Catéchisme C. Trente 803

803



§ III. - RAISONS DU JUGEMENT GÉNÉRAL.

Les hommes, en mourant, laissent habituellement des disciples, ou des amis qui imitent leurs exemples, s'attachent à leurs maximes, défendent leur conduite et leurs actions. De là une augmentation nécessaire dans leurs peines et leurs récompenses d'outre-tombe. Mais cette influence bonne ou mauvaise que le plus grand nombre d'entre eux continue d'exercer après la mort, ne peut finir qu'au dernier jour du monde. La Justice demande donc qu'une enquête rigoureuse soit faite sur toutes ces paroles, toutes ces actions dignes de louange ou de blâme. Ce qui est impossible sans un jugement général de tous les hommes.

Une autre raison, c'est que souvent la réputation des bons est attaquée, pendant que les méchants reçoivent les louanges dues à l'innocence. La Justice divine veut que les bons recouvrent, dans une assemblée générale de tous les hommes, et par un jugement solennel, l'estime qu'ils méritent, et qui leur a été injustement ravie ici-bas.

D'autre part, chez les bons comme chez les méchants, les corps ne sont jamais étrangers aux actes de cette vie. Le bien et le mal appartiennent donc à nos corps d'une certaine manière, puisque nos corps ont été l'instrument de l'un et de l'autre. Voilà pourquoi il était de toute convenance de décerner pour les corps, aussi bien que pour les âmes, les récompenses ou les châtiments éternels que tous les deux méritent. Or ce double but ne peut être atteint qu'avec la Résurrection et le Jugement général de tous les hommes.

Enfin, comme sur cette terre, l'adversité et la prospérité, sont presque indifféremment le partage des bons et des méchants, il fallait prouver que la Sagesse et la Justice infinie de Dieu conduisent et gouvernent toutes choses.

Or ce n'était pas assez qu'il y eût dans l'autre monde des récompenses pour les bons et des châtiments pour les méchants, ces récompenses et ces châtiments devaient être décernés dans un Jugement publie et général. C'était le moyen de les faire connaître à tous d'une manière très éclatante, et d'obliger tous les hommes à rendre à la Justice et à la Providence de Dieu les louanges qu'elle mérite. N'avait-on pas vu plus d'une fois les justes eux-mêmes, pendant leur séjour sur cette terre, se plaindre injustement de cette Providence, lorsque les méchants auprès d'eux vivaient au sein de l'opulence et des honneurs ? Mes pieds ont chancelé, disait le Prophète David lui-même [284], mes pas se sont presque détournés de la voie, parce que j'ai vu avec jalousie et avec regret la paix des pécheurs. Voilà, dit-il un peu plus loin, voilà que les pécheurs et les heureux du siècle ont acquis les richesses, et j'ai dit: C'est donc en vain que j'ai gardé mon coeur pur et que j'ai conservé mes mains innocentes, puisque je suis frappé de plaies tout le jour, et que je suis châtié dès le matin. Et cette plainte. plusieurs autres l'ont fait entendre comme lui. Il fallait donc de toute nécessité un Jugement général, pour que les hommes ne disent pas: Dieu se promène dans le ciel, sans se soucier des choses de la terre [285]. C'est donc avec raison que l'on a placé cette Vérité au nombre des douze Articles de notre Foi, pour affermir la croyance de ceux qui auraient pu douter de la Justice et de la Providence de Dieu.

D'ailleurs, il était souverainement utile de proposer ce Jugement de Dieu aux bons et aux méchants, pour consoler les uns et effrayer les autres, pour empêcher les premiers de se décourager en leur faisant connaître la Justice de Dieu, et pour détourner les seconds du mal par la crainte des éternels supplices.

Aussi Jésus-Christ, notre Dieu et Sauveur, en parlant du dernier jour, a-t-il déclaré Lui-même qu'il y aurait un Jugement général. Il en a marqué les signes avant-coureurs [286], afin qu'en les voyant arriver, il nous fût possible de connaître que la fin du monde est proche. Puis au moment même oÙ Il montait au ciel, il envoya des Anges consoler par ces paroles ses Apôtres attristés: [287] Ce Jésus qui vient de vous quitter, et de s'élever dans le ciel, reviendra un jour de la même manière que vous L'avez vu y monter.

[284] Ps 72,2-3
[285] Jb 22,14.
[286] Mt 24,29
[287] Ac 1,11


804

§ IV. - POURQUOI LE JUGEMENT DONNÉ A JÉSUS-CHRIST.

Nos Saints Livres affirment que ce Jugement a été réservé à Notre-Seigneur Jésus-Christ, non seulement comme Dieu, mais comme homme. Il est vrai que le pouvoir de juger est commun aux trois Personnes de la Sainte Trinité, cependant nous l'attribuons spécialement au Fils, comme nous Lui attribuons la Sagesse. Que le Fils doive donc juger le monde comme homme, c'est ce qu'Il nous assure Lui-même: [288] Comme le Père, dit-Il, a la vie en Lui-même, ainsi il a donné au Fils d'avoir aussi la vie en Lui-même ; et il lui a donné la puissance de faire le Jugement, parce qu'il est le Fils de l'homme.

Il était d'ailleurs de toute convenance que ce Jugement fût exercé par Jésus-Christ. Puisqu'il s'agissait de juger des hommes, ces hommes ne devaient-ils pas voir leur Juge des yeux de leur corps, entendre de leurs oreilles la sentence prononcée, et connaître enfin leur Jugement par leurs propres sens ? n'était-ce pas aussi une justice à rendre à Jésus-Christ ? Sur la terre, Il avait été jugé et condamné de la manière la plus inique par des juges pervers, ne devait-Il pas après cela se montrer à son tour à tous les yeux, assis sur son tribunal pour juger tous les hommes ? C'est pourquoi le prince des Apôtres, après avoir exposé dans la maison de Corneille les principales vérités de la Religion chrétienne, après avoir enseigné que Jésus-Christ avait été attaché à la Croix et mis à mort par les Juifs et que le troisième jour Il était ressuscité, a soin d'ajouter: [289] Et Il nous a ordonné de prêcher au peuple, rendre témoignage que c'est Lui qui a été établi de Dieu le Juge des vivants et des morts.

[288] Jn 5,26-27.
[289] Ac 10,42.


805



§ V. - SIGNES PRÉCURSEURS DU JUGEMENT.

Trois principaux signes, nous dit la sainte Écriture, doivent précéder le Jugement général: la prédication de l'Évangile par toute la terre, l'apostasie, et l'Antéchrist. En effet, Notre-Seigneur Jésus-Christ nous déclare que [290] l'Evangile du Royaume sera prêché dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations, et alors viendra la consommation. A son tour, l'Apôtre nous prévient [291] de ne pas nous laisser séduire, en croyant que le jour du Seigneur est proche. Car tant que l'apostasie ne sera point arrivée, et que l'homme dit péché n'aura point paru, le Jugement n'aura pas lieu.

Pour ce qui regarde la forme et la nature du Jugement, les Pasteurs s'en feront facilement une juste idée, en l'étudiant dans les prophéties de Daniel, les saints Evangiles, et l'Apôtre Saint Paul.

[290] Mt 24,14.
[291] 1Th 2,3.


806

§ VI. - LA SENTENCE DES BONS eT CELLE DES MÉCHANTS.

Il faut ici examiner et peser avec le plus grand soin les termes mêmes de la sentence du Souverain Juge. Jésus-Christ, notre Sauveur, jetant un regard de complaisance sur les bons placés à sa droite, leur dira avec une bonté infinie: [Mt 25,3-44] Venez, les bénis de mon Père ; possédez le Royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. Il est facile de comprendre que l'on ne peut rien entendre de plus agréable que ces paroles, surtout si on les compare à la condamnation des méchants, et si l'on réfléchit en soi-même que cette sentence appelle les Saints et les Justes, des fatigues au repos, d'une vallée de larmes à des joies ineffables, de toutes les misères de la vie à la béatitude éternelle qu'ils auront méritée par l'exercice de la Charité.

Se tournant ensuite vers ceux qui seront à sa gauche, Il laissera éclater contre eux sa Justice en ces termes: [Mt 25,41] Retirez-vous de Moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé au démon et à ses anges. - Ces premiers mots: retirez-vous de Moi, expriment la plus grande peine qui frappera les réprouvés, celle d'être chassés et privés entièrement de la vue de Dieu, sans être consolés par l'espérance de rentrer jamais en possession d'un Bien si parfait. C'est cette peine que les théologiens appellent la peine du dam, parce que les damnés dans l'enfer seront privés pour toujours des splendeurs de la vue de Dieu ? Le mot qui vient ensuite: maudits, augmente encore cruellement leur effroyable malheur. En effet, si, au moment de les chasser de sa Présence, Dieu avait daigné laisser tomber sur eux la moindre bénédiction, ils en auraient éprouvé un grand soulagement. Mais, hélas ! ils n'ont rien de pareil à attendre pour adoucir leur souffrance, et la Justice divine, en les bannissant, n'aura que trop raison de les accabler de toutes ses malédictions.

Dans le feu éternel.Ces mots désignent un autre genre de peine, que les théologiens appellent la peine du sens, parce que les sens du corps en sont les organes, comme dans le supplice des verges, des fouets, ou d'autres plus graves. Mais si, de tous les tourments, le plus sensible et le plus douloureux est celui du feu, et si, d'autre part, on ajoute à cela que ces tourments n'auront jamais de fin, on demeurera convaincu que la punition des damnés est le comble de tous les châtiments. Et ce qui fait mieux sentir encore l'excès de leur malheur, ce sont ces mots qui terminent la sentence du Souverain Juge: [Mt 25,41] qui a été préparé au démon et à ses anges. Notre nature est ainsi faite que nous supportons plus facilement tous les maux qui nous atteignent, lorsque nous tombons sur des compagnons d'infortune dont la prudence et la bonté peuvent les adoucir en quelque manière. Mais quel ne sera pas le terrible malheur des réprouvés lorsque, au milieu de leurs tortures, ils se verront dans l'impossibilité de s'arracher à la compagnie des démons, ces êtres si pervers ? Cependant la sentence de condamnation portée contre eux par le Sauveur sera parfaitement juste, puisque, dans leur impiété, ils auront négligé tous les devoirs que la vraie piété leur imposait, refusé de donner à manger à celui qui avait faim, à boire à celui qui avait soif, repoussé les étrangers sans leur donner l'hospitalité, n'auront point vêtu celui qui était nu, ni visité les prisonniers et les malades.

Voilà des vérités que les Pasteurs doivent redire aux Fidèles le plus souvent possible, afin de les en pénétrer. Rien de plus puissant, si on les croit fermement, pour réprimer les mauvaises passions du coeur, et pour éloigner les hommes du péché. Aussi l'Ecclésiastique nous dit-il: [Si 7,40] Dans toutes vos oeuvres, souvenez-vous de vos fins dernières, et vous ne pécherez jamais. C'est qu'en effet, il faudrait être poussé au mal avec une violence extraordinaire, pour n'être pas ramené à l'amour de la Vertu par cette pensée qu'un jour il faudra paraître devant le Juge, qui est la Justice même, et Lui rendre compte non seulement de toutes ses actions, de toutes ses paroles, mais même de ses pensées les plus secrètes, et subir le châtiment qu'elles auront mérité. Le juste au contraire ne peut que se sentir de plus en plus porté à la pratique de la Sainteté. Sa joie sera grande, même au sein de la pauvreté, de l'ignominie et des tourments, s'il élève ses pensées vers ce jour glorieux où, après les combats de cette vie pleine de misères, il sera proclamé vainqueur devant tout l'univers, introduit dans la Patrie céleste et comblé d'honneurs divins et éternels. Ici les Pasteurs n'ont donc plus qu'à exhorter les Fidèles, et ils n'y manqueront pas, à ordonner leur vie le mieux possible, à s'exercer à toutes les oeuvres de la piété, afin qu'ils puissent attendre avec une parfaite confiance ce grand jour du Seigneur, et même le désirer avec la plus vive ardeur, comme il convient à des enfants (qui veulent aller vers leur Père).


1080

Chapitre neuvième - Du huitième article du Symbole


JE CROIS AU SAINT-ESPRIT.



901

§ I. - nÉCESSITÉ DE LA FOI AU SAINT-ESPRIT.

Jusqu'ici nous avons parlé de la première et de la seconde Personne de la Sainte Trinité, et nous avons donné sur ce double sujet les explications convenables. Il s'agit maintenant d'exposer ce que le Symbole nous enseigne sur la troisième Personne qui est le Saint-Esprit. C'est un point qui réclame tout le zèle et toute l'application des Pasteurs.

Car il n'est pas plus loisible aux Chrétiens d'ignorer ou de mal connaître cet Article, que les Articles précédents. Aussi l'Apôtre [296] ne voulut-il point laisser un certain nombre d'Ephésiens dans l'ignorance où ils étaient par rapport au Saint-Esprit. Leur ayant demandé s'ils L'avaient reçu, ils lui répondirent qu'ils ne savaient même pas s'il y avait un Saint-Esprit. Aussitôt il leur fit cette question: Quel Baptême avez-vous donc reçu ? Ces paroles nous montrent que les Fidèles sont rigoureusement obligés d'avoir une connaissance spéciale de cet Article. Et le premier fruit qu'ils en retireront c'est que s'ils considèrent sérieusement que tout ce qu'ils possèdent, ils le doivent à la libéralité et à la bonté de l'Esprit-Saint ils deviendront plus humbles et plus modestes dans leurs pensées et leurs sentiments sur eux-mêmes, et ils placeront toute leur espérance dans le secours de Dieu. Or, n'est-ce pas là, pour le Chrétien, le premier pas vers la Sagesse, et par suite vers le Bonheur éternel ?

[296] Ac 19,2.


902



§ II. - CE QUE C'EST QUE LE SAINT-ESPRIT.

Pour commencer, il faut bien expliquer d'abord quelle idée et quel sens on attache ici au mot Saint-Esprit. C'est qu'en effet il peut s'appliquer aussi bien au Père et au Fils. (Tous deux sont esprits, et tous deux sont Saints, et nous faisons profession de croire que Dieu est esprit.) D'autre part, on donne également ce nom aux Anges et aux âmes des justes. Il faut donc prendre garde qu'il n'y ait ni équivoque, ni erreur dans l'esprit des Fidèles. Par conséquent il est nécessaire de leur apprendre que par le Saint-Esprit on entend ici la troisième Personne de la Sainte Trinité. C'est ainsi qu'on L'appelle quelquefois dans l'Ancien testament, et très souvent dans le nouveau. David dit à Dieu dans sa prière: [297] n'éloignez pas de moi votre Saint-Esprit. Le Sage s'écrie: [298] qui connaîtra vos desseins Seigneur, sinon celui à qui Vous donnerez la Sagesse, et à qui Vous enverrez d'en haut votre Esprit-Saint ? - Dans un autre endroit, il dit: [299] Dieu a créé la Sagesse dans le Saint-Esprit. - Dans le nouveau testament [300] Jésus-Christ ordonne de baptiser les nations au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Nous y lisons que la très Sainte [301] Vierge a conçu par le Saint-Esprit. Enfin Saint Jean nous renvoie à Jésus-Christ pour qu'Il nous baptise dans le Saint-Esprit [302] ; sans parler d'un grand nombre d'autres textes de nos Saints Livres où nous rencontrons la même expression.

Et personne ne doit trouver étrange qu'on n'ait pas donné de nom particulier à la troisième Personne de la Sainte Trinité, aussi bien qu'à la première et à la seconde. Si la seconde Personne a un nom qui Lui est propre, si elle s'appelle le Fils, c'est que sa naissance éternelle du Père s'appelle proprement génération, comme nous l'avons dit dans les précédents articles. Et du moment que cette naissance peut porter le nom de génération, nous avons le droit d'appeler Fils la Personne qui émane, et Père, celle de qui elle émane. Mais comme l'émanation de la troisième Personne n'a pas de nom qui Lui soit propre, et qu'on L'appelle simplement aspiration et procession (qui sont des noms communs), par cela même, la Personne ainsi produite manque nécessairement de dénomination particulière. Et la raison en est que tous les noms que nous donnons à Dieu, nous sommes forcés de les emprunter aux choses créées. Et comme d'autre part nous ne connaissons pas, dans les créatures, d'autre communication de nature et d'essence que celle qui se fait par voie de génération. il nous est impossible d'exprimer par un nom propre cette communication que Dieu fait de Lui-même et de son Etre tout entier par voie d'amour. C'est pourquoi la troisième Personne de la Sainte Trinité porte la dénomination commune d'Esprit-Saint ; dénomination d'ailleurs qui Lui convient parfaitement, parce que, d'une part, c'est elle, la troisième Personne, qui répand dans nos âmes la vie spirituelle (la vie de l'Esprit) et parce que, d'autre part, sans le souffle et l'inspiration de cet esprit très Saint, nous ne pouvons rien faire qui mérite la Vie Eternelle.

Le sens du mot Saint-Esprit étant bien expliqué, il faut ensuite enseigner au peuple que le Saint-Esprit est Dieu, comme le Père et le Fils, qu'Il leur est égal en toutes choses, Tout-Puissant comme eux, éternel comme eux, et comme eux d'une perfection, d'une grandeur, d'une bonté, d'une sagesse infinie, en un mot qu'Il a la même nature. Cette égalité est suffisamment indiquée par ce petit mot: en, que nous employons, quand nous disons: Je crois en l'Esprit-Saint. Ce mot nous le plaçons en effet devant le nom de chaque Personne de la Sainte Trinité: (Je crois en Dieu, et en Jésus-Christ) c'est une manière d'exprimer la plénitude et la force de notre Foi.

Du reste cette Vérité a pour elle les témoignages les moins douteux de la Sainte Écriture. Par exemple, lorsque Saint Pierre dans les Actes des Apôtres, dit: [303] Ananie, pourquoi Satan a-t-il tenté votre coeur, au point de vous faire mentir au Saint-Esprit ? il ajoute aussitôt: ce n'est point aux hommes que vous avez menti, mais à Dieu ; donnant ainsi le nom de Dieu à Celui qu'il venait d'appeler le Saint-Esprit. De même l'Apôtre écrivant aux Corinthiens applique au Saint-Esprit le nom de Dieu qu'il venait de prononcer. [304] Il y a, leur dit-il, diversité d'opérations, mais c'est le même Dieu qui opère tout en tous. Et il ajoute: oui, c'est un seul et même esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons comme il Lui plaît. De plus, le même Apôtre attribue au Saint-Esprit, dans le Livre des Actes, ce que les Prophètes rapportent à Dieu seul. Isaïe avait dit: [305] J'ai entendu cette voix du Seigneur: qui enverrai-je ? Puis, Il me dit: Va, dis à ce peuple: votre coeur s'appesantit, et vos oreilles deviennent sourdes, et vous bouchez vos yeux pour ne pas voir, et vous fermez vos oreilles pour ne pas entendre. Or, l'Apôtre, citant ces paroles, (et s'adressant aux Juifs) s'exprime ainsi [306] ce que le Saint-Esprit a dit par la bouche du Prophète Isaïe est bien vrai.

D'un autre côté, lorsque nous voyons la Sainte Écriture joindre la Personne du Saint-Esprit à la Personne du Père et du Fils, comme dans l'endroit où elle ordonne de conférer le Baptême au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, aucun doute n'est plus possible sur la vérité de ce mystère ; car si le Père est Dieu, et si le Fils est Dieu, nous sommes obligés de reconnaître que le Saint-Esprit l'est aussi, puisque l'Ecriture Le met sur le même rang que le Père et le Fils.

De plus, le fait d'être baptisé au nom d'une créature quelconque ne peut procurer aucun avantage. Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés, dit l'Apôtre ? [307] et en parlant ainsi, il voulait faire entendre évidemment qu'un baptême de ce genre serait inutile pour le Salut. Si donc nous sommes baptisés au nom du Saint-Esprit, nous devons confesser qu'Il est Dieu.

Ce même ordre des trois Personnes divines, qui nous fournit la preuve de la divinité du Saint-Esprit, se remarque également dans cette Épître de Saint Jean, où nous lisons [308] Il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel le Père, le Verbe et l'Esprit-Saint, et ces trois ne sont qu'une seule et même chose. Cet ordre se retrouve aussi dans cet éloge magnifique de la Sainte Trinité qui termine les Psaumes et les Cantiques sacrés: Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit !

Enfin ce qui confirme puissamment cette Vérité, c'est que l'Ecriture Sainte attribue d'une manière formelle au Saint-Esprit tout ce qui, selon les données de la Foi, n'est propre qu'à Dieu seul. Ainsi elle lui reconnaît des temples: [309] Ne savez-vous pas, dit l'Apôtre, que vos membres sont les temples du Saint-Esprit ? elle lui attribue le pouvoir de sanctifier [310], de vivifier [311] et de scruter les profondeurs de Dieu [312], de parler par les Prophètes [313], d'être partout [314] ; autant de perfections qui ne conviennent qu'à Dieu.

Ce n'est pas tout. Il faut de plus expliquer aux Fidèles, et avec beaucoup de soin, non seulement que le Saint-Esprit est Dieu, mais encore qu'il est la troisième Personne dans l'Essence divine, parfaitement distincte du Père et du Fils, et produite par la Volonté de l'un et de l'autre. C'est l'enseignement même de la Foi. Car sans parler des autres témoignages de l'Ecriture, la forme du Baptême [315] que notre Sauveur nous a apprise, montre très clairement que le Saint-Esprit est une troisième Personne qui subsiste par elle-même dans la nature divine, et qui est distincte des deux autres. Ainsi le déclare l'Apôtre, quand il dit: [316] que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et la Charité de Dieu, et la communication du Saint-Esprit soient avec tous. Amen ! Mais ce qui plus que tout le reste met cette vérité en pleine lumière, c'est la déclaration formelle du premier Concile oecuménique de Constantinople. Pour réfuter l'hérésie absurde et impie de Macédonius, les Pères de ce concile ajoutèrent au symbole de Nicée ces mots si importants: je crois au Saint-Esprit Notre-Seigneur, qui donne la vie, qui procède du Père et du Fils, qui est adoré et glorifié avec le et le Fils, qui a parlé par les Prophètes. En confessant que le Saint-Esprit est notre Seigneur, ils montrent par le fait combien Il est au dessus des Anges, qui sont cependant les plus nobles esprits que Dieu ait créés, tous, au témoignage de S Paul, des esprits administrateurs, envoyés pour exercer leur ministère en faveur de ceux qui doivent être les héritiers du salut. [317] Ils disent encore qu'Il donne la vie, parce que de son union avec Dieu l'âme tire une vie plus réelle, que celle dont jouit le corps par son union avec l'âme. Et comme l'Ecriture Sainte attribue au Saint-Esprit cette union de l'âme avec Dieu, il est clair qu'on a parfaitement raison de lui donner le nom d'Esprit vivifiant.

Pour expliquer les paroles qui suivent: Qui procède du Père et du Fils, il faut bien faire entendre aux Fidèles que le Saint-Esprit procède de toute éternité du Père et du Fils comme d'un principe unique. Cette vérité est proposée à notre Foi par les définitions mêmes de l'Église, dont un Chrétien n'a jamais le droit de s'écarter, et elle est confirmée par l'autorité de nos Saints Livres et des Conciles. En effet, Notre-Seigneur Jésus-Christ parlant du Saint-Esprit, dit: [318] Il Me glorifiera parce qu'Il recevra de ce qui est à Moi. Et lorsque nous voyons dans la Sainte Écriture qu'il est appelé tantôt l'Esprit du Christ, tantôt l'Esprit du Père ; qu'Il est envoyé, tantôt par le Père, tantôt par le Fils, [319] c'est bien la preuve manifeste qu'il procède également de l'un et de l'autre. Celui qui n'a pas l'Esprit de Jésus-Christ, dit Saint Paul, n'est point à Lui.[320] et dans l'Épître aux Galates, il appelle encore le Saint-Esprit, l'Esprit de Jésus-Christ: [321] Dieu, dit-il, a envoyé dans vos coeurs l'Esprit de son Fils, qui crie, mon Père, mon Père. De son côté, Notre-Seigneur, dans Saint Matthieu, l'appelle l'Esprit du Père: [322] Ce n'est pas Vous qui parlez, mais l'Esprit de votre Père. Et dans la Cène, Il s'exprime ainsi: [323] le Consolateur que Je vous enverrai, C'est l'Esprit de vérité qui procède du Père, et qui rendra témoignage de Moi. Ailleurs, Il nous annonce en ces termes que le même esprit-Saint sera envoyé par le Père: [324] le Père L'enverra en mon nom. toutes ces expressions s'entendent évidemment de la procession du Saint-Esprit, il est donc bien clair et bien certain qu'Il procède du Père et du Fils.

Voilà ce qu'il faudra dire de la Personne du Saint-Esprit.

[297] Ps 50,13.
[298] Sg 9,17.
[299] Si 1,9.
[300] Mt 28,19.
[301] Mt 1,20.
[302] Lc 1,35 Jn 1,33.
[303] Ac 5,3-4.
[304] 1Co 12,6-11.
[305] Is 6,8.
[306] Ac 28,25.
[307] 1Co 1,13.
[308] 1Jn 5,7.
[309] 1Co 6,19.
[310] 1Th 2,13 1Th 2,1 1P 1,2.
[311] Jn 6,63 2Co 3,6.
[312] 1Co 2,10.
[313] 2P 1,21.
[314] Sg 1,7.
[315] Mt 28,19.
[316] 2Co 13,13.
[317] He 1,14.
[318] Jn 16,14.
[319] Jn 14,26.
[320] Rm 8,9.
[321] Ga 4,6.
[322] Mt 10,20.
[323] Jn 15,26.
[324] Jn 14,26.


903



§ III. - DES CHOSES QUI SONT SPÉCIALEMENT ATTRIBUÉES AU SAINT-ESPRIT.

Mais de plus les Pasteurs devront expliquer avec soin certains effets admirables, certains dons excellents que la Foi lui attribue, et qui sortent et découlent de Lui comme de la source éternelle de la Bonté. Il est vrai que toutes les opérations extérieures de la Sainte-Trinité sont communes aux trois Personnes. Cependant il en est quelques-unes que l'on attribue plus particulièrement au Saint-Esprit, pour nous faire comprendre qu'elles viennent de l'immense Charité de Dieu envers nous. Le Saint-Esprit en effet procède de la Volonté de Dieu, comme par un embrasement d'amour, et dès lors il est facile de concevoir que les effets qui Lui sont spécialement attribués doivent découler de l'Amour infini de Dieu pour nous.

C'est pour la même raison que le Saint-Esprit est appelé don. Car on appelle don ce qui est accordé libéralement gratuitement et sans espoir de récompense. Ainsi tous les biens, toutes les grâces que nous avons reçues de Dieu, et qu'avons-nous que nous n'ayons reçu de Lui, dit l'Apôtre ? [325] ? nous les tenons de la libéralité du Saint-Esprit. Et cela nous devons le reconnaître avec une sincère et pieuse gratitude.

Les effets produits par le Saint-Esprit sont nombreux. Car sans parler ici de la création, de la propagation des créatures, du gouvernement du monde ? sujets que nous avons traités dans le premier article du Symbole ? nous venons de démontrer à l'instant qu'on Lui attribue proprement la vivification spirituelle, et les paroles suivantes d'Ézéchiel sont un véritable témoignage en faveur de cette Vérité: [326] Je vous donnerai mon esprit, et vous vivrez.

Voici comment Isaïe énumère les effets (ou les dons) principaux du Saint-Esprit, et ceux qui Lui conviennent plus spécialement: Il L'appelle: [327] l'Esprit de Sagesse et d'intelligence, l'Esprit de Conseil et de Force, l'Esprit de Science et de Piété, l'Esprit de crainte du Seigneur. Effets que l'on nomme communément les Dons du Saint-Esprit, et auxquels on donne aussi quelquefois le nom même de Saint-Esprit. C'est pourquoi, remarque judicieusement Saint Augustin, [328] " lorsque nous rencontrons le mot de Saint-Esprit dans la Sainte Écriture, il faut bien voir s'il s'agit de la troisième Personne de la Sainte Trinité, ou seulement de ses effets et de ses opérations. Car ces deux choses diffèrent autant l'une de l'autre que Dieu Lui- même diffère de la créature. "

Il convient de faire ressortir ces commentaires avec un soin particulier, car ces dons du Saint-Esprit sont pour nous comme une source divine où nous puisons les préceptes de la Vie chrétienne, et par eux encore nous pouvons savoir si le Saint-Esprit habite vraiment en nous.

Entre ces dons magnifiques celui qui, dans notre esprit, doit passer avant tous les autres, c'est la Grâce qui nous justifie, [329] et qui nous marque du sceau de l'Esprit-Saint, qui a été promis, et qui est le gage de notre héritage. [330] C'est cette grâce en effet qui nous attache à Dieu par les liens les plus étroits de l'amour, qui allume dans nos coeurs le zèle ardent de la piété, qui nous fait entreprendre une vie nouvelle, qui nous rend participants de la nature divine, [331] et nous fait mériter le nom et la qualité réelle d'enfants de Dieu [332].

[325] 1Co 4,7.
[326] Ez 37,6.
[327] Is 11,2.
[328] Saint Aug. Lib. 15 de Trinit.
[329] Ep 1,13.
[330] Conc. trid. Sess. 6 c. 7.
[331] 2P 1,4.
[332] 1Jn 3,1.


1090

Chapitre dixième - Du neuvième article du Symbole

JE CROIS LA SAINTE eGLISE CATHOLIQUE, LA COMMUNION DES SAINTS.

Pour comprendre immédiatement avec quel soin, avec quelle attention les pasteurs devront travailler à bien expliquer aux fidèles ce neuvième article du Symbole, deux considérations sont nécessaires et suffisantes. La première, c'est que, suivant la remarque de Saint Augustin, les prophètes ont parlé plus clairement et plus longuement de l'Eglise que de Jésus Christ, car ils prévoyaient qu'il y aurait beaucoup plus d'erreurs volontaires et involontaires, sur ce point que sur le mystère de l'Incarnation. En effet, il ne devait point manquer d'impies pour prétendre, à l'imitation du singe qui veut faire croire qu'il est homme, pour prétendre avec autant d'orgueil que de méchanceté qu'eux seuls sont catholiques, que l'Eglise Catholique est parmi eux, et seulement parmi eux. -- La seconde considération, c'est que celui qui aura gravé profondément dans son coeur la foi à la vérité de l'Eglise, n'aura pas de peine à éviter le terrible danger de l'hérésie. On n'est pas hérétique par le fait seul qu'on pèche contre la Foi, mais parce qu'on méprise l'autorité de l'Eglise, et qu'on s'attache avec opiniâtreté à des opinions mauvaises. Si donc il est impossible qu'un Chrétien soit atteint de cette horrible peste de l'hérésie, tant qu'il continue à croire ce que cet article propose à sa Foi, les Pasteurs doivent redoubler d'efforts pour instruire les Fidèles de ce mystère, les prémunir par là même contre les artifices de l'ennemi, et les aider à persévérer dans la Foi. Au reste cet article dépend du précédent. Après avoir montré que toute sainteté vient de l'Esprit Saint comme de sa source et de son Auteur, nous reconnaissons maintenant, par voie de conclusion, que la sainteté qui est dans l'Eglise ne peut sortir que de Lui.



1001



§ I - CE QUE C'EST QUE L'EGLISE

Le mot Eglise vient du grec. les Latins l'ont emprunté à cette langue, et après la publication de l'Evangile, ils l'ont consacré exclusivement aux choses saintes. Voyons quel en est le sens. Il signifie proprement convocation. Mais avec le temps les auteurs l'ont emprunté souvent pour désigner une assemblée, une réunion d'hommes, sans examiner si ces hommes admiraient le vrai Dieu, ou les fausses divinités. Nous lisons au livre des actes que le greffier de la ville d'Ephèse, après avoir apaisé le peuple, lui dit: [333] Si vous avez quelque autre affaire à proposer, nous pourrons la traiter dans une assemblée légitime. Ainsi l'assemblée du peuple d'Ephèse est appelée légitime, bien que ce peuple fût adonné au culte de Diane. Et non seulement ce nom d'Eglise est donné aux nations qui ne connaissent pas Dieu, mais quelquefois même il est appliqué aux assemblées des méchants et des impies. Je hais l'Eglise des méchants, dit le prophète, [334] et je ne m'assiérai point avec les impies. Mais dans la suite, l'usage ordinaire de la Sainte Ecriture fut de consacrer ce mot à désigner uniquement la société chrétienne et les assemblées des fidèles, c'est à dire de ceux qui ont été appelés par la foi, à la lumière de la vérité et à la connaissance de Dieu, qui ont dissipé les ténèbres de l'ignorance et de l'erreur, qui adorent avec piété et sainteté, le Dieu Vivant et Véritable, et qui le servent de tout leur coeur. Enfin, pour tout dire en un mot, l'Eglise, selon S Augustin [335], c'est le peuple fidèle répandu dans tout l'univers. Mais ce mot de l'Eglise renferme de véritables mystères, et des mystères très importants. En effet, si nous l'entendons dans le sens de convocation, nous voyons aussitôt briller à nos yeux la douceur et la lumière de la Grâce divine, et nous sentons combien l'Eglise diffère de toutes les autres sociétés. Celles-ci ne se soutiennent que par la raison et la prudence humaines ; celle là repose sur la Sagesse et le Conseil de Dieu même. Car Dieu nous a appelés intérieurement par l'inspiration de son Saint Esprit, qui ouvre les coeurs, et extérieurement par les soins et le ministère des Pasteurs et des prédicateurs. Et nous voyons bientôt que la fin de cette vocation, c'est la connaissance et la possession des choses éternelles, si seulement nous remarquons qu'autrefois le peuple fidèle, sous la loi de Moïse, se nommait synagogue, c'est-à-dire troupeau. Car, dit Saint Augustin, [336] ce nom lui avait été donné parce que, comme les animaux qui cherchent à se grouper pour vivre, il n'avait en vue que des biens terrestres et périssables. Au contraire, le peuple chrétien s'appelle non pas synagogue, mais assemblée, ou convocation, parce qu'il méprise les choses terrestres et périssables, pour ne s'attacher qu'aux biens célestes, et qui ne passent pas.

Il est encore d'autres noms mystérieux qui servent à désigner la Société des Chrétiens. Ainsi l'Apôtre Saint Paul l'appelle la Maison et l'Edifice de Dieu. Je vous écris, dit-il à Timothée, [337] afin que, si je viens à tarder trop longtemps, vous sachiez comment vous devez vous conduire dans la maison du Dieu Vivant, la colonne et le fondement de la Vérité. L'Eglise est appelée ici maison parce qu'elle est comme une famille, qui n'est gouvernée que par un seul, le Père de famille, et dans laquelle tous les biens spirituels sont communs. On lui donne encore le nom de troupeau des brebis de Jésus-Christ [338] qui en est le Pasteur et en même temps la porte de la bergerie ; celui d'épouse de Jésus-Christ: [339] Je vous ai fiancés, dit l'Apôtre aux Corinthiens, à un Epoux unique, Jésus-Christ, pour vous présenter à Lui comme une vierge pure. Ecoutons-le dire aux Ephésiens: [340] Maris, aimez vos épouses, comme Jésus-Christ aime l'Eglise. Puis, en parlant du Mariage: Ce Sacrement est grand, je dis en Jésus-Christ et dans l'Eglise. Et enfin celui de Corps de Jésus-Christ, comme on peut le voir dans les Epîtres aux Ephésiens [341] et aux Colossiens [342]. Ces différents noms sont très propres à exciter les Fidèles à se rendre dignes de la Clémence et de la Bonté infinie de Dieu, qui les a choisis pour en faire son peuple.

[333] Ac 19,39.
[334] Ps 25,5.
[335] S. Aug. in Psal. 149.
[336] Saint Aug. in Psal.,77 et 81.
[337] 1Tm 3,5.
[338] Ez 34,3 Jn 29,7.
[339] 2Co 11,2
[340] Ep 5,25.
[341] Ep 1,23.
[342] Col 1,24.



Catéchisme C. Trente 803