Catena Aurea 12837

vv. 37-41

12837 Jn 8,37-41

S. Aug. (Traité 42 sur S. Jean). Les Juifs se proclamaient libres, parce qu'ils étaient les enfants d'Abraham. Que répond le Sauveur à cette prétention? «Je sais que vous êtes enfants d'Abraham», c'est-à-dire, je sais que vous êtes les descendants d'Abraham par la chair, mais non par la foi du coeur, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Mais vous cherchez à me faire mourir». - S. Chrys. (hom. 53 sur S. Jean). Notre-Seigneur ajoute ces paroles pour réprimer leur arrogance et les empêcher de dire: «Nous n'avons point de péché». Il s'abstient de relever les autres crimes de leur vie, il les prend sur le fait et leur met sous les yeux l'acte coupable qu'ils voulaient consommer. Il leur enlève peu à peu l'honneur de cette parenté et leur apprend à ne point tant s'en glorifier, car ce sont les oeuvres surtout qui établissent la véritable parenté, de même que ce sont les oeuvres qui font les hommes libres ou esclaves. Et pour leur ôter toute excuse de dire qu'ils agissaient en cela avec justice, le Sauveur leur fait connaître la cause de leurs desseins coupables: «Parce que ma parole ne prend point en vous». - S. Aug. (Traité 42) C'est-à-dire, elle ne prend point votre coeur, parce qu'il ne la reçoit pas. La parole de Dieu est pour les fidèles ce qu'est l'hameçon pour le poisson, il prend l'hameçon lorsqu'il est pris, et ici aucun mal n'est fait à ceux qui sont pris de la sorte, car c'est pour leur salut et non pour leur perte qu'on les prend. S. Chrys. (hom. 53). Notre-Seigneur ne dit pas: Vous ne prenez pas ma parole, mais: «Ma parole ne prend point en vous», pour montrer la hauteur des vérités qu'il enseigne. Mais ils pouvaient lui dire: Où est la justice de votre réponse, si vous parlez de vous-même? Il se hâte donc d'ajouter: «Ce que j'ai vu dans mon Père, je le dis», non seulement j'ai la même nature, mais la même vérité que lui. - S. Aug. (Traité 42). Notre-Seigneur veut leur faire comprendre que son Père est Dieu: J'ai vu la vérité, leur dit-il; je dis la vérité, parce que je suis la vérité. Si donc le Seigneur dit la vérité qu'il a vue dans son Père, il s'est vu lui-même, il s'affirme lui-même, parce qu'il est lui-même la vérité du Père. - Orig. (Traité 20 sur S. Jean). Ces paroles prouvent que le Sauveur a vu par lui-même ce qui était dans le Père, taudis que les hommes à qui la vérité est révélée, ne la voient point par eux-mêmes. - Théophyl. Il ne faut pas entendre ces paroles du Sauveur: «Je dis ce que j'ai vu» dans le sens d'une vision corporelle, elles expriment une connaissance naturelle, véritable et parfaite, et veulent dire: De même que les yeux en fixant un objet, le voient dans son intégrité et dans sa vérité sans se tromper; ainsi je dis dans toute leur vérité toutes les choses que j'ai vues dans mon Père.

«Et vous, ce que vous avez vu dans votre père, vous le faites». - Orig. (Traité 20). Il ne nomme pas encore leur Père, il a parlé plus haut d'Abraham, mais il va leur parler d'un autre père, c'est-à-dire du démon, dont ils sont enfants, non pas en tant qu'hommes, mais en tant qu'ils sont livrés au mal. C'est ce mal qu'ils commettent, que le Seigneur reprend et condamne en eux. - S. Chrys. (hom. 53). Une autre version porte: «Faites ce que vous avez vu dans votre père». C'est-à-dire, de même que je montre mon Père par mes paroles et par la vérité de mes oeuvres, montrez vous-mêmes Abraham par vos oeuvres. - Orig. Une autre version porte encore: Pour vous, faites ce que vous avez entendu de votre père, car ils avaient appris du Père ce qui est écrit dans la loi et les prophètes. Si l'on adopte cette version, on pourra la faire servir à prouver contre ceux qui sont d'une opinion contraire, que le Dieu qui a donné la loi et inspiré les prophètes, n'est autre que le Père de Jésus-Christ. Interrogeons aussi ceux qui soutiennent le système des deux natures, diront-ils qu'ils ont entendu la parole du Père, quoique lui étant étrangers? Cela n'est pas possible; soutiendront-ils qu'ils participaient à la même nature que le Sauveur, comment alors cherchaient-ils à le mettre à mort, et ne pouvaient-ils comprendre sa parole ?

Ils ne purent supporter que le Sauveur prolongeât la discussion sur cette question, quel était leur père, car ils se prétendaient les enfants de celui que Dieu a déclaré le père d'un grand nombre de nations: «Ils lui répondirent: Notre père est Abraham». - S. Aug. Ils semblent lui dire: Quel reproche pouvez-vous faire à Abraham? Et veulent-ils l'exciter à dire du mal d'Abraham pour y trouver eux-mêmes l'occasion d'exécuter leur dessein? - Orig. Mais le Sauveur leur enlève ce moyen de défense comme n'étant point fondé sur la vérité: «Jésus leur dit: Si vous êtes les enfants d'Abraham, faites les oeuvres d'Abraham». - S. Aug. Et cependant il leur a dit plus haut: Je sais que vous êtes les enfants d'Abraham, il ne met donc point en doute leur origine, mais il condamne leur conduite. Leur chair descendait d'Abraham, mais leur vie n'en venait pas. - Orig. (Traité 20). On peut encore donner une autre explication fondée sur le texte grec: «Je sais que vous êtes de la race, ou littéralement de la semence d'Abraham». Pour rendre cette explication plus claire, voyons d'abord la différence qui existe entre la semence destinée à former le corps et l'enfant. Il est évident d'abord que la semence a en elle-même toutes les raisons constitutives de celui dont elle est la semence, bien qu'elles soient encore à l'état d'inaction et de repos. Mais après la transformation de cette semence et son action particulière sur la matière qui lui est présentée par la femme, l'enfant, au moyen de l'alimentation qu'il reçoit, prend lui-même la forme de celui qui l'a engendré. Quant au corps, tout enfant vient nécessairement d'une semence, mais toute semence ne se transforme pas en enfant. Mais puisque c'est par les oeuvres que l'on juge quels sont ceux qui méritent d'être considérés comme la race, comme la semence d'Abraham, voyons si ce ne serait pas au moyen de certaines semences intellectuelles répandues dans les âmes qu'on pourrait reconnaître ceux qui sont de la race d'Abraham. Tous les hommes ne sont donc pas la semence d'Abraham, parce que tous n'ont pas ces semences intellectuelles infuses dans leurs âmes. Il faut que celui qui est la semence d'Abraham, devienne aussi son fils en prenant sa ressemblance. Or, il peut arriver que par suite de sa négligence ou de son inaction, il détruise en lui cette précieuse semence. Quant à ceux à qui Notre-Seigneur s'adressait, toute espérance n'était pas encore détruite, Jésus savait qu'ils étaient encore la semence d'Abraham, et qu'ils n'avaient pas encore perdu le pouvoir de devenir enfants d'Abraham. C'est pourquoi il leur dit: «Si vous êtes les enfants d'Abraham, faites les oeuvres d'Abraham». S'ils avaient voulu laisser croître cette précieuse semence jusqu'à son parfait développement, ils auraient compris la parole de Jésus. Mais comme ils ne sont point parvenus à être les enfants d'Abraham, ils ne peuvent comprendre cette parole, et ils cherchent à la détruire et comme à la briser, parce qu'ils n'en comprennent point la grandeur. Si donc quelqu'un d'entre vous est la semence d'Abraham, et qu'il ne comprenne pas encore le Verbe de Dieu, qu'il se garde bien de chercher à mettre le Verbe à mort, mais qu'il se transforme en fils d'Abraham, et alors il pourra comprendre le Fils de Dieu. Il en est qui se bornent à choisir une seule des oeuvres d'Abraham, celle que l'Apôtre relève en ces termes: «Abraham crut à la parole de Dieu, et sa foi lui fut imputée à justice» (Gn 15,26). Mais si, comme ils le prétendent, la foi est la seule oeuvre nécessaire, pourquoi le Sauveur n'a-t-il pas dit au singulier: «Faites l'oeuvre d'Abraham», mais au pluriel: «Faites les oeuvres d'Abraham»? Ces paroles sont l'équivalent de celles-ci: Faites toutes les oeuvres d'Abraham, en prenant toutefois la vie d'Abraham dans le sens allégorique et ses actions dans un sens spirituel. En effet, celui qui veut devenir le fils d'Abraham, ne doit point, à l'exemple d'Abraham, prendre ses servantes pour épouses, ni après la mort de sa femme en épouser une autre dans sa vieillesse.

«Mais maintenant vous cherchez à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité». - S. Chrys. (hom. 53). Quelle vérité? Qu'il est égal au Père, car c'est pour cela que les Juifs cherchaient à le mettre à mort. Et pour leur montrer que cette vérité n'est pas contraire à Dieu, il ajoute: «Que j'ai entendue de Dieu». - Alcuin. C'est qu'en effet, celui qui est la vérité, avait été engendré par le Père, car pour lui entendre du Père, n'est autre qu'être engendré de Dieu le Père. - Orig. «Moi, un homme qui vous ai dit la vérité». Je ne dis pas encore: Moi le Fils de Dieu, je ne dis pas: Moi le Verbe, parce que le Verbe ne meurt pas; je dis ce que vous voyez, parce que vous pouvez mettre à mort ce que vous voyez, et que vous ne pouvez qu'outrager ce que vous ne voyez pas.

«Ce n'est point ce qu'a fait Abraham». - Alcuin. C'est-à-dire, vous prouvez justement que vous n'êtes pas les enfants d'Abraham, parce que vous faites des oeuvres contraires à celles qu'a faites Abraham. - Orig. Mais, me dira-t-on, c'est bien inutilement qu'on fait un mérite à Abraham de n'avoir point fait ce qu'il n'aurait pu faire de son temps, car le Christ n'était pas né du temps d'Abraham? Nous répondons qu'au temps même d'Abraham il y avait des hommes qui annonçaient la vérité qu'ils avaient entendue de Dieu, et que certainement Abraham ne chercha point à les mettre à mort. Il faut se rappeler, en effet, que l'avènement spirituel de Jésus a toujours été présent pour les saints, d'où je conclus que tout homme qui après sa régénération et les grâces célestes qu'il a reçues, retombe dans le péché, crucifie de nouveau le Fils de Dieu par les crimes dans lesquels il retombe. Ce que n'a pas fait Abraham.

«Vous faites les oeuvres de votre père». - S. Aug. (Traité 42). Il ne leur dit pas encore quel est leur père. - S. Chrys. (hom. 53). Son dessein, en leur parlant de la sorte, est de détruire en eux ces sentiments de vaine gloire, que leur inspire leur parenté avec Abraham, et de bien les persuader de placer l'espérance de leur salut, non point dans une parenté toute naturelle, mais dans la parenté fondée sur l'adoption spirituelle, parce qu'en effet ce qui les empêchait de venir à Jésus-Christ, c'est qu'ils pensaient que cette parenté avec Abraham suffisait pour le salut.


vv. 41-43

12841 Jn 8,41-43

S. Aug. (Traité 42 sur S. Jean). Les Juifs avaient commencé à comprendre que Jésus ne leur parlait pas de la génération ou de la parenté selon la chair, mais qu'il s'agissait de la sage direction de toute la vie. Et comme les saintes Écritures donnent le nom de fornication spirituelle au culte que l'âme, semblable à une prostituée, rend à une multitude de fausses divinités, ils se hâtent de répondre: «Nous ne sommes pas nés de la fornication, nous avons un seul père qui est Dieu». - Théophyl. Ils lui font entendre par là qu'ils demandent vengeance à Dieu, et qu'ils invoquent son appui dans les desseins qu'ils forment contre lui.

Orig. (Traité 22 sur S. Jean). Ou bien encore, comme Jésus leur a reproché de n'être pas les enfants d'Abraham, ils lui répondent par un outrage personnel, et veulent insinuer à mots couverts que le Sauveur est le fruit de l'adultère. Il me parait cependant plus vraisemblable que cette réponse fait suite à la discussion. Ils ont commencé par dire: «Notre père est Abraham», et Jésus leur a répondu: «Si vous êtes les enfants d'Abraham, faites les oeuvres d'Abraham», ils déclarent maintenant qu'ils ont un père plus grand qu'Abraham, c'est-à-dire Dieu, et qu'ils ne sont point enfants de la fornication. Car ce n'est point d'une épouse légitime, mais de la matière comme d'une prostituée, que le démon qui ne fait rien de lui-même, produit ceux qui, plongés dans les jouissances charnelles, sont esclaves de la matière. - S. Chrys. (hom. 54) Mais que dites-vous? Vous avez Dieu pour père, et vous faites un crime au Christ de tenir ce langage? Et cependant un grand nombre d'entre eux étaient nés de la fornication, car les unions illicites étaient fréquentes chez les Juifs. Le Sauveur, toutefois, ne leur en fait point un reproche, mais il s'attache à leur prouver qu'ils ne sont point de Dieu: «Jésus leur dit donc: Si Dieu était votre père, vous m'aimeriez certainement, parce que je suis sorti de Dieu, et que je viens de sa part». - S. Hil. (De la Trin., 6) Le Fils de Dieu ne défend pas que cet auguste nom soit porté par ceux qui, faisant profession d'être les enfants de Dieu, reconnaissent Dieu pour leur père; mais il blâme la téméraire présomption des Juifs qui prétendaient que Dieu était leur père, et qui n'avaient pour lui, son Fils, aucun amour. On ne peut dire que sortir de Dieu et venir de Dieu soient deux termes identiques, mais comme il déclare que ceux qui proclament Dieu leur père, devraient l'aimer par ce seul motif qu'il est sorti de Dieu, il donne donc pour motif de cet amour le motif de sa naissance, car sortir de Dieu est la même chose que naître, incorporellement de lui. On n'est donc vraiment digne de la religion, par laquelle on reconnaît Dieu pour père, qu'en aimant Jésus-Christ qui a été engendré du Père, et il est impossible d'être vraiment religieux envers le Père, sans aimer le Fils, puisque l'unique cause d'aimer le Fils, c'est qu'il est sorti de Dieu. Le Fils est donc du Père, non par avènement, mais par naissance, et la plus grande marque d'amour envers le Père sera toujours de croire que le Fils est venu de lui.

S. Aug. (Traité 42) Le Verbe procède donc de Dieu, et il en procède éternellement, car il en procède comme le Verbe du Père, et il est venu jusqu'à nous, parce que le Verbe s'est fait chair (Jn 1,14). Son avènement c'est donc son humanité, et sa demeure, sa divinité. Vous dites que Dieu est votre Père, reconnaissez-moi au moins pour votre frère. - S. Hil. Notre-Seigneur enseigne clairement qu'il ne tire point son origine de lui-même en ajoutant: «Je ne suis pas venu de moi-même, mais c'est lui qui m'a envoyé». - Orig. Je pense que le Sauveur s'exprime de la sorte pour blâmer la conduite de ceux qui venaient de leur propre autorité, sans être envoyés par le Père, et dont Jérémie disait: «Je ne les envoyais point, et ils couraient d'eux-mêmes» (Jr 23,21). Mais comme les partisans des deux natures appuient leur erreur sur ces paroles, nous pouvons leur demander sous forme d'objection: Paul, sans doute, haïssait Jésus, lorsqu'il persécutait l'Eglise de Dieu? Et voilà pourquoi le Seigneur lui disait: «Pourquoi me persécutez-vous ?» (Ac 9,4) Si donc nous devons admettre la vérité de cette proposition: «Si Dieu était votre Père, vous m'aimeriez certainement», il faut admettre également la vérité de cette autre proposition: «Si vous ne m'aimiez pas, Dieu ne serait pas votre Père». Il fut donc un temps où Paul n'aimait pas Jésus, il fut un temps où Dieu n'était pas le père de Paul, Paul ne fut donc jamais enfant de Dieu par nature, mais il est devenu par la suite enfant de Dieu. Or, quand devient-on le fils de Dieu, si ce n'est quand on observe ses commandements ?

S. Chrys. (hom. 54). Comme ils faisaient sans cesse cette question: Que veut-il dire, quand il nous déclare que là où il va, nous ne pouvons aller? le Sauveur ajoute: «Pourquoi ne reconnaissez-vous point mon langage? parce que vous ne pouvez point entendre ma parole». - S. Aug. (Traité 42). Or, ils ne pouvaient l'entendre, parce qu'ils ne voulaient pas y croire pour réformer leur vie. - Orig. (Traité 22). La première chose est donc d'obtenir la vertu d'écouter le Verbe divin, afin d'être plus fort ensuite pour suivre la doctrine de Jésus dans toute son étendue; car tant que l'homme n'a pas été guéri dans le sens de l'ouïe, par la parole qui a dit au sourd de l'Évangile: «Ouvrez-vous», (Mc 7) il lui est impossible d'en faire usage pour entendre.


vv. 44-47

12844 Jn 8,44-47

S. Chrys. (hom. 54 sur S. Jean). Notre-Seigneur a prouvé aux Juifs qu'ils n'avaient aucun droit à se dire la race d'Abraham, et comme ils élevaient plus haut encore leurs prétentions, en proclamant qu'ils avaient Dieu pour père, ils les confond de nouveau en leur disant: «Vous avez le démon pour père». - S. Aug. (Traité 42) Il faut nous garder ici de l'erreur des Manichéens, qui prétendent qu'il existe un certain principe du mal, une nation de ténèbres avec ses chefs, d'où le démon a tiré son origine, c'est de là aussi que notre chair puiserait la raison de son existence, et c'est pour confirmer cette opinion que le Sauveur dit aux Juifs: «Vous avez le démon pour père», c'est-à-dire qu'ils seraient mauvais par nature, parce qu'ils tiraient leur origine de la nation des ténèbres, en hostilité avec Dieu.

Orig. (Traité 22) Ils sont tombés dans la même erreur que celui qui prétendrait que l'oeil d'un homme qui voit, diffère quant à sa nature de l'oeil de l'aveugle où de celui qui détourne les yeux de la lumière. Non la nature de l'oeil est la même dans ces deux hommes, mais il y a une cause particulière qui empêche l'un de ces deux hommes de voir. Ainsi la nature de l'âme reste la même soit qu'elle se rende à la raison, soit qu'elle y résiste.

S. Aug. (Traité 42). Les Juifs étaient donc les enfants du démon, non par naissance, mais par imitation: «Et vous voulez accomplir les désirs de votre Père». Ce qui vous fait ses enfants, ce n'est pas que vous soyez nés de lui, c'est que vous nourrissez les mêmes désirs. Car vous cherchez à me faire mourir, moi un homme qui vous ai dit la vérité; et le démon a aussi porté envie au premier homme et l'a mis à mort: «Et il était homicide dès le commencement». Il a été homicide à l'égard du premier homme qu'il a pu mettre à mort, puisqu'il n'aurait pu le mettre à mort avant qu'il commençât d'exister. Ce n'est point avec le glaive que le démon s'est présenté pour attaquer l'homme, il lui a suffi de semer dans son âme une mauvaise parole pour lui donner la mort. Ne vous regardez donc pas comme innocent d'homicide, lorsque vous persuadez le mal à votre frère. Mais pour vous, vous voulez exercer votre fureur sur mon corps, parce que vous ne pouvez rien sur mon âme.

Orig. Remarquez que le démon a mérité ce nom d'homicide dès le commencement, non pour avoir commis un seul homicide, mais pour avoir mis à mort tout le genre humain (en tant que tous les hommes sont morts dans Adam). - S. Chrys. (hom. 54). Jésus ne leur dit pas: Vous faites les oeuvres, mais: «Vous voulez accomplir les désirs de votre père», pour exprimer la violente passion du meurtre qui les domine, à l'exemple du démon; et comme ils lui reprochaient continuellement de ne point venir de Dieu, il leur insinue indirectement que celle pensée vient aussi du démon: «Et il n'est point demeuré dans la vérité». - S. Aug. (Cité de Dieu, 11, 13). Il en est qui prétendent que dès le commencement de son existence, le démon n'est point demeuré dans la vérité, et qu'il n'a jamais eu part à la béatitude des saints anges; car, disent-ils, il a refusé de se soumettre à son Créateur, et il est devenu aussitôt un esprit faux et trompeur, parce qu'au lieu de conserver par une humble soumission ce qu'il était véritablement, il a mieux aimé affecter par un excès d'orgueil, une élévation qui ne lui appartenait pas. Ce sentiment n'a rien de commun avec l'erreur des Manichéens qui enseignent que le démon tient sa nature mauvaise d'un principe essentiellement mauvais et opposé à Dieu. Séduits par la vanité de leurs pensées, ils ne font point attention que Notre-Seigneur n'a pas dit: Il fut étranger à la vérité, mais: «Il n'est pas demeuré dans la vérité», ce qui indique qu'il est tombé des hauteurs de la vérité, (chap. 15) Ils entendent encore ces paroles de saint Jean: «Le démon pèche dès le commencement», (1Jn 3) dans ce sens qu'il n'a jamais été sans péché. Mais comment expliquer alors les témoignages contraires des prophètes? celui d'Isaïe qui, voulant figurer le démon dans la personne du roi de Babylone, lui dit: «Comment est tombe du ciel Lucifer, ce bel astre qui se levait dès le matin ?» (Is 14) et celui d'Ezéchiel: «Vous avez été dans les délices du paradis de Dieu». (Ez 28) Si l'on ne peut donner de ces deux passages une interprétation plus fondée, il faut les entendre dans ce sens que le démon a été dans la vérité, mais qu'il n'y a pas demeuré. Quant à ces paroles de saint Jean: «Le démon pèche dès le commencement», il faut les entendre non point du moment qu'il a été créé, mais de celui où il a commencé à pécher. Car c'est en lui que le péché a commencé, et il a été lui-même le commencement du péché.

Orig. (Traité 20). Il n'y a qu'une manière uniforme de demeurer dans la vérité, tandis qu'on en sort par des voies nombreuses et variées; les uns dont les genoux sont chancelants, s'efforcent de demeurer dans la vérité, et ne peuvent y réussir; d'autres, sans être aussi faibles, éprouvent la même hésitation au milieu des dangers, selon cette parole du Roi-prophète: «Pour moi, mes pieds ont été ébranlés»; (Ps 71) d'autres enfin tombent et se détachent complètement de la vérité. Or, le Sauveur nous donne la raison pour laquelle le démon n'est pas resté fidèle à la vérité, «c'est que la vérité n'est point en lui», c'est-à-dire qu'il s'est laissé entraîner par la vanité de ses pensées, et qu'il a été son propre séducteur, en cela d'autant plus méchant, que les hommes sont trompés par lui, tandis qu'il est lui-même l'auteur de sa déception. Mais dans quel sens est-il dit que la vérité n'est pas en lui? Faut-il admettre qu'il n'a jamais possédé la véritable doctrine, et que toutes ses pensées ne sont que mensonge? Ou bien ces paroles signifient-elles qu'il n'a jamais été participant de Jésus-Christ qui a dit de lui-même: «Je suis la vérité ?» Il est impossible, ce me semble, qu'une nature raisonnable ait des idées fausses sur toutes choses, et n'aperçoive pas, ne fût-ce qu'une petite partie de la vérité, et le démon comprend au moins cette vérité qu'il est lui une nature raisonnable. L'essence de sa nature n'est donc pas contraire à la vérité, elle n'est pas un composé d'erreur et d'impuissance; car alors il ne pourrait jamais connaître la vérité. - S. Aug. (Cité de Dieu, 11, 18). Ou bien encore, Notre-Seigneur en disant: «La vérité n'est point en lui», répond à la question qu'on pourrait lui faire, et donne la raison pour laquelle le démon n'est point demeuré dans la vérité, c'est que la vérité n'était point en lui, et elle eût été en lui, s'il y fût demeuré.

«Lorsqu'il dit le mensonge, il dit ce qu'il trouve en lui-même, parce qu'il est menteur et le père du mensonge». - S. Aug. Ces paroles ont donné lieu à quelques-uns de penser que le démon avait un père, et de rechercher quel était son père, c'est l'erreur des Manichéens. Le Sauveur dit que le démon est le père du mensonge. En effet, tout homme qui ment n'est pas le père de son mensonge; ainsi vous avez entendu un mensonge et vous le répétez; vous avez menti, il est vrai, mais vous n'êtes pas le père de ce mensonge. Le démon, au contraire, n'a point reçu d'ailleurs le mensonge avec lequel il a tué le premier homme, comme un serpent avec son venin; il est donc le père du mensonge, comme Dieu est le père de la vérité. - Théophyl. Il a été tout à la fois l'accusateur de Dieu près des hommes, en disant à Eve que c'était par envie qu'il leur avait défendu de manger du fruit de l'arbre; et l'accusateur des hommes près de Dieu, lorsqu'il dit à Dieu, par exemple: Est-ce donc en vain que Job honore Dieu ?

Orig. (Traité 20). Remarquez que ce nom de menteur est donné aussi bien au démon, qui est le père du mensonge, qu'à l'homme, selon ces paroles du Psalmiste: «Tout homme est menteur»; (Ps 115) car celui qui n'est pas coupable de mensonge n'est pas seulement un homme, et ou peut lui appliquer, ainsi qu'à ceux qui lui ressemblent, ces paroles: «Je l'ai dit, vous êtes des dieux» (Ps 81,6). Lors donc qu'un homme profère un mensonge, il parle de son propre fonds. L'Esprit saint, au contraire, parle d'après le Verbe de la vérité et de la sagesse, d'après ces paroles du Sauveur: «Il recevra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera» (Jn 15,14). - S. Aug. (Quest. sur le Nouv. et l'Anc. Test., quest. 90). Ou bien encore le diable n'est pas ici un nom spécial, mais un nom commun, que vous pouvez donner à tout homme en qui vous trouvez les oeuvres du diable, car c'est un nom qui convient aux actions plutôt qu'à la nature. Notre-Seigneur veut indiquer que les Juifs ont pour père Caïn, parce qu'ils veulent se rendre ses imitateurs en le mettant à mort. C'est Caïn, en effet, qui a donné le premier exemple de fratricide, et le Sauveur dit qu'il puise le mensonge dans son propre fonds, pour nous apprendre qu'on ne peut pécher que par sa propre volonté. Comme Caïn a été lui-même l'imitateur du diable, on lui donne pour père le diable, dont il a imité les oeuvres.

Alcuin. Dieu est la vérité, et le Fils de Dieu, qui est la vérité ne peut dire lui-même que la vérité; mais les Juifs (qui étaient les enfants du démon) avaient la vérité en horreur, comme le Sauveur le leur reproche: «Et moi, si je vous dis la vérité, vous ne me croyez point». - Orig. (Traité 20. ) Mais comment peut-il faire ce reproche aux Juifs qui ont cru en lui? Il faut remarquer ici qu'on peut croire sous un rapport, et ne pas croire sous un autre, comme ceux par exemple qui croient en Celui qui a été crucifié sous Ponce-Pilate, et qui ne croient pas qu'il soit né de la Vierge Marie; ils croient et tout à la fo is ne croient pas à la même personne. C'est ainsi que les Juifs à qui s'adressait Notre-Seigneur croyaient en lui à la vue des miracles qu'il opérait, et ne croyaient pas aux vérités sublimes qu'il leur enseignait.

S. Chrys. (hom. 54) C'est donc parce que vous êtes les ennemis de la vérité, que sans avoir aucune accusation à formuler contre moi, vous voulez me mettre à mort. C'est pour cela qu'il ajoute: «Quel est celui d'entre vous qui me reprendra de péché ?» - Théophyl. C'est-à-dire, si vous êtes les enfants de Dieu, vous devez nécessairement haïr ceux qui l'offensent, si donc vous ne pouvez me convaincre de péché, moi, l'objet de votre haine, il est évident que c'est par haine de la vérité que vous me haïssez, parce que je me dis le Fils de Dieu. - Orig. (Traité 20). Ces paroles de Jésus-Christ sont l'expression d'une confiance extraordinaire, et aucun autre homme ne peut porter un semblable défi, si ce n'est Notre-Seigneur, qui n'a jamais connu le péché. (1P 2,22). - S. Grég. (hom. 18 sur les Evang). Considérez ici la douceur de Notre-Seigneur, il ne dédaigne point de prouver qu'il n'est point pécheur, lui qui par sa vertu divine pouvait justifier les pécheurs. Il ajoute donc: «Celui qui est de Dieu, entend les paroles de Dieu, et c'est parce que vous n'êtes pas de Dieu, que vous ne les entendez pas». - S. Aug. (Traité 43). Ne considérez donc pas ici la nature, mais le vice de la nature. Les Juifs étaient de Dieu, et n'étaient pas de Dieu; leur nature venait de Dieu, le vice de leur nature n'en venait point. Or, le Sauveur adresse ce reproche non seulement à ceux qui étaient coupables de péché, car ils l'étaient tous; mais à ceux qu'il prévoyait devoir repousser la foi, qui seule aurait pu les affranchir des liens de leurs péchés. - S. Grég. (hom. 18 sur les Evang). Que chacun se demande s'il écoute les paroles de Dieu avec l'oreille du coeur, et il saura d'où il vient. Il en est, en effet, qui ne veulent même pas écouter les préceptes divins des oreilles du corps; il en est d'autres qui ouvrent ces oreilles pour les entendre, mais qui n'éprouvent pour ces préceptes aucun désir du coeur; il en est d'autres enfin, qui reçoivent volontiers la parole de Dieu, et qui s'en laissent pénétrer jusqu'aux larmes, mais après ce moment consacré aux larmes du repentir, ils retournent à leurs iniquités; et on peut dire qu'ils n'écoutent pas véritablement les paroles de Dieu, parce qu'ils refusent de les traduire dans leurs oeuvres.



vv. 48-51

12848 Jn 8,48-51

S. Chrys. (hom. 54 sur S. Jean). Toutes les fois que le Sauveur leur enseignait une doctrine plus relevée, les Juifs, aveugles par leur fureur insensée, n'y voyaient qu'un acte de folie. «Les Juifs lui répondirent donc: N'avons-nous pas raison de dire que vous êtes un Samaritain», etc. - Orig. (Traité 20). C'est une question digne d'intérêt que de savoir comment les Juifs ont osé traiter de Samaritain le Sauveur, lui qui n'a cessé de multiplier ses enseignements sur la résurrection et le jugement, alors que les Samaritains, au contraire, nient la vie future et l'immortalité de l'âme. Mais peut-être est-ce un outrage purement gratuit qu'ils lui font en lui donnant le nom d'une secte dont il ne partage pas les opinions. - Alcuin. Les Samaritains, nation odieuse au peuple juif, occupaient le pays habité autrefois par les dix tribus qui furent emmenées en captivité. - Orig. On peut dire aussi que quelques-uns pensaient que Jésus partageait l'opinion des Samaritains sur l'anéantissement de l'âme après la mort, et que c'était pour plaire aux Juifs, et sans y croire, qu'il leur parlait de la résurrection et de la vie éternelle. Ils l'accusent d'avoir en lui le démon, parce que les grandes vérités qu'il leur enseignait, que Dieu était son Père, qu'il était descendu du ciel et d'autres choses semblables, dépassaient la portée de l'intelligence humaine. Ou bien encore ils adoptaient les soupçons de plusieurs d'entre eux, qui pensaient que c'était par Béelzébub, prince des démons, qu'il chassait lui-même les démons. - Théophyl. Ou bien encore ils le traitaient de Samaritain, comme détruisant les pratiques de la loi des Hébreux, en particulier l'observance du sabbat, car les Samaritains n'observaient point parfaitement toutes les pratiques de la loi juive. Ils soupçonnaient qu'il avait en lui un démon, parce qu'il leur révélait leurs propres pensées. L'Évangéliste ne mentionne pas dans quelles circonstances ils l'avaient appelé Samaritain, preuve que les Évangélistes ont passé beaucoup de choses sous silence.

S. Grég. (hom. 18 sur les Evang). Le Fils de Dieu reçoit ces outrages et n'y répond point par des injures: Jésus répartit: «Il n'y a point en moi de démon»; ainsi nous enseigne-t-il à ne point divulguer les véritables défauts du prochain, lors même que ses outrages n'ont d'autre fondement que la calomnie, de peur que le ministère de la correction fraternelle ne devienne une occasion et un instrument de vengeance. - S. Chrys. (hom. 54) Remarquons aussi que lorsqu'il s'agissait de les instruire et de combattre leur orgueil, Jésus se montrait plus sévère, mais lorsqu'il n'y avait que des outrages à supporter, il faisait preuve de la plus grande douceur, nous apprenant ainsi à venger les injures qui sont faites à Dieu, et à mépriser celles dont nous sommes l'objet. - S. Aug. (Traité 43). Son dessein est encore que l'homme imite d'abord sa patience pour parvenir à la puissance qu'il désire. Notre-Seigneur ne rend donc pas injure pour injure; toutefois il regarde comme un devoir de repousser leur imputation calomnieuse. Ils avaient formulé contre lui deux accusations: «Vous êtes un Samaritain», et: «Vous êtes possédé du démon». Jésus ne nie point qu'il est Samaritain, car le mot Samaritain veut dire gardien, et il savait qu'il était notre gardien par excellence, car s'il avait pour mission de nous racheter, n'avait-il pas aussi celle de nous conserver? - Orig. N'est-il pas d'ailleurs le bon Samaritain, qui s'est approché du voyageur blessé, et a pratiqué à son égard tous les devoirs de la miséricorde? (Lc 18) Disons encore que le Sauveur, bien plus que l'apôtre saint Paul, a voulu se faire tout à tous pour gagner tous les hommes (1Co 8,22), et c'est pour cela qu'il ne nia point qu'il fût Samaritain. Il n'appartenait du reste qu'à Jésus seul de pouvoir dire: «Il n'y a point de démon en moi», etc.; et encore ces autres paroles: «Le prince de ce monde vient et il n'a rien en moi»; (Jn 14,30) car les péchés qui sont regardés comme les plus légers, étaient attribués au démon.

S. Aug. (Traité 43 sur S. Jean,) Après avoir reçu un tel outrage, Notre-Seigneur ne dit que ces paroles dans l'intérêt de sa gloire: «Mais j'honore mon Père», c'est-à-dire, je ne m'honore point moi-même, pour ne pas prêter à l'accusation d'arrogance, il eu est un autre que j'honore. - Théophyl. Il a honoré son Père en vengeant sa gloire et en ne permettant pas à des homicides et des menteurs de se proclamer les vrais enfants de Dieu. - Orig. (hom. 20). Jésus-Christ seul a véritablement honoré son Père, car personne ne peut prétendre honorer Dieu, s'il témoigne encore quelque honneur à des choses que Dieu n'a point en estime. - S. Grég. (hom. 18 sur les Evang). Mais comme tout homme qui brûle de zèle pour la gloire de Dieu est exposé aux outrages des méchants, le Seigneur a voulu nous donner dans sa personne un exemple de patience, lorsqu'il se contente de répondre aux Juifs: «Et vous, vous me déshonorez». - S. Aug. C'est-à-dire, je fais ce que je dois faire, et vous, vous ne faites pas ce que vous devez faire. - Orig. (Traité 20). Ces paroles ne s'adressent pas seulement aux Juifs, mais à tous ceux qui commettent l'injustice, à ceux qui outragent Jésus-Christ, qui est la justice, comme à ceux qui font outrage à la sagesse, parce que Jésus-Christ est la sagesse, et ainsi des autres vertus. - S. Grég. Mais que devons-nous opposer aux outrages que nous recevons? Le Sauveur nous l'apprend par son exemple: «Pour moi, je glorifie mon Père», etc. - S. Chrys. (hom. 54). C'est-à-dire, l'honneur que je professe pour mon Père m'a porté à vous adresser ces paroles, et c'est pour cela que vous me déshonorez, mais peu m'importent vos outrages, je laisse le soin de les châtier à celui pour l'honneur duquel je les supporte.

Orig. (Traité 20). Dieu cherche la gloire de Jésus-Christ dans chacun de ceux qui le reçoivent, et il la trouve dans tous ceux qui cultivent avec soin les principes de vertu répandus dans leur âme, mais s'il est trompé dans ses recherches, il punit sévèrement ceux en qui il ne trouve pas la gloire de son Fils. C'est ce que signifient ces paroles: «Il est quelqu'un qui en prendra soin et qui fera justice». - S. Aug. (Traité 43) De qui veut-il parler, si ce n'est de son Père? Or comment dit-il dans un autre endroit: «Le Père ne juge personne, mais il a donné tout pouvoir de juger à son Fils ?» (Jn 5,22) Il faut se rappeler que le mot jugement se prend quelquefois dans le sens de condamnation, tandis qu'ici il signifie simplement discernement, séparation; Notre-Seigneur leur dit donc: «C'est à mon Père de discerner, de séparer ma gloire de la vôtre»; car vous ne recherchez que la gloire de ce monde, quant à moi, je ne veux point de cette gloire, Dieu distingue et sépare encore la gloire de son Fils de la gloire des hommes, car le mystère de son incarnation ne l'a pas entièrement assimilé à nous; nous sommes des hommes coupables de péché, mais pour lui il est sans péché, même en tant qu'il a pris la forme d'esclave; car qui pourrait dignement redire ces paroles: «Au commencement était le Verbe ?» (Jn 1,1) - Orig. Ou bien encore, s'il faut admettre la vérité de ces paroles du Sauveur à son Père: «Tout ce qui est à vous est à moi» (Jn 17,10), il est évident que le pouvoir de juger qui est propre au Fils appartient au Père.

S. Grég. (hom. 18 sur les Evang). Lorsque les prédicateurs voient s'accroître la perversité des méchants, non seulement ils ne doivent point s'en laisser abattre, ils doivent au contraire redoubler de zèle. Voyez Notre-Seigneur, les Juifs l'accusent d'avoir en lui le démon, et pour toute vengeance, il leur donne avec plus de profusion les bienfaits de sa divine doctrine: «En vérité, en vérité, je vous le dis, si quelqu'un garde ma parole, il ne verra point la mort», etc. - S. Aug. (Traité 43) Il ne verra point, c'est-à-dire, il n'éprouvera point la mort. Le Sauveur qui devait mourir parlait à des hommes qui devaient mourir eux-mêmes, que signifient donc ces paroles: «Celui qui gardera ma parole ne verra point la mort ?» C'est qu'il avait en vue une autre mort dont il était venu nous délivrer, la mort éternelle, la mort de la damnation avec le démon et ses anges. Voilà la seule vraie mort, l'autre n'est qu'un passage. - Orig. (Traité 20). Ces paroles: «Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort», doivent être entendues dans ce sens: Si quelqu'un garde fidèlement ma lumière, il ne verra point les ténèbres. Le mot éternellement doit être entendu dans cette signification usuelle: Celui qui gardera éternellement ma parole, ne verra pas éternellement la mort. On ne voit jamais en effet la mort tant qu'on garde la parole de Jésus, mais lorsqu'on se relâche dans l'observance de ses commandements et dans la vigilance sur soi-même, on cesse de garder sa parole, alors on voit la mort qu'on ne trouve nulle part ailleurs qu'en soi-même. Ainsi instruits par le Sauveur, nous pouvons répondre au prophète qui nous demande: «Quel est l'homme qui vivra et ne verra pas la mort ?» (Ps 88,49) C'est celui qui aura gardé la parole de Jésus-Christ. - S. Chrys. (hom. 54) Celui qui aura gardé, non seulement par la foi, mais par la pratique d'une vie pure. Notre-Seigneur, en même temps, fait entendre indirectement aux Juifs qu'ils ne peuvent rien contre lui, car si celui qui garde sa parole ne mourra jamais, à plus forte raison ne peut-il mourir lui-même.



Catena Aurea 12837