Catéchisme C. Trente 3600

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Chapitre trente-quatrième - Du sixième Commandement


VOUS NE SEREZ POINT ADULTÈRES.

Le lien qui unit le mari et la femme est très étroit. Partant, rien ne peut leur être plus agréable que de se sentir aimés l'un de l'autre d'un amour tendre et loyal. Au contraire, rien ne saurait leur être plus pénible que de voir cet amour, qu'ils se doivent et qui est si légitime, s'en aller honteusement vers d'autres. Il était donc juste et absolument dans l'ordre qu'après la Loi qui protège la vie de l'homme contre le meurtre. Dieu plaçât immédiatement celle qui défend l'adultère, afin que personne n'osât violer ou détruire cette union si sainte et si honorable du Mariage, ce foyer si ardent de Charité et d'amour.

Mais en traitant cette matière, le Pasteur ne devra manquer ni de circonspection ni de prudence. Il traitera ce sujet avec la réserve la plus mesurée. N'est-il pas à craindre en effet qu'en voulant expliquer longuement et en détail les différentes manières de transgresser ce précepte, il ne vienne à dire des choses qui pourraient troubler les âmes délicates au lieu de les éclairer ?

Or, ce Commandement est très étendu et fort complexe. Et pourtant le Pasteur ne doit rien passer sous silence. Chaque chose doit venir à sa place.

Il se divise en deux parties, l'une qui défend formellement l'adultère, l'autre qui nous commande implicitement la chasteté de l'âme et du corps.

Commençons d'abord par ce qui est défendu.



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§ I. - DE L'ADULTÈRE.

L'adultère est la violation du droit le plus sacré qui unit par serment inviolable les Epoux l'un à l'autre. L'Epoux qui manquerait de fidélité à son Epouse commettrait une faute très grave ; quiconque libre pécherait avec une personne non libre, se rendrait gravement coupable aux yeux de Dieu.

Selon Saint Ambroise et Saint Augustin, ce Commandement porté contre l'adultère s'étend à tout ce qui est déshonnête et impur. Et nos Saints Livres, ceux de l'Ancien, comme ceux du nouveau testament, ne nous permettent pas d'être d'un avis différent. Ainsi, outre l'adultère, d'autres genres de libertinage sont encore punis dans Moise. La Genèse nous rapporte un jugement de Juda contre sa belle-fille [1066], et le Deutéronome défend positivement qu'aucune des filles d'Israël ne se livre au mal [1067]. Tobie faisait cette exhortation à son fils [1068]: " Gardez-vous, ô mon fils, de toute impudicité " ; et l'Ecclésiastique nous dit [1069]: " Rougissez de jeter les yeux sur une femme de mauvaise vie. "

Dans l'Evangile, Notre-Seigneur Jésus-Christ nous assure [1070] " que du coeur sortent les adultères et les intentions mauvaises qui rendent l'homme coupable. " Quant à Saint Paul, c'est dans une foule de passages, et dans les termes les plus sévères, qu'il flétrit ce péché. Ici il dit [1071]: " La volonté de Dieu est que vous soyez saints et que vous évitiez l'impudicité ; là [1072] Fuyez ce vice ; ailleurs[1073] Evitez les impudiques ; puis [1074] Qu'on n'entende pas même parler parmi vous de ce péché, ni d'impureté de quelque sorte, ni d'avarice ; puis encore [1075]: ni les impudiques, ni les adultères, ni les efféminés, ni les abominables ne seront héritiers du Royaume de Dieu. "

La principale raison pour laquelle l'adultère est expressément défendu dans ce Commandement, c'est que, outre la turpitude qui lui est commune avec toutes les autres espèces d'impuretés, il est en même temps un acte d'injustice flagrante non seulement contre le prochain, mais même contre la société civile. Il est certain d'ailleurs que celui qui ne sait pas s'abstenir des autres péchés d'impureté sera bien vite entraîné jusqu'à l'adultère.

Il est donc facile de comprendre qu'en défendant l'adultère, Dieu a défendu en même temps toute sorte d'impureté, capable de souiller le corps. De plus le libertinage intérieur du coeur est également défendu, car cette Loi est essentiellement spirituelle. Nous en avons la preuve dans ces paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ [1076]: " Vous savez qu'il a été dit aux Anciens: vous ne serez point adultères ; mais Moi Je vous dis que quiconque regarde une femme avec une intention mauvaise, a déjà commis t'adultère dans son coeur. "

Voilà ce qu'il nous a semblé que le Pasteur pouvait dire en public sur cette matière, en y ajoutant toutefois ce que le Saint Concile de Trente [1077] a décrété contre les adultères, et contre ceux qui s'exposent à vivre dans l'habitude du mal et des fréquentations mauvaises. Il laissera de côté toutes les autres variétés de péchés contre ce Commandement, pour n'en parler qu'en particulier, et encore, selon que les circonstances et la situation des personnes lui en feront un devoir:

Il reste à expliquer maintenant la partie du précepte qui commande.

[1066] Gn 38,24.
[1067] Dt 23,17.
[1068] Tb 4,13.
[1069] Si 41,25.
[1070] Mt 15,19.
[1071] 1Th 4,3.
[1072] 1Co 6,18.
[1073] 1Co 5,9.
[1074] Ep 5,3.
[1075] 1Co 6,9.
[1076] Mt 5,27-28.
[1077] Sess.,24, c. 28.


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§ II. - CE QUI eST COMMANDÉ PAR LE SIXIÈME COMMANDEMENT.

Il faut donc apprendre aux Fidèles et les exhorter très vivement à pratiquer avec tout le soin possible la vertu de pureté [1078], " à se purifier de tout ce qui souille la chair et l'esprit, poursuivant l'oeuvre de leur sanctification dans la crainte de Dieu. " Il faut surtout leur faire remarquer que, si la vertu de chasteté brille d'un éclat particulier dans ceux qui gardent religieusement l'excellente et divine vertu de virginité, elle peut aussi être pratiquée par ceux qui vivent dans le célibat, et même par les personnes mariées qui savent se conserver pures et innocentes de tous les excès défendus.

Les saints Pères nous indiquent un grand nombre de remèdes pour nous apprendre à réprimer et à dompter nos passions. Le Pasteur ne manquera pas de les faire connaître aux Fidèles, en les expliquant avec tout le soin possible.

[1078] 2Co 7,1.


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§ III. - REMÈDES CONTRE LES MAUVAISES PENSÉES.

Ces remèdes sont de deux sortes: les uns sont du domaine de la pensée, les autres appartiennent à l'action.

Les remèdes qui procèdent de la pensée consistent principalement en ce que nous comprenions très bien tout ce qu'il y a de honteux et de pernicieux dans le péché d'impureté. Cette connaissance une fois acquise, il nous sera plus facile de le détester. Or ce qui nous fait sentir combien ce crime est funeste, c'est que ceux qui ont le malheur de le commettre, sont par le fait repoussés et exclus du Royaume de Dieu. Voilà bien le dernier de tous les maux.

Sans doute, ce malheur est commun à tous les péchés mortels, mais le péché dont nous parlons a cela de particulier que ceux qui s'en rendent coupables, pèchent contre leur propre corps. C'est l'enseignement de l'Apôtre. Il dit expressément [1079]: " Fuyez l'impudicité ; tous les autres péchés se commettent hors de nous ; mais celui qui s'abandonne à l'impudicité pèche contre lui-même, " c'est-à-dire qu'il se fait injure en profanant sa sainteté. Voilà pourquoi Saint Paul dit encore aux Thessaloniciens [1080]: " La volonté de Dieu c'est que vous deveniez des Saints, et que vous évitiez l'impudicité, et que chacun de vous sache posséder son corps dans la sainteté et l'honnêteté, ne suivant point les entraînements de la passion, comme font les nations qui ignorent Dieu. " Ensuite, ce qui est plus criminel encore, c'est que le Chrétien qui pèche honteusement avec une femme de mauvaise vie, profane ses membres qui sont les membres de Notre-Seigneur Jésus-Christ. " Ne savez-vous pas, dit l'Apôtre [1081], que vos corps sont les membres de Jésus-Christ ? Peut-on transformer des membres de Jésus-Christ en instruments de péché ? A Dieu ne plaise I ne savez-vous pas que celui qui pèche avec une femme de mauvaise vie se réduit au plus honteux esclavage ? " D'ailleurs, au témoignage du même Apôtre [1082], le Chrétien est le Temple du Saint-Esprit, et violer ce temple, n'est-ce pas en chasser cet esprit de Dieu.

En ce qui concerne l'adultère, il ne faut pas oublier qu'il renferme en lui-même une injustice très grande. Car, suivant la doctrine de Saint Paul, ceux que le mariage unit sont tellement soumis au pouvoir l'un de l'autre [1083], qu'ils ne sont plus seuls maîtres d'eux-mêmes. Ils sont au contraire enchaînés entre eux et asservis l'un à l'autre, au point que le mari doit se conformer à la volonté de la femme, et la femme à celle du mari. Et par conséquent, celui des deux qui viole un droit légitime en devenant infidèle à son serment, commet une injustice très criminelle. Et comme la crainte de l'infamie est un motif très puissant pour porter les hommes à l'accomplissement de ce qui est ordonné, et pour les détourner de ce qui est défendu, le Pasteur aura grand soin de montrer aux Fidèles que l'adultère imprime sur le front de celui qui le commet un stigmate d'ignominie. Nos Livres saints nous disent expressément: [1084] " Celui qui est adultère perdra son âme par la folie de son coeur. Il amassera sur sa tête l'opprobre et la honte, et son infamie ne s'effacera jamais. "

Enfin la sévérité des châtiments réservés aux adultères nous démontre suffisamment la grandeur de leur crime. On sait que la Loi de Moïse les condamnait à être lapidés. Bien plus, ne lisons-nous pas que pour le crime d'un seul, non seulement Dieu a frappé le coupable, mais une ville tout entière, celle des Sichimites ? La Sainte Ecriture nous fournit encore plusieurs autres exemples des châtiments exercés par Dieu contre ceux qui violent ce Commandement. Le Pasteur fera bien de les rassembler et de les raconter aux Fidèles, pour les détourner de plus en plus de ces excès abominables. Ainsi furent détruits les habitants de Sodome et des villes voisines, les israélites qui avaient péché avec les filles de Moab dans le désert, et les Benjamites.

Et même ceux qui échappent à la mort, n'échappent ni aux douleurs, ni aux tourments cruels dont ils sont souvent la victime. Ils sont punis du plus terrible des châtiments, l'aveuglement de l'esprit. Dès lors ils ne tiennent plus compte de rien. Dieu, réputation, dignité, enfants, eux-mêmes, tout est oublié. Ils deviennent ainsi tellement pervers et incapables, qu'on, ne peut leur confier rien d'important, et qu'ils ne sont plus guère propres à aucune fonction sérieuse. L'exemple de David et de Salomon nous le prouve bien. Le premier, après son adultère, se trouva tout à coup si différent de lui-même, que de très doux qu'il était, il devint cruel et barbare, et qu'il fit exposer à une mort certaine un de ses plus zélés serviteurs, le fidèle Urie. Le second, livré tout entier à ses honteuses passions, en vint à cet excès d'abandonner sa religion et d'adorer les faux dieux. Tant il est vrai que ce péché, comme dit le Prophète Osée [1085], " emporte le coeur de l'homme, " et le plus souvent même, " le rend aveugle ".

[1079] 1Co 6,18.
[1080] 1Th 4,3.
[1081] 1Co 6,15.
[1082] 1Co 6,19.
[1083] 1Co 7,4.
[1084] Pr 6,32.
[1085] Os 4,11.


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§ IV. - AUTRES REMÈDES CONTRE L'IMPURETÉ.

Venons maintenant aux remèdes qui sont du domaine de l'action.

Le premier est de fuir l'oisiveté. C'est en s'énervant dans ce vice, comme dit Ezéchiel [1086], que les Sodomites se précipitèrent dans les désordres si honteux de leurs horribles débauches,

Le second est d'éviter l'intempérance avec le plus grand soin. " Je les ai rassasiés, dit le Prophète, et ils ont commis l'adultère. " En effet, c'est une cause d'impureté que de prendre des aliments avec excès. C'est ce que notre Seigneur veut nous faire entendre, quand Il nous dit: [1087] " prenez garde de laisser vos coeurs s'appesantir dans l'intempérance et l'ivresse. " Saint Paul nous dit aussi: [1088] " Ne vous enivrez point par le vin, d'où naît la luxure. "

Mais ce qui allume le plus ordinairement la passion impure dans les coeur ", ce sont les regards. C'est pourquoi Notre-Seigneur nous dit: [1089] " Si votre oeil vous scandalise, arrachez-le, et jetez-le loin de vous. " Les Prophètes avaient parlé dans le même sens. " J'ai fait un pacte avec mes yeux, dit Job [1090], pour éviter toute pensée dangereuse. " Et d'ailleurs, nous avons des exemples presque innombrables des désordres qui ont eu leur source dans la curiosité mauvaise des regards. Il n'y a qu'à se rappeler le péché de David, celui du roi de Sichem, et enfin celui des vieillards qui se firent les calomniateurs de Suzanne.

Les parures trop élégantes, si bien faites, malheureusement, pour attirer les regards, sont encore une des sources les plus ordinaires de l'impureté. De là cet avertissement que nous donne l'Ecclésiaste: [1091] " détournez vos yeux d'une femme parée ". Et comme les femmes sont d'ordinaire trop attachées aux ornements du corps, il est nécessaire que le Pasteur les avertisse de temps en temps d'éviter ce défaut, et même de leur faire entendre sur ce point le langage sévère de l'Apôtre Saint Pierre: [1092] " Que les femmes ne se parent point au dehors par l'art de leur chevelure, par les ornements d'or, ni par la beauté des vêtements. " Et Saint Paul, de son côté, leur défend [1093] " les cheveux frisés, les ornements d'or, les pierres précieuses, les vêtements somptueux. " Souvent en effet ces ornements extérieurs ont fait perdre le véritable ornement de l'âme et du corps.

Mais si la trop grande recherche dans la parure porte habituellement au péché de l'impureté, les discours et entretiens déshonnêtes n'y conduisent pas moins. Les propos obscènes sont comme une flamme ardente qui allume dans le coeur des jeunes gens le feu de l'impureté. " Les entretiens mauvais corrompent les bonnes moeurs, " dit l'Apôtre [1094]. Il en est de même des chants trop tendres, et trop efféminés, des danses, des livres licencieux ou peu chastes, ainsi que des tableaux qui représentent quelque chose de honteux. toutes ces choses doivent être évitées avec le plus grand soin, car elles sont capables d'éveiller des sentiments dangereux dans le coeur de la jeunesse et de l'exposer au péril. Sur ce point le Pasteur doit surtout recommander aux Fidèles d'observer religieusement ce que le saint Concile de Trente a réglé avec tant de sagesse et de piété.

Si l'on met tous ses soins à éviter tout ce que nous venons de rappeler, on ne laisse presque pas de place à la passion impure. Mais il ne faut pas oublier que les moyens les plus puissants pour la comprimer et la réduire sont la Confession fréquente et la fréquente Communion, avec des prières assidues et ferventes, l'aumône et le jeûne. La chasteté est un don de Dieu [1095] ; qu'Il ne refuse jamais à ceux qui le demandent comme il faut. " Il ne permet pas que nous soyons tentés au-dessus de nos forces. "

Enfin il faut exercer le corps non seulement par des jeûnes, et spécialement par ceux que l'Eglise prescrit, mais aussi par des veilles, par de pieux pèlerinages, et par d'autres mortifications. C'est le moyen de dompter nos appétits mauvais, et de produire des actes très méritoires de la vertu de tempérance. " Ceux qui combattent dans l'arène, dit Saint Paul [1096], [en parlant de la mortification], s'abstiennent de toutes choses, et cependant ce n'est que pour obtenir une couronne corruptible, au lieu que la nôtre est incorruptible. " Peu après il ajoute: " Je châtie mon corps et je le réduis en servitude, de crainte qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois réprouvé moi-même. " Ailleurs il dit encore: [1097] " ne cherchez pas à contenter votre chair dans ses désirs ".

[1086] Ez 16,49.
[1087] Lac.,21,34.
[1088] Ep 5,18.
[1089] Mt 5,29.
[1090] Jb 31,1.
[1091] Si 9,8.
[1092] 1P 3,3.
[1093] 1Tm 2,9.
[1094] 1Co 15,33.
[1095] 1Co 7,7 1Co 10,13.
[1096] 1Co 9,25.
[1097] Rm 13,14.




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Chapitre trente-cinquième - Du septième Commandement


VOUS NE DÉROBEREZ POINT.

C'est une pratique fort ancienne dans l'Eglise que de chercher à pénétrer les Fidèles de la nature et de l'importance de ce Commandement. Nous en avons pour preuve ce reproche adressé par l'Apôtre à des hommes qui détournaient les autres des vices dont ils étaient eux-mêmes tout couverts. [1098] " Vous instruisez les autres, et vous ne vous instruisez pas vous-mêmes. Vous prêchez qu'il ne faut pas voler, et vous volez vous-mêmes. " Grâce à cet enseignement, non seulement on parvenait à corriger les hommes de ce péché alors très fréquent, mais même on réussissait à apaiser les querelles, les procès et tous les autres maux que le vol amène ordinairement avec lui. Mais puisque malheureusement l'époque où nous vivons nous donne le spectacle des mêmes fautes avec les mêmes inconvénients et les mêmes malheurs qui en sont la suite, les Pasteurs se feront un devoir, à l'exemple des Saints Pères et des Maîtres de la discipline chrétienne, d'insister fortement sur ce point, et d'expliquer en détail, et avec tout le zèle possible, la nature et la portée de ce Commandement. Leur première occupation et leurs premiers soins seront de bien faire ressortir l'amour immense de Dieu pour nous. Il ne s'est pas contenté, en effet, ce Dieu infiniment bon, de mettre en sûreté notre vie, notre corps, notre honneur et notre réputation par ces deux préceptes: Vous ne tuerez point ; vous ne serez point adultère. Mais Il a voulu aussi par cet autre commandement, Vous ne déroberez point, entourer d'une sorte de garde, protéger et défendre tous nos biens extérieurs. Car quelle idée attacher à ces paroles, sinon celle que nous avons indiquée plus haut, en traitant des Commandements qui précèdent, à savoir, que Dieu défend de prendre ou d'endommager les biens d'autrui dont Il se déclare le Protecteur ? Or, plus le bienfait de la Loi divine est étendu, plus aussi nous devons être reconnaissants envers Dieu, qui en est l'Auteur. Et comme la meilleure manière d'avoir cette reconnaissance et de la Lui prouver, c'est non seulement de recevoir avec joie ses préceptes, mais encore de les pratiquer fidèlement, il faudra exciter (et enflammer) les Fidèles à observer exactement celui dont nous parlons.

[1098] Rm 2,21.

Le septième Commandement - comme les précédents - se divise en deux parties: la première qui défend le vol, et qui est explicitement formulée ; la seconde qui est implicitement contenue et renfermée dans la première, et qui nous ordonne d'être bienfaisants et généreux envers nos semblables. Parlons d'abord de la première, Vous ne déroberez point.


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§ I. - QU'EST-CE QUE LE VOL ?

Il y a lieu de faire remarquer tout d'abord que voler ne signifie pas seulement prendre quelque chose à quelqu'un, secrètement et malgré lui, mais encore retenir une chose contre la volonté de celui à qui elle appartient. Car il est impossible de s'arrêter même à la pensée que Dieu qui défend le vol, puisse approuver la rapine, qui est un vol commis avec violence et outrage. Et Saint Paul n'a-t-il pas dit, en propres termes: [1099] " Les ravisseurs du bien d'autrui ne posséderont point le Royaume de Dieu. " C'est pourquoi il ajoute que nous devons éviter avec soin de les fréquenter et de les imiter. Cependant, quoique la rapine soit un péché plus grave que le simple vol - puisque non seulement elle enlève, mais enlève avec violence et insulte - ce n'est pas sans une raison profonde que Dieu, dans ce Commandement, s'est servi du mot vol qui est un terme plus adouci, et en même temps plus général et plus étendu que celui de rapine ; la rapine en effet ne peut être commise et consommée que par des êtres plus forts et plus audacieux que leur victime. Au surplus, tout le inonde comprendra que là où les fautes légères sont défendues, les fautes graves de même espèce le sont aussi, et nécessairement.

La possession et l'usage injustes du bien d'autrui prennent des noms différents, selon la diversité des choses qui sont soustraites à leur propriétaires, malgré eux et à leur insu. Ainsi enlever quelque chose à un particulier, cela s'appelle un vol. Enlever le bien public, c'est un péculat. Réduire en servitude une personne libre ou s'approprier l'esclave d'un autre, c'est un plagiat. Dérober une chose sacrée, c'est un sacrilège. C'est le péché le plus énorme et le plus détestable qu'on puisse commettre contre ce Commandement: et pourtant, hélas ! il est très commun de nos jours. Des biens que la sagesse et la piété avaient voulu absolument consacrer au service divin, aux Ministres de l'Eglise et au soulagement des pauvres ne sont-ils pas détournés trop souvent pour satisfaire les passions et les plaisirs coupables de ceux qui les ont ravis ?

Mais ce précepte ne défend pas seulement le vol proprement dit, c'est-à-dire l'action extérieure du vol, il en défend aussi le désir et la volonté. C'est qu'en effet, il y a une loi spirituelle qui atteint le coeur, source de nos pensées et de nos résolutions. " Car c'est du coeur, dit Notre-Seigneur dans Saint Matthieu [1100], que viennent les mauvaises pensées, les homicides, les impudicités, les vols et les faux témoignages. "

[1099] 1Co 6,10.
[1100] Mt 15,19.


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§ II. - LE VOL eST UN GRAND PÉCHÉ.

Les lumières naturelles et la raison seule suffisent pour nous faire comprendre la gravité de ce péché. En effet, le vol est entièrement contraire à la justice, qui attribue à chacun ce qui lui appartient. La distribution et le partage des biens, établis dès l'origine par le droit des gens, confirmés d'ailleurs par les Lois divines et humaines, doivent être tellement inviolables, que chacun puisse posséder paisiblement ce qui lui appartient de droit ; sans quoi la société est impossible.. Aussi, comme le dit l'Apôtre [1101], " Ni les voleurs, ni les avares, ni tes ivrognes, ni les médisants, ni les ravisseurs du bien d'autrui ne posséderont le Royaume de Dieu. "

L'énormité de ce péché et l'horreur qu'il doit inspirer se révèlent encore par les suites funestes qu'il trame après lui. Il est la source d'une foule de jugements indiscrets et téméraires sur un grand nombre de personnes ; il produit des haines, des inimitiés, et quelquefois même des condamnations terribles de personnes innocentes.

D'ailleurs Dieu ne fait-il pas une obligation rigoureuse de réparer le dommage qu'on a causé à son semblable en lui dérobant son bien ? " Point de rémission du péché, dit Saint Augustin [1102], sans la restitution de l'objet enlevé. " Mais cette restitution, pour les personnes habituées à s'enrichir aux dépens du prochain, ne présente-t-elle pas les plus grandes difficultés ? chacun peut en juger par soi-même et par la conduite ordinaire des autres. Dans tous les cas, voici ce qu'en pense le Prophète Habacuc [1103]: " Malheur à celui qui amasse des biens qui ne lui appartiennent pas, et qui ne cesse de s'entourer d'une boue épaisse ! " Cette boue épaisse, c'est la possession du bien d'autrui. Il est bien difficile d'en sortir et de s'en débarrasser.

[1101] 1Co 6,10.
[1102] S. Aug. Epist.,5
[1103] Ha 2,6.


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§ III. - DIFFÉRENTES eSPÈCES DE VOL.

Il y a tant d'espèces différentes de vols, qu'il serait très difficile de les énumérer toutes. Il suffira d'expliquer avec soin le vol et la rapine, qui sont les deux espèces auxquelles se rapporte tout ce que nous allons dire sur ce sujet. Le Pasteur fera donc tous ses efforts et ne négligera rien pour inspirer aux Fidèles une vive horreur de ce crime et pour les en détourner. Parlons d'abord de la première espèce.

On se rend coupable de vol, quand on achète des choses volées, ou que l'on garde celles qui ont été trouvées, saisies, ou enlevées de quelque manière que ce soit. " Trouver et ne pas rendre, dit Saint Augustin [1104], c'est prendre ! " Toutefois, si l'on ne peut en aucune façon découvrir celui à qui appartient l'objet trouvé, il faut en faire profiter les pauvres. Celui qui ne veut pas restituer dans ce cas montre bien qu'il serait prêt à dérober tout ce qui lui tomberait sous la main, s'il pouvait l'emporter.

On commet le même crime lorsque, en vendant, ou en achetant, on a recours à la fraude et à des paroles mensongères. Ces fraudes et ces mensonges sont toujours punis de Dieu. Mais les plus coupables et les plus iniques en ce genre de vol sont ceux qui vendent comme bonnes et parfaites, des marchandises falsifiées et corrompues, ou qui trompent les acheteurs sur le poids, la mesure, le nombre et la règle. On lit dans le Deutéronome [1105]: " Vous n'aurez point dans votre sac deux poids différents ; " et dans le Lévitique [1106]: " Ne faites point tort par vos jugements, par vos poids et vos mesures. Que vos balances, vos poids, vos setiers et vos boisseaux soient justes ! " on lit aussi dans un autre endroit [1107]: " Le double poids est une abomination aux yeux de Dieu ; la balance frauduleuse n'est pas bonne. "

[1104] S. Aug. Lib.,50. Hom.,9.
[1105] Dt 25,13.
[1106] Lv 19,35.
[1107] Pr 20,23.

Il y a encore vol évident, lorsque des ouvriers et des artisans n'ont pas travaillé d'une manière suffisante et comme ils le devaient, et que néanmoins ils exigent leur salaire en entier. Il faut dire la même chose des serviteurs et des gardiens infidèles. Et même ces sortes de voleurs sont beaucoup plus condamnables que les autres, car les clés défendent au moins contre les voleurs ordinaires, tandis qu'il n'y a rien de caché, ni de fermé pour le voleur domestique.

Sont aussi probablement coupables de vol, ceux qui par des discours pleins de dissimulation et d'artifice, ou par une feinte pauvreté, parviennent à extorquer de l'argent ; et même leur faute est d'autant plus grave qu'ils joignent le mensonge au vol.

Enfin il faut mettre aussi au nombre des voleurs ceux qui, étant payés pour remplir quelque fonction particulière ou publique, n'y donnent que peu ou point de temps, négligent leur charge, mais n'oublient point d'en toucher les profits et les émoluments.

Il existe une multitude d'autres manières de voler. toutes viennent de l'avarice si ingénieuse à découvrir les moyens d'avoir de l'argent. Il serait trop long, et même presque impossible, comme nous l'avons dit, d'en faire l'énumération.


§ IV. - DE LA RAPINE.

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La rapine est la seconde espèce de vol. Mais avant de l'expliquer aux Fidèles, il importe grandement que le Pasteur leur rappelle ces paroles de l'Apôtre [
1Tm 6,9]: " Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et dans le piège du démon. " Qu'il ne laisse jamais non plu: oublier ce précepte [Mt 7,12]. " Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le leur aussi ; " ni cet autre [Tb 4,16]: " Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fit à vous-même. "

La rapine s'étend très loin. Ainsi, ceux qui ne paient point leur salaire aux ouvriers, sont de véritables ravisseurs. Saint Jacques les invite à la pénitence en ces termes: [Jc 5,1] " Allons, riches, pleurez maintenant, poussez des cris et des hurlements à cause des malheurs qui doivent fondre sur vous. " Et il leur en donne la raison en disant: " Voilà que le salaire que vous dérobez aux ouvriers qui ont moissonné vos champs crie contre vous, et que ces cris sont montés jusqu'aux oreilles du Dieu des armées. " Ce genre de rapine est absolument réprouvé dans le Lévitique, dans le Deutéronome, dans Malachie et dans Tobie.

Sont également coupables de rapine: ceux qui ne paient point à l'Eglise et aux princes les impôts, les tributs, les dîmes et tout ce qui leur est dû, ou bien qui le détournent à leur profit: les usuriers, ces ravisseurs si durs et si cruels qui pillent le pauvre peuple, et l'écrasent de leurs intérêts exorbitants. - L'usure est tout ce qui se perçoit au delà de ce qui a été prêté, soit argent, soit autre chose qui puisse s'acheter et s'estimer à prix d'argent. - Il est écrit dans le Prophète Ezéchiel [Ez 18,8]: " Ne recevez ni usure ni rien au delà de votre prêt. " Et Notre-Seigneur nous dit dans Saint Luc [Lc 6,35]: " Prêtez sans rien espérer de là. " Ce crime fut toujours très grave et très odieux, même chez les païens. De là cette maxime: Qu'est-ce que prêter à usure ? Qu'est-ce que tuer un homme ? pour marquer qu'à leurs yeux, il n'y avait pas de différence. En effet, prêter à usure, n'est-ce pas, en quelque sorte, vendre deux fois la même chose, ou bien vendre ce qui n'est pas ?

Sont coupables aussi de rapine ces juges à l'âme vénale, qui vendent la justice, qui se laissent corrompre par l'argent et les présents, et font perdre les meilleures causes aux petits et aux pauvres.

Il en est de même de ceux qui trompent leurs créanciers, qui nient leurs dettes, ou qui, ayant obtenu du temps pour payer, achètent des marchandises sur leur parole, ou sur la parole d'un autre, et qui finalement ne paient point. Leur faute est d'autant plus grave, que les marchands prennent occasion de leur infidélité et de leurs tromperies pour vendre tout beaucoup plus cher au détriment de tous. C'est bien à eux que semble s'appliquer cette plainte de David [Ps 36,21]: " Le pécheur empruntera, et il ne paiera point. "

Que dirons-nous de ces riches qui poursuivent des débiteurs insolvables, leur réclament avec la dernière rigueur ce qu'ils ont prêté, et ne craignent pas de retenir pour gage, contre la défense de Dieu, même les choses qui sont nécessaires à ces malheureux ? " Si vous prenez en gage, dit le Seigneur [Ex 22,26], le vêtement de votre prochain, vous le lui rendrez avant le coucher du soleil, car c'est le seul qu'il possède pour se couvrir et sur quoi dormir. S'il crie vers Moi, Je l'exaucerai parce que Je suis miséricordieux. " Nous n'avons donc pas tort d'appeler rapacité, et par conséquent rapine, la dureté de créanciers si cruels.

Les saints Pères mettent aussi au nombre des ravisseurs, ou hommes de rapine, ceux qui dans une disette accaparent le blé, et sont cause que la vie devient chère et très dure. Il en est de même pour toutes les autres choses nécessaires à la nourriture et à la subsistance. C'est sur eux que tombe la malédiction de Salomon [Pr 11,26]: " Quiconque cache le blé, sera maudit du peuple. " Les Pasteurs ne craindront point de les avertir du mal énorme qu'ils font, de les reprendre sans ménagement, et de mettre sous leurs yeux tous les châtiments réservés à de pareils crimes.

Voilà ce que le septième Commandement nous défend. Venons maintenant à ce qu'il nous ordonne.



§ V. - DE LA RESTITUTION.

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La première chose que ce Commandement nous ordonne, c'est la restitution. [Rappelons-nous le mot de Saint Augustin]: " Point de rémission du péché, sans la restitution de l'objet volé. " Et comme l'obligation de restituer n'atteint pas seulement celui qui a perpétré le vol [de ses propres mains], mais encore tous ceux qui y ont participé de quelque manière que ce soit, il est nécessaire que les Pasteurs enseignent clairement comment on peut tremper dans le vol et la rapine, afin qu'on sache bien quelles sont les personnes qui ne peuvent se soustraire à cette loi de la satisfaction et de la restitution.

Nous nous trouvons ici en face de plusieurs catégories.

La première comprend ceux qui commandent expressément de voler. Ceux-là non seulement sont les complices et les auteurs du vol, mais à vrai dire, ils sont plus coupables que tous les autres.

La seconde renferme ceux qui se bornent à être les conseillers et les instigateurs du vol, parce qu'ils n'ont pas assez d'autorité pour le commander ; ils sont aussi coupables que les premiers, et doivent être placés sur la même ligne, quoique leur action ne soit pas la même.

La troisième se compose de ceux qui sont d'intelligence avec les voleurs.

La quatrième, de ceux qui participent au vol et qui en retirent quelque profit, si toutefois il est permis d'appeler profit ce qui leur vaudra un éternel supplice, à moins qu'ils ne viennent à résipiscence. C'est de cette espèce de voleurs que David vent parler quand il dit: [1117]: " Lorsque vous voyiez un voleur, vous couriez avec lui. "

[1117]
Ps 49,19.

La cinquième compte ceux qui, pouvant parfaitement empêcher le vol, le souffrent et le permettent, bien loin de s'y opposer et de le rendre impossible.

La sixième, ceux qui, sachant très bien qu'un vol a été commis, et où il a été commis, non seulement n'en disent rien, mais même vont jusqu'à feindre de n'en rien savoir.

La septième et dernière, tous ceux qui se font les aides des voleurs, leurs gardiens, leurs protecteurs, qui au besoin leur fournissent asile et domicile. - tous ceux qui participent au vol de l'une ou l'autre de ces manières, sont tenus de satisfaire à ceux qui ont été volés, et il ne faut pas négliger de les exhorter fortement à l'accomplissement de cet indispensable devoir.

Il est difficile d'exempter entièrement du péché de vol ceux qui le louent et l'approuvent. Et il faut dire la même chose des enfants de famille et des femmes qui ne craignent pas de dérober de l'argent à leurs parents et à leurs maris.



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Catéchisme C. Trente 3600