Catena Aurea 12918

vv. 18-23

12918 Jn 9,18-23

S. Chrys. (hom. 58). Les pharisiens n'ayant pu intimider cet homme, et voyant qu'il proclamait en toute liberté le nom de son bienfaiteur, crurent qu'ils pourraient détruire la vérité du miracle au moyen de ses parents; c'est ce que signifient ces paroles de l'Évangéliste: «Mais les Juifs ne voulurent pas croire qu'il eût été aveugle et qu'il eût recouvré la vue, jusqu'à ce qu'ils eussent fait venir les parents de celui qui voyait». - S. Aug. C'est-à-dire, de celui qui avait été aveugle et qui avait recouvré la vue. - S. Chrys. (hom. 58). Mais telle est la nature de la vérité, qu'elle puise une force plus grande dans les difficultés qu'on lui suscite. Le mensonge se détruit par lui-même, et les moyens qu'il prend pour détruire la vérité, ne servent qu'à la rendre plus éclatante; c'est ce que nous voyons arriver ici. On aurait pu dire que le témoignage des voisins n'était pas bien certain, que la ressemblance avait pu les tromper; on fait donc venir les parents, qui connaissaient leur fils mieux que personne ne pouvait le connaître: «Et ils leur demandèrent: Est-ce là votre fils, que vous dites être né aveugle ?» Ils ne disent pas: Qui était autrefois aveugle, mais: «Que vous dites être né aveugle ?» O hommes pervers et dignes d'exécration ! Quel est le père qui voudrait faire un tel mensonge à l'égard de son fils? Il n'y a qu'une chose qu'ils ne disent pas, c'est que ce sont eux-mêmes qui l'ont rendu aveugle. Ils s'efforcent donc de leur faire nier sa guérison par ces deux questions: «Est-ce là votre fils que vous dites être né aveugle ?» et: «Comment donc voit-il maintenant ?» - Théophyl. C'est-à-dire qu'ils voudraient révoquer en doute l'un des deux faits, ou il est faux qu'il voie maintenant, ou il n'a pas été précédemment aveugle. Mais comme on ne peut nier qu'il voie maintenant, il est donc faux qu'il fût aveugle, comme vous l'avancez.

S. Chrys. (hom. 58). Sur trois questions qui leur sont faites, s'il est leur fils, s'il était aveugle, et comment il se fait qu'il voie maintenant, ils répondent à deux: «Ses parents leur répondirent: Nous savons que c'est là notre fils, et qu'il est né aveugle». Quant à la troisième, ils l'éludent, en disant: «Mais comment il voit maintenant, et qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons». C'est pour le plus grand triomphe de la vérité que nul autre que celui qui a été guéri, et qui était bien digne de foi, atteste le miracle dont il est l'objet. «Interrogez-le, disent ses parents, il a de l'âge, qu'il parle de ce qui le concerne». - S. Aug. C'est-à-dire, on pourrait nous forcer de parler pour un enfant, parce qu'il ne pourrait parler pour lui-même: nous l'avons connu aveugle de naissance, mais ayant l'usage de la parole.

S. Chrys. (hom. 58). Quelle ingratitude dans les parents de cet homme, qui n'osent dire ce qu'ils savent très-bien, par la crainte qu'ils ont des Juifs ! «Ils parlèrent ainsi, dit l'Évangéliste, parce qu'ils craignaient les Juifs». Il nous fait connaître en même temps la pensée des Juifs et leur dessein: «Car, ajoute-t-il, les Juifs étaient convenus entre eux que quiconque reconnaîtrait Jésus pour le Christ, serait chassé de la synagogue». - S. Aug. Ce n'était plus, du reste, un mal que d'être chassé de la synagogue; car, si l'on était chassé par les Juifs, on était reçu par Jésus-Christ.

C'est pourquoi ses parents dirent: «Il a de l'âge, interrogez-le», - Alcuin. L'Évangéliste nous donne ici une preuve que, ce n'est point l'ignorance, mais la crainte qui leur a dicté cette réponse. - Théophyl. Ils sont plus timides que leur enfant, qui se montre le témoin intrépide de la vérité, parce que Dieu avait éclairé les yeux de son âme.


vv. 24-34

12924 Jn 9,24-34

S. Chrys. (hom. 58 sur S. Jean). Les parents ayant renvoyé les pharisiens à celui-là même qui avait été guéri, ils l'appelèrent une seconde fois, comme le dit l'Évangéliste: «Ils appelèrent donc de nouveau l'homme qui avait été aveugle». Ils ne lui dirent pas ouvertement: Niez que Jésus-Christ vous ait guéri; mais ils veulent l'y amener indirectement, sous prétexte de religion: «Rendez gloire à Dieu», lui dirent-ils; c'est-à-dire, avouez que Jésus ne vous a rien fait. - S. Aug. (Traité 47). Niez le bienfait que vous avez reçu; ce qui n'est point rendre gloire à Dieu, mais se rendre coupable de blasphème envers lui. - Alcuin. Mais ils voulaient qu'il rendit gloire à Dieu à leur façon, c'est-à-dire en reconnaissant que Jésus-Christ était un pécheur: «Nous savons, disent-ils, que cet homme est un pécheur». - S. Chrys. (hom. 58). Pourquoi donc ne lui avez-vous point prouvé qu'il était un pécheur lorsqu'il vous a fait ce défi: «Qui de vous me convaincra de péché ?»

Alcuin. Cet homme, qui ne voulait ni donner lieu à la calomnie, ni cacher la vérité, ne dit pas: Je sais qu'il est juste, mais il leur dit: «S'il est pécheur, je n'en sais rien». - S. Chrys. Comment celui qui avait reconnu précédemment que Jésus était un prophète, peut-il dire maintenant: «S'il est un pécheur, je ne sais ?» Est-ce qu'il se laisse influencer par la crainte? Non; mais il veut justifier Jésus-Christ contre ses accusateurs par le témoignage du miracle lui-même, et rendre ses paroles dignes de foi par le bienfait qu'il a reçu: «Je sais seulement que j'étais aveugle, et qu'à présent je vois». C'est-à-dire, je ne m'explique point sur cette question s'il est pécheur ou non, mais je dis ce que je sais à n'en pouvoir douter. Les pharisiens ne pouvant détruire la vérité du fait miraculeux, reviennent à leurs premières questions, et s'informent de nouveau de la manière dont cette guérison a eu lieu, semblables à des chiens qui cherchent sans discontinuer leur proie, tantôt d'un côté tantôt d'un autre: «Sur quoi ils lui dirent: Que vous a-t-il fait? Comment vous a-t-il ouvert les yeux ?» C'est-à-dire, est-ce au moyen de quelque prestige? Ainsi ils ne lui disent pas: Comment avez-vous vu? mais: «Comment vous a-t-il ouvert les yeux ?» pour lui offrir l'occasion de calomnier le miracle opéré par Jésus. Tant que les éclaircissements avaient été nécessaires, l'aveugle s'était expliqué avec modération; mais comme la vérité est désormais triomphante, il leur parle avec une généreuse liberté: «Il leur répondit: Je vous l'ai déjà dit, et vous l'avez entendu, pourquoi voulez-vous l'entendre encore ?» C'est-à-dire: Vous ne tenez aucun cas de ce que je vous ai dit, je ne répondrai donc plus à des questions qui n'ont aucun but, et que vous faites non pour apprendre, mais pour trouver dans mes réponses un sujet de critique ou d'accusation. Il ajoute: «Est-ce que, vous aussi, vous voulez devenir ses disciples ?» - S. Aug. Que veulent dire ces paroles: «Est-ce que vous aussi ?» Quant à moi, je suis déjà son disciple, voulez-vous aussi le devenir? Je vois, mais je jouis sans envie du bienfait de la vue. C'est avec cette noble fermeté que cet homme, autrefois aveugle, et qui ne peut plus supporter les aveugles, condamne la dureté opiniâtre des Juifs. - S. Chrys. (hom. 58). Voyez à la fois la force de la vérité, et la faiblesse du mensonge. La vérité rend les hommes illustres et les couvre de gloire, quelque méprisés qu'ils soient d'ailleurs; et le mensonge, eût-il pour organe les puissants du monde, dévoile toute leur faiblesse.

«Ils le maudirent alors et lui dirent: Sois son disciple, toi». Que cette malédiction soit sur nous et sur nos enfants, car elle n'existe que dans leur coeur, et non dans leurs paroles: «Pour nous, ajoutent-ils, nous sommes disciples de Moïse; nous savons que Dieu a parlé à Moïse». Plût à Dieu que vous sachiez que Dieu a parlé à Moise, vous sauriez également alors que Moïse a prédit l'avènement d'un Dieu; puisque c'est le Seigneur lui-même qui vous dit: «Si vous croyiez à Moïse, vous croiriez aussi en moi; car il a parlé de moi dans ses écrits». Ainsi vous vous fait es gloire de suivre le serviteur, et vous tournez le dos au Maître? Car vous ajoutez: «Mais celui-ci, nous ne savons d'où il est» - S. Chrys. (hom. 58). C'est-à-dire que ce que vous voyez de vos yeux vous paraît moins véritable que ce que vous avez entendu dire; en effet ce que vous dites savoir, vous le tenez de vos ancêtres. Mais n'est-il pas bien plus digne de foi, celui qui vous a prouvé qu'il venait de Dieu par des miracles, dont vous n'avez pas seulement entendu parler, mais que vous avez vus de vos propres yeux? C'est ce que leur répond cet homme: «Il est vraiment surprenant que vous ne sachiez pas d'où il est, et qu'il m'ait ouvert les yeux». Il ne cesse de leur rappeler ce miracle, parce qu'ils ne pouvaient en contester la réalité, et qu'il portait avec lui sa conviction; et comme ils avaient déclaré qu'un pécheur ne pouvait opérer de semblables prodiges, il s'appuie sur cet aveu, et leur remet en mémoire leurs propres paroles: «Nous savons, leur dit-il, que Dieu n'exauce point les pécheurs»; c'est-à-dire, vous et moi nous sommes d'accord sur ce point.

S. Aug. Il parle ici comme un homme qui n'a pas encore reçu l'onction, car Dieu exauce les pécheurs; et, s'il ne les exauçait pas, c'est donc en vain que le publicain lui aurait fait cette prière: «Seigneur, soyez-moi propice, à moi, qui ne suis qu'un pécheur». Mais au contraire il mérita, par cette confession, d'être justifié, comme l'aveugle mérita que la lumière lui fût rendue. - Théophyl. Ou bien encore on peut dire que Dieu n'exauce point les pécheurs, en ce sens qu'il ne leur accorde pas le pouvoir de faire des miracles, mais lorsqu'ils implorent le pardon de leurs fautes, ils passent de l'état de pécheurs à celui de pénitents.

S. Chrys. (hom. 58). Et, remarquez que les paroles qui précèdent: «S'il est un pécheur, je ne sais», n'expriment pas un doute de la part de cet homme; car ici, non seulement il le justifie de tout péché, mais il montre combien il est agréable à Dieu. «Mais celui qui l'honore, et fait sa volonté, c'est celui-là qu'il exauce»; ainsi il ne suffît pas de connaître Dieu, il faut encore accomplir sa volonté. «Voyez encore comme il relève le miracle dont il vient d'être l'objet: «Jamais on n'a ouï dire que personne ait ouvert les yeux à un aveugle-né». C'est-à-dire: Si vous reconnaissez que Dieu n'exauce point les pécheurs, et que cet homme cependant ait fait un miracle comme jamais aucun homme n'en a fait, il est évident que la puissance en vertu de laquelle il a fait ce miracle est supérieure à toute puissance humaine: «Si cet homme n'était pas de Dieu, ajouta-t-il, il ne pourrait rien faire». - S. Aug. Il ne pourrait rien faire avec liberté, avec constance, avec vérité; car, comment les choses que le Seigneur a faites auraient-elles pu exister si Dieu lui-même n'en était l'auteur? et comment ses disciples pourraient-ils opérer de semblables prodiges, si le Seigneur lui-même n'habitait en eux pour les revêtir de sa puissance ?

S. Chrys. Cet homme a donc confessé la vérité sans la moindre crainte, et cependant au lieu d'admirer sa noble fermeté, les pharisiens le condamnent, «Ils lui répondirent: Tu es né tout entier dans le péché, et tu nous enseignes !» Que veulent dire ces mots: «Tout entier ?» Avec les yeux fermés; mais celui qui lui a ouvert les yeux l'a guéri aussi tout entier. - S. Chrys. (hom. 58). Ou bien ces paroles: «Tout entier», signifient: Vous êtes dans le péché depuis vos premières années. Ils lui reprochent donc sa cécité, comme la suite et la punition de ses péchés, ce qui était dénué de fondement. Tant qu'ils ont espéré qu'il nierait cette guérison miraculeuse, ils l'ont juge digne de foi; maintenant ils le repoussent loin d'eux. «Et ils le chassèrent dehors». - S. Aug. Ils l'avaient eux-mêmes établi comme maître, ils l'avaient interrogé à plusieurs reprises, comme pour s'instruire, et après qu'il leur a enseigné la vérité, ils le chassèrent avec une superbe ingratitude. - Bède. C'est, en effet, la coutume des grands, de dédaigner de rien apprendre de la bouche de leurs inférieurs.


vv. 35-41

12935 Jn 9,35-41

S. Chrys. (hom. 59 sur S. Jean). Dieu se plaît à honorer surtout ceux qui sont couverts d'outrages pour avoir rendu témoignage à la vérité et confessé Jésus-Christ. C'est ce qui se vérifie dans cet aveugle. Les Juifs le chassent du temple, et le Maître du temple le rencontre, et l'accueille avec bonté, comme le président des combats accueille celui qui a courageusement combattu et mérité la couronne. «Jésus apprit qu'ils l'avaient ainsi chassé; et, l'ayant rencontré, il lui dit: Croyez-vous au Fils de Dieu ?» Le récit de l'Évangéliste nous fait voir que Jésus était venu exprès pour lui parler. Or, il l'interroge, non pour apprendre ce qu'il ignorait, mais pour se faire connaître à lui, et lui montrer la grande estime qu'il fait de sa foi; et il semble lui dire: Ce peuple m'a outragé, mais peu m'importe; je n'ai à coeur qu'une seule chose, c'est de vous inspirer la foi: mieux vaut un homme faisant la volonté de Dieu, que dix mille impies.

S. Hil. (de la Trinité, 6) Si une foi telle quelle en Jésus-Christ devait être regardée comme une foi consommée, le Sauveur aurait dit à cet homme: Croyez-vous en Jésus-Christ? Mais comme presque tous les hérétiques devaient avoir ce nom à la bouche et confesser le Christ, tout en niant qu'il était le Fils de Dieu, Jésus demande à cet homme de croire ce qui est le signe caractéristique du Christ, c'est-à-dire, de croire qu'il est Fils de Dieu. Que servirait-il de croire au Fils de Dieu, si l'objet de la foi n'était qu'une créature? La foi qui nous est demandée, c'est la foi en Jésus-Christ, non comme créature de Dieu, mais comme Fils de Dieu.

S. Chrys. (hom. 59). Cet homme ne connaissait pas encore Jésus-Christ, il était aveugle avant que Jésus l'eût rencontré pour la première fois; et après sa guérison, il avait été entraîné de tous côtés par les Juifs. «Il répondit: Qui est-il, Seigneur, afin que je croie en lui ?» C'est là l'expression d'un vif et ardent désir. Il ne connaît point celui dont il a pris et soutenu la défense avec tant de force et de chaleur, preuve de son grand amour pour la vérité. Le Seigneur ne lui a point encore dit expressément: «C'est moi qui vous ai guéri»; mais il le lui fait connaître équivalemment en lui disant: «Vous l'avez vu, et c'est lui-même qui vous parle». - Théophyl. Il s'exprime ainsi pour rappeler à cet homme sa guérison, parce que c'est de lui qu'il avait reçu la faculté de voir. Remarquez que celui qui lui parle est à la fois le Fils de Marie et le Fils de Dieu, et il n'y a point en lui deux personnes, suivant l'erreur de Nestorius; «et c'est lui-même qui vous parle», lui dit le Sauveur.

S. Aug. (Traité 44) Notre-Seigneur lave et purifie maintenant la face de son coeur, et après que son coeur est purifié, ainsi que sa conscience, il le reconnaît non comme Fils de l'homme, ce qu'il croyait déjà auparavant, mais comme Fils de Dieu, revêtu d'une chair mortelle: «Et il lui dit: Je crois, Seigneur». C'est peu de croire; voulez-vous voir tout ce que sa foi découvre en lui? «Et, se jetant à ses pieds, il l'adora». - Bède. Cet exemple nous apprend qu'on ne doit point prier Dieu la tète haute, mais implorer sa miséricorde la face prosternée contre terre. - S. Chrys. (hom. 59. ) Par son attitude autant que par son langage, cet homme révèle la puissance divine de Jésus; le Seigneur, de son côté, donne une nouvelle ardeur à sa foi, et rend ceux qui le suivent plus attentifs: «Alors Jésus dit: Je suis venu dans ce monde pour exercer le jugement». - S. Aug. Jésus était le jour, qui sépare la lumière des ténèbres, et il ajoute justement: «Afin que ceux qui ne voient pas voient», parce qu'il délivre des ténèbres. Mais que signifient les paroles qui suivent: «Et que ceux qui voient deviennent aveugles ?» La suite nous en donne le véritable sens: «Quelques-uns, d'entre les pharisiens qui étaient-là, ayant entendu ces paroles, lui dirent: «Sommes-nous donc aussi des aveugles ?» Car cette parole: «Et que ceux qui voient deviennent aveugles», les avait vivement touchés. «Jésus leur répondit: Si vous étiez aveugles, vous n'auriez point de péché»; c'est-à-dire, si vous reconnaissiez que vous êtes des aveugles, vous auriez recours au médecin. «Mais maintenant vous dites: Nous voyons, votre péché demeure». En effet, en prétendant que vous voyez, vous n'avez nul souci de chercher le médecin, et vous demeurez dans votre aveuglement; c'est ce qu'il vient de leur prédira, en leur disant: «Je suis venu pour que ceux qui ne voient point voient», (c'est-à-dire, ceux qui reconnaissent qu'ils ne voient point, et cherchent un médecin, pour qu'il leur rende la vue,) «et que ceux qui voient deviennent aveugles». (C'est-à-dire, afin que ceux qui s'imaginent qu'ils voient et ne cherchent pas le médecin, demeurent dans leur aveuglement). C'est cette distinction qu'il appelle jugement, lorsqu'il dit: «Je suis venu dans le monde pour exercer le jugement», et il ne veut point dire qu'il vienne exercer sur le monde ce jugement qui doit n'avoir lieu qu'à la fin des siècles, pour les vivants et les morts.

S. Chrys. (hom. 59). Ou bien encore, tel est le sens de ces paroles: «Je suis venu pour le jugement;» c'est-à-dire, pour augmenter la rigueur du supplice qui vous est réservé; et il montre aussi que ceux qui l'ont condamné, seront eux-mêmes l'objet d'une sévère condamnation. Les paroles suivantes: «Afin que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles», doivent être entendues dans le même sens que ces autres de saint Paul: «Que les Gentils qui ne cherchaient point la justice, ont embrassé la justice, et la justice qui vient de la foi de Jésus-Christ; et qu'Israël, au contraire, qui recherchait la loi de la justice, n'est point parvenu à la loi de la justice». (Rm 9,30-31). - Théophyl. Notre-Seigneur semble dire: Celui qui était aveugle dès sa naissance voit maintenant, et ceux qui paraissent avoir l'usage de la vue, sont aveugles dans leur intelligence. - S. Chrys. (hom. 59). Il y a, en effet, deux manières de voir, comme deux manières d'être aveugle, l'une extérieure, l'autre intérieure; or, les Juifs n'avaient de désirs que pour les choses sensibles, et de mépris que pour la cécité extérieure; Jésus leur déclare donc qu'il vaudrait mieux pour eux être aveugles, que de voir de la sorte: «Si vous étiez aveugles, leur dit-il, vous n'auriez point de péché», et votre châtiment serait moins rigoureux; «mais maintenant vous dites: Nous voyons». - Théophyl. Vous ne voulez faire nulle attention au miracle opéré en faveur de cet aveugle, vous êtes donc indigne de pardon, puisque la vue de tels prodiges n'est point capable de vous attirer à la foi.

S. Chrys. (hom. 59). Il leur montre ainsi que ce qu'ils regardaient comme un titre de gloire, sera pour eux une cause de châtiment, et en même temps il console de sa cécité extérieure cet homme qui avait été aveugle de naissance. Ce n'est pas sans raison que l'Évangéliste nous fait remarquer que quelques-uns d'entre les pharisiens qui étaient là entendirent ces paroles; il veut nous rappeler que ce sont les mêmes qui avaient d'abord résisté à Jésus-Christ, et avaient voulu ensuite le lapider; ils étaient de ceux qui suivaient le Sauveur comme par manière d'acquit, et à la première occasion se déclaraient contre lui. - Théophyl. Ou bien encore, si vous étiez aveugles, c'est-à-dire si vous ignoriez les Écritures, votre péché serait moins grand, parce qu'il aurait l'ignorance pour excuse; mais maintenant, que vous vous donnez comme des sages et des hommes versés dans la loi, vous vous condamnez vous-mêmes.


CHAPITRE X


vv. 1-6

13001 Jn 10,1-6

S. Chrys. (hom. 59 sur S. Jean). Notre-Seigneur venait de convaincre les Juifs d'aveuglement, mais ils pouvaient lui répondre: Ce n'est point par aveuglement que nous ne vous suivons pas, nous nous séparons de vous comme d'un imposteur, il veut donc leur prouver que loin d'être un imposteur, il est le véritable pasteur, en donnant les signes distinctifs de l'un et de l'autre, et d'abord le signalement de l'imposteur et du voleur: «En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n'entre point par la porte dans la bergerie, mais qui y monte par un autre endroit, est un voleur et un larron». Notre-Seigneur désigne ici indirectement tous ceux qui sont venus avant lui et ceux qui doivent paraître après lui, l'Antéchrist et les faux prophètes. Les saintes Écritures sont la porte, car ce sont elles qui ouvrent l'intelligence à la connaissance de Dieu, elles servent d'ailleurs à garder les brebis et ne laissent point approcher les loups, c'est-à-dire, les hérétiques qu'elles empêchent d'entrer dans la bergerie. Celui donc qui, laissant là les Écritures, veut monter par un autre endroit, et s'ouvre un chemin particulier et non autorisé, est un voleur. Le Sauveur dit: «Il monte», et non pas: «Il entre», à l'exemple du voleur qui cherche à escalader le mur de clôture, et s'expose pour cela à tous les dangers. Notre-Seigneur ajoute: «Par un autre endroit», et il désigne à mots couverts les scribes, qui enseignaient des maximes et des doctrines tout humaines, et transgressaient ouvertement la loi. S'il déclare plus bas qu'il est lui-même la porte, il ne faut pas s'en étonner, il s'appelle la porte et pasteur sous des rapports différents. Il est la porte, parce qu'il nous amène à son Père, et il est notre pasteur, parce qu'il nous conduit et nous dirige.

S. Aug. (Traité 45 sur S. Jean). Ou bien encore, il en est beaucoup que selon l'usage ordinaire de la vie, on appelle des hommes de bien, ils observent d'une manière quelconque les commandements de la loi, et toutefois ils ne sont pas chrétiens et demandent avec fierté comme les pharisiens: «Est-ce que nous sommes aveugles ?» (Jn 9,40) Or, Notre-Seigneur leur montre que toutes leurs actions qu'ils ne savent à quelle fin rapporter, sont vaines, sous la figure d'un troupeau et de la porte par laquelle on entre dans la bergerie: «En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui n'entre point par la porte», etc. Que les païens donc, que les Juifs, que les hérétiques disent: «Notre vie est bonne», à quoi cela leur sert-il s'ils n'entrent point par la porte? La fin de la bonne vie doit être pour chacun de lui faire obtenir la vie éternelle, et on ne peut appeler des hommes de bien ceux qui, par aveuglement ou bien par orgueil, dédaignent de connaître ce qui doit être la fin de la bonne vie. Or, la véritable espérance de vivre toujours n'est donnée qu'à celui qui connaît la vie qui est Jésus-Christ, et qui entre par la porte dans la bergerie. Que celui donc qui veut entrer dans la bergerie, entre par la porte, qu'il ne se contente pas d'annoncer Jésus-Christ, qu'il cherche la gloire de Jésus-Christ au lieu de chercher la sienne. Mais Jésus-Christ est une porte qui est bien basse, et il faut s'abaisser pour entrer par cette porte sans se blesser la tête, or celui qui s'élève au lieu de s'humilier, veut escalader le mur, et il ne s'élève que pour tomber. Ces hommes, la plupart du temps, cherchent à persuader aux autres à vivre en hommes de bien sans être chrétiens, ils veulent monter et passer ailleurs que par la porte pour ravir et pour tuer. Ce sont des voleurs, parce qu'ils disent que ce qui est aux autres leur appartient, et des larrons, parce qu'ils tuent ce qu'ils ont volé.

S. Chrys. (hom. 59). Vous avez vu la description du voleur, voici celle du pasteur: «Mais celui qui entre par la porte est le pasteur des brebis». - S. Aug. (serm. 49 sur les par. du Seign). Celui qui entre par la porte est celui qui entre par Jésus-Christ, qui imite la passion de Jésus-Christ, qui connaît l'humilité de Jésus-Christ, c'est-à-dire, qu'à la vue d'un Dieu fait homme, l'homme doit reconnaître que lui-même n'est pas Dieu, mais qu'il n'est qu'un homme, car celui qui veut affecter de paraître un Dieu, lorsqu'il n'est qu'un homme, n'imite pas celui qui étant Dieu s'est fait homme. Or, on ne vous dit pas: Soyez moins que ce que vous êtes, mais: Reconnaissez ce que vous êtes en réalité.

«C'est à lui que le portier ouvre». - S. Chrys. (hom. 59). Rien ne s'oppose à ce que ce portier soit Moïse, car c'est à lui qu'a été confié le dépôt des oracles de Dieu. - Théophyl. Ou bien encore ce portier, c'est l'Esprit Saint qui nous ouvre le sens des Écritures pour nous y faire reconnaître le Christ. - S. Aug. Ou bien encore ce portier, c'est le Seigneur lui-même; dans les choses humaines, en effet, il y a une bien plus grande différence entre le pasteur et la porte qu'entre le portier et la porte, et cependant le Sauveur se donne à la fois comme le pasteur et comme la porte. Pourquoi donc ne pas voir aussi en lui le portier? Ne s'ouvre-t-il pas lui-même lorsqu'il s'explique lui-même? Si cependant vous voulez qu'un autre soit le portier, vous pouvez donner cette dénomination à l'Esprit Saint, dont le Seigneur a dit: «Il vous enseignera lui-même toute vérité» (Jn 16,13). La porte, c'est Jésus-Christ qui est la vérité. Qui ouvre la porte, si ce n'est celui qui enseigne la vérité? Prenons garde cependant de regarder ici le portier comme supérieur à la porte, parce que dans les maisons des hommes, le portier est plus que la porte, et non la porte plus que le portier.

S. Chrys. (hom. 59). Comme les Juifs traitaient Jésus d'imposteur et confirmaient cette opinion par leur incrédulité, en disant: «Qui d'entre les princes du peuple a cru en lui ?» (Jn 7,48) il leur signifie que pour avoir refusé de l'écouter, ils sont exclus du nombre de ses brebis: «Et les brebis entendent sa voix». Si en effet, c'est un signe distinctif du pasteur d'entrer par la porte, comme Notre-Seigneur lui-même est entré, c'est se séparer du troupeau de ses brebis que de refuser d'écouter sa voix.

«Et il appelle par leur nom ses brebis». - S. Aug. En effet, il connaît le nom des prédestinés, et c'est pour cela qu'il dit à ses disciples: «Réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans les cieux» (Lc 10,20). «Et il les fait sortir». - S. Chrys. (Hom. 59). Il faisait sortir ses brebis, quand il les envoyait non loin des loups, mais au milieu même des loups. Le Sauveur paraît faire ici allusion à l'aveugle, car en l'appelant, il l'a comme fait sortir du milieu des Juifs. - S. Aug. Quel est celui qui fait véritablement sortir les brebis, si ce n'est celui qui leur remet leurs péchés, afin qu'elles puissent le suivre, délivrées qu'elles sont des lourdes chaînes de leur esclavage? «Et lorsqu'il a fait sortir ses brebis, il marche devant elles». - La Glose. Il les fait sortir des ténèbres de l'ignorance à la lumière de la vérité, en marchant devant elles, comme il marchait autrefois devant le peuple de Dieu, dans une colonne tour à tour de nuée et de feu. S. Chrys. Les bergers font le contraire de ce qui est ici marqué, et marchent après leur troupeau. Notre-Seigneur nous apprend qu'il agit tout différemment, parce qu'il conduit ses brebis à la vérité. - S. Aug. Quel est le pasteur qui a précédé ses brebis, si ce n'est celui qui est ressuscité des morts pour ne plus mourir (Rm 6,9), et qui a dit à son Père: «Mon Père, je veux que là où je suis, ceux que vous m'avez donnés soient aussi avec moi ?» (Jn 17,24).

«Et les brebis le suivent, parce qu'elles connaissent sa voix, mais elles ne suivent point un étranger», etc. - S. Chrys. Ces étrangers sont les partisans de Théodas et de Judas (Ac 6,36-37), et de tous les faux apôtres qui, après eux devaient tromper le peuple de Dieu. Or, pour n'être point confondu avec eux, il fait voir les différents caractères qui l'en séparent; d'abord la doctrine des Écritures, par lesquelles Jésus-Christ amenait les hommes à lui, tandis que les autres en détournaient les hommes; en second lieu, l'obéissance que les brebis avaient pour lui, car les hommes ont cru en lui, non seulement pendant sa vie, mais après sa mort, tandis que ces faux pasteurs furent bientôt abandonnés de ceux qui les avaient suivis. - Théophyl. Il veut encore désigner ici l'Antéchrist, qui, après avoir égaré un instant les hommes, n'aura point de disciples après sa mort.

S. Aug. Mais comment résoudre cette question? Ceux qui ne sont pas des brebis de Jésus entendent quelquefois sa voix, comme Judas, par exemple, qui était un loup, tandis qu'une partie de ceux qui avaient crucifié le Sauveur n'écoutèrent pas sa voix, bien qu'ils fussent du nombre de ses brebis. On peut dire que lorsqu'elles n'entendaient pas sa voix, elles n'étaient pas encore du nombre des brebis; la voix qu'elles ont entendue les a changés, et en a fait des brebis de loups qu'elles étaient. Je suis encore frappé de ces reproches que Dieu adresse aux pasteurs par la bouche d'Ezéchiel, lorsqu'il leur dit entre autres choses, en parlant des brebis: «Vous n'avez point ramené la brebis qui s'égarait» (Ez 34,4). Elle s'égare et il ne laisse pas de lui donner le nom de brebis; elle ne s'égarerait pas, si elle entendait la voix du pasteur, et elle ne s'égare que parce qu'elle écoute la voix d'un étranger. Disons donc: «Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui» (2Tm 2,19), il connaît les prédestinés, ce sont les brebis. Quelquefois ils ne se connaissent pas eux-mêmes, mais le pasteur les connaît, car il y a beaucoup de brebis dehors, comme il y a un grand nombre de loups dans l'intérieur. Notre-Seigneur veut donc parler ici des prédestinés. Il y a d'ailleurs une certaine voix du pasteur qui ne sera jamais confondue par les brebis avec celle des étrangers, et que ceux qui ne sont pas brebis n'entendront jamais comme la voix de Jésus-Christ. Quelle est cette voix? «Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé» (Mt 10,22). Cette voix est toujours entendue de celui qui appartient à Jésus-Christ; elle ne l'est pas de celui qui lui est étranger: «Jésus leur dit cette parabole, mais ils ne comprirent pas ce qu'il leur disait». Notre-Seigneur, en effet, nourrit notre âme par les vérités qu'il révèle clairement, et il l'exerce par celles qu'il laisse dans l'obscurité. Deux hommes entendent les paroles de l'Évangile, l'un est un homme religieux, l'autre est un impie, et ce qu'ils entendent n'est peut-être compris ni de l'un ni de l'autre. L'un s'exprime de la sorte: Ce que le Sauveur vient de nous dire est vrai et bon, mais nous ne le comprenons pas; cet homme a déjà la foi, il est digne qu'on lui ouvre, s'il persévère à frapper. L'autre, au contraire, soutient qu'il ne leur a rien dit, il a donc encore besoin d'entendre ces paroles: «Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas» (Is 7,9, selon la vers. des Sept).



vv. 7-10

13007 Jn 10,7-10

S. Chrys. (hom. 59 sur S. Jean). Notre-Seigneur, pour rendre les Juifs plus attentifs, leur explique ce qu'il vient de dire: «Jésus donc leur dit encore: En vérité, en vérité, je vous le dis, je suis la porte des brebis». - S. Aug. (Traité 45 sur S. Jean). Voici qu'il ouvre ce qui était fermé, il est lui-même la porte; entrons et réjouissons-nous d'être entrés.

«Tous ceux qui sont venus sont des voleurs et des larrons». - S. Chrys. (hom. 59). Ce n'est point aux prophètes que s'appliquent ces paroles, comme le disent les hérétiques, mais à ceux qui ont excité des séditions. Aussi se hâte-t-il de faire l'éloge des brebis en ajoutant: «Et les brebis ne les ont point écoutés»; or, jamais nous ne le voyons donner des louanges à ceux qui n'ont point obéi aux prophètes, au contraire, il les blâme toujours sévèrement. - S. Aug. Comprenez donc ces paroles dans ce sens: «Tous ceux qui sont venus en dehors de moi»; or, les prophètes ne sont point venus en dehors de lui, tous ceux qui sont venus avec le Verbe de Dieu sont venus avec lui, et ceux qui sont venus avec lui sont dignes de foi, parce qu'il est lui-même le Verbe et la vérité. Avant de venir lui-même sur la terre, il envoyait devant lui ses hérauts, mais il était le maître des coeurs de ceux qu'il envoyait, car s'il a pris une chair mortelle dans le temps, il existe de toute éternité. Que signifient ces paroles: «De toute éternité ?» «Au commencement était le Verbe» (Jn 1,1). Or, avant son avènement si plein d'humilité dans la chair, il a paru sur la terre des justes qui croyaient au Christ qui devait venir, comme nous croyons au Christ qui est venu. Les temps ont changé, la foi est restée la même, et cette même foi unit étroitement ceux qui croyaient que le Christ devait venir avec ceux qui croyaient qu'il est venu. Tous ceux donc qui sont venus en-dehors de lui sont des voleurs et des larrons, c'est-à-dire, qu'ils ne sont venus que pour voler et pour tuer. Mais les brebis, c'est-à-dire ceux dont saint Paul a dit: «Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent» (2Tm 2,19), ne les ont point écoutés. Les brebis n'ont donc pas écouté ceux en qui n'était point la voix de Jésus-Christ, c'étaient des maîtres d'erreur et de mensonge qui ne pouvaient que séduire des âmes infortunées.

Il explique ensuite pourquoi il s'est appelé la porte: «Je suis la porte, si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé». - Alcuin. C'est-à-dire, les brebis ne les écoutent point; mais ils m'écoutent, parce que je suis la porte, et que celui qui entrera par moi sans artifice, en toute sincérité, et en toute persévérance, sera sauvé. - Théophyl. Or, le Seigneur conduit ses brebis aux pâturages par la porte: «Et il entrera, et il sortira, et il trouvera des pâturages». Quels sont ces pâturages? ce sont les délices du ciel, et ce repos dans lequel Notre-Seigneur nous fera entrer. - S. Aug. (Traité 45). Mais que signifient ces paroles: «Il entrera et il sortira ?» Entrer dans l'Eglise par la porte elle-même est une excellente chose, mais il n'est pas aussi avantageux de sortir de l'Eglise. On peut donc dire que nous entrons, quand nous avons quelque pensée au dedans de nous, et que nous sortons quand nous agissons au dehors, selon ces paroles: «L'homme sortira pour accomplir son oeuvre» (Ps 103,23). - Théophyl. Ou bien encore, entrer c'est prendre soin de l'homme intérieur; sortir, c'est mortifier en Jésus-Christ l'homme extérieur, c'est-à-dire les membres qui sont sur la terre (Col 3,5). Celui qui agit ainsi trouvera des pâturages dans la vie future. - S. Chrys. (hom. 59). Peut-être encore ces paroles doivent s'entendre des Apôtres, qui entrèrent et sortirent librement comme les maîtres du monde entier, sans que personne les en pût chasser ou les empêcher de trouver leur nourriture.

S. Aug. (Traité 41) Mais j'aime mieux voir ici un avertissement que la vérité elle-même, comme un bon pasteur, nous confirme dans les paroles qui suivent: «Le larron ne vient que pour dérober, pour égorger, et pour détruire». - Alcuin. Paroles dont voici le sens: Les brebis ont raison de ne pas écouter la voix du larron, parce qu'il ne vient que pour voler, en dérobant ce qui ne lui appartient pas, c'est-à-dire, en persuadant à ceux qui le suivent de vivre conformément à ses exemples, au lieu de leur enseigner les préceptes de Jésus-Christ. Le Sauveur ajoute: «Et pour égorger», en les détournant de la foi par sa doctrine pernicieuse, «et pour les perdre», en les précipitant dans l'éternelle damnation. Les larrons ne font donc que voler et égorger; «mais je suis venu pour qu'elles aient la vie, et une vie plus abondante». - S. Aug. Je crois que Notre-Seigneur veut dire: Afin qu'elles aient la vie en entrant, c'est-à-dire au moyen de la foi, qui opère par la charité (Ga 5,6). Cette foi les fait entrer dans la bergerie, pour leur donner la vie, parce que le juste vit de la foi (Rm 1,17). Il ajoute: «Et une vie plus abondante en sortant», c'est-à-dire, quand les vrais fidèles sortent de cette vie, et entrent en possession d'une vie plus abondante, qui est pour toujours à l'abri de la mort. Car, bien que sur la terre même, et dans la bergerie, les pâturages ne leur aient pas manqué, ils trouveront alors des pâturages où ils seront pleinement rassasiés, tels que les a trouvés celui à qui Jésus a dit: «Aujourd'hui vous serez avec moi dans le paradis» (Lc 23,43). - S. Grég. (hom. 13, sur Ezech). Il entrera donc pour recevoir la foi, il sortira pour entrer dans la claire vision, et il trouvera des pâturages là où son âme sera éternellement rassasiée.

S. Chrys. (hom. 59). Ces paroles: «Le voleur ne vient que pour dérober, pour égorger et pour perdre», s'appliquent à tous les auteurs de révolte ou de sédition, et elles se sont vérifiées à la lettre dans tous ceux qui ont été mis à mort pour les avoir suivis, et qui ont ainsi perdu même la vie présente. Mais pour moi, je suis venu pour le salut de tous, pour qu'ils aient la vie, et une vie plus abondante dans le royaume des cieux, et c'est la troisième différence qui le distingue des faux prophètes. - Théophyl. Dans le sens allégorique, le voleur est le démon qui vient par la tentation pour dérober, par les pensées coupables qu'il inspire, égorger par le consentement, et perdre par les actes.



Catena Aurea 12918