Catena Aurea 13154

vv. 54-57

13154 Jn 11,54-57

Orig. (Traité 28). Jésus ayant appris la résolution que les prêtres et les pharisiens avaient prise dans leur conseil de le mettre à mort, s'environna de plus de précautions, et ne se montra plus avec autant de confiance au milieu des Juifs. Il choisit pour retraite non une cité populeuse, mais une petite ville éloignée et située près du désert: «C'est pourquoi Jésus ne se montrait plus en public parmi les Juifs», etc. - S. Aug. (Traité 19). Ce n'est pas que sa puissance lui fit défaut, et il aurait très bien pu, s'il avait voulu, demeurer publiquement au milieu des Juifs, sans avoir rien à craindre, mais il voulut apprendre par son exemple à ses disciples, qu'il n'y a pour eux aucun péché à se dérober à la haine de leurs persécuteurs, et qu'il vaut mieux échapper en se cachant à leur fureur sacrilège, que de la rendre plus ardente en paraissant à leurs yeux. - Orig. Il est beau et louable pour confesser le nom de Jésus, de ne point rougir d'affronter le combat qui se présente, et de ne point refuser de souffrir la mort pour la défense de la vérité; mais il n'est pas moins louable de ne point donner occasion à une si grande épreuve, non seulement parce que nous ne pouvons pas prévoir l'issue d'un si grand combat, mais parce que nous devons éviter de donner aux impies et aux méchants les moyens augmenter leur impiété et leurs crimes; car si celui qui devient pour un autre une occasion de péché, portera nécessairement la peine de ce péché, celui qui ne fuit point la persécution, lorsqu'il le peut, ne sera-t-il pas aussi responsable du crime de son persécuteur? Et non seulement le Seigneur se rendit dans cet endroit écarté, mais pour ôter tout motif à ses ennemis de le chercher, il y conduisit avec lui ses disciples: «Et il y demeurait avec ses disciples». - S. Chrys. Combien les disciples durent être troublés en voyant leur divin Maître échapper au danger par des moyens humains, et comme forcé de chercher un refuge pour se dérober à la poursuite de ses ennemis? Tous sont dans la joie et l'allégresse qui accompagnent les grandes solennités, eux, au contraire, se cachent exposés qu'ils sont à de grands dangers; cependant ils persévèrent avec le Sauveur, suivant la parole qu'il leur avait dite: «C'est vous qui êtes demeurés avec moi au milieu de mes épreuves».

Orig. Dans le sens anagogique, on peut dire que Jésus demeurait avec confiance au milieu des Juifs, alors que le Verbe divin habitait avec eux dans la personne des prophètes; mais il s'en est retiré, et le Verbe de Dieu n'est plus avec les Juifs. Il se rendit dans une petite ville qui était près du désert et dont le prophète a dit: «Les enfants de la femme abandonnée (ou déserte) sont plus nombreux que les enfante de l'épouse» (Is 54,1). Cette ville s'appelait Ephrem, qui veut dire fertilité; or, Ephraïm fut le frère de Manassé, c'est-à-dire, du peuple ancien livré à l'oubli, car c'est après que ce peuple eut été livré à l'oubli et abandonné, que l'abondance sortit du milieu des nations. Notre-Seigneur quitte donc la Judée et vient dans la terre de tout l'univers, auprès de l'Eglise déserte et abandonnée, et dont le nom veut dire cité féconde, et il y demeure avec ses disciples.

S. Aug. (Traité 50 sur S. Jean). Celui qui était descendu du ciel pour souffrir, ne voulut pas s'éloigner du lieu de sa passion, parce que l'heure de sa mort approchait: «Or, la Pâque des Juifs était proche», etc. Les Juifs n'avaient que l'ombre de la vraie Pâque, nous en avons la lumière; le haut des portes des maisons juives était marqué du sang de l'agneau immolé, nos fronts sont marqués du sang de Jésus-Christ. Les Juifs ont voulu ensanglanter ce jour en répandant le sang du Seigneur, et l'Agneau qui a été immolé a consacré à jamais ce jour de fête par son sang. La loi faisait un précepte aux Juifs de se réunir pour cette fête à Jérusalem, de toutes les parties de la Judée, et de se sanctifier par la célébration de cette grande fête: «Un grand nombre de Juifs, dit l'Évangéliste, montèrent de la province à Jérusalem avant la Pâque, pour se purifier». - Théophyl. Ils se rendirent à Jérusalem avant la Pâque pour se purifier, parce que ceux qui s'étaient rendus coupables d'une faute volontaire ou involontaire ne célébraient point la Pâque avant de s'être purifiés, selon la coutume, par des bains, par des jeûnes, en se rasant les cheveux, et aussi en faisant les offrandes qui étaient commandées à cet effet. C'est donc pendant le temps qu'ils accomplissaient ces purifications légales qu'ils cherchent à tendre des pièges au Sauveur. «Ils cherchaient donc Jésus, et se disaient les uns aux autres: Que pensez-vous de ce qu'il n'est pas venu pour la fête ?» - S. Chrys. (hom. 65). Ils lui tendent des embûches jusque dans cette fête de Pâque, et font de cette grande solennité un temps de meurtre et d'homicide. - Omet. Aussi l'Évangéliste ne dit pas: La Pâque du Seigneur, mais: «La Pâque des Juifs», parce qu'ils dressaient des embûches au Seigneur dans cette fête. - Alcuin. Les Juifs cherchaient Jésus-Christ avec de mauvaises intentions; pour nous, nous le cherchons en restant dans le temple à nous consoler, à nous exhorter mutuellement, et à demander qu'il se rende à notre jour de fête, et nous sanctifie par sa présence. - Théophyl. S'il n'y avait que le peuple pour s'occuper de ce dessein sanguinaire, on pourrait dire que sa passion a été le résultat de l'ignorance, mais ce sont les pharisiens eux-mêmes qui donnent l'ordre de se saisir du sa personne: «Or, les pontifes et les pharisiens avaient donné ordre que si quelqu'un savait où il était, il le déclarât, afin qu'ils le fissent prendre». - Orig. Remarquez qu'ils ignoraient où il était; car, nous avons dit qu'il avait quitté la ville de Jérusalem. Vous irez ajouter qu'en cherchant à tendre des pièges à Jésus, ils ne auvent où il est, et qu'ils donnent des commandements bien différents des commandements divins, en enseignant des maximes et des ordonnances tout humaines. - S. Aug. Pour nous, indiquons aux Juifs où Jésus se trouve maintenant. Plaise à Dieu qu'ils veuillent nous entendre et se saisir de lui ! Qu'ils viennent dans l'Eglise, qu'ils apprennent où se trouve Jésus-Christ, et qu'ils s'emparent de sa personne.




CHAPITRE XII


vv. 1-11

13201 Jn 12,1-11

Alcuin. Le temps où le Sauveur avait résolu de souffrir approchait; il se rapprocha donc aussi du lieu où il devait accomplir la mystérieuse économie de sa passion: «Jésus donc, six jours avant la Pâque, vint à Béthanie». Il se rend d'abord à Béthanie, puis à Jérusalem; à Jérusalem pour y souffrir, à Béthanie pour que la résurrection de Lazare s'imprimât plus profondément dans la mémoire de tous; et c'est pour cela que l'Évangéliste ajoute: «Où était mort Lazare, qu'il avait ressuscité».

Théophyl. Le dixième jour du mois, les Juifs prennent un agneau pour l'immoler dans les fêtes de Pâques; c'est de ce jour que commence pour eux les solennités de cette fête. Voilà pourquoi le neuvième jour du mois, qui précède le dixième jour avant la Pâque, ils font un festin splendide, et ce jour est comme l'ouverture de cette grande fête; c'est pour cela que Jésus, venant à Béthanie, prend part à un festin de ce genre: «On lui prépara là un souper», etc. En nous disant que Marthe servait à table, l'Évangéliste nous fait entendre que ce repas avait lieu dans sa maison. Mais considérez la foi de cette femme: elle ne charge pas les femmes de service de servir à table, elle veut elle-même remplir cet office. L'Évangéliste nous donne encore une preuve évidente de la résurrection de Lazare, en ajoutant: «Lazare était un de ceux qui étaient assis à table avec lui». - S. Aug. (Traité 50 sur S. Jean). Il était donc vivant, il parlait, il mangeait, la vérité se montrait au grand jour, et l'incrédulité des Juifs était confondue.

S. Chrys. (hom. 65). Quant à Marie, elle ne s'occupe point du service ordinaire, elle est tout entière à l'honneur qu'elle veut rendre à son divin Maître, et elle s'approche de lui non comme d'un homme, mais comme d'un Dieu: «Or, Marie prit une livre de parfum de nard pur, d'un grand prix, le répandit sur les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux», etc. - S. Aug. Le mot pistici indique probablement le lieu d'où venait ce parfum précieux. - Alcuin. Ou bien, ce mot ajouté à celui de parfum, veut dire qu'il était pur (de fides), et n'était mélangé d'aucune substance étrangère. Marie était cette femme pécheresse qui était déjà venue trouver le Seigneur dans la maison de Simon, avec un vase de parfum. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 2, 79). Ce fait, qui se répète à Béthanie, est différent de celui que raconte saint Luc; mais il est également raconté par les trois autres évangélistes, saint Jean, saint Matthieu et saint Marc. Dans saint Matthieu et dans saint Marc, le parfum est répandu sur la tête; dans saint Jean, il est répandu sur les pieds; mais nous devons entendre que Marie le répandit non seulement sur la tête, mais encore sur les pieds du Seigneur. C'est comme par récapitulation que saint Matthieu et saint Marc parlent de ce fait, qui eut lieu à Béthanie, six jours avant la Pâque, et qu'ils racontent le repas dont parle ici saint Jean, et du parfum qui fut répandu sur le Sauveur.

«Et la maison fut remplie de l'odeur du parfum». - S. Aug. (Traité 80). Rappelez-vous ces paroles de l'Apôtre: «Aux uns nous sommes une odeur de mort pour la mort, et aux autres une odeur de vie pour la vie», (2Co 2,16) et vous comprendrez par ce parfum comment il était pour les uns une bonne odeur qui donnait la vie, et pour les autres une mauvaise odeur qui donnait la mort: «Alors un de ses disciples, Judas Iscariote, qui devait le trahir, dit: Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers», etc. - S. Aug. Les autres évangélistes disent que les disciples murmurèrent également à la vue de ce parfum répandu, saint Jean ne parle que de Judas, on peut donc dire que saint Matthieu et saint Marc ont voulu désigner Judas sons le nom des disciples en général, en mettant le pluriel pour le singulier. On peut encore dire que les disciples eurent la même pensée que Judas, ou qu'ils l'exprimèrent, ou que Judas leur fit partager sa manière de voir, et que saint Matthieu et saint Marc ont exprimé ce qu'ils pensaient intérieurement. Mais Judas parle ainsi parce que c'était un voleur, et les autres par intérêt pour les pauvres, et Jean n'a cru devoir ici mentionner que celui dont il voulait faire apparaître l'habitude de voler: «Il dit cela, non qu'il se souciât des choses, mais parce qu'il était voleur, et qu'ayant la bourse, il portait ce qu'on y déposait». - Alcuin. Son devoir était de la porter, son crime de la voler.

S. Aug. La perversion de Judas ne date pas seulement du jour où il reçut des Juifs la somme d'argent pour leur livrer Notre-Seigneur, bien auparavant il avait la passion du vol, il était déjà perdu, et suivait Jésus, non de coeur, mais de corps seulement. Le Seigneur voulut nous apprendre ainsi à supporter les méchants pour ne point diviser le corps de Jésus-Christ. Celui qui vole l'Eglise en quelque chose, est semblable au traître Judas. Si vous êtes bon, tolérez les mauvais pour obtenir la récompense des bons, et ne point partager le supplice des méchants. Prenez exemple sur la conduite du Seigneur, lorsqu'il vivait sur cette terre; pourquoi lui qui avait les anges pour le servir, voulût-il que ses disciples eussent une bourse à son usage, sinon pour nous apprendre qu'il serait aussi permis à son Eglise d'avoir de l'argent en réserve? Pourquoi permit-il qu'il y eût un voleur dans sa compagnie, si ce n'est pour enseigner à son Eglise à supporter les voleurs qu'elle aurait dans son sein? Remarquez cependant que celui qui avait contracté l'habitude de voler son maître, n'hésita pas à vendre le Seigneur pour une somme d'argent.

S. Chrys. (hom. 65). Jésus lui confia, quoiqu'il fût un voleur, la bourse des pauvres, pour ôter tout prétexte, toute excuse à sa trahison, car il ne peut alléguer que c'est le désir d'avoir de l'argent qui l'avait porté à cet excès, puisqu'il trouvait dans la bourse qu'il portait de quoi satisfaire abondamment ce désir. - Théophyl. Il en est qui pensent que Judas fut chargé de l'emploi et de la distribution de l'argent, comme le dernier des apôtres, car l'administration de l'argent est inférieure à la prédication de la doctrine, selon ce que disent les Apôtres eux-mêmes: «Il n'est pas juste que nous abandonnions la parole de Dieu pour le service des tables» (Ac 6,2).

S. Chrys. Cependant Jésus-Christ fait preuve de la plus grande bonté à l'égard de Judas, il ne lui reproche pas les vols qu'il a commis, il donne à l'action de cette femme une excuse générale: «Jésus lui dit donc: Laissez-la réserver ce parfum pour le jour de ma sépulture». - Alcuin. Notre-Seigneur prédit ainsi qu'il doit mourir et que son corps doit être embaumé avec des parfums, et comme Marie, malgré tout son désir, ne pourrait embaumer son corps après sa mort qui devait être suivie d'une résurrection si prompte, il lui permet de lui rendre cet hommage pendant sa vie. - S. Chrys. En rappelant le souvenir de sa sépulture, il veut encore donner un avertissement à son traître disciple, et il semble lui dire: Je vous suis à charge, ma présence vous pèse, mais attendez un peu, et je m'en irai; c'est ce que signifient ces paroles: «Vous aurez toujours des pauvres avec vous, mais vous ne m'aurez pas toujours». - S. Aug. Il parlait ici de sa présence corporelle, car sous le rapport de sa puissance divine, de sa providence, de sa grâce ineffable et invisible, il accomplit cette promesse qu'il a faite à ses disciples: «Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles» (Mt 28,20). Ou bien encore, Judas est la figure de tous les méchants; si vous êtes bon, vous jouissez de la présence de Jésus-Christ par la foi dans son sacrement, et vous en jouirez toujours, car vous ne sortirez de cette vie que pour aller trouver celui qui a dit au bon larron: «Aujourd'hui vous serez avec moi dans le paradis» (Lc 23,43). Mais si votre conduite est mauvaise, vous paraîtrez jouir de la présence de Jésus-Christ pendant cette vie, parce que vous avez reçu son baptême, parce que vous vous approchez de son autel, mais votre vie criminelle vous la fera bientôt perdre, Jésus ne dit pas: Tu as, mais: «Vous avez», parce que dans un seul homme mauvais, il voit la figure de tous les méchants. «Une grande multitude de Juifs surent qu'il était là, et ils vinrent, non à cause de Jésus seulement, mais pour voir Lazare qu'il avait ressuscité d'entre les morts». C'est la curiosité qui les amène et non la charité. - Théophyl. Ils désiraient voir celui qu'il avait ressuscité, dans l'espérance d'apprendre de Lazare quelque nouvelle des enfers.

S. Aug. (Traité 30). Ce miracle que Notre-Seigneur avait opéré, portait avec lui un caractère si éclatant d'évidence, il avait reçu d'ailleurs une si grande publicité, qu'ils ne pouvaient ni le dissimuler, ni le nier; que firent-ils donc? Ils formèrent le projet de faire mourir Lazare. Projet insensé, cruauté aveugle ! Est-ce que le Seigneur, qui a pu ressusciter un homme mort, ne pourrait le ressusciter s'il était tué? Voici qu'il a fait l'un et l'autre: Il a ressuscité Lazare qui était mort, et il s'est ressuscité lui-même, après que les Juifs l'eurent fait mourir de mort violente. - S. Chrys. (hom. 66). Aucun miracle de Jésus-Christ ne leur causa une si grande fureur, il était un des plus éclatants, il avait été fait devant un grand nombre de témoins, et c'était un spectacle vraiment extraordinaire que de voir marcher et parler un mort de quatre jours. On peut dire encore que dans d'autres circonstances, ils croyaient pouvoir détacher la multitude de Jésus, en l'accusant de violer la loi du sabbat, mais comme ici ils ne pouvaient formuler contre lui aucune accusation, ils tournent tous leurs efforts contre Lazare; c'est ce qu'ils eussent fait à l'égard de l'aveugle-né, s'ils n'avaient cru pouvoir accuser Jésus d'avoir violé la loi du sabbat. Peut-être encore, comme l'aveugle-né était de condition obscure, se contentèrent-ils de le chasser du temple, Lazare, au contraire, était d'une famille distinguée, comme on le voit par le grand nombre de ceux qui étaient venus pour consoler ses soeurs. Ce qui les blessait encore profondément, c'est que tout le monde quittait la fête qui commençait pour se rendre à Béthanie.

Alcuin. Dans le sens mystique, Jésus, en venant à Béthanie six jours avant la Pâque, nous apprend que celui qui avait fait tout l'univers en six jours, et créé l'homme le sixième jour, était venu racheter le monde au sixième âge du monde, le sixième jour de la semaine et à la sixième heure. Le festin que l'on prépare au Seigneur, c'est la foi de l'Eglise qui opère par la charité (Ga 5,7). Marthe sert le Seigneur dans toute âme fidèle qui offre à Jésus l'hommage de sa piété et de sa dévotion. Lazare, qui était un de ceux qui étaient assis à table avec lui, est la figure des pécheurs qui, après être morts au péché, sont ressuscités à la justice, se réjouissent de la présence de la vérité avec ceux qui ont persévéré dans la justice, et se nourrissent avec eux des dons de la grâce céleste. C'est à Béthanie que se célèbre ce festin, et avec raison, car Béthanie veut dire maison de l'obéissance, et l'Eglise est vraiment la maison de l'obéissance. - S. Aug. Le parfum que Marie répandit sur les pieds de Jésus, est le symbole de la justice, et c'est pour cela qu'il y en avait une livre. C'était un parfum de nard pur d'un grand prix, car le mot pistici, veut dire foi. Vous cherchiez à opérer la justice? Rappelez-vous que le juste vit de la foi (Rm 1,17). Couvrez de parfums les pieds de Jésus par une vie sainte, suivez les traces du Seigneur, essuyez ses pieds avec vos cheveux, c'est-à-dire, si vous avez du superflu, donnez-le aux pauvres, et vous aurez essuyé les pieds du Seigneur, car les cheveux sont comme une partie superflue du corps. - Alcuin. Remarquez que la première fois elle n'avait répandu ses parfums que sur les pieds de Jésus; ici elle les répand à la fois sur les pieds et sur la tête; d'un côté ce sont les commencements de la vie pénitente, de l'autre c'est la justice des âmes parfaites, car la tête du Seigneur figure la hauteur sublime de sa divinité, et ses pieds l'humilité de son incarnation; ou bien encore la tête, c'est Jésus-Christ lui-même, les pieds ce sont les pauvres qui sont ses membres. - S. Aug. La maison fut remplie de l'odeur du parfum, c'est-à-dire que le bruit de cette action s'est répandu dans le monde entier comme un parfum d'agréable odeur.


vv. 12-19

13212 Jn 12,12-19

S. Chrys. La loi ordonnait que le dixième jour de la lune du premier mois, chacun prît un agneau ou un chevreau, et le gardât dans sa maison jusqu'au quatorzième jour de ce mois, au soir duquel on devait l'immoler (Ex 12); voilà pourquoi l'Agneau véritable, l'Agneau sans tache, choisi dans tout le troupeau, et qui devait être immolé pour la sanctification du peuple, se rendit à Jérusalem cinq jours avant son immolation, c'est-à-dire, le dixième jour de la lune. - S. Aug. (Traité 51 sur S. Jean). Voulez-vous juger du fruit de la prédication du Sauveur et du grand nombre de brebis (parmi celles qui avaient péri de la maison d'Israël), qui avaient entendu la voix du pasteur, considérez ce que dit l'Évangéliste: «Le lendemain, une foule nombreuse qui était venue pour la fête, ayant appris que Jésus venait à Jérusalem, prit des rameaux de palmiers», etc. Les rameaux de palmier sont les louanges et l'emblème de la victoire que le Seigneur devait remporter sur la mort en mourant lui-même, et du triomphe qu'il devait obtenir par le trophée de la croix sur le démon, le prince de la mort.

S. Chrys. (hom. 66). Cette multitude témoignait à haute voix qu'elle voyait eu lui beaucoup plus qu'un prophète: «En effet, dit l'Évangéliste, ils allèrent au-devant de lui, en criant: hosanna», etc. - S. Aug. Le mot hosanna est une parole de supplication, qui exprime plutôt un sentiment du coeur qu'une pensée déterminée, comme sont les mots qu'on appelle dans la langue latine interjections. - Bède. Ce mot est composé d'une abréviation et d'un mot entier, osi veut dire sauvé, et anna est une interjection suppliante. Le mot osi est abrégé, anna est entier, «Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur», peut être entendu dans ce sens: «Béni soit celui qui vient au nom de Dieu le Père», bien qu'on puisse aussi l'entendre de son propre nom, puisqu'il est aussi le Seigneur; mais le sens le plus vraisemblable de ces paroles nous est indiqué par ces autres du Sauveur: «Je suis venu au nom de mon Père» (Jn 10). Il ne perd pas sa divinité en nous enseignant l'humilité.

S. Chrys. Un des plus puissants motifs qui porta la multitude à croire en Jésus-Christ, c'est qu'il n'était pas contraire à Dieu, et ce qui frappait le plus l'esprit du peuple, c'est qu'il disait qu'il venait du Père. De ces paroles nous tirons cette conclusion qu'il était Dieu. En effet, le mot hosanna signifie sauvé. Or, l'Ecriture n'attribue qu'à Dieu la puissance de sauver. Nous concluons encore qu'il était vrai Dieu, parce qu'il vient et qu'il n'est pas conduit par un autre; car être conduit, indique qu'on est sous la dépendance de quelqu'un tandis que venir soi-même, n'appartient qu'au Maître. Ce qu'ils ajoutent: «Au nom du Seigneur», exprime la même vérité; car ils ne disent pas qu'il vient au nom du serviteur, mais «au nom du Seigneur».

S. Aug. Qu'était-ce pour le Roi éternel des siècles de devenir le roi des hommes? Jésus-Christ ne fut pas roi d'Israël pour imposer des tributs, pour lever et armer des troupes, mais pour gouverner les âmes et les conduire dans le royaume des cieux. Si donc il a voulu être roi d'Israël, ce n'est point pour s'élever lui-même, mais par bonté pour nous, c'est un témoignage de sa miséricorde, plutôt qu'une marque de sa puissance; car celui qui s'est appelé sur la terre le roi des Juifs, est dans le ciel le roi des anges. - Théophyl. Les Juifs le proclamaient roi d'Israël dans un sens conforme à leurs rêves sur la royauté temporelle de leur Messie. Ils espéraient, en effet, voir s'élever du milieu d'eux un roi dont la puissance surpasserait celle des rois de la terre, et qui les affranchirait de la domination des Romains.


L'Évangéliste décrit ensuite l'entrée du Sauveur dans la ville de Jérusalem: «Et Jésus trouva un ânon», etc. - S. Aug. Saint Jean ne raconte que d'une manière abrégée ce fait qui se trouve complètement développé dans les autres évangélistes. Ce petit de l'ânesse sur lequel personne encore ne s'était assis, suivant la remarque des autres évangélistes, est la figure du peuple des Gentils qui n'avait pas encore reçu la loi du Seigneur, l'ânesse (puisque l'un et l'autre furent amenés au Seigneur) était le symbole du peuple fidèle qui se forma au milieu du peuple d'Israël. - S. Chrys. En montant sur cet ânon, Notre-Seigneur nous enseigne figurativement qu'il doit s'assujettir le peuple immonde des nations, et il accomplit en même temps une prophétie. - S. Aug. L'Évangéliste joint au récit de ce fait un oracle prophétique pour faire voir que les princes des Juifs, aveuglés par leur méchanceté, ne comprenaient point que les prophéties qu'ils lisaient s'accomplissaient en Jésus-Christ: «Selon ce qui est écrit: Ne craignez point, fille de Sion, voici votre Roi qui vient, assis sur le petit d'une ânesse». C'est dans le peuple juif que se trouvait la fille de Sion, la ville de Jérusalem est elle-même cette Sion, à qui il est dit: «Ne craignez point». Reconnaissez celui qui est l'objet de vos louanges, et ne soyez point effrayée lorsque vous le verrez souffrir, car le sang qui est répandu doit effacer vos crimes et racheter votre vie. - S. Chrys. Ou bien encore, comme les rois des Juifs avaient été injustes pour la plupart, et avaient jeté leurs peuples dans des guerres sans fin, le prophète dit ici: Ce roi ne leur est pas semblable, il est plein de douceur et de mansuétude, comme le prouve l'âne qu'il choisit pour monture; car il n'entre pas à la tête d'une armée, il entre assis sur son ânon.

Voyez l'humilité de l'Évangéliste, il ne rougit pas de faire connaître l'ignorance où ils étaient alors: «Ses disciples ne comprirent pas ceci d'abord, mais quand Jésus fut glorifié, alors ils se souvinrent», etc. - S. Aug. Lorsque Notre-Seigneur eut fait éclater la vertu de sa résurrection, ils se souvinrent alors que ces choses étaient écrites de lui, et que ce qu'ils avaient fait à son égard en était l'accomplissement, c'est-à-dire qu'ils n'avaient fait autre chose que ce qui était prédit de lui». - S. Chrys. Leur ignorance venait de ce que Jésus ne leur avait pas révélé qu'il allait accomplir cette prophétie; car il les eût scandalisés en leur faisant connaître qu'il soumettrait sa royauté à cette humiliation, ils n'eussent point compris tout d'abord quel était le royaume dont il leur parlait, et ils auraient cru qu'il s'agissait d'un royaume temporel.

Théophyl. Considérez ici l'enchaînement des faits qui amenèrent la passion du Sauveur. Il ressuscita Lazare, réservant ce miracle pour le dernier, et la vue et le bruit de ce miracle déterminèrent nu grand nombre de Juifs à croire en lui: «C'est ainsi que lui rendait témoignage la multitude qui était avec lui, lorsqu'il appela Lazare du tombeau, et le ressuscita d'entre les morts». C'est pour cela aussi que le peuple vint en foule au-devant de lui, parce qu'il avait appris que Jésus avait fait ce miracle. De là l'envie haineuse et les embûches des pharisiens: «Les pharisiens se dirent donc entre eux: Vous voyez que nous ne gagnons rien, voilà que tout le monde court après lui». - S. Aug. (Traité 51). Cette multitude trouble une autre multitude. Mais pourquoi cette multitude aveugle se laisse-t-elle aller à la jalousie? parce que le monde s'empresse autour de celui par qui le monde a été fait. - S. Chrys. Le monde ici est pris pour la multitude. Ces paroles, du reste, me paraissent venir de ceux qui étaient animés de bons sentiments à l'égard de Jésus, mais qui n'osaient les faire connaître, et qui s'efforçaient par cette considération de détourner les autres de leur projet comme d'une chose dont l'exécution était impossible. - Théophyl. Ils semblent leur dire: Plus vous cherchez à lui tendre des embûches, plus vous le grandissez, et rendez sa gloire éclatante. Quel fruit donc retirez-vous de tant d'efforts ?


vv. 20-26

13220 Jn 12,20-26

Bède. Le temple élevé à Dieu dans la ville de Jérusalem avait une si grande célébrité, qu'aux jours de fête, non seulement ceux qui étaient voisins, mais une nombreuse multitude accourue des points les plus éloignés de l'univers encombrait la ville; comme les Actes des Apôtres nous l'apprennent de l'eunuque de Candace, reine d'Ethiopie. (Ac 8) C'est d'après cet usage que les Gentils, dont il est ici question, étaient venus pour adorer Dieu: «Or, parmi ceux qui étaient venus pour adorer en ces jours de fête, il y avait quelques Gentils». - S. Chrys. Ils étaient sur le point de se faire prosélytes. Attirés par la réputation du Sauveur, ils désirent le voir: «Ils s'approchèrent donc de Philippe qui était de Bethsaide, de Galilée, et le prièrent disant: Seigneur, nous voudrions voir Jésus». - S. Aug. Voici que les Juifs veulent le mettre à mort, tandis que les Gentils désirent le voir, et aux Gentils se joignent ceux d'entre les Juifs qui criaient: «Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !» (Jn 12,13) Ainsi les uns viennent du peuple de la circoncision, les autres, du peuple des incirconcis, comme deux murailles qui ont un point de départ différent, et se réunissent par un baiser de paix dans la même foi de Jésus-Christ.

«Philippe le vint dire à André». - S. Chrys. Comme étant plus ancien que lui dans l'apostolat. Ils avaient, en effet, entendu dire au Sauveur: «N'allez pas dans la voie des nations» (Mt 10,5). Philippe croit donc, devoir soumettre la question à André avant d'en référer à leur divin Maître: «Et André et Philippe le dirent à Jésus». - S. Aug. (Traité 51) écoutons donc la réponse de la pierre angulaire: «Jésus leur répondit: L'heure est venue que le Fils de l'homme doit être glorifié». Quelqu'un pourrait penser peut-être que Jésus annonce qu'il va être glorifié, parce que les Gentils désirent le voir; non il n'en est pas ainsi. Jésus prévoyait que les Gentils de toutes les parties de l'univers croiraient en lui après sa passion et sa résurrection. Il prend donc occasion de ces Gentils qui désirent le voir, pour prédire la conversion future de toute la Gentilité, et il annonce la venue prochaine de l'heure de sa glorification dans les cieux, qui devait être suivie de la conversion à la foi de tous les Gentils. C'est ce que le Roi-prophète avait prédit: «Soyez exalté, ô Dieu, au-dessus des cieux, et que votre gloire éclate par toute la terre» (Ps 56,12 Ps 107,6). Mais cette haute élévation dans la gloire a dû être précédée par les humiliations de la passion. Aussi le Sauveur ajoute: «En vérité, en vérité, je vous le dis: Si le grain de froment qui tombe dans la terre ne meurt, il demeure seul; mais s'il meurt, il produit beaucoup de fruits». Ce grain de froment c'était lui que l'incrédulité des Juifs devait faire mourir, et qui devait se multiplier par la foi des peuples. - Bède. Il est, en effet, ce grain qui a été semé de la semence des patriarches dans le champ du monde, c'est-à-dire qui s'est incarné pour mourir et ressusciter en se multipliant au centuple. Lui seul est mort, mais il est ressuscité avec un grand nombre d'autres.

S. Chrys. Comme les paroles du Sauveur ne portaient pas toujours la persuasion dans les coeurs, il a recours à cette comparaison, parce que le froment est une des graines qui produit le plus de fruit lorsqu'elle est morte. Or, si ce phénomène se manifeste dans les semences, à plus forte raison se produira-t-il en moi. Notre-Seigneur devait dans la suite envoyer ses disciples vers les Gentils, et il les voit déjà venir d'eux-mêmes avec ardeur pour embrasser la foi, il annonce donc que le moment est venu pour lui de souffrir le supplice de la croix; car il n'envoya point ses Apôtres vers les nations avant que les Juifs se fussent brisés eux-mêmes contre la pierre, avant qu'ils l'eussent crucifié: Et, comme il prévoyait que sa mort devait jeter ses disciples dans une profonde tristesse, il expose pleinement la doctrine de la croix, et semble dire à ses disciples: Il ne suffit pas que vous supportiez ma mort avec patience; si vous ne mourez vous-mêmes, vous n'avez aucun fruit à espérer de ma mort: «Celui qui aime son âme, la perdra». - S. Aug. On peut entendre ces paroles de deux manières: la première, «celui qui aime son âme, la perdra»; c'est-à-dire, si vous l'aimez véritablement, n'hésitez pas à la perdre; si vous désirez obtenir la vie, qui est en Jésus-Christ, ne craignez pas de souffrir la mort pour Jésus-Christ. Ou bien: «Celui qui aime son âme, la perdra». N'aimez donc point votre âme dans cette vie, pour ne point la perdre dans la vie éternelle. Cette seconde interprétation est plus conforme à l'ensemble du texte évangélique, où nous lisons ensuite: «Et celui qui hait son âme dans ce monde», etc. Donc, dans le membre de phrase précédent: «Celui qui aime», il faut sous-entendre: En ce monde. - S. Chrys. (hom. 67). Or, aimer son âme en ce monde, c'est satisfaire ses désirs criminels; haïr son âme, c'est résister à ses désirs coupables. Et remarquez que Notre-Seigneur ne dit pas: Celui qui ne se rend pas aux désirs de son âme, mais: «Celui qui la hait». Lorsque nous avons de la haine contre quelqu'un, nous ne pouvons entendre sa voix, sa présence nous est désagréable; ainsi lorsque notre âme nous suggère des pensées contraires à la loi de Dieu, nous devons la repousser avec horreur. - Théophyl. Comme cette obligation de haïr son âme pouvait paraître bien dure, le Sauveur adoucit cette dure obligation en ajoutant: «En ce monde», paroles qui annoncent la brièveté de l'épreuve; il ne nous commande pas de haïr notre âme pour toujours, et il nous fait savoir quel sera le prix de ce sacrifice: «Il la conservera pour la vie éternelle». - S. Aug. Mais prenez garde de vous laisser aller à la pensée de vous donner la mort à vous-même par une fausse interprétation de ce précepte: «Qu'il faut haïr son âme en ce monde». C'est ainsi que l'entendent certains hommes pervers et mal inspirés, qui se rendent coupables d'homicide et trouvent la mort en se jetant dans les flammes, en s'étouffant dans les eaux, en se précipitant d'un lieu élevé (1). Ce n'est pas ce que Jésus-Christ a enseigné; au contraire, lorsque le démon lui eut conseillé de se jeter du haut du temple, il lui répondit: «Retire-toi, Satan» (Mt 4,10). Lors donc que vous vous trouvez dans cette alternative ou d'enfreindre un précepte divin, ou de sortir de cette vie sous la menace de mort d'un persécuteur, c'est alors que vous devez haïr votre âme en ce monde, pour la conserver dans la vie éternelle.

S. Chrys. (hom. 67). Cette vie présente paraît pleine de douceur à ceux qui en sont violemment épris, mais celui qui jette les yeux vers le ciel et qui considère les biens qui l'y attendent, n'aura que du mépris pour la vie présente; car, en présence d'un plus grand bien, le bien qui est moindre n'a plus de valeur. Or, Jésus-Christ nous conseille ce mépris, lorsqu'il nous dit: «Si quelqu'un veut être mon serviteur, qu'il me suive»; c'est-à-dire, qu'il marche sur mes traces. Le Sauveur veut parler ici de la mort et de l'imitation par les oeuvres, car le serviteur doit nécessairement suivre celui qu'il sert. - S. Aug. Notre-Seigneur nous apprend lui-même ce que c'est que le servir, en nous disant: « Si quelqu'un veut être mon serviteur, qu'il me suive», etc. Servir Jésus-Christ, c'est donc ne pas chercher ses intérêts, mais ceux de Jésus-Christ. C'est ce que signifient ces paroles: «Qu'il me suive», c'est-à-dire, qu'il marche dans mes voies, et non dans les siennes; qu'il ne se contente pas des oeuvres extérieures de miséricorde, mais qu'il fasse toutes ses bonnes oeuvres pour Jésus-Christ, jusqu'à cette oeuvre de charité héroïque qui consiste à donner sa vie pour ses frères. Mais quel en sera le fruit, quelle en sera la récompense? «Et où je suis, là sera aussi mon serviteur». Que le serviteur de Jésus-Christ l'aime d'un amour désintéressé, afin que la récompense du dévouement à son service soit d'être avec lui. - S. Chrys. (hom. 67). Notre-Seigneur nous apprend ainsi que la mort sera suivie de la résurrection: il dit: «Là où je suis», parce qu'avant même sa résurrection, il était dans ciel; c'est donc là que nous devons transporter nos pensées et nos affections.

«Si quelqu'un me sert, mon Père l'honorera. - S. Aug. C'est l'explication de ces paroles: «Où je suis, là sera aussi mon serviteur». Car, quel plus grand honneur pour le fils adoptif, que d'être là où est le Fils unique? - S. Chrys. Il ne dit point: C'est moi qui l'honorerai, mais: «Mon Père l'honorera». Car, ils n'avaient pas encore des idées convenables sur le Sauveur, et ils regardaient le Père comme lui étant supérieur.




Catena Aurea 13154