Catherine, Lettres 72

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Lettre n. 309, A ROMAIN

CCCIX (301).- A ROMAIN, tisseur de lin, de la compagnie du Bigallo, à Florence .- De la persévérance, et de l'espoir de la récompense.

(Ce fut saint Pierre martyr qui organisa la compagnie du Bigallo pour défendre Florence contre les manichéens. Les membres qui faisaient partie de cette association, après avoir triomphé par les armes, se consacrèrent aux oeuvres de charité; ils desservaient l'hôpital de Santa-Maria del Bigallo. De là leur nom.)



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je t'écris dans son précieux sang, avec le désir de ne te voir jamais détourner la tête en arrière (Lc 9,62), mais de te voir persévérer dans la [1487] vertu, car tu sais bien que la persévérance seule est couronnée (Mt 10,22 2Tm 2,12). Tu sais que le Christ t'appelle et t'invite aux noces de la vie éternelle (Mt 22,2); mais il faut y aller revêtu, il faut avoir la robe nuptiale; sans cela, on est chassé de la salle du festin comme un serviteur coupable (Mt 22,11-13). Il me semble que la douce Vérité suprême t'a envoyé ses messagers pour t'inviter aux noces, et pour te revêtir. Ces messagers sont les saintes et bonnes inspirations, les doux et pieux désirs que te donne la clémence du Saint-Esprit; ce sont ces saintes pensées qui te font fuir le vice, mépriser le monde et ses délices, et arriver aux noces des vraies et solides vertus. Que ton âme se revête d'amour; c'est avec l'amour qu'on entre dans la vie éternelle. Tu vois que les saintes inspirations de Dieu t'offrent le vêtement de la vertu; en te le faisant aimer, elles te revêtent et t'invitent aux noces de la vie éternelle. Car après le vêtement de la vertu et de l'ardente charité, vient la grâce; et après la grâce. la vision de Dieu, où se trouve notre béatitude. Aussi je te conjure par l'amour de Jésus crucifié de répondre généreusement et sans retard. Pense que ce n'est rien de commencer et de mettre la main à la charrue, comme je l'ai dit. Les saintes pensées commencent le sillon; mais c'est la persévérance dans la vertu qui l'achève. Celui qui laboure tourne la terre; de même l'Esprit-Saint retourne la terre de la mauvaise volonté sensitive.

2. Souvent l'homme, séduit par une si douce invitation et un si beau vêtement, cherche, pour mieux travailler sa terre, s'il ne trouvera pas une charrue bien tranchante, qui puisse la remuer plus profondément [1488]; et il voit qu'il est impossible de trouver un instrument meilleur pour briser, couper et arracher notre volonté, que le fer et le joug de la mainte obéissance. Et lorsqu'il l'a trouvé, il suit l'exemple du Verbe, du Fils de Dieu, et veut, par amour pour lui, être obéissant jusqu'à la mort. Il ne résiste jamais, et fait comme le sage, qui se laisse conduire par les autres, c'est-à-dire par une règle, sans vouloir se gouverner lui-même. Je me souviens que tu m'as quittée avec le saint désir et la résolution de répondre à Dieu qui t'appelait, et de te soumettre à la sainte obéissance. Je ne sais pas si tu l'as rais Je te conjure, si tu ne l'as pas fait, de le faire promptement et généreusement. Hâte-toi de te séparer du monde, et de couper les liens qui t'y attachent; ne compte pas sur le temps que tu n'es pas sûr d'avoir, Quelle folie de perdre celui qu'on a pour celui qu'on n'a pas! Baigne-toi dans le sang de Jésus crucifié, cache-toi dans la blessure de son côté, tu y verras le secret de son coeur. La douce Vérité nous montre que ce qu'il fait en nous, il le fait par amour; réponds-lui aussi avec amour. C'est notre Dieu, qui ne veut autre chemin que notre amour, et celui qui aime n'offensera Jamais ce qu'il aime. Courage donc, mon Fils, ne dors plus du sommeil de la négligence. Va bien vite b ton Père, le seigneur Abbé, avec une volonté morte et non vivante; si tu te présentais avec la volonté vivante, je te dirais de n'y pas aller; il ne le faudrait ni pour toi ni pour lui J'espère de la volonté de Dieu que tu suivras les traces de Jésus crucifié. Ne cherche pas à dénouer les liens du monde; mais tire le glaive de la haine et de l'amour, et coupe [1489] bien vite. Je ne t'en dis pas davantage. Demeure dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.






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Lettre n. 310, A JEAN PEROTTI

CCCX (301).- A JEAN PEROTTI, corroyeur, et dame Lippa, ma femme.- Le vêtement dont nous devons nous revêtir est la charité de Jésus-Christ.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher et très aimé Fils dans le Christ Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans le précieux sang du Fils de Dieu, avec le désir de voir accomplir en vous cette douce parole de l'apôtre saint Paul, qui disait: Induimini Dominum nostrum Jesum Christum (Rm 13,14). Revêtez-vous de notre Seigneur Jésus-Christ: c'est-à-dire dépouillez-vous du vieil homme, et revêtez-vous de l'homme nouveau (Ep 4,22-24 Col 3,9-10), qui est Jésus crucifié, le vrai vêtement qui couvre la nudité de l'homme, et l'orne de vertus. O ineffable et chère charité! qui s'est faite notre vêtement, parce que nous avions perdu par le péché la vie de la grâce! Le feu de la divine charité le transporte, et il est venu, parce que nous avions perdu le vêtement de la grâce; la chaleur de la divine charité et son ardent amour ont réchauffé notre froideur. Il a revêtu [1490] notre humanité, et alors nous avons retrouvé Je vêtement de la grâce, qui ne peut nous être enlevé ni par les démons, ni par les créatures, si nous n'y consentons pas nous-mêmes.

2. Oui, je vous conjure, mon Frère et ma Soeur bien-aimés, d'être pleins de zèle pour prendre ce saint et doux vêtement. Ne soyez pas négligents, afin de ne pas entendre cette parole de reproche: sois maudit, toi qui te laisses mourir de froid et de faim, tandis que le Christ s'offre pour être ton vêtement et ta nourriture. Hélas! quel coeur serait assez dur, assez obstiné pour ne pas se dépouiller de toute ignorance, de toute négligence, et se revêtir de ce saint et doux vêtement, qui donne la vie à ceux qui sont morts! Combien sera heureuse notre âme, quand la douce Vérité suprême nous appellera au doux moment de la mort! L'âme alors sera dans la joie et l'allégresse, en se voyant revêtue du vêtement de la grâce divine, de ce vêtement contre lequel les démons ne peuvent rien, parce que la grâce fortifie et ôte toute faiblesse. Le péché est la seule chose qui affaiblisse l'âme. Oh! combien est mauvais et dangereux le vêtement du péché! Il faut le fuir par la haine et le mépris, car il est bien nuisible, et Dieu l'a en horreur. Enflammez-vous donc d'un saint désir, et hâtez-vous de prendre ce doux vêtement nuptial de la grâce divine. L'âme doit l'avoir pour n'être pas chassée des noces de la vie éternelle (Mt 22,1-13), auxquelles Dieu nous invite, et il noue y a invités sur le bois de la très sainte Croix: Je conjure l'éternelle et souveraine Vérité de vous faire marcher avec courage, et arriver au but pour lequel vous avez été créés. Et comme [1491]par charité et par amour vous avez revêtu l'enfant Jésus (Les petits enfants jésus qu'on faisait à Lucques étaient très renommés: Jean Perotti, qui était de cette ville, en avait peut-être donné un à sainte Catherine.), il vous revêtira de lui-même, de l'homme nouveau, de Jésus Crucifié. Je vous remercie de tout mon coeur. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.






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Lettre n. 311, A JEAN PEROTTI

CCCXI (303).- A JEAN PEROTTI, corroyeur, à Lucques.- De la crainte et de l'amour de Dieu.

AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher et bien-aimé Pus dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir un vrai père, nourrissant, conduisant et gouvernant votre famille dans la sainte crainte Dieu. Vous êtes un arbre fertile, et il faut que le fruit qui sort de vous soit bon et vertueux. Vous savez, mon Fils, que l'arbre, avant de porter du fruit, doit être bon et bien cultivé; je dis de même que votre âme doit être cultivée par la sainte crainte et l'amour de Dieu. Et si nous disons: Je ne sais pas comment le faire, voici le Verbe, le Pus de Dieu, qui s'est fait notre guide [1492], et qui nous dit: Je suis la vole, la vérité, la vie (Jn 14,6); celui qui marchera dans cette vole ne peut s'égarer mais il produira un fruit de vie. Ce fruit nourrira votre âme, et vos enfants eux-mêmes en goûteront la substance et la douceur. Quelle voie nous a tracée ce doux Maître, l'Agneau sans tache? Il nous a tracé la vole de la profonde et véritable humilité, car il était Dieu, et il s'est humilié jusqu'à l'homme. Il a marché au milieu des opprobres, des mauvais traitements, des peines, des fatigues, jusqu'à la mort honteuse de la Croix. Il a méprisé toutes les délices, les plaisirs, et il a toujours voulu suivre la route la plus humble et la plus délaissée. Et quel fruit a-t-il produit en nous traçant cette route? Quiconque le t'eut peut le suivre. Ecoutez-le sur le bois de la très sainte Croix, et voyez s'il fut jamais un fruit de patience semblable. Les Juifs criaient: crucifige (Mt 27,22-23 Mc 15,13-14 Lc 23,21-23), et il disait: " Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font" (Lc 23,34)

2. O Bonté infinie! qui non seulement pardonne, mais encore nous excuse devant son Père; C'est un doux Agneau qui ne fit jamais entendre la moindre plainte. Il a produit aussi pour nous le fruit de la charité, car c'est l'amour ineffable que Dieu a eu pour l'homme qui l'a attaché et cloué sur la Croix. Les clous et la Croix n'auraient pu le retenir, s'il ne l'avait pas été par les liens de la charité; il fut obéissant à son Père sans penser à lui-même, mais seulement à l'honneur de Dieu, du Père et à notre salut. C'est cette voie, mon doux Fils, que je veux voua voir suivre, afin que vous soyez le vrai père de votre âme et des enfants que Dieu vous a donnés, et que vous croissiez toujours de vertus en vertus. Sachez [1493] que nous n'ayons aucun moyen de produire par nous-mêmes des fruits de vertu, car nous sommes des arbres sauvages; il faut que nous soyons greffés par l'amour et le désir de Dieu sur ce doux arbre de Jésus crucifié, en voyant qu'il nous a aimés jusqu'à donner sa vie pour nous. Nous ne pourrons nous empêcher de devenir une même chose avec lui; et alors l'âme enivrée d'amour ne veut pas suivre une autre voie que son Maître. Elle fuit les plaisirs et les consolations du monde, parce qu'il les a fuis; elle aime la vertu et déteste ce que Dieu déteste. Elle aime la vertu et déteste le vice, et elle préfère mourir qu'offenser son Créateur. Elle ne souffrira pas que ses enfants et sa famille l'offensent, mais elle les corrige comme un vrai père, et elle fait tout ce qu'elle peut pour leur faire suivre ses traces. Je vous conjure de vous y appliquer avec zèle. Encouragez et bénissez toute la famille, saluez bien pour moi votre mère et votre femme. Bénissez surtout ma fille; je désire vivement qu'elle soit l'épouse du Christ, et qu'elle se consacre à lui. Je termine; Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1494].






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Lettre n. 312, A SALVI

CCCXII (271).- A SALVI, fils de messire Pierre, orfèvre à Sienne.- La foi sans les oeuvres est morte.- La foi doit conduire à l'amour de Dieu.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher Fils dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir ie serviteur fidèle de Jésus crucifié, ne détournant jamais la tête, ni dans la prospérité ni dans le malheur, mais agissant généreusement avec une foi vive. Sachez bien qu'autrement la Foi sans les oeuvres est morte (Jc 2,26). L'action de la Foi est de nous faire concevoir les vertus par l'amour, et produire des fruits par la patience au moyen de notre prochain, en supportant les défauts les uns des autres. Il ne suffirait pas pour notre salut d'avoir reçu la forme de la Foi avec la grâce divine dans le saint baptême. Cela suffirait au petit enfant, qui mourrait avant d'avoir la raison; il recevrait la vie éternelle au moyen du sang de l'Agneau. Mais lorsque nous sommes parvenus à l'âge parfait, il ne nous suffirait pas d'avoir reçu le saint baptême, si noua ne profitions pas de la lumière de la Foi par rameur. Il en est de nous comme de l'oeil du corps. S'il est pur et sain, l'homme peut voir; mais s'il ne veut pas l'ouvrir, quoiqu'il puisse le faire et jouir de la lumière avec amour, on peut dire qu'ayant des yeux il n'en a [1495] pas. Il en a reçu de la bonté du Créateur; mais il n'a pas leur vertu par défaut de sa propre volonté, qui refuse de s'en servir. On peut donc dire que son regard est mort et qu'il ne porte pas de fruit. De même, très cher Fils, Dieu dans son infinie bonté nous a donné l'oeil de l'intelligence qu'il a éclairé de la lumière de la Foi dans le saint baptême, et en même temps le libre arbitre, en nous délivrant des liens du péché originel. Mais dès que nous sommes arrivés à l'âge de connaître, Dieu nous demande d'ouvrir l'oeil qu'il nous a donné, avec le libre arbitre et l'amour de la lumière.

2. Dès que l'âme reconnaît en elle cette faculté de voir, elle doit s'en servir pour son Créateur. Et comment doit-elle employer la lumière? à voir en Dieu seul l'amour; car rien ne peut se faire sans amour, ni spirituellement, ni corporellement. Si je veux aimer les choses sensibles, aussitôt l'oeil s'y fixe pour en jouir. Mais si l'homme veut aimer et servir Dieu, l'oeil de l'intelligence s'ouvre, et le prend pour Objet; il trouve l'amour dans l'amour: car, en voyant que Dieu l'aime infiniment, il ne peut s'empêcher de l'aimer, et de lui rendre amour pour amour. Il perd alors l'amour sensuel, et conçoit un amour vrai en se voyant créé à l'image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1,26), et régénéré à la grâce par le sang de son Fils unique. Son oeil a trouvé la lumière, et l'ayant trouvée, il a aimé cette lumière, et il ne peut s'empêcher de fuir et de haïr ce qui ôté la lumière, et d'aimer, de désirer ce qui la donne. Alors il s'élève avec une foi vive, et conçoit les vertus avec le désir de se revêtir de l'éternelle et souveraine volonté de Dieu; car son [1496] intelligence et son coeur ont vu, à la lumière de la Foi, que la volonté de Dieu ne cherche et ne veut autre chose que notre sanctification.

3. Qui nous montre clairement cette vérité? le Verbe, son Fils unique, qui est venu tout embrasé d'amour, dans la chair de notre humanité, pour nous manifester par son sang la Volonté du Père et pour l'accomplir en nous. Cette douce Volonté nous avait créés pour nous donner la vie éternelle; mais elle ne s'accomplissait pas à cause de notre péché, qui nous en avait séparés, et il nous a envoyé mon Fils, pour nous la rendre évidente, en le livrant à la mort honteuse de la Croix. Tout ce qu'il nous donne, tout ce qu'il permet nous arrive pour cette fin. pour que nous participions à son éternelle et souveraine beauté. Aussi l'âme prudente, qui a ouvert les yeux à la lumière de la Foi, voit aussitôt en toute chose la sainte volonté de Dieu qui ne veut que notre bien, et non la volonté des hommes.

4. Savez-vous ce qui sort de cette lumière? une eau paisible, et sans souillure, que ne troublent jamais ni l'impatience dans le malheur, ni les attaques du démon, ni les injures, les persécutions et les mur. mures des hommes. L'âme n'est jamais ébranlée; mais elle est ferme, parce qu'elle a vu que Dieu permet tout pour son bien, pour lui faire atteindre le but pour lequel il l'a créée. Telle est la voie, et il n'y en a pas d'autre; Il faut passer à travers les ronces et les épines en suivant Jésus crucifié, qui est la voie, car il a dit qu'il est la voie, la vérité, la vie (Jn 14,6). Il suit bien la vérité, celui qui marche dans cette voie, puisqu'il accomplit en lui la vérité du Père, qui nous [1497] conduit à la fin pour laquelle nous avons été créés. S'il y avait une autre voie, il nous aurait dit que personne ne peut aller au Père que par le Père; il ne l'a pas dit, parce que, dans le Père, ne se trouve pas la peine, mais dans le Fils, et il faut passer par la voie de la peine; il nous faut donc suivre Jésus crucifié, qui est notre voie et notre règle. Je vous dis encore que cette âme n'est pas troublée par la prospérité du monde en s'y attachant trop et en la désirant; mais elle en triomphe, elle la méprise en voyant à la lumière de la Foi. que ces choses fragiles passent comme le vent, et qu'elles ôtent la vie et la lumière de la grâce à celui qui les souhaite et les possède avec un amour déréglé.

5. Celui qui a une foi vivante enfante des oeuvres vivantes pour l'honneur de Dieu et le salut du prochain. C'est au moyen du prochain que se trouve l'amour que nous avons pour Dieu. Notre amour ne peut être utile à Dieu; mais Dieu veut que nous l'utilisions pour notre prochain. en supportant ses défauts, en priant pour lui avec compassion et patience, en pardonnant les injures qu'on nous fait, et en respectant comme nous le devons ses serviteurs. Puisque nous n'avons pas d'autre moyen, nous pouvons dire que la Foi est morte sans les oeuvres (Jc 2,26). Je ne nie pas que la sensualité ne fasse naître bien des obstacles, mais ces obstacles n'empêchent pas la perfection; ils l'aident au contraire, car l'âme connaît mieux ses enfants et la bonté de Dieu, qui conserve ma volonté, et l'empêche de consentir et de s'abandonner aux plaisirs des sens. Au lieu de les aimer, elle les hait et les méprise; elle profite donc [1498] de cette épreuve en acquérant l'humilité par la connaissance d'elle-même, et la charité par la connaissance de la bonté de Dieu à son égard. C'est parce que je comprends son excellence et sa nécessité pour avoir la vie de la grâce, que je désire vous voir affermi dans la lumière de la Foi vive. Je vous si dit que je désirais vous voir le serviteur fidèle de Jésus crucifié; et je vous conjure de le faire, avec zèle, en secouant le sommeil de la négligence et en ouvrant l'oeil de l'intelligence sur l'amour que Dieu vous porte afin que vous accomplissiez en vous sa volonté et mon désir. Je ne vous en dis pas davantage à ce sujet.

6. Je réponds, très cher Fils, aux lettres que vous m'avez adressées, et que j'ai lues avec une joie véritable. J'y ai vu une chose que Dieu avait révélée à une de ses servantes Ceux qui s'appellent ses fils se sont scandalisés par une illusion du démon, qui rôde toujours autour d'eux pour arracher le bon grain que le Saint-Esprit avait semé dans leurs âmes. Les imprudents, qui n'étaient pas affermis sur la Pierre vive, n'ont pas résisté; et comme ils avaient éprouvé du scandale, ils l'ont aussi semé dans les autres, sous prétexte de vertu et d'amour. Et maintenant je vous déclare que la volonté de Dieu est que je reste. J'avais un grand désir de ne pas offenser Dieu en restant, à cause des murmures et des soupçons dont j'étais l'objet, ainsi que mon Père spirituel, frère Raymond. Mais la Vérité, qui ne peut mentir, a rassuré sa servante en lui disant: " Continue à prendre ta nourriture à la table où je t'ai placée. Je t'ai placée à la. table de la Croix pour que tu puisses, au milieu des [1499] peines et des murmures, goûter et chercher l'honneur de Dieu et le salut des âmes je t'ai confié en cet endroit, des âmes pour qu'elles sortent des mains du démon, pour qu'elles se réconcilient avec moi et avec le prochain. Achève donc ce que tu as commencé. C'est pour empêcher tant de bien que le démon fait naître tant de mal; mais continue et ne crains rien, je serai pour toi. " Mon âme a été calmée par ces paroles que Dieu disait à ma servante.

7. Je m'appliquerai donc à faire le bien pour l'honneur de Dieu, le salut des âmes et l'avantage de notre ville. Quoique je le fasse peut-être avec négligence, je me réjouis de suivre les traces de mon Créateur. Je fais le bien, et ils me rendent le mal; je travaille à leur honneur, et ils m'outragent; je veux leur vie, et ils veulent ma mort mais cette mort est notre vie, cet outrage notre gloire; la honte est seulement pour celui qui commet la faute. Là où il n'y a pas de faute, il n'y a pas de honte et de crainte de la peine. Je me confie en notre Seigneur Jésus-Christ, et non dans les hommes. Je continuerai donc, et s'ils ma donnent des injures et des persécutions, je donnerai des larmes et de continuelles prières, autant que Dieu m'en fera la grâce. Que le démon le veuille ou non, j'emploierai toute ma vie pour l'honneur de Dieu, le salut des âmes, pour le monde entier, et surtout pour ma patrie. Quelle honte pour les citoyens de Sienne de croire et de s'imaginer que nous nous occupons de politique sur les terres des Salimbeni ou autre part!

8. Ils se méfient des serviteurs de Dieu, et ils ne craignent rien des méchants; mais ils prophétisent [1500] sans s'en apercevoir. Ils font comme Caïphe, qui prophétisait qu'un seul devait mourir pour le peuple, afin de le sauver (Jn 11,50). Il ne savait pas ce qu'il disait: mais le Saint-Esprit le savait bien, et prophétisait par ma bouche. De même mes concitoyens croient que, moi et ceux qui m'accompagnent, nous tramons des complots; ils disent la vérité sans la connaître, ils prophétisent. Car je neveux pas faire autre chose avec ceux qui sont avec moi; je veux triompher du démon, et lui ôter le pouvoir qu'il a pris sur l'homme par le péché mortel; je veux ôter la haine de tous les coeurs, et les réconcilier avec Jésus crucifié et avec le prochain. Ce sont là les complots que nous tramons, et où j'entraîne tous ceux qui sont avec moi. Je me plains de notre négligence; nous agissons trop mollement. Et toi, mon doux Fils, toi et tous les autres, je vous conjure de prier Dieu pour que je sois pleine de zèle pour cette oeuvre et pour tout ce qui peut contribuer à l'honneur de Dieu et au salut des âmes. Je termine. J'aurais encore bien des choses à dire. Le disciple du Christ n'est pas celui qui dit: Seigneur, Seigneur (Mt 7,21), mais celui qui suit ses traces. Encourage François en Jésus-Christ. Le frère Raymond, le pauvre calomnié, se recommande à toi, afin que tu obtiennes de Dieu qu'il soit bon et patient. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour [1501].






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Lettre n. 313, A UN HOMME RELIGIEUX

CCCXIII (306).- A UN HOMME RELIGIEUX de Florence.- Elle le remercie du zèle qu'il a pour son âme; elle lui dit combien elle craint les illusions du démon.


AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher et très aimé Père dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante Inutile de Jésus-Christ, je me recommande à vous avec le désir de nous voir unis et transformés dans cette douce et éternelle Vérité qui éloigne de nous toute erreur et tout mensonge. Pour moi, très cher Père, je vous remercie cordialement du saint zèle et de l'inquiétude que vous avez pour mon âme. Il me semble que vous êtes bien étonné de ce que vous apprenez de mou genre de vie, et je suis certaine que vous n'avez d'autre mobile que le désir de l'honneur de Dieu et de mon salut; vous craignez pour moi les pièges et les illusions du démon. Cette crainte que vous avez, mon Père, au sujet de la nourriture, ne m'étonne pas (Voir vie de sainte Catherine, Iie p., ch. 5); et je vous assure que, si vous l'avez, je tremble moi-même, tant je redoute les tromperies du démon; mais je me confie en la bonté de Dieu; et je suis en garde contre moi-même, sachant bien que je ne puis rien en attendre. Vous me demandez si je crois ou si je ne crois pas pouvoir être trompée par le démon; et vous me dites que si je ne le crois pas, c'est une [1502] preuve que je le suis. Je vous réponds que, non seulement pour ce fait, qui dépasse les forces naturelles, mais pour toutes mes autres actions, ma faiblesse et la malice du démon me remplissent toujours de crainte; je pense que je puis être dans l'erreur, parce que je sais et je vois que le démon a perdu la béatitude, mais non pas l'intelligence; et je comprends qu'avec cette supériorité d'esprit, il pourrait bien me tromper. Mais aussi je me réfugie et je m'appuie sur l'arbre de la très sainte Croix de Jésus crucifié; je m'y attache, et je suis persuadée que si j'y reste fixée et clouée par l'amour et par l'humilité, tous les démons ne pourront rien contre moi, non pas à cause de mes mérites, mais à cause de ceux de Jésus crucifié.

2. Vous m'écrivez aussi de demander particulièrement à Dieu de pouvoir manger; je vous réponds, mon Père, et je vous assure devant Dieu, que j'ai pris tous les moyens de le faire, et que je m'efforce une ou deux fois par jour de prendre de la nourriture; j'ai prié Dieu sans cesse, je le prie et je le prierai encore de me faire la grâce de vivre comme toutes les autres, si c'est sa volonté, car c'est aussi la mienne. Je vous assure que souvent, après avoir fait tous mes efforts, j'ai bien examiné cette infirmité, et j'ai pensé que Dieu me la donnait, dans sa bonté, pour me corriger du vice de la gourmandise. Je gémis bien de n'avoir pas eu la force de m'en corriger par amour. Je ne sais maintenant quel remède employer, et je vous demande de prier l'éternelle Vérité de me faire la grâce, si cela vaut mieux pour son honneur et le salut de mon âme, de me laisser [1503] prendre de la nourriture, si cela lui plaît. Je suis certaine que la bonté de Dieu ne méprisera pas vos prières. Je vous prie de m'écrire le remède que vous connaissez, et pourvu qu'il honore Dieu, je le ferai volontiers. Je vous prie aussi de ne pas juger légèrement ce que vous n'avez pas bien examiné devant Dieu. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour.






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Lettre n. 314, A QUELQU'UN QU'ON NE NOMME PAS

CCCXIV (300).- A QUELQU'UN QU'ON NE NOMME PAS.- De l'infinie bonté de Dieu, et de la haine du péché.



AU NOM DE JESUS CRUCIFIE ET DE LA DOUCE MARIE


1. Très cher Frère dans le Christ, le doux Jésus, moi, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de Jésus-Christ, je vous écris dans son précieux sang, avec le désir de vous voir un débiteur loyal, afin que vous vous acquittiez envers votre Créateur. Vous savez que nous sommes tous les débiteurs de Dieu; car, tout ce que nous avons, nous le tenons de sa grâce et de son amour ineffable. Nous ne lui demandons jamais de nous créer; c'est l'ardeur de son amour qui le porte à nous créer à son image et ressemblance (Gn 1,26), et à nous élever à une telle dignité, que la langue ne peut l'exprimer, l'oeil la voir, et le coeur de l'homme la comprendre. Cette dette que nous avons contractée envers lui, Dieu veut que nous [1504] l'acquittions en lui rendant amour pour amour. N'est-il pas juste et raisonnable que celui qui se voit aimé, aime aussi de sou côté? Dieu ne pouvait pas nous montrer plus d'amour qu'en donnant sa vie pour nous. Il a vu que l'homme avait perdu sa dignité par si faute, et qu'il s'était engagé à l'égard du démon, et la souveraine Bonté, pleine d'amour pour se créature, a voulu la sauver et l'affranchir de cet engagement. Elle a envoyé le Verbe son Fils unique, en le condamnant à mort pour rendre à l'homme la vie de la grâce, et le retirer de la prison du péché et des mains du démon. O doux et tendre Fils de Dieu, Verbe ineffable, très douce Charité! vous avez payé la rançon, vous avez déchiré l'obligation souscrite entre l'homme et le démon par le péché; vous nous avez délivrés par le sacrifice de votre corps. Hélas! Seigneur, qui peut résister à un si ardent amour? Ils résistent, ceux qui, tous les jours, renouvellent cette obligation avec le démon (Col 2,14), en ne vous regardant pas,, vous le Christ Jésus, vous l'Homme-Dieu, flagellé et abreuvé d'épreuves. Hélas! hélas! ceux-là font de leur corps une étable d'animaux grossiers et sans raison.

2. Hélas! très cher Frère, ne dormez plus dans la mort du péché mortel. Je vous le dis, la hache est déjà à la racine de l'arbre (Mt 3,10 Lc 3,9): prenez la pelle (Lc 3,17) de la sainte crainte de Dieu, et avec la main de l'amour, hâtez-vous d'enlever les souillures de votre âme et de votre corps. Ne soyez pas votre ennemi, votre bourreau, en vous séparant de votre chef, le Christ, le doux et bon Jésus; plus de souillures, plus de débauches; revenez à votre Créateur, ouvrez les yeux de votre [1505] âme, et voyez l'ardeur de sa charité, qui vous a supporté et n'a pas commandé à la terre de s'ouvrir (Nb 16,32 Nb 26,10 Dt 11,6) et aux bêtes féroces de vous dévorer; et même la terre vous a donné ses fruits, le soleil sa chaleur et sa lumière; le ciel a continué son mouvement, afin que vous viviez et que vous ayez le temps de vous convertir; et tout cela s'est fait par amour. O débiteur aveugle et déloyal! ne tardez donc pas davantage; sacrifiez à Jésus crucifié votre esprit, votre âme, votre corps. Je ne dis pas de vous donner la mort: ce n'est pas la vie corporelle qu'il faut quitter, ce sont les passions sensuelles; il faut que la volonté meure et que la raison vive, en suivant les traces de Jésus crucifié; alors vous acquitterez votre dette.

3. Donnez à Dieu ce qui est à Dieu (Mt 22,21 Mc 12,17 Lc 20,25), et à la terre ce qui est à la terre. À Dieu il faut donner le coeur, l'âme, toute l'affection, sans négligence et avec zèle; toutes vos oeuvres doivent avoir Dieu pour fondement. Que faut-il donner à la terre, c'est-à-dire à la partie sensitive? ce qu'elle mérite. Et que mérite celui qui tue? de mourir. Il faut donc tuer cette volonté, en flagellant notre chair, en l'affligeant, pour lui imposer le joug des saints commandements de Dieu. Et ne voyez-vous pas que la chair est mortelle? Sa beauté passe aussi vite que la fleur séparée de sa tige. Ne vivez plus ainsi, pour l'amour de Jésus crucifié, car je vous annonce que Dieu ne souffrira plus de pareilles abominations, une semblable iniquité; si vous ne vous convertissez, sa justice s'exercera avec rigueur sur vous. Je vous le dis non seulement Dieu, qui est la pureté même, ne peut voir votre iniquité, mais elle déplaît aux démons, qui se plaisent [1506] aux autres péchés mais qui répugnent au pêché contre nature. N'êtes-vous pas semblable à l'animal grossier? Je vois bien que vous avez une forme humaine mais de cette chair, vous avez fait une fange qu'habitent les animaux immondes du vice. Oh! convertissez-vous donc, pour l'amour de Dieu; pensez à votre salut, répondez à Jésus, qui vous appelle. Vous êtes fait pour être un temple (1Co 3,16 2Co 6,16) où vous devez recevoir Dieu par la grâce, en vivant saintement et en participant au sang de l'Agneau, qui lave nos iniquités.

4. Hélas! hélas! que je suis malheureuse! je ne puis arrêter mes iniquités et les vôtres. Oh! combien a été cruelle et impitoyable votre âme! Et votre passion brutale ne s'est pas arrêtée à ce péché contre nature... Oh! oui, les coeurs devraient se briser, la terre s'entrouvrir, les rochers nous écraser (Lc 23,30), les loups nous dévorer; ils ne devraient pas supporter cette iniquité, cet outrage à Dieu et à votre âme. Mon Frère, la parole me manque et les forces m'abandonnent. Non, ne le faites plus, mettez un terme à vos désordres. Je vous l'ai dit et je vous le répète, Dieu vous punira si vous ne vous corrigez pas; mais aussi je vous promets que, si vous voulez vous convertir et profiter des instants qui vous sont laissés, Dieu est si bon, si miséricordieux, qu'il vous pardonnera, vous recevra dans ses bras, vous fera participer au sang de l'Agneau, répandu avec tant d'amour qu'il n'y a pas de pécheur qui ne puisse obtenir miséricorde; car la miséricorde de Dieu est plus grande que nos iniquités, dès que nous voulons changer de vie et rejeter la corruption du péché par la sainte confession, avec le ferme propos de préférer mourir [1507] que de retourner à notre vomissement (Pr 26,11 2P 2,22). De cette manière nous recouvrons la dignité que nous avons perdue par le péché, et nous acquittons la dette que nous devons payer à Dieu. Vous savez bien que, si vous ne la payez pas, vous serez jeté dans une prison plus horrible qu'on ne peut l'imaginer; vous savez bien que, quand on ne s'acquitte pas par la confession et le regret du péché, il est inutile que d'autres cherchent à le faire pour vous. Le débiteur s'en va avec les démons, qui sont ses maîtres, et il tombe au fond des enfers.

5. Mon doux Frère dans le Christ, le doux Jésus, je ne veux pas vous voir enseveli dans cette horrible prison, mais je veux vous voir sortir des mains du démon. Je vous en conjure, et je veux vous aider, de la part de Jésus crucifié. Payez votre dette par la sainte confession, avec le regret de l'outrage fait à Dieu, et avec la sainte résolution de ne jamais tomber dans de semblables fautes. Souvenez-vous de Jésus crucifié; guérissez le poison de votre chair, en vous rappelant la chair flagellée de Jésus crucifié, de l'Homme-Dieu, qui, par l'union de la nature divine avec la nature humaine, a tellement anobli notre chair, qu'il l'a élevée au-dessus de tous les choeurs des anges. Les fils insensés d'Adam ne devraient-ils pas rougir de s'abandonner à une telle misère, et de souiller ainsi leur dignité! Contemplez Jésus crucifié, cachez-vous dans les plaies de Jésus crucifié, baignez-vous dans le sang de Jésus crucifié, et ne tardez pas; ne comptez pas sur le temps, car le temps ne vous attend pas; et si votre faiblesse vous tourmente, que vôtre raison en fasse bonne justice[1508]. Asseyez-vous sur le tribunal de votre conscience, et ne laissez passer aucun mouvement qui ne soit contrôlé par la sainte et douce pensée de Dieu. Excitez-vous à résister et à ne consentir jamais au péché, ni par pensée ni par action; mais dites-vous: Souffre aujourd'hui, mon âme, cette petite peine; résiste et ne consens pas à la tentation: peut-être que demain finira ta vie, et si tu vis encore, tu feras ce que Dieu te fera faire; mais aujourd'hui fais cela. Je vous le dis, en agissant de la sorte, votre âme et votre corps, qui sont maintenant profanés, deviendront un temple (1Co 3,16 2Co 6,16) où Dieu aimera résider par la grâce. Puis, lorsque votre vie sera terminée, vous recevrez pour récompense l'éternelle vision de Dieu, où la vie est sans mort, et le rassasiement sans dégoût. Ne vous exposez pas à perdre un si grand bien par un délai coupable. Je termine. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Excusez mon ignorance; je vous ai dit peut-être des choses qu'il est dur d'entendre: excusez-moi; c'est le désir et l'amour du salut de votre âme qui me l'ont fait faire, Si je ne vous aimais pas, je ne m'affligerais pas de vous voir entre les mains du démon; mais, parce que je vous aime, je ne puis le souffrir. Je veux que vous participiez au sang du Fils de Dieu. Doux Jésus, Jésus amour. Douce Marie [1509].





Catherine, Lettres 72