Catéchisme C. Trente 60

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§ II - IL EST RESSUSCITÉ DES MORTS.

Cette seconde partie de l'article cinquième veut être expliquée avec le plus grand soin. Le Pasteur y prendra garde. C'est l'avertissement de l'Apôtre: [2Tm 2,8] Souvenez-vous que Notre-Seigneur Jésus-Christ est ressuscité d'entre les morts. Or cette recommandation de Saint Paul à Timothée s'applique évidemment à tous ceux qui ont charge d'âmes.

Voici maintenant le sens de cette partie de l'article: Après que Jésus-Christ, le sixième jour, à la neuvième heure, eut rendu l'esprit sur la Croix, et que le même jour, vers le soir, Il eut été enseveli par ses disciples - lesquels avec la permission du Procurateur romain Ponce Pilate, avaient descendu son Corps de la Croix, et L'avaient transporté dans un sépulcre neuf, au milieu d'un jardin voisin - le troisième jour après, qui était le Dimanche, de grand matin son âme se réunit de nouveau à son corps. Ainsi, après être resté mort durant ces trois jours, Il reprit la vie qu'Il avait quittée en mourant, et ressuscita.

Et, par ce mot de Résurrection, il ne faut pas seulement entendre que Jésus-Christ s'est réveillé d'entre les morts, comme cela est arrivé à plusieurs autres, mais qu'Il est ressuscité par sa propre Force, par sa Puissance personnelle, ce qui ne peut convenir qu'à Lui seul, car il est contraire à la nature, et personne n'a jamais eu ce pouvoir, de passer par sa propre vertu de la mort à la vie. Cela était réservé à Dieu seul, à sa souveraine Puissance. L'Apôtre nous le dit: [2Co 13,4] S'Il a été crucifié dans son infirmité d'homme, c'est par sa Puissance de Dieu qu'Il est revenu à la vie. Et en effet, la Divinité n'ayant jamais été séparée, ni du Corps de Jésus-Christ pendant qu'Il était dans le tombeau, ni de son Ame pendant qu'elle était descendue aux enfers, ce Corps et cette Ame conservaient une Vertu divine. Et c'est par cette Vertu divine que le Corps pouvait être réuni à l'Ame, que l'Ame pouvait retourner au Corps, et que Jésus-Christ pouvait revivre et ressusciter des morts par sa propre puissance.

David, rempli de l'Esprit de Dieu, avait annoncé ce prodige quand il avait dit: [Ps 97,1] Sa droite et son bras puissant l'ont sauvé. Notre-Seigneur Lui-même nous en avait donné l'assurance de sa propre bouche: [Jn 10,17] Je quitte mon âme pour la reprendre de nouveau. J'ai le pouvoir de la quitter, et J'ai le pouvoir de la reprendre. C'est pour confirmer cette vérité qu'Il disait aux Juifs: [Jn 2,19 Jn 2,21] Détruisez ce temple, et dans trois jours Je le rebâtirai. Sans doute les Juifs croyaient qu'Il parlait de ce magnifique temple de pierre qu'ils avaient sous les yeux ; Lui, voulait parler du temple de son corps, comme le dit saint Jean en termes formels. Et si nous lisons dans quelques passages de nos Saints Livres que Jésus-Christ a été ressuscité par son Père [Ac 2,24 Ac 3,15 Rm 8,11], ces paroles se rapportent à Lui, comme homme ; de même qu'il faut rapporter à sa divinité ces autres paroles de la sainte Écriture [Rm 8,3-4] Il s'est ressuscité par sa propre vertu.

Il y a encore ceci de particulier dans la Résurrection de Jésus-Christ, c'est qu'Il a été le premier de tous qui ait participé à ce bienfait divin. Voilà pourquoi la Sainte Écriture L'appelle [Ap 1,5 Col 1,18] le premier né d'entre les morts, et le premier né des morts. Et Saint Paul nous dit de Lui: [1Co 15,20 et seq.] Le Christ est ressuscité d'entre les morts, comme les prémices de ceux qui dorment. Car si la mort est venue par un homme, c'est aussi par un homme qu'arrive la résurrection. Et de même que tous meurent en Adam, ainsi tous revivront en Jésus-Christ, mais chacun dans son rang, Jésus-Christ d'abord comme les prémices, puis ceux qui sont à Jésus-Christ.

Ces paroles doivent s'entendre de la résurrection parfaite, qui détruit pour nous toute espèce de nécessité de mourir une seconde fois, et nous met en possession d'une vie immortelle. Or, dans ce genre de résurrection, Jésus-Christ tient le premier rang. S'il n'était question en effet que de ce retour à la vie qui n'enlève pas la nécessité de mourir une seconde fois, plusieurs, avant Jésus-Christ, étaient ressuscités aussi ; mais en revenant à la vie ils étaient toujours obligés de mourir de nouveau ; Jésus-Christ, au contraire, vainquit et dompta tellement la mort par sa Résurrection qu'Il ne pouvait plus mourir. C'est l'enseignement formel de Saint Paul: [Rm 6,9] Jésus-Christ ressuscité des morts ne meurt plus. Et la mort désormais n'aura plus d'empire sur Lui.


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§ III. - LE TROISIÈME JOUR.

Ces mots sont ajoutés à l'article. Le Pasteur aura soin de bien les expliquer aux Fidèles, afin qu'ils ne s'imaginent point que Notre-Seigneur Jésus-Christ demeura trois jours entiers dans le tombeau. En effet, Il n'y fut renfermé qu'un jour entier, une partie du jour précédent et une partie du jour suivant. Cela suffit pour que nous puissions dire en toute vérité qu'Il resta trois jours dans le sépulcre et qu'Il ressuscita le troisième jour.

Pour montrer qu'Il était Dieu, Il ne voulut pas différer sa Résurrection jusqu'à la fin du monde ; pour prouver qu'Il était vraiment homme, et réellement mort Il ne ressuscita pas immédiatement après sa mort, mais seulement le troisième jour après. Cet intervalle de temps Lui parut suffisant pour garantir la réalité de sa mort.

Les Pères du premier concile de Constantinople ont ajouté ceci: selon les Ecritures. Ces mots sont empruntés à l'Apôtre, et les Pères dont nous parlons ne les ont transportés dans le Symbole de leur Foi que parce qu'ils avaient appris du même Apôtre combien le mystère de la résurrection était nécessaire. [238] Si Jésus-Christ n'est pas ressuscité, dit Saint Paul aux Corinthiens, notre prédication est vaine, et vaine aussi est votre Foi. Et encore: Si Jésus-Christ n'est pas ressuscité, votre Foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés. Aussi Saint Augustin plein d'admiration pour cet enseignement de notre Foi, s'écriait: [239] C'est peu de croire que Jésus-Christ est mort ; les païens, les Juifs, les méchants le croient. Oui, tous croient qu'Il est mort, mais ce qui caractérise la Foi des Chrétiens, c'est sa Résurrection. Ce qui fait sa grandeur, c'est que nous croyons qu'Il est ressuscité. Voilà pourquoi Notre-Seigneur parlait si fréquemment de sa Résurrection. Et même Il ne s'entretenait pour ainsi dire jamais de sa Passion avec ses disciples, sans ajouter quelques mots sur sa Résurrection. Ainsi, après avoir dit: [240] Le Fils de l'homme sera livré aux gentils, Il sera outragé, fouetté, couvert de crachats, et mis à mort après avoir été flagellé, Il terminait en disant: et le troisième jour Il ressuscitera. Et lorsque les Juifs Lui demandaient de prouver sa doctrine par un signe, par un prodige quelconque, Il leur répondit: [241] que nul autre signe ne leur serait donné que celui du prophète Jonas, [242] et que comme Jonas avait été trois jours et trois nuits dans le ventre d'une baleine, ainsi le Fils de l'homme serait trois jours et trois nuits dans le sein de la terre.

Mais pour mieux pénétrer la profondeur et le sens de cet article, nous devons étudier et savoir trois choses: 1° le pourquoi la Résurrection de Jésus-Christ était nécessaire ; 2° quels étaient la fin et le but de cette Résurrection ; 3° enfin, quels fruits et quels avantages nous en avons retirés.

[238] 1Co 15,12.
[239] Saint Aug. in Psal.,120,4.
[240] Mt 16,21.
[241] Lc 11,29.
[242] Mt 12,39


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§ IV. - CAUSES, FIN eT FRUITS DE LA RÉSURRECTION.

Et d'abord, il était nécessaire que Jésus-Christ ressuscitât, pour faire éclater la justice de Dieu. En effet, Dieu se devait à lui-même de glorifier Celui qui, pour obéir, S'était volontairement humilié et avait accepté tous les outrages. C'est la raison même que nous donne l'Apôtre écrivant aux Philippiens: [243] Il s'est humilié Lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la croix. C'est pourquoi Dieu L'a élevé.

Une seconde raison de la Résurrection, c'est qu'elle était nécessaire pour fortifier en nous la Foi sans laquelle l'homme ne saurait être justifié. Car ce qui prouve le mieux que Jésus-Christ est le Fils de Dieu, c'est sa Résurrection d'entre les morts, et par sa propre vertu.

En troisième lieu, la Résurrection de Notre-Seigneur était nécessaire pour nourrir et soutenir notre espérance. En effet, par le seul fait que Jésus-Christ est ressuscité, nous avons le droit d'espérer d'une manière certaine que nous aussi nous ressusciterons. Car les membres doivent, de toute nécessité, partager le sort de la tête. C'est à cette conclusion que l'Apôtre veut arriver dans ses lettres si motivées aux Fidèles de Corinthe [244] et de Thessalonique [245] ; c'est également le raisonnement du Prince des Apôtres, qui nous dit: [246] Béni soit Dieu le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés par la Résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts, en nous donnant l'espérance vive d'un héritage incorruptible !

Enfin, ajoutons que la Résurrection du Sauveur était nécessaire pour achever le mystère de notre Salut et de notre Rédemption. Par sa mort, Jésus-Christ nous avait délivrés de nos péchés ; par sa Résurrection, Il nous rendait ces biens précieux que le péché nous avait fait perdre. Voilà pourquoi l'Apôtre n'a pas manqué de dire: [247] Jésus-Christ a été livré pour nos péchés, et Il est ressuscité Pour notre justification. Afin que l'oeuvre de notre salut fût complète, la Résurrection de Notre-Seigneur était donc nécessaire, aussi bien que sa mort.

Par tout ce que nous avons dit jusqu'ici, il est facile d'apprécier les avantages considérables que la Résurrection de Notre-Seigneur nous a procurés.

Et d'abord, nous voyons dans ce prodige un Dieu immortel, plein de gloire, vainqueur de la mort et du démon, car tous ces titres appartiennent à Jésus-Christ ; nous le croyons fermement, et nous faisons profession de le croire.

Ensuite la Résurrection du Sauveur nous mérite et nous assure notre propre résurrection. D'une part elle en est la cause efficiente, et d'autre part elle est le modèle d'après lequel nous devons tous ressusciter. Voici en effet ce que nous affirme l'Apôtre en parlant de la résurrection des corps: [248] La mort est venue par un homme, et la résurrection des morts arrivera aussi par un homme. Tant il est vrai que tout ce que Dieu a fait dans le mystère de notre rédemption, Il l'a fait en se servant de l'humanité de son Fils comme d'un moyen efficace. Ainsi sa résurrection a été comme un instrument pour opérer la nôtre. Et nous disons encore qu'elle est le modèle de la nôtre, parce qu'elle est la plus parfaite. De même que le corps de Jésus-Christ, en ressuscitant, s'est élevé dans sa transformation à une gloire immortelle, de même aussi nos corps, aujourd'hui faibles et mortels, seront, après la résurrection, revêtus de gloire et d'immortalité. Car, dit l'Apôtre, [249] nous attendons le Sauveur Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui réformera notre corps humilié, en le rendant semblable à son corps de gloire.

Ce que nous venons de dire du corps peut s'appliquer à l'âme morte par le péché. La Résurrection de Jésus-Christ est le modèle de la sienne. L'Apôtre nous l'enseigne clairement: [250] De même, dit-il, que Jésus-Christ est ressuscité d'entre les morts par la gloire de son Père, ainsi devrons-nous marcher nous-mêmes dans une vie nouvelle. Car si nous avons été entés en lui par la ressemblance de sa mort, nous y serons entés aussi par la ressemblance de sa Résurrection. Et un peu plus loin il dit encore [251]: Nous savons que Jésus-Christ ressuscité d'entre les morts ne meurt plus, et que la mort n'aura plus d'empire sur Lui. Car s'Il est mort pour le péché, Il n'est mort qu'une fois ; et maintenant qu'Il vit, Il vit pour Dieu. Ainsi considérez-vous vous-mêmes comme morts au péché, et comme ne vivant plus que pour Dieu en Jésus-Christ.

Nous avons donc deux choses à faire pour imiter la Résurrection de Jésus-Christ. D'abord, après nous être lavés des souillures du péché, nous devons embrasser un nouveau genre de vie, où l'on puisse voir briller la pureté des moeurs, l'innocence, la sainteté, la modestie, la justice, la charité et l'humilité. Ensuite, il est nécessaire de persévérer dans cette vie nouvelle, de manière à ne jamais nous écarter, avec la grâce de Dieu, de la voie de la justice.

Or, les paroles de l'Apôtre que nous venons de citer ne nous apprennent pas seulement que la Résurrection de Jésus-Christ nous est proposée comme modèle de la nôtre, mais qu'elle nous donne en réalité la vertu de ressusciter un jour, et que, en attendant, elle nous communique les lumières et les forces nécessaires pour persévérer dans la sainteté, dans la justice et dans l'accomplissement des préceptes divins. De même en effet que la mort de notre Sauveur est un modèle de la mort au péché, et que, de plus, elle nous donne la vertu de réaliser en nous ce genre de mort ; de même aussi sa Résurrection nous procure les forces suffisantes pour acquérir la justice, pour servir Dieu dans la piété et dans la sainteté, et pour marcher définitivement dans cette vie nouvelle où nous entrons. Voilà en effet ce que Notre-Seigneur a surtout voulu obtenir par sa Résurrection, c'est que nous, qui auparavant étions morts avec Lui au péché et au monde, nous puissions ressusciter avec Lui à une vie toute nouvelle et parfaitement réglée.

Quelles sont les marques principales de cette résurrection spirituelle ? L'Apôtre a voulu nous en prévenir. [252] Si, dit-il, vous êtes ressuscités avec Jésus-Christ, cherchez ce qui est en haut, où Jésus-Christ est assis à la droite de son Père. C'est bien nous montrer clairement que ceux qui ne cherchent et désirent la vie, les honneurs, le repos. les richesses que là où est Jésus-Christ, ceux-là sont vraiment ressuscités avec Lui. Et quand il ajoute [253]: Aimez les choses du ciel et non celles de la terre, n'est-ce pas nous donner encore une autre marque pour reconnaître si vraiment nous sommes ressuscités avec Notre-Seigneur ? Comme le goût indique habituellement les dispositions du corps, et son degré de santé, de même dès que quelqu'un [254] goûte tout ce qui est vrai, tout ce qui est honnête, tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, dès qu'il éprouve au dedans de lui-même la suavité des choses célestes, c'est la preuve qu'il est vraiment ressuscité à une vie nouvelle et spirituelle, avec Notre-Seigneur Jésus-Christ.

[243] Ph 2,8-9.
[244] 1Co 15,12.
[245] 1Th 4,13.
[246] 1P 1,3.
[247] Rm 4,25.
[248] 1Co 15,21.
[249] Ph 3,20-21.
[250] Rm 6,4-5.
[251] Rm 9,10-11.
[252] Col 3,1.
[253] Col 3,2.
[254] Ph 4,8.



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Chapitre septième - Du sixième article du Symbole

IL eST MONTÉ AUX CIEUX, IL eST ASSIS A LA DROITE DE DIEU, LE PÈRE tOUT PUISSANT

Le Prophète David, rempli de l'Esprit de Dieu, et contemplant l'Ascension si heureuse et si glorieuse de Notre-Seigneur Jésus-Christ, invite tous les hommes à célébrer ce triomphe avec les transports de la joie la plus vive, de l'allégresse la plus entière, et il s'écrie: [255] Toutes les nations, battez des moins pour applaudir, louez Dieu, et poussez des cris de joie: Dieu est monté (au ciel) au milieu des acclamations. Ces paroles peuvent faire comprendre au Pasteur avec quel soin il doit expliquer ce mystère, et avec quel zèle il doit porter les Fidèles, non seulement à le connaître et à le croire, mais encore à l'exprimer autant qu'il est possible, avec la grâce de Dieu, dans leurs actes et dans toute leur conduite.

[255] 1. Ps 46,1 Ps 46,6.


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§ I. - IL eST MONTÉ AU CIEL.

Pour expliquer comme il convient ce sixième article, qui traite spécialement du grand mystère de l'Ascension, il faut d'abord prendre les premiers mots: Il est monté au ciel, et en faire voir clairement le sens et la portée.

Or voici ce que les Fidèles doivent croire sans hésiter et très fermement sur la Personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'est que, après avoir achevé et consommé le mystère de notre Rédemption, Il monta au ciel, comme homme, en corps et en âme. ? Car, comme Dieu, Il y avait toujours été, puisque par sa divinité Il occupe et remplit tous les lieux.

Mais que le Pasteur dise bien que Notre-Seigneur est monté au ciel par sa propre vertu et non par une force étrangère, comme Elie [256] qui y fut transporté sur un char de feu, ou comme le Prophète Habacuc [257], ou le diacre Philippe [258], qui portés en l'air par la puissance divine, parcoururent ainsi des distances considérables. Et ce n'est pas seulement comme Dieu que Jésus-Christ fit son ascension par cette vertu toute-puissante qu'Il tenait de sa divinité même, mais aussi comme homme. Sans doute un pareil prodige dépasse les forces naturelles, mais la puissance dont son âme bienheureuse était douée, pouvait transporter son corps partout où elle voulait. Et son corps, déjà glorifié, obéissait sans peine aux ordres de l'âme dans tous les mouvements qu'elle lui imprimait.

Voilà pourquoi nous croyons que Jésus-Christ est monté au ciel par sa propre vertu, et comme homme et comme Dieu.

[256] 4. 1S 2,11.
[257] Da 14,35.
[258] Ac 8,39.

La seconde partie de notre article est celle-ci:



702


§ II. - IL eST ASSIS A LA DROITE DU PÈRE tOUT-PUISSANT

Remarquons tout d'abord que ces mots renferment un trope, c'est-à-dire un de ces changements de signification très usités dans la Sainte Écriture. Pour s'accommoder à notre manière de nous représenter les choses, cette figure prête à Dieu des membres d'homme, des affections humaines [259], bien qu'il soit impossible de rien concevoir en Lui de corporel, puisqu'Il est esprit. Mais parce que, parmi les hommes, placer quelqu'un à sa droite, c'est lui donner la plus grande marque d'honneur, on a transporté l'idée de cette coutume aux choses spirituelles, et pour mettre dans tout son jour la gloire que Jésus-Christ s'est acquise, et qui L'élève comme homme au-dessus de toutes les créatures, nous disons qu'Il est assis à la droite de son Père.

De même encore cette expression être assis ne représente pas ici la forme et la position du corps, elle signifie la possession ferme et constante de la puissance royale et de la gloire infinie que Jésus-Christ a reçue de son Père. Car, dit l'Apôtre [260], son Père, après L'avoir ressuscité d'entre les morts, L'a fait asseoir à sa droite dans le ciel, au-dessus de toutes les Principautés, de toutes les Puissances, de toutes les Vertus, de toutes les Dominations et de tout ce que l'on peut trouver de plus grand, soit dans le siècle présent, soit dans le siècle futur, et Il a mis toutes choses sous ses pieds. De telle paroles font voir manifestement que cette gloire est tellement propre et particulière à notre Seigneur, qu'elle ne peut convenir il aucune autre créature. Et c'est ce qui a fait dire ait même Apôtre dans un autre endroit [261]: Qui est celui des Anges à qui Dieu a jamais dit: asseyez-vous à ma droite ?

Les Pasteurs auront soin d'expliquer plus longuement le sens de cet article, en rapportant l'histoire de l'Ascension, telle que saint Luc [262] l'a décrite avec une exactitude admirable au livre des Actes des Apôtres ; et, dans leurs explications, ils devront faire remarquer avant tout que les autres mystères de Jésus-Christ se rapportent à l'Ascension comme à leur fin, et qu'ils y trouvent leur perfection et leur complet achèvement. De même en effet que tous les mystères de notre religion commencent à l'Incarnation, de même aussi le séjour du Sauveur parmi nous se termine à son Ascension.

Les autres articles du Symbole qui s'appliquent à Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous montrent son humilité, et ses prodigieux abaissements. En effet, on ne saurait rien imaginer de plus bas et de plus abject pour le Fils de Dieu, que d'avoir pris notre nature avec toutes ses faiblesses, et d'avoir bien voulu souffrir et mourir pour nous. Mais aussi en proclamant dans l'article précédent qu'Il est ressuscité d'entre les morts, et, dans celui-ci, qu'Il est monté au ciel et qu'Il est assis à la droite de Dieu son Père, nous ne pouvons rien dire de plus magnifique ni de plus admirable pour célébrer sa Gloire et sa divine Majesté.

Ces développements une fois donnés, il reste à expliquer soigneusement pourquoi Jésus-Christ est monté aux cieux.

[259] Dionys. Areop. Ep.,9.
[260] Ep 1,20.
[261] He 1,13.
[262] Ac 1.


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§ III. - CAUSES ET RAISONS DE L'ASCENSION DE nOTRE-SEIGNEUR.

Notre-Seigneur est monté au ciel, en premier lieu, parce que son Corps devenu glorieux et immortel par sa Résurrection, ne pouvait plus se contenter du séjour de cette terre basse et obscure, il Lui fallait désormais les hauteurs et les splendeurs du ciel. Et cela, non seulement pour entrer en possession de ce Royaume et de ce trône de gloire qu'Il avait conquis par son Sang, niais encore pour y prendre soin de ce qui regarde notre Salut.

En second lieu, Jésus-Christ est monté au ciel pour prouver que son Royaume n'était réellement pas de ce monde [263]. Les royaumes de ce monde sont terrestres et passagers ; ils ne se soutiennent que par l'argent et par l'épée. Le Royaume de Jésus-Christ n'est pas terrestre, comme les Juifs l'attendaient ; il est spirituel et éternel. Et notre Sauveur nous a bien montré que ses trésors et ses richesses sont purement spirituels, puisqu'Il a voulu placer son trône dans le ciel, dans ce royaume où les plus riches, et ceux qui possèdent une plus grande abondance de biens sont ceux qui cherchent avec le plus de zèle les choses de Dieu. L'Apôtre Saint Jacques ne nous assure-t-il pas que [264] Dieu a choisi les pauvres de ce monde, pour leur donner les richesses de la Foi et l'héritage du Royaume qu'Il a promis à ceux qui L'aiment ?

Il est une troisième raison pour laquelle Jésus-Christ est monté au ciel, c'est qu'Il voulait exciter dans nos coeurs la pensée et le désir de L'y suivre. De même qu'Il nous avait laissé dans sa Mort et dans sa Résurrection le modèle d'une mort et d'une résurrection spirituelles, ainsi par son Ascension, Il veut nous apprendre et nous persuader que tout en restant ici-bas, nous devons par la pensée nous transporter jusque dans le ciel, et reconnaître, comme dit Saint Paul, que nous ne sommes sur la terre [265] que des hôtes et des étrangers, à la recherche de notre patrie [266], et comme les membres de la cité des Saints et de la maison de Dieu. En effet, dit encore le même Apôtre [267], nous vivons déjà dans le ciel.

Quant aux biens ineffables que la Bonté de Dieu a répandus sur nous par ce mystère, le divin Prophète David, d'après Saint Paul lui ?même, les avait célébrés longtemps auparavant quand il chantait: [268] en montant au ciel, Il a emmené captifs une multitude d'esclaves, et Il a versé ses dons sur les hommes.

En effet, dix jours après son Ascension, Il envoya le Saint-Esprit qui, par sa vertu et sa fécondité, produisit cette multitude de fidèles que nous voyons. Ainsi Il accomplit véritablement les magnifiques promesses qu'Il avait faites en disant à ses Apôtres: [269] Il vous est avantageux que Je m'en aille, car si Je ne m'en vais point, le Consolateur ne viendra point vers vous, mais si Je m'en vais, Je vous L'enverrai.

Il est encore monté au ciel, selon la pensée de l'Apôtre, [270] afin de se présenter maintenant pour nous devant la Face de Dieu, et de remplir auprès de son Père l'office d'Avocat, Mes petits enfants, dit Saint Jean [271], je vous écris ceci, afin que vous ne péchiez point ; mais si quelqu'un pèche, nous avons pour Avocat auprès du Père, Jésus-Christ, qui est juste, et qui est Lui-même la Victime de propitiation pour nos péchés. Or, rien n'est plus propre a inspirer une joie solide et véritable aux Fidèles, que de voir Jésus-Christ devenu le défenseur de leur cause et leur intercesseur dans l'affaire du Salut, Lui qui jouit auprès de son Père d'un pouvoir et d'une faveur sans bornes.

En dernier lieu, Jésus-Christ nous a préparé [272] dans le ciel la place qu'Il nous y avait promise et c'est au nom de tous et comme notre Chef qu'Il a pris possession de la gloire céleste.

En entrant dans le ciel, Il nous en a ouvert les portes, que le péché d'Adam avait fermées, et Il nous a préparé un chemin sûr pour nous conduire au bonheur éternel, ainsi qu'Il l'avait prédit à ses Apôtres pendant la Cène. Et ce fut pour montrer encore mieux la sincérité de ses promesses par leur accomplissement, qu'après avoir arraché à l'enfer les âmes des Saints, Il les emmena avec Lui dans le séjour de la béatitude éternelle.

A tous ces dons célestes, si précieux et si nombreux, qui sont pour nous le fruit de l'Ascension du Sauveur, viennent encore se joindre plusieurs autres avantages.

D'abord, l'Ascension met le comble au mérite de notre Foi, car la Foi s'applique aux choses qui ne se voient point, et qui dépassent la raison et l'intelligence de l'homme. C'est pourquoi notre Foi aurait perdu beaucoup de son mérite, si Notre-Seigneur ne nous avait pas quittés, puisque Lui-même proclame [273] bienheureux ceux qui croient, quoiqu'ils n'aient point vu !

Ensuite l'Ascension est très propre à confirmer en nous la vertu d'Espérance. C'est qu'en effet, si nous croyons que Jésus-Christ, comme homme, est monté au ciel, et qu'Il a fait asseoir la nature humaine à la droite de Dieu le Père, nous avons un puissant motif d'espérer que nous, qui sommes ses membres, nous y monterons aussi, et que nous nous réunirons à notre Chef. Lui-même d'ailleurs nous en a donné l'assurance par ces paroles: [274] Mon Père, Je veux que là où Je suis, ceux que Vous M'avez donnés soient avec moi.

Un des plus grands avantages que nous procure encore l'Ascension, c'est d'avoir entraîné vers le ciel l'amour de notre coeur et de l'avoir enflammé du feu du Saint-Esprit. On a dit très justement que [275] là où est notre trésor, là aussi est notre coeur. Si donc Notre-Seigneur Jésus-Christ eÛt continué à demeurer avec nous sur la terre, nous aurions borné toutes nos pensées à Le voir dans son humanité, et à vivre dans sa compagnie ; nous n'aurions regardé en Lui que l'homme, qui aurait été si bon pour nous, et notre affection pour Lui eût été toute naturelle. Mais en montant au ciel, Il a spiritualisé notre amour, et par le fait comme nous ne pouvons plus être avec Lui que par la pensée à cause de son absence, nous l'honorons et nous l'aimons comme Dieu. C'est ce que nous apprend, d'une part l'exemple des Apôtres: tant que le Sauveur fut avec eux, ils n'avaient pour Lui que des sentiments tout humains. C'est ce que nous confirme, d'autre part, le témoignage de Notre-Seigneur Jésus-Christ Lui-même: [276] Il vous est avantageux que Je m'en aille, dit-il à ses Apôtres. Car cet amour imparfait qu'ils avaient pour Lui, pendant qu'Il était avec eux, devait être perfectionné par un amour divin, c'est-à-dire par la venue du Saint-Esprit en eux. Aussi ajoute-t-il aussitôt: [277] si Je ne m'en vais point, le Consolateur ne viendra point vers vous.

Il convient d'ajouter à ce que nous venons de dire que l'Ascension a marqué sur la terre le véritable développement de la maison de Jésus-Christ, c'est-à-dire de son Eglise, qui allait être dirigée et conduite par le Saint-Esprit. Pour Le représenter auprès des hommes, il mit à la tête de cette Eglise, comme premier Pasteur et comme souverain Prêtre, Pierre le prince des Apôtres, et de plus Il établit [278] des Apôtres, des Prophètes, des Évangélistes, des Pasteurs et des Docteurs: et de la droite de son Père où il est assis, Il ne cesse de distribuer à chacun les dons qui lui conviennent. C'est l'enseignement formel de l'Apôtre. [279] La grâce, dit-il, est donnée à chacun de nous selon la mesure du don de Jésus-Christ.

Enfin ce que nous avons dit précédemment de la Mort et de la Résurrection de Notre-Seigneur, est également vrai de son Ascension: Il faut le faire remarquer aux Fidèles. C'est qu'en effet, quoique nous soyons redevables de notre Salut et de notre Rédemption à la Passion du Sauveur, quoique ses mérites aient ouvert aux justes la porte du ciel, cependant son Ascension n'est point seulement un modèle placé devant nos yeux pour nous apprendre à élever nos âmes, et à monter en esprit dans le ciel, elle nous donne aussi une force et une vertu divine qui nous rend capables d'atteindre réellement le but.

[263] Jn 18,36.
[264] Jc 2,5.
[265] He 11,13.
[266] Ep 2,19.
[267] Ph 3,20.
[268] Ps 67,19 Ep 4,8.
[269] Jn 16,7-8 Ac 1,4-5
[270] He 9,24.
[271] Jn 2,1.
[272] Jn 14,2.
[273] Jn 20,29.
[274] Jn 17,24.
[275] Mt 6,21.
[276] Jn 16,7.
[277] Jn 16,7.
[278] Ep 4,11.
[279] Ep 4,7.




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Chapitre huitième - Du septième article du Symbole

D'OÙ IL VIENDRA JUGER LES VIVANTS eT LES MORTS.

Notre-Seigneur Jésus-Christ remplit à notre égard trois offices, trois ministères d'une importance capitale, et bien propres à relever l'honneur et la gloire de l'Église, ce sont ceux de Rédempteur, d'Avocat et de Juge. Dans les articles qui précèdent nous avons fait voir que par sa Passion et sa Mort Il a racheté tous les hommes, que par son Ascension Il est devenu à jamais leur Avocat et leur Défenseur. Il nous reste à montrer maintenant qu'Il est aussi leur Juge.



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§ I. - CERTITUDE DU JUGEMENT.

Voici le sens et la portée de cet Article: Au dernier jour, Notre-Seigneur Jésus-Christ jugera le genre humain tout entier. Les Saintes Écritures, en effet, mentionnent deux avènements du Fils de Dieu: le premier, lorsque pour nous sauver Il a pris notre nature, et s'est fait homme dans le sein d'une vierge ; le second, quand, à la consommation des siècles, Il viendra pour juger tous les hommes. Ce dernier avènement est appelé, dans l'Ecriture, le jour du Seigneur. Le jour du Seigneur, dit l'Apôtre, [280] viendra comme un voleur dans la nuit, - personne ne connaît ce jour ni cette heure, dit le Sauveur Lui-même [281]. Pour prouver la réalité de ce jugement, Il nous suffira de citer cette parole de l'Apôtre: [282] nous devons tous comparaître devant le tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes ou aux mauvaises actions qu'il aura faites, pendant qu'il était revêtu de son corps. L'Ecriture est remplie d'une foule de témoignages que les Pasteurs trouveront partout, et qui non seulement prouvent cette Vérité, mais peuvent la rendre sensible aux Fidèles. Et si, d'après ces témoignages, dès le commencement du monde, tous les hommes ont désiré très ardemment ce jour du Seigneur où Il revêtit notre chair, parce qu'ils mettaient dans ce mystère l'espoir de leur délivrance, aujourd'hui que le Fils de Dieu est mort et qu'Il est monté au ciel, nos soupirs et nos désirs les plus ardents doivent être pour cet autre jour du Seigneur, [283] où nous attendons la réalisation de la bienheureuse espérance et l'Avènement glorieux du grand Dieu.

[280] 1Th 5,2.
[281] Mt 24,36.
[282] 2Co 5,10.
[283] Tt 2,13.

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§\i II. - DEUX JUGEMENTS, L'UN PARTICULIER eT L'AUTRE GÉNÉRAL.

Pour bien mettre en lumière cette vérité, les Pasteurs auront soin de distinguer deux temps différents où chacun de nous doit nécessairement comparaître devant Dieu, pour rendre compte de toutes ses pensées, de toutes ses actions, de toutes ses paroles, et pour entendre, séance tenante, la sentence de son Juge.

Le premier arrive au moment où nous venons de quitter la vie. A cet instant-là même, chacun paraît devant le tribunal de Dieu, et là il subit un examen rigoureux sur tout ce qu'il a fait, tout ce qu'il a dit, tout ce qu'il a pensé pendant sa vie. C'est ce qu'on appelle le Jugement particulier.

L'autre arrivera lorsque tous les hommes réunis ensemble, le même jour et dans le même lieu, comparaîtront devant le tribunal de leur Juge. Là, sous les yeux de tous les hommes de tous les siècles, tous et chacun entendront le Jugement que Dieu aura porté sur eux. Et cette sentence ne sera pas la moindre peine et le moindre châtiment des impies et des scélérats. Au contraire, les Saints et les Justes y trouveront une partie de leur récompense, puisque leur conduite y sera manifestée, telle qu'elle aura été pendant la vie.

Ce jugement s'appelle le Jugement général. Mais ici il faut nécessairement montrer pourquoi, après un Jugement particulier pour chacun, les hommes doivent subir encore un Jugement général pour tous.




Catéchisme C. Trente 60