Catena Aurea 13133

vv. 33-40

13133 Jn 11,33-40

S. Chrys. (hom. 63 sur S. Jean). Jésus ne répond rien à Marie, il ne lui tient pas le même langage qu'à sa soeur, il était environné d'une grande multitude, et ce n'était pas le moment de faire de longs discours, mais il s'abaisse, il s'humilie, et dévoile en lui les sentiments de la nature humaine. Comme il allait opérer un grand miracle qui devait lui gagner beaucoup de disciples, il s'entoure d'un grand nombre de témoins, et montre qu'il a véritablement pris notre nature: «Jésus la voyant pleurer, et les Juifs, qui étaient venus avec elle pleurer aussi, fut ému en lui-même et se troubla». - S. Aug. (Traité 49 sur S. Jean). Qui pourrait le troubler, si ce n'est lui-même? Jésus-Christ a été troublé parce qu'il l'a voulu, il a eu faim parce qu'il l'a voulu, il était en son pouvoir de se prêter ou de se soustraire à ces impressions, car le Verbe a pris une âme et un corps, et s'est uni la nature humaine tout entière en unité de personne; or, là où se trouve une puissance souveraine, la faiblesse humaine ne peut être troublée qu'autant que cette puissance souveraine y consent. - Théophyl. C'est afin de prouver la vérité de sa nature humaine, qu'il lui commande de manifester les sentiments qui lui sont propres, et c'est par la vertu de l'Esprit saint qu'il lui donne cet ordre, et qu'il réprime ses trop vives émotions. Le Seigneur veut que la nature humaine subisse ces épreuves, pour nous prouver qu'il était homme en réalité et non seulement en apparence, et aussi pour nous enseigner à mettre des bornes à la tristesse comme à la joie, car n'être accessible à aucun sentiment de compassion ou de tristesse, c'est l'insensibilité de la brute, comme aussi il n'appartient qu'aux caractères efféminés de se livrer sans mesure à ces affections.

«Et il dit: Où l'avez-vous mis ?» - S. Aug. (serm. sur les par. du Seig). Ce n'est pas qu'il ignorât le lieu où Lazare était enseveli, mais il voulait éprouver la foi de ce peuple. - S. Chrys. (hom. 63). Il ne veut pas se mettre en avant, et il veut être instruit par les autres et ne rien faire que sur leur prière, pour ne laisser aucune place au soupçon. - S. Aug. (Liv. des 83 quest., quest. 65). Cette question du Sauveur est comme le symbole de notre vocation qui se passe dans le secret, car la prédestination de notre vocation est une chose cachée, et la marque qu'elle est secrète, c'est la question que fait le Seigneur sur ce sujet comme s'il l'ignorait, alors que c'est nous-mêmes qui l'ignorons. Ou bien peut-être est-ce parce que le Seigneur déclare dans un autre endroit qu'il ne connaît pas les pécheurs auxquels il dit: «Je ne vous connais pas», (Mt 7,25) parce que les péchés se commettent en dehors de la loi et de ses préceptes: «Ils lui répondirent: Seigneur, venez et voyez». - S. Chrys. (hom. 63). Il n'avait encore fait aucun miracle de résurrection, il leur paraissait donc ne se diriger vers le tombeau que pour pleurer sur Lazare, et non pour le ressusciter, c'est pour cela qu'ils lui disent: «Venez et voyez». - S. Aug. Le Seigneur voit lorsqu'il a compassion, c'est pour cela que le Psalmiste lui dit: «Voyez mon humiliation et ma douleur, et pardonnez-moi tous mes crimes» (Ps 24)

«Et Jésus pleura». - Alcuin. Il était la source inépuisable de la bonté, et il pleurait comme homme celui qu'il pouvait ressusciter par un acte de sa puissance divine. - S. Aug. Or, pourquoi Jésus a-t-il pleuré? pour enseigner aux hommes à verser eux-mêmes des larmes. - Bède. Les hommes ont coutume de pleurer les personnes chères que la mort leur a enlevées. Les Juifs crurent que Jésus pleurait sons l'impression de ce sentiment, et c'est ce qui leur fait dire: «Voyez comme il l'aimait !» - S. Aug. Que signifient ces paroles: Il l'aimait ?» «Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs à la pénitence». «Mais quelques-uns d'entre eux dirent: Ne pouvait-il pas, lui qui a ouvert les yeux d'un aveugle-né, faire que cet homme ne mourût point ?» Il fera bien plus, puisqu'il va le ressusciter après sa mort. - S. Chrys. Ceux qui parlèrent ainsi étaient de ses ennemis, ils se servent pour le calomnier d'un fait qui aurait dû leur faire admirer sa puissance, c'est-à-dire, la guérison de l'aveugle-né, et ils se plaignent que Jésus n'ait pas empêché par un miracle Lazare de mourir. Une nouvelle preuve de leur perversité, c'est qu'ils prennent le rôle d'accusateurs avant même que Jésus soit arrivé au tombeau, et sans attendre l'issue de l'événement: «Jésus donc, frémissant de nouveau en lui-même, vint au tombeau». L'Évangéliste prend soin de répéter que Jésus pleura, et frémit en lui-même pour vous convaincre qu'il a pris véritablement notre nature. L'Évangéliste saint Jean nous a décrit les grandeurs du Verbe incarné, bien plus magnifiquement que ne l'ont fait les autres évangélistes, et par une même raison, il s'appesantit davantage sur ses humiliations. - S. Aug. Frémissez aussi en vous-même si vous voulez reprendre une nouvelle vie, c'est, ce qu'on peut dire à tout homme qui est accablé sous le poids d'une habitude criminelle: «C'était une grotte et une pierre était posée dessus». Ce mort étendu sous la pierre, c'est l'homme coupable sous la loi, car la loi qui fut donnée aux Juifs, était écrite sur la pierre. Tous les coupables sont sous la loi, mais la loi n'a pas été établie pour le juste. (1Tm 1) - Bède. Une grotte est une excavation pratiquée dans un rocher. On appelle monuments ces grottes qui servent de tombeau, parce qu'ils avertissent notre âme (mentem monet), et leur rappellent le souvenir des morts.

«Jésus leur dit: Otez la pierre». - S. Chrys. Pourquoi le Sauveur n'a-t-il pas ressuscité Lazare sans que la pierre fût ôtée? Celui qui, d'une seule parole, rendit la vie et le mouvement à ce cadavre, ne pouvait-il pas, à plus forte raison, ôter la pierre qui fermait le tombeau? Oui, sans doute, mais il ne l'a pas fait, parce qu'il voulait rendre les Juifs témoins de ce miracle, et les empêcher de dire ce qu'ils avaient dit de l'aveugle-né: «Ce n'est pas lui», car leurs mains qui roulaient cette pierre et leur présence au tombeau attestaient d'une manière infaillible que c'était bien Lazare. - S. Aug. Dans le sens allégorique, ces paroles: «Otez la pierre», signifient: Enlevez le poids de la loi, et annoncez la grâce de la loi nouvelle. - S. Aug. (Lim. des 83 quest., quest. 65). Ceux à qui le Sauveur donne cet ordre, me paraissent figurer les Juifs qui voulaient imposer le fardeau de la circoncision aux Gentils, qui entraient dans l'Eglise; ou bien, les chrétiens qui, au sein de l'Eglise même, mènent une vie corrompue et sont un scandale pour ceux qui veulent embrasser la foi.

S. Aug. (serm. 82 sur les par. Du Seign). Cependant Marie et Marthe, soeurs de Lazare, qui avaient va souvent Jésus ressusciter des morts ne croient pas entièrement qu'il puisse ressusciter leur frère: «Marthe, la soeur de celui qui était mort, lui dit: «Seigneur, il sent déjà mauvais», etc. - Théophyl. Marthe parle de la sorte sous l'impression d'un sentiment de défiance qui lui fait regarder comme impossible la résurrection de son frère après quatre jours qu'il était dans le tombeau. - Bède. On peut dire encore que ces paroles sont l'expression de J'étonnement et de l'admiration plutôt que de la défiance. - S. Chrys. Elles peuvent servir aussi à fermer la bouche aux incrédules, et nous voyons ainsi concourir à la démonstration de ce miracle les mains qui ont ôté la pierre, les oreilles qui ont entendu la voix de Jésus-Christ, les yeux qui ont vu Lazare sortir du tombeau, et l'odorat qui sentait l'odeur que son cadavre exhalait.

Théophyl. Notre-Seigneur rappelle à la soeur de Lazare ce qu'il lui avait déjà dit, et qu'elle paraissait avoir presque oublié: «Jésus lui répondit: Ne vous ai-je pas dit que si vous croyiez, vous verriez la gloire de Dieu ?» - S. Chrys. (hom. 63). Marthe ne se souvenait plus en effet de ce que Jésus-Christ lui avait dit: «Celui qui croit en moi fût-il mort, vivra». En parlant à ses disciples, il leur avait dit: «Afin que le Fils de Dieu soit glorifié par cette maladie». Ici il ne parle que de Dieu le Père, les dispositions imparfaites de ceux qui l'écoutaient le forçaient ainsi de modifier son langage. Il ne voulait point jeter le trouble dans l'âme de ceux qui étaient présents, et c'est pour cela qu'il dit à Marthe: «Vous verrez la gloire de Dieu». - S. Aug. (Traité 49). La gloire de Dieu parut en effet dans la résurrection d'un mort de quatre jours exhalant déjà l'odeur infecte du tombeau.

«Ils ôtèrent donc la pierre». - Orig. (Traité 28 sur S. Jean). Le retard que l'on mit à enlever cette pierre, vint de la soeur de Lazare; si elle n'avait pas dit: «Il sent déjà mauvais, car il y a quatre jours qu'il est là», Jésus n'eût pas été obligé de donner l'ordre d'ôter la pierre. Ils enlevèrent donc cette pierre, mais plus tard qu'elle n'aurait du l'être. Il est souverainement utile de ne mettre aucun intervalle entre les ordres de Jésus et leur exécution.


vv. 41-46

13141 Jn 11,41-46

Alcuin. En tant qu'homme, Notre-Seigneur Jésus-Christ était inférieur à son Père, et c'est sous ce rapport qu'il lui demande la résurrection de Lazare, et qu'il dit eu avoir été exaucé: «Jésus, levant les yeux en haut, dit: Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m'avez exaucé». - Orig. (Traité 28 sur S. Jean). Il élève les yeux en haut, c'est-à-dire qu'il élève son âme humaine, et qu'il la conduit par la prière jusqu'au Très-Haut. Celui donc qui veut imiter la prière de Jésus-Christ doit aussi élever jusqu'au ciel les yeux de son coeur, et les détacher de toutes les choses présentes, de tout ce qui remplit mémoire, ses pensées, ses intentions. Mais si Dieu promet d'exaucer la prière de ceux qui remplissent ces conditions, comme il le déclare par la bouche d'Isaïe: «Pendant que vous parlerez encore, je dirai: Me voici», (Is 58,9) que devons-nous penser de Notre-Seigneur Jésus-Christ notre Sauveur? Il allait prier Dieu pour obtenir la résurrection de Lazare, mais celui qui seul est un Père plein de bonté exauce sa prière avant même qu'il l'ait faite. Et c'est pour remercier son Père qu'il lui rend grâces en ces termes: «Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m'avez exaucé..., afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé». - S. Chrys. (hom. 64). C'est-à-dire qu'il n'y a aucune contradiction entre vous et moi. Ce langage du Sauveur n'est point une preuve de son impuissance, ou de son infériorité vis-à-vis de son Père, car on peut ainsi parler à ses amis et à ses égaux. Pour montrer du reste qu'il n'avait pas besoin de recourir à la prière, il ajoute: «Pour moi, je savais que vous m'exaucez toujours», c'est-à-dire, je n'ai pas besoin de vous prier pour vous persuader de faire ma volonté; car nous n'avons tous deux qu'une même volonté; vérité qu'il n'exprime qu'en termes couverts à cause de la faiblesse de ceux qui l'entendaient; car le Dieu Sauveur a moins égard à sa dignité qu'à notre salut, aussi nous parle-t-il très-peu de ses grandeurs, et toujours d'une manière voilée, tandis qu'il s'étend comme avec complaisance sur ses humiliations.

S. Hil. (de la Trin). Il n'avait donc aucun besoin de prier, et s'il a prié, c'est pour nous faire connaître sa filiation divine: «Mais je dis ceci à cause de ce peuple qui m'entoure, afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé». La prière lui était inutile, il prie cependant dans l'intérêt de notre foi. Il n'a pas besoin de secours, mais nous avons besoin d'être instruits. - S. Chrys. Il ne dit pas toutefois: Afin qu'ils croient que je vous suis inférieur (parce que je ne puis rien faire sans vous prier), mais: «Afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé». Il ne dit pas non plus: Que vous m'avez envoyé, dénué de tout pouvoir, avec la connaissance de ma dépendance absolue, ne pouvant rien faire de moi-même, mais: «Que vous m'avez envoyé», afin qu'ils ne pensent pas que je suis en opposition avec Dieu, et ne disent point: Il ne vient pas de Dieu, et pour leur montrer que c'est d'après sa volonté que je vais faire ce miracle.

S. Aug. (serm. 52 sur les par. du Seig). Jésus s'approche donc du tombeau où était enseveli Lazare, et il l'appelle à en sortir, non pas comme s'il était vivant, et prêt à entendre sa voix: «Ayant ainsi parlé, il cria d'une voix forte: Lazare, sortez dehors». Il l'appelle par son nom, pour faire voir que ce ne sont pas les autres morts qu'il appelle à sortir du tombeau. - S. Chrys. Il ne lui dit pas: Ressuscitez, mais: «Venez dehors», il parle à celui qui était mort, comme s'il était vivant, il ne lui dit pas non plus: Au nom de mon Père, sortez dehors, ou bien encore: Mon Père, ressuscitez-le, il laisse de côté ces formules qui convenaient à un suppliant, et prouve sa puissance par les faits. Il entrait, en effet, da ns les desseins de la sagesse de faire preuve d'humilité dans ses discours, et de puissance dans ses oeuvres.

Théophyl. La voix forte du Sauveur qui ressuscita Lazare est le symbole de cette trompette éclatante qui doit se faire entendre à la résurrection générale. (1Co 15,52). Le Sauveur élève la voix pour fermer la bouche aux Gentils qui prétendent sans aucun fondement que les âmes des morts sont dans les tombeaux, et il appelle à haute et forte voix l'âme de Lazare comme étant absente très au loin. Cette résurrection individuelle de Lazare eut lieu en un clin d'oeil, comme se fera un jour la résurrection générale: «Et aussitôt celui qui avait été mort, sortit», etc. Nous voyons dès lors s'accomplir ce que disait le Sauveur: «L'heure est venue où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l'entendront vivront» (Jn 5) - Orig. (Traité 28 sur S. Jean). On peut dire avec raison que c'est cette voix forte qui a ressuscité Lazare, et ainsi se trouve accomplie cette parole du Sauveur: «Notre ami Lazare dort, je vais le réveiller». Le Père qui a exaucé la prière du Fils a aussi ressuscité Lazare, et cette résurrection est l'oeuvre commune du Fils et du Père qui l'a exaucé, car de même que le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, le fils donne aussi la vie à qui il veut» (Jn 5,21).

S. Chrys. Lazare sortit les pieds et les mains liés de bandelettes, pour qu'on ne crût pas qu'il n'était qu'un fantôme, et ce ne fut pas une chose moins admirable de le voir sortir avec ces bandelettes et entouré d'un suaire, que de le voir ressusciter: «Jésus leur dit: Déliez-le», afin que ceux qui le toucheraient de leurs mains fussent bien convaincus que c'était vraiment lui. «Et laissez-le aller». Le Sauveur agit ainsi par humilité, et c'est pour cela qu'il ne prend pas Lazare avec lui, et ne lui commande pas de marcher à sa suite comme preuve du miracle qu'il vient d'opérer.

Orig. Notre-Seigneur avait dit précédemment: «Je dis ceci à cause de ce peuple qui m'entoure, afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé». Si aucun de ceux qui étaient présents n'avaient cru en lui, il eût parlé comme un homme qui n'a aucune connaissance de l'avenir; aussi est-ce pour éloigner ce soupçon que l'Évangéliste ajoute: «Plusieurs d'entre les Juifs crurent en lui, mais quelques-uns d'entre eux allèrent trouver les pharisiens et leur racontèrent ce que Jésus avait fait». Cette proposition paraît offrir un sens équivoque, ceux qui allèrent trouver les pharisiens étaient-ils du grand nombre de ceux qui crurent en Jésus-Christ, et se proposèrent-ils de concilier à Jésus-Christ les pharisiens animés de dispositions hostiles à son égard? ou bien étaient-ils différents de ceux qui crurent en lui, et ne cherchèrent-ils qu'à exciter contre le Sauveur le zèle plein de jalousie des pharisiens? C'est cette dernière supposition qui paraît ressortir du récit de l'Évangéliste. D'après son récit, en effet, c'est le grand nombre de ceux qui étaient présents qui crurent en Jésus-Christ, et un petit nombre d'entre eux dont il ajoute: «Quelques-uns allèrent trouver les pharisiens», etc.

S. Aug. (liv. des 83 quest., quest. 65). Quoique nous admettions avec une foi entière la résurrection de Lazare dans le sens historique, je regarde cependant comme certain qu'elle contient aussi une vérité allégorique; car le sens allégorique d'un événement ne lui fait perdre en aucune façon son caractère de réalité historique. - S. Aug. (Traité 49). Tout homme qui pèche, est tombé victime de la mort, mais Dieu, par sa grande miséricorde, ressuscite les âmes et les sauve ainsi de la mort éternelle. Les trois morts dont Notre-Seigneur a ressuscité les corps sont donc la figure de la résurrection des âmes. - S. Grég. (Moral., 4, 25 ou 29). Il a ressuscité une jeune fille dans sa maison, un jeune homme hors des portes de la ville, et Lazare déjà enseveli dans le tombeau. Celui qui est mort dans son péché est comme étendu sans vie dans sa maison; le pécheur est conduit hors des portes, lorsque son péché affiche le caractère scandaleux d'un péché public. - S. Aug. (Traité 49). Ou bien, la mort est encore à l'intérieur lorsque la pensée du mal ne s'est pas encore produite par un acte extérieur; mais si vous commettez le mal, vous portez pour ainsi dire le mort hors des portes de la ville. - S. Grég. (Moral., 4) Le pécheur est comme oppressé sous la pierre du tombeau, lorsqu'il est écrasé par l'horrible pierre des mauvaises habitudes qu'il a contractées, mais souvent la grâce divine éclaire ces pauvres pécheurs d'un rayon de sa lumière. - S. Aug. (liv. des 83 quest., quest. 68). Ou bien Lazare, dans le tombeau, figure encore l'âme qui est comme accablée sous le poids des péchés de la terre». - S. Aug. (Traité 49) Et cependant le Seigneur aimait Lazare, car s'il n'avait pas aimé les pécheurs, il ne serait pas descendu du ciel sur la terre. C'est à juste titre que l'on dit du pécheur d'habitude: «Il sent mauvais», car sa mauvaise réputation se répand partout comme une odeur infecte et nauséabonde. - S. Aug. (liv. des 83 quest). C'est encore avec raison qu'il est dit: «Il y a quatre jours qu'il est dans le tombeau»; car le dernier des éléments c'est la terre, qui figure l'abîme des péchés de la terre, c'est-à-dire des convoitises charnelles.

S. Aug. (Traité 49). Jésus frémit, il verse des larmes, il crie à haute voix, parce qu'il est bien difficile de se relever pour celui qui est accablé sous le poids de ses habitudes vicieuses. Jésus se trouble lui-même pour vous apprendre le trouble dont vous devez être saisi lorsque vous êtes comme écrasé sous le poids énorme de vos péchés. La foi de l'homme qui devient pour lui-même un objet d'horreur, doit frémir en accusant ses actions coupables, afin de faire céder l'habitude du péché à la violence du repentir. Lorsque vous dites: J'ai commis ce crime, et Dieu m'a épargné; j'ai entendu la doctrine évangélique, et je l'ai méprisée, qu'ai-je fait? Jésus-Christ frémit en vous, parce que la foi frémit, ce frémissement contient déjà l'espérance de la résurrection. - S. Grég. (Moral., 22, 9 ou 13). Le Sauveur dit à Lazare: «Sortez dehors, afin que le pécheur qui cherche à dissimuler et à cacher son péché, soit comme forcé par cette voix de se faire son propre accusateur, et que celui qui est enseveli dans le tombeau de sa conscience, en sorte de lui-même par la confession de ses fautes».

S. Aug. (liv. des 83 quest). Lazare, sortant de son tombeau, est le symbole de l'âme qui se retire des vices de la chair; les bandelettes dont il reste encore enveloppé nous apprennent que ceux-là mêmes qui ont renoncé aux plaisirs charnels, et veulent obéir de coeur à la loi de Dieu, ne peuvent tant qu'ils sont dans ce corps mortel être entièrement à l'abri des atteintes de la chair. Le suaire dont sa figure est couverte signifie que nous ne pouvons avoir dans cette vie la pleine intelligence de la vérité. Notre-Seigneur ajoute: «Déliez-le, et laissez-le aller», pour nous apprendre qu'après cette vie tous les voiles seront enlevés, afin que nous puissions voir Dieu face à face.

S. Aug. (Traité 49). Ou bien encore, lorsque vous faites mépris de la loi de Dieu, vous êtes comme mort et enseveli dans le tombeau; si vous faites l'aveu de vos fautes, vous sortez de ce tombeau; car sortir du tombeau, c'est sortir de la retraite cachée de son coeur pour se produire au grand jour. Mais c'est Dieu qui vous amène à faire cet aveu en vous appelant à haute voix, c'est-à-dire par une grâce extraordinaire. Le mort qui sort du tombeau est encore lié, de même que celui qui confesse ses péchés est encore coupable, et c'est pour le délier de ses péchés que Jésus dit aux serviteurs: «Déliez-le, et laissez-le aller», c'est-à-dire, tout ce que vous aurez délié sur la terre, le sera dans le ciel.

Alcuin. C'est donc Jésus-Christ qui ressuscite, parce que c'est lui qui donne par lui-même la vie à l'intérieur, ce sont ses disciples qui délient, parce que c'est par le ministère des prêtres que ceux qu'il vivifie sont absous. - Bède. Ceux qui vont apprendre aux pharisiens ce que Jésus a fait, figurent ceux qui, à la vue des bonnes oeuvres des serviteurs de Dieu, les poursuivent de leur haine, et s'efforcent de noircir leur réputation.


vv. 47-53

13147 Jn 11,47-53

Théophyl. Les pharisiens auraient dû admirer et exalter l'auteur d'aussi grands miracles, et au contraire, ils forment le dessein de le mettre à mort: «Les pontifes et les pharisiens assemblèrent donc le conseil», etc. - S. Aug. (Traité 49). Ils ne disent point: Croyons en lui, ces hommes pervers sont bien plus préoccupés de la pensée de faire le mal et de mettre à mort un innocent, que des moyens d'assurer leur propre salut. Et cependant la crainte les agite, et ils se consultent: «Et ils disaient: Que ferons-nous? car cet homme opère beaucoup de miracles ?» - S. Chrys. Ils ne le regardent encore que comme un homme, après qu'il leur a donné une si grande preuve de sa divinité.

Orig. (Traité 28 sur S. Jean). Le langage que tiennent les pontifes et les pharisiens nous donne une idée de l'étendue de leur folie et de leur aveuglement. Quelle folie, en effet, de reconnaître et d'attester que Jésus a opéré un grand nombre de miracles, et de penser qu'ils pouvaient néanmoins lui dresser des embûches, comme s'il n'était point capable de déjouer toutes leurs machinations ! Leur aveuglement n'est pas moins surprenant, de ne pas voir que celui qui pouvait opérer de si grands prodiges, pouvait également échapper à leurs embûches, à moins que dans leur pensée ses miracles ne fussent pas l'oeuvre d'une puissance divine. Ils forment donc le dessein de ne point le laisser aller, ils s'imaginent par là empêcher ses disciples de croire en lui, et s'opposer à ce que les Romains ne détruisent leur pays et leur nation: «Si nous le laissons faire, disent-ils, tous croiront en lui, et les Romains viendront», etc. - S. Chrys. (hom. 64). En parlant de la sorte, ils veulent soulever le peuple, comme s'il courait le danger d'être soupçonné par les Romains de vouloir s'affranchir de leur domination, et leurs paroles peuvent ainsi se traduire: Si les Romains le voient entraîner la multitude après lui, ils en prendront ombrage, croiront que nous voulons nous ériger en pouvoir indépendant, et ils détruiront notre cité. Mais cette supposition était purement imaginaire; car sur quoi reposait-elle? Voyait-on Jésus entouré d'hommes en armes? traînait-il après lui des escadrons de gardes? Au contraire, ne cherchait-il pas la solitude? Ils ne veulent pas qu'on les soupçonne de vouloir la mort du Sauveur, et ils mettent en avant le danger que courent leur cité et leur nation. - S. Aug. Ou bien encore, ils craignirent que si tous venaient à croire en Jésus-Christ, il ne restât plus personne pour prendre contre les Romains la défense de leur ville et de leur temple; car ils comprenaient que la doctrine de Jésus-Christ était contraire à leur temple et aux institutions données à leurs ancêtres. La crainte donc qu'ils avaient de perdre les choses du temps, les empêcha de penser à celles de l'éternité, et ils perdirent les unes et les autres; car après la passion et la résurrection glorieuse du Sauveur, les Romains ruinèrent le pays et la nation des Juifs en les détruisant on en les emmenant en captivité.

Orig. (Traité 28) Dans le sens anagogique, les Gentils prirent la place du peuple de la circoncision, parce que leur chute est devenue le salut des Gentils. (Rm 11,11). Les Romains sont mis ici à la place des Gentils, c'est-à-dire ceux qui avaient l'empire à la place de ceux qui leur étaient soumis. Leur nationalité fut aussi détruite, car le peuple qui avait été le peuple de Dieu, cessa de l'être. - S. Chrys. (hom. 65). Pendant qu'ils hésitaient et qu'ils soumettaient de nouveau cette question à la délibération du conseil, en disant: «Que faisons-nous», un d'entre eux prend la parole et ouvre cet avis plein d'impudence et de cruauté: «Mais l'un deux, nommé Caïphe, qui était le pontife de cette année-là, leur dit», etc.

S. Aug. On peut être surpris que Caïphe soit appelé le pontife de cette année, alors que Dieu n'avait établi qu'un seul grand-prêtre, qui n'avait de successeur qu'après sa mort. Il faut donc se rappeler que les prétentions ambitieuses et les rivalités qui régnaient parmi les Juifs, les avaient amenés à instituer plusieurs grands-prêtres, qui exerçaient leur ministère tour à tour pendant un an. Peut-être même il y en avait plusieurs pour une même année, et d'autres leur succédaient l'année suivante.

Alcuin. Ainsi, l'historien Josèphe rapporte que c'est à prix d'argent que Caïphe avait acheté le souverain pontificat pour cette année-là.

Orig. (Traité 28). La méchanceté de Caïphe ressort de cette circonstance qu'il était grand-prêtre pour cette année-là, dans laquelle notre Sauveur accomplit le ministère douloureux de sa passion: «Or, comme il était pontife de cette année-là, il leur dit: «Vous n'y entendez rien, et vous ne songez pas qu'il vous est avantageux qu'un seul homme meure pour le peuple». - S. Chrys. (hom. 65). Il semble leur dire: Vous êtes assis tranquillement et vous délibérez négligemment sur cette affaire, mais veuillez donc réfléchir que la vie d'un homme doit être comptée pour rien quand il s'agit de l'intérêt public. - Théopyhl. Il parle de la sorte dans une intention coupable, et cependant l'Esprit saint se sert de sa bouche pour prophétiser l'avenir: «Or, il ne dit pas cela de lui-même, mais étant le grand-prêtre de cette année, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation».

Orig. Tout homme qui prophétise n'est point par-là même prophète, de même qu'on n'est pas juste pour avoir fait une action juste, si par exemple on l'a faite par un motif de vaine gloire, Caïphe prophétise donc, mais sans être prophète, pas plus que Balaam. (Nb 23) Osera-t-on dire que ce n'est point par l'inspiration de l'Esprit saint que Caïphe a prophétisé, parce que l'esprit mauvais peut également rendre témoignage à Jésus, et prophétiser dans son intérêt, comme nous voyons les démons dire à Jésus: «Nous savons qui vous êtes, le saint de Dieu». Mais son intention n'est pas de gagner des disciples à Jésus, c'est, au contraire, d'exciter contre lui ceux qui, dans le conseil avait mis en lui leur confiance, et de leur arracher une sentence de mort. D'ailleurs ces paroles: «Il vous est avantageux», etc. qui sont une partie de la prophétie, sont-elles vraies ou fausses? Si elles sont vraies, il s'ensuit que tous ceux qui, dans le conseil, se déclarent contre Jésus, seront sauvés, puisque Jésus meurt pour le salut du peuple; et tous obtiendront cet avantage; mais s'il est absurde de dire que Caïphe, et les autres membres du conseil qui délibéraient contre Jésus, soient sauvés, il est évident que ce n'est pas l'Esprit saint qui lui a dicté ces paroles, parce que l'Esprit saint ne ment jamais. Si l'on veut cependant que Caïphe ait dit ici la vérité, on comprendra ce que dit saint Paul: a Que la bonté de Dieu a voulu qu'il mourût pour tous», (He 2,9) et qu'il est le Sauveur de tous les hommes, surtout des fidèles. (1Tm 4,10). Il reconnaîtra que toute cette prophétie est vraie dans son ensemble, à partir de ces mots: «Vous n'y entendez rien», car ils ne connaissaient vraiment rien, eux qui ignoraient que Jésus est la vérité, la justice, la sagesse et la paix. Il est vrai encore qu'il était avantageux que ce seul homme (en tant qu'il est homme) mourût pour le peuple, car en tant qu'il est l'image du Dieu invisible, il ne peut être soumis à la mort. Il est mort pour le peuple en vertu de la puissance qu'il avait d'effacer les crimes de tout l'univers en les prenant sur lui. Cette réflexion de l'Évangéliste: «Il ne dit pas cela de lui-même», nous apprend qu'il y a des choses que nous pouvons dire par nous-mêmes, sans avoir besoin pour cela d'aucun secours étranger, mais qu'il en est d'autres qui nous sont inspirées par une vertu secrète, bien que nous ne les comprenions point dans toute leur étendue. Dans ce dernier cas, nous nous attachons au sens que paraissent présenter les choses que nous disons, mais sans comprendre dans quelle intention elles nous ont été dictées. C'est ainsi que Caïphe ne dit rien ici de lui-même, et ne pense point faire une véritable prophétie, parce qu'il ne comprend pas le sens prophétique des paroles qu'il prononce. Tels étaient ces prétendus docteurs de la loi dont parle saint Paul: «Qui n'entendent ni ce qu'ils disent, ni ce qu'ils affirment». (1Tm 1,7) - S. Aug. (Traité 49). Nous apprenons par cet exemple que des hommes livrés au mal peuvent recevoir l'esprit de prophétie pour prédire l'avenir, ce que l'Évangéliste attribue à un conseil secret de la divine providence, parce que Caïphe était grand-prêtre cette année. - S. Chrys. (hom. 65). Voyez combien grande est la puissance de l'Esprit saint, qui peut faire sortir d'un esprit corrompu un oracle prophétique ! Voyez aussi la grandeur et la vertu du pouvoir pontifical. Caïphe est grand-prêtre, tout indigne qu'il est de cet honneur, et il prophétise sans savoir ce qu'il dit: La grâce ne s'est servi que de ses lèvres, et n'effleura même pas le coeur de cet homme profondément corrompu. - S. Aug. Caïphe ne prophétisa que de la seule nation des Juifs, dans laquelle se trouvaient les brebis, dont le Seigneur a dit lui-même: «Je ne suis envoyé qu'aux brebis qui ont péri de la maison d'Israël» (Mt 15). Mais l'Évangéliste savait qu'il y avait d'autres brebis qui n'étaient pas de cette bergerie et qu'il fallait amener au bercail (Jn 10); et c'est pour cela qu'il ajoute: «Et non seulement pour la nation, mais afin de rassembler en un seul corps les enfants de Dieu. Il se place ici au point de rue de la prédestination, car les Gentils n'étaient alors ni les brebis, ni les enfants de Dieu.

S. Grég. (Moral., 6, 12 ou 13 dans les anc). Les ennemis de Jésus mirent donc à exécution le dessein criminel qu'ils avaient formé. Ils firent mourir Jésus-Christ, pour empêcher la piété des fidèles de s'attacher à lui; mais la foi grandit et s'accrut par les moyens mêmes que la cruauté des impies avait pris pour l'éteindre, et Jésus fit servir à l'accomplissement de ses desseins miséricordieux ce que la cruauté des hommes avait inventé contre lui. - Orig. (Traité 28). Ces paroles de Caïphe les enflammèrent de colère, et ils résolurent dès lors de mettre à mort le Seigneur: «Depuis ce jour ils pensèrent à le faire mourir». Si ce n'est point par l'inspiration de l'Esprit saint que Caïphe a prophétisé; il y eut un autre esprit qui parla par la bouche de cet impie et qui excita ses semblables contre Jésus-Christ. Si cependant on veut absolument que l'Esprit saint ne soit pas étranger aux paroles de Caïphe et à la délibération qui suivit, on peut dire que de même qu'on voit des hommes faire servir à l'établissement de leur monstrueuse doctrine les saintes Écritures qui ont pour objet l'utilité des fidèles, de même les pharisiens, en ne prenant point dans son vrai sens la prophétie véritable qui avait le Christ pour objet, en ont tiré comme conclusion le dessein de le mettre à mort. - S. Chrys. (hom. 65). Ils cherchaient depuis longtemps à le faire mourir, et ils s'affermirent plus que jamais dans leur dessein.



Catena Aurea 13133