Catena Aurea 13714

vv. 14-19

13714 Jn 17,14-19

S. Chrys. (hom. 82 sur S. Jean). Notre-Seigneur donne une seconde raison qui rend ses disciples dignes de la protection toute spéciale de son Père: «Je leur ai donné votre parole, et le monde les a eus en haine», etc., c'est-à-dire, ils ont été un objet de haine à cause de vous et à cause de votre parole. - S. Aug. Ils n'avaient pas encore éprouvé cette haine par les persécutions auxquelles ils furent en butte dans la suite, mais le Sauveur, suivant sa coutume, annonce les événements qui doivent avoir lieu, en termes qui semblent signifier qu'ils sont déjà arrivés. Il fait connaître ensuite la cause de la haine du monde contre eux: «Parce qu'ils ne sont pas du monde». C'est par la régénération que cette grâce de séparation leur a été donnée; car par leur naissance naturelle, ils étaient du monde. Dieu leur a donné de n'être plus du monde, comme lui-même n'est plus du monde: «Comme moi-même, ajoute-t-il, je ne suis point du monde». Le Sauveur n'a jamais été du monde, car même dans sa nature de serviteur, il est né de l'Esprit saint, qui a été le principe de la régénération des autres. Cependant bien qu'ils ne fussent plus du monde, il était nécessaire qu'ils restassent encore dans le monde; aussi Notre-Seigneur ajoute: «Je ne demande pas que vous les ôtiez du monde». - Bède. C'est-à-dire, le temps approche où je disparaîtrai du monde, il est donc nécessaire qu'ils n'en soient pas enlevés eux-mêmes: «Mais je vous prie de les sauver du mal». Quoiqu'on puisse l'entendre de toute sorte de mal, Notre-Seigneur a surtout en vue le mal qui doit résulter de son éloignement. - S. Aug. Il répète la même pensée qu'il vient d'exprimer: «Ils ne sont pas du monde, comme moi-même je ne suis pas du monde. - S. Chrys. (hom. 83 sur S. Jean). Pourquoi donc a-t-il dit précédemment: «Que vous m'avez donnés du monde ?» Il parlait alors de la nature, et sous ce rapport ils étaient du monde, tandis qu'ici il veut parler des actions mauvaises. Sous ce rapport, ils ne sont point du monde, parce qu'ils n'ont rien de commun avec la terre, et qu'ils sont par avance citoyens des cieux; il leur montre ainsi son amour pour eux en faisant leur éloge à son Père. Lorsqu'on parlant de son Père et de lui, il emploie la particule comme, il veut exprimer l'égalité absolue qui résulte de l'unité de nature, mais lorsqu'il emploie ce même mot on parlant de nous et de lui, il laisse une grande distance entre les deux termes de comparaison. La prière qu'il adresse précédemment à son Père: «Sauvez-les du mal», a pour objet de leur obtenir, non seulement d'être délivrés de tous les dangers, mais aussi la persévérance dans la foi; c'est pour cela qu'il ajoute: «Sanctifiez-les dans la vérité». - S. Aug. Car c'est ainsi qu'ils sont sauvés de tout mal, ce qui vient de faire l'objet de sa prière. On peut demander comment ils n'étaient plus du monde, s'ils n'étaient pas encore sanctifiés dans la vérité; est-ce parce que tout sanctifiés qu'ils sont, ils font des progrès dans cette même sainteté avec le secours de la grâce de Dieu? Ces héritiers du Nouveau Testament sont sanctifiés dans la vérité, vérité dont les sanctifications légales de l'Ancien Testament n'étaient que l'ombre, et lorsqu'ils sont sanctifiés dans la vérité, ils sont sanctifiés en Jésus-Christ, qui a dit: «Je suis la voie, la vérité et la vie» (Jn 14,6). Aussi le Sauveur ajoute: «Votre parole est vérité, le texte de l'Évangile grec porte üãïò, c'est-à-dire, le Verbe. Le Père a donc sanctifié dans la vérité (c'est-à-dire, dans son Verbe unique), ses héritiers et ses cohéritiers.

S. Chrys. Ou bien encore: «Sanctifiez-les dans la vérité», c'est-à-dire, sanctifiez-les en leur donnant l'Esprit saint, et la saine doctrine, car la saine doctrine sur Dieu contribue à la sanctification de l'âme, et comme preuve qu'il est ici question de doctrine, il ajoute: «Votre parole est vérité, c'est-à-dire, elle ne renferme point de mensonge, il n'y a rien en elle de simplement figuratif ou de corporel. Cette prière: «Sanctifiez-les dans la vérité», a encore, ce me semble, une autre signification, c'est-à-dire, séparez-les pour le ministère de la parole et de la prédication. Aussi ajoute-t-il: «Comme vous m'avez envoyé dans le monde, je les ai envoyés moi-même». - La Glose. Les Apôtres ont été envoyés pour remplir la même mission que Jésus-Christ, voilà pourquoi saint Paul dit: «Dieu était dans le Christ, se réconciliant le monde, et il a placé en nous la parole de réconciliation» (2Co 5,19). L'expression comme n'a pas la même signification pour lui et pour les Apôtres, elle n'établit la parité qu'autant qu'elle est possible en parlant du Fils de Dieu et des hommes. Notre-Seigneur dit qu'il les a envoyés dans le monde, en employant, selon sa coutume, le passé pour le futur.

S. Aug. Nous avons ici eu une preuve évidente que le Sauveur veut parler des apôtres; car le nom d'apôtres, qui vient du grec, veut dire en latin, envoyés. Or, comme ils sont les membres du corps de l'Eglise, dont Jésus-Christ est le chef, il continue ainsi sa prière: «Et je me sanctifie moi-même pour eux», c'est-à-dire je les sanctifie en moi-même, puisqu'ils font partie du corps dont je suis le chef. Et pour nous faire mieux comprendre que ces paroles: «Je me sanctifie moi-même pour eux», veulent dire qu'il les sanctifie en lui-même, il ajoute: «Afin qu'ils soient eux-mêmes sanctifiés en vérité», c'est-à-dire en moi, puisque le Verbe est la vérité; c'est dans ce Verbe que le Fils de l'homme a été sanctifié dès le commencement de son existence, lorsque le Verbe s'est fait chair (Jn 1,14). Il s'est alors sanctifié lui-même en lui-même, c'est-à-dire qu'il s'est sanctifié comme homme en lui-même, comme Verbe, parce que le Verbe et l'homme ne font qu'un seul Christ. Et c'est à cause de ses membres qu'il ajoute: «Et je me sanctifie moi-même pour eux», (c'est-à-dire je les sanctifie eux-mêmes en moi, parce qu'ils ne font qu'un avec moi), afin qu'ils soient eux-mêmes sanctifiés en vérité. Que signifie cette expression: «Eux-mêmes ?» c'est-à-dire comme moi, et dans la vérité, qui n'est autre que moi-même. - S. Chrys. Ou bien encore: «Je me sanctifie moi-même pour eux»; c'est-à-dire, je m'offre à vous comme victime; car toutes les victimes sont saintes, aussi bien que tout ce qui est consacré à Dieu. Sous l'ancienne loi, cette sanctification n'existait qu'en figure (comme par exemple dans les brebis qu'on immolait), mais maintenant elle existe dans la vérité, c'est pour cela qu'il ajoute: «Afin qu'ils soient sanctifiés en vérité»; car je veux aussi vous les offrir en sacrifice. Il s'exprime de la sorte, ou parce que lui, qui s'offre, est notre chef, ou parce qu'ils sont eux-mêmes appelés à s'immoler comme victimes: «Offrez vos corps, dit l'Apôtre, comme une hostie vivante, sainte, et agréable à ses yeux», etc. (Rm 13,1)


vv. 20-23

13720 Jn 17,20-23

S. Aug. ( Traité 109 sur S. Jean). Après avoir prié pour ses disciples, auxquels il avait donné le nom d'apôtres, il comprend aussi dans sa prière tous les autres qui devaient croire en lui: «Je ne prie pas pour eux seulement, mais encore pour ceux qui, par leur parole, doivent croire en moi». - S. Chrys. ( hom. 82 sur S. Jean). Il donne en même temps un nouveau motif de consolation, en leur apprenant qu'ils seront eux-mêmes la cause du salut d'un grand nombre d'autres: «Mais encore pour ceux qui, par leur parole, doivent croire en mon nom». - S. Aug. Le Sauveur comprend ici tous ses élus, ceux qui vivaient alors, et aussi ceux qui devaient exister dans la suite, et non seulement qui ont entendu les prédications des apôtres lorsqu'ils étaient encore sur la terre, mais encore tous ceux qui ne sont venus qu'après leur mort, et nous-mêmes, qui sommes nés si longtemps après, mais qui avons été amenés à la foi en Jésus-Christ par la parole des Apôtres; en effet, les apôtres, qui vivaient avec Jésus-Christ, ont annoncé aux autres ce qu'ils avaient appris de lui, et c'est ainsi que leur parole est parvenue jusqu'à nous, et qu'elle parviendra à tous ceux qui, dans la suite, doivent croire en lui. Il peut sembler, au premier abord, qu'il n'a point compris dans sa prière quelques-uns des siens, ceux par exemple qui n'étaient pas alors avec lui, qui n'ont pas cru par la parole des apôtres, mais qui avaient cru en Jésus-Christ bien auparavant. En effet, Nathanaël, Joseph d'Arimathie, et un grand nombre d'autres, dont saint Jean dit qu'ils crurent en Jésus-Christ, n'étaient pas alors avec lui. Je ne parle pas du vieillard Siméon, de la prophétesse Anne, de Zacharie, d'Elisabeth, du saint Précurseur, parce qu'on pourrait me répondre qu'il n'était pas besoin de prier pour ces saints personnages, qui étaient sortis de cette vie avec de grands mérites, ce que l'on peut dire également de tous les anciens justes. Quant aux premiers, il faut admettre que leur foi en Jésus-Christ n'était pas encore aussi parfaite qu'il la voulait. Ce ne fut qu'après sa résurrection, lorsque l'Esprit saint eut éclairé l'ignorance et fortifié la faiblesse des apôtres, que la foi des autres atteignit toute sa perfection. Mais la difficulté existe encore pour l'apôtre saint Paul, qui déclare qu'il a été fait apôtre non de la part des hommes, ni par un homme (Ga 1,1), et le bon larron, qui crut en Jésus-Christ, alors qu'on vit défaillir, dans les docteurs, leur foi encore si imparfaite. La seule solution que nous puissions donner, c'est de dire que la parole des apôtres c'est la parole de foi qu'ils ont prêchée dans le monde. Notre-Seigneur l'appelle leur parole, parce qu'ils en ont été les premiers et les principaux organes, car depuis longtemps ils l'annonçaient par toute la terre, quand Paul la reçut lui-même par une révélation particulière de Jésus-Christ, et c'est encore cette même parole qui était le fondement de la foi du bon larron. Notre divin Rédempteur a donc compris dans sa prière tous ceux qu'il a rachetés, ceux qui vivaient alors comme ceux qui ne devaient exister que dans la suite. - (Traité 112) Quel était l'objet ou le motif de cette prière? Le voici: «Afin que tous ils soient un». Il demande ici pour tous ce qu'il a demandé précédemment pour ses apôtres, afin que nous tous, c'est-à-dire eux et nous, nous soyons un. - S. Chrys. Notre-Seigneur termine son discours par des voeux d'unité, c'est-à-dire comme il l'avait commencé lorsqu'il disait: «Je vous donne un commandement nouveau, c'est de vous aimer les uns les autres» (Jn 13,34).

S. Hil. (de la Trin., 8) Il explique plus distinctement ce qu'il a dit de cette unité, en lui donnant pour exemple, le plus sublime modèle d'unité: «Comme vous, mon Père, êtes un en moi, et moi en vous, qu'eux aussi soient un en nous»; c'est-à-dire que de même que le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père, nous devons, à leur exemple, être un dans le Père et le Fils. - S. Chrys. Cette expression comme ne signifie pas ici une ressemblance exacte et parfaite elle doit être prise en tenant compte de la distance qui existe entre les hommes et Dieu, comme lorsque le Sauveur nous dit, dans un autre endroit: «Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux» (Lc 6,36).

S. Aug. Il est très-important de remarquer ici que Notre-Seigneur n'a pas dit: Afin que tous nous soyons un, mais: «Afin qu'ils soient un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi, et moi en vous». Sous-entendu: «Nous sommes un». Le Père est, en effet, dans le Fils, et le Fils dans le Père, de manière à ne faire qu'un, parce qu'ils n'ont qu'une seule et même nature. Quant à nous, nous pouvons bien être un en eux, mais nous ne pouvons pas être un avec eux, parce que nous n'avons pas avec eux une même nature. Ils sont donc en nous, et nous en eux, de manière à ne faire qu'un dans leur nature, comme nous ne faisons qu'un dans la nôtre; car le Père et le Fils sont en nous comme Dieu est dans son temple, et nous sommes en eux comme la créature est dans le Créateur. Il ajoute: «En nous», pour nous faire bien comprendre que cette unité, que produit la charité parfaite, doit être attribuée à la grâce de Dieu comme à son principe. - S. Aug. (de la Trin., 4, 9) Ou bien il parle ainsi, parce que les hommes ne peuvent être un en eux-mêmes, séparés qu'ils sont par diverses passions, par la cupidité, par les souillures qui, dans leurs péchés, couvrent leur âme. Il demande donc qu'ils soient purifiés par le Médiateur, afin qu'ils puissent être un en lui. - S. Hil. (de la Trin., 8) Les hérétiques font tous leurs efforts pour nous induire en erreur, en nous persuadant que ces paroles: «Mon Père et moi, ne sommes qu'un» (Jn 10,30) ne signifient pas l'unité parfaite de nature, et l'identité de substance divine dans le Père et le Fils, mais une simple union, qui résulte de leur amour mutuel et du parfait accord de leurs volontés; et ils appuient leur opinion sur ce terme de comparaison pris par Notre-Seigneur lui-même: «Afin qu'ils soient tous un, comme nous sommes un nous-mêmes». Mais malgré les efforts de l'impiété pour détourner le sens véritable de ces paroles, ce sens n'en reste pas moins le seul qu'on puisse admettre. - Si, en effet, les hommes, par la grâce de la régénération prennent comme une nouvelle nature, qui leur communique une même vie, une même éternité, on ne peut plus dire qu'ils ne sont un que par la communauté des mêmes sentiments, puisqu'ils le sont par la communauté de la même nature régénérée. - Mais au Père et au Fils seuls il appartient d'être un, en vertu de leur nature; parce qu'un Dieu qui naît d'un Dieu comme son Fils unique, ne peut exister qu'en recevant une seule et même nature de celui qui l'a engendré.

S. Aug. (Traité 110 sur S. Jean). Mais que signifient ces paroles qu'il ajoute: «Afin que le monde croie que vous m'avez envoyé ?» Est-ce que le monde embrassera la foi, lorsque tous nous ne ferons plus qu'un avec le Père et le Fils? Est-ce que cette union parfaite n'est pas cette paix perpétuelle, qui est plutôt la récompense de la foi que la foi elle-même? Dans cette vie, bien que tous nous soyons un, par les liens d'une même foi, cependant cette unité est bien plutôt l'effet que la cause de notre foi. Que veut-il donc dire par ces paroles: «Qu'ils soient tous un, afin que le monde croie ?» Car ils forment eux-mêmes le monde qui doit croire, et c'est d'eux qu'il a dit: «Je ne prie pas pour eux seulement, mais pour ceux qui, par leur parole, doivent croire en moi». Comment donc devons-nous entendre ces paroles: «Qu'ils soient un en nous, afin que le monde croie que vous m'avezenvoyé ?» Le Sauveur ne veut pas dire que leur parfaite unité sera la cause pour laquelle le monde embrassera la foi; mais c'est une prière qu'il fait à Dieu: «Que le monde croie», comme lorsqu'il dit: «Qu'ils soient un». Et si nous suppléons partout le mot: «Je demande», le sens de cette proposition sera des plus clairs: Je demande que tous ils ne soient qu'un: Je demande qu'ils soient tous un en nous: Je demande que le monde croie que vous m'avez envoyé. - S. Hil. (de la Trin., 4) Ou bien le monde doit croire que le Fils a été envoyé par le Père, parce que tous ceux qui doivent croire en lui seront un dans le Fils et dans le Père. - S. Chrys. Rien n'est plus scandaleux, en effet, que la division entre les chrétiens; tandis que l'union parfaite entre ceux qui ont une même foi, est un sujet d'édification, et un motif de foi pour ceux qui ne croient point. C'est ce que le Sauveur avait dit dès le commencement: «Tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de la charité les uns pour les autres» (Jn 13,35); si la division règne parmi eux, on ne les reconnaîtra plus pour les disciples d'un Maître pacifique; et si je ne suis point moi-même ami de la paix, ils ne reconnaîtront point que vous m'avez envoyé.

S. Aug. Notre-Seigneur qui, en priant son Père, venait de donner une preuve de son humanité, prouve maintenant qu'il est Dieu comme son Père, et qu'il peut accorder lui-même ce qu'il demande: «Et je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée», etc. Quelle est cette gloire? C'est l'immortalité, que la nature humaine devait recevoir dans la personne de Jésus-Christ; car en vertu des décrets immuables de la prédestination, il se sert du temps passé pour annoncer les événements futurs. Mais cette gloire de l'immortalité, qu'il déclare lui avoir été donnée par son Père, il faut entendre qu'il se l'est aussi donnée à lui-même; car toutes les fois que le Fils parle d'une oeuvre du Père sans s'y associer lui-même, il fait acte d'humilité; et lorsqu'en parlant de ses propres oeuvres il n'y comprend pas le Père, il veut établir l'égalité qui règne entre lui et son Père. D'après cette règle, il ne se met pas ici en dehors des oeuvres du Père, en disant: «La gloire que vous m'avez donnée», et ne présente pas non plus son Père comme étranger à son action, bien qu'il déclare que c'est lui-même qui donne cette gloire. Or, de même qu'en priant son Père pour tous les siens, son dessein a été que «tous fussent un»; ainsi, en disant: «Je leur ai donné la gloire que vous m'avez donnée», il a voulu que cette unité parfaite fût un effet de sa grâce, car il ajoute aussitôt: «Afin qu'ils soient un en nous, comme nous sommes un». - S. Chrys. Ou bien, par cette gloire, il entend la gloire qui vient des miracles et de la doctrine, et qui doit avoir pour fin la parfaite union entre eux: «Afin qu'ils soient un en nous, comme nous sommes un». Car cette gloire, d'être aussi parfaitement unis, est plus grande que la gloire qui vient des miracles. En effet, tous ceux qui ont cru par la prédication des apôtres sont un, et si la division a régné parmi quelques-uns d'entre eux, ils ne doivent l'imputer qu'à leur négligence, ce que Notre-Seigneur n'a pu ignorer.

S. Hil. (de la Trin., 8) Tous les fidèles sont donc un, par le moyen de cette gloire, tour à tour reçue et donnée; mais je ne comprends pas encore comment cette gloire a été la cause de cette unité parfaite entre tous les fidèles. Notre-Seigneur a voulu établir en quelque sorte les degrés et l'ordre par lesquels ou peut arriver à cette unité consommée, lorsqu'il dit: «Qu'ils soient un en nous», c'est-à-dire, que notre divin Médiateur nous enseigne l'unité parfaite, parce qu'il est en son Père par sa nature divine, ce que nous sommes en lui par suite de son incarnation et de sa naissance corporelle, et qu'il est encore en nous par le mystère de son sacrement. - S. Chrys. Dans un autre endroit, il dit de lui et de son Père: «Nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure» (Jn 14,23), et il ferme ainsi la bouche aux Sabelliens, par la distinction qu'il fait des deux personnes; en même temps qu'il détruit l'erreur des Ariens, en affirmant que son Père ne vient point par lui dans ses disciples, mais qu'il vient lui-même en eux avec son Père.

S. Aug. Cependant il ne veut pas dire que le Père n'est pas en nous, ou que nous ne sommes pas dans le Père; le Sauveur a voulu simplement marquer en peu de mots l'office de médiateur qu'il remplit entre Dieu et les hommes. Il ajoute: «Afin qu'ils soient consommés dans l'unité»; et il nous montre ainsi que la réconciliation qui a lieu par ce divin Médiateur, nous conduit à la jouissance de la félicité parfaite. Aussi, je ne crois pas qu'on doive entendre les paroles qui suivent: «Afin que le monde connaisse que vous m'avez envoyé», dans le même sens que s'il disait, comme précédemment: «Afin que le monde croie»; car, tant que nous croyons ce que nous ne voyons pas, nous ne sommes pas encore consommés dans l'unité comme nous le serons lorsque nous mériterons de voir ce qui fait ici-bas l'objet de notre foi. La connaissance qui sera le fruit de cette consommation n'est donc plus celle que donne la foi, mais celle que produira la claire vue, et les croyants dont parle ici le Sauveur, c'est le monde lui-même, qui d'ennemi qu'il était est devenu l'ami de Dieu. C'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute: «Et que vous les avez aimés comme vous m'avez aimé». En effet, c'est dans son Fils que le Père nous aime, parce que c'est en lui qu'il nous a choisis. Mais nous ne sommes pas pour cela les égaux du Fils unique; car cette locution: De même que, ainsi, n'expriment pas toujours l'égalité, mais simplement: Telle chose est, parce que telle autre chose est également. Ces paroles: «Vous les avez aimés comme je vous ai aimé», signifient donc: Vous les avez aimés parce que vous m'avez aimé; car, la seule raison pour laquelle le Père aime les membres de son Fils, c'est l'amour qu'il a pour son Fils lui-même. Or, qui pourrait dire combien ce Dieu, qui ne peut rien haïr de ce qu'il a fait, aime les membres de son Fils unique, et combien plus encore il aime le Fils unique lui-même ?


vv. 24-26

13724 Jn 17,24-26

S. Chrys. (hom. 82 sur S. Jean). Après avoir prédit qu'un grand nombre croiraient par le ministère, des Apôtres, et qu'ils jouiraient d'une gloire extraordinaire, il les entretient de la couronne qui leur est réservée: «Mon Père, je veux que, là où je suis, ceux que vous m'avez donnés soient aussi avec moi». - S. Aug. (Traité 110 sur S. Jean). Il veut parler de ceux que son Père lui a donnés, de ceux qu'il a choisis du milieu du monde, car comme il le dit au commencement de sa prière: «Dieu lui a donné puissance sur toute chair, c'est-à-dire, sur tous les hommes, pour leur donner la vie éternelle, preuve évidente du pouvoir qu'il a reçu sur tout homme pour sauver ceux qu'il veut et laisser qui il veut dans la damnation éternelle. Telle est donc la récompense qu'il a promise à tous ses membres, c'est que là où il est, nous serons avec lui. Or, il est impossible que le Père tout-puissant n'accomplisse pas la volonté exprimée par son Fils tout-puissant (Traité 111); et notre piété doit croire sans difficulté ce que notre faiblesse ne nous permet pas de comprendre, que le Père et le Fils n'ont qu'une seule et même volonté. A ne voir en Jésus-Christ que la nature humaine, selon laquelle il est né de la race de David, il a pu dire: «Là où je suis», en se considérant comme étant déjà là où il devait bientôt aller. Il nous promet donc que nous serons un jour dans les cieux, car cette nature humaine qu'il a prise dans le sein d'une Vierge, il l'a élevée jusque dans les cieux et l'a placée à la droite de son Père. - S. Grég. (Moral., 27, 8). Mais alors que signifient ces paroles que la vérité nous dit dans un autre endroit: «Personne n'est monté au ciel que celui qui est descendu du ciel ?» (Jn 3,13) Nous répondons que la vérité n'est point en contradiction avec elle-même, car le Seigneur étant le chef de ses membres, il est seul avec nous après qu'il a rejeté loin de lui la multitude des réprouvés, et puisque nous ne faisons plus qu'un avec lui, on peut dire qu'il retourne seul en nous au ciel d'où il est descendu seul en lui-même.

S. Aug. (Traité 111 sur S. Jean). Si nous considérons au contraire la nature divine par laquelle il est égal à Dieu son Père, et que nous voulions comprendre à ce point de vue le sens de ces paroles: «Là où je suis, je veux qu'ils soient avec moi», il nous faut éloigner de notre esprit toute image des choses sensibles, et ne pas rechercher où est le Fils égal à son Père, parce qu'on ne peut trouver un lieu où il ne soit pas. Remarquons encore que Notre-Seigneur ne se contente pas de dire: «Je veux que là où je suis, ils y soient eux-mêmes»; mais il ajoute: «Avec moi». En effet, être avec lui, c'est le plus grand des biens, car si l'on peut être malheureux en étant là où il est, on est nécessairement heureux lorsqu'on est avec lui. Ainsi, pour prendre un exemple dans les choses sensibles, quoique d'un ordre bien différent, de même qu'un aveugle qui se trouve là où brille la lumière, n'est cependant pas avec la lumière, mais en est séparé même en présence de la lumière, ainsi, bien que non seulement l'infidèle, mais encore le fidèle ne puisse jamais être où n'est pas le Christ, il n'est cependant pas avec le Christ contemplé dans sa nature. Nul doute que le chrétien fidèle soit avec Jésus-Christ par la foi, mais le Sauveur voulait parler ici de la claire vue qui nous le fera voir tel qu'il est: c'est pour cela qu'il ajoute: «Afin qu'ils voient la gloire que vous m'avez donnée». Remarquez: «Afin qu'ils voient», et non: Afin qu'ils croient; c'est la récompense de la foi, et non la foi elle-même. - S. Chrys. Il ne dit pas non plus: Afin qu'ils entrent en participation de ma gloire, mais: «Afin qu'ils voient ma gloire», nous indiquant ainsi en termes couverts que le souverain repos consiste dans les cieux à voir le Fils de Dieu. Or, le Père a donné cette gloire à son Fils lorsqu'il l'a engendré.

S. Aug. Lors donc que nous verrons la gloire que le Père a donnée à son Fils, quand même nous entendrions ici, non pas la gloire que le Père donne à son Fils qui lui est égal, en l'engendrant, mais celle qu'il a donnée à son Fils fait homme après la mort de la croix; lorsque nous verrons cette gloire du Fils, c'est alors qu'aura lieu le jugement, et que l'impie disparaîtra pour ne pas être témoin de la gloire du Seigneur. Quelle est cette gloire? Celle qui lui est propre comme Dieu. En admettant donc que c'est comme Fils de Dieu et Dieu lui-même que le Sauveur dit: «Je veux que là où je suis ils y soient avec moi», nous serons alors dans le Père avec Jésus-Christ, qui après ces paroles: «Afin qu'ils voient la gloire que vous m'avez donnée», ajoute aussitôt: «Parce que vous m'avez aimé avant la création du monde». C'est en Jésus-Christ, en effet, qu'il nous a aimés avant la création du monde, et c'est alors qu'il a réglé dans sa prédestination ce qu'il devait accomplir à la fin du monde. - Bède. Il donne le nom de gloire à l'amour dont son Père l'a aimé avant la création du monde, et c'est dans cette gloire qu'il nous aime nous-mêmes avant l'établissement du monde.

Théophyl. Après avoir prié pour les fidèles et leur avoir fait de si magnifiques promesses, Notre-Seigneur place une considération pleine de piété et digne de la mansuétude dont il faisait profession: «Père juste, le monde ne vous a pas connu», c'est-à-dire, mon désir eût été de voir tous les hommes en possession des biens que j'ai demandés dans cette prière; mais ils ne vous ont point connu, et ne pourront obtenir ni la gloire, ni les couronnes que je leur ai promises. - S. Chrys. Le langage du Sauveur paraît ici empreint d'un profond sentiment de tristesse, de ce que les hommes n'ont point voulu connaître l'auteur de toute bonté et de toute justice. Les Juifs sont donc dans l'erreur quand ils prétendent vous connaître, et qu'ils me reprochent à moi de ne point vous connaître; c'est le contraire qui est vrai: Pour moi, je vous ai connu, et ceux-ci ont connu que vous m'avez envoyé, et je leur ai fait connaître votre nom et le leur ferai connaître, en leur donnant par l'Esprit saint une connaissance parfaite. Or, quand ils auront appris ce que vous êtes, ils sauront que je ne suis point séparé de vous, mais que vous m'avez aimé d'un amour extraordinaire, que je suis votre propre Fils, et que je vous suis uni par les liens les plus étroits. C'est ce que je leur ai enseigné, afin que je demeure en eux, et c'est ainsi qu'ils conserveront infailliblement la foi qu'ils ont en moi, et l'amour qui doit en être le fruit: «Afin que l'amour dont vous m'avez aimé soit en eux». Comme s'il disait: C'est l'amour qu'ils auront pour moi, qui leur méritera que je demeure en eux.

S. Aug. Ou bien encore: Qu'est-ce que la connaissance de Dieu, si ce n'est la vie éternelle, qu'il n'a point donnée au monde réprouvé, mais au monde réconcilié? Le monde ne vous a donc point connu, parce que vous êtes juste, et qu'il a mérité que vous lui refusiez la grâce de vous connaître; au contraire, le monde réconcilié vous a connu, parce que vous êtes miséricordieux, et que ce n'est point à ses mérites, mais à votre grâce qu'il doit de vous connaître. Il ajoute: «Pour moi je vous ai connu». En tant que Dieu, il est par nature la source de la grâce, et en tant qu'homme, né du Saint-Esprit et de la vierge Marie, il l'est devenu par une grâce ineffable. Enfin, comme la grâce de Dieu nous est donnée par Jésus-Christ, il termine en disant: «Et ceux-ci (c'est-à-dire, le monde réconcilié) ont connu, mais parce que vous m'avez envoyé; cette connaissance leur est donc venue par la grâce. Et je leur ai fait connaître votre nom (par la foi), et je le leur ferai connaître (par la claire vue), afin que l'amour dont vous m'avez aimé soit en eux». L'Apôtre s'est servi d'une locution semblable lorsqu'il a dit: «J'ai combattu un bon combat» (2Tm 4,7). Il ne dit pas: J'ai combattu d'un bon combat, ce qui serait plus conforme au langage ordinaire. Or, comment l'amour dont le Père a aimé le Fils est-il en nous, si ce n'est parce que nous sommes ses membres, et que Dieu nous aime dans son Fils, qu'il aime tout entier, c'est-à-dire, le chef et les membres? c'est pour cela que le Sauveur ajoute: «Et moi en eux». Il est, en effet, en nous comme dans son temple, et nous sommes en lui en tant qu'il est notre chef.



CHAPITRE XVIII



vv. 1-2

13801 Jn 18,1-2

S. Aug. (Traité 112 sur S. Jean). Le discours que Notre-Seigneur avait adressé à ses disciples après la cène étant terminé, ainsi que la prière qu'il avait faite à son Père, l'évangéliste saint Jean commence ainsi le récit de sa passion: «Après ce discours, Jésus s'en alla avec ses disciples au-delà du torrent de Cédron». Ce ne fut pas immédiatement après avoir achevé cette prière, mais après quelques autres faits intermédiaires que saint Jean passe sous silence, et qui sont rapportés par les autres évangélistes. - S. Aug. (De l'accord des Evang., 3, 3) Il s'éleva en effet parmi eux une contestation, lequel d'entre eux devait être estimé le plus grand, ainsi que le raconte saint Luc (Lc 22,24). Le Sauveur dit encore à Pierre, comme l'ajoute encore le même évangéliste: «Voilà que Satan vous a demandé pour vous cribler, comme le froment», et les paroles qui suivent (Lc 22,31-38). Et après avoir récité l'hymne de louange, suivant le récit de saint Matthieu (Mt 26,30) et de saint Marc (Mc 14,26), ils s'en allèrent à la montagne des Oliviers. La liaison du récit de saint Matthieu se trouve donc ainsi établie avec celui de saint Jean: «Alors Jésus vint avec eux à une maison de campagne, qui est appelée Gethsémani (Mt 26,36), c'est le lieu dont parle ici saint Jean, et où il y avait un jardin dans lequel il entra avec ses disciples.

S. Aug. Ces paroles: «Après qu'il eût dit ces choses», signifient donc simplement que le Sauveur n'est entré dans ce lieu qu'après avoir terminé son discours. - S. Chrys. (hom. 83 sur S. Jean). Mais pourquoi l'Évangéliste ne dit-il pas: Après avoir terminé sa prière, il se rendit dans ce lieu? Parce que cette prière était une instruction à l'adresse de ses disciples. C'est pendant la nuit qu'il sort, qu'il passe le torrent, et qu'il se hâte vers le lieu connu de son traître disciple; épargnant ainsi la fatigue à ses ennemis, et montrant à ses disciples que sa mort est pleinement volontaire. - Alcuin. L'Évangéliste dit: «Au-delà du torrent de Cédron», c'est-à-dire des cèdres, le mot Cédron étant comme le génitif grec du mot Ýäñùí. Il traverse le torrent, parce que dans le chemin (c'est-à-dire dans le passage de cette vie), il a bu de l'eau du torrent (de la passion). Il se rend dans un jardin, pour expier le péché qui avait été commis dans un jardin, car le paradis signifie jardin de délices.

S. Chrys. Ne croyez pas qu'en se rendant dans ce jardin, Jésus cherche à se dérober à ses ennemis, car, dit l'Évangéliste, «Judas qui le trahissait, connaissait aussi ce lieu, parce que Jésus y venait fréquemment avec ses disciples». - S. Aug. C'est dans ce lieu que le loup couvert de la peau de brebis, et supporté au milieu du troupeau par un conseil profond du père de famille, apprit à dresser ses embûches au pasteur, et à disperser pour un moment le troupeau. - S. Chrys. Jésus avait souvent réuni ses disciples à l'écart pour avoir avec eux des entretiens nécessaires et particuliers que d'autres ne devaient pas entendre, qui ne devaient pas être entendus des autres. Il se rend de préférence pour cela sur les montagnes et dans les jardins, parce qu'il cherche un endroit calme et tranquille pour que l'esprit de ses disciples ne soit troublé par aucun sujet de distraction. Judas de son côté vient dans ce jardin, parce que Jésus-Christ y passait très-souvent la nuit; il n'eût pas manqué d'aller chercher dans le Cénacle, s'il eût pensé que le Sauveur s'y livrait au sommeil. - Théophyl. Judas savait aussi qu'aux jours de fête, le Seigneur avait coutume d'adresser à ses disciples des instructions plus relevées, et qu'il choisissait un jardin pour ces entretiens mystérieux; et comme c'était la grande solennité des Juifs, Judas pensa que Jésus se trouvait dans ce lieu et qu'il y enseignait à ses disciples ce qui avait rapport à la célébration de la fête.



Catena Aurea 13714