1996 Denzinger 2070


CLEMENT XI : 20 juin 1667-9 décembre 1669

CLEMENT X : 29 avril 1670-22 juillet 1676

INNOCENT XI : 21 septembre 1676-12 août 1689


Décret de la Sacrée Congrégation du Concile " Cum ad aures ", 12 février 1679.

La communion fréquente et quotidienne

2090
Même si l'usage de la communion fréquente et quotidienne a toujours été approuvé dans l'Eglise par les saints Pères, ceux-ci cependant n'ont jamais indiqué de jours déterminés dans le mois ou dans la semaine pour recevoir la communion plus fréquemment ou pour s'en abstenir, et le concile de Trente n'en a pas prescrit non plus ; mais celui-ci, comme s'il considérait la faiblesse humaine, tout en ne prescrivant rien, a indiqué ce qu'il désirait lorsqu'il a dit : "Le saint concile souhaiterait, certes, que les fidèles assistant à chaque messe... communient par la réception sacramentelle de l'eucharistie"
1747 . Et cela à juste titre multiples sont en effet les replis des consciences, et variées les diversions de l'esprit du fait des affaires ; nombreuses en revanche sont les grâces et les dons de Dieu accordés aux petits ; étant donné qu'avec les yeux humains nous ne pouvons pas les scruter, rien ne peut être établi de façon certaine concernant la dignité et l'intégrité de chacun, et donc la manducation fréquente ou quotidienne du pain de vie.

2091
Et c'est pourquoi, pour ce qui regarde ceux qui sont occupés aux affaires, leur accès fréquent à la réception de la nourriture sacrée doit être laissé au jugement des confesseurs qui explorent les secrets du coeur et qui, selon la pureté des consciences, le profit de la fréquence, et le progrès vers la piété, doivent prescrire aux laïcs occupés aux affaires et qui sont mariés ce qu'ils prévoient qui sera profitable à leur salut.

2092
Quant à ceux qui sont engagés dans le mariage, puisque le bienheureux Apôtre ne veut pas " qu'ils se refusent l'un à l'autre, sinon d'un commun accord et pour un temps, afin de vaquer à la prière"
1Co 7,5, ils se soucieront d'autant plus de les avertir de s'exercer à la continence par respect pour la très sainte eucharistie, et de s'approcher avec un esprit plus pur de la communion au banquet céleste.

2093
En cette affaire, la diligence des pasteurs ne s'appliquera donc pas tant à ce que certains soient dissuadés par une formule de précepte unique de recevoir la sainte communion de façon fréquente ou quotidienne, ou à ce que soient fixés de façon générale les jours pour la recevoir, mais elle estimera plutôt qu'il lui appartiendra à elle-même, ou aux curés ou pasteurs, de décider ce qui doit être permis à chacun et elle empêchera absolument que quelqu'un soit repoussé du saint banquet, qu'il s'en approche fréquemment ou quotidiennement.

2094
A côté de la diligence des curés et des confesseurs, il sera utile de faire appel également au concours des prédicateurs et de s'accorder avec eux pour que, lorsque les fidèles viendront s'approcher fréquemment du très saint sacrement (ce qu'ils doivent faire), ils donnent aussitôt une prédication concernant la très grande préparation nécessaire pour le recevoir, et pour que, d'une manière générale, ils montrent à ceux qu'un zèle pieux pousse à recevoir la nourriture salutaire fréquemment ou quotidiennement - qu'ils soient des laïcs adonnés aux affaires ou mariés ou toutes autres personnes qu'ils doivent reconnaître leur faiblesse, de sorte que par la dignité du sacrement et la crainte du jugement divin, ils apprennent à révérer la nourriture spirituelle qui contient le Christ ; et Si parfois ils devaient sentir qu'ils sont moins préparés, de s'en abstenir et de se disposer à une meilleure préparation. ...

2095
En outre les évêques et les curés ou confesseurs repousseront ceux qui affirment que la communion quotidienne est de droit divin...


65 propositions, condamnées dans le décret du Saint-Office du 2/3/1679.

Erreurs d'une doctrine morale plus laxiste

2101
1.- Il n'est pas interdit dans l'administration des sacrements de suivre l'opinion probable sur la validité du sacrement, en laissant la plus sûre, sauf Si cela est interdit par la loi, une convention, ou qu'il y ait péril de faire courir un grave dommage. C'est pourquoi c'est seulement dans la collation du baptême, de l'ordination sacerdotale ou épiscopale qu'on ne doit pas recourir à l'opinion probable.

2102
2.- J'estime probable qu'un juge peut juger selon une opinion même moins probable.

2103
3.- En général, aussi longtemps que nous agissons en nous fiant à une probabilité soit intrinsèque, soit extrinsèque, si faible qu'elle soit, pourvu qu'elle reste dans les limites de la probabilité, nous agissons toujours très prudemment.

2104
4.- L'infidèle qui ne croit pas est excusé de l'infidélité, s'il est conduit par l'opinion moins probable.

2105
5.- Nous n'osons pas définir s'il pèche mortellement, celui qui ne ferait un acte d'amour de Dieu qu'une seule fois dans sa vie.

2106
6.- I1 est probable que le précepte de la charité envers Dieu n'oblige même pas par soi de façon rigoureuse tous les cinq ans.

2107
7.- Il oblige seulement quand nous sommes tenus d'être justifiés et que nous n'avons pas d'autre voie par laquelle nous puissions être justifiés.

2108
8.- Manger et boire jusqu'à satiété et pour le seul plaisir n'est pas un péché, dès lors que cela ne fait pas obstacle à la santé, car l'appétit naturel peut jouir licitement de ses actes.

2109
9.- L'acte du mariage accompli seulement pour le plaisir est dénué de toute faute vénielle.

2110
10.- Nous ne sommes pas tenus d'aimer le prochain d'un acte inférieur ou formel.

2111
11.- Nous pouvons satisfaire au précepte d'aimer le prochain par les seuls actes extérieurs.

2112
12.- On trouverait difficilement chez ceux qui vivent dans le siècle et chez les rois quelque chose qui soit superflu pour leur état. Et ainsi à peine quelqu'un est-il tenu à l'aumône dès lors qu'il n'est tenu de la faire que du superflu.

2113
13.- Si on le fait avec la modération requise, on peut, sans pécher mortellement, s'attrister de la vie de quelqu'un et se réjouir de sa mort, la souhaiter d'un désir inefficace, non pas parce que la personne déplaît, mais à cause de quelque avantage temporel.

2114
14.- Il est permis de désirer de manière absolue la mort de son père, non pas pour le mal du père, mais pour le bien de celui qui le désire parce qu'elle apportera un riche héritage.

2115
15.- Il est permis à un fils de se réjouir d'un parricide commis par lui en état d'ébriété, à cause des grandes richesses qui lui reviennent par l'héritage.

2116
16.- La foi n'est pas censée tomber par soi sous un précepte particulier.

2117
17.- Il suffit de faire un seul acte de foi dans sa vie.

2118
18.- Si quelqu'un est interrogé par l'autorité publique, je conseille, comme glorieux pour Dieu et pour la foi, de confesser la foi ouvertement ; je ne condamne pas comme peccamineux de se taire.

2119
19.- La volonté ne peut faire que l'assentiment de foi soit plus ferme en lui-même que ne le mérite le poids des raisons qui poussent à l'assentiment.

2120
20.- Dès lors quelqu'un peut refuser prudemment l'assentiment qu'il avait de façon surnaturelle.

2121
21.- L'assentiment de foi, surnaturel et utile au salut, existe avec la connaissance seulement probable de la révélation, et même avec la crainte que Dieu n'ait pas parlé.

2122
22.- Seule la foi en un seul Dieu semble être nécessaire de nécessité de moyen, mais non la foi explicite au Rémunérateur.

2123
23.- La foi au sens large du mot qui vient du témoignage des créatures ou d'un motif semblable suffit à la justification.

2124
24.- Appeler Dieu à témoin pour un mensonge léger n'est pas une irrévérence telle que Dieu veuille ou puisse, à cause de cela, damner un homme.

2125
25.- Lorsqu'il y a une raison, il est licite de jurer sans la disposition intérieure à jurer, que la chose soit grave ou légère.

2126
26.- Si quelqu'un, soit seul, soit devant d'autres, soit qu'on l'interroge, soit spontanément, qu'il le fasse pour s'amuser ou pour un autre motif, jure qu'il n'a pas fait une chose qu'il a faite en réalité, en sous- entendant intérieurement quelque autre chose qu'il n'a pas faite, ou quelque autre manière que celle dont il l'a faite, ou quelque addition qui est vraie, il ne ment pas en réalité et n'est pas parjure.

2127
27.- Il peut y avoir des raisons justes d'user de ces amphibologies chaque fois que cela est nécessaire ou utile pour défendre sa vie, son honneur, ses biens, ou pour quelque autre acte de vertu, en sorte que la dissimulation de la vérité est alors censée utile et désirable.

2128
28.- Celui qui, grâce à une recommandation ou un présent, a été promu à une magistrature ou à un office public, pourra prêter avec une restriction mentale le serment qui par mandat du roi est habituellement exige' de telles personnes, sans avoir égard à l'intention de celui qui l'exige, parce qu'il n'est pas tenu d'avouer un crime occulte.

2129
29.- Une crainte grave est un motif juste pour simuler l'administration des sacrements.

2130
30.- I1 est permis à un homme d'honneur de tuer un agresseur qui s'efforce de le calomnier, si cette ignominie ne peut pas être évitée autrement ; la même chose doit être dite si quelqu'un donne une gifle ou frappe d'un bâton et prend la fuite après avoir donné la gifle et frappé du bâton.

2131
31.- Je peux, régulièrement parlant, tuer un voleur pour conserver une unique pièce d'or.

2132
32.- Il n'est pas permis seulement de défendre par une défense qui tue ce que nous possédons en fait, mais également ce à quoi nous avons un droit commencé et que flous espérons posséder.

2133
33.- Il est permis aussi bien à un héritier qu'à un légataire de se défendre contre quelqu'un qui l'empêche injustement d'entrer en possession de l'héritage ou du legs, comme il l'est pour celui qui a droit à une cathèdre ou à une prébende de se défendre contre qui l'empêche injustement d'en prendre possession.

2134
34.- Il est permis de procurer un avortement avant l'animation du foetus, pour éviter à une jeune fille devenue enceinte la mort ou le déshonneur.

2135
35.- Il semble probable que tout foetus (tant qu'il se trouve dans le sein) est dépourvu d'âme rationnelle, et qu'il commence seulement à l'avoir lorsqu'il naît ; et c'est pourquoi il faudra dire que dans aucun avortement il n'est commis un homicide.

2136
36.- Il est permis de voler, non seulement dans le cas de nécessité extrême, mais dans celui de nécessité grave.

2137
37.- Les serviteurs et les servantes de la maison peuvent dérober secrètement à leurs maîtres pour compenser leur travail qu'ils jugent plus important que le salaire qu'ils reçoivent.

2138

38.- Personne n'est tenu sous peine de péché mortel à restituer ce qui a été pris par quelques larcins, quelque grande que soit la somme totale.

2139
39.- Celui qui pousse ou incite un autre à causer un grave dommage à un tiers n'est pas tenu à restitution pour le dommage causé.

2140
40.- Le contrat Mohatra est licite même quand il se fait à l'égard de la même personne et avec une clause préalable de revente dans une intention de lucre.

2141
41.- Une somme versée étant plus précieuse qu'une somme à verser, et puisqu'il n'y a personne qui ne préfère une somme présente à une somme future, le prêteur peut exiger du débiteur quelque chose en plus du capital prêté, et être excusé d'usure à ce titre.

2142
42.- Il n'y a pas usure lorsque quelque chose est exigé comme un dû en sus du capital prêté au titre de la bienveillance en quelque sorte et de la gratitude, mais seulement si cela est exigé comme un dû au titre de la justice.

2143
43.- Pourquoi ne serait-ce pas un péché véniel seulement que de détruire par une fausse accusation la grande autorité d'un calomniateur qui vous nuit ?

2144
44.- I1 est probable que celui-là ne pèche pas mortellement qui impute une fausse accusation à quelqu'un pour défendre son propre droit et son honneur. Et si cela n'est pas probable, il n'y aura guère d'opinion probable en théologie.

2145
45.- Donner un bien temporel pour un bien spirituel n'est pas de la simonie quand le bien temporel n'est pas donné comme le prix mais seulement comme un motif de confier ou d'accomplir le bien spirituel, ou aussi lorsque le bien temporel est seulement une compensation gratuite pour le bien spirituel et inversement.

2146
46.- Cela reste vrai encore même si le bien temporel est le motif principal de donner le bien spirituel, en sorte que le bien temporel serait estimé davantage que le bien spirituel.

2147
47.- Lorsque le concile de Trente dit que ceux-là ont part au péché d'autrui et pèchent mortellement qui promeuvent à des offices ecclésiastiques sans considérer ces personnes comme plus dignes et plus utiles à l'Eglise, le concile, ou bien premièrement semble avoir voulu signifier seulement par ce terme "plus dignes " la dignité de ceux qui doivent être choisis, en utilisant le comparatif au lieu du positif; ou bien deuxièmement il emploie l'expression moins appropriée " plus dignes" pour exclure ceux qui sont indignes, mais non ceux qui sont dignes ; ou bien troisièmement il parle seulement du cas où il s'agit d'un concours.

2148
48.- Il semble si clair que la fornication n'inclut en soi aucune malice, et qu'elle n'est mauvaise que parce qu'elle est interdite, que le contraire semble contredire totalement la raison.

2149
49.- La mollesse n'est pas prohibée par le droit naturel. C'est pourquoi, si Dieu ne l'avait pas interdite, souvent elle serait bonne, et quelquefois elle serait même obligatoire sous peine de péché mortel.

2150
50.- L'union avec une femme mariée, du consentement du mari, n'est pas adultère ; c'est pourquoi il suffit de dire en confession que l'on a forniqué.

2151
51.- Un domestique qui, en le laissant monter sur ses épaules, aide sciemment son maître à s'introduire par la fenêtre pour violer une jeune fille, et qui souvent l'assiste en portant l'échelle, en ouvrant la porte, ou en l'aidant d'autres manières semblables, ne pèche pas mortellement s'il le fait par crainte d'un dommage notable, par exemple pour ne pas être maltraité par le maître ou être regardé de travers, ou être chassé de la maison.

2152
52.- Le précepte d'observer les jours de fête n'oblige pas sous peine de péché mortel, abstraction faite du scandale, s'il n'y a pas de mépris.

2153
53.- Satisfait au précepte de l'Eglise d'entendre la messe, celui qui en entend deux parties, ou même quatre ensemble de divers célébrants.

2154
54.- Celui qui ne peut réciter matines et laudes, mais peut réciter les autres heures, n'est tenu à rien ; car la partie plus grande tire à soi la partie plus petite

2155
55.- On satisfait au précepte de la communion annuelle par la manducation sacrilège du Seigneur
2034 .

2156
56.- La confession et la communion fréquentes, même de ceux qui vivent en païens, sont des signes de prédestination.

2157
57.- Il est probable qu'il suffit d'une attribution naturelle dès lors qu'elle est honnête.

2158
58.- Nous ne sommes pas tenus de dire à un confesseur, s'il interroge, l'habitude d'un péché quelconque

2159
59.- Il est permis d'absoudre sacramentellement ceux qui ne se sont confessés qu'à moitié lorsqu'il y a grand afflux de pénitents, comme cela peut arriver par exemple le jour d'une grande fête ou d'une indulgence.

2160
60.- Au pénitent qui a l'habitude de pécher contre la loi naturelle ou ecclésiastique, même s'il n'apparaît aucun espoir d'amendement, on ne doit ni refuser ni différer l'absolution dès lors qu'il déclare de bouche qu'il éprouve de la douleur et qu'il commet de s'amender.

2161
61.- Peut parfois être absous celui qui demeure dans une occasion prochaine de pécher qu'il peut et ne veut pas éviter, et même qu'il cherche directement ou délibérément, ou dans laquelle il se jette.

2162
62.- Une occasion prochaine de pécher ne doit pas être fuie lorsqu'il y a une raison utile ou honnête de ne pas la fuir.

2163
63.- Il est permis de chercher directement l'occasion prochaine de pécher pour notre bien spirituel ou temporel, ou pour celui du prochain.

2164
64.- L'homme est capable de recevoir l'absolution quelle que soit son ignorance des mystères de la foi, et même si c'est par négligence, même coupable, qu'il ignore le mystère de la très sainte Trinité et de l'Incarnation de notre Seigneur Jésus Christ.

2165
65.- Il suffit d'avoir cru une fois ces mystères.

(Censure : ) Toutes les propositions sont condamnées et prohibées, telles qu'elles se présentent, à tout le moins comme scandaleuses et comme pernicieuses dans la pratique.

(Conclusion du décret : ) Enfin, pour que les docteurs ou les scolastiques et tous les autres s'abstiennent désormais de toute dispute injurieuse, et pour qu'il soit pourvu à la paix et à la charité, le même très saint pontife ordonne, au nom de la sainte obéissance, que dans les livres à imprimer et dans les manuscrits, aussi bien que dans les thèses, les disputes et les prédications, ils se gardent de toute censure ou note, ainsi que de toute invective contre les propositions qui jusqu'ici continuent à être matière à discussion chez les catholiques, jusqu'à ce que le Saint-Siège, après examen de la chose, ait proféré un jugement au sujet de ces propositions.

Décret du Saint-Office, 23 novembre 1670

Erreurs concernant le don de la toute-puissance

2170
1.- Dieu nous fait don de sa toute-puissance pour que nous en usions, à la manière dont quelqu'un donne à un autre une maison ou un livre.

2171
2.- Dieu nous soumet sa toute-puissance.
(Censure : propositions prohibées comme) nouvelles et téméraires.

Probabilisme et probabiliorisme

2175
...Après le rapport fait par le P. Laurea sur ce que contenait la lettre envoyée par le P. Tirso Gonzalez, si, au très saint Seigneur, les très éminents seigneurs dirent qu'il devait être écrit par le secrétaire d'Etat au nonce apostolique en Espagne pour qu'il signifie au dit P. Tirso que Sa Sainteté a accepté sa requête avec bienveillance, et qu'après que sa lettre a été lue non sans louanges, il a commandé qu'il prêche, enseigne et défende librement et de façon intrépide par la plume l'opinion la plus probable, et qu'il combatte avec courage la position de ceux qui affirment que, lorsque se rencontrent une opinion moins probable et une autre plus probable, connue et jugée comme telle, il est permis de suivre la moins probable ; et qu'il lui fasse savoir que tout ce qu'il fera et écrira en faveur de l'opinion plus probable agréera à Sa Sainteté.

2176
Injonction sera faite au père général de la Compagnie de Jésus par ordre de Sa Sainteté qu'il ne permette pas seulement aux pères de cette Compagnie d'écrire en faveur de l'opinion plus probable et de combattre la position de ceux qui affirment que lorsque se rencontrent une opinion moins probable et une autre plus probable, connue et jugée comme telle, il est permis de suivre la moins probable ; mais qu'il écrive également à toutes les universités de la Compagnie que le sentiment de Sa Sainteté est que chacun, comme il lui semblera, écrive librement en faveur de l'opinion plus probable et combatte l'opinion contraire susdite ; et qu'il leur commande de se soumettre entièrement au mandement de Sa Sainteté.

2177
(Ajout dans l'autographe du Saint Office : ) Le 8 juillet 1680. Après que l'ordre susdit de Sa Sainteté a été communiqué au père général de la Compagnie de Jésus par l'assesseur, il répondit qu'il y obéirait en tout d'autant plus rapidement qu'il n'a jamais été interdit, ni par lui-même, pas ses prédécesseurs, d'écrire en faveur de l'opinion plus probable et de l'enseigner.

Contemplation et médiation. - Erreurs du quiétisme

2181
1.- A personne par conséquent qui s'adonne à l'oraison méditative ou contemplative il ne doit être permis de mépriser l'oraison vocale qui a été instituée par le Christ Seigneur, qui a été observée par les apôtres, et qui a toujours été utilisée, par une succession continue, dans tous les services divins, ni de la déprécier comme inutile et comme vaine par comparaison avec l'oraison méditative ou contemplative ; au contraire, puisque le prophète enseigne que le Seigneur doit être loué par des hymnes et des cantiques, tous doivent la louer et la recommander en même temps que l'oraison mentale et contemplative.

2182
2.- Mais puisque dans la maison du Père les demeures sont nombreuses
Jn 14,2 ceux qui s'adonnent à la méditation et ceux qui les dirigent ne doivent d'aucune manière mépriser ceux qui ont le souci de la contemplation, ou les appeler paresseux, ou, ce qui est pire, les qualifier d'entachés d'hérésie ; au contraire, qu'ils fassent usage et jouissent saintement et pieusement des dons qui ont été accordés par Dieu à chacun d'eux par la méditation, d'autant que la grâce de la contemplation, souvent les plus grands, souvent les plus petits, assez souvent ceux qui sont éloignés, et parfois même des gens mariés la reçoivent.

2183
3.- De même, que les tenants de la contemplation ne méprisent pas les tenants de la méditation, puisque en règle générale c'est par les degrés de la méditation qu'on parvient au sommet de la contemplation ; mais que tous dans la charité glorifient Dieu, notre Seigneur Jésus Christ, en sachant que le rameau de l'oeuvre bonne ne garde sa verdeur que s'il demeure dans la racine de la charité.

2184
4.- Bien que personne ne doive être repoussé loin de la grâce de la contemplation pour laquelle Dieu donne son aide, il faut cependant que les directeurs d'âmes prennent garde à ce que tout âge, degré, sexe ou condition ne soit pas admis de façon indistincte à la pratique de cette doctrine et de cet exercice, et que par une observation assidue ils prennent d'abord la mesure de l'esprit, de ce qu'il est à même de porter et de faire, de manière à conduire les uns à la méditation, les autres à la contemplation, selon l'esprit de chacun.

2185
5.- Mais pour que la doctrine concernant l'oraison contemplative, par laquelle les âmes des fidèles sont élevées jusqu'à l'union la plus haute avec Dieu, demeure pure de toute erreur, intègre et intacte, il faut en premier lieu que les contemplatifs se gardent d'affirmer ou de soutenir que la présence de Dieu seul est en tout lieu l'objet de la contemplation ou de l'oraison qu'ils appellent de quiétude ; car tous les objets de la méditation peuvent être, bien que de diverse manière, objet de la contemplation ; de même ils ne doivent pas avoir l'audace d'affirmer que ceux qui s'exercent à la méditation ne peuvent jamais monter à un certain degré de perfection à moins de passer à l'oraison de contemplation.

2186
6.- Et parce que nous sommes sauvés et libérés par l'Incarnation et la Passion de notre Seigneur Jésus Christ, que les contemplatifs se gardent d'oublier volontairement et de façon délibérée les mystères de la vie, de l'action, de la Passion et de la Rédemption de ce même Seigneur qui est le nôtre, ou d'affirmer que leur considération est inutile et contraire à l'état de contemplation ; au contraire, qu'à l'exemple de tous les saints, ils s'appliquent de façon assidue à les considérer selon les circonstances du moment et du lieu.

2187
7.- De même qu'ils n'enlèvent pas de leurs yeux, comme inutiles pour la contemplation, les images et les représentations, tant extérieures qu'intérieures, du Christ Seigneur, de la très bienheureuse Vierge Marie, la Mère, et des autres saints qui règnent dans les cieux et qui prient pour nous qui nous trouvons dans cette vallée de larmes ; parfois cependant, dans l'acte de contemplation seulement et lorsque notre esprit traversé par les dons célestes est tiré vers la contemplation des réalités divines, il leur sera permis, pour que l'âme ne soit pas distraite, de s'éloigner de ces figures.

2188
8.- Et parce que l'exercice de la contemplation parfaite consiste principalement en ce que dans l'acte de la contemplation l'âme ne fait rien d'autre, et que bien plus, oubliant alors toutes les créatures, elle est élevée vers Dieu et les réalités divines dans la considération des vertus sublimes de la foi, de l'espérance et de la charité par lesquelles Dieu est vénéré avant tout, les méditatifs ne doivent pas avoir l'audace ou la présomption, d'aucune manière, de traiter les contemplatifs auprès du peuple d'oisifs et de paresseux.

2189
9.- Par ailleurs que les contemplatifs aussi bien que les méditatifs se souviennent qu'ils ne sont aucunement exempts des préceptes de Dieu et de l'Eglise ; au contraire, tous comme des serviteurs à l'égard de leurs maîtres et des épouses à l'égard de leurs maris, sont strictement tenus d'observer les commandements qui doivent être observés par chacun selon son état, puisque la vertu de l'oraison conduit à l'humilité et à l'obéissance et non pas à l'orgueil et à la présomption.

2190
10.- De même, aussi bien pour ce qui est des clercs, tant séculiers que religieux, que ce qui est des moniales, on doit enseigner et tenir qu'ils ne doivent pas présumer que, sous prétexte de méditation ou de contemplation, ils seraient exempts ou libérés des obligations ecclésiastiques et des voeux, des institutions et des règles de leur religion ; car même s'ils sont parvenus à un certain degré de perfection de l'oraison, ils ne sont considérés d'aucune manière comme exempts de les observer.

2191
11.- Tous, contemplatifs aussi bien que méditatifs, doivent savoir qu'ils ne sont aucunement exempts des obligations externes de la religion et de la piété qui ont coutume d'être pratiquées par les fidèles dans l'Eglise catholique, et que sont l'usage des sacrements et des sacramentaux, les visites des églises et l'observance des jeûnes, l'écoute des prédications, et les oeuvres de miséricorde spirituelle ou matérielle ; au contraire, ce sera un grand scandale pour les fidèles si certaines des pratiques susdites sont négligées par eux sous prétexte de contemplation ou de méditation.

2192
12.- Il est tout à fait impie, et indigne de la pureté chrétienne, que d'affirmer qu'il ne faut pas résister aux tentations, et que les contemplatifs ne se verraient pas imputer les péchés commis par eux pendant qu'ils contemplent, dans l'idée fausse qu'alors ce ne sont pas les contemplatifs eux- mêmes, mais le diable qui les opère à travers leurs membres. De même il est impie d'affirmer que les contemplatifs n'auraient pas à s'ouvrir de tels péchés dans le sacrement de la pénitence et à les soumettre aux clés de l'Eglise. Enfin il est impie d'affirmer que l'oraison mentale, méditative ou contemplative, est nécessaire au salut purement et simplement.


Erreur concernant le secret de la confession

2195
(Proposition : ) " Il est permis de faire usage du savoir acquis en confession, dès lors que cela se fait sans révélation directe ou indirecte et sans dommage pour le pénitent, à moins que de son non-usage il résulte un dommage bien plus grand, en comparaison duquel le premier est tenu pour peu à juste titre " ; après cela est ajoutée une explication, ou une limitation, concernant ce qui est à entendre par usage du savoir acquis en confession avec un dommage pour le pénitent, et à l'exclusion de toute révélation, et dans le cas où du non-usage 0 résulterait un dommage bien plus grand pour ce pénitent. ...(Censure : ) Ladite proposition, dans la mesure où elle admet l'usage dudit savoir avec un dommage pour le pénitent, doit être prohibée absolument, y compris avec ladite explication ou limitation.

Erreurs quiétistes de Miguel de Molinos

2201
1.- Il faut anéantir les puissances de l'âme, et telle est la voie intérieure.

2202
2.- Vouloir agir activement, c'est offenser Dieu qui veut être seul agent ; et c'est pourquoi il faut s'abandonner soi-même totalement sans réserve à lui, et demeurer ensuite comme un corps inanimé.

2203
3.- Les voeux de faire quelque chose sont des obstacles à la perfection

2204
4.- L'activité naturelle est l'ennemie de la grâce, et elle empêche les opérations de Dieu et la vraie perfection, parce que Dieu veut agir en nous sans nous.

2205
5.- En ne faisant rien, l'âme s'annihile et retourne à son principe et à son origine, qui est l'essence de Dieu dans laquelle elle demeure transformée et divinisée, et alors Dieu demeure en lui-même ; car alors il n'y a plus deux choses unies mais une seule, et de cette manière Dieu vit et règne en nous, et l'âme s'annihile elle-même dans l'être opératif.

2206
6.- La voie intérieure est celle où on ne connaît ni lumière, ni amour, ni résignation ; et il ne faut pas même connaître Dieu ; et c'est de cette manière que l'on chemine de façon juste.

2207
7.- L'âme ne doit penser ni à la récompense, ni à la punition, ni au paradis, ni à l'enfer, ni à la mort, ni à l'éternité.

2208
8.- Elle ne doit pas vouloir savoir Si elle chemine comme Dieu le veut, ni si elle demeure conforme à cette volonté ou non ; et il n'est pas nécessaire qu'elle veuille connaître son état, ni son propre néant, mais elle doit rester comme un corps sans vie.

2209
9.- L'âme ne doit se souvenir ni d'elle-même ni de Dieu, ni d'aucune chose, et dans la voie intérieure toute réflexion est nocive, même la réflexion sur ses actions humaines et sur ses propres défauts.

2210
10.- Si par ses propres défauts on scandalise les autres, il n'est pas nécessaire d'y réfléchir dès lors qu'il n'y a pas volonté de scandaliser et ne pas pouvoir réfléchir à ses propres défauts est une grâce de Dieu.

2211
11.- Pour les doutes qui surviennent Si on est dans la bonne voie ou non, il n'est pas besoin de réfléchir.

2212
12.- Celui qui a donné son libre arbitre à Dieu ne doit plus se soucier de rien, ni de l'enfer, ni du paradis ; il ne doit pas avoir le désir de sa propre perfection, ni des vertus, ni de sa propre sanctification, ni de son propre salut dont il doit expurger l'espérance.


2213
13.- Une fois le libre arbitre remis à Dieu, il faut aussi abandonner à Dieu la pensée et le soin de tout ce qui nous concerne, et le laisser faire en nous, sans nous, sa divine volonté.

2214
14.- Celui qui s'est abandonné à la volonté de Dieu ne doit rien demander à Dieu, car demander est une imperfection, puisqu'il s'agit d'un acte de volonté et de choix propre, et que c'est vouloir que la volonté divine se conforme à notre volonté et non la nôtre à la divine. Et cette parole de l'Evangile : "Demandez et vous recevrez"
Jn 16,24 n'a pas été dite par le Christ pour les âmes intérieures qui ne veulent pas avoir de volonté ; au contraire, ces âmes parviennent à ce qu'elles puissent ne rien demander à Dieu.

2215
15.- De même qu'elles ne doivent rien demander à Dieu, elles ne doivent pas non plus lui rendre grâces pour quelque chose ; car l'un et l'autre est un acte de la volonté propre.

2216
16.- Il ne convient pas de chercher des indulgences pour la peine due à ses propres péchés ; car il est mieux de satisfaire à la justice divine que de chercher la miséricorde divine, car le premier procède du pur amour de Dieu, et le second de l'amour intéressé pour nous-mêmes, ce qui n'est pas ce qui plaît à Dieu et qui n'est pas méritoire, puisque c'est vouloir fuir la croix.

2217
17.- Le libre arbitre étant remis à Dieu, le soin et l'examen de notre âme lui étant aussi abandonnés, il n'y a plus lieu de s'inquiéter des tentations, et on ne doit pas leur opposer d'autre résistance que négative, sans s'efforcer davantage, et si la nature se meut, il faut la laisser se mouvoir, puisqu'elle est la nature.

2218
18.- Celui qui dans l'oraison se sert d'images, de figures, d'idées et de ses propres concepts, n'adore pas Dieu en esprit et en vérité
Jn 4,23


2219
19.- Celui qui aime Dieu de la manière que le demande la raison ou que l'entendement le comprend, n'aime pas le vrai Dieu.

2220
20.- Dire que dans l'oraison il est besoin de s'aider du raisonnement et de pensées, lorsque Dieu ne parle pas à l'âme, c'est être dans l'ignorance, Dieu ne parle jamais, sa parole est action, et il agit toujours dans l'âme lorsqu'elle ne l'en empêche pas par ses raisonnements, ses pensées et ses opérations.

2221
21.- Dans l'oraison, il faut demeurer dans la foi obscure et universelle, dans le repos et dans l'oubli de toute pensée particulière et distincte des attributs de Dieu et de la Trinité, et il faut demeurer ainsi en la présence de Dieu pour l'adorer, l'aimer et le servir, mais sans produire des actes, parce que Dieu n'y trouve pas sa complaisance.

2222
22. Cette connaissance par la foi n'est pas un acte produit par la créature, mais elle est une connaissance donnée par Dieu à la créature, que la créature ne sait pas ce qu'elle a, et qu'elle ne sait pas ensuite avoir eue, et la même chose vaut pour l'amour.

2223
23. Les mystiques distinguent avec saint Bernard dans la Scala claustralium quatre degrés : la lecture, la méditation, l'oraison et la contemplation infuse. Celui qui reste toujours au premier ne passe jamais au deuxième ; celui qui reste toujours au deuxième ne parvient jamais au troisième, qui est notre contemplation acquise dans laquelle il faut persister pendant toute la vie, aussi longtemps que Dieu n'attire pas l'âme (sans qu'elle le désire toutefois) à la contemplation infuse ; et celle-ci venant à cesser, l'âme doit retourner au troisième degré et y demeurer, sans retourner à nouveau au deuxième ou au premier.

2224
24. Quelles que soient les pensées qui surviennent dans l'oraison, même impures, même contre Dieu, la foi et les sacrements, si elles ne sont pas entretenues volontairement et repoussées volontairement, mais supportées avec indifférence et résignation, elles n'empêchent pas l'oraison de foi ; au contraire, elles la rendent plus parfaite, parce que l'âme est alors davantage résignée à la volonté divine.

2225
25. Lors même que surviendrait le sommeil et qu'on s'endormirait, il n'y en aurait pas moins une oraison et une contemplation actuelles ; car oraison et résignation, résignation et oraison sont la même chose ; et tant que perdure la résignation, perdure aussi l'oraison.

2226
26. Les trois voies : purgative, illuminative et unitive, sont la plus grande absurdité qui ait été dite en mystique, car il n'y a qu'une seule voie, à savoir la voie intérieure.

2227
27. Celui qui désire et embrasse la dévotion sensible, ne désire et ne cherche pas Dieu, mais lui-même ; et celui qui marche dans la voie intérieure agit mal lorsqu'il le souhaite et s'efforce de l'avoir, tant dans des lieux saints qu'aux fêtes solennelles.

2228
28. Le dégoût des choses spirituelles est bon, puisque par lui l'amour à proprement parler est purifié.

2229
29. Lorsque l'âme intérieure prend en dégoût les entretiens sur Dieu et les vertus, et qu'elle demeure froide et ne sent en elle aucune ferveur, c'est un bon signe.

2230
30. Toute chose sensible que nous éprouvons dans la vie spirituelle est abominable, malpropre et immonde.

2231
31. Aucun de ceux qui méditent ne pratiquent les vraies vertus intérieures, lesquelles ne doivent pas être connues par les sens. Il faut perdre les vertus.

2232
32. Ni avant ni après la communion une autre préparation ou une autre action de grâces n'est requise (pour ces âmes intérieures) que de demeurer dans l'habituelle résignation passive ; elle supplée en effet d'une manière plus parfaite tous les actes des vertus qui peuvent se faire et se font dans la voie ordinaire ; et Si à l'occasion de la communion s'élèvent des mouvements d'humiliation, de demande ou d'action de grâces, il faut les réprimer chaque fois qu'on ne reconnaîtra pas qu'ils viennent d'une inspiration particulière de Dieu ; autrement il s'agit de mouvements de la nature qui n'est pas encore morte.

2233
33. Elle agit mal, l'âme qui marche dans cette voie intérieure, si aux jours de fêtes solennelles elle veut, par quelque effort particulier, exciter en elle quelque sentiment de dévotion, car pour l'âme intérieure tous les jours sont égaux, et sont tous des jours de fête. Et il faut en dire autant des lieux sacrés, parce que pour ces âmes tous les lieux sont égaux.

2234
34. Rendre grâces à Dieu par la parole et par la langue ne convient pas aux âmes intérieures, qui doivent demeurer dans le silence, sans opposer à Dieu d'obstacle qui opère en eux ; et plus elles s'abandonnent à Dieu, plus elles éprouvent leur impuissance à réciter l'oraison dominicale, ou Notre Père.

2235
35. Il ne convient pas aux âmes de la voie intérieure de faire des actes, même vertueux, de leur propre choix et de leur propre activité, autrement elles ne seraient pas mortes et elles ne doivent pas non plus faire des actes d'amour envers la bienheureuse Vierge, les saints et l'humanité du Christ, car ces objets étant sensibles, l'amour qui s'y rapporte l'est aussi.

2236
36. Aucune créature, ni la bienheureuse Vierge, ni les saints, ne doivent avoir place dans notre coeur, car Dieu seul veut l'occuper et le posséder.

2237
37. Dans le cas de tentations même violentes, l'âme ne doit pas faire d'actes explicites de vertus qui y sont opposés, mais demeurer dans l'amour et la résignation dont il a été parlé.

2238
38. La croix volontaire des mortifications est un poids lourd et sans fruit, et c'est pourquoi il faut s'en décharger.

2239
39. Les actions les plus saintes et les pénitences faites par les saints ne suffisent pas pour ôter de l'âme même un seul attachement.

2240
40. La bienheureuse Vierge n'a jamais fait d'oeuvre extérieure, et cependant elle a été plus sainte que tous les saints. C'est pourquoi on peut parvenir à la sainteté sans oeuvre extérieure.

2241
41. Dieu permet et veut, pour nous humilier et nous conduire à la vraie transformation, qu'à certaines âmes parfaites, même non possédées, le démon violente leurs corps et leur fasse commettre des actes charnels, même à l'état de veille et sans aucun trouble de conscience, en remuant physiquement leurs mains et d'autres membres contre leur volonté. Et il faut en dire autant pour d'autres actions, coupables en elles-mêmes, et qui ne sont pas dans ce cas des péchés, parce qu'il n'y a pas consentement.

2242
42. Il peut se produire des cas où ces violences poussant à des actes charnels se produisent en même temps pour deux personnes, à savoir un homme et une femme, et qu'il en résulte un acte charnel pour les deux.

2243
43. Dieu, aux siècles passés, faisait des saints par le ministère des tyrans ; mais maintenant il fait ces saints à l'aide des démons qui, en causant en eux les violences dont il a été parlé, font qu'ils se méprisent et s'anéantissent davantage encore et s'abandonnent à Dieu.

2244
44. Job a blasphémé, et cependant il n'a pas péché par ses lèvres, car cela fut du fait de la violence du démon.

2245
45. Saint Paul a souffert dans son corps ces violences du démon ; c'est pourquoi il a écrit : " Je ne fais pas le bien que je veux, mais le mal que je ne veux pas, je le fais"
Rm 7,19.

2246
46. Ces violences sont le moyen le plus apte à annihiler l'âme et à la conduire à la transformation et à l'union véritable, et il n'y a pas d'autre voie pour y parvenir. Et celle-ci est la voie la plus facile et la plus sûre.

2247
47. Lorsque surviennent ces violences, il faut laisser faire Satan sans y opposer aucun moyen de résistance ni aucun effort ; au contraire, l'homme doit rester dans le néant et même s'il s'ensuit des pollutions et des actes obscènes produits par les mains et pis encore, il n'y a pas lieu de s'inquiéter, mais il faut chasser les scrupules et les craintes, car l'âme est plus éclairée, plus fortifiée et plus pure, et l'on acquiert la sainte liberté ; et surtout il n'est pas besoin de confesser ces choses, et l'on agit très saintement en ne les confessant pas, car c'est par ce moyen qu'on triomphe du démon et qu'on acquiert un trésor de paix.

2248
48. Satan, l'auteur de ces violences, suggère ensuite que ce sont des fautes graves afin que l'âme s'inquiète et n'avance plus ensuite dans la voie intérieure ; c'est pourquoi, pour affaiblir ses forces, il est préférable de ne pas confesser cela, car ce ne sont pas des péchés, même véniels.

2249
49. Job, par la violence du démon se souillait de ses propres mains, au moment où il s'adressait à Dieu, si on interprète ainsi le passage du chap. 16
Jb 16,18.

2250
50. David, Jérémie et beaucoup parmi les saints prophètes, ont souffert de telles violences pour ces actions extérieures impures.

2251
51. Dans la sainte Ecriture il y a beaucoup d'exemples de violences portant à des actes extérieurs de péché ; ainsi pour Samson qui par la violence se tua avec les Philistins
Jg 16,29s, qui épousa une femme étrangère Jg 14,1-20, et qui pratiqua l'impudicité avec la prostituée Dalila Jg 16,4-22, ce qui autrement était défendu et aurait été péché ; ainsi pour Judith qui mentit à Holopherne Jdt 11,5-19, pour Elisée qui maudit les enfants 2R 2,24 pour Elie, qui brûla deux chefs avec les troupes du roi Achab 2R 1,10-12. Savoir cependant si la violence a été faite directement par Dieu ou par le ministère des démons, comme cela arrive pour d'autres âmes, est incertain.

2252
52. Lorsque des violences de cette sorte, même impures, arrivent sans que l'esprit en soit obscurci, l'âme peut alors s'unir à Dieu et de fait lui est toujours davantage unie.

2253
53. Pour savoir en pratique si une action en d'autres personnes était une violence, la règle dont je dispose à ce sujet n'est pas simplement les protestations que font ces âmes de n'avoir jamais consenti à ces violences ou de ne pas pouvoir jurer y avoir consenti, et de voir qu'il s'agit d'âmes qui avancent dans la voie intérieure ; mais je prendrais ma règle d'une certaine lumière actuelle, supérieure à la connaissance humaine et théologique, qui me fait connaître de façon certaine, avec une certitude intérieure, qu'une telle action est suscitée de façon violente, et je suis certain que cette lumière vient de Dieu, parce qu'elle me vient jointe à la certitude qu'elle provient de Dieu, et qu'elle ne laisse en moi pas même l'ombre d'un doute du contraire : de la manière dont il arrive parfois que Dieu, lorsqu'il révèle quelque chose, donne en même temps à l'âme la certitude que c'est lui-même qui révèle, et que l'âme ne peut plus avoir de doute contraire.

2254
54. Les spirituels de la voie ordinaire se trouveront à l'heure de la mort moqués et confondus avec toutes les passions qui devront être purifiées dans l'autre monde.

2255
55. Par cette voie intérieure on parvient, quoique avec beaucoup de peine, à purifier et à éteindre toutes les passions, au point qu'on ne ressent plus rien, rien, rien et on ne ressent plus aucune inquiétude, comme un corps mort, et l'âme ne se laisse plus davantage troubler.

2256
56. Les deux lois et les deux convoitises, l'une de l'âme, l'autre de l'amour-propre, perdurent autant que perdure l'amour-propre : c'est pourquoi lorsqu'il est purifié et mort, comme cela se fait dans la voie intérieure, il n'y a plus alors ces deux voies et ces deux convoitises, et on ne connaît plus aucune chute, et on ne ressent plus rien, pas même un péché véniel.

2257
57. Par la contemplation acquise on parvient à un état où on ne commet plus de péché, ni mortel ni véniel.

2258
58. On parvient à cet état en ne réfléchissant plus sur ses propres actions, car les fautes naissent de la réflexion.

2259
59. La voie intérieure est indépendante de la confession, des confesseurs et des cas de conscience, de la théologie et de la philosophie.

2260
60. Aux âmes avancées qui commencent à mourir aux réflexions et qui sont arrivées à être mortes, Dieu rend quelquefois la confession impossible et y supplée lui-même par une grâce qui préserve et qui est égale à celle qu'elles recevraient dans le sacrement ; et c'est pourquoi il n'est pas bon pour ces âmes de s'approcher dans un tel cas du sacrement de la pénitence, car cela leur est impossible.

2261
61. Lorsque l'âme est parvenue à la mort mystique, elle ne peut plus vouloir autre chose que ce que Dieu veut, car elle n'a plus de volonté, et Dieu la lui a enlevée.

2262
62. Par la voie intérieure on parvient à un état continu et immobile dans une paix qui ne peut plus être troublée.

2263
63. Par la voie intérieure on parvient aussi à la mort des sens ; et c'est même un signe que quelqu'un est dans l'état d'anéantissement, c'est-à-dire de mort mystique, lorsque les sens extérieurs ne nous représentent plus les choses sensibles ; celles-ci sont alors comme si elles n'étaient pas, car elles ne parviennent plus à faire que l'entendement s'y applique.

2264
64. Un théologien a une disposition moindre à l'état contemplatif qu'un homme ignorant premièrement parce qu'il n'a pas une foi aussi pure ; deuxièmement parce qu'il n'est pas aussi humble ; troisièmement parce qu'il n'a pas autant le souci de son propre salut ; quatrièmement parce qu'il a la tête pleine d'imaginations, de représentations, d'opinions et de spéculations, et que la vraie lumière ne peut pas entrer en lui.

2265
65. Il faut obéir aux supérieurs dans les choses extérieures, et le voeu d'obéissance des religieux s'étend seulement à l'extérieur. Pour l'intérieur cependant il en est autrement là Dieu seul et le directeur y entrent.

2266
66. Elle est digne de risée, cette doctrine nouvelle selon laquelle l'âme, pour ce qui concerne l'intérieur, devrait être gouvernée par l'évêque, et que si l'évêque n'en est pas capable, l'âme devrait aller auprès de lui avec son directeur. Doctrine nouvelle, dis-je, car ni la sainte Ecriture, ni les conciles, ni les canons, ni les bulles, ni les saints, ni les auteurs ne l'ont jamais enseignée et n'ont pu l'enseigner ; car l'Eglise ne juge pas des choses cachées, et l'âme a le droit et la faculté de choisir qui bon lui semble.

2267
67. Dire qu'il faut manifester ce qui est intérieur au tribunal extérieur, et que c'est un péché de ne pas le faire, est une tromperie manifeste, parce que l'Eglise ne juge pas des choses cachées, et qu'on nuit à sa propre âme par ces duperies et ces hypocrisies.

2268
68. Il n'y a pas dans le monde de faculté ou de juridiction qui puisse ordonner que les lettres du directeur qui concernent l'intérieur de l'âme soient communiquées, et c'est pourquoi il faut avertir qu'il s'agit d'un outrage satanique.

(Censure : Ces propositions nous les avons condamnées selon le cas comme hérétiques
3 , 13-15 , 41-53 , suspectes ; proches de l'hérésie 21 , 23 , 57 , 60s ; sentant l'hérésie : 2 , 4-10 , 12 , 16-19 , 31 , 35 , 55 s , 58 et erronées 4-6 , 8-10 , 13-19 , 21 s , 24 , 32 , 35 , 41-53 , 58 , scandaleuses 6s , 9-11 , 14-20 , 24 , 30-52 , 54 , 58-60 , 63 s , 66 , blasphématoires 10 , 14 s , 41-53 , 60 , offensant les oreilles pies 6 , 30 , 58 , téméraires 11 , 14 s , 17-20 , 23 s , 26 s , 30-35 , 38s , 41-68 , énervant la discipline chrétienne 10 , 16 , 21 s , 24 , 31 , 35 , 38s , 41-52 , 59 , 65s et la renversant 68 , et séditieuses 65 . De surplus... nous avons condamné tous les livres et toutes les oeuvres imprimées, en quelque lieu et en quelque langue que ce soit, ainsi que tous les manuscrits du même Miguel de Molinos.




1996 Denzinger 2070