Catena Aurea 13612

vv. 12-15

13612 Jn 16,12-15

Théophyl. Notre-Seigneur développe les paroles qu'il vient de leur dire: «Il vous est utile que je m'en aille», en ajoutant: «J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant». Jn 16,12 - S. Aug. (Traité 97 sur S. Jean). Tous les hérétiques se sont efforcés d'étayer sur ces paroles de l'Évangile leurs audacieuses inventions que la raison repousse avec horreur, comme si ces inventions étaient justement les vérités que les disciples ne pouvaient porter, et que l'Esprit saint leur eut enseigné ce que l'esprit immonde rougit d'enseigner et de prêcher en public. (Tr. 96) Mais on ne peut établir de comparaison entre les infamies qu'aucune pudeur humaine ne peut supporter, et les vérités salutaires que la faiblesse de l'esprit humain n'est pas capable de comprendre. Les unes ne se trouvent que dans les corps livrés à l'impureté, les autres sont au-dessus de toute nature corporelle et sensible. (Même Traité). Mais qui de nous se croira capable de comprendre les vérités que les disciples ne pouvaient porter alors? Il ne faut donc point s'attendre à ce que je les explique. On me dira peut-être, il en est beaucoup maintenant qui pourraient comprendre ce que saint Pierre ne pouvait pas, de même qu'il en est beaucoup qui sont aujourd'hui capables de recevoir la couronne du martyre dont Pierre n'était pas alors capable, surtout depuis qu'ils ont reçu l'Esprit saint qui, alors n'avait pas encore été envoyé. J'accorde qu'il en soit beaucoup qui, depuis la venue du l'Esprit saint, puissent porter les vérités dont les disciples étaient incapables avant de l'avoir reçu. Est-ce une raison pour que nous sachions ce qu'il n'a pas voulu dire? Et puisqu'il a cru devoir les taire, qui de nous entreprendra de les dire? (Plus bas). Savons-nous pour cela les vérités qu'il n'a pas cru devoir révéler? Il est également de la dernière absurdité de dire que les disciples étaient alors incapables de porter les hautes vérités que renferment leurs Epîtres écrites beaucoup plus tard, et dont on ne voit pas que le Seigneur leur ait parlé. Ces hommes qui appartiennent à des sectes perverses et corrompues, comme les Manichéens, les Sabelliens, les Ariens, ne peuvent supporter les vérités de la foi catholique qui se trouvent dans les saintes Écritures et condamnent leurs erreurs, de même que nous ne pouvons supporter leurs mensonges sacrilèges. Qu'est-ce, en effet, que de ne pouvoir supporter quelque chose? C'est ne pouvoir l'envisager avec un esprit égal et tranquille. Mais quel est le fidèle, quel est même le catéchumène qui, avant d'avoir reçu avec le baptême le Saint-Esprit, ne lise pas ou n'entende pas d'un esprit égal, bien qu'il ne les comprenne pas, les vérités qui n'ont été écrites qu'après l'ascension du Sauveur? (Traité 97 vers la fin). On me dira encore: Est-ce que les hommes versés dans la spiritualité n'ont pas dans leur doctrine des vérités qu'ils taisent aux hommes charnels, et qu'ils font connaître à ceux qui se conduisent selon l'esprit? (Traité 98, avant le milieu). Il n'y a aucune nécessité de taire aux fidèles qui ne font que commencer les secrets de la doctrine chrétienne, pour les exposer en particulier aux âmes plus avancées. (Le milieu). Les hommes spirituels ne doivent pas garder devant les chrétiens même charnels, un secret absolu sur les vérités spirituelles, parce qu'elles font partie de la foi catholique qui doit être annoncée à tous les hommes. Cependant, dans l'exposé qu'ils en font, ils doivent prendre garde qu'en voulant faire entrer ces vérités dans l'esprit de ceux qui n'en sont pas capables, ils leur inspirent le dégoût pour la parole de vérité plutôt que de leur en donner l'intelligence. (Même traité après le commencement). Ne soupçonnons donc pas dans ces paroles du Seigneur, je ne sais quelles vérités secrètes qui pourraient être dites par celui qui enseigne, mais que ne pourrait supporter son disciple; mais comprenons que pour les choses mêmes qui, dans la doctrine chrétienne, font partie de l'enseignement commun des fidèles, si Jésus-Christ voulait nous les expliquer comme il les développe à ses anges, quels sont ceux qui pourraient supporter cette révélation, fussent-ils des plus avancés dans la spiritualité, ce que n'étaient pas encore les Apôtres? Certainement tout ce qu'on peut savoir de la créature est au-dessous du Créateur, et cependant qui garde le silence sur le Créateur? Dans quel endroit du monde n'est-il pas connu de tous les hommes? Et cependant alors que tous parlent de lui, quel est celui qui le comprend comme il doit être compris? (Traité 96). Et quel est celui qui, pendant cette vie, peut connaître toute la vérité? Est-ce que l'Apôtre ne dit pas: «Nous ne connaissons maintenant qu'imparfaitement ?» (1Co 13,9) Disons donc que comme l'Esprit Saint nous conduit à cette plénitude de vérité dont parle le même Apôtre, en ajoutant: «Mais alors nous le verrons face à face» (1Co 13,12); ce n'est pas seulement ce qui doit se faire en cette vie, mais la révélation pleine et entière qui doit avoir lieu dans la vie future que Notre-Seigneur nous promet par ces paroles: «Lorsque l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité», ou: «Il vous fera parvenir à toute vérité». Ces paroles nous font comprendre que la plénitude de la vérité nous est réservée pour l'autre vie, et que dans celle-ci l'Esprit saint enseigne aux fidèles les choses spirituelles d'une manière proportionnée à leurs dispositions, tout en excitant dans leur coeur un désir de plus en plus vif pour ces mêmes vérités. - Didyme. (de l'Esprit saint, 2) Ou bien Notre-Seigneur veut dire que ses disciples ne savaient pas encore tout ce qu'ils auraient à souffrir dans la suite pour son nom; il ne leur en faisait connaître qu'une partie, réservant pour plus tard la connaissance des épreuves plus grandes qu'ils ne pouvaient porter alors, avant que leur chef leur en eut donné l'exemple par l'enseignement de sa croix. Ils étaient encore asservis aux figures, à l'ombre et aux images de la loi, et ils ne pouvaient regarder la vérité dont la loi n'était que l'ombre. Mais lorsque l'Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité; et par sa doctrine et par son enseignement, il vous fera passer de la mort de la lettre à l'esprit de vie dans lequel seul se trouve la vérité de toutes les Écritures.

S. Chrys. (hom. 78). Ces paroles: «Vous ne pouvez porter maintenant ces vérités» (Jn 16,12), (mais vous le pourrez plus tard) et ces autres: «L'Esprit saint vous conduira à toute vérité» (Jn 16,13), pouvaient donner aux Apôtres la pensée que l'Esprit saint était plus grand que lui, il se hâte donc d'ajouter: «Car il ne parlera pas de lui-même» (Jn 16,13), etc. - S. Aug. (Traité 99 sur S. Jean). Ces paroles sont semblables à celles que le Sauveur dit de lui-même: «Je ne puis faire rien de moi-même, mais je juge suivant ce que j'entends» (Jn 5,30), toutefois il parlait ainsi en tant qu'homme. - Or, comme l'Esprit saint n'est pas devenu créature par son union à un être créé, comment entendre en lui ces paroles de Notre-Seigneur? Nous devons les entendre dans ce sens que l'Esprit saint n'existe point par lui-même, car le Fils est né du Père, et l'Esprit saint procède du Père; or quelle différence entre procéder et naître, c'est ce qui demanderait de longues discussions et ce qu'il serait téméraire de définir. Entendre pour l'Esprit-Saint, c'est savoir, et savoir, c'est être. Puisque donc l'Esprit saint n'existe pas de lui-même, mais par celui de qui il procède, il reçoit la science et la propriété d'entendre de celui duquel il reçoit l'être. L'Esprit saint entend donc toujours parce qu'il sait toujours; c'est donc de celui qui lui a donné l'être qu'il a entendu, qu'il entend et qu'il entendra.

Didyme. (De l'Esprit saint). Notre-Seigneur dit donc: «Il ne parlera pas de lui-même» (Jn 16,13), c'est-à-dire sans la volonté de mon Père et la mienne; parce qu'il tire son existence de mon Père et de moi, et c'est de mon Père et de moi qu'il a reçu d'être, et de parler. Pour moi, je dis la vérité, c'est-à-dire je lui inspire ce que je dis, car il est l'Esprit de vérité. Lorsqu'il s'agit de la Trinité, il ne faut point entendre ces expressions dire et parler dans leur signification ordinaire, mais dans le sens qui seul peut convenir aux natures incorporelles, et surtout à la Trinité qui inspire sa volonté dans le coeur des fidèles et de ceux qui sont dignes d'entendre sa voix. Pour le Père parler, et pour le Fils entendre, est le signe d'une entière égalité de nature, et d'une parfaite unité de volonté. Quant à l'Esprit-Saint, qui est l'Esprit de vérité, l'Esprit de sagesse, lorsque le Fils parle, on ne peut dire qu'il entend ce qu'il ne sait pas, puisqu'il est lui-même ce qui sort du Fils, la vérité qui procède de la vérité, le consolateur qui émane du consolateur, le Dieu esprit de vérité qui procède de Dieu. Et afin que personne ne lui attribuât une volonté différente de celle du Père et du Fils, Notre-Seigneur ajoute: «Ce qu'il entendra, il le dira».

S. Aug. (De la Trin., 2, 43) On ne peut conclure de là que l'Esprit saint soit inférieur au Père et au Fils, car ces paroles doivent s'entendre de lui en tant qu'il procède du Père. - S. Aug. (Traité 99 sur S. Jean). Il ne faut pas s'étonner que le verbe «il entendra» soit au futur, le Saint-Esprit entend de toute éternité parce qu'il sait de toute éternité. Or quand il s'agit d'un être éternel sans commencement comme sans fin, quel que soit le temps qu'on emploie, il n'est pas contraire à la vérité. Quoique cette nature immuable ne soit pas susceptible de passé et de futur, mais seulement du présent, cependant on ne parle point contre la vérité en disant: «Il a été, il est, et il sera»; il a été, car il n'a jamais cessé d'être; il sera, parce que son existence n'aura jamais de fin; il est, parce qu'il existe toujours.

Didyme. (De l'Esprit saint). C'est encore par l'Esprit de vérité que la science certaine de l'avenir est accordée à de saints personnages, c'est sous l'inspiration de cet Esprit dont ils étaient remplis que les prophètes prédisaient, et voyaient comme présents des événements qui ne devaient arriver que bien longtemps après: «Et il vous annoncera les choses à venir». - Bède. Il est certain qu'un grand nombre de saints personnages remplis de la grâce de l'Esprit saint ont connu et annoncé les événements à venir. Mais comme il en est un grand nombre aussi en qui brille l'éclat des plus pures vertus, et à qui la science des choses à venir n'est point donnée, on peut entendre ces paroles: «Il vous annoncera les choses à venir» dans ce sens qu'il vous remettra en mémoire les joies de la céleste patrie. L'Esprit saint fait connaître encore aux apôtres les épreuves qu'ils devaient endurer pour le nom de Jésus-Christ, et les biens qui devaient être la récompense de ces mêmes épreuves.

S. Chrys. (hom. 78). C'est ainsi que Notre-Seigneur élève l'esprit et les pensées de ses disciples, car rien n'excite à un plus haut degré la curiosité et les désirs de la nature humaine, comme la connaissance de l'avenir. Il les délivre donc de cette sollicitude en leur révélant les épreuves qui les attendent, afin qu'ils n'y tombent point sans y être préparés. Il leur explique ensuite quelle est cette vérité dont il a dit: «L'Esprit saint vous enseignera toute vérité», en ajoutant: «Il me glorifiera», etc. - S. Aug. (Traité 6 sur S. Jean). C'est-à-dire qu'en répandant la charité dans les meurs des fidèles, et en les rendant des hommes spirituels, l'Esprit saint leur a fait connaître que le Fils était égal au Père, lui qu'ils ne connaissaient auparavant que selon la chair, et que dans leurs pensées tout humaines, ils ne considéraient que comme un homme. Ou bien encore: «Il me glorifiera», parce que la charité remplissant les apôtres de confiance, et bannissant la crainte de leurs coeurs, ils ont annoncé Jésus-Christ aux hommes, et répandu la connaissance de son nom dans tout l'univers, car le Sauveur attribue ici à l'Esprit Saint ce que les apôtres devaient faire sous son inspiration. - S. Chrys. Et comme il leur avait dit précédemment: «Vous n'avez qu'un seul maître, qui est le Christ» (Mt 23,10); pour les disposer à recevoir les leçons de l'Esprit saint, il ajoute: «Il recevra de ce qui est à moi, et vous l'annoncera». - Didyme. Il faut entendre ce mot recevoir dans un sens qui puisse convenir à la nature divine; car de même que le Fils en donnant, ne perd point ce qu'il donne, et n'éprouve aucun dommage de ce qu'il accorde aux autres; ainsi l'Esprit saint ne reçoit point ce qu'il n'avait pas auparavant, car s'il a reçu ce qu'il n'avait pas, en communiquant lui-même cette même grâce à un autre, il s'est appauvri de ce qu'il donnait. Comprenons donc que l'Esprit saint a reçu du Fils ce qui était propre à sa nature, qu'il n'y a point ici une personne qui donne et une personne qui reçoit, mais une seule et même nature, car le Fils lui-même reçoit du Père les propriétés qui font sa nature; en effet, le Fils n'est rien en dehors de ce qui lui est donné par son Père, de même qu'on ne peut concevoir la nature de l'Esprit saint en dehors de ce qui lui est donné par le Fils.

S. Aug. (Traité 6 sur S. Jean). Il ne faut point toutefois penser, comme l'ont fait quelques hérétiques, que l'Esprit saint soit moindre que le Fils, parce que le Fils reçoit du Père, et que le Saint-Esprit reçoit du Fils en suivant certains degrés qui établiraient une différence entre leurs natures, aussi le Sauveur se hâte de résoudre cette difficulté et d'expliquer ces paroles en ajoutant: «Tout ce qu'a mon Père est à moi. - Didyme. C'est-à-dire, quoique l'Esprit de vérité procède du Père, cependant, comme tout ce qui est à mon Père est à moi, l'Esprit du Père est le mien, et il recevra de ce qui est à moi. Gardez-vous, en entendant ces paroles de soupçonner ici une chose ou une propriété quelconque qui serait possédée par le Père et par le fils; tout ce que le Père a dans sa nature, c'est-à-dire dans son éternité, dans son immutabilité, dans sa bonté, le Fils l'a également. Rejetons donc bien loin tous ces filets des raisonneurs et des sophistes qui viennent nous dire: «Donc le Père est le Fils»; s'il avait dit: Tout ce qu'a Dieu est à moi, leur impiété pourrait y trouver matière à ces inventions sacrilèges, mais comme il a dit: «Tout ce qu'a mon Père est à moi», en proclamant le nom de son Père, il déclare lui-même qu'il est Fils, et il se garde bien, lui qui est le Fils, d'usurper la paternité, bien que par la grâce de l'adoption, il soit lui-même le Père d'un grand nombre de saints.

S. Hil. (De la Trin., 8) Notre-Seigneur n'a donc point laissé dans l'incertitude si le Saint-Esprit venait du Père ou du Fils; il a reçu du Fils d'être envoyé, et il procède du Père. Mais je demande si c'est une même chose pour l'Esprit saint de recevoir du Fils et de procéder du Père? On devra certainement reconnaître que c'est une seule et même chose de recevoir du Fils et de recevoir du Père; car lorsque Notre-Seigneur dit: «Tout ce qu'a mon Père est à moi», et qu'il dit en même temps que l'Esprit saint recevra de ce qui est à lui, il enseigne par la-même qu'il doit recevoir également du Père. Il dit cependant qu'il recevra de ce qui est à lui, parce que tout ce qui est à son Père est à lui. Cette unité ne peut donc admettre de différence, peu importe de qui on reçoit, puisque ce qui est donné par le Père est considéré comme donné par le Fils.


vv. 16-22

13616 Jn 16,16-22

S. Chrys. (hom. 79 sur S. Jean). Après avoir répandu la joie dans l'âme de ses disciples, par la promesse qu'il leur a faite de leur envoyer l'Esprit saint, le Sauveur les attriste de nouveau en leur disant: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus». Il agit de la sorte pour les préparer, par ce langage triste et sévère, à l'idée de sa séparation prochaine; car rien n'est plus propre à calmer l'âme plongée dans la tristesse et l'affliction, comme la pensée fréquente des motifs qui ont produit en elle cette tristesse. - Bède. (hom. 1, pour le 2 Dim. ap. l'oct. de Pâq). Il dit: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus,» parce qu'il fut arrêté cette nuit par les Juifs, crucifié le jour suivant, enseveli vers le soir, et qu'il disparut ainsi aux regards des hommes. - S. Chrys. En méditant sérieusement ces paroles: «Parce que je m'en vais à mon Père», on y trouve un motif de consolation, car Notre-Seigneur montre ainsi qu'il ne doit point périr sans retour, et que sa mort n'est qu'un passage de ce monde à son Père. Il les console encore en ajoutant: «Et encore un peu de temps, et vous me verrez»; car il leur apprend ainsi qu'il reviendra, que la séparation sera courte, et que la réunion avec eux durera éternellement.

S. Aug. (Traité 100 sur S. Jean). Ces paroles du Sauveur étaient obscures pour les disciples avant l'accomplissement des événements qu'elles avaient pour objet. Aussi: «Plusieurs de ses disciples se dirent l'un à l'autre: Qu'est-ce qu'il nous dit: Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus: et encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je vais à mon Père ?» - S. Chrys. Ils ne comprenaient pas, soit à cause de la tristesse qui les empêchait de penser à ce qu'il leur disait, soit à cause de l'obscurité des paroles elles-mêmes, qui paraissaient renfermer deux choses contradictoires, mais qui ne l'étaient pas en réalité; car, si nous vous voyons, pouvaient-ils dire, comment vous en allez-vous? Et si vous vous en allez, comment pourrons-nous vous voir? C'est pour cela qu'ils se demandent l'un à l'autre: «Qu'est-ce qu'il nous dit: Encore un peu de temps? Nous ne savons ce qu'il veut dire». - S. Aug. Dans ce qui précède, Notre-Seigneur, en leur disant: «Je vais à mon Père», sans ajouter: «Dans un peu de temps, vous ne me verrez plus», leur avait parlé ouvertement. Mais ce qui put alors leur paraître obscur, et qui leur fut bientôt dévoilé, nous est aussi parfaitement connu. En effet, la passion et la mort du Sauveur arrivèrent quelque temps après, et ils ne le virent plus; puis, peu de temps après, il ressuscita et ils le virent de nouveau. Il leur dit aussi: «Et vous ne me verrez plus», parce qu'ils ne devaient plus voir Jésus-Christ dans la nature mortelle dont il était revêtu.

Alcuin. On peut dire encore que ce peu de temps pendant lequel ils ne le verront pas, ce sont les trois jours qu'il fut déposé dans le sépulcre, et que ce peu de temps après lequel ils le reverront, ce sont les quarante jours qui suivirent sa passion et sa résurrection, et pendant lesquels il leur apparut plusieurs fois jusqu'au jour de son ascension. Pendant ce court espace de temps, vous me verrez, jusqu'au jour où je m'en irai à mon Père; car je ne dois pas toujours rester corporellement sur cette terre, mais je dois remonter dans le ciel avec l'humanité que j'ai prise dans mon incarnation.

«Jésus, connaissant qu'ils voulaient l'interroger, leur dit: "Vous vous demandez les uns aux autres ce que j'ai dit: Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus; et encore un peu de temps, et vous me verrez." En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous gémirez». Ce bon Maître, qui voit leur ignorance, répond au doute que ses paroles avaient fait naître, en leur expliquant le sens de ce qu'il vient de leur dire. - S. Aug. On peut entendre ces paroles de la tristesse des apôtres après la mort du Sauveur, et de la joie que leur fit éprouver sa résurrection; et le monde alors (c'est-à-dire les ennemis de Jésus-Christ, qui le firent mourir), se réjouit de la mort du Sauveur, tandis que ses disciples étaient dans la tristesse.

«Le monde se réjouira», etc. - Alcuin. Ces paroles du Seigneur peuvent s'appliquer à tous les chrétiens qui tendent aux joies éternelles par les larmes et les souffrances de cette vie; tandis que les justes pleurent, le monde se réjouit, parce qu'il ne connaît que les joies de la vie présente, et n'espère en aucune façon les joies de l'autre vie.

S. Chrys. Notre-Seigneur voulant ensuite leur montrer que la tristesse engendre la joie, comme aussi que cette tristesse sera courte, tandis que leur joie n'aura point de fin, emprunte cette comparaison aux choses du monde: «Une femme, lorsqu'elle enfante, a de la tristesse, parce que son heure est venue; mais lorsqu'elle a mis un enfant au jour, elle ne se souvient plus de ses douleurs, à cause de sa joie, parce qu'un homme est né au monde». - S. Aug. Cette comparaison n'est pas difficile à comprendre, parce que les termes en sont connus, puisque c'est celui même qui la propose qui en fait l'application: «Vous donc aussi, vous avez maintenant de la tristesse; mais je vous reverrai, et votre coeur se réjouira». Le travail de l'enfantement est ici comparé à la tristesse, et la délivrance à la joie, qui est ordinairement d'autant plus grande, que ce n'est pas une fille, mais un garçon qu'on a mis au monde. Il ajoute: «Et personne ne vous ravira votre joie», parce que Jésus est lui-même leur joie, et que, comme le dit l'Apôtre: «Jésus-Christ, ressuscité d'entre les morts, ne meurt plus, et la mort n'a plus d'empire sur lui» (Rm 6,9). - S. Chrys. Par la comparaison qui précède, il veut aussi exprimer, d'une manière figurée, qu'il s'est délivré des étreintes de la mort, et qu'il a lui-même régénéré le nouvel homme. Et il ne dit pas qu'il n'aura point de tribulation, mais qu'il ne s'en souviendra point, tant sera grande la joie qui lui succédera: et il en sera de même pour les saints. Il ne dit pas non plus: Parce qu'un enfant, mais: «Parce qu'un homme est venu au monde», annonçant ainsi, en termes couverts, sa résurrection. - S. Aug. Mais je crois qu'il est mieux d'entendre de la vision et de la joie des cieux, ces paroles: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus»; et alors, ce peu de temps, c'est toute la durée du siècle présent. C'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute: «Parce que je vais à mon Père», paroles qui se rapportent à la première proposition: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus»; et non à la seconde: «Encore un peu de temps, et vous me verrez», car c'est en allant à son Père qu'il est devenu invisible pour eux. Il leur dit donc, à ceux qui le voyaient corporellement: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus», parce qu'il devait aller à son Père, et qu'ils ne devaient plus le voir désormais dans cette nature mortelle, qu'ils voyaient de leurs yeux, lorsqu'il leur tenait ce langage. Ce qu'il ajoute: «Et encore un peu de temps, et vous me verrez», est une promesse qui s'adresse à toute l'Eglise. Ce peu de temps nous paraît bien long, parce qu'il dure encore; mais lorsqu'il sera écoulé, nous comprendrons alors combien courte a été sa durée.

Alcuin. Cette femme, c'est la sainte Eglise qui est féconde en bonnes oeuvres, et qui engendre à Dieu des enfants spirituels. Cette femme, tant que dure pour elle le travail de l'enfantement (c'est-à-dire, tant qu'elle s'applique à faire des progrès dans la vertu, tant qu'elle est exposée aux tentations et aux épreuves), a de la tristesse, parce que l'heure de la souffrance est venue pour elle; car il n'est personne qui ait de la haine pour sa propre chair (Ep 5,30). - S. Aug. Et cependant jusque dans l'enfantement de cette joie, notre tristesse elle-même n'est pas sans quelque joie, car, comme le dit l'Apôtre: «Nous nous réjouissons en espérance» (Rm 12,12), parce qu'en effet, la femme à laquelle Jésus-Christ nous compare, se réjouit beaucoup plus de l'enfant qu'elle doit mettre au monde, qu'elle n'est triste des douleurs actuelles qu'elle ressent. - Alcuin. Mais lorsqu'elle a mis au monde son enfant (c'est-à-dire, lorsque ayant triomphé de toutes ses épreuves, elle arrive à recueillir les palmes de la victoire), elle ne se souvient plus des douleurs qui ont précédé, tant est grande la joie de la récompense qui lui est donnée; en effet de même qu'une femme se réjouit d'avoir mis un homme au monde, ainsi l'Eglise est remplie d'une juste allégresse, en voyant le peuple des fidèles qu'elle a enfanté à la vie éternelle. - Bède. Il ne doit point nous paraître étrange d'entendre parler de la naissance de celui qui sort de cette vie, car de même qu'on dit de celui qui sort du sein de sa mère pour voir cette lumière sensible, qu'il naît à la vie; ainsi on peut dire de celui qui, délivré des liens de la chair, est élevé jusqu'à la contemplation de la lumière éternelle, qu'il naît à une nouvelle vie, et c'est pour cela que les fêtes des saints sont appelées les anniversaires, non de leur mort, mais de leur naissance.

Alcuin. Notre-Seigneur dit à ses Apôtres: «Je vous verrai de nouveau», c'est-à-dire, je vous prendrai avec moi, ou bien: «Je vous verrai de nouveau», c'est-à-dire, j'apparaîtrai de nouveau à vos regards, «et votre coeur se réjouira». - S. Aug. (Traité 1) L'Eglise enfante maintenant par ses désirs le fruit de tous ses travaux, elle l'enfantera alors par la contemplation, elle enfantera par conséquent un enfant mâle, parce que tous les devoirs de la vie active se rapportent à ce fruit de la contemplation; le seul fruit vraiment libre est celui qu'on recherche pour soi, et qui ne se rapporte pas à un autre, la vie active lui est subordonnée, car toutes les bonnes oeuvres se rapportent à lui, c'est la fin qui nous suffit; ce fruit sera donc éternel, car la seule fin qui puisse nous suffire est celle qui n'a pas de fin. C'est de cette fin qui doit combler tous nos désirs que le Sauveur nous dit à juste titre: «Et personne ne vous ravira votre joie».


vv. 23-28

13623 Jn 16,23-28

S. Chrys. (hom. 79 sur S. Jean). Notre-Seigneur montre de nouveau à ses disciples qu'il leur est avantageux qu'il s'en aille, en leur disant: «Et en ce jour-là, vous ne m'interrogerez plus sur rien». - S. Aug. (Traité 101 sur S. Jean). Le mot rogare ne signifie pas seulement demander, mais aussi interroger, et le verbe qui se trouve dans l'Évangile grec, dont le nôtre est une traduction, peut signifier également l'un et l'autre. - S. Chrys. Il leur dit donc: «En ce jour-là (c'est-à-dire, lorsque je serai ressuscité), vous ne m'interrogerez plus», c'est-à-dire, vous ne direz pas: Montrez-nous votre Père, et où allez-vous? car l'Esprit saint vous l'apprendra. Ou bien encore, vous ne me demanderez rien, c'est-à-dire, vous n'aurez pas besoin de médiateur pour obtenir l'effet de vos prières, mon nom seul suffira, et en l'invoquant, vous recevrez tout ce que vous demanderez: «En vérité, en vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera». Il fait voir ainsi la puissance de son nom, puisque sans le voir, sans le prier, il suffira de prononcer ce nom pour qu'il opère des merveilles auprès de son Père. Ne vous regardez donc point comme abandonnés, parce que je ne serai plus avec vous; mon nom seul vous inspirera une plus grande confiance: «Jusqu'à présent, vous n'avez rien demandé en mon nom, demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit pleine». - Théophyl. Votre joie sera entière et parfaite, lorsque vos voeux seront pleinement satisfaits.

S. Chrys. Comme ses paroles étaient encore couvertes d'un certain voile pour ses disciples, il ajoute: «Je vous ai dit ces choses en paraboles, vient l'heure où je ne vous parlerai plus en paraboles», c'est-à-dire, il viendra un temps (c'est le temps de sa résurrection), où vous comprendrez parfaitement ce que je vous dirai, et où je vous parlerai ouvertement de mon Père; et, en effet, pendant quarante jours, il s'entretint avec tous ses disciples réunis du royaume de Dieu. Maintenant, leur dit-il, vous êtes remplis de crainte, et ne prêtez point d'attention à ce que je vous dis, mais lorsque vous me verrez ressuscité, vous pourrez apprendre toutes choses sans qu'il y ait pour vous d'obscurité.

Théophyl. Il leur donne encore un nouveau motif de confiance, c'est qu'ils recevront dans leurs tentations le secours d'en haut: «En ce jour-là, vous demanderez en mon nom», c'est-à-dire, je vous déclare que mon Père vous aime à ce point, que vous n'aurez plus besoin de mon intervention: «Et je ne vous dis point que je prierai mon Père pour vous», etc. Mais ce ne doit pas être pour eux une raison de s'éloigner du Sauveur, comme s'ils n'en avaient plus besoin, et c'est pour cela qu'il ajoute: «Parce que vous m'avez aimé», c'est-à-dire, mon Père vous aime, parce que vous m'avez aimé, si donc vous veniez à vous détacher de mon amour, vous perdriez immédiatement l'amour de mon Père.

S. Aug. (Traité 102 sur S. Jean). Mais notre amour pour le Fils de Dieu est-il le motif de l'amour de son Père pour nous? N'est-ce point, au contraire, son amour pour nous qui est la cause de notre amour? C'est ce que nous dit l'évangéliste saint Jean, dans une de ses Epîtres: «Aimons Dieu, parce qu'il nous a aimés le premier» (1Jn 4). Le Père nous aime donc, parce que nous aimons le Fils, en vertu du pouvoir que le Père et le Fils nous ont donné de les aimer. Dieu aime en nous son oeuvre, mais Dieu n'aurait pas fait en nous ce qui est digne de son amour, si avant de le faire il ne nous avait aimés le premier. - S. Hil. (de la Trin., 6) La foi parfaite que nous avons en Jésus-Christ, Fils de Dieu, n'a plus besoin d'intercession auprès de Dieu, car elle croit qu'il est sorti de Dieu et qu'elle l'aime, et elle mérite ainsi d'être écoutée et d'être aimée par elle-même, parce qu'elle professe hautement la naissance divine du Fils et son incarnation: «Et parce que vous avez cru que je suis sorti de Dieu». C'est, en effet, à sa naissance divine et à son avènement en ce monde, que le Sauveur fait allusion dans ces paroles: «Je suis sorti de mon Père, et je suis venu en ce monde»; la première de ces deux choses s'est accomplie dans sa nature divine, la seconde dans son incarnation; car ces deux expressions: «Venir de son Père, et sortir de son Père», n'ont plus la même signification; autre chose, en effet, est pour le Fils de sortir du Père par une naissance qui lui donne toute la substance divine; autre chose est d'être venu du Père en ce monde pour y consommer les mystères de notre saint. Mais comme sortir de Dieu n'est autre chose que d'avoir par naissance la nature divine, celui qui a le privilège de cette naissance ne peut être que Dieu.

S. Chrys. Comme la promesse de la résurrection du Sauveur était un véritable adoucissement à leurs peines, aussi bien que de lui entendre dire qu'il sortait de Dieu et qu'il retournait à Dieu, il les entretient continuellement dans cette pensée: «Je quitte de nouveau le monde et je vais à mon Père». Il leur donnait ainsi la certitude d'un côté qu'ils avaient en lui une foi droite et pure, et de l'autre qu'ils seraient désormais sous sa protection. - S. Aug. Il est sorti du Père, parce qu'il vient du Père, et il est venu dans le monde, parce qu'il est apparu au monde dans le corps qu'il avait pris dans le sein de la vierge Marie. Il a quitté le monde corporellement, et il est retourne vers son Père, en conduisant son humanité dans les cieux; mais il n'a point cessé de gouverner le monde par sa présence, parce qu'il est sorti de son Père pour venir dans le monde sans quitter le sein de son Père. Or, nous voyons que les Apôtres et les disciples de Jésus-Christ lui ont adressé, après sa résurrection, et des questions et des prières; des questions, lorsqu'ils lui demandèrent avant son ascension, en quel temps il rétablirait le royaume d'Israël (Ac 1), des prières lorsque Etienne le vit dans les cieux à la droite du Père, et le pria de recevoir son esprit. (Ac 6) Et qui oserait dire que nous ne devions plus le prier depuis qu'il est immortel, tandis qu'on devait le prier pendant sa vie mortelle? Je pense donc que ses paroles: «En ce jour-là vous ne me demanderez plus rien» (Jn 16,23, ne doivent pas être rapportées au temps qui suivit sa résurrection, mais à celui où nous le verrons tel qu'il est (1Jn 3), vision qui n'est pas de cette vie que le temps mesure, mais qui est le privilège de cette vie éternelle, dans laquelle nous n'aurons plus aucune prière, aucune question à faire, parce qu'il ne nous restera plus rien à désirer, rien à connaître.

Alcuin. Voici donc le sens des paroles du Sauveur: Dans la vie future, vous ne me demanderez plus rien, mais durant le pèlerinage de cette vie de misères et d'épreuves, si vous demandez quelque chose à mon Père, il vous l'accordera. Comme il le déclare expressément: «En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous l'accordera». - S. Aug. Il ne veut point dire toutes sortes de choses indifféremment, mais quelque chose, qui ne soit pas comme un rien en comparaison de la vie éternelle. Or, toute prière dont l'objet est contraire aux intérêts de notre salut, n'est pas faite au nom du Sauveur, car par ces paroles: «En mon nom», il faut entendre, non pas le son extérieur des lettres et des syllabes dont ce nom est composé, mais la signification véritable de ce nom. Donc celui qui a de Jésus-Christ des idées autres que celles qu'il faut avoir du Fils unique de Dieu, ne demande point en son nom, bien que ses lèvres prononcent le nom de Jésus-Christ, parce qu'il demande au nom de celui qui est présent à sa pensée, au moment de sa prière. Celui, au contraire, qui a de Jésus-Christ des idées justes et droites, demande véritablement en son nom, et reçoit infailliblement l'objet de ses prières, s'il ne demande rien de contraire au salut éternel de son âme. Or, il reçoit dans le temps où Dieu juge devoir l'exaucer, car il est des choses que Dieu ne nous refuse pas, mais qu'il diffère de nous donner dans un temps plus favorable. Il fait encore entendre ces paroles: «Il vous donnera», des grâces exclusivement propres à ceux qui demandent; car tous les saints sont exaucés dans les prières qu'ils font pour eux-mêmes, mais non dans celles qu'ils adressent à Dieu pour tous les autres, parce qu'en effet, le Sauveur ne dit pas en général: Il donnera, mais: «Il vous donnera». Quant aux paroles qui suivent: «Jusqu'à présent, vous n'avez rien demandé en mon nom», on peut les entendre de deux manières: Ou bien, vous n'avez rien demandé en mon nom, parce que vous n'aviez pas de ce nom la connaissance que vous deviez en avoir, ou bien vous n'avez rien demandé, parce que ce qui a fait l'objet de vos prières doit être considéré comme rien, en comparaison de ce que vous auriez dû demander. C'est donc pour les engager à ne plus demander des choses de rien, mais une joie pleine et entière, qu'il ajoute: «Demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit pleine». Cette joie pleine n'est point une joie sensible, mais une joie toute spirituelle, et elle sera pleine, lorsqu'elle sera si grande, qu'on ne pourra plus y rien ajouter.

S. Aug. (de la Trin., 1, 2). Cette joie pleine, au-dessus de laquelle il n'y a plus rien, sera de jouir de la présence de Dieu dans la Trinité, à l'image de laquelle nous avons été créés. - S. Aug. (Traité 102 sur S. Jean). C'est donc au nom de Jésus-Christ qu'il nous faut demander tout ce qui tend à nous faire obtenir cette joie éternelle, et jamais la miséricorde divine ne trompera la confiance de ses saints qui persévèrent dans la demande d'un si grand bien. Tout ce qu'on demande en dehors de ce bien, n'est rien, non pas que l'objet de nos prières soit nul absolument, mais parce qu'en comparaison d'un si grand bien, tout ce que l'on peut désirer n'est rien.

«Je vous ai dit ces choses en paraboles, mais vient l'heure où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement de mon Père». Je dirais volontiers que cette heure dont il parle est la vie future où nous le verrons à découvert, comme le dit l'Apôtre: «Nous le verrons face à face» (1Co 13,12). Et alors ces paroles du Sauveur: «Je vous ai dit ces choses en paraboles», se rapporteraient à ce que dit saint Paul: «Nous ne voyons maintenant que comme dans un miroir et sous des images obscures», je vous parlerai ouvertement de mon Père, parce que c'est par le Fils qu'on peut voir le Père, I«car personne ne connaît le Père, si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils a voulu le révéler» (Mt 11). - S. Grég. (Moral., 20, 5, ou dans les anc. éd., 8). Il leur annonce qu'il leur parlera ouvertement de son Père, parce qu'en leur découvrant l'éclat de sa majesté, il leur fera voir comment il est égal dans sa naissance à celui qui l'a engendré, et comment l'Esprit saint est coéternel au Père et au Fils dont il procède. - S. Aug. Mais les paroles qui suivent semblent s'opposer à l'explication que nous venons de donner: «En ce jour, dit le Sauveur, vous demanderez en mon nom», car que pourrons-nous demander dans le siècle futur, quand nos désirs seront rassasiés de l'abondance de tous les biens? car la demande suppose toujours une indigence quelconque. Il est donc mieux d'entendre ces paroles dans ce sens, que Jésus rendra ses disciples spirituels de charnels, et d'esclaves de leurs sens qu'ils étaient. En effet l'homme animal ne se représente que sous des images matérielles et sensibles tout ce qu'il entend dire de la nature de Dieu. Tous les enseignements de la sagesse sur la nature incorporelle et immuable de Dieu sont pour lui autant de paraboles, non qu'il les prenne positivement pour des paraboles, mais parce qu'il n'a d'autres pensées que ceux qui entendent des paraboles sans les comprendre. Mais lorsque l'homme devenu spirituel commence à juger tout avec discernement, bien que dans cette vie il ne puisse voir que comme dans un miroir et en partie, il comprend que Dieu n'est pas un corps, mais un esprit, et cela sans l'aide d'aucun sens, d'aucune image sensible, mais par une perception claire et distincte de son intelligence. Lorsque le Fils nous parle ainsi à découvert de son Père, et nous fait voir en même temps qu'il a une même nature avec, lui, alors nous demandons véritablement en son nom, parce que ce nom représente alors à notre esprit la vérité même qu'il exprime. Nous pouvons comprendre alors que Notre-Seigneur Jésus-Christ, en tant qu'homme, prie pour nous son Père, et que, comme Dieu, il nous exauce conjointement avec son Père, ce qu'il paraît indiquer dans les paroles suivantes: «Et je ne vous dis pas que je prierai mon Père pour vous». Il n'y a, en effet, que l'oeil spirituel de l'âme qui puisse s'élever jusqu'à cette vérité que le Fils ne prie pas le Père, mais que le Père et le Fils exaucent ensemble les prières qui leur sont adressées.



Catena Aurea 13612