le dépouillement de la chair? Elle signifiait donc que le coeur était dépouillé de toutes les convoitises charnelles. Et ce n'est pas sans raison que la circoncision était opérée sur le membre qui sert à la génération, «car c'est par un seul homme que le péché est entré dans le monde». (Rm 5) Tout homme naît avec le prépuce de sa chair, parce qu'il naît avec le vice qu'il tire de son origine, et c'est par Jésus-Christ seul, que Dieu le purifie, soit de ce vice originel, soit de ceux qu'il ajoute volontairement par une vie criminelle. La circoncision s'opérait avec des couteaux de pierre, et la pierre est la figure de Jésus-Christ. La circoncision avait lien le huitième jour, parce que c'est après le septième jour de la semaine que Notre-Seigneur est ressuscité le dimanche. C'est cette même résurrection qui nous circoncit, c'est-à-dire qui nous dépouille de tous les désirs charnels. Comprenez donc que cette circoncision était la figure de cette bonne oeuvre, par laquelle j'ai guéri un homme tout entier le jour du sabbat, je l'ai guéri pour rendre la santé à son corps, et sa foi lui a procuré la santé de l'âme. La loi vous interdit les oeuvres serviles le jour du sabbat. Est-ce donc une oeuvre servile que de guérir un homme le jour du sabbat? Vous mangez et vous buvez le jour du sabbat, parce que le soin de votre santé l'exige, et vous prouvez ainsi que ce qui est nécessaire à la conservation de la santé n'est nullement défendu le jour du sabbat.

S. Chrys. (hom. 49). Notre-Seigneur ne dit pas: J'ai fait une oeuvre plus grande que la circoncision, il se contente d'exposer le fait, et leur en laisse l'appréciation: «Ne jugez pas selon l'apparence, mais jugez selon la justice». C'est-à-dire, vous avez pour Moïse une plus grande estime que pour moi, mais ce n'est point sur l'importance des personnes que vous devez appuyer votre jugement, c'est sur la nature même des choses; car c'est là juger selon la justice. Or, personne n'a accusé Moïse d'avoir ordonné que le précepte d'observer le jour du sabbat, le céderait au précepte de la circoncision qui avait été établi en dehors de la loi. Moïse doit donc être plus digne de foi à vos yeux, lui qui vous commande de violer la loi pour observer un commandement établi antérieurement à la loi.

S. Aug. (Traité 30). La recommandation que fait ici Notre-Seigneur, de ne point juger d'après les personnes, est très-difficile à observer en ce monde. Cet avertissement qu'il donne aux Juifs, il nous le donne à nous-mêmes. C'est pour nous que toute parole importante, tombée des lèvres du Sauveur, a été écrite, qu'elle est conservée, et qu'elle est répétée. Le Seigneur est dans les cieux, mais il continue d'être la vérité sur la terre: le corps qu'il a ressuscité peut n'être que dans un seul lien, mais sa vérité est répandue par toute la terre. Quel est donc celui qui ne juge point sur l'apparence et d'après les personnes? Celui qui a pour tous les hommes une même charité. Ce n'est pas que nous ayons à craindre de faire acception de personnes, lorsque nous rendons aux hommes les honneurs qui sont dus à leur position. Ainsi, par exemple, un père est en litige avec son fils, nous ne rendons pas au fils un honneur égal à celui du père, nous lui faisons simplement justice, si sa cause est bonne. Egalons le père au fils dans la vérité, et de cette manière nous rendrons à chacun l'honneur qui lui est dû, sans sacrifier les droits de la justice et de l'équité.



Catena Aurea 12660