1996 Denzinger 3660

3660
Questions : 1. Peut-on tolérer que des confesseurs enseignent d'eux-mêmes la pratique de l'acte sexuel à moitié accompli, et qu'ils la conseillent indistinctement à tous les pénitents qui craignent que leur naissent des enfants trop nombreux?

3661
2.- Faut-il blâmer un confesseur qui, après avoir essayé vainement tous les remèdes pour éloigner de ce mal un pénitent qui abuse du mariage, lui enseigne à pratiquer l'acte sexuel à moitié accompli afin de prévenir tout péché mortel ?

3662
3.- Faut-il blâmer un confesseur qui, dans les circonstances décrites en 2., conseille au pénitent l'acte sexuel à moitié accompli qu'il connaît par ailleurs, ou qui, au pénitent qui lui demande si cette pratique est licite, répond simplement qu'elle est licite, sans aucune restriction ni explication ?
Réponse (confirmée par le souverain pontife le 23 novembre) : Pour 1. Non. - Pour 2. et 3. Oui.



Encyclique "Studiorum ducem", 29 juin 1923.

L'autorité de l'enseignement de Thomas d'Aquin

3665
Quant à Nous, Nous ordonnons que les prescriptions de nos prédécesseurs, en particulier de Léon XIII et de Pie X, comme aussi les directives que Nous avons données l'année dernière,
3139 ; 3601 soient méditées avec soin et scrupuleusement observées par tous ceux surtout qui occupent dans les écoles cléricales les chaires les plus importantes.
Qu'ils soient persuadés cependant qu'ils s'acquittent de leur charge et répondent à notre attente si, après s'être faits les disciples fervents du saint Docteur par une étude assidue et approfondie de ses écrits, ils communiquent à leurs élèves la ferveur de cet amour en commentant ce Docteur, et qu'ils les rendent capables de susciter le même zèle chez d'autres.

3666
Nous souhaitons certes qu'il y ait chez ceux qui vénèrent saint Thomas - comme doivent le faire tous les fils de l'Eglise qui se livrent aux meilleures études - cette noble émulation, respectueuse d'une juste liberté, qui est propice au progrès de la science, mais pas de dénigrement, qui ne profite pas à la vérité et qui n'aboutit qu'à défaire les liens de la charité. Que chacun s'en tienne donc fidèlement à ce qui est prescrit dans le Code de droit canonique
CIS 1366 Par. 2, à savoir que "dans l'étude de la philosophie rationnelle et de la théologie, comme dans l'enseignement de ces sciences aux élèves, les professeurs suivront en tous points la méthode, la doctrine et les principes du Docteur angélique, et ils se feront un devoir de conscience de s'y tenir" ; et tous observeront cette règle, en sorte qu'ils puissent l'appeler leur maître en toute vérité.

3667
Mais que les uns n'exigent pas davantage des autres que ce que l'Eglise, mère et maîtresse de tous, exige de tous ; et dans les questions à propos desquelles dans les écoles catholiques les auteurs les meilleurs ont coutume de disputer selon des avis contraires, nul ne doit être empêché de suivre l'opinion qui lui paraît plus vraisemblable.




Lettre apostolique "Infinita Dei misericordia", 29 mai 1924.

La reviviscence des mérites et des dons

3670
Au cours de l'année sabbatique les Hébreux récupéraient les biens qu'ils avaient aliénés et rentraient "dans leur propriété" ; les esclaves reprenaient leur liberté et retournaient "dans leur famille primitive"
Lv 25,10 ; et les débiteurs recevaient remise de leur dette : or tout cela advient et se produit chez nous de façon plus abondante encore l'année du pardon. En effet, quiconque, durant le jubilé, se conforme d'un coeur contrit aux prescriptions du Siège apostolique recouvre la totalité des mérites et des grâces que le péché lui a fait perdre ; et il est délivré de la cruelle tyrannie de Satan de sorte à jouir à nouveau de la liberté "par laquelle le Christ nous a affranchis" Ga 4,31, et enfin, par l'application des mérites surabondants de Jésus Christ, de la bienheureuse Vierge Marie et des saints, il est pleinement exonéré de toutes les peines encourues pour ses fautes et ses manquements.



Décret de la Sacrée Congrégation du concile, 13 juin 1925.

Quasi-duels dits Bestimmungs-Mensuren

3672
Question : Les déclarations de la Sacrée Congrégation du concile de 1890 (9 août) et de 1923 (10 février) par lesquelles sont frappés de peines ecclésiastiques les duels d'étudiants en usage dans les universités d'Allemagne et appelés Bestimmungs-Mensuren ne concernent-elles - conformément à l'opinion de certains auteurs récents - que les duels dans lesquels on se bat avec le danger d'une très grave blessure, ou comprennent-elles également ceux qui ont lieu sans danger de blessure grave ?
Réponse (approuvée par le souverain pontife le 20 juin) : Non pour le premier point, oui pour le second.



Encyclique "Quas primas", 11 décembre 1925.

La dignité royale et la puissance du Christ homme

3675 Que le Christ soit appelé "roi" au sens métaphorique, en raison de ce haut degré d'excellence par lequel il se distingue parmi toutes les créatures et les dépasse, est un usage existant depuis toujours et qui est commun. On dit ainsi qu'il règne sur les esprits des hommes..., et de même sur les volontés des hommes... . Enfin le Christ est reconnu comme le roi des coeurs...
Cependant pour entrer plus à fond dans notre sujet, il n'est personne qui ne voit que le nom et la puissance d'un roi, au sens propre du terme, doivent être attribués au Christ dans son humanité ; en effet c'est seulement en tant qu'il est homme qu'il peut être dit qu'il a reçu du père la puissance et l'honneur
Da 7,13 s., puisque le Verbe de Dieu, en tant qu'il est de la même substance que le Père, ne peut pas ne pas avoir tout en commun avec le Père, et donc aussi la souveraineté suprême et la plus absolue sur toutes les créatures. (Il est montré ensuite à partir des Ecritures que le Christ est roi ; référence est faite notamment à Nb 24,19 Ps 2 Ps 45,7 Ps 72,7 sq. Is 9,6 Jr 23,5 Da 2,44 Da 7,13 s ; Za 9,9 Lc 1,32 s, Mt 28,18 Ap 1,5 Ap 19,16 ; He 1,2

3676 Quant au fondement de cette dignité et de cette puissance, il est indiqué de façon heureuse par Cyrille d'Alexandrie : "Pour le dire en un mot, la souveraineté qu'il possède sur toutes les créatures, il ne l'a pas ravie par la force, il ne l'a pas reçue d'une main étrangère, mais il l'a eue de par son essence et sa nature" ; sa prééminence repose en effet sur cette union admirable qu'on appelle hypostatique. Il n'en résulte pas seulement que le Christ doit être adoré par les anges et les hommes en tant qu'il est Dieu, mais également que les anges et les hommes doivent obéir à son autorité et lui être soumis en tant qu'il est homme, car au seul titre de l'union hypostatique le Christ a pouvoir sur toutes les créatures.
Mais que peut-il y avoir de plus délectable et de plus suave pour notre pensée que ceci : que le Christ règne sur nous non seulement par droit natif, mais également par droit acquis, c'est-à-dire parce qu'il nous a rachetés
3352 ? Puissent donc tous les hommes oublieux se souvenir quel prix nous avons coûté à notre Sauveur : "Car vous n'avez pas été rachetés avec de l'or et de l'argent corruptibles..., mais par le sang précieux du Christ, comme par un agneau sans tache et sans défaut" 1P 1,18 s. Nous n'appartenons plus à nous- mêmes, puisque le Christ nous a rachetés "à grand prix" 1Co 6,20 ; nos corps eux-mêmes "sont les membres du Christ" 1Co 6,15.

3677
Mais pour expliquer brièvement la signification et la nature de cette royauté, il est presque inutile de dire qu'elle consiste en un triple pouvoir, sans lequel la royauté serait difficile à concevoir. ... Il faut croire de foi catholique que le Christ Jésus a été donné aux hommes comme le Rédempteur à qui ils doivent donner foi, et en même temps comme le législateur à qui ils doivent obéir
1571 . Les évangiles cependant ne le montrent pas tant comme ayant édicté des lois : ils le présentent plutôt comme le législateur. ...
Quant au pouvoir judiciaire qu'il a reçu du Père, Jésus lui- même affirme aux juifs qui l'accusent d'avoir violé le repos du sabbat en guérissant miraculeusement un homme malade : "Le Père ne juge personne, mais il a donné au Fils tout jugement" Jn 5,22. En cela est compris également - car cela ne peut pas être séparé du jugement - qu'il a le plein droit de distribuer récompenses et peines aux hommes, même durant leur vie.
Par ailleurs il faut également attribuer au Christ ce pouvoir qu'on appelle exécutif, puisqu'il est nécessaire que tous obéissent à son empire, avec des peines dont il est dit qu'elles seront infligées à ceux qui se rebellent, et auxquelles personne ne peut échapper.

3678
Toutefois ce règne est principalement spirituel et s'étend aux réalités spirituelles, comme le montrent clairement les paroles des Ecritures que nous avons rapportées plus haut, et comme le montre aussi le Christ Seigneur dans la manière dont il agit. Car ce n'est pas à une occasion seulement, lorsque les juifs et même les apôtres eux-mêmes ont pensé que le Messie conduirait le peuple dans la liberté et rétablirait le royaume d'Israël, qu'il a lui- même enlevé et détruit cette illusion et cet espoir ; lorsqu'il allait être proclamé roi par la foule des admirateurs qui l'entourait, il refusa aussi bien le titre que l'honneur en s'éloignant et en se cachant ; devant le gouverneur romain encore il déclara que son royaume n'est pas "de ce monde"
Jn 18,36.
Ce royaume, les évangiles nous le présentent comme un royaume dans lequel les hommes se préparent à entrer en faisant pénitence, et dans lequel personne ne peut entrer sinon par la foi et le baptême qui, bien qu'il s'agisse d'un rite extérieur, figure et réalise cependant la régénération intérieure ; il s'oppose uniquement au royaume de Satan et à la puissance des ténèbres, et à ses adeptes il ne demande pas seulement de détacher leur coeur des richesses et des biens terrestres, de pratiquer la douceur et d'avoir faim et soif de justice, mais encore de renoncer à eux-mêmes et de porter leur croix. Mais puisque le Christ, comme Rédempteur, a acquis l'Eglise par son sang, et que comme prêtre il est offert et s'offre perpétuellement lui-même comme victime pour les péchés, qui ne voit que la charge royale elle-même se revêt de la nature de ces deux charges et y a part ?

3679
Par ailleurs ce serait une erreur ignominieuse que de dénier au Christ homme toute souveraineté sur les sociétés civiles, puisqu'il tient du Père le droit le plus absolu sur les créatures, faisant que toutes choses se trouvent en son jugement. Cependant, aussi longtemps qu'il a vécu sur terre, il s'est abstenu entièrement d'exercer cette domination, et de même qu'alors il a dédaigné la possession et le souci des biens humains, de même il les a permis et les permet aujourd'hui à ceux qui en possèdent. Ce qui est dit de façon très belle dans cette parole : "il ne ravit pas les royaumes mortels, celui qui donne les royaumes éternels."
C'est pourquoi l'empire de notre Rédempteur embrasse la totalité des hommes ; à ce sujet Nous faisons volontiers nôtres les paroles de notre prédécesseur d'immortelle mémoire : "Manifestement son empire ne s'étend pas seulement aux nations qui portent le nom de catholiques, ou à ceux-là seulement qui, ayant été baptisés, appartiennent à l'Eglise si on considère le droit, même si l'erreur de leurs opinions les égare loin d'elle, ou si la dissension les sépare de la charité ; mais il embrasse également tous ceux qui sont considérés comme hors de la foi chrétienne, de sorte que c'est en stricte vérité l'universalité du genre humain qui est soumise au pouvoir de Jésus Christ"
3350 .
Et à cet égard il n'y a lieu de faire aucune différence entre les différentes communautés domestiques ou civiles, car les hommes réunis en société ne sont pas moins soumis au pouvoir du Christ que les individus. Le même en effet est la source du salut privé et commun : "Il n'existe de salut en aucun autre ; et aucun autre nom sous le ciel n'a été donné aux hommes qu'il nous faille invoquer pour être sauvés Ac 4,12.



Instruction du Saint-Office, 19 juin 1926.

Crémation des corps

3680
Puisqu'il en est beaucoup, même parmi les catholiques, qui n'hésitent pas à célébrer cette coutume barbare qui répugne non seulement à la piété chrétienne, mais encore à la piété naturelle envers les corps des défunts, et que l'Eglise, dès les origines, a constamment proscrite, comme un des plus louables avantages qu'on doive au progrès civil d'aujourd'hui, comme ils disent, et aux connaissances concernant la protection de la santé,... (il faut avertir les fidèles) que cette crémation des cadavres n'est louée et propagée par les ennemis du nom chrétien qu'à la seule fin de détourner peu à peu les esprits de la médiation de la mort, de leur enlever l'espérance en la résurrection des morts, et de préparer ainsi les voies au matérialisme.
Par conséquent, bien que la crémation des cadavres ne soit pas absolument mauvaise en soi et qu'en certaines circonstances extraordinaires, pour des raisons graves et bien avérées d'intérêt public, elle puisse être autorisée et qu'en fait elle le soit, il n'en est pas moins évident que sa pratique commune et en quelque sorte systématique, de même que la propagande en sa faveur, constituent des actes impies et scandaleux, et de ce fait gravement illicites.



Déclaration du Saint-Office, 2 juin 1927.

Le " Comma Johanneum "

3681
Question Peut-on nier ou du moins mettre en doute de façon sûre l'authenticité du texte de saint Jean dans la première épître, chapitre 5, verset 7, qui dit : "C'est qu'ils sont trois à rendre témoignage au ciel : le Père, le Verbe et l'Esprit Saint, et ces trois sont un" ?
1Jn 5,7
Le 13 janvier 1897, le Saint-Office avait donné la réponse suivante à la question : Non. Dans sa déclaration du 2 juin 1927, le Saint- Office traita à nouveau de cette question :

3682
Ce décret fut donné pour que soit refrénée l'audace de docteurs privés qui s'arrogent le droit soit de rejeter totalement l'authenticité du Comma Johanneum, soit au moins de le mettre en doute par leur jugement ultime. Il n'entendait cependant empêcher aucunement que les auteurs catholiques étudient plus avant la question, et qu'après avoir pesé soigneusement les arguments avec la mesure et la modestie que requiert la gravité de la chose, ils inclinent vers une conception opposée à l'authenticité, dès lors du moins qu'ils se reconnaissent disposés à se conformer au jugement de l'Eglise qui a reçu du Christ le mandat non seulement d'interpréter la sainte Ecriture, mais également de la garder avec fidélité.



Décret du Saint-Office, 24 juillet (2 août) 1929.

Masturbation directe

3684
Question : Une masturbation provoquée de façon directe afin d'obtenir du sperme permettant de détecter ainsi la maladie contagieuse appelée "blennoragie", et de la guérir autant que possible, est-elle licite ? - Réponse(confirmée par le souverain pontife le 26 juillet) Non.

3685-3698. Encyclique «Divini illius magistri», 31 décembre 1929.

Éd. : AAS 22 (1930), 52-73

Droit et tâche de l'éducation en général

3685
La charge de l'éducation ne revient pas à des hommes en particulier, mais revient nécessairement à la société. Or on compte trois sociétés nécessaires, qui sont distinctes entre elles, mais qui selon la volonté de Dieu sont harmonieusement liées, et auxquelles l'homme appartient dès qu'il voit le jour : deux d'entre elles, à savoir la communauté domestique et la collectivité civile, font partie de l'ordre naturel, et la troisième, c'est-à-dire l'Église, est surnaturelle.
La première place est tenue par la vie commune en famille qui, parce qu'elle a été instituée et disposée par Dieu lui-même en vue de cette fin qu'est la procréation et l'éducation des enfants, a pour cette raison de par sa nature, et par suite de par ses droits propres, la priorité sur la société civile.
Néanmoins la famille est une société imparfaite, parce qu'elle n'est pas dotée de tout ce par quoi elle peut atteindre sa fin très noble ; mais la société civile, qui dispose de tout ce qui est nécessaire pour la fin qui est la sienne, à savoir le bien commun de la vie terrestre, est une société complète et parfaite en tout ce qui lui importe ; pour cette raison elle est donc supérieure à la communauté domestique qui précisément ne peut réaliser sa fin de façon sûre et appropriée que dans la collectivité civile.
La troisième société enfin, au sein de laquelle les hommes entrent dans la grâce divine par le bain du baptême, est l'Église, société surnaturelle qui embrasse tout le genre humain, qui est parfaite en elle-même puisqu'elle dispose de tout ce qui est nécessaire en vue de sa fin, à savoir le salut éternel des hommes, et qui pour cette raison est suprême en son ordre.
En conséquence, l'éducation qui concerne l'homme tout entier, comme homme singulier et comme membre de la société humaine, établi dans l'ordre de la nature aussi bien que dans celui de la grâce divine, appartient de façon proportionnée, selon l'ordre présent établi par Dieu, à ces trois sociétés nécessaires, conformément à la fin propre à chacune.

Le droit de l'Eglise concernant l'éducation

3686
Et, en premier lieu, elle appartient d'une façon éminente à l'Église, à savoir au double titre de l'ordre surnaturel que Dieu a conféré à elle seule, et qui de ce fait est absolument supérieur et plus fondé que tout autre titre d'ordre naturel.
La première raison de ce droit se trouve dans l'autorité et la fonction suprême du magistère que le divin fondateur de l'Église lui a transmis (
Mt 28,18-20)...
La seconde raison du droit se trouve dans cette fonction surnaturelle de maternité par laquelle l'Église, l'épouse très pure du Christ, confère aux hommes la vie de la grâce divine, les nourrit par ses sacrements et ses préceptes, et les élève. C'est à juste titre que saint Augustin dit : « Il n'aura pas Dieu pour père, celui qui n'aura pas voulu avoir l'Église pour mère 1». ...

1 PSEUDO-AUGUSTIN (Quodvultdeus de Carthage), De Symbolo sermo (n° IV. PL ; n° III. CChr.SL) ad catechumenos 13 (PL 40.668C ; R.BRAUN, CChr.SL 60 (1976), 3634s).

3687
L'Église promeut donc les lettres, les sciences et les arts, dans la mesure où ils sont nécessaires ou utiles pour l'éducation chrétienne et pour toute activité en vue du salut des âmes, en fondant et en entretenant ses écoles et ses institutions pour que toutes les disciplines y soient enseignées et qu'on y ait accès à tout degré de formation. Et ce qu'on appelle l'éducation physique ne doit pas être considéré non plus comme étranger à son magistère maternel, puisqu'elle aussi est telle qu'elle peut profiter ou nuire à l'éducation catholique. ...

3688
En outre l'Église a un droit qu'elle ne peut pas aliéner et un devoir auquel elle ne peut pas renoncer, de veiller sur toute l'éducation donnée à ses enfants, à savoir aux fidèles, dans les institutions aussi bien publiques que privées, non seulement pour ce qui a trait à l'enseignement religieux qui y est donné, mais également pour ce qui a trait à toute autre discipline ou à l'organisation des choses, dans la mesure où il existe un lien avec la religion et avec les préceptes moraux.

3689
Avec ce droit prééminent de l'Église... s'accordent pleinement aussi les droits de la famille et de l'État, et même ceux qui sont propres à chacun des citoyens en ce qui concerne la juste liberté de la science et des méthodes scientifiques, ainsi que la culture profane en général. Car, pour donner de suite la raison et l'origine de cette concorde : l'ordre surnaturel sur lequel sont fondés les droits de l'Église, bien loin de détruire ou d'amoindrir l'ordre naturel dont relèvent tous les droits mentionnés, l'élève au contraire et l'accomplit ; chacun de ces ordres en effet aide l'autre et lui offre comme un complément, dans la proportion qui revient à leur nature et à leur dignité respectives, car les deux proviennent de Dieu qui ne peut pas être infidèle à lui-même. ...

Le droit de la famille concernant l'éducation

3690
Et tout d'abord la charge de la famille concorde admirablement avec celle de l'Église, puisque toutes deux procèdent de façon très semblable de Dieu. En effet, dans l'ordre naturel, avec la famille Dieu communique immédiatement la fécondité, principe de vie et d'éducation à la vie, en même temps que l'autorité, qui est principe d'ordre. ...
La famille tient donc immédiatement du Créateur la charge et de là le droit d'éduquer les enfants ; or ce droit non seulement ne peut pas être aliéné, parce qu'il est lié à ce devoir très grave, mais il est antérieur aussi à n'importe quel droit de la société civile de l'État, et pour cette raison il n'est pas permis à aucun pouvoir sur terre de le limiter. ...
(A ce droit s'opposent tous ceux) qui osent affirmer que la descendance appartient à la cité avant d'appartenir à la famille, et que l'État a un droit absolu à l'éducation. ... (Ils sont réfutés par les paroles de Léon XIII) : « Les enfants sont quelque chose du père, et une amplification en quelque sorte de la personne paternelle, et pour parler en toute exactitude : ce n'est pas par eux-mêmes et immédiatement, mais par la communauté domestique dans laquelle ils sont engendrés, qu'ils entrent dans la société civile et y participent 1. » C'est pourquoi «la puissance paternelle est telle qu'elle ne peut ni être supprimée, ni être absorbée par la collectivité, parce qu'elle a le même principe commun que la vie des hommes elle-même 2»...
Il ne suit pas de là cependant que le droit d'éduquer qui est celui des parents serait absolu et arbitraire, puisqu'il est subordonné très étroitement à la fin suprême qu'est la loi naturelle et divine. ...

1 LÉON XIII, encyclique Remm novarum, 15 mai 1891 (ASS 23 (1890-1891), 646 ; LÉON XIII, Acta, Rome 11,106).
2 Ibid., peu avant.

Le droit de la société civile concernant l'éducation

3691
De cette charge d'éduquer qui appartient tout d'abord à l'Église et à la famille ne naissent pas seulement, nous l'avons vu, les plus grands avantages pour la société entière, mais il ne peut pas en venir non plus une atteinte aux droits authentiques et propres de l'État pour ce qui a trait à l'éducation des citoyens, conformément à l'ordre établi par Dieu. Ces droits sont attribués à la société civile par l'auteur même de la nature, non pas au titre de la paternité comme à l'Église et à la famille, mais en raison de l'autorité qui lui est inhérente pour promouvoir le bien commun sur terre, ce qui est sa fin propre.

3692
Il en résulte que l'éducation n'appartient pas de la même manière à la société civile qu'à la famille, mais d'une autre manière, très différente, qui correspond à la fin qui lui est propre. Or cette fin, c'est-à-dire le bien commun de l'ordre temporel, consiste dans la paix et la sécurité dont les familles et les citoyens jouissent dans l'exercice de leurs droits, en même temps que dans l'abondance la plus grande possible dans cette vie mortelle des biens spirituels et matériels qui doit être obtenue par le travail et la concorde de tous.
La tâche de l'autorité civile qui existe dans la collectivité est donc double : à savoir de protéger et de promouvoir, mais d'aucune manière d'absorber en quelque sorte la famille et chacun des citoyens ou de s'y substituer.

3693
C'est pourquoi, pour ce qui concerne l'éducation, c'est le droit, ou pour dire mieux : le devoir de l'État, que de protéger par ses lois le droit antérieur de la famille, mentionné plus haut, qui est d'éduquer les enfants de façon chrétienne, et donc de respecter le droit surnaturel de l'Église sur cette éducation chrétienne.
De même il appartient à l'État de protéger ce droit chez l'enfant lui-même dans le cas où ce qui relève des parents ferait défaut physiquement ou moralement du fait de leur inertie, de leur impéritie ou de leur indignité ; car comme il a été dit plus haut, leur droit à éduquer n'est ni absolu ni arbitraire, mais dépend de la loi naturelle et divine, et pour cette raison il n'est pas soumis seulement à l'autorité et au jugement de l'Église, mais également à la vigilance et à la tutelle de l'État en vue du bien commun ; car la famille n'est pas une société parfaite qui posséderait en elle-même tout ce qui est nécessaire pour pourvoir totalement à elle-même. ...

3694
Il appartient surtout à l'État, comme l'exige le bien commun, de promouvoir de diverses manières cette éducation et cette formation des jeunes. Tout d'abord, et en soi, en favorisant et en soutenant ce qui est entrepris par l'Église et les familles, et dont l'histoire ainsi que l'expérience prouvent l'efficacité ; ensuite en complétant ces entreprises lorsqu'elles font défaut ou qu'elles ne suffisent pas, y compris en fondant des écoles et des institutions qui lui sont propres ; l'État en effet plus que d'autres dispose des moyens mis à sa disposition pour les besoins de tous, et il est juste et convenable qu'il en use à l'avantage de ceux de qui il les a reçus. Par ailleurs l'État peut commander et donc faire en sorte que tous les citoyens connaissent bien les droits civiques et nationaux, et aussi qu'ils aient cette instruction en matière de science, de morale et d'éducation physique qui convient et que demande effectivement le bien commun en notre temps.Cependant il est tout à fait clair que dans toutes ces matières de promouvoir l'éducation et l'instruction publique et privée, l'État a le devoir non seulement de respecter les droits relatifs de l'Église et de la famille concernant l'éducation chrétienne, mais également de respecter la justice qui accorde à chacun ce qui est sien. C'est pourquoi il n'est pas permis que l'État tire à soi tout ce qui a trait à l'éducation et à l'enseignement, au point qu'à rencontre des obligations de la conscience chrétienne ou de ce qu'elles préféreraient légitimement, les familles se verraient contraintes physiquement ou moralement d'envoyer les enfants dans les écoles de l'État lui-même.

3695
Cela n'empêche pas cependant que pour la bonne administration de la chose publique, ou pour la sauvegarde de la paix à l'intérieur et à l'extérieur,... l'État institue des écoles qu'on appelle préparatoires pour certains de ses services, et particulièrement pour l'armée, pourvu qu'il s'abstienne de porter atteinte aux droits de l'Église et des familles dans ce qui les touche.
Ce n'est pas sans raison que nous insistons à nouveau à ce sujet, car de nos jours — où a commencé à se répandre un certain nationalisme tout à fait immodéré et trompeur, ennemi de la paix et de la prospérité — on a coutume de dépasser toutes les mesures en organisant de façon militaire ce qu'on appelle l'éducation physique des jeunes gens (et parfois même des jeunes filles, ce qui est contre la nature même des réalités humaines)...
Nous ne voulons pas blâmer ici la droite attitude de la discipline, ni la juste hardiesse du cœur, mais seulement tout ce qui est excessif, comme l'esprit de violence qui est tout autre chose en effet que la force d'âme et le noble sentiment du courage militaire dans la défense de la patrie et de l'ordre public. ...

3696
De plus il revient à la société civile et à l'État, non seulement pour la jeunesse mais également pour tous les âges et toutes les conditions, ce qu'on peut appeler l'éducation civique ; en ce qu'on appelle la partie positive, elle consiste à présenter publiquement aux hommes qui appartiennent à cette société des choses qui, par le fait qu'elles remplissent l'esprit de connaissances et de représentations et qu'elles font appel aux sens, incitent les volontés à ce qui est honnête et y conduisent par une certaine nécessité morale ; en sa partie négative, elle consiste à écarter et à empêcher ce qui y serait contraire.

L'éducation sexuelle

3697
... Beaucoup soutiennent et promeuvent de façon insensée et dangereuse la forme d'éducation appelée de façon choquante «sexuelle», puisqu'ils pensent faussement qu'ils pourraient préserver les adolescents de la volupté et de la luxure par des moyens purement naturels, et en excluant tout soutien de la religion et de la piété, c'est-à-dire en les introduisant tous, sans distinction de sexe, et même publiquement, dans des doctrines honteuses et en les y instruisant, et, ce qui est bien pire, en les exposant prématurément à des occasions pour que leurs cœurs se familiarisent avec ces choses, comme ils disent, et s'endurcissent en quelque sorte contre les dangers de la puberté.En cela ces hommes errent gravement du fait qu'ils ne reconnaissent pas la fragilité native de la nature humaine, ni cette loi inhérente à nos membres qui, pour utiliser les termes de l'apôtre Paul, lutte contre la loi de l'Esprit (voir
Rm 7,23), et du fait aussi qu'ils méconnaissent avec légèreté ce que nous apprenons quotidiennement de l'expérience, à savoir que plus que d'autres les jeunes succombent souvent à l'impudicité, non pas tant par manque de connaissance, qu'en raison de la faiblesse de la volonté lorsqu'elle est exposée aux occasions et privée des secours de la grâce.Si cependant en une matière aussi délicate, compte tenu de toutes les circonstances, un adolescent devait être instruit en temps opportun par ceux à qui Dieu a confié la tâche d'éduquer les enfants avec les grâces correspondantes qui y sont jointes, il faudra certainement mettre en œuvre ces précautions et ces moyens que n'ignorent pas les éducateurs chrétiens. ...

3698
Mais il faut tenir pour tout aussi fallacieuse et opposée à l'éducation chrétienne cette méthode dite communément coéducation. ...
Les deux... sexes ont été destinés par la sagesse de Dieu à se compléter l'un et l'autre dans la famille et dans la société, et à s'unir, en raison justement de cette différence du corps et de l'âme par quoi ils se distinguent et qui par conséquent doit être maintenue et même favorisée dans la formation et l'éducation par une distinction et une séparation correspondant aux âges et aux circonstances. Ces principes sont à appliquer selon les circonstances de temps et de lieu, suivant ce que prescrit la prudence chrétienne, non seulement dans toutes les écoles, surtout dans les années agitées de l'adolescence d'où dépend presque entièrement ce que sera la vie à venir, mais également dans les jeux et les exercices gymniques... .

3700-3724. Encyclique » Casti connubii », 31 décembre 1930.

Éd. : AAS 22 (1930), 541-573.

L'institution divine du mariage

3700
Tout d'abord un fondement doit rester inébranlable et intact : le mariage n'a pas été institué ni restauré par les hommes, mais par Dieu ; ce n'est pas par les hommes, mais par l'auteur même de la nature et par le restaurateur de la nature, le Christ Seigneur, que le mariage a été muni de ses lois, confirmé, élevé ; par suite, ces lois ne sauraient dépendre en rien des volontés humaines, ni d'aucune convention contraire, pas même des époux eux-mêmes (voir
Gn 1,27 s ; Gn 2,22 s; Dt 19,3-9 Ep 5,25-33; concile de Trente *1797-1816).

3701
Mais bien que le mariage, en raison de sa nature même, soit d'institution divine, la volonté humaine y a cependant sa part, qui est très noble : car chaque mariage particulier, en tant qu'il constitue l'union conjugale entre un homme et une femme déterminés, n'a d'autre origine que le libre consentement de chacun des deux époux ; cet acte libre de volonté par lequel chacune des deux parties livre et reçoit le droit propre du mariage est si nécessaire pour réaliser un mariage véritable, que nulle puissance n'y pourrait suppléer.
Cette liberté toutefois porte seulement sur un point, à savoir : si les contractants veulent effectivement entrer dans l'état de mariage et s'ils le veulent avec telle personne ; mais la nature du mariage est absolument soustraite à la liberté de l'homme, en sorte que quiconque l'a une fois contracté se trouve du même coup soumis à ses lois divines et à ses exigences essentielles, car le Docteur angélique, dans ses considérations sur la fidélité conjugale et sur la procréation des enfants, remarque que « dans le mariage, ces choses sont impliquées par le consentement conjugal même, et, en conséquence, si dans le consentement qui fait le mariage, on formulait une considération qui leur fût contraire, il n'y aurait pas de mariage véritable 1. »…

1 THOMAS D'AQUIN, Summa theologiae III, suppl. q. 49, a. 3 (Editio Leonina 12,946).

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II est donc manifeste par là que l'autorité légitime a le droit et qu'elle a même le devoir d'interdire, d'empêcher, de punir les unions honteuses qui répugnent à la raison et à la nature ; mais comme il s'agit d'une chose qui résulte de la nature humaine elle-même, ceci n'en est pas moins certain... : « Dans le choix du genre de vie, il n'est pas douteux que chacun a la liberté pleine et entière de suivre le conseil de Jésus-Christ touchant la virginité, ou de s'engager dans les liens du mariage. Aucune loi humaine ne saurait ôter à l'homme le droit naturel et primordial du mariage, ou limiter d'une façon quelconque ce qui est la fin principale de l'union conjugale, établie dès le commencement par l'autorité de Dieu : "Croissez et multipliez" (
Gn 1,28) 1.»

1 LÉON XIII, encyclique Rerum novarum, 15 mai 1891, (AAS 23 (1890-1891), 645 ; LÉON XIII, Acta, Rome 11,104).


1996 Denzinger 3660