Catena Aurea 13522

vv. 22-25

13522 Jn 15,22-25

S. Chrys. (hom. 77 sur S. Jean). Notre-Seigneur console encore et encourage ses disciples par cette pensée, que c'est par une souveraine injustice qu'ils furent toutes ces choses et contre ses disciples et contre lui: «Si je n'étais pas venu, et que je ne leur eusse point parlé, ils n'auraient point de péché». - S. Aug. (Traité 89 sur S. Jean). Jésus-Christ a parlé aux Juifs, et non aux autres peuples. C'est donc dans les Juifs qu'il a voulu personnifier ce monde qui hait Jésus-Christ et ses disciples, et ce ne sont pas seulement les Juifs, c'est nous-mêmes qu'il veut désigner ici sous le nom de monde. Mais est-ce donc que les Juifs, à qui le Christ a parlé, étaient sans péché avant qu'il fût venu au milieu d'eux dans un corps mortel? Non, sans doute; le Sauveur, sous le nom général de péché, ne veut point qu'on comprenne toutes sortes de péchés, mais un péché plus grand que tous les autres, un péché auquel se rattachent tous les autres péchés, un péché sans lequel tous les autres peuvent être remis, c'est le péché d'incrédulité à l'égard de Jésus-Christ, qui est venu afin que tous croient en lui. Or, s'il n'était pas venu, ils ne seraient pas coupables de ce péché; car autant son avènement a été salutaire à ceux qui ont cru en lui, autant il a été funeste à ceux qui ont refusé de croire. «Mais maintenant ils n'ont point d'excuse de leur péché». On peut ici se demander si ceux vers qui Jésus-Christ n'est pas venu, qui n'ont point entendu sa parole, ont une excuse de leur péché; car s'ils n'en ont point, pourquoi le Sauveur dit-il que les Juifs n'ont point d'excuse? parce que Jésus-Christ est venu et qu'il leur a parlé. Et, s'ils ont une excuse, pourra-t-elle les soustraire au châtiment, ou du moins adoucir celui qu'ils auraient mérité? Je réponds à cette question qu'ils sont excusables non point de tout péché, mais du péché d'incrédulité à l'égard de Jésus-Christ. Quant à ceux vers qui il est venu dans la personne de ses disciples, ils ne sont point de ce nombre, et on ne peut les ranger avec ceux dont le châtiment sera moins rigoureux, eux qui ont refusé absolument de recevoir la loi de Jésus-Christ, et qui, autant que cela dépendait d'eux, auraient voulu l'anéantir. Cette excuse peut encore être apportée par ceux qui ont été prévenus par la mort avant d'avoir entendu annoncer l'Évangile de Jésus-Christ; mais ils ne peuvent cependant pas échapper à la damnation, car tous les hommes qui ne seraient point sauvés par le Sauveur, qui est venu chercher ce qui avait péri, feraient sans aucun doute partie des réprouvés; bien qu'on puisse admettre que le châtiment des uns sera plus léger, et celui des autres plus rigoureux. En effet, on périt véritablement aux yeux de Dieu, lorsqu'on est séparé par un châtiment éternel de cette félicité qu'il donne à ses saints. La différence des supplions entre eux répond donc à la variété multiple des péchés. Comment cela se fait-il? La profondeur des jugements de la sagesse divine est ici au-dessus de toute conjecture comme de toute parole humaine.

S. Chrys. (hom. 77 sur S. Jean). Comme les Juifs alléguaient presque toujours que c'était pour défendre l'honneur de Dieu le Père qu'ils persécutaient le Sauveur, il leur ôte ce prétexte en leur déclarant: «Celui qui me hait, hait aussi mon Père». - Alcuin. De même, en effet, que celui qui aime le Fils, aime aussi le Père (parce qu'il n'y a qu'un amour du Père et du Fils, comme il n'y a qu'une nature), ainsi celui qui hait le Fils, hait aussi le Père. - S. Aug. (Traité 90 sur S. Jean). Mais Notre-Seigneur n'a-t-il pas dit plus haut: «Ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé ?» Comment peuvent-ils donc haïr celui qu'ils ne connaissent pas? Car si, sous le nom de Dieu, ce n'est pas Dieu lui-même qu'ils poursuivent de leur haine, mais je ne sais quelle divinité imaginaire qu'ils se sont formée, ce n'est plus Dieu lui-même qui est l'objet de leur haine, mais ce que leur erreur ou leur vaine crédulité leur représentent comme tel. Si au contraire ils ont sur Dieu des idées justes et vraies, comment peut-on dire qu'ils ne le connaissent pas? Il peut arriver quelquefois, il est vrai, que nous ayons de l'affection ou de la haine pour des hommes que nous ne connaissons que sur le bien on le mal que nous en avons appris, mais comment pourrait-on dire d'un homme qu'on nous fait connaître, qu'il nous est inconnu? Ce ne sont pas sans doute les traits de son visage qui nous le font connaître, mais la connaissance qu'on nous donne de ses habitudes et de sa vie; autrement il faudrait dire qu'on ne peut se connaître soi-même, puisqu'on ne peut voir les traits de son visage. Cependant la plupart du temps nous nous trompons sur ceux que nous connaissons de cette manière, car souvent l'histoire, et plus souvent encore la renommée, nous induisent en erreur. Dans l'impossibilité où nous sommes de pénétrer dans la conscience des hommes, nous pouvons au moins, pour n'être pas dupes d'une opinion mensongère, avoir une connaissance véritable et certaine des choses elles-mêmes. Quand donc on ne se trompe pas sur les choses; qu'on blâme ce qui est réellement vice, et qu'on approuve ce qui est véritablement vertu, si l'erreur ne porte que sur les personnes, c'est une faiblesse qui tient à l'humanité et qui est digne de pardon. Il peut, en effet, arriver qu'un homme vertueux ait de la haine pour un homme également bon dont il ignore la vertu, et alors ce n'est pas cet homme, mais l'idée qu'il s'en fait, qui est l'objet de sa haine; ou plutôt il peut arriver qu'il aime cet homme sans le connaître, parce qu'il aime le bien qui se trouve en cet homme. De même, un homme injuste peut avoir de la haine pour un homme vertueux, et l'aimer lorsqu'il le suppose injuste, en aimant alors en lui non pas ce qu'il est véritablement, mais l'idée qu'il s'en forme. Or, la même chose peut arriver pour Dieu. Ainsi, qu'on ait demandé aux Juifs s'ils aimaient Dieu, ils auraient répondu qu'ils l'aimaient sans faire un mensonge, mais en étant simplement dupes de la fausse idée qu'ils s'en formaient; car comment peut-on aimer le Père de la vérité lorsqu'on a de la haine pour la vérité? Ils ne veulent pas que leurs actions soient condamnées, et c'est ce que fait la vérité. Ils ont donc autant de haine pour la vérité qu'ils en ont pour les châtiments qu'elle inflige à ceux qui l'outragent. Mais ils ne savent pas que c'est la vérité elle-même qui condamne ceux qui leur ressemblent, et parce qu'ils ignorent que cette vérité qui les juge et les condamne, est née de Dieu le Père, ils ont de la haine pour Dieu sans le connaître.

S. Chrys. Les Juifs n'ont donc aucune excuse; je leur ai transmis ma doctrine par mes paroles, je l'ai confirmée par mes oeuvres, comme le recommande la loi de Moïse, qui fait un devoir à tous d'obéir à celui qui s'annonce comme docteur lorsque sa doctrine inspire une véritable piété, et qu'elle est confirmée par des miracles extraordinaires. C'est pour cela qu'il ajoute: «Si je n'avais point fait parmi eux des oeuvres que nul autre n'a faites, ils n'auraient point de péché». - S. Aug. (Traité. 91 sur S. Jean). C'est-à-dire le péché qu'ils ont commis eu refusant de croire à ses enseignements et à ses oeuvres. Mais pourquoi ajoute-t-il: «Que nul autre n'a faites ?» Nous ne voyons point de plus grands miracles dans la vie de Jésus-Christ que la résurrection des morts, et nous savons que les anciens prophètes ont ressuscité des morts, en particulier Elie (1R 17); Elisée, pendant sa vie (2R 4), et jusque dans son tombeau (2R 13). Cependant Jésus-Christ a fait quelques miracles que nul autre n'a faits, par exemple, lorsqu'il a nourri cinq mille hommes avec cinq pains; lorsqu'il a marché sur les eaux, et donné à Pierre le pouvoir d'y marcher lui-même; lorsqu'il a changé l'eau en vin; lorsqu'il a ouvert les yeux de l'aveugle-né, et fait beaucoup d'autres miracles, qu'il serait trop long d'énumérer ici. Mais on nous répond que d'autres ont opéré des prodiges qui n'ont été faits ni parJésus-Christ, ni par aucun autre. Quel autre que Moïse, par exemple, a conduit tout un peuple à travers les eaux divisées de la mer, a fait descendre du ciel la manne pour le nourrir, et jaillir l'eau du rocher pour étancher sa soif? Quel autre que Jésus, fils de Navé, a partagé les eaux du Jourdain pour livrer un passage au peuple de Dieu, et par ses prières a mis comme un frein au soleil dans sa course? Quel autre qu'Elisée a rendu la vie à un mort par le seul contact de son propre cadavre? J'en omets bien d'autres, et je pense que ces exemples suffirent pour prouver que les autres saints ont opéré des prodiges que personne n'a faits. Mais on ne sait point que, parmi les anciens, aucun d'eux ait jamais guéri avec autant d'autorité et de puissance les vices nombreux, les maladies et les infirmités multipliées des hommes. Car, sans dire ici que d'un seul mot il guérissait tous ceux qui se présentaient à lui, saint Marc nous raconte que «partout où il entrait, dans les bourgs, dans les villages ou dans les villes, on mettait les malades sur les places publiques, et on le suppliait de leur laisser toucher seulement la frange de son vêtement; et tous ceux qui le touchaient étaient guéris» (Mc 6,56). Voilà ce que personne autre que lui n'a fait en eux, car c'est ainsi qu'il faut traduire ces paroles: in eis, en eux, et non parmi eux, ou devant eux; parce qu'il les a guéris eux-mêmes. Et si un autre que lui semble avoir opéré les mêmes prodiges, on peut dire, encore que nul autre n'a fait ce qu'il a fait, car tous les miracles semblables qu'un autre a pu opérer, il les a opérés en vertu de la puissance du Sauveur; tandis que Jésus les a faits sans le concours d'aucun autre. Et, bien que le Père et le Sain t-Esprit aient pris part à ces miracles, on peut dire encore que nul autre ne les a faits, parce qu'il n'y a dans la Trinité qu'une seule et même nature. Les Juifs auraient donc dû répondre à de si grands bienfaits par l'amour plutôt que par la haine, et c'est ce que le Sauveur leur reproche: «Maintenant ils ont vu ces oeuvres, et ils me haïssent, moi et mon Père, afin que la parole qui est écrite dans leur loi soit accomplie: ils m'ont haï sans sujet». - S. Chrys. Il prévient ainsi l'objection que ses disciples auraient pu lui faire. Pourquoi nous avez-vous jetés au milieu de tant de dangers? N'avez-vous donc pas prévu tous ces combats, toute cette haine? Il leur répond eu leur citant cette prophétie: «Afin que la parole qui est écrite dans leur loi soit accomplie». - S. Aug. (de la Trin., 17) Tous les livres de l'Ancien Testament sont souvent désignés dans les saintes Écritures sous le nom de loi, et c'est le sens que le Sauveur lui donne ici, lorsqu'il dit: «Il est écrit dans leur loi», c'est-à-dire dans les Psaumes (Ps 68,5)

S. Aug. (Traité 91) Il dit leur loi, non pas qu'ils l'aient faite eux-mêmes, mais parce qu'elle leur a été donnée. Haïr sans sujet ou gratuitement, c'est haïr sans espérance d'aucun avantage, sans crainte d'aucun danger, c'est le caractère de la haine des impies pour Dieu; c'est aussi le caractère de l'amour des justes qui n'attendent point d'autres biens que Dieu, parce qu'il sera lui-même tout dans tous. (1Co 15,28). - S. Aug. (Moral., 25, 11 ou 16 dans les anc. man). Il y a une grande différence entre ne pas faire le bien et haïr celui qui enseigne le bien, de même qu'entre pécher par précipitation et pécher de propos délibéré. Il nous arrive souvent par suite de notre faiblesse de ne point faire le bien que nous aimons; mais pécher de propos délibéré, c'est ne pas faire le bien, et de plus n'avoir aucun amour pour le bien. De même donc qu'on est quelquefois plus coupable d'aimer le péché que de le commettre, ainsi c'est souvent une faute plus grave de haïr la justice que de ne point en pratiquer les actes. Or, il y en a un certain nombre dans l'Eglise qui, non seulement ne font pas le bien, mais le persécutent, et qui haïssent dans les autres le bien qu'ils n'ont pas le courage de pratiquer, et leur péché n'est pas un péché de faiblesse on d'ignorance, mais un péché commis avec intention et de propos délibéré.


vv. 26-27

13526 Jn 15,26-27

S. Chrys. (hom. 77 sur S. Jean). Les disciples pouvaient dire au Sauveur: S'ils ont entendu de votre bouche des paroles que nul autre n'a dites, s'ils ont vu des prodiges que personne autre n'a faits, sans en retirer la moindre utilité; si au contraire ils n'ont eu que de la haine pour votre Père et pour vous, pourquoi donc nous envoyer, et comment espérer que nous soyons dignes de foi? Notre-Seigneur dissipe la crainte que pouvaient faire naître ces pensées, en leur faisant cette promesse consolante: «Lorsque sera venu le Paraclet que je vous enverrai du sein du Père, etc., il rendra témoignage de moi». - S. Aug. (Tr. 92 sur S. Jean). C'est-à-dire, les Juifs m'ont haï et m'ont mis à mort, bien qu'ils aient vu de leurs yeux les oeuvres que j'ai faites, mais le Paraclet rendra de moi un si éclatant témoignage, qu'il fera croire en moi ceux mêmes qui n'auront pu me voir. (Traité 93). En même temps que l'Esprit de vérité me rendra témoignage, vous aussi me rendrez témoignage, lui dans les coeurs, et vous par vos paroles, lui par ses inspirations, vous par vos prédications. (Traité 92). Vous pourrez alors prêcher hautement ce que vous connaissez, vous qui avez été avec moi dès le commencement, ce que vous ne pouvez faire maintenant, parce que vous n'avez pas encore reçu la plénitude de l'Esprit saint; car c'est dans la charité qui a été répandue dans vos coeurs par l'Esprit saint qui vous a été donnée (Rm 5,5), que vous puiserez le courage nécessaire pour me rendre témoignage. L'Esprit saint, en effet, en rendant lui-même témoignage, et en inspirant à ces nouveaux témoins un courage à toute épreuve, a banni complètement la crainte du coeur des amis de Jésus-Christ, et a converti en amour la haine de ses ennemis.

Didyme. (de l'Esprit saint, 2) Le Sauveur donne à l'Esprit saint le nom de consolateur, nom significatif de ce qu'il produit dans les âmes, parce que, non seulement il affranchit de toute espèce de trouble ceux qu'il en trouve dignes, mais il les remplit encore d'une joie ineffable; car les coeurs où l'Esprit saint fixe son séjour, jouissent d'une joie éternelle. Cet Esprit consolateur est envoyé par le Fils, non comme Dieu envoyait les anges, les prophètes ou les Apôtres, mais comme il convenait à la sagesse et à la vérité d'envoyer l'Esprit de Dieu qui a une nature indivisible avec cette même sagesse et cette même vérité. En effet, le Fils qui est envoyé par le Père, n'en est pour cela ni séparé, ni divisé, il demeure dans son Père, et son Père demeure en lui. Ainsi l'Esprit saint envoyé par le Fils, sort du Père, sans aller d'un lieu dans un autre; car de même que le Père ne peut être contenu dans un espace limité, puisque son infinité s'étend au-delà de tous les espaces matériels, ainsi l'Esprit de vérité ne peut être circonscrit par aucune limite, parce qu'il est incorporel et qu'il est au-dessus de toutes les créatures raisonnables.

S. Chrys. Notre-Seigneur l'appelle, non l'Esprit saint, mais l'Esprit de vérité, pour montrer combien son témoignage est digne de foi. Il déclare qu'il procède du Père, c'est-à-dire, qu'il sait toutes choses avec une entière certitude, comme le Sauveur dit de lui-même dans un autre endroit: «Je sais d'où je viens et où je vais». - Didyme. Il aurait pu dire qu'il procédait de Dieu ou du Tout-Puissant, il laisse ces dénominations et choisit de préférence celle du Père, non sans doute que le Père soit différent du Dieu tout-puissant; mais parce que l'Esprit de vérité sort de lui en vertu de cette propriété et de cette intelligence qui est propre au Père. Or, en même temps que le Fils envoie l'Esprit de vérité, le Père l'envoie également, puisqu'il vient par un seul et même acte de la volonté du Père et du Fils. - Théophyl. Nous voyons ailleurs que le Père envoie l'Esprit saint, ici le Sauveur, en déclarant qu'il l'enverra lui-même, prouve qu'il a une même puissance avec le Père. Et afin qu'on ne crût pas qu'il était opposé au Père, et qu'il envoyait l'Esprit saint en vertu d'une puissance différente, il ajoute: «Qui procède du Père», pour nous apprendre que non seulement le Père consent à cette mission, mais qu'il la donne lui-même. Lorsque vous entendez dire que l'Esprit saint procède, n'allez pas croire que cette procession soit une mission extérieure comme celle qui est donnée aux esprits qui servent le Seigneur (He 1,14); cette procession est une propriété toute différente, attribut exclusif de cet esprit principal. La procession du Saint-Esprit n'est autre que l'origine de son être, il ne faut donc pas prendre la procession pour la mission, car la procession est l'acte en vertu duquel l'Esprit reçoit du Père sa nature divine.

S. Aug. (Traité 96). On nous fera peut-être ici cette question: L'Esprit saint procède-t-il aussi du Fils? Le Fils est Fils du Père seulement, et le Père est exclusivement le Père du Fils; or, l'Esprit saint n'est pas l'Esprit d'une seule des deux premières personnes divines, il est l'Esprit des deux, puisque Jésus-Christ dit expressément: «L'Esprit de votre Père qui parle en vous» (Mt 10,20), et que l'Apôtre nous dit de son côté: «Dieu a envoyé l'Esprit de son Fils dans vos coeurs» (Ga 4,6). Et je ne vois pas d'autre raison pour laquelle on lui donne le nom d'Esprit, car si on nous interroge sur ce que nous pensons de chacune des autres personnes, il n'y a que le Père et le Fils à qui nous puissions donner ce nom d'Esprit. Or, ce nom qui est le nom commun des deux premières personnes, a dû être donné proprement à celui qui n'est pas l'Esprit de l'un d'eux, mais qui est le principe d'union des deux personnes divines. Pourquoi donc n'admettrions-nous pas que l'Esprit saint procède du Fils, puisqu'il est aussi l'Esprit du Fils? S'il ne procédait pas de lui, le Fils de Dieu n'aurait pas soufflé sur ses disciples après sa résurrection, en leur disant: «Recevez le Saint-Esprit» (Jn 20,22); c'est aussi de cette vertu de l'Esprit saint que l'Évangéliste veut parler, quand il dit: «Une vertu sortait de lui et les guérissait tous» (Lc 6,19). Mais si l'Esprit saint procède du Père et du Fils, pourquoi le Fils déclare-t-il qu'il procède du Père? C'est parce qu'il a coutume de rapporter tous ses attributs divins à celui de qui vient sa nature divine. C'est dans ce même sens qu'il dit ailleurs: Ma doctrine n'est pas ma doctrine, mais la doctrine de celui qui m'a envoyé (Jn 7,16). Si donc on doit regarder comme sa doctrine la doctrine qu'il déclare être non la sienne, mais celle de son Père, à plus forte raison doit-on entendre que l'Esprit saint procède de lui, lorsqu'il dit: «Qui procède du Père», et non: Il procède de moi. C'est du Père que le Fils a reçu d'être Dieu, c'est du Père aussi qu'il a reçu d'être le principe d'où procède l'Esprit saint. C'est ce qui nous explique aussi pourquoi on ne dit pas de l'Esprit saint qu'il est né mais qu'il procède; car s'il était appelé Fils, il faudrait dire qu'il est le Fils des deux personnes divines, ce qui serait une absurdité, car on ne peut être le Fils de deux personnes, que lorsque ces deux personnes sont le père et la mère; or, loin de nous de supposer quelque chose de semblable entre Dieu le Père et Dieu le Fils. Disons plus, même parmi les hommes, le fils ne procède pas en même temps du père et de la mère, car au moment où il procède du père dans la mère, il ne procède pas de la mère. Quant à l'Esprit saint, il ne procède pas du Père dans le Fils et du Fils dans les créatures qu'il sanctifie, il procède en même temps du Père et du Fils, car nous ne pouvons dire que l'Esprit saint ne soit pas la vie, puisque le Père est la vie, et que le Fils aussi est la vie, et ainsi de même que le Père qui a la vie en lui-même, a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même (Jn 5,26), ainsi a-t-il donné au Fils que la vie procède de lui, comme elle procède du Père.


CHAPITRE XVI


vv. 1-5

13601 Jn 16,1-5

S. Aug. (Traité 93 sur S. Jean). Après avoir promis à ses disciples l'Esprit saint, qui devait faire d'eux autant de témoins de la vérité, le Sauveur ajoute: «Je vous ai dit ces choses, afin que vous ne soyez pas scandalisés». Et en effet, lorsque la charité de Dieu est répandue dans nos coeurs par l'Esprit saint qui nous a été donné (Rm 5,5), une paix abondante se répand en même temps dans l'âme de ceux qui aiment la loi de Dieu, et il n'y a point pour eux de scandale (Ps 118,165). Il leur prédit ensuite les épreuves qui les attendent: «Ils vous chasseront des synagogues». - S. Chrys. (hom. 77 sur S. Jean). Ils avaient déjà pris de concert la résolution de chasser de la synagogue quiconque confesserait Jésus-Christ. - S. Aug. Mais quel grand mal pour les Apôtres d'être chassés des synagogues des Juifs, puisqu'ils devaient en sortir d'eux-mêmes, alors que personne ne les chasserait dehors? Il a donc voulu leur apprendre par-là que les Juifs ne devaient point recevoir Jésus-Christ, dont les disciples ne devaient point se séparer. Si, en effet, ils avaient voulu le reconnaître, comme il n'y avait point d'autre peuple de Dieu que la race d'Abraham, les Eglises de Jésus-Christ n'auraient pas été différentes des synagogues des Juifs. Mais ils ont refusé de recevoir Jésus-Christ, et la conséquence naturelle, c'est que restant eux-mêmes en dehors de Jésus-Christ, ils devaient chasser de leurs synagogues ceux qui ne consentaient pas à quitter Jésus-Christ. Le Sauveur ajoute, encore: «Et l'heure vient où quiconque vous fera mourir, croira faire une chose agréable à Dieu», paroles qui ont pour objet de consoler ceux qui seraient chassés des synagogues des Juifs. Est-ce donc que cette expulsion de la synagogue devait les affliger à ce point, qu'ils auraient mieux aimé mourir que de n'en plus faire partie? Non, sans doute, une crainte semblable ne pouvait trouver place dans le coeur de ceux qui cherchaient, non la gloire des hommes, mais la gloire de Dieu. Voici donc le sens de ces paroles: «Ils vous chasseront des synagogues, mais ne craignez pas votre isolement; vous serez exclus de leurs réunions, il est vrai, mais vous en rassemblerez un si grand nombre en mon nom, que les Juifs, craignant l'abandon de leur temple et de toutes les cérémonies de l'ancienne loi, vous mettront à mort, croyant en cela faire une chose agréable à Dieu, parce que leur zèle pour la gloire de Dieu, n'est pas un zèle dirigé par la science» (Rm 10,2), paroles qu'il faut entendre des Juifs, dont Notre-Seigneur dit: «Ils vous chasseront de leurs synagogues». En effet, lorsque les Gentils ont mis à mort les témoins, c'est-à-dire, les martyrs de Jésus-Christ, ce n'est pas à Dieu, mais à leurs fausses divinités qu'ils ont cru faire une chose agréable, tandis que ceux qui, parmi les Juifs, mirent à mort les prédicateurs de Jésus-Christ, crurent faire un acte agréable à Dieu, dans la crainte que ceux qui se convertiraient à Jésus-Christ, abandonneraient le culte du vrai Dieu. Voilà pourquoi dans l'ardeur d'un zèle qui n'était pas selon la science, ils mettaient à mort les disciples de Jésus-Christ, croyant en cela faire une oeuvre agréable à Dieu.

S. Chrys. Jésus leur donne ensuite un nouveau motif de consolation: «Et ils vous traiteront de la sorte, parce qu'ils ne connaissent ni mon Père, ni moi», c'est-à-dire, qu'il vous suffise comme consolation de penser que vous souffrez pour moi et pour mon Père. - S. Aug. Il leur apprend ensuite que la cause pour laquelle il leur a prédit ces épreuves, c'est de prévenir le trouble qu'auraient jeté dans leurs coeurs non préparés des maux qu'ils n'avaient pas prévus, bien qu'ils dussent être de courte durée: «Je vous ai dit ces choses, afin que lorsqu'en sera venue l'heure, vous vous souveniez que je vous les ai dites». Cette heure, c'était l'heure des ténèbres, l'heure de la nuit, mais la nuit des Juifs n'a pu obscurcir de ses ténèbres les clartés du jour de Jésus-Christ qui en était séparé. - S. Chrys. Un autre motif pour lequel il leur annonce ces épreuves à l'avance, c'est afin de bien les convaincre que l'avenir lui était présent, comme il le déclare par ces paroles: «Afin que lorsqu'en sera venue l'heure, vous vous souveniez que je vous les ai dites. Il ne veut pas non plus qu'ils pussent dire qu'il n'avait cherché qu'à les flatter et à leur dire des choses agréables. Mais pourquoi ne leur a-t-il pas fait tout d'abord ces prédictions? En voici la raison: «Je ne vous ai pas dit ces choses dès le commencement, parce que j'étais avec vous», c'est-à-dire, vous étiez sous ma garde, vous pouviez m'interroger quand vous vouliez; tous les efforts de vos ennemis se concentraient sur moi; il était donc inutile de vous en parler tout d'abord, mais au moins si je ne l'ai pas fait, ce n'est pas que j'ignorais que ces épreuves dussent arriver.

S. Aug. (Tr. 94 sur S. Jean). Selon les trois autres évangélistes, Notre-Seigneur fit cette prédiction avant la cène, taudis que saint Jean la place après la cène. Ne peut-on pas résoudre cette difficulté, en disant que les trois premiers évangélistes font observer que sa passion était proche, lorsqu'il fit ces prédictions? Il ne les fit donc pas dès le commencement qu'il était avec eux. Cependant saint Matthieu rapporte que le Sauveur prédit ces événements, non seulement aux approches de sa passion, mais encore dès le commencement. Comment donc expliquer ces paroles: «Je ne vous les ai pas dites dès le commencement», etc., si ce n'est en faisant une exception pour les choses qu'il attribue ici à l'Esprit saint, et qu'il ne leur a pas fait connaître dès le commencement, par exemple qu'il devait leur être envoyé et rendre témoignage, lorsqu'ils seraient persécutés. En effet, il était alors au milieu d'eux, et sa présence seule était pour eux une véritable consolation. Mais lorsque le moment vint de les quitter, il devait leur annoncer la venue de l'Esprit saint, qui, en répandant dans leurs coeurs la charité de Dieu, leur donnerait le courage de prêcher hautement le Verbe de Dieu. - S. Chrys. (hom. 78 sur S. Jean). On peut dire encore qu'il leur avait prédit les persécutions qu'ils devaient endurer, mais non pas que leur mort serait regardée comme une oeuvre agréable à Dieu, ce qui devait être pour eux un sujet d'étonnement extraordinaire; ou bien encore, il leur annonça dès le commencement ce qu'ils devaient souffrir de la part des Gentils, et leur prédit ici les persécutions que leur préparaient les Juifs.


vv. 5-11

13605 Jn 16,5-11

S. Chrys. (hom. 78 sur S. Jean). La tristesse s'était emparée de l'esprit des disciples encore bien imparfaits, en entendant les dernières paroles de leur divin Maître; il les en reprend, et leur en fait un reproche. «Et maintenant je vais à celui qui m'a envoyé, et aucun de vous ne me demande: Où allez-vous ?» (Jn 16,5) En effet, lorsqu'ils l'entendirent déclarer que celui qui les mettrait à mort croirait faire une chose agréable à Dieu, ils gardèrent un profond silence, et ne lui adressèrent plus aucune question, c'est pour cela qu'il ajoute: «Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre coeur», Jn 16,6 etc. Ce n'était pas pour eux une consolation médiocre que de voir que le Seigneur connaissait la grandeur de leur tristesse produite par la pensée de son départ prochain, par la perspective des maux qu'ils devaient souffrir, et l'ignorance où ils étaient s'ils pourraient les supporter courageusement.

S. Aug. (Traité 94 sur saint Jean). Ou bien encore, ils lui avaient demandé précédemment où il allait, et il leur avait répondu qu'il allait où ils ne pouvaient le suivre actuellement; maintenant il leur déclare qu'il s'en ira, sans qu'aucun d'eux lui demande où il va: «Aucun de vous ne me demande: Où allez-vous ?» (Jn 16,5) Car lorsqu'il monta aux cieux, ils l'accompagnèrent de leurs regards, mais sans chercher à savoir où il allait. Or, le Seigneur voyait l'effet que produisaient ses paroles dans leur coeur; comme ils n'avaient pas encore cette consolation intérieure que le Saint-Esprit devait répandre dans leur âme, ils craignaient de perdre la présence visible de Jésus-Christ; et comme d'après sa déclaration, ils ne pouvaient douter qu'ils la perdraient, leur affection encore tout humaine s'attristait de ce que leurs yeux allaient être privés de ce qui faisait leur consolation: «Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre coeur» (Jn 16,6). Jésus savait ce qui leur était le plus avantageux; car la vue intérieure que l'Esprit saint devait leur donner comme consolation, était bien préférable: «Cependant je vous dis la vérité, il vous est avantageux que je m'en aille» Jn 16,7. - S. Chrys. C'est-à-dire, dût votre tristesse être mille fois plus grande, il vous faut entendre cette vérité, c'est qu'il vous est utile, que je me sépare de vous. Or, quelle est cette utilité? «Car si je ne m'en vais pas, le Paraclet ne viendra pas à vous» (Jn 16,7). S. Aug. (de la Trin., 1, 9) S'il parle de la sorte, ce n'est point qu'il y ait inégalité entre le Verbe de Dieu et l'Esprit saint, mais parce que la présence du Fils de l'homme au milieu d'eux était comme un empêchement à la venue de celui qui ne lui était pas inférieur, parce qu'il ne s'était pas anéanti lui-même jusqu'à prendre la forme d'esclave. (Ph 2) Il fallait donc faire, disparaître à leurs yeux la forme de serviteur, qui les portait à croire que Jésus-Christ n'était pas ce qu'ils voyaient des yeux au corps: «mais si je m'en vais, je vous l'enverrai». Jn 16,7 - S. Aug. Est-ce qu'il ne pouvait l'envoyer, tout en demeurant sur la terre, lui sur qui nous savons que l'Esprit saint descendit et demeura lorsqu'il fut baptisé et qui ne fut jamais séparé de lui? Quel est donc le sens de ces paroles: «Si je ne m'en vais, le Paraclet ne viendra pas à vous» Jn 16,7, si ce n'est, vous n'êtes pas capables de recevoir le Saint-Esprit, tant que vous continuez à ne connaître Jésus-Christ que selon la chair. Mais lorsque Jésus-Christ les eut privés de sa présence corporelle, non seulement l'Esprit saint, mais le Père et le Fils vinrent fixer spirituellement en eux leur séjour.
- S. Grég. (Moral., 8, 13 ou 17 dans les anc. éd). Il semble leur dire ouvertement: «Si je ne dérobe pas mon corps aux yeux de votre affection, il me sera impossible de vous conduire à l'intelligence invisible par l'Esprit consolateur. - S. Aug. (sur les par. du Seig). Or, après que la forme de serviteur que le Sauveur a prise dans le sein de la Vierge, eut été éloignée des yeux de la chair, l'Esprit consolateur leur procura ce bonheur singulier de pouvoir contempler avec les yeux purifiés de leur intelligence la nature de Dieu elle-même, par laquelle le Fils était égal à son Père, alors même qu'il daigna se manifester dans la chair.

S. Chrys. Mais quelle est donc l'objection que font ici ceux qui ne se forment point de l'Esprit saint des idées justes et convenables? Est-il donc utile que le Seigneur s'en aille pour que le serviteur vienne? Or, le Sauveur répond, en nous faisant connaître les avantages de la venue de l'Esprit saint: «Et lorsqu'il sera venu, il convaincra le monde en ce qui touche le péché» Jn 16,8, etc. - S. Aug. (Traité 95 sur S. Jean). Est-ce donc que Jésus-Christ n'a pas convaincu le monde? Serait-ce parce qu'il n'a fait entendre sa voix qu'aux Juifs, qu'on ne pourrait dire qu'il a convaincu le monde, tandis que l'Esprit saint, au contraire, dans la personne de ses disciples répandus par tout l'univers, n'a pas seulement convaincu une nation, mais le monde tout entier? Mais qui oserait dire que l'Esprit saint a convaincu le monde par la bouche des disciples, tandis que Jésus-Christ ne peut le convaincre; alors que l'Apôtre s'écrie: «Est-ce que vous voulez éprouver la puissance du Jésus-Christ qui parle par ma bouche ?» (2Co 13,3). Jésus-Christ peut donc convaincre ceux que l'Esprit saint convainc lui-même. Mais Notre-Seigneur dit: «Il convaincra le monde» Jn 16,8, c'est-à-dire, il répandra la charité dans vos coeurs, et en dissipant toutes vos craintes, vous donnera la liberté de convaincre le monde. Il explique, ensuite ce qu'il venait de dire: «En ce qui touche le péché, parce qu'ils n'ont pas cru en moi» Jn 16,9. Notre-Seigneur ne parle que de ce péché à l'exclusion de tous les autres, parce que tant qu'il reste, les autres péchés ne peuvent être pardonnés, et que s'il vient à être effacé, tous les autres le sont avec lui. - S. Aug. (serm. 61 sur les par. du Seig). Mais il y a une grande différence entre croire que Jésus est le Christ, et croire en Jésus-Christ; les démons eux-mêmes n'ont pu s'empêcher de croire qu'il était le Christ, mais celui qui croit en Jésus-Christ, espère en même temps en Jésus-Christ, aime Jésus-Christ. - S. Aug. (Traité 95). Le monde est donc convaincu de péché, parce qu'il ne croit pas en Jésus-Christ, et il est convaincu aussi en ce qui touche la justice de ceux qui croient, car le seul exemple des fidèles est la condamnation des infidèles: «Il convaincra le monde en ce qui touche la justice, parce que je m'en vais à mon Père» (Jn 16,10). Nous entendons souvent sortir de la bouche des infidèles cette question: Comment pouvons-nous croire ce que nous ne voyons pas? Il fallait donc définir de la sorte le caractère de la justice des croyants: «Parce que je m'en vais à mon Père, et que vous ne me verrez plus». Bienheureux, en effet, ceux qui ne voient point et ne laissent pas de croire, car si la foi de ceux qui ont vu Jésus-Christ a reçu des éloges, ce n'est point parce qu'ils croyaient ce qu'ils voyaient (c'est-à-dire, le Fils de l'homme), mais parce qu'ils croyaient ce qu'ils ne voyaient pas (c'est-à-dire, le Fils de Dieu). Lorsqu'au contraire, la forme de serviteur eut disparu à leurs regards, alors cette, parole du prophète fut entièrement accomplie: «Le juste vit de la foi». Votre justice donc qui convaincra le monde, consistera à croire en moi, alors que vous ne me verrez plus; et lorsque vous me verrez tel que je serai alors, vous ne me verrez plus tel que je suis maintenant au milieu de vous, c'est-à-dire, vous ne me verrez plus soumis à la mort, mais environné d'immortalité. Et en effet, en leur disant: «Vous ne me verrez plus», il leur prédit qu'ils ne verront plus désormais le Christ tel qu'ils le voient.

S. Aug. (serm. 61 sur les par. du Seigneur). On peut donner encore cette explication: Ils n’ont pas cru en lui, et il s'en va vers son Père; le péché est donc pour eux, et la justice pour lui. En effet, lorsqu'il est venu du sein de son Père vers nous; c'est un acte de miséricorde, mais c'est par un effet de sa justice qu'il retourne à son Père, selon ces paroles de l'Apôtre: «C'est pour cela que Dieu l'a exalté». (Ph 2) Mais s'il s'en va seul à son Père, quelle utilité pouvons-nous en retirer? S'en est-il allé seul, parce que le Christ ne fait qu'un avec tous ses membres, comme le chef ne fait qu'un avec son corps? Le monde est donc convaincu de péché dans la personne de ceux qui ne croient pas en Jésus-Christ, et il est convaincu en ce qui touche la justice dans ceux qui ressuscitent comme membres de Jésus-Christ: «Et en ce qui touche le jugement, parce que le prince de ce monde est déjà jugé», c'est-à-dire, le démon, le prince des méchants, dont le coeur est tout entier fixé dans ce monde, objet de leurs affections. Par-là même qu'il a été jeté dehors, il a été jugé, et le monde est convaincu de ce jugement, parce qu'il se plaint inutilement du démon, lui qui ne veut point croire en Jésus-Christ. En effet, ce prince du monde qui est jugé, c'est-à-dire, jeté dehors, et à qui Dieu permet de nous attaquer extérieurement pour nous exercer à la vertu, a été vaincu, non seulement par des hommes, mais par de simples femmes, par des enfants, par de tendres vierges qui ont souffert le martyre pour Jésus-Christ. - S. Aug. (Tr. 95 sur S. Jean). Ou bien encore, il est déjà jugé, parce qu'il est irrévocablement condamné au feu éternel. Or, le monde est convaincu de ce jugement, parce qu'il est jugé lui-même avec son chef dont il imite l'orgueil et l'impiété. Que tous les hommes croient donc en Jésus-Christ, pour n'être point convaincus du péché d'incrédulité qui est comme un lien qui retient tous les autres péchés; qu'ils passent au nombre des fidèles, pour n'être point convaincus en ce qui touche la justice de ceux dont ils n'imitent point la conduite, et qu'ils se mettent en garde contre le jugement à venir, afin de n'être pas jugé avec le prince du monde qu'ils ont imité malgré son jugement et sa condamnation.

S. Chrys. (hom. 78 sur S. Jean). Ou bien encore: «Il convaincra le monde de pêché», c'est-à-dire, il leur ôtera toute excuse, et leur prouvera qu'ils sont coupables de n'avoir pas voulu croire en moi, alors qu'ils verront l'Esprit saint descendre sur les fidèles d'une manière ineffable par la seule invocation de mon nom. - S. Aug. (Quest. sur le Nouv. et l'Anc. Test., quest. 89) L'Esprit saint a encore convaincu le monde de péché par les prodiges qu'il a opérés au nom du Sauveur, que le monde avait rejeté. Pour le Sauveur lui-même, ayant réservé la justice, il n'a point hésité de retourner à celui qui l'avait envoyé, et en retournant vers lui, il a prouvé qu'il en était venu: «Et en ce qui touche la justice, parce que je m'en vais à mon Père». - S. Chrys. C'est-à-dire, qu'un retournant à mon Père, je leur prouverai que ma vie était irréprochable, et qu'ils ne pourront dire encore comme autrefois: «Cet homme est un pécheur, et ne vient pas de Dieu». Lorsqu'ils verront d'ailleurs que j'ai triomphé de mon ennemi (ce que je n'aurais pu faire si j'avais été un pécheur), il leur sera impossible de dire que je suis possédé du démon, que je suis un séducteur. En apprenant que le démon a été condamné à cause de ce qu'il avait fait à mon égard, ils sauront qu'ils pourront désormais le fouler aux pieds, et ils seront convaincus à n'en pouvoir douter de ma résurrection, parce qu'il n'a pu me retenir dans les liens de la mort. - S. Aug. (Quest. de l'Anc. et du Nouv. Test). Les démons eux-mêmes en voyant les âmes délivrées des enfers monter vers les cieux, ont connu que le prince de ce monde était déjà jugé, et que par suite du crime qu'il avait commis dans le jugement du Sauveur, il était condamné lui-même à perdre tout ce qu'il avait en sa possession, c'est ce que les Apôtres virent à l'ascension de Jésus-Christ, mais ce qui leur fut pleinement découvert, lorsque l'Esprit saint descendit sur eux.



Catena Aurea 13522