1996 Denzinger 775

Lettre Ex parte tua, à l'évêque de Modène, 1200.

La forme sacramentelle du mariage.

776
Nous voulons que pour les mariages qui à l'avenir seront contractés, tu observes ceci : si, après qu'est intervenu entre personnes légitimes un consentement 'de praesenti' - lequel dans de tels cas suffit, conformément aux déterminations canoniques ; et si lui seul fait défaut, même dans le cas où cela a été réalisé par l'union charnelle, tout le reste est en vain -, des personnes unies de façon légitime contractent ensuite de facto avec d'autres, ce qui auparavant a été fait selon le droit ne peut pas être rendu caduc.

Lettre " Gaudeamus in Domino " à l'évêque de Tibériade, début de 1201.

Les mariages des païens et le privilège paulin.

777
Si des païens qui épousent des femmes apparentées à eux au deuxième, troisième, ou à un autre degré, en étant apparentées ainsi, doivent demeurer ensemble après leur conversion, ou s'ils doivent être séparés : telle est la question au sujet de laquelle tu demandes à être informé par un écrit apostolique.
A ce sujet Nous donnons à ta fraternité la réponse suivante : étant donné que le sacrement du mariage existe pour les fidèles et les non- croyants, comme le montre l'Apôtre lorsqu'il dit : " Si un frère a une femme non croyante et qu'elle consent à vivre avec lui, qu'il ne la répudie pas "
1Co 7,12 ; et puisque dans les degrés de parenté précités le mariage a été contracté de façon licite par des non-croyants qui ne sont pas tenus par les déterminations canoniques (que nous importe, selon le même Apôtre, " de juger ceux qui sont au- dehors ? " 1Co 5,12 : pour cette raison, et pour favoriser surtout la religion et la foi chrétiennes que les hommes pourraient facilement être dissuadés d'embrasser par les femmes, si celles-ci craignaient d'être répudiées, des fidèles engagés dans les liens du mariage de cette façon pourront demeurer licitement et librement unis, puisque le sacrement du baptême ne dissout pas les mariages mais enlève les péchés.

778
Mais parce que des païens répartissent l'affection conjugale entre plusieurs femmes en même temps, ce n'est pas sans raison qu'on se demande si, après la conversion, ils peuvent les garder toutes, ou laquelle d'entre elles. Mais cela semble être contraire et hostile à la foi chrétienne, puisque dès le commencement une seule côte a été changée en une seule femme, et que l'Ecriture divine atteste que " pour cette raison l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, et ils seront une seule chair "
Ep 5,3 Gn 2,24 Mt 19,5 ; elle ne dit pas " trois ou plusieurs " mais " deux " ; et elle ne dit pas non plus : " il s'attachera à des femmes ", mais " à la femme ". Et il n'a jamais été permis à quiconque d'avoir en même temps plusieurs femmes si cela ne lui a pas été concédé par une révélation divine, considérée parfois comme une coutume, parfois même comme un droit, et par laquelle de même que Jacob a été disculpé de sa tromperie, les Israélites du vol et Samson du meurtre, de même aussi les patriarches et d'autres hommes justes qui, comme on peut le lire, avaient plusieurs femmes, sont disculpés de l'adultère.
Mais cette conception est également manifestée comme pleinement véridique par le témoignage de la Vérité qui atteste dans l'Evangile : " Si quelqu'un répudie sa femme, sauf en cas de fornication, et en épouse une autre, il est adultère " Mt 19,9; cf. Mc 10,11). Si donc, lorsque la femme a été répudiée, le droit empêche d'en épouser une autre, à plus forte raison si elle a été gardée ; par quoi il apparaît clairement que pour les deux sexes - car ils ne sont pas considérés différemment - la pluralité en matière de mariage doit être réprouvée.

779
Mais si quelqu'un a répudié sa femme légitime selon son rite, puisque la Vérité a réprouvé une telle répudiation dans l'Evangile, il ne pourra jamais licitement en avoir une autre du vivant de celle-ci, même s'il se convertit à la foi en Christ, à moins que celle-ci, après la conversion, refuse de cohabiter avec lui, ou si elle y consent, mais non sans blasphémer le créateur ou l'inciter au péché mortel ; dans ce cas celle qui demanderait le rétablissement dans ses droits, et même s'il était établi qu'il y a eu spoliation injuste, se verrait refuser ce rétablissement : car selon l'Apôtre le frère ou la soeur ne sont soumis à aucune obligation dans ce cas
1Co 7,15.
Mais si quelqu'un est converti à la foi et que celle-ci le suit en s'étant convertie elle aussi, avant qu'il ait pris une épouse légitime pour les raisons susdites, il doit être contraint à la reprendre. Il est vrai que selon la vérité de l'Evangile celui qui épouse une femme répudiée commet l'adultère Mt 19,9, mais celui qui a répudié ne peut pas reprocher la fornication à celle qui a été répudiée parce que, après la répudiation, elle en a épousé un autre, à moins qu'elle ait forniqué ailleurs.

Lettre " Maiores Ecclesiae causas " à l'archevêque Humbert d'Arles, fin de 1201

L'effet du baptême, en particulier le caractère.

780
... Ils affirment en effet que le baptême est conféré aux petits enfants de façon inutile. ... Nous répondons que le baptême a succédé à la circoncision. ... C'est pourquoi, de même que l'âme du circoncis n'était pas retranchée de son peuple
Gn 17,14, de même celui qui sera né à nouveau de l'eau et de l'Esprit Saint, obtiendra d'entrer dans le Royaume des cieux Jn 3,5.
Bien que la faute originelle fût remise par le mystère de la circoncision, et que le péril de la condamnation fût écarté, on ne parvenait pas cependant au Royaume des cieux qui demeurait fermé à tous jusqu'à la mort du Christ ; mais par le sacrement du baptême rougi par le sang du Christ, la faute est remise et l'on parvient également au Royaume des cieux dont le sang du Christ a ouvert miséricordieusement la porte à ses fidèles. On ne peut admettre en effet que tous les petits enfants, dont tant meurent chaque jour, périssent sans que le Dieu de miséricorde, qui veut que personne ne périsse, leur ait procuré à eux aussi un moyen de salut...
Ce que disent les adversaires, à savoir que la foi ou la charité ou les autres vertus ne sont pas infusées aux petits enfants puisqu'ils ne donnent pas leur consentement, n'est pas concédé par la plupart en un sens absolu...; d'autres affirment que par la vertu du baptême la faute leur est remise, mais que la grâce ne leur est pas conférée ; quelques-uns cependant disent que le péché leur est pardonné et que les vertus leur sont infusées, qu'ils les ont cependant comme une disposition 904 mais qu'ils n'en ont pas l'usage jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à l'âge adulte...
Nous disons : il faut distinguer qu'il y a un double péché : à savoir le péché originel et le péché actuel, l'originel qu'on contracte sans consentement et l'actuel qui est commis avec consentement. L'originel donc, qui est contracté sans consentement, est remis sans consentement en vertu du sacrement ; mais l'actuel, qui est contracté avec consentement, n'est nullement remis sans consentement... La peine du péché originel est la privation de la vision de Dieu, mais la peine du péché actuel est le supplice de la géhenne éternelle....

781
Il est contraire à la religion chrétienne que quelqu'un qui le refuse de façon permanente et qui s'y oppose de façon constante soit contraint à accepter et à observer le christianisme. C'est pourquoi d'autres distinguent, non sans raison, entre volonté contraire et volonté contraire, et entre contraint et contraint, car celui qui, amené par force, grâce à des moyens de terreur et des supplices, reçoit le sacrement du baptême pour éviter ces dommages, tout de même que celui qui accède au baptême de mauvaise foi reçoit l'empreinte du caractère chrétien et, en tant que voulant sous condition, et bien que ne voulant pas absolument, il doit être obligé à observer la foi chrétienne....
Mais celui qui n'a jamais consenti, et qui a toujours été opposé, ne reçoit ni la réalité ni le caractère du sacrement, parce que contredire expressément est plus que ne pas consentir du tout ; de même n'encourt la marque d'aucune culpabilité celui qui, bien qu'il y contredise de façon constante et s'y oppose, est contraint par la violence de sacrifier aux idoles.
Quant à ceux qui dorment et à ceux qui n'ont pas l'usage de la raison, si avant de perdre la raison ou s'être endormi ils persistent à s'opposer, comme il est visible que pour eux la décision de s'opposer est durable, même s'ils ont été baptisés dans cet état, ils ne reçoivent pas le caractère du sacrement ; il en irait autrement si auparavant ils avaient été catéchumènes et s'ils avaient l'intention d'être baptisés ; c'est pourquoi l'Eglise a coutume de les baptiser en cas de nécessité. Alors l'acte sacramentel imprime le caractère, puisqu'il ne rencontre pas l'obstacle posé par la résistance d'une volonté contraire.

Lettre " Cum Marthae circa " à l'archevêque Jean de Lyon, 29 novembre 1202.

La forme sacramentelle de l'eucharistie.

782
Tu as demandé en effet qui, s'agissant de la forme des paroles que le Christ lui-même a exprimées lorsqu'il a transsubstantié le pain et le vin en son corps et son sang, a ajouté ce mot dans le canon de la messe qu'utilise l'ensemble de Eglise, et qu'aucun des évangélistes n'a exprimé, comme on peut le lire. ... Dans le canon de la messe ce mot, à savoir " mystère de la foi ", se trouve en effet inséré dans ces paroles. ...
Certes nous voyons bien des choses, des paroles ainsi que des actes du Seigneur, qui ont été omises par les évangélistes et que, comme on peut lire, les apôtres ont complétées oralement ou exprimées par leur action. ...
Or dans ce mot qui a incité ta fraternité à poser la question, à savoir " mystère de la foi ", certains ont pensé pouvoir trouver un appui pour une erreur, en disant que dans le sacrement de l'autel ce n'est pas vraiment la vérité du corps et du sang du Christ qui est présente, mais seulement une image, une apparence et une figure, et cela parce que l'Ecriture indique parfois que ce qui est reçu sur l'autel est un sacrement, un mystère et un exemple. Mais ceux- là sont pris dans les lacets de l'erreur parce qu'ils ne comprennent pas comme il convient l'autorité de l'Ecriture et qu'ils ne reçoivent pas avec respect les sacrements de Dieu puisqu'ils ignorent aussi bien les Ecritures et la puissance de Dieu
Mt 22,29...
On dit cependant " mystère de la foi " parce ce que autre chose y est cru que ce qui est vu et qu'autre chose est vu que ce qui est cru. On voit en effet les espèces du pain et du vin, et l'on croit la vérité de la chair et du sang du Christ, ainsi que la vertu de l'unité et de la charité.

Les éléments de l'eucharistie.

783
Il faut cependant distinguer soigneusement trois choses qui sont différentes dans ce sacrement, à savoir la forme visible, la vérité du corps et la vertu spirituelle. La forme est celle du pain et du vin, la vérité celle de la chair et du sang, la vertu celle de l'unité et de la charité. Le premier est " sacrement et non réalité ", le deuxième est " sacrement et réalité ", le troisième est " réalité et non sacrement ". Mais le premier est sacrement d'une double réalité ; le deuxième est sacrement de l'un et réalité de l'autre ; le troisième est la réalité d'un double sacrement. Nous croyons donc que la forme des paroles telle qu'elle se trouve dans le canon, les apôtres l'ont reçue du Christ, et leurs successeurs de ceux-ci...

L'eau mêlée au vin lors du sacrifice de la messe.

784
Tu as demandé également si l'eau en même temps que le vin est changée en sang. A ce sujet les opinions varient parmi les scolastiques. Certains en effet pensent que, puisque du côté du Christ ont coulé les deux sacrements principaux, celui de la Rédemption dans le sang et celui de la régénération dans l'eau, le vin et l'eau qui sont mêlés dans le calice sont changés dans ces deux-là par la vertu divine... D'autres en revanche tiennent que l'eau est transsubstantiée en sang avec le vin, puisque mêlée au vin elle devient vin... En outre on peut dire que l'eau ne devient pas vin, mais qu'elle reste entourée par les accidents du vin antérieur...
Mais il est impie de penser ce que certains ont eu la présomption de penser, à savoir que l'eau est changée en glaire...
Cependant parmi les opinions mentionnées ci-dessus, celle-là est considérée comme plus probable, qui affirme que l'eau est changée en sang avec le vin
798 .

Lettre " Cum venisset " à l'archevêque Basile de Tarnovo (Bulgarie), 25 février

Le ministre de la confirmation.

785
Par chrismation du front on désigne l'imposition des mains qui porte également le nom de confirmation, parce que par elle l'Esprit Saint est donné en vue de la croissance et de la force. C'est pourquoi si le simple prêtre, ou presbytre, peut procéder à d'autres onctions, celle-ci ne doit être conférée que par le grand prêtre, c'est-à-dire l'évêque, car c'est des seuls apôtres, dont les évêques sont les vicaires, qu'il est dit qu'ils donnent l'Esprit Saint par l'imposition des mains
Ac 8,14-25.

Lettre " Ex parte tua " à l'archevêque André de Lund, 12 janvier 1206.

La dissolution d'un mariage valide par la profession religieuse

786
Nous ne voulons pas dévier subitement dans cette affaire des traces de nos prédécesseurs qui, ayant été consultés, ont répondu qu'avant la consommation d'un mariage par l'union charnelle, il est permis à l'autre conjoint - même sans le consulter - d'entrer en religion, de sorte que celui qui reste peut ensuite s'unir à un autre de façon légitime : c'est pourquoi nous te conseillons d'observer cela même.

Lettre " Non ut apponeres " à l'archevêque Thorias de Trondheim (Norvège)

La matière du baptême

787
Tu as demandé s'il faut considérer comme des chrétiens des enfants qui, s'étant trouvés à l'article de la mort et par manque d'eau et en l'absence d'un prêtre, ont été frottés d'aspersions de salive sur la tête et la poitrine et entre les épaules de par la naïveté de certains, en guise de baptême. Nous répondons que puisque dans le baptême deux choses sont toujours requises, à savoir " la parole et l'élément " selon ce que la Vérité dit au sujet de la parole : " Allez dans le monde entier, baptisez toutes les nations au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit "
Mc 16,15 Mt 28,19, et selon ce que la même dit au sujet de l'élément : " Celui qui n'est pas rené d'eau et d'Esprit Saint n'entrera pas dans le Royaume des cieux " Jn 3,5, tu ne dois pas douter qu'ils n'ont pas un vrai baptême, non seulement ceux chez qui sont omises les deux choses, mais également ceux chez qui est omise l'une d'elles.

Lettre " Debitum officii pontificalis " à l'évêque Bertold (Bertrand) de Metz, 2

Le ministre du baptême et le baptême de désir.

788
Tu m'as très sagement fait savoir par ta lettre qu'un juif qui s'est trouvé à l'article de la mort, et parce qu'il vivait parmi des juifs seulement, s'est plongé lui-même dans l'eau en disant : " Je me baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ". Or tu me demandes si ce juif, qui persévère dans la foi chrétienne, doit être baptisé.
Quant à nous, nous répondons ainsi à ta fraternité : étant donné qu'il doit y avoir distinction entre celui qui baptise et celui qui est baptisé, comme le montrent à l'évidence les paroles du Seigneur disant aux apôtres : " Baptisez toutes les nations au nom du Père et du Fils et de l'Esprit Saint "
Mt 28,19 le juif dont il est question doit être baptisé à nouveau par un autre, pour qu'il apparaisse qu'autre est celui qui est baptisé, autre celui qui baptise...
Cependant s'il était décédé aussitôt, il aurait rejoint immédiatement la patrie en raison de sa foi au sacrement, même si ce n'avait pas été en raison du sacrement de la foi.

Lettre " De homine qui " aux dirigeants de la Fraternité romaine, 22 septembre 1

Célébration simulée de la messe.

789
Vous nous avez demandé en effet ce qui nous semble d'un presbytre imprudent qui, parce qu'il sait se trouver en état de péché mortel et conscient de sa faute, hésite à célébrer les solennités de la messe que pour une raison donnée il ne peut pas omettre... ayant accompli toutes les autres cérémonies, feint de célébrer la messe et, ayant supprimé les paroles par lesquelles est réalisé le corps du Christ, consomme seulement du pain et du vin...
Etant donné donc que doivent être rejetés les faux remèdes qui sont plus graves que les vrais périls : bien que celui qui se considère indigne parce qu'il est conscient de sa faute, doit s'abstenir avec révérence de ce sacrement et pèche donc gravement s'il s'en approche sans révérence, il n'est pas douteux que semble commettre une faute plus grave encore celui qui ose ainsi le simuler de façon trompeuse ; car le premier, qui évite la faute en la commettant, tombe entre les mains de la seule miséricorde de Dieu, tandis que le deuxième, qui commet la faute en l'évitant, se rend coupable non seulement envers Dieu dont il ne craint pas de se moquer, mais également envers le peuple qu'il trompe.

Lettre " Eius exemplo " à l'archevêque de Tarragone, 18 décembre 1208.

La profession de foi prescrite aux Vaudois.

790
Que tous les croyants sachent que moi, Durant de Osca... et tous nos frères, nous croyons de notre coeur, nous reconnaissons par la foi, nous confessons de notre bouche et nous affirmons par ces mots simples :
Le Père et le Fils et l'Esprit Saint sont trois personnes, un seul Dieu, et toute la Trinité est coessentielle, consubstantielle, coéternelle et toute- puissante, et chacune des personnes dans la Trinité est pleinement Dieu, comme il est contenu dans le " Je crois en Dieu "
30 150 75 .
Nous croyons également de notre coeur et confessons de notre bouche que le Père et le Fils et l'Esprit Saint, un seul Dieu dont nous parlons, a créé, a fait, gouverne et ordonne toutes choses corporelles et spirituelles, visibles et invisibles.
Nous croyons que l'auteur du Nouveau et de l'Ancien Testament est un seul et même : Dieu qui, comme il est dit, demeurant dans la Trinité, a créé toutes choses de rien ; et que Jean Baptiste a été envoyé par lui, saint et juste, et rempli de l'Esprit Saint dans le sein de sa mère.

791
Nous croyons de notre coeur et nous confessons de notre bouche que l'Incarnation ne s'est pas faite dans le Père ni dans l'Esprit Saint, mais dans le Fils seulement ; de sorte que celui qui était en divinité le Fils de Dieu le Père, était, en humanité, le Fils de l'homme, vrai homme de la mère, ayant une vraie chair des entrailles de la mère et une âme humaine raisonnable ; en même temps des deux natures, c'est-à-dire Dieu et homme, une seule personne, un seul Fils, un seul Christ, un seul Dieu avec le Père et l'Esprit Saint, auteur de tout et qui dirige tout, né de la Vierge Marie d'une vraie naissance de chair ; il a mangé et bu, il a dormi, et fatigué après la route, il s'est reposé ; il a souffert d'une vraie Passion de sa chair, est mort de la vraie mort de son corps, et est ressuscité de la vraie Résurrection de sa chair et d'un vrai retour de l'âme au corps ; dans cette chair, après avoir mangé et bu, il est monté au ciel, siège à la droite du Père, et il viendra en elle pour juger les vivants et les morts.

792
Nous croyons de notre coeur et confessons de notre bouche une seule Eglise, non celle des hérétiques, mais la sainte Eglise romaine, catholique, apostolique, en dehors de laquelle nous croyons que personne n'est sauvé.

793
De même nous ne rejetons d'aucune manière les sacrements qui sont célébrés en elle, et auxquels l'Esprit Saint coopère par sa vertu inestimable et invisible, même s'ils sont administrés par un prêtre pécheur, du moment que l'Eglise le reconnaît ; et nous ne méprisons pas non plus les actes ecclésiaux et les bénédictions accomplies par lui, mais nous les acceptons d'un coeur bienveillant comme s'ils venaient du plus juste des hommes, car la malice d'un évêque ou d'un prêtre ne nuit ni au baptême d'un enfant, ni à la consécration de l'eucharistie, ni aux autres offices ecclésiastiques célébrés pour leurs sujets.

794
Nous approuvons donc le baptême des enfants, et s'ils sont morts après le baptême, avant d'avoir commis des péchés, nous confessons et croyons qu'ils sont sauvés ; et nous croyons que dans le baptême tous les péchés sont remis, aussi bien le péché originel qui a été contracté que ceux qui ont été commis volontairement.
Nous estimons que la confirmation faite par l'évêque, c'est-à- dire l'imposition des mains, est sainte et doit être reçue avec vénération.

795
Nous croyons fermement et inébranlablement d'un coeur sincère, et nous affirmons simplement par nos paroles pleines de foi, que le sacrifice, c'est-à- dire le pain et le vin, est, après la consécration, le vrai corps et le vrai sang de notre Seigneur Jésus Christ, et que rien de plus n'y est accompli par un bon prêtre et rien de moins par un mauvais prêtre, car cela n'est pas réalisé par le mérite de celui qui consacre, mais par la parole du Créateur et la vertu de l'Esprit Saint. C'est pourquoi nous croyons et confessons fermement que personne si honnête, si religieux, si saint, et si prudent qu'il soit, ne peut ni ne doit consacrer l'eucharistie ni réaliser le sacrifice de l'autel, à moins d'être prêtre et ordonné régulièrement par un évêque visible et tangible. Pour cet office, trois choses sont nécessaires, nous le croyons : une personne déterminée, c'est-à-dire un prêtre établi particulièrement pour cet office par l'évêque, comme nous l'avons dit ; ces paroles solennelles qui sont exprimées par les saints Pères dans le canon ; et l'intention de foi de celui qui les profère ; c'est pourquoi nous croyons et confessons fermement que quiconque, sans l'ordination par l'évêque comme nous l'avons dit, croit et prétend pouvoir réaliser le sacrifice de l'eucharistie, est un hérétique ; il participe et a part à la perdition de Coré et de ses complices
Nb 16, et il doit être séparé de la sainte Eglise romaine.
Nous croyons qu'aux pécheurs qui se repentent vraiment le pardon est accordé par Dieu, et c'est avec grande joie que nous sommes en communion avec eux.
Nous vénérons l'onction des infirmes avec de l'huile.
Nous ne nions pas que des mariages charnels doivent être contractés, selon l'Apôtre 1Co 7, et nous défendons absolument de rompre ceux qui l'ont été régulièrement. Nous croyons et confessons qu'un homme peut aussi être sauvé avec sa femme, et nous ne condamnons pas non plus les secondes et d'autres noces.
Nous ne réprouvons d'aucune manière la consommation de viandes. Nous ne condamnons pas le serment, bien plus, nous croyons d'un coeur sincère qu'il est permis de jurer selon la vérité, le jugement et la justice. (addition de 1210 : Au sujet du pouvoir séculier, nous affirmons qu'il peut, sans péché mortel, exercer un jugement portant effusion de sang, pourvu que, pour exercer la vindicte, il ne procède pas par la haine mais par un jugement, ni avec imprudence mais avec modération.).

796
Nous croyons que la prédication est très nécessaire et louable, cependant nous croyons qu'elle doit s'effectuer en vertu de l'autorité ou avec la permission du souverain pontife ou des prélats. Mais dans tous les lieux où demeurent des hérétiques manifestes qui renient et blasphèment Dieu et la foi de l'Eglise romaine, nous croyons que nous devons, selon la volonté de Dieu, les confondre par la dispute et l'exhortation, et nous opposer à eux avec la Parole du Seigneur, le front haut et jusqu'à la mort, comme à des adversaires du Christ et de l'Eglise.
Les ordinations ecclésiastiques et tout ce qui est lu ou chanté selon ce qui a été établi, nous l'approuvons avec humilité et nous le vénérons dans la foi.

797
Nous croyons que le diable n'est pas devenu mauvais de par sa condition, mais par son libre arbitre.
Nous croyons de tout coeur et nous confessons de vive voix la résurrection de cette chair qui est nôtre et non pas celle d'un autre.
Nous croyons et affirmons fermement qu'il y aura aussi un jugement par Jésus Christ et que chacun, selon ce qu'il aura fait dans cette chair, recevra des peines ou des récompenses.
Nous croyons que les aumônes, le sacrifice et d'autres bienfaits peuvent bénéficier aux défunts.
Ceux qui restent dans le monde et possèdent des biens, nous professons et croyons qu'ils seront sauvés s'ils donnent des aumônes et d'autres bienfaits de ce qu'ils possèdent, et s'ils observent les commandements de Dieu. Nous croyons que selon le précepte du Seigneur, les dîmes, les prémices et les offrandes doivent être acquittées aux clercs.

Lettre " In quadam nostra " à l'évêque Hugues de Ferrare, 5 mars 1209.

L'eau mêlée au vin de messe.

798
Tu dis avoir lu dans une de nos lettres décrétales
784 qu'il était impie de penser ce que certains ont eu la présomption de dire, à savoir que dans le sacrement de l'eucharistie l'eau est changée en glaire ; ils affirment en effet faussement que ce n'est pas de l'eau qui est sortie du côté du Christ, mais une humeur aqueuse. Mais même si tu avances que cela a été pensé par des hommes importants et dignes de foi, dont tu as suivi jusqu'ici l'opinion en paroles et par écrit, les raisons qui font que Nous pensons le contraire te contraindront néanmoins de donner ton assentiment à notre conception....
En effet si cela n'avait pas été de l'eau mais de la glaire qui a coulé du côté du Sauveur, celui qui a vu et qui a rendu témoignage à la vérité Jn 19,3 ss. n'aurait certainement pas dit " de l'eau " mais " de la glaire "...
Il reste donc que cette eau, quelle qu'elle ait été, naturelle ou miraculeuse, créée de façon nouvelle par la vertu divine ou tirée des composantes de quelque partie, était sans aucun doute de l'eau véritable.


Lettre " Licet apud " à l'évêque Henri de Strasbourg, 9 janvier 1212.

Les jugements de Dieu

799 Même si chez les juges séculiers sont pratiqués des jugements populaires, comme celui de l'eau froide, du fer ardent ou du duel, l'Eglise cependant n'accepte pas des jugements de cette sorte, car il est écrit dans la Loi divine: " Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu " Dt 6,16 ; Mt 4,7.




4e concile du LATRAN (12eme Oecuméniq 11-30 novembre 1215


Chap. 1 - La foi catholique

Définition contre les albigeois et les cathares

800 Nous croyons fermement et confessons avec simplicité qu'il y a un seul et unique vrai Dieu, éternel et immense, tout-puissant, immuable, qui ne peut être ni saisi ni dit, Père et Fils et Saint-Esprit, trois personnes, mais une seule essence, substance ou nature absolument simple. Le Père ne vient de personne, le Fils vient du seul Père et le Saint-Esprit également de l'un et de l'autre, toujours, sans commencement et sans fin. Le Père engendrant, le Fils naissant et le Saint-Esprit procédant, consubstantiels et semblablement égaux, également tout-puissants, également éternels. Unique principe de toutes choses, créateur de toutes les choses visibles et invisibles, spirituelles et corporelles, qui, par sa force toute-puissante, a tout ensemble créé de rien dès le commencement du temps l'une et l'autre créature, la spirituelle et la corporelle, c'est-à- dire les anges et le monde, puis la créature humaine faite à la fois d'esprit et de corps. En effet le diable et les autres démons ont été créés par Dieu bons par nature ; mais ce sont eux qui se sont rendus eux-mêmes mauvais. Quant à l'homme, c'est à l'instigation du démon qu'il a péché.
Cette sainte Trinité, indivise selon son essence commune et distincte selon les propriétés des personnes, a donné au genre humain la doctrine du salut par Moïse, par les saints prophètes et par ses autres serviteurs, selon une disposition des temps parfaitement ordonnée.

801 Enfin, le Fils unique de Dieu, Jésus Christ, incarné par une oeuvre commune de toute la Trinité, conçu de Marie toujours Vierge par la coopération du Saint- Esprit, fait homme véritable composé d'une âme raisonnable et d'une chair humaine, une seule personne en deux natures, a montré plus manifestement la voie de la vie. Alors que, selon la divinité, il est immortel et incapable de souffrir, il s'est fait lui-même, selon l'humanité, capable de souffrir et mortel ; bien plus pour le salut du genre humain, il a souffert et est monté au ciel ; mais il est descendu en son âme et ressuscité en son corps et est monté en l'une et l'autre également ; il viendra à la fin des temps juger les vivants et les morts et rendre à chacun selon ses oeuvres, aussi bien aux réprouvés qu'aux élus. Tous ressusciteront avec leur propre corps qu'ils ont maintenant, pour recevoir, selon ce qu'ils auront mérité en faisant le bien ou en faisant le mal, les uns un châtiment sans fin avec le diable, les autres une gloire éternelle avec le Christ.

802 Il y a une seule Eglise universelle des fidèles, en dehors de laquelle absolument personne n'est sauvé, et dans laquelle le Christ est lui-même à la fois le prêtre et le sacrifice, lui dont le corps et le sang, dans le sacrement de l'autel, sont vraiment contenus sous les espèces du pain et du vin, le pain étant transsubstantié au corps et le vin au sang par la puissance divine, afin que, pour accomplir le mystère de l'unité, nous recevions nous- mêmes de lui ce qu'il a reçu de nous. Et assurément ce sacrement, personne ne peut le réaliser, sinon le prêtre qui a été légitimement ordonné selon le pouvoir des clés de l'Eglise que Jésus Christ lui-même a accordé aux apôtres et à leurs successeurs.
Le sacrement du baptême qui s'effectue dans l'eau en invoquant la Trinité indivise, c'est-à-dire le Père, le Fils et le Saint-Esprit légitimement conféré par qui que ce soit selon la forme de l'Eglise aussi bien aux enfants qu'aux adultes sert au salut.
Et si, après avoir reçu le baptême, quelqu'un est tombé dans le péché, il peut toujours être rétabli dans son état par une vraie pénitence. Ce ne sont pas seulement les vierges et les continents, mais aussi les gens mariés qui, plaisant à Dieu par une foi droite et de bonnes oeuvres, méritent de parvenir à la vie éternelle.

Chap. 2. La fausse doctrine de Joachim de Flore.

La Trinité

803 Nous condamnons donc et nous réprouvons l'opuscule ou traité que l'abbé Joachim a publié contre maître Pierre Lombard au sujet de l'unité ou de l'essence de la Trinité, l'appelant hérétique et insensé à cause de ce qu'il a dit dans ses sentences : " Il y a une réalité suprême qui est Père et Fils et Saint-Esprit, et celle-ci n'engendre pas, n'est pas engendrée et ne procède pas ".
D'où il affirme que celui-ci a érigé en Dieu non pas tant une trinité qu'une quaternité, c'est-à-dire trois personnes et en quelque sorte une quatrième qui serait cette essence commune, alors qu'il professe manifestement qu'il n'y a aucune réalité, ni essence, ni substance, ni nature qui soit Père et Fils et Saint-Esprit, bien qu'il concède que Père et Fils et Saint-Esprit sont une seule essence, une seule substance et une seule nature. Mais il reconnaît qu'une telle unité n'est ni vraie ni propre, mais en quelque sorte collective et analogique, de la même manière qu'on dit que beaucoup d'hommes sont un seul peuple et beaucoup de fidèles une seule Eglise, conformément à ce qui est dit : " La multitude des croyants était un seul coeur et une seule âme "
Ac 4,32 et " Celui qui s'attache à Dieu est un seul esprit " 1Co 6,17 avec lui ; et encore: " Celui qui arrose et celui qui plante ne font qu'un " 1Co 3,8 ; et tous " nous sommes un seul corps dans le Christ " Rm 12,5 ; et encore, dans le livre des Rois : " Ton peuple et mon peuple sont une même chose " 1R 22,5 ; Vulgate ; voir Rt 1,16.
Mais pour fonder cette affirmation il a surtout recours à ce que le Christ dit des fidèles dans l'Evangile : " Je veux Père, qu'en nous ils soient un comme nous aussi nous sommes un, afin qu'ils soient parfaitement un " Jn 17,22 ss.. En effet, dit-il, les fidèles du Christ ne sont pas un, c'est-à- dire une seule réalité qui serait commune à tous ; ils sont seulement un, c'est- à-dire une seule Eglise à cause de l'unité de la foi catholique et un seul Royaume à cause de l'union dans une charité indissoluble. De la même manière, on lit dans l'épître canonique de Jean : " Car ils sont trois qui rendent témoignage dans le ciel, le Père et le Verbe et le Saint-Esprit, et ces trois sont un " 1Jn 5,7 ; et Jean ajoute aussitôt : " Et ils sont trois qui rendent témoignage sur la terre, l'esprit, l'eau et le sang, et ces trois sont un " 1Jn 5,8 selon ce qu'on trouve dans certains manuscrits.

804 Quant à nous, avec l'approbation du saint concile universel, nous croyons et confessons avec maître Pierre qu'il y a une seule réalité suprême, qui ne peut être saisie ni dite, qui est véritablement Père et Fils et Saint- Esprit, les trois personnes ensemble et chacune d'elles en particulier. C'est pourquoi il y a en Dieu seulement Trinité et non pas quaternité, parce que chacune des trois personnes est cette réalité, c'est-à-dire la substance, l'essence et la nature divine. Elle seule est le principe de toutes choses, en dehors duquel aucun autre principe ne peut être trouvé. Et cette réalité n'engendre pas, n'est pas engendrée et ne procède pas, mais c'est le Père qui engendre, le Fils qui est engendré et le Saint-Esprit qui procède, en sorte qu'il y a distinction dans les personnes et unité dans la nature.

805 Donc "bien que le Père soit autre, autre le Fils, autre le Saint-Esprit, il n'a cependant pas une autre réalité", mais ce qu'est le Père, le Fils l'est et le Saint-Esprit, absolument la même chose, en sorte que, conformément à la foi orthodoxe et catholique, nous croyons qu'ils sont consubstantiels. En effet, le Père, en engendrant le Fils de toute éternité, lui a donné sa substance, ce même Fils en témoigne : "Ce que m'a donné le Père est plus grand que tout" Jn 10,29

Et on ne peut pas dire qu'il lui a donné une partie de sa substance et en a retenu une partie pour lui-même, puisque la substance du Père est indivisible, étant absolument simple. Mais on ne peut pas dire que le Père a transféré sa substance dans le Fils en l'engendrant, comme s'il l'avait donnée à un fils sans la retenir pour lui-même : autrement il aurait cessé d'être substance. Il est donc clair que le Fils, en naissant, a reçu la substance du Père sans aucune diminution de celle-ci et que, ainsi, le Père et le Fils ont la même substance et, ainsi encore, sont une même réalité le Père et le Fils et aussi le Saint- Esprit qui procède de l'un et de l'autre.

806 Donc, lorsque la Vérité prie le Père pour ses fidèles en disant: "Je veux qu'eux-mêmes soient un en nous comme nous sommes un" Jn 17,22, ce mot "un" est pris pour les fidèles en ce sens qu'il signifie l'union de la charité dans la grâce, et pour les personnes divines en ce sens qu'est soulignée l'unité de l'identité dans la nature, comme le dit ailleurs la Vérité : "Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait". Mt 5,48, comme s'il était dit plus clairement : "Soyez parfaits, de la perfection de la grâce", " comme votre Père céleste est parfait " de la perfection de la nature, chacun à sa manière. Car si grande que soit la ressemblance entre le Créateur et la créature, on doit encore noter une plus grande dissemblance entre eux.
Si quelqu'un ose donc défendre ou approuver sur ce point l'affirmation ou la doctrine du susdit Joachim, qu'il soit réfuté par tous comme hérétique.

807 Cependant nous ne voulons en rien par cela faire tort au monastère de Flore, qui a été institué par Joachim lui-même, parce que l'institution en est régulière et l'observance salutaire. Et cela d'autant plus que ce même Joachim nous a fait remettre tous ses écrits afin qu'ils soient approuvés ou corrigés par le jugement du Siège apostolique, dictant une lettre, signée de sa main, dans laquelle il confesse ferment tenir la foi que tient l'Eglise romaine, mère et maîtresse de tous les fidèles par la disposition du Seigneur.

808 Nous réprouvons aussi et condamnons l'opinion extravagante de l'impie Amalric, dont le père du mensonge a tellement aveuglé l'esprit que sa doctrine ne doit pas tant être regardée comme hérétique que comme insensée.



1996 Denzinger 775