Catéchisme C. Trente 3606

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§ VI. - VAINES eXCUSES DES MENTEURS.

Le Pasteur s'appliquera également à détruire l'erreur de ceux qui s'excusent sur le peu d'importance des conversations, et qui prétendent autoriser leurs mensonges par l'exemple de ces sages du monde qui ont pour maxime, disent-ils, de savoir mentir à propos. Il leur fera observer, ce qui est très vrai " que la prudence de la chair est la mort de l'âme " [1161]. Il les exhortera à mettre en Dieu leur confiance, au milieu des difficultés et des extrémités les plus fâcheuses, et à ne recourir jamais au grossier artifice du mensonge ; car ceux qui se servent de ce subterfuge, laissent voir clairement qu'ils comptent plus sur leur prudence personnelle que sur la Providence de Dieu.

Ceux qui rejettent la cause de leur mensonge sur les menteurs qui les ont trompés les premiers, ont besoin qu'on leur rappelle qu'il n'est pas permis à l'homme de se venger lui-même ; qu'il ne faut point rendre le mal pour le mal, mais au contraire chercher " à vaincre le mal par le bien " [1162] ; et que, quand même la vengeance serait permise, il ne peut jamais être utile à personne de se venger à ses dépens, ce qui arriverait sûrement et avec un préjudice considérable si l'on avait recours au mensonge.

Si on en trouve qui apportent pour excuse l'infirmité et la fragilité naturelles, il faut leur remettre en mémoire l'obligation où ils sont d'implorer le secours divin, et de ne point se laisser vaincre par la nature. D'autres diront qu'ils ont contracté l'habitude de mentir. Il faut les exhorter à multiplier leurs efforts pour contracter l'habitude contraire, de dire toujours la vérité, d'autant que ceux qui pèchent par habitude, sont plus coupables que les autres. Quant à ceux - et ils ne sont pas rares - qui prétendent se justifier sur l'exemple des autres hommes qui, selon eux, mentent et se parjurent à tout propos, il faut les détromper par cette considération, que nous ne devons point imiter les méchants, mais bien plutôt les reprendre et faire en sorte de les corriger ; que si, par malheur, nous mentons nous-mêmes, notre parole aura bien moins d'autorité pour faire accepter nos reproches et nos bons conseils.

Ceux qui défendent leurs mensonges en alléguant qu'ils ont éprouvé souvent de graves ennuis parce qu'ils avaient dit la vérité, les Prêtres les réfuteront en leur montrant que par de telles paroles ils s'accusent, bien plus qu'ils ne s'excusent. Le devoir du vrai Chrétien en effet, n'est-il pas de tout souffrir plutôt que de mentir ?

Enfin nous avons encore deux sortes de personnes qui veulent excuser leurs mensonges: celles qui prétendent ne mentir que par plaisanterie, et celles qui le font pour leur utilité, parce que, disent-elles, elles ne pourraient ni bien vendre ni bien acheter, si elles n'avaient recours au mensonge. Les Pasteurs les tireront de leur erreur les unes et les autres. Ils écarteront les premières de ce vice en leur remontrant que rien n'augmente plus l'habitude du mensonge, que de mentir sans aucune retenue. Ils ajouteront [1163] " qu'il leur faudra rendre compte de toute parole oiseuse ". Et pour les secondes, ils ne craindront point de les reprendre fortement, et de leur montrer qu'une excuse d'un pareil genre ne fait qu'augmenter leur faute, puisqu'elles prouvent bien par là qu'elles n'accordent ni autorité ni confiance à ces paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ [1164]: " Cherchez premièrement le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné par surcroît. "

[1161] Rm 8,6.
[1162] Rm 12,17 Rm 12,21.
[1163] Mt 12,36.
[1164] Mt 6,33.



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Chapitre trente-septième - Du neuvième et du dixième Commandement

Vous ne convoiterez point la maison de votre prochain, et vous ne désirerez point sa femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni rien de ce qui lui appartient.

La première chose à remarquer dans ces deux derniers Commandements, c'est qu'ils nous donnent pour ainsi dire, le moyen infaillible de garder tous les autres. Car ils ont pour objet et pour fin de prescrire à celui qui veut fidèlement observer les Commandements précédents, d'éviter avec le plus grand soin les désirs déréglés. Celui qui ne convoite rien, est content de ce qu'il possède, il ne désire point le bien des autres, il se réjouit de leurs avantages, rend gloire au Dieu immortel, et lui témoigne les plus vives actions de grâces ; il observe le Sabbat, c'est-à-dire, qu'il jouit d'un repos perpétuel, il respecte ses supérieurs, et enfin il ne blesse personne ni en paroles, ni en actions, ni d'aucune autre manière. La convoitise est la racine et la source de tous les maux, et ceux dont elle enflamme les passions se précipitent dans tous les désordres et dans tous les crimes.

Ces réflexions ne peuvent que rendre le Pasteur plus zélé à expliquer ces deux Commandements, et les fidèles plus attentifs à l'écouter et à le suivre.

Nous avons réuni ces deux préceptes parce qu'ils se ressemblent du côté de leur objet, et que la manière de les expliquer est la même ; cependant le Pasteur pourra les traiter ensemble ou séparément, selon qu'il le trouvera plus commode pour ses exhortations et ses instructions. Mais s'il a entrepris d'expliquer en détail le Décalogue, il devra montrer la différence réelle de ces deux Commandements et des deux genres de convoitise qu'ils condamnent. C'est ce que Saint Augustin met très bien en lumière dans son Livre des Questions sur l'Exode [1165].

[1165] Quaest.,77, in Exod.


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§ I. - DIFFÉRENCE eT nÉCESSITÉ DE CES DEUX COMMANDEMENTS.

L'une des convoitises dont nous parlons ne voit et ne cherche que ce qui est utile et avantageux, l'autre court après le plaisir et la volupté. Celui qui désire la maison ou la terre de son voisin, poursuit ce qui est utile et profitable plutôt que la volupté. Au contraire celui qui désire la femme d'autrui, cherche le plaisir et non pas l'utilité.

Ces deux Commandements étaient nécessaires. En voici la double raison: la première, c'est qu'il fallait expliquer le sens du dixième et du septième précepte. Sans doute, en voyant l'adultère défendu, on pouvait en conclure, avec les seules lumières naturelles, qu'il est défendu également de désirer la femme d'un autre ; car il est permis d'user de ce que l'on peut désirer sans crime. Cependant la plupart des Juifs, aveuglés par le péché, ne pouvaient se persuader que Dieu eût fait cette défense. Et même un bon nombre d'entre eux, qui se donnaient comme interprètes de la Loi, et qui par conséquent devaient bien la connaître, étaient tombés dans cette erreur, comme on peut le voir par ces paroles de Notre-Seigneur dans Saint Matthieu [1166]: " Vous savez qu'il a été dit aux Anciens vous ne commettrez point d'adultères ; mais moi, je vous dis... etc. ".

La seconde raison [de la nécessité de ces deux Commandements] c'est qu'ils défendent d'une manière claire et distincte des choses que le sixième et le septième ne défendaient que d'une manière générale. Ainsi, par exemple, le septième Commandement défend de désirer injustement ou de ravir le bien d'autrui ; mais ici il est défendu de le désirer de quelque manière que ce soit, même si l'on pouvait l'acquérir justement et légitimement, dés que cette acquisition pourrait causer quelque dommage au prochain.

Avant d'en venir à l'explication de ce 9° et 10° précepte, il faudra, avant toutes choses, faire remarquer aux fidèles non seulement qu'ils nous obligent à réprimer nos convoitises, mais encore à reconnaître l'infinie bonté de Dieu envers nous. Par les Commandements précédents, Il nous avait entourés comme d'une sorte de garde pour nous mettre, nous et nos biens, à l'abri des violences du prochain ; par ces deux derniers, Il nous défend contre nous-mêmes et contre nos convoitises mauvaises, qui ne pouvaient manquer de nous nuire, s'il nous eût été loisible de tout désirer et de tout souhaiter. Dès lors par le seul fait que Dieu nous défend la convoitise, l'aiguillon des passions malsaines qui nous pousse d'ordinaire à toute sorte d'actions répréhensibles, se trouve émoussé pour ainsi dire ; il nous presse moins, et délivrés de ses sollicitations importunes, nous avons plus de temps pour remplir les devoirs nombreux et si importants que la Religion et la piété nous prescrivent envers Dieu.

Et ce n'est pas là seulement ce que ces deux Commandements nous apprennent. ils nous montrent encore que la Loi de Dieu, pour être observée comme il convient, non seulement exige l'accomplissement extérieur du devoir mais encore les sentiments intimes de l'âme. Et c'est ce qui met une grande différence entre les lois humaines et les lois divines. Les premières se contentent des actes extérieurs, les secondes, par cela même que " Dieu voit au fond du coeur ", demandent, avec la préparation de l'âme, une grande pureté et intégrité de coeur.

La Loi de Dieu est donc comme un miroir où nous apercevons les vices de notre nature. Ce gui a fait dire à l'Apôtre [1167]: " Je n'aurais point connu la concupiscence, si la Loi ne m'avait dit: vous ne convoiterez point. " En effet la concupiscence, qui est comme le foyer du péché, et qui tire son origine du péché même, demeure perpétuellement fixée en nous ; et c'est ce qui nous fait sentir que nous naissons dans le péché. Dès lors nous recourons en suppliants à Celui qui peut seul en laver les souillures.

Autre reste ces deux Commandements ont cela de commun avec les huit autres, qu'ils sont tout à la fois positifs et négatifs ; ils commandent et ils défendent. Et pour bien les faire comprendre, le Pasteur doit les expliquer séparément.

[1166] Mt 5,27.
[1167] Rm 7,7.


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§ II. - QU'EST-CE QUE LA CONCUPISCENCE

Il ne faut pas s'imaginer que ce précepte condamne tous les désirs, ni qu'il considère comme vicieuse une concupiscence qui ne l'est pas. " L'esprit convoite contre la chair ", dit Saint Paul [1168] ; David " désirait en tout temps les ordonnances de Dieu avec la plus vive ardeur " [1169]. Le Pasteur devra donc faire connaître aux Fidèles quelle est cette concupiscence qui est ici défendue.

Il faut entendre par ce mot, comme un mouvement, un élan de l'âme qui nous porte vivement à désirer les choses agréables que nous n'avons pas. Et de même que les autres mouvements de notre âme ne sont pas nécessairement et perpétuellement mauvais, de même l'ardeur de la concupiscence n'est pas nécessairement vicieuse. Ainsi ce n'est pas un mal de désirer de manger et de boire, de se chauffer quand on a froid, ou de chercher le froid quand on a chaud. Il faut dire au contraire que ces désirs sont bons en eux-mêmes, car c'est Dieu qui les a mis en nous. Mais le péché de nos premiers parents a dépravé ces désirs légitimes, ils se sont élancés au-delà des bornes naturelles, et maintenant ils nous poussent trop souvent à convoiter des choses que l'esprit et la raison condamnent.

Toutefois, si nous savons modérer cette ardeur et la contenir dans les justes limites, elle nous devient souvent très utile. D'abord, elle est cause que nous adressons à Dieu des prières assidues, pour Lui demander humblement

et instamment ce que nous désirons le plus. La prière est l'interprète naturel de nos désirs, et si cet élan légitime n'existait pas, les prières ne seraient pas si nombreuses dans l'Eglise de Dieu.

Ensuite elle nous rend plus chers et plus précieux les dons de Dieu ; car plus nous désirons une chose avec ardeur, plus l'objet de notre désir nous devient cher et agréable lorsque nous l'avons obtenu.

Enfin le plaisir même que nous procure la chose désirée lorsque nous la possédons, nous porte à remercier Dieu avec une piété beaucoup plus grande. Si donc il est quelquefois permis de convoiter, nous sommes obligés d'avouer que tout élan de convoitise n'est point défendu. Et quoique l'Apôtre Saint Paul dise que " la convoitise est un péché " [1170], il faut entendre cette parole dans le sens que lui donne Moise, [1171] puisqu'il cite son témoignage. D'ailleurs lui-même laisse voir clairement qu'il pense de même. Dans son Epître aux Galates, [1172] il appelle cette convoitise " la convoitise de la chair. Conduisez-vous, dit-il, par le mouvement de l'esprit, et vous n'accomplirez point les désirs de la chair. "

On ne défend donc point ici ce désir naturel et modéré, qui ne sort point de ses limites, et bien moins encore cette convoitise toute spirituelle d'une âme pure, qui nous fait soupirer après les choses qui combattent la chair. Nos Saints Livres eux-mêmes nous y exhortent. " Désirez mes entretiens, " [1173] et encore: [1174] " venez à Moi, vous tous qui Me désirez avec ardeur. " Ainsi ce que Dieu nous interdit dans ce Commandement, ce n'est pas cette puissance même de convoiter dont nous pouvons user pour le bien et pour le mal, mais bien l'exercice de cette convoitise déréglée que l'on appelle la concupiscence de la chair, et le foyer du péché ; convoitise qui nous rend toujours coupables, dés que notre coeur y donne son consentement.

[1168] Ga 5,17.
[1169] Ps 118,20.
[1170] Rm 7,20.
[1171] Ex 20,17.
[1172] Ga 5,16.
[1173] Sg 6,12.
[1174] Si 24,26.


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§ III. - QUELLE eST LA CONVOITISE QUI eST ICI DÉFENDUE

Dieu défend donc ici uniquement cette ardeur de convoitise que l'Apôtre appelle concupiscence de la chair, c'est-à-dire ces élans de désirs qui ne sont point modérés par la raison, et qui ne restent point dans les limites que Dieu a établies. Cette convoitise est réprouvée, ou parce qu'elle désire le mal, comme l'adultère, l'intempérance, l'homicide, et autres crimes abominables dont l'Apôtre a dit: [1175] " ne nous livrons point aux mauvais désirs, comme les Juifs s'y livrèrent ; " ou parce que, si les choses que l'on désire ne sont pas mauvaises de leur nature, il est cependant défendu de les désirer pour d'autres motifs

telles sont les choses que Dieu et l'Eglise nous défendent de posséder. Car il ne peut nous être permis de désirer ce qu'il ne nous est point permis de posséder. tels furent, dans la Loi de Moise, l'or et l'argent dont les idoles étaient faites, et que Dieu, dans le Deutéronome, défendait aux Juifs de convoiter.

Une troisième raison qui rend cette convoitise coupable et absolument défendue, c'est lorsqu'elle désire des choses qui appartiennent à autrui, comme sa maison, son serviteur, sa servante, son champ, sa femme, son boeuf, son âne et tous les autres biens que la Loi de Dieu nous défend de convoiter, uniquement parce qu'ils ne sont pas à nous.

Le désir de toutes ces choses est criminel, et il est compté parmi les péchés les plus considérables, lorsque le coeur y donne son consentement formel. Car le péché excité par les désirs déréglés de la concupiscence, prend plaisir au mal, soit qu'il l'approuve, soit seulement qu'il n'y résiste point. Ainsi l'enseigne l'Apôtre Saint Jacques, dans ce texte célèbre Où il nous montre l'origine et le progrès du péché: [1176] " Chacun est tenté par sa propre concupiscence qui l'emporte et l'attire. Ensuite, quand la concupiscence produit son effet, cet effet est le péché, et le péché, lorsqu'il est accompli, produit la mort. "

Ainsi donc, quand la Loi nous dit: Vous ne convoiterez point, elle nous dit. En d'autres termes, d'éloigner nos désirs de tout ce qui ne nous appartient pas. Car la soif du bien du prochain est immense, infinie, et jamais rassasiée, ainsi qu'il est écrit: [1177] " l'avare ne sera jamais rassasié d'argent ", ce qui a fait dire à Isaïe: [1178] " Malheur à vous qui joignez maison à maison, et un champ à un autre ! "

Mais chacun des termes du précepte veut être expliqué séparément. Ainsi l'on comprendra mieux la laideur et l'énormité du péché dont nous parlons.

[1175] 1Co 10,6.
[1176] Jc 1,14.
[1177] Si 5,9.
[1178] Is 5,8.


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§ IV. - DIFFÉRENTES eSPÈCES DE BIEN D'AUTRUI QUE L'ON nE DOIT PAS DÉSIRER.

Le Pasteur enseignera aux Fidèles que ce mot de maison désigne non seulement le lieu ou l'on habite, mais en général tous les biens que l'on possède. C'est dans ce sens que les Ecrivains sacrés l'ont employé le plus ordinairement. Ainsi il est dit dans l'Exode: [1179] " Dieu bâtit des maisons aux sages femmes. " Ces paroles signifient évidemment que Dieu étendit et augmenta leurs biens. Cette interprétation du mot maison nous montre que la Loi de Dieu nous défend de désirer avec avidité les richesses, et de porter envie à la fortune, à la puissance, à la noblesse des autres. Dieu veut que nous soyons contents de notre condition, quelle qu'elle soit, basse ou élevée. Nous devons voir aussi dans ce mot la défense de désirer la gloire du prochain, car la gloire fait partie de la maison.

[1179] Ex 1,21.

Les mots qui suivent: le boeuf, l'âne, indiquent qu'il nous est défendu de convoiter non seulement les choses considérables, comme la maison, la noblesse, la gloire, parce qu'elles appartiennent à autrui ; mais même les petites, et n'importe lesquelles, animées ou inanimées.

Vient ensuite le mot serviteur. Il faut l'entendre aussi bien des captifs que des serviteurs de toutes sortes et autrefois des esclaves ; nous n'avons pas le droit de les convoiter, pas plus que ce qui appartient à un autre. Quant aux hommes libres qui servent volontairement, soit par intérêt, soit par affection ou par dévouement, on ne doit rien employer, ni paroles, ni craintes, ni promesses, ni argent pour les corrompre et les engager à quitter ceux à

qui ils se sont spontanément attachés. Et même s'ils viennent à les quitter avant le temps qu'ils avaient promis de rester à leur service, il faut les avertir que ce précepte leur fait une obligation formelle de rentrer chez leurs maîtres.

Que si, dans ce même précepte, il est fait mention du prochain, - c'est pour rendre plus évident le mauvais penchant des hommes qui ont l'habitude de jeter leurs désirs sur les terres, les maisons ou toute autre chose qui les touche. Et en effet le voisinage, qui est d'ordinaire un des éléments de l'amitié, devient souvent une source de haines par le dérèglement de la cupidité.

Toutefois, ce n'est pas violer ce Commandement que de désirer d'acheter des objets que nos voisins ont à vendre, ou de les acheter à leur juste pria. Non seulement nous ne faisons point tort au prochain en agissant de la sorte, mais nous lui rendons un grand service, puisque l'argent qu'il reçoit lui sera plus avantageux et plus commode que ce qu'il met en vente.



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§ V. - IL eST DÉFENDU DE DÉSIRER LA FEMME DE SON PROCHAIN.

Après la Loi qui nous défend de désirer en général le bien d'autrui, vient celle qui nous interdit de convoiter sa femme. Cette Loi n'atteint pas seulement la passion coupable qui fait désirer la femme d'un autre en vue de l'adultère, mais encore le simple désir de l'épouser. Car lorsqu'il était permis de répudier sa femme, il pouvait arriver facilement que celle qui était répudiée par l'un, fût épousée par l'autre. Et c'est pourquoi Notre-Seigneur a voulu porter cette défense, pour que les maris ne fussent point tentés de laisser leurs femmes, ni les femmes de se montrer difficiles et fâcheuses afin de mettre leurs maris dans la nécessité de leur donner le billet de répudiation.

Mais aujourd'hui ce péché est beaucoup plus grave, puisqu'il est défendu d'épouser une femme même répudiée, tant que son mari n'est pas mort. Celui qui aura le malheur de désirer la femme de son prochain, tombera facilement dans l'un de ces deux crimes, ou de souhaiter la mort du mari, ou de désirer l'adultère.

Il en faut dire autant des femmes qui sont fiancées. La Loi de Dieu interdit de les convoiter, puisque chercher à rompre ces sortes de promesses c'est fouler aux pieds le plus sacré des engagements.

Cependant si quelqu'un désirait avoir pour épouse une femme mariée, mais qu'il croirait libre, et qu'il fût résolu à ne pas la demander en mariage, dans le cas où il saurait qu'elle est déjà l'épouse d'un autre, cet homme, avec des intentions telles, ne violerait certainement point le précepte que nous expliquons. Ce fut le cas, comme nous le voyons dans l'Ecriture, de Pharaon et d'Abimelech, qui désiraient prendre Sara pour femme, parce qu'ils ne la croyaient pas mariée, la regardant comme la soeur, et non comme l'épouse d'Abraham.



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§ VI. - CE QUE DIEU ORDONNE PAR CES DEUX COMMANDEMENTS.

Pour faire connaître aux Fidèles les remèdes que Dieu a préparés pour détruire l'effet de nos convoitises mauvaises, le Pasteur devra leur expliquer la seconde disposition de la Loi. Or, d'après cette disposition, " si les richesses abondent dans notre maison, nous ne devons pas attacher notre coeur [1180] ". Au contraire nous devons être prêts à les sacrifier dans l'intérêt de la Foi et de notre Salut. De même nous devons nous en servir généreusement pour venir en aide à la détresse du pauvre. Mais si les biens de la fortune nous manquent, nous saurons supporter de bon coeur et même avec joie notre indigence. D'ailleurs, si nous nous dépouillons charitablement de ce qui nous appartient, nous aurons bientôt éteint en nous le désir de ce qui ne nous appartient pas.

Ajoutons que le Pasteur trouvera facilement, soit dans l'Ecriture Sainte, soit dans les Pères tout ce que l'on peut dire au peuple sur l'éloge de la pauvreté et sur le mépris des richesses.

Cette Loi nous ordonne également de désirer de tout notre coeur et avec la plus vive ardeur l'accomplissement, non de nos propres voeux, mais de la volonté de Dieu, ainsi qu'il est dit dans l'Oraison Dominicale. Or la volonté de Dieu, c'est que nous travaillions d'une manière toute particulière à devenir des saints ; que nous conservions la sincérité du coeur, avec une pureté parfaite ; que nous nous exercions à ces oeuvres de l'esprit, qui sont contraires à celles des sens ; qu'après avoir dompté nos appétits, nous suivions toujours le droit chemin en toutes choses, avec la lumière et le jugement de la saine raison ; et que enfin, nous sachions réprimer vigoureusement tout sentiment qui pourrait devenir une occasion funeste pour nos convoitises et nos passions.

Or, pour éteindre cette ardeur des passions, il nous sera très utile de considérer attentivement les inconvénients qui en sont la suite.

Le premier de ces inconvénients, c'est que, si nous obéissons à nos convoitises déréglées, le péché dominera dans notre âme, avec toute sa puissance et toute sa tyrannie. Voilà pourquoi l'Apôtre nous fait cette recommandation: [1181] " Que le péché ne règne point dans votre corps mortel, en sorte que vous obéissiez à ses mauvais désirs. " De même, en effet, qu'en résistant aux passions, on détruit la force du péché, de même en y succombant, on chasse le Seigneur de son royaume, pour installer le péché à sa place.

Le second inconvénient, c'est que la concupiscence est comme une source intarissable qui donne naissance à tous les autres péchés, ainsi que nous l'enseigne l'Apôtre Saint Jacques [1182] ; et Saint Jean dit de son côté: [1183] " Tout ce qui est dans le monde, est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux, et orgueil de la vie. "

[1180] Ps 61,11.
[1181] Rm 6,12.
[1182] Jc 1,14.
[1183] Jn 2,15.

Le troisième, c'est que les passions mauvaises obscurcissent la raison et faussent le jugement. Les hommes sont aveuglés par les ténèbres de la convoitise, dès lors, tout ce qu'ils désirent devient pour eux honnête et parfait.

Enfin, cette même convoitise étouffe en nous la parole que Dieu Lui-même - ce grand cultivateur -- a déposée dans nos âmes. " Le grain semé dans les épinces, dit Saint Marc, est la figure de ceux qui entendent la parole et qui la laissent étouffer par les maux de la vie, par l'illusion des richesses, et par tous les effets des passions ; ce qui fait qu'elle ne porte aucun fruit. "



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§ VII. - QUI SONT CEUX QUI PÈCHENT CONTRE CES DEUX COMMANDEMENTS.

Le Pasteur ne manquera pas de dire, en terminant cette explication, qui sont ceux qui ont le plus à lutter contre leurs convoitises criminelles, et que par conséquent il doit exhorter le plus à observer ce précepte.

Ce sont ceux qui se plaisent à des divertissements indécents, ou qui se livrent sans modération aux jeux même permis ; les marchands, qui désirent la disette, ou la cherté des marchandises, qui voient avec chagrin qu'ils ne sont pas les seuls pour acheter et pour vendre, ce qui leur permettrait de vendre plus cher et d'acheter à plus bas prix ; ceux qui souhaitent que leurs semblables soient dans la misère, afin de réaliser du profit soit en leur vendant, soit en leur achetant ; les militaires qui demandent la guerre pour avoir la licence de voler et de piller ; les médecins qui désirent des malades ; les hommes de loi qui réclament des causes, et des procès importants et nombreux ; les ouvriers qui voudraient qu'il y eût rareté et disette de tout ce qui est nécessaire à la nourriture et à l'entretien, pour gagner davantage.

Sont encore très coupables en ce genre ceux qui sont désireux et avides de la gloire et de la considération des autres, et qui ne se privent pas de les attaquer par la calomnie ; surtout s'ils sont eux-mêmes des êtres lâches et sans mérite, car la considération et la gloire sont le prix de la vertu et du talent, et non celui de la lâcheté ou de la paresse.



Quatrième partie - De la prière


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Chapitre trente-huitième - De la Prière en général

L'un des devoirs les plus sacrés du ministère pastoral, l'un des plus indispensables au salut du peuple, c'est, à coup sûr, l'enseignement de la Prière chrétienne. Si un Pasteur pieux et zélé ne met pas tous ses soins à en instruire les Fidèles, beaucoup d'entre eux n'en connaîtront jamais la nature et l'importance. C'est pourquoi le Prêtre, digne de ce nom, s'appliquera de toutes ses forces à bien faire comprendre à ses auditeurs religieux ce qu'il faut demander à Dieu, et comment il convient de le demander.

Toutes les qualités de la Prière parfaite se trouvent réunies dans cette divine formule que Notre-Seigneur Jésus-Christ voulut bien enseigner à ses Apôtres, et, par eux ou par leurs successeurs, à tous ceux qui dans la suite devaient embrasser la Religion chrétienne ; formule dont les paroles et les pensées doivent être gravées si profondément dans notre esprit et dans notre coeur, qu'elles nous soient toujours présentes. Et pour faciliter aux Pasteurs les moyens d'instruire les Fidèles sur cette Prière particulière, nous avons réuni, dans cette dernière partie de notre Catéchisme, tout ce qui nous a paru se rapporter davantage à notre sujet. Dans ce but, nous avons emprunté largement aux Auteurs les plus savants et les plus célèbres en cette matière. Pour le surplus, les Pasteurs (s'ils en ont besoin), pourront aller le puiser eux-mêmes, et aux mêmes sources.



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§ I. - DE LA NÉCESSITÉ DE LA PRIÈRE.

La première chose à enseigner, dans ce sujet, c'est la nécessité de la Prière, car la recommandation qui nous en est faite n'est pas un simple conseil, mais bien un précepte rigoureux et formel. Notre-Seigneur Jésus-Christ l'a déclaré expressément: [Lc 18,1] " Il faut toujours prier. "

Cette nécessité de la Prière ressort également de la petite Préface que l'Eglise nous fait dire à la Messe, avant l'Oraison Dominicale: Notre-Seigneur, nous ayant commandé de prier, et nous ayant donné Lui-même un modèle de prière, nous osons dire, etc C'est donc parce que la Prière est nécessaire d'une part, et parce que d'autre part, ses disciples Lui avaient dit: [Lc 11,1] " Seigneur, apprenez-nous à prier ", que le Fils de Dieu leur prescrivit une formule de prière, en leur donnant l'espoir qu'ils obtiendraient tout ce qu'ils demanderaient. Bien plus, Il voulut confirmer son précepte par son propre exemple, non seulement en priant avec assiduité, mais même en passant des nuits entières à prier.

Les Apôtres ne manquèrent pas de transmettre ce précepte de Jésus-Christ à ceux qui embrassaient la Foi chrétienne. C'est ainsi que Saint Pierre et Saint Jean se font un devoir de le rappeler très exactement aux âmes croyantes ; et l'Apôtre Saint Paul s'empresse de les imiter, en exhortant fréquemment les Chrétiens à cette salutaire obligation de la Prière.

Il est, en outre, tant de biens et de secours dont nous avons besoin et pour l'âme et pour le corps, qu'il nous faut absolument recourir à la Prière. Elle seule, en effet, est capable d'exposer fidèlement à Dieu notre détresse. Elle seule peut en obtenir tout ce qui nous manque. Ne l'oublions pas, Dieu ne doit rien à personne, et par conséquent, si nous voulons qu'Il nous accorde ce dont nous avons besoin, nous devons nécessairement le solliciter de Lui par la Prière. La Prière est comme un instrument qu'Il nous a donné, afin que nous nous en servions pour obtenir ce que nous désirons. Sans la Prière - cela n'est que trop certain - il est des choses que nous n'aurions jamais. Ainsi, l'un de ses effets les plus extraordinaires, c'est qu'elle possède la vertu de chasser les démons. Car, dit Notre-Seigneur dans Saint Matthieu: [Mt 17,21] " Il est un genre de démons qui ne peut se chasser que par le jeûne et par la Prière. "

C'est donc se priver d'un grand nombre de faveurs particulières, que de négliger ce pieux exercice de la Prière, de n'en point prendre l'habitude, de ne pas s'en acquitter avec tout le soin qu'il mérite. Pour obtenir, au contraire, ce que l'on demande, il ne faut pas seulement une Prière convenable, il faut une prière persévérante. Comme le dit très bien Saint Jérôme: [1187] il est écrit: [Mt 7,8 Lc 11,10 Jn 16,23] " On donne à quiconque demande. Si donc on ne vous donne pas, c'est que vous ne demandez pas. Demandez donc, et vous recevrez. "

[1187] Hier. in cap.,7.


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§ II - UTILITÉ ET FRUITS DE LA PRIÈRE.

Si la Prière est nécessaire, elle est aussi extrêmement utile. Ses fruits sont très agréables et très abondants. Les Pasteurs en trouveront le détail dans les Saint Pères, lorsqu'ils auront à les expliquer aux Fidèles. Pour nous, nous nous sommes bornés à en choisir quelques-uns qui nous ont paru convenir aux besoins des temps présents.

Le premier fruit que nous retirons de la Prière, c'est que notre Prière honore Dieu, car elle est un Acte de religion que les Saintes Lettres comparent à un parfum. " Que ma Prière s'élève vers Vous, dit le Prophète [1189], comme la fumée de l'encens ! " en priant, nous reconnaissons que nous dépendons de Dieu, nous confessons et proclamons qu'Il est l'Auteur de tous les biens, nous n'espérons qu'en Lui, et nous Le regardons comme le seul refuge et l'unique soutien de notre existence présente et de notre vie future. Du reste, ce fruit de la Prière est clairement marqué dans ces paroles: [1190] " Invoquez-moi au jour de la tribulation, Je vous en tirerai, et vous M'honorerez ! "

Un second fruit de la Prière, - fruit infiniment avantageux et consolant, et qu'on en retire lorsque Dieu l'exauce - c'est qu'elle ouvre le ciel dont elle est la clef, selon Saint Augustin. [1191] " La Prière monte, dit-il, et la miséricorde divine descend. Si basse que soit la terre, si élevé que soit le ciel, Dieu entend néanmoins la parole de l'homme. "

La Prière est d'une vertu et d'une utilité si grandes, que par elle nous obtenons la plénitude des dons célestes. C'est à cause de nos Prières que Dieu nous donne l'Esprit Saint pour guide et pour appui. Par elle encore nous conservons la pureté de notre Foi, nous écartons les dangers, nous évitons les peines, nous sommes protégés de Dieu dans la tentation et nous triomphons du démon. En un mot, la Prière est la source des joies les plus pures. C'est pourquoi Notre-Seigneur disait: [1192] " Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite. "

D'ailleurs, il n'est pas possible de douter un seul instant que Dieu dans sa Bonté ne réponde et ne se rende à l'appel de la Prière. Nous en trouvons la preuve en maints endroits de nos Saints Livres. Et comme ces textes sont sous la main de tous, nous nous bornerons à citer les paroles suivantes d'Isaïe: [1193] " Alors vous invoquerez, dit-il, et le Seigneur vous exaucera: vous crierez, et le Seigneur dira: Me voici ! " Et ailleurs: [1194] " avant qu'ils ne crient, Je les entendrai ; ils parleront encore, que déjà Je les aurai exaucés " Quant aux exemples de ceux qui ont obtenu de Dieu ce qu'ils demandaient, ils sont si nombreux et si connus que nous n'avons pas besoin de les rapporter ici.

[1189] Ps 140,2.
[1190] Ps 19.
[1191] Serm.,15,226, de Tempore.
[1192] Jn 16,24.
[1193] Is 58,9.
[1194] Is 65,24.

Il arrive quelquefois cependant que nous n'obtenons pas de Dieu ce que nous Lui demandons. C'est vrai. Mais Dieu n'en veut pas moins notre bien. Ou Il nous accorde des grâces plus grandes et plus précieuses que celles que nous sollicitons, ou l'objet de notre Prière n'est ni nécessaire ni utile, ou peut-être même, si Dieu nous l'avait accordé, il nous serait devenu funeste et nuisible. " Car, dit Saint Augustin [1195], il y a des choses que Dieu refuse dans sa bonté et qu'Il accorde dans sa colère. " D'autres fois aussi notre Prière est si tiède et si nonchalante que nous ne pensons pas même à ce que nous disons. Cependant la Prière est l'élévation de notre âme vers Dieu. Mais si, en priant, l'esprit qui devrait ne s'occuper que de Dieu, s'égare sur toutes sortes d'objets, et si l'on débite sans attention, sans piété, presque au hasard, les formules qu'on récite, comment donner le nom de Prière chrétienne à ce vain bruit de paroles ? est-il étonnant dès lors que Dieu se montre insensible à nos désirs, puisque par notre négligence et notre indifférence même, nous semblons prouver que nous ne tenons pas du tout à ce que nous demandons, ou bien que nous sollicitons des choses qui nous seraient nuisibles ?

Au contraire, quand on prie avec attention et ferveur, on obtient de Dieu beaucoup plus qu'on ne demande. Saint Paul nous l'atteste dans son Epître aux Ephésiens. Nous en avons la preuve également dans la Parabole de l'enfant prodigue. Ce malheureux jeune homme se serait cru très bien traité, si seulement son père avait voulu l'admettre au rang de mercenaire.

Quelquefois même Dieu met le comble à ses faveurs, en nous accordant ses. dons non seulement en abondance, mais encore avec promptitude, non seulement sur notre demande, mais sur un simple désir de notre part.

C'est ce que nous voyons dans nos Saints Livres, où nous trouvons des formules de ce genre: [1196] " Dieu a exaucé les voeux du pauvre. " Oui vraiment notre Dieu répond aux désirs intimes et secrets de ceux qui ont besoin, avant même qu'ils ne Lui aient exposé leur détresse.

Un troisième fruit de la Prière, c'est qu'elle est un exercice et un accroissement de toutes les vertus, en particulier de la Foi. Le mayen de prier, en effet, et de bien prier, si l'on n'a pas foi en Dieu ? C'est la parole de l'Apôtre Saint Paul: [1197] " Comment invoqueront-ils Celui auquel ils ne croient point ? " Dès lors plus les Fidèles mettent d'ardeur à prier, plus ils ont une foi grande et ferme dans la Bonté et la Providence de Dieu, et par suite plus ils sont disposés à Lui obéir, c'est-à-dire à s'en rapporter à Lui pour tous leurs besoins, et à Lui demander toutes choses.

Dieu pourrait, à coup sûr, répandre sur nous tous ses dons, sans prières et même sans désirs de notre part. C'est ainsi qu'Il en agit envers les animaux privés de raison, à qui Il donne tout ce qui est nécessaire à leur existence. Mais ce Père d'une Bonté parfaite veut être prié par ses enfants. Il veut qu'en L'invoquant chaque jour, notre Prière s'élève chaque jour jusqu'à Lui avec une confiance plus grande. En un mot Il veut, en exauçant nos Prières, affirmer de plus en plus et proclamer en quelque sorte son infinie Bonté envers nous.

La Prière augmente aussi la Charité. En effet, lorsque nous reconnaissons Dieu comme l'Auteur de tous les biens et de tous les avantages dont nous jouissons ici-bas, nous nous attachons à Lui de tout l'amour dont notre coeur est capable. Les affections humaines grandissent et s'enflamment par les conversations, les visites, les rapports fréquents. Il en est de même de l'Amour de Dieu. Plus les hommes pieux multiplient leurs prières, en implorant la Bonté de Dieu, et en s'entretenant avec Lui, plus ils sentent croître en eux-mêmes une joie pénétrante, en même temps qu'ils sont portés à aimer et à servir Dieu de tout leur coeur.

Si donc Dieu nous oblige à Le prier, c'est afin que nous soyons plus ardents à Lui demander ce que nous désirons ; c'est aussi [selon la pensée de Saint Augustin] [1198] " afin que nous ne soyons redevables qu'à la constance et d la vivacité de nos désirs, de ces faveurs signalées dont notre coeur, auparavant sec et resserré, n'aurait pas été digne ".

Il veut aussi nous faire comprendre et toucher du doigt, en quelque sorte, cette vérité capitale, que si le secours de la Grâce céleste venait à nous manquer, nous ne pourrions absolument rien par nous-mêmes. Quel motif, par conséquent, de nous appliquer à prier avec toute la ferveur possible 1

La Prière est encore une arme très puissante contre les ennemis les plus dangereux de notre nature: " contre le démon et ses attaques, dit saint Hilaire [1199], combattons par le bruit de nos prières. "

Un autre fruit bien précieux que nous assure la prière, c'est que malgré notre dégradation originelle, et par suite notre inclination au mal et aux divers appétits déréglés de la concupiscence, Dieu nous permet néanmoins d'élever nos pensées jusqu'à Lui. Et s'il nous permet d'agir de la sorte, c'est qu'il veut par là nous faire mériter ses bienfaits, sanctifier notre volonté, purifier nos souillures et détruire en nous les effets malheureux du péché.

Enfin la Prière, selon la pensée de Saint Jérôme, résiste à la colère divine elle-même. " Laisse-Moi ", disait Dieu à Moise [1200], qui L'arrêtait par sa Prière, au moment où Il voulait châtier son peuple. C'est qu'en effet pour apaiser la colère de Dieu irrité, pour l'amener à suspendre ses coups, lorsqu'il se prépare à frapper le coupable, et même pour Le faire revenir de sa " fureur ", rien n'est plus efficace que la Prière des âmes pieuses.

[1195] Aug. serm.,33, de Verb. Domini.
[1196] Ps 9,17.
[1197] Rm 10,14.
[1198] Aug. Epist.,121, c.,8.
[1199] Hil., in Psal. 63.
[1200] Ex 32,10.




Catéchisme C. Trente 3606