Catherine, Lettres 9

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Lettre n. 369, A UNE DAME QU'ON NE NOMME PAS

CCCLXIX.- A UNE DAME QU'ON NE NOMME PAS.- Elle désire la voir éclairée de la lumière de la Foi, nécessaire pour connaître la vérité et pour acquérir la patience.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chère Soeur dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir éclairée par la vérité de Dieu: autrement vous ne pourrez participer à la vie de la grâce en ce monde, vous serez dans une affliction continuelle, et vous recevrez enfin l'éternelle damnation; car en étant privée de la lumière, vous vous scandaliserez sans cesse de la Providence, et ce qu'elle vous donne par amour, vous l'attribuerez à la haine; ce qui est la vie, vous le prendrez pour la mort. Et quelle est cette vérité que nous devons connaître, très chère Soeur? Nous devons voir que Dieu nous aime souverainement, et que, par amour, il a voulu nous créer à son image et ressemblance (Gn 1,26) [1735], pour nous faire jouir de son éternelle vision. Qu'est-ce qui nous manifeste cette vérité et cet amour? le sang de l'humble Agneau sans tache; lorsque nous étions privés par le péché d'Adam de la vision de Dieu et bannis de la vie éternelle. ce doux et tendre Verbe a été envoyé par son Père pour souffrir la mort, afin de nous donner la vie et de laver nos fautes avec son précieux sang; et lui, tout transporté d'amour il courut à la mort honteuse de la Croix pour accomplit les ordres de son Père et notre salut. Cette vérité ne nous est pas cachée; le Sang nous la manifeste. Si Dieu ne nous eût pas créés pour cette fin, s'il ne nous aimait pas d'un amour ineffable, il ne nous eût pas donné un tel Rédempteur. Aussitôt que l'âme est éclairée par cette vérité, l'oeil de son intelligence reçoit la lumière de la très sainte Foi. et elle crut fermement que tout ce que Dieu donne et permet pour sa créature, il le donne et le permet par amour et pour que cette vérité s'accomplisse en nous. Elle devient aussitôt patiente, et rien ne peut la troubler; elle se trouve heureuse de tout ce que permet la divine Bonté.

2. Elle supporte avec une vraie et sainte patience, la maladie, la perte des richesses, des honneurs, des parents, des amis, et non seulement elle supporte tout avec patience, mais elle le reçoit avec respect, comme une chose que lui envoie son doux Créateur par amour et pour sa sanctification. Quel est l'insensé qui pourrait se plaindre de son bien? Il n'y a que celui qui est privé de la lumière, parce qu'il ne connaît pas la vérité et ce qui lui est utile. Je veux donc, très chère Soeur, que vous ouvriez l'oeil de [1736] votre intelligence et que vous arrachiez avec soin toutes les racines d'amour-propre et de complaisance pour vous-même, afin que vous puissiez connaître cette vérité, et voir que Dieu est le médecin suprême qui sait, qui peut et qui veut nous donner ce qui nous est nécessaire, la médecine qui guérira notre maladie; et alors vous recevrez avec une douce, une sainte et vraie patience, la médecine qu'il vous donne à cause de l'amour particulier qu'il vous porte. Je vous y invite, très douce Soeur, afin que, par l'impatience, vous ne perdiez pas la récompense de vos peines; mais que vous jouissiez dans cette vie d'une paix, d'une tranquillité parfaites, étant toujours soumise à la douce volonté de Dieu, et ne vous troublant jamais de rien, si ce n'est des offenses contre Dieu et de la perte des Amas. En faisant ainsi, vous montrerez que vous êtes éclairée par la vérité, et vous recevrez à la fin de votre vie la récompense infinie de vos peines. J'ai bien pris part au malheur qui vous est arrivé; mais si je vois que vous êtes docile a la volonté de Dieu, et que vous en profitez comme vous le devez je m'en réjouirai avec vous. Je ne vous en dis pas davantage. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1737].






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Lettre n. 370, A MADAME PAULE DE SIENNE

CCCLXX.- A MADAME PAULE DE SIENNE, et à ses disciples, quand elle était à Fiesole.- Sans la charité toutes les autres vertus sont mortes. - De l'amour de Jésus-Christ envers nous, et du désir qu'il montre pour notre sanctification.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chère et très aimée Fille et Soeur dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris, vous encourage et vous bénis dans son précieux sang. J'ai désiré avec désir vous voir unies dans sa très ardente charité, parce que la charité, l'amour fait devenir une même chose avec Dieu. O charité si pleine de joie, de bonheur et de paix! avec vous, tout ce qui est troublé par la tempête devient calme et tranquille! O douce Charité, très chère Mère! vous donnez naissance à toutes les vertus. Vous savez, ma bien-aimée Soeur, qu'aucune vertu ne vit sans la charité. L'ardent saint Paul, ce vase d'élection, l'a dit: " Si je parlais la langue des anges, et si je donnais tout aux pauvres, sans avoir la charité, tout me serait inutile (1Co 13,3) " Et il en est vraiment ainsi: car l'âme qui n'a pas la charité ne peut rien faire qui soit agréable à Dieu, et elle n'enfante que des vertus mortes. Pourquoi sont-elles morte? parce qu'elles sont privées de [1738] Dieu, qui donne la vie, c'est-à-dire la charité. Car celui qui est dans la charité est en Dieu, et Dieu est en lui (1Jn 4,16). Mais l'épouse du Christ qui est blessée par la flèche de la charité, ne reste jamais oisive. Comme une blessure nouvelle agite tous les jours davantage notre coeur, des flèches nouvelles d'une ardente charité lui sont sans cesse lancées, car il ne se passe pas un instant que la bonté de Dieu ne jette des charbons allumés sur notre corps (Rm 12,20 Pr 25,22).

2. Si nous considérons l'être que la bonté de Dieu nous a donné, nous verrons qu'il nous a créés par pure charité, pour nous faire jouir du bien qu'il avait en lui-même, et nous donner la vie éternelle. Saint Paul dit que Dieu ne veut autre chose que notre sanctification; ce qu'il nous donne, il nous le donne pour que nous soyons sanctifiés en lui, O souveraine et éternelle Vérité! il est bien évident qu'ayant perdu la grâce, nous ne pouvions participer à ce bien; et comme Dieu voyait que sa volonté ne pouvait s'accomplir en nous à cause du péché, l'amour inconcevable qu'il avait pour nous lui a fait violence, et il a envoyé son Fils unique pour expier sur son corps nos iniquités.

3. Aussitôt que le Verbe eut pris notre chair dans le sein de Marie, son Père le condamna à la mort honteuse de la Croix; il l'envoya sur le champ de bataille de cette vie combattre pour son Epouse, et la retirer des mains du démon, qui la possédait comme une adultère. Alors, dit saint Bernard, ce généreux Chevalier monta sur le bois de la très sainte Croix, et prit pour casque la dure couronne d'épines, les clous à ses mains et à ses pieds, la lance à son côté (Jn 19,34), pour [1739] nous montrer le secret de son coeur. Hélas! amour, amour! te semble-t-il bien armé notre doux Sauveur. Ayons courage, puisqu'il a combattu pour nous. Il a dit à ses disciples: " Réjouissez-vous, car j'ai vaincu le prince du monde" (Jn 16,33). Et saint Augustin dit que c'est avec sa main percée et clouée qu'il a défait les démons. N'ayez donc aucune crainte, mes bien-aimées Filles, ni des démons visibles, ni des démons invisibles. S'ils vous livrent des combats, s'ils veulent vous faire croire que vous ne pourrez persévérer dans vos oeuvres, prenez courage et dites: Je puis tout par Jésus crucifié, car il a vaincu pour moi les démons. O très doux amour Jésus! vous avez lutté avec la mort sur la Croix; la mou a vaincu la vie, et la vie a vaincu la mort; par la mort de son corps il a détruit notre mort, et à cause de notre mort il a détruit la vie de son corps. O preuve ineffable de charité! et tout cela manifeste l'amour, la volonté, la fin pour laquelle il nous a créés: c'est pour nous donner la vie éternelle.

4. O doux Amour! quel amour ne s'enflammera pas à un tel foyer d'amour, en voyant que Dieu nous a donné son Fils unique; et ce Fils unique nous a donné sa vie avec un si grand désir, qu'il semble ne pouvoir l'exprimer quand il dit: " J'ai désiré avec désir faire cette pâque avec vous avant de mourir" (Lc 22,15). O très doux Amour! cette pâque, c'était le sacrifice de votre corps à votre Père pour nous. O Amour! avec quelle charité, avec quelle joie, vous parlez de votre sacrifice, parce qu'il approche! Vous faites comme celui qui a grandement désiré faire une grande oeuvre; et quand il voit qu'elle est près de [1740] s'accomplir, il en éprouve une joie immense; c'est avec cette joie que le Christ, tout transporté d'amour, a couru aux opprobres de la très sainte Croix. Je vous prie donc, ma Soeur, et vous, mes Filles. de vous réjouir de partager ses opprobres. Mettez, mettez vos lèvres au côté du Fils de Dieu; c'est une ouverture qui lance le feu de la charité, et qui verse le Sang pour laver nos iniquités. Je dis que l'âme qui s'y repose, et qui regarde avec l'oeil de l'intelligence, ce coeur ouvert et consumé par l'amour, devient semblable à lui, parce qu'en se voyant tant aimée, elle ne peut s'empêcher aussi d'aimer. Et alors l'âme devient parfaite; car ce qu'elle aime, elle l'aime pour Dieu, et elle n'aime rien hors de lui; et elle devient ainsi un autre lui-même par ce désir, car elle n'a pas d'autre volonté que celle de Dieu. Ne soyez donc plus négligentes; mais courez toujours en brisant vos volontés.

5. Demeurez, mes Filles, dans la sainte dilection de Dieu. Remplissez mon désir, et que je vous voie, unies et transformées, faire une seule chose avec lui. Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ. Encouragez Mme Barthélemy et toutes les autres. Dites-leur de ne pas détourner la tête en arrière (Lc 9,62), mais de persévérer toujours dans leur sainte résolution; car sans la persévérance, vous ne pourrez recevoir la couronne. Loué soit Jésus-Christ. Doux Jésus, Jésus amour [1741].






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Lettre n. 371, A MADAME PAULE

CCCLXXI.- A MADAME PAULE, à Fiesole.- Du mystère ineffable de l'Incarnation du Verbe, et de la Rédemption, expliqué par la comparaison de la semence, de la fleur et du fruit.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chère et très douce Soeur dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris et je vous encourage dans son précieux sang, avec le désir de vous voir unie et transformée dans le feu de la divine charité. Ce feu a uni Dieu à l'homme, et l'a tenu attaché et cloué sur la Croix. O ineffable et très douce charité, combien est douce l'union que vous avez faite avec l'homme! Vous avez bien montré votre amour incompréhensible par les grâces et les bienfaits sans nombre dont vous avez comblé les créatures, surtout par le bienfait de l'incarnation de son Fils. Voyez la souveraine Grandeur descendre jusqu'à la bassesse de notre humanité. L'orgueil de l'homme devrait rougir de voir Dieu si humilié dans le sein de la douce Marie. Ce fut dans cette douce terre que fut semée la semence de la parole incarnée du Fils de Dieu. Oui, très chère Soeur, dans le champ doux et béni de la Vierge Marie, le Verbe fut uni à sa chair, comme la graine qu'on jette dans la terre, et que la chaleur du soleil fait germer; puis viennent la fleur et le fruit, et l'enveloppe de la graine reste à la terre. C'est ce qui arriva par la chaleur et le feu [1742] de la charité divine que Dieu eut pour l'humanité, lorsqu'il jeta la semence de son Verbe dans le sein de Marie. O bienheureuse et douce Marie, vous nous avez donné la fleur du doux Jésus. Et quand cette douce fleur a-t-elle produit son fruit? Quand il fut attaché au bois de la très sainte Croix; alors nous avons reçu la vie parfaite.

2. Pourquoi avons-nous dit que l'enveloppe de la graine est restée sur la terre? quelle est cette enveloppe? Ce fut la volonté du Fils unique de Dieu, qui, comme homme, était tellement revêtu du désir de l'honneur de son Père et de notre salut, qu'il courut, tout transporté d'amour, souffrir les peines, les affronts, les injures, jusqu'à la mort honteuse de la Croix. Considérez aussi, très chère Soeur, que Marie a fait de même; elle ne pouvait désirer autre chose que l'honneur de Dieu et le salut des créatures; et les saints docteurs disent, pour faire comprendre la charité sans bornes de Marie, qu'elle aurait servi elle-même d'échelle pour mettre son Fils sur la Croix, s'il n'y avait pas eu d'autres moyens; et il en était ainsi parce que la volonté de son Fils était restée en elle.

3. Pensez, ma très chère Soeur, et que cette pensée ne sorte jamais de votre coeur, de votre mémoire et de votre âme, pensez que vous vous êtes offertes et données à Marie, vous et toutes vos filles; priez-la donc de vous présenter et de vous donner au doux Jésus, son Fils, et elle le fera comme une douce et bonne Mère, comme la Mère de miséricorde. Ne soyez pas ingrates et infidèles, car elle n'a pas repoussé cette demande, mais elle l'a écoutée avec bonté. Soyez [1743] toutes fidèles, ne vous arrêtant pas aux illusions du démon et aux discours des créatures; mais courez généreusement avec le doux amour de Marie, c'est-à-dire, cherchez toujours l'honneur de Dieu et le salut des âmes. Je vous en conjure, autant qu'il vous sera possible, gardez la cellule de votre âme et de votre corps, vous appliquant par l'amour et le saint désir à goûter et à enfanter les âmes en la présence de Dieu; et quand vous verrez quelque personne dans la tribulation, appliquez-vous avez zèle à la retirer des mains du démon. C'est le signe qui montre que nous sommes les enfants véritables, car nous suivrons ainsi les traces du Père. Mais sachez que nous ne pourrons jamais arriver à ce grand et saint désir sans l'amour crucifié du Fils de Dieu, car il est cette mer paisible qui rassasie tous ceux qui ont la faim, la soif, le désir de Dieu; il donne la paix à tous ceux qui sont en guerre et qui veulent se réconcilier avec lui. Cette mer jette un feu qui réchauffe le froid de notre coeur, et il est si bien réchauffé, qu'il perd toute crainte servile, et qu'il reste dans la charité parfaite et la sainte crainte, ne voulant plus offenser son Créateur.

4. Ne craignez pas; non, je ne veux pas que vous craigniez les embûches et les attaques des démons qui voudront dévaster. et prendre la cité de votre âme; ne craignez pas, mais, comme de bons chevaliers sur le champ de bataille, combattez avec les armes et le glaive de la charité divine, car c'est là le moyen de frapper le démon. Vous savez que si on ne veut pas perdre les armes avec lesquelles on doit se défendre, il faut se tenir caché dans la cellule de notre âme [1744] par la vraie connaissance de nous-mêmes; car, quand l'âme voit qu'elle n'est rien, et qu'elle s'occupe toujours de choses qui ne sont rien, elle s'humilie aussitôt devant Dieu, et devant toute créature pour Dieu; elle reconnaît que toutes les grâces et les bienfaits viennent de lui, et elle voit tellement déborder en elle la bonté de Dieu, que son amour, qui augmente, voudrait se punir, mais encore elle désire que toutes les créatures la punissent; elle juge tous les autres meilleurs qu'elle. Alors naît un tel parfum de patience, qu'il n'y a rien de si pesant et de si amer qu'elle ne supporte pour l'amour de ce tendre Verbe.

5. Oui, très chères Filles, courons toutes ensemble avec ardeur, et unissons-nous à ce Verbe. Je vous invite à ses noces, c'est-à-dire à répandre votre sang pour lui, comme il l'a répandu pour vous, à aller au Saint-Sépulcre, et à y donner votre vie pour lui. Le Saint-Père a envoyé une lettre avec son sceau à notre Provincial, à celui des Frères Mineurs et à Frère Raymond, pour qu'ils fassent inscrire tous ceux qui ont le désir et la volonté d'aller conquérir le Saint-Sépulcre et mourir pour la foi (Lettres XXV, LII, CLXI). Il veut que tous s'y engagent par écrit, et je vous invite à vous préparer. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Mille compliments de la part de la pauvre Cecca, d'Alessia et de Jeanne Pezzi. Ayez toutes bon courage en Jésus crucifié. Jésus, Jésus, Jésus [1745].




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Lettre n. 372, A QUELQUES FILLES DE SIENNE

CCCLXXII.- A QUELQUES FILLES DE SIENNE.- Elle les exhorte à être persévérantes dans le service de Dieu, et à fuir les conversations frivoles.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chères Filles dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir les servantes fidèles de votre Créateur, et cela avec tant de persévérance, que vous ne tourniez jamais la tête en arrière pour aucune cause, ni dans la prospérité, en vous abandonnant trop à la joie, ni dans l'adversité, en vous livrant à l'impatience et à la tristesse. Je vous en conjure, que rien n'arrête et n'affaiblisse votre saint désir; et, afin que ce saint désir augmente en vous et ne s'éteigne jamais, je veux que vous ouvriez l'oeil de l'intelligence pour connaître l'amour ineffable que Dieu vous porte, puisque par amour il vous a donné son Fils unique; et ce Fils vous a donné sa vie avec tant d'amour, que le coeur le plus dur doit amollir sa dureté.

2. C'est là qu'il faut fixer le regard de votre intelligence, en pensant au prix qu'a payé pour nous le Fils de Dieu. Il faut laver dans son sang la face de votre âme. Levez-vous donc, et secouez le sommeil de la négligence; soyez pleines de zèle, et lorsque vous aurez acquis la blancheur de la pureté, ayez [1746] toute l'ardeur de la charité, que vous trouverez dans le sang de l'Agneau. Je veux, mes très chères Filles, que vous soyez bien persuadées que vous ne pourrez jamais avoir la pureté de l'esprit et du corps, en recherchant les conversations des créatures et en y plaçant votre affection, en aimant les choses créées en dehors de la volonté de Dieu, et en ayant de l'attachement et de la faiblesse pour votre corps; mais vous l'acquerrez en vous appliquant aux veilles, à la prière, en vous rappelant sans cesse votre Créateur, et en reconnaissant toujours l'amour ineffable que Dieu vous porte. Lorsque l'âme aura acquis la pureté par ce moyen, comme elle verra qu'elle ne peut pas être utile à Dieu, elle étendra son amour au prochain, et lui rendra les services qu'elle ne peut rendre à Dieu. Elle visitera les infirmes (Mt 25,36), elle secourra les pauvres, elle consolera les affligés, pleurant avec ceux qui pleurent, se réjouissant avec ceux qui se réjouissent (Rm 12,15): c'est-à-dire qu'elle pleurera avec ceux qui gémissent dans le péché mortel; elle en aura compassion, et offrira pour eux à Dieu des prières continuelles; elle se réjouira avec ceux qui ont le bonheur d'être les serviteurs fidèles de Jésus crucifié, et elle recherchera toujours leurs conversations. Je vous prie, mes Filles, de le faire, afin d'être des servantes fidèles et non pas infidèles. C'est tout ce que mon âme désire voir en vous. Je ne vous en dis pas davantage. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1747].





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Lettre n. 373, A UNE FEMME PUBLIQUE DE PEROUSE

CCCLXXIII.- A UNE FEMME PUBLIQUE DE PEROUSE, à la demande de son frère.- Elle cherche à la convertir et la menace des châtiments de Dieu; elle lui cite l'exemple de sainte Marie-Madeleine, et l'exhorte à se recommander à la sainte Vierge.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très chère Fille dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de te voir participer au sang du Fils de Dieu, parce que sans ce sang tu ne peux avoir la vie. Qui sont ceux qui participent à ce sang? ceux qui vivent dans la douce et sainte crainte de Dieu. Celui qui craint Dieu aime mieux mourir que de l'offenser jamais mortellement. Ma Fille, je pleure et je gémis de voir que toi, créée à l'image et ressemblance de Dieu (Gn 1,26), rachetée par son précieux sang, tu oublies ta dignité et la riche rançon qui a été payée pour toi. Hélas! il me semble que tu fais comme le pourceau qui se roule dans la fange; tu te roules de même dans la fange de l'impureté, tu te fais la servante et l'esclave du péché; tu as pris pour maître le démon, et tu le sers nuit et jour. Si tu sers le démon tu auras son sort. Et quel est son partage, ma Fille? Les ténèbres, les tempêtes, l'amertume, les peines, les tourments, les supplices. Dans le lieu qu'il habite, se trouvent les pleurs, les grincements de [1748] dents et la privation de la vue de Dieu, de cette vue de Dieu, qui est la béatitude de l'âme. Les démons furent privés de cette béatitude à cause de leur orgueil; ceux qui suivent la volonté du démon seront aussi privés de la vision divine: et les peines intolérables qui sont infligées à l'âme livrée à l'iniquité du péché mortel, la langue ne pourra jamais les raconter.

2. Hélas! hélas! comment croire que tu as oublié ton Créateur, et que tu ne vois pas que tu es devenue comme un membre retranché du corps, et qui se dessèche aussitôt. Tu es retranchée et séparée du Christ par le péché mortel; tu es devenue comme un bois sec et aride (Jn 15,6), qui ne porte plus de fruits, et tu as dès cette vie, un avant-goût de l'enfer. Tu ne songes pas, ma Fille, quelle est ta servitude, et combien tu es misérable et malheureuse d'avoir en cette vie l'enfer et la société horrible des démons. Sors, sors de ce dangereux esclavage, de ces ténèbres où tu es tombée. Hélas! si tu ne le fais pas par amour pour Dieu. Tu devrais le faire au moins par honte et par crainte du monde. Ne vois-tu pas que tu te livres aux mains des hommes, qui méprisent et avilissent ta chair? Ne vois-tu pas que tu es aimée, et que tu aimes d'un amour mercenaire qui donne la mort, d'un amour qui ne repose que sur une jouissance ou un profit, qui disparaît avec le plaisir et l'argent, parce qu'il n'est pas selon Dieu, mais selon le démon. Pense, ma Fille, que tu as à mourir, et tu ne sais pas quand. Notre doux Sauveur disait: " Soyez prêts, car vous ne savez pas le jour et l'heure où vous serez appelés. " Et saint Jean dit que la hache est [1749] déjà à la racine de l'arbre pour le couper (Mt 3,10 Lc 3,9). Pense que si maintenant le souverain Juge t'appelait, tu serais livrée aux démons et à l'état de damnation. S'il te fallait comparaître devant lui, tu n'aurais pas pour répondre les vertus qui pourraient te défendre, t'assister, te secourir: tu ne les aurais pas; mais tu aurais tes amis, qui te condamneraient devant le souverain Juge, c'est-à-dire le monde, le démon et la chair que tu as servis avec tant de zèle; ils t'accuseraient, en manifestant pour ta honte et ta confusion les offenses que tu as commises contre Dieu; ils te condamneraient à la mort éternelle, et ils t'entraîneraient avec eux là où l'on trouve les flammes ardentes, la puanteur du soufre, les grincements de dents, le froid, le chaud, le ver de la conscience, qui ronge toujours, et reproche à l'âme de s'être privée par sa faute de la vision de Dieu, et de s'être rendue digne de la vision des démons.

3. Voilà ce que tu as mérité à servir avec tant de peine le monde, le démon et la chair, et à goûter l'enfer dès cette vie. Puisque tu vois qu'ils te rendent digne de tant de maux, et qu'ils te privent de tant de biens, fais-toi une sainte violence, et quitte tant de misère et de corruption. Recours à ton Créateur, qui te recevra, si tu veux abandonner le péché mortel et revenir à l'état de grâce. Ecoute-moi, ma très douce Fille, si tu vomis les souillures du péché par la sainte confession, avec un ferme propos de ne plus tomber et de ne plus retourner à ton vomissement (2P 2,22 Pr 26,11), la douce bonté de Dieu le dit elle-même: " Je te promets que je ne me rappellerai jamais que tu m'as offensé. " Il est bien vrai que celui qui expie son péché par la [1750] contrition et la douleur, Dieu ne veut pas le punir dans l'autre vie. Il ne peut te paraître dur de recourir à la douce Marie, qui est la mère de la compassion et de la miséricorde; elle te mènera en présence de son Fils, et, en lui montrant le sein qui l'a nourri, elle le décidera à te faire miséricorde; et alors, comme une fille et une esclave rachetée par son sang (1P 1,19), tu entreras dans les plaies du Fils de Dieu, où tu trouveras le feu de son ineffable charité, qui consumera et purifiera toutes tes misères et toutes tes fautes. Tu verras qu'il t'a fait un bain de son sang pour te laver de la lèpre du péché mortel et de l'impureté ou tu es restée si longtemps. Notre doux Seigneur ne te méprisera pas.

4. Ecoute et suis la douce et tendre Madeleine. Dès qu'elle reconnaît son malheur et sa faute, dès qu'elle voit qu'elle est en état de damnation, elle conçoit une grande haine de l'offense de Dieu et un grand amour de la vertu; elle cherche où elle trouvera miséricorde. Elle voit bien qu'elle ne peut la trouver que dans le Christ, le doux Jésus; et pour arriver à lui, elle ne pense pas à son honneur, à sa honte; elle court humblement se jeter à ses pieds; et là, son amour, sa douleur amère, son humilité parfaite lui obtiennent la l'émission de ses péchés, et elle mérite d'entendre cette douce parole: "Marie, va en paix (Lc 7,50, et ne pèche plus" (Jn 8,11). Fais de même, ma très douce Fille; imite l'humble conduite de Madeleine, qui se met à ses pieds (Lc 7,38), qui lui montre son amour par la contrition de son coeur, et qui ne se juge pas digne de regarder le visage de son Maître. Donne-lui aussi ton coeur, ton âme, ton corps. Ne dors plus, car le temps presse, tu [1751] n'es pas sûre de l'avoir; ne l'attends pas. Réponds à Jésus crucifié, qui t'appelle de Sa douce voix, et cours à l'odeur de ses parfums (Ct 1,3). Baigne-toi dans le sang de Jésus crucifié, et tu participeras ainsi à son sang. Mon âme désire te voir participer au Sang. et devenir un membre uni par la grâce à ton chef, Jésus crucifié. Si tu me dis: Je ne le puis, parce que je n'ai pas de quoi vivre, je te répondrai que Dieu y pourvoira. J'ai appris que ton frère veut t'aider dans tes besoins. N'attends donc pas le jugement de Dieu qui s'appesantirait sur toi, si tu ne changeais pas. Cesse d'être un membre du démon, qui se sert de toi comme d'un filet pour prendre les créatures. Ce n'est pas assez du mal que tu te fais à toi-même; songe aussi combien tu en fais tomber dans l'enfer. Je ne t'en dis pas davantage. Aime Jésus crucifié, et pense que tu dois mourir, tu ne sais pas quand. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour. Marie, douce Marie [1752]!




Catherine, Lettres 9