Catéchisme C. Trente 1604

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§ IV. - DES PRIÈRES eT DES CÉRÉMONIES DU BAPTÊME.

Il ne nous reste plus maintenant qu'à parler en peu de mots et d'une manière claire, des Prières, des Rites et des Cérémonies du Baptême. Ce que l'Apôtre dit du don des langues [630] qu'il est inutile quand les Fidèles ne comprennent pas ce que l'on dit, peut s'appliquer presque aussi bien aux Rites et aux Cérémonies du Baptême. Ce sont là en effet les signes et l'image visible des effets invisibles de ce Sacrement. Mais si les fidèles ignorent le sens et la portée de ces signes, on ne voit plus guère à quoi les Cérémonies peuvent être utiles. Il faut donc que les Pasteurs travaillent à les faire bien comprendre, et à persuader aux Chrétiens que si elles ne sont pas absolument nécessaires, elles sont cependant très importantes, et dignes de toute notre vénération. C'est de quoi il est aisé de les convaincre en leur rappelant et l'autorité de ceux qui les ont établies, (et qui ne sont autres que les Apôtres), et la fin pour laquelle elles ont été instituées. Elles nous portent en effet à administrer le Baptême plus religieusement, et plus saintement ; elles placent pour ainsi dire sous nos yeux les effets admirables et les dons divins renfermés dans ce Sacrement ; enfin elles impriment plus fortement dans nos coeurs le souvenir des immenses bienfaits de Dieu.

Mais pour mettre un certain ordre dans leurs explications, et pour aider en même temps la mémoire de leurs auditeurs, les Pasteurs devront ramener à trois catégories toutes les Cérémonies et toutes les Prières dont l'Eglise se sert dans l'administration du Baptême. La première renfermera les Cérémonies qui ont lieu avant que l'on soit arrivé aux Fonts, la seconde celles qui se pratiquent aux Fonts mêmes, et la troisième celles qui suivent l'administration du Sacrement.

En premier lieu, il faut préparer l'eau que l'on doit employer dans le Baptême. On la consacre en y mêlant l'huile de l'Onction mystique, mais cette consécration ne se fait point dans tous les temps. Selon la coutume de nos ancêtres, on attend pour cela certains Jours de Fêtes qui passent à bon droit pour les plus saints et les plus solennels de l'année. C'est aux vigiles de ces Fêtes que l'on bénit l'eau de l'Ablution sacrée ; et même autrefois, dans la primitive Eglise, le Baptême n'était administré que ces jours-là, quand la nécessité n'obligeait point d'agir autrement. Et quoique l'Eglise n'ait pas jugé à propos de conserver cet usage, à cause des dangers habituels de la vie, cependant elle a toujours religieusement gardé la coutume de ne bénir l'eau et les Fonts du Baptême, que dans les saints jours de Pâques et de la Pentecôte.

Après cette bénédiction de l'eau, il faut expliquer les autres Cérémonies qui précèdent immédiatement le Baptême. On apporte, ou l'on conduit ceux qui doivent être baptisés, aux portes de l'église ; et là on les oblige à s'arrêter, parce qu'ils sont indignes d'entrer dans la Maison de Dieu, tant qu'ils n'ont pas brisé le joug de l'esclavage le plus honteux, et qu'ils ne se sont pas consacrés entièrement à Notre-Seigneur Jésus-Christ, et à son très légitime empire. Alors le Prêtre leur demande ce qu'ils désirent de l'Eglise. Sur leur réponse, il les instruit d'abord de la Foi Chrétienne dont ils doivent faire profession au Baptême. Cette instruction se fait sous forme de catéchisme. On ne peut douter que cette coutume ne soit un effet du commandement même que fit notre Sauveur aux Apôtres, quand Il leur dit [631]: " Allez par tout le monde, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que Je vous ai commandé. " Ces paroles font bien voir qu'il ne faut pas administrer le Baptême, avant d'avoir exposé, au moins en abrégé, les principaux articles de notre sainte Religion.

Or cette instruction se faisant par manière de catéchisme, c'est-à-dire, par une suite de plusieurs interrogations, les réponses doivent être données par celui qui veut être baptisé, s'il est adulte, et, s'il est enfant, par le répondant ou Parrain, qui s'engage solennellement pour lui.

Vient ensuite l'Exorcisme, qui a pour objet de chasser le démon, de détruire ses forces, et d'affaiblir son pouvoir ; il consiste en prières et en Formules sacrées et religieuses.

A l'Exorcisme se joignent d'autres Cérémonies, qui, pour être mystiques, n'en ont pas moins une signification propre et très claire. Ainsi le sel que l'on met dans la bouche de celui que l'on baptise, signifie évidemment que par la profession de la Foi et par le don de la Grâce il va être délivré de la corruption de ses péchés, prendre le goût des oeuvres saintes, et aimer à se nourrir de la divine Sagesse. - ensuite on fait le signe de la Croix sur son front, sur ses yeux, sur sa poitrine, sur ses épaules et sur ses oreilles, pour montrer que l'effet du Baptême est d'ouvrir et de fortifier les sens, afin que le Chrétien puisse recevoir Dieu en lui, comprendre ses Commandements et les observer. Aussitôt après on lui met de la salive sur les narines et sur les oreilles, et on l'introduit aux Fonts baptismaux. Cette cérémonie nous rappelle l'aveugle de l'Evangile sur les yeux duquel Notre-Seigneur mit un peu de boue faite avec de la salive, et qu'Il envoya ensuite se laver dans la piscine de Siloe, où il recouvra aussitôt la vue. Ainsi telle est la vertu de l'eau sacrée du Baptême, qu'elle éclaire notre âme d'une Lumière céleste et lui fait comprendre la doctrine sainte du Salut.

Ces préliminaires achevés, on se rend aux Fonts. Là, on accomplit encore d'autres Rites et d'autres Cérémonies, qui comprennent en abrégé les obligations imposées au Chrétien. D'abord le prêtre demande par trois fois, à celui qui va être baptisé: " Renoncez-vous à Satan, à toutes ses oeuvres, et à toutes ses pompes ? " et à chaque demande il répond, lui, ou le Parrain en son nom: " Oui, j'y renonce. " Ainsi donc celui qui se consacre au service de Jésus-Christ doit promettre en premier lieu, avec toute la sincérité et toute la religion possibles, d'abandonner le démon et le monde, et désormais de les regarder sans cesse comme ses plus cruels ennemis. Puis, le Prêtre l'arrête devant les Fonts sacrés, et lui fait cette question " Croyez-vous en Dieu le Père tout Puissant ? " Il répond " Oui, j'y crois. " Interrogé de même sur chacun des autres Articles du Symbole, il fait une profession solennelle de Foi, profession qui, avec la promesse précédente, contient certainement toutes les obligations et tous les principes de la Loi chrétienne.

Mais lorsque le moment d'administrer le Baptême est enfin arrivé, le Prêtre lui demande s'il veut être baptisé. Sur l'affirmation qu'il en donne lui-même, ou que le Parrain donne en son nom, s'il ne parle pas encore, aussitÔt on fait couler sur lui l'eau salutaire, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. L'homme n'avait été si justement condamné que pour avoir volontairement obéi au serpent, ainsi Notre-Seigneur n'a voulu inscrire au nombre des siens que le soldat de bonne volonté qui mériterait le salut éternel, en obéissant de son plein gré à ses divins Commandements.

Le Baptême étant achevé, le Prêtre fait sur le haut de la tête du baptisé une onction avec le saint Chrême, afin qu'il sache que dès ce moment il est uni et attaché à Jésus-Christ, comme un membre à son chef, qu'il vient d'être enté sur son Corps, et que son nom de Chrétien lui vient de Christ, comme celui de Christ vient de chrême.

Quant à la signification du saint Chrême, elle se révèle très bien, dit Saint Ambroise [632], dans la Prière que fait alors le Prêtre.

[630] 1Co 14,2.
[631] Mc 16,15 Mt 28,19.
[632] Lib.,1, de Sacram.

Il revêt le nouveau baptisé d'une robe blanche, en disant: " Recevez cet habit blanc, et portez-le sans souillure ou tribunal de Notre-Seigneur Jésus-Christ, afin que vous obteniez la Vie éternelle. " Aux enfants qui ne portent pas encore la robe, on donne un petit linge blanc, qu'on leur met sur la tête, en prononçant les mêmes paroles. Ce symbole représente tout à la fois, selon les Saints Docteurs, la gloire de la Résurrection, pour laquelle nous venons de naître par le Baptême ; l'éclat et la beauté dont ce Sacrement orne notre âme après l'avoir purifiée des souillures du péché ; et enfin l'innocence et l'intégrité des moeurs, que le nouveau baptisé doit conserver toute sa vie.

Puis, on lui met à la main un cierge allumé. C'est la figure de la Foi embrasée par la Charité, qui lui a été communiquée par le Baptême, et qu'il doit ensuite entretenir et augmenter par la pratique des bonnes oeuvres.

Enfin, on donne un nom au baptisé, mais ce nom, on doit toujours l'emprunter à un personnage que sa piété et ses vertus éminentes ont fait placer au nombre des Saints. La ressemblance du nom le portera à imiter sa justice et sa sainteté ; et non seulement il l'imitera, mais encore il voudra l'invoquer comme un Protecteur et un Avocat auprès de Dieu, qui l'aidera à sauver tout ensemble, et son âme et son corps.

On doit donc blâmer fortement ceux qui affectent de donner aux enfants des noms de personnages païens, et particulièrement de ceux qui ont été les plus impies. Ils font bien voir par là le peu d'estime et de respect qu'ils ont pour la Piété chrétienne, puisqu'ils prennent plaisir à rappeler la mémoire de ces hommes mauvais, et qu'ils veulent que les Fidèles aient continuellement les oreilles frappées de ces noms profanes.

Si les Pasteurs ont soin d'expliquer tout ce que nous venons de dire du Sacrement de Baptême, ils n'auront pas de peine à voir qu'il ne manque rien d'essentiel à l'instruction des Chrétiens sur cette matière. En effet nous avons montré ce que signifie le nom de ce Sacrement, quelle est sa nature et son essence, et de quelles parties il se compose. Nous avons dit par qui il a été institué, qui sont ceux qui peuvent et qui doivent l'administrer, et quelles personnes il faut admettre comme guides pour soutenir la faiblesse des nouveaux baptisés. Nous avons dit aussi à qui le Baptême peut être donné, quelles doivent être les dispositions de ceux qui le reçoivent, quelle est sa vertu et son efficacité. Enfin nous avons expliqué, autant que notre sujet le demandait, les Rites et les Cérémonies qui en accompagnent l'administration. Et la raison principale qui oblige les Pasteurs à ne point négliger l'enseignement de ces vérités, c'est qu'elles doivent faire l'objet continuel des pensées et de la sollicitude des Chrétiens, qui voudront rester fidèles aux promesses solennelles et sacrées de leur Baptême, et mener une vie qui réponde è la profession si sainte du nom qu'ils ont l'honneur de porter.





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Chapitre dix-septième - Du sacrement de Confirmation

Si ce fut toujours un devoir pour les Pasteurs d'expliquer avec soin ce qui concerne le sacrement de Confirmation, jamais ce devoir n'a paru plus nécessaire qu'aujourd'hui, où l'on voit un si grand nombre de Chrétiens, au sein même de l'Eglise de Dieu, négliger entièrement de le recevoir, et un si petit nombre s'appliquer à en retirer les fruits salutaires qu'il peut produire. Il faut donc que les Pasteurs instruisent les Fidèles de sa nature, de son efficacité et de son excellence, soit au jour de la Pentecôte, qui est le temps principal où on l'administre, soit à d'autres jours où ils pourront le faire commodément. Ils doivent leur persuader non seulement de ne point le négliger, mais encore de le recevoir avec beaucoup de respect et de piété ; autrement il arriverait, par notre faute et pour notre malheur, que ce grand bienfait de Dieu nous aurait été accordé en vain.



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§ I. - LA CONFIRMATION eST UN VRAI SACREMENT.

En commençant par le mot même, on devra dire que l'Eglise a donné le nom de Confirmation à ce Sacrement, parce que celui qui après son Baptême reçoit de l'Evêque l'onction du Saint Chrême avec ces paroles sacramentelles " Je vous marque du Signe de la Croix et je vous confirme par le Chrême du salut, au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit ", reçoit aussi, quand rien n'arrête l'efficacité du Sacrement, une Vertu nouvelle qui le rend plus fort, et qui en fait un parfait soldat de Jésus-Christ.

Or que la Confirmation soit un Sacrement réel et véritable, la sainte Eglise catholique l'a toujours reconnu ; et le pape Melchiade et plusieurs autres Souverains Pontifes très anciens, et d'une sainteté éminente, l'ont enseigné clairement.

S. Clément ne pouvait pas l'affirmer d'une manière plus positive [633]: " Tous doivent se hâter, dit-il, de se régénérer en Dieu, et de se faire marquer par l'Evêque, c'est-à-dire de recevoir la Grâce et les sept Dons du Saint-Esprit ; autrement, si on néglige de recevoir ce Sacrement, non par nécessité, mais par mépris et volontairement, il est impossible que l'on soit parfait Chrétien, comme nous l'apprenons de Saint Pierre et des autres Apôtres, qui le tenaient de Jésus-Christ Lui-même. "

Les Papes Urbain, Fabien, Eusèbe, qui, animés du même esprit, ont répandu leur sang pour Jésus-Christ, confirment la même vérité par leurs décrétales. tous les Pères l'ont aussi soutenue.

Saint Denys l'Aréopagite, évêque d'Athènes, expliquant comment on prépare le saint Chrême, et la manière de s'en servir, dit [634]: " Les Prêtres revêtent le nouveau baptisé d'un habit conforme à son innocence, et le conduisent à l'Evêque. Celui-ci le marque d'une Onction sacrée et toute divine, et le fait participer de la très sainte Communion. " Eusèbe de Césarée attribue tant de vertu à ce Sacrement qu'il ne craint pas de dire que l'hérétique Novat ne peut obtenir le Saint-Esprit, parce qu'étant malade, quand il reçut le Baptême, il ne fut pas marqué par le signe du saint Chrême.

Mais les témoignages les plus formels que nous possédons sur ce point, sont celui de Saint Ambroise dans le livre qu'il écrivit sur les nouveaux baptisés, et celui de Saint Augustin dans les traités qu'il composa contre les lettres du donatiste Pétilien. tous deux étaient si persuadés de la vérité de ce Sacrement, qu'il l'ont prouvée et appuyée par plusieurs textes de la Sainte Ecriture. Saint Ambroise rapporte à la Confirmation ces paroles de l'Apôtre [635]: " ne contristez pas l'Esprit-Saint de Dieu, dans lequel vous avez été marqués. " Et Saint Augustin en fait autant des passages suivants, dont l'un se lit dans les Psaumes [636]: Comme l'huile répandue sur la tête d'Aaron, et qui coule jusque sur sa barbe ; et l'autre dans Saint Paul [637]: L'Amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné.

Et quoique le Pape Melchiade ait dit que le Baptême est intimement lié avec la Confirmation, il ne faut pas croire pour cela que l'un ne soit pas tout à fait distinct de l'autre. La différence des grâces que chacun d'eux communique, les signes sensibles que représentent ces grâces établissent nettement que ce sont aussi deux Sacrements différents.

Par le Baptême les hommes sont engendrés à une vie nouvelle ; par la Confirmation au contraire, déjà engendrés auparavant, ils deviennent des hommes faits, en laissant ce qui tient de l'enfance ; dès lors, autant il y a de différence entre la naissance et l'accroissement dans la vie naturelle, autant il y en a entre le Baptême qui nous régénère spirituellement et la Confirmation qui nous fait croître, et nous donne la force parfaite de l'âme.

D'ailleurs, ne fallait-il pas établir une espèce particulière de Sacrement, là ou l'âme rencontre une espèce particulière et nouvelle de difficulté ? Si nous avons d'abord besoin de la grâce du Baptême pour réformer notre âme par la Foi, n'est-il pas également très convenable que nos coeurs soient affermis par une autre grâce, afin que rien, ni la crainte des châtiments, des supplices et de la mort, ne puisse nous empêcher de confesser la vrai Foi. Or c'est ce dernier effet qui est produit par la Confirmation.

D'où l'on doit conclure qu'elle est un Sacrement différent du Baptême. Et voici comment le Pape Melchiade exprime cette différence d'une manière très précise [638]: " Au Baptême, dit-il, l'homme est enrôlé dans la milice ; et dans la Confirmation il est armé pour le combat. Sur les fonts du Baptême, le Saint-Esprit accorde la plénitude de l'innocence ; et dans la Confirmation il perfectionne pour conserver la Grâce. Dans le Baptême nous sommes régénérés pour vivre ; après le Baptême, confirmés pour combattre. Dans l'un, nous sommes lavés ; dans l'autre, nous sommes fortifiés. La régénération sauve par et le même dans la paix ceux qui reçoivent le Baptême, et la Confirmation donne des armes et prépare les combats. " - Cette Vérité, enseignée déjà par plusieurs Conciles, a été l'objet d'un décret spécial du saint Concile de Trente ; de sorte que loin qu'une opinion contraire soit permise sur ce point, le doute même ne l'est pas. Mais puisque nous avons dit plus haut combien il est important d'apprendre aux Fidèles par qui tous les Sacrements en général ont été institués, il faut faire connaître aussi l'Auteur de la Confirmation. C'est un moyen de donner une plus haute idée de sa sainteté. Les Pasteurs enseigneront donc que non seulement Notre-Seigneur Jésus-Christ l'a instituée, mais qu'Il a déterminé Lui-même, au témoignage du Pape Saint Fabien, l'usage du saint Chrême, et les paroles que l'Eglise catholique emploie pour l'administrer. Ils n'auront pas de peine à en convaincre tous ceux qui voient dans la Confirmation un Sacrement véritable. En effet, tous les Sacrements sont au-dessus des forces de la nature, et par conséquent ils ne peuvent avoir pour Auteur que Dieu seul.

[633] Decret. Pontif.
[634] De Eccl. Hierarch. Cap. 2.
[635] Ep 4,30.
[636] Ps 132,2.
[637] Rm 5,5.
[638] Epist ad Episc. Hisp.


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§ II. - MATIÈRE eT FORME DE LA CONFIRMATION.

Voyons maintenant quelles sont les parties qui composent ce Sacrement, et parlons d'abord de ce qui en fait la matière.

La matière du Sacrement de Confirmation s'appelle Chrême. Ce mot tiré du grec, est employé par les écrivains profanes ; pour désigner toute espèce de parfums. Mais les Auteurs ecclésiastiques ne l'appliquent communément qu'à cette composition d'huile et de baume, qui se fait avec la bénédiction solennelle de l'Evêque. Ainsi, deux choses sensibles mêlées ensemble sont la matière de ce Sacrement. Et par le mélange des éléments différents qui la composent, cette matière nous montre la diversité des dons du Saint-Esprit, communiqués au confirmé. Elle fait voir très bien également l'excellence de la Confirmation.

L'Eglise, dans ses Conciles, a toujours enseigné que cette matière était bien telle que nous venons de la décrire. Nous en trouvons la tradition dans les écrits de Saint Denys, de beaucoup d'autres Pères d'une grande autorité, et surtout du Pape Saint Fabien, qui assure [639] que Notre-Seigneur Jésus-Christ a prescrit Lui-même la composition du baume aux Apôtres, et qu'ils l'on ensuite transmise à l'Eglise.

Il n'y avait en effet aucune matière plus propre que le saint Chrême à représenter les effets de la Confirmation. L'huile, qui de sa nature est grasse, qui coule et se répand facilement, exprime la plénitude de la grâce qui, par le Saint-Esprit déborde et s'étend de Jésus-Christ notre Chef sur nous comme ce parfum [640] " qui coule sur la barbe d'Aaron, et jusque sur ses vêtements ". - Dieu, en effet [641], a versé l'huile de joie sur son Fils avec plus d'abondance que sur tous les autres, et nous avons tous reçu de sa plénitude.

Le baume dont le parfum est très agréable, signifie la bonne odeur de toutes les vertus que les Fidèles répandent, après avoir été rendus parfaits par la Confirmation, et qui leur permet de dire avec Saint Paul [642]: " nous sommes la bonne odeur de Jésus-Christ devant Dieu ". - Une autre propriété du baume, c'est de ne pas laisser corrompre les choses qui en ont été enduites ; ce qui exprime admirablement la vertu du sacrement de Confirmation, puisqu'il est constaté que les coeurs des Fidèles, prémunis par la grâce céleste qu'il communique, se préservent facilement de la contagion du péché.

Quant à la consécration du saint Chrême, c'est l'Evêque qui la fait avec des cérémonies solennelles. Et cet usage vient de notre Sauveur Lui-même, qui l'enseigna et le prescrivit aux Apôtres, dans la dernière Cène. Nous le savons par le pape Fabien, aussi illustre par sa sainteté que par la gloire de son martyre. Mais d'ailleurs, la raison seule suffirait pour nous montrer qu'il devait en être ainsi. Pour la plupart des autres Sacrements, Jésus-Christ a choisi une matière qu'Il avait sanctifiée Lui-même. Ainsi, il ne s'est pas contenté d'instituer l'eau pour la matière du Baptême, en disant: [643] " Si quelqu'un n'est pas régénéré par l'eau et par l'esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de Dieu ; " mais quand il fut baptisé lui-même, Il communiqua à l'eau la vertu de sanctifier. Ce qui a fait dire à Saint Jean Chrysostome: [644] " Que l'eau ne pourrait pas effacer les péchés de ceux qui croient, si elle n'avait été sanctifiée en touchant le corps de Notre-Seigneur. " Comme donc Il n'a point consacré Lui-même la matière du Chrême, n'en ayant fait aucun usage, il était nécessaire qu'elle le fût par des Prières saintes et sacrées, et qu'une telle consécration fût réservée spécialement à l'Evêque, qui est le Ministre ordinaire de ce Sacrement.

[639] Epist. 3 ad Episc. Orient.
[640] Ps 132,2.
[641] Jn 1,16.
[642] 2Co 2,15.
[643] Jn 3,5.
[644] Homil.,4.

Après cela il faudra expliquer la seconde partie de la Confirmation, c'est-à-dire la forme, ou les paroles qui accompagnent l'onction sainte. Il y aura lieu d'avertir les fidèles qui doivent recevoir ce Sacrement, que l'instant où ils entendent prononcer ces paroles est aussi celui où ils doivent exciter dans leurs coeurs des sentiments de Foi, de Piété, de Religion, afin qu'il n'y ait rien en eux qui puisse mettre obstacle à la Grâce. Voici ces paroles qui contiennent la forme entière de ce Sacrement: " Je vous marque du signe de la Croix, et je vous confirme par le Chrême du salut, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. "

Et il est facile de montrer par la raison que c'est bien là la forme essentielle. En effet la forme d'un sacrement doit renfermer tout ce qui peut en faire connaître la nature et la substance. Or, qu'y-a-t-il de plus important à remarquer dans la Confirmation ? trois choses: la Puissance divine qui y opère comme cause principale, la force de l'esprit et du coeur que l'Onction sainte communique aux Fidèles pour leur salut, et enfin le signe dont celui qui va entrer dans la milice chrétienne demeure marqué, ces trois choses sont clairement exprimées, dans les paroles que nous venons de citer ; la première dans ces mots qui se trouvent à la fin, au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; la seconde dans ceux-ci, placés au milieu: Je vous confirme par le Chrême du salut ; et la troisième par ces mots qui sont au commencement: Je vous marque du Signe de la Croix. Au reste, quand même la raison ne pourrait pas prouver que telle est la véritable forme du sacrement de Confirmation, l'autorité de l'Eglise catholique qui a toujours officiellement enseigné cette doctrine, ne nous permettrait pas d'avoir le moindre doute sur ce point.



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§ III. - DES MINISTRES DE LA CONFIRMATION

Les Pasteurs doivent enseigner aussi à qui l'administration de ce Sacrement a été plus spécialement confiée.

" Il y en a plusieurs, dit le prophète, [645] qui courent sans être envoyés ? " Il faut donc apprendre au peuple quels sont les Ministres véritables et légitimes de la Confirmation, afin qu'il puisse en recevoir la grâce et les effets. Or, d'après la Sainte Écriture, l'Evêque seul est le Ministre ordinaire de ce Sacrement. Nous lisons dans les Actes des Apôtres, [646] que les habitants de Samarie, ayant reçu la parole de. Dieu, on leur envoya " Pierre et Jean qui prièrent pour eux, afin qu'ils reçussent le Saint-Esprit ; car Il n'était pas encore descendu sur aucun d'eux, et ils n'avaient reçu que le Baptême " On peut voir par ce passage que celui qui les avait baptisés, n'étant que Diacre, n'avait pas le pouvoir de confirmer et que cette Fonction était réservée à des Ministres d'un ordre supérieur, c'est-à-dire aux Apôtres. On pourrait faire la même observation partout où l'Ecriture fait mention de ce Sacrement.

[645] Jr 23,21.
[646] Ac 8,14.

Les témoignages des saints Pères et des Souverains Pontifes ne manquent pas non plus pour prouver cette vérité. Nous en trouvons de très clairs dans les décrets des Papes Urbain, Eusèbe, Damase, Innocent et Léon. Saint Augustin en particulier se plaint fortement de la coutume tout-à-fait abusive de l'Egypte et d'Alexandrie, où les Prêtres avaient la témérité d'administrer la Confirmation.

Voici une comparaison que les Pasteurs pourront employer pour faire comprendre combien il était raisonnable et légitime de réserver aux Evêques cette fonction. Quand on élève un édifice, les ouvriers, qui sont comme des ministres inférieurs, préparent et disposent le ciment, la chaux, le bois et tous les autres matériaux ; mais c'est à l'architecte qu'il appartient de mettre la dernière forme et la perfection à l'ouvrage. De même aussi ce Sacrement, qui est comme le couronnement de l'édifice spirituel du salut, devait être administré par l'Evêque, comme souverain Prêtre, et non par d'autres ministres inférieurs. - Pour la Confirmation, comme pour le Baptême, on prend aussi un Parrain. Si ceux qui exercent le métier de gladiateurs ont besoin d'un maître, dont la science et les conseils leur apprennent à diriger une attaque, et à porter des coups pour abattre leurs adversaires, sans se laisser blesser eux-mêmes, combien, à plus forte raison, les Fidèles n'ont-ils pas besoin d'un chef qui les guide et qui les instruise, lorsqu'ils ont été couverts et revêtus des armes puissantes que donne la Confirmation, et qu'ils sont descendus dans cette arène spirituelle où le salut éternel est en jeu ? C'est donc avec raison que l'on fait venir des Parrains pour l'administration de ce Sacrement. Ils contractent les mêmes affinités que les Parrains de Baptême, et le mariage leur est interdit avec les mêmes personnes. (Voir au chapitre du Baptême, ce que nous avons dit sur ce même point.)



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§ IV. - nÉCESSITÉ DE LA CONFIRMATION.

Il arrive souvent que les Fidèles apportent trop de précipitation, ou une molle insouciance et une lenteur paresseuse à recevoir ce Sacrement. (Quant à ceux qui sont tombés assez bas dans l'impiété pour le mépriser et s'en moquer, nous n'avons point à nous en occuper ici.) Les Pasteurs auront donc soin de dire qui sont ceux à qui on doit donner la Confirmation, à quel âge, et avec quelles dispositions il convient de la recevoir. Et d'abord ils apprendront aux Fidèles que ce Sacrement n'est pas d'une nécessité absolue qu'il soit impossible de se sauver sans lui. Mais quoiqu'il ne soit pas nécessaire, personne cependant ne doit s'en abstenir ; loin de là ; il faut craindre au contraire, clans une chose si sainte qui nous communique d'une manière si abondante les dons de Dieu, de commettre la moindre négligence. Ce que Dieu a établi pour la sanctification de tous, tous doivent aussi le rechercher avec le plus grand empressement.

Saint Luc, racontant l'effusion miraculeuse du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte, s'exprime ainsi: [647] " Il se fit tout à coup dans le ciel comme le bruit d'un vent violent qui approchait et qui remplit toute la maison ; " - puis, peu après, il ajoute que [648] " tous furent remplis du Saint-Esprit ". Or, il est permis de conclure de ces paroles que cette maison étant l'image et la figure de l'Eglise, tous les Fidèles ont droit au sacrement de Confirmation dont la première application date de ce jour.

[647] Ac 2,2.
[648] Ac 2,4.

La même conclusion se tire encore sans peine de la nature même du Sacrement. Ceux-là en effet doivent être confirmés par le saint Chrême, qui ont besoin de croître spirituellement, et de tendre à la perfection chrétienne. Or tous les Fidèles sont évidemment dans ce cas. De même que le but de la nature est de donner l'accroissement à ceux qui naissent et de les amener à l'âge parfait, quoiqu'elle n'y réussisse pas toujours ; ainsi l'Eglise catholique, notre mère commune, désire ardemment que le Chrétien parfait se forme et s'achève dans ceux qu'elle a régénérés par le Baptême. Or cet effet ne peut se produire que par le sacrement de Confirmation ; dès lors il est manifeste que ce Sacrement doit être reçu par tous.

Mais ici il y a une observation à faire. tous ceux qui sont baptisés peuvent être confirmés ; cependant il ne convient pas d'administrer ce Sacrement à ceux qui n'ont pas encore l'usage de la raison ; et si l'on ne croit pas qu'il soit nécessaire d'attendre l'âge de douze ans, au moins est-il convenable de ne pas l'administrer avant l'âge de sept ans. D'ailleurs la Confirmation n'a pas été instituée comme chose nécessaire au salut, mais pour nous donner le courage et les armes dont nous avons besoin, dans les combats qu'il nous faut soutenir pour la Foi de Jésus-Christ. Or les enfants qui n'ont pas l'âge de raison, ne soutiennent pas encore ces sortes de combats.

Il faut conclure de ce que nous venons de dire, que ceux qui, parvenus à l'âge adulte, veulent être confirmés, ne peuvent obtenir la grâce et les effets du Sacrement, qu'autant qu'ils apportent à sa réception la Foi et la Piété, et surtout qu'ils se repentent sincèrement des fautes graves qu'ils ont commises. Les Pasteurs travailleront donc à les faire confesser auparavant, ils les exhorteront à jeûner, à pratiquer d'autres oeuvres de piété, et à se conformer à la louable, coutume de la primitive Eglise, en recevant la Confirmation à jeun. Et il sera facile d'obtenir tout cela des Fidèles, si on leur fait bien comprendre les effets admirables de ce Sacrement, et les grâces qu'il nous apporte.



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§ V. - DES eFFETS DU SACREMENT DE CONFIRMATION.

On leur apprendra donc que la Confirmation a cela de commun avec les autres Sacrements, qu'elle donne une grâce nouvelle, si elle ne trouve aucun empêchement dans celui qui la reçoit. Nous l'avons démontré plus haut: tous les Sacrements sont des signes mystiques et sacrés, qui signifient et produisent tout à la fois la Grâce sanctifiante. Ainsi la Confirmation remet et pardonne les péchés, puisqu'il est impossible de supposer un instant la grâce avec le péché. Mais outre ces effets qui sont ceux de tous les Sacrements en général, la Confirmation a d'abord cela de particulier, qu'elle perfectionne la grâce du Baptême. Ceux qui sont devenus Chrétiens par le Baptême demeurent encore faibles et sans énergie, comme des enfants nouvellement nés, mais ensuite le sacrement du saint Chrême les rend plus forts pour résister aux attaques de la chair, du monde et du démon ; il fortifie la foi dans leurs coeur ", pour qu'ils puissent confesser et glorifier le nom de notre Seigneur Jésus-Christ ; et c'est pour cela sans doute que ce Sacrement a reçu le nom de Confirmation.

Car il ne faut pas croire, comme quelques-uns l'ont supposé avec autant d'ignorance que d'impiété, que ce mot de Confirmation vienne de ce qu'autrefois ceux qui avaient été baptisés dans leur enfance étaient conduits à l'âge adulte devant l'Evêque pour confirmer en sa présence la profession de Foi qu'ils avaient faite au Baptême ; autrement il faudrait dire qu'il n'y avait aucune différence entre la Confirmation et l'instruction que l'on faisait aux Catéchumènes ; ce qui ne peut se soutenir par aucun témoignage certain. Non ; la Confirmation tire son nom de ce que Dieu, par la vertu de ce Sacrement, confirme en nous ce que le Baptême a commencé d'y produire, et nous conduit à la perfection de la Vie chrétienne. Et non seulement ce Sacrement confirme en nous la Grâce, mais il l'augmente encore. Le Pape Melchiade nous l'assure en ces termes: " l'Esprit Saint, en descendant sur les eaux du Baptême, les rend salutaires, et leur communique la plénitude de la Grâce pour réparer l'innocence de l'homme ; mais par la Confirmation Il donne une augmentation de grâce. " Et non seulement Il l'augmente, mais Il l'augmente d'une manière admirable. C'est ce que l'Ecriture a parfaitement exprimé par l'image d'un vêtement nouveau, dans ces paroles de notre Sauveur à ses Apôtres [649]: " Demeurez dans la ville, jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la Vertu d'en haut. "

Si les Pasteurs veulent faire connaître la divine efficacité de ce Sacrement (et rien assurément ne sera plus propre à toucher le coeur des Fidèles) il leur suffira d'expliquer ce qui arriva aux Apôtres. Avant la Passion, et à l'heure même de la Passion, ils étaient si timides et si faibles, qu'ils prirent la fuite aussitôt qu'ils virent arrêter Jésus-Christ. Pierre lui-même, qui avait été désigné pour être la pierre fondamentale de l'Eglise, qui avait montré d'ailleurs beaucoup de courage et de grandeur d'âme, Pierre s'effraye à la voix d'une simple femme, et soutient non pas une fois, ni deux, mais trois fois de suite, qu'il n'est point le disciple de Jésus-Christ. tous enfin, après la Résurrection, se retirent dans une maison et s'y renferment par la crainte qu'ils ont des Juifs. Le jour de la Pentecôte, au contraire ils sont tellement remplis de la vertu du Saint-Esprit, qu'ils se mettent à prêcher hardiment, et en toute liberté, l'Evangile qui leur a été confié non seulement aux Juifs, mais à l'univers tout entier, et qu'ils ne trouvent pas de plus grand bonheur que " celui d'être jugés dignes de souffrir pour le nom de Jésus-Christ, les affronts, " la prison, les tourments et les croix. [650]

[649] Lc 24,29.
[650] Ac 5,41.

Enfin la Confirmation a la vertu d'imprimer un caractère qui fait qu'on ne peut la recevoir plus d'une fois, ainsi que nous l'avons déjà dit du Baptême, et comme nous le dirons encore plus au long, en parlant du sacrement de l'Ordre.

Si les Pasteurs expliquent souvent, et avec soin, ces vérités aux Fidèles, il est impossible que, après avoir connu l'excellence et l'utilité de ce Sacrement, ils ne s'empressent pas de le recevoir avec beaucoup de zèle, de piété, et de foi.




Catéchisme C. Trente 1604