Ecclesia in Asia FR 41


CHAPITRE VII

TEMOINS DE L'EVANGILE



Une Eglise qui témoigne

42 Le Concile Vatican II a clairement enseigné que l'Eglise entière est missionnaire, et que l'évangélisation est un devoir pour le peuple de Dieu tout entier. 204 Puisque le peuple de Dieu dans son ensemble est envoyé pour annoncer l'Evangile, l'évangélisation n'est jamais un acte individuel ni isolé; c'est toujours une tâche ecclésiale qui doit être accomplie dans la communion avec l'ensemble de la communauté croyante. La mission est unique car elle a une seule origine et une seule finalité; mais il y a en elle différentes responsabilités et divers types d'activités. 205 Dans tous les cas, il est clair qu'il ne peut y avoir d'annonce authentique de l'Evangile que dans la mesure où les chrétiens donnent en même temps le témoignage d'une vie en accord avec le message qu'ils prêchent: « La première forme de témoignage est la vie même du missionnaire, de la famille chrétienne et de la communauté ecclésiale, qui rend visible un nouveau mode de comportement... Tous dans l'Eglise, en s'efforçant d'imiter le divin Maître, peuvent et doivent donner ce témoignage; dans bien des cas, c'est la seule façon possible d'être missionnaire ». 206Le témoignage chrétien authentique est particulièrement nécessaire de nos jours, parce que « l'homme contemporain croit plus les témoins que les maîtres, l'expérience que la doctrine, la vie et les faits que les théories ». 207 Cela est tout à fait vrai dans le contexte asiatique, où les personnes sont plus sensibles à la sainteté de vie qu'aux argumentations intellectuelles. L'expérience de la foi et les dons de l'Esprit Saint deviennent donc la base de tout travail missionnaire, que l'on oeuvre en ville ou dans les villages, dans les écoles ou les hôpitaux, auprès des personnes handicapées, des migrants ou des populations tribales, ou que l'on se consacre au progrès de la justice et des droits humains. Toute situation est pour les chrétiens une occasion de mettre en évidence la force que la vérité du Christ est devenue pour leurs vies. L'Eglise en Asie, inspirée par les nombreux missionnaires qui, dans le passé, ont de manière héroïque témoigné de l'amour de Dieu parmi les peuples du continent, se trouve ainsi poussée à témoigner avec autant de zèle pour le Christ et pour son Evangile. La mission chrétienne ne demande pas moins que cela.

Conscients du caractère essentiellement missionnaire de l'Eglise et dans l'attente pleine d'espérance d'une nouvelle effusion de l'Esprit Saint au moment où l'Eglise entre dans le nouveau millénaire, les Pères du Synode ont demandé que cette exhortation apostolique post-synodale présente quelques directives et orientations à ceux qui oeuvrent dans le vaste champ de l'évangélisation en Asie.

(204) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret Ad gentes, nn.
AGD 2 AGD 35.
(205) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. RMi 31: AAS 83 (1991), p. 277; La Documentation catholique 88 (1991), p. 163.
(206) Ibid., n. RMi 42: l.c., p. 289; La Documentation catholique, l.c., p. 169.
(207) Ibid. RMi 42


Les Pasteurs

43 C'est l'Esprit Saint qui rend l'Eglise capable d'accomplir la mission qui lui a été confiée par le Christ. Avant d'envoyer ses disciples comme ses témoins, Jésus leur donna l'Esprit Saint (cf. Jn 20,22), qui travailla à travers eux et bouleversa le coeur de ceux qui les écoutaient (cf. Ac 2,37). Il en va de même pour ceux qu'il envoie maintenant. D'une certaine manière, tous les baptisés, par la grâce du sacrement, sont envoyés pour continuer la mission de salut du Christ, et ils peuvent remplir cette tâche précisément parce que l'amour de Dieu a été répandu dans leurs coeurs par l'Esprit Saint qui leur a été donné (cf. Rm 5,5). Mais, d'un autre côté, cette mission commune est accomplie dans l'Eglise grâce à une variété de fonctions spécifiques et de charismes. C'est aux Apôtres et à leurs successeurs que le Christ a confié la première responsabilité de la mission de l'Eglise. En vertu de l'ordination épiscopale et de la communion hiérarchique avec le Chef du Collège des Evêques, les Evêques reçoivent le mandat et l'autorité pour enseigner, gouverner et sanctifier le peuple de Dieu. Par la volonté du Christ lui-même, le Successeur de Pierre — le roc sur lequel s'édifie l'Eglise (cf. Mt 16,18) — exerce, au sein du collège des Evêques, un ministère spécial d'unité. Les Evêques doivent donc accomplir leur ministère en union avec le Successeur de Pierre, qui est le garant de la vérité de leur enseignement et de leur pleine communion dans l'Eglise.

Les prêtres, associés aux Evêques dans l'annonce de l'Evangile, sont appelés par l'ordination à être pasteurs du troupeau, prédicateurs de la Bonne Nouvelle du salut et ministres des sacrements. Pour servir l'Eglise en intendants du Christ, les Evêques et les prêtres ont besoin d'une solide formation et d'une formation permanente, qui devrait leur offrir des possibilités de ressourcement sur le plan humain, spirituel et pastoral, ainsi que de cours de théologie, de spiritualité et de sciences humaines. 208 Les peuples d'Asie ont besoin de découvrir dans les membres du clergé non seulement des ouvriers de la charité ou des administrateurs hiérarchiques, mais aussi des hommes dont le coeur et l'âme sont profondément établis dans les choses de l'Esprit (cf. Rm 8,5). Le respect dont les Asiatiques entourent les personnes revêtues d'une autorité doit aller de pair avec une claire rectitude morale de la part de ceux qui ont des responsabilités ministérielles dans l'Eglise. Par leur vie de prière, par leur service accompli avec zèle, par leur style de vie exemplaire, les prêtres portent un témoignage éloquent de l'Evangile auprès des communautés qu'ils guident au nom du Christ. Je prie avec ferveur pour que les ministres ordonnés de l'Eglise en Asie vivent et travaillent dans un esprit de communion et de collaboration avec les Evêques et tous les fidèles, donnant un témoignage de l'amour dont Jésus a dit qu'il était le signe des vrais disciples (cf. Jn 13,35).

Je désire souligner tout particulièrement le souci du Synode à propos de la préparation de ceux qui seront chargés de l'animation et de l'enseignement dans les séminaires et dans les facultés de théologie. 209 Après un apprentissage sérieux des sciences sacrées et des domaines connexes à celles-ci, ils devraient recevoir une formation spécifique qui se concentre sur la spiritualité sacerdotale, sur l'art de la direction spirituelle et sur d'autres aspects de la tâche difficile et délicate qui les attend dans l'éducation des futurs prêtres. Il s'agit là d'un apostolat de première importance pour le bien de l'Eglise et pour sa vitalité.

(208) Cf. Proposition 25.
(209) Cf. Proposition 25.


Les Instituts de vie consacrée et les sociétés missionnaires

44 Dans l'exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata, j'ai insisté sur le lien intime qui existe entre la vie consacrée et la mission. A travers les trois dimensions de confessio Trinitatis, signum fraternitatis et servitium caritatis, la vie consacrée rend visible dans le monde l'amour de Dieu par le témoignage spécifique qu'elle rend à la mission salvifique de Jésus accomplie dans sa totale consécration au Père. Reconnaissant que, dans l'Eglise, toute activité est soutenue par la prière et l'union à Dieu, l'Église en Asie entoure d'un profond respect et d'une haute estime les communautés religieuses contemplatives, car elle les considère comme une source d'inspiration et un soutien particulier. Suivant les recommandations des Pères du Synode, j'encourage vivement la fondation de communautés monastiques et contemplatives partout où cela est possible. Ainsi, comme nous le rappelle le Concile Vatican II, la tâche de l'édification de la cité terrestre trouve son fondement dans le Seigneur et est orientée vers lui, pour que ceux qui bâtissent ne risquent pas de peiner en vain. 210

La recherche de Dieu, une vie de communion et le service du prochain sont les trois caractéristiques de la vie consacrée susceptibles de rendre un témoignage chrétien séduisant pour les peuples de l'Asie aujourd'hui. L'Assemblée spéciale pour l'Asie a particulièrement invité les personnes consacrées à être les témoins de l'appel universel à la sainteté et à être aussi, auprès des chrétiens et des non-chrétiens, des exemples attirants de don de soi et d'amour désintéressé envers tous, spécialement envers les plus petits de leurs frères et soeurs. Dans un monde où le sens de la présence de Dieu est souvent amoindri, les personnes consacrées doivent donner un témoignage convaincant et prophétique de la primauté de Dieu et de la vie éternelle. Par leur vie communautaire, ces personnes rendent témoignage aux valeurs de fraternité chrétienne et à la puissance transformante de la Bonne Nouvelle. 211 Tous ceux qui se sont engagés dans la vie consacrée sont appelés à devenir des guides sur les chemins de la recherche de Dieu, une recherche qui a toujours rendu inquiet le coeur de l'homme et qui est particulièrement perceptible en Asie à travers les nombreuses voies spirituelles et ascétiques. 212 Dans les nombreuses traditions religieuses de l'Asie, les hommes et les femmes qui se consacrent à la vie contemplative et ascétique sont entourés d'un grand respect et leur témoignage jouit d'une grande force de persuasion. Leur existence vécue en communauté, dans un témoignage silencieux et serein, peut être une inspiration pour favoriser une vie plus harmonieuse dans la société. On n'en attend pas moins des hommes et des femmes consacrés dans la tradition chrétienne. Leur exemple silencieux de pauvreté et de dépouillement, de pureté et de transparence, d'abandon dans l'obéissance, peut devenir un témoignage éloquent, capable de toucher tous les hommes de bonne volonté et de conduire ainsi à un dialogue fructueux avec les cultures et les religions qui les entourent, tout comme avec les pauvres et ceux qui sont sans défense. Cela fait de la vie consacrée un moyen privilégié d'évangélisation efficace. 213

Les Pères synodaux ont reconnu le rôle vital que les ordres religieux et les congrégations, tout comme les Instituts missionnaires et les Sociétés de Vie apostolique, ont joué dans l'évangélisation de l'Asie au cours des siècles passés. Le Synode a tenu à leur exprimer la gratitude de l'Église pour cette magnifique contribution, et il les a encouragés à ne pas fléchir dans leur engagement missionnaire. 214 Je m'unis aux Pères synodaux pour appeler toutes les personnes consacrées à s'employer avec une ferveur renouvelée à annoncer la vérité salvifique du Christ. Tous doivent recevoir une formation et une préparation appropriées, qui soient centrées sur le Christ et qui respectent en même temps le charisme fondateur de l'Institut auquel ils appartiennent, en insistant sur la sainteté et le témoignage personnels; il faudrait encore que dans leur spiritualité et par leur style de vie ils soient sensibles à l'héritage spirituel des personnes au milieu desquelles ils vivent et qu'ils servent. 215 Dans le respect de leur charisme spécifique, ils devraient s'intégrer dans le plan pastoral du diocèse où ils travaillent; et les Eglises locales, pour leur part, doivent favoriser une prise de conscience de l'idéal de la vie religieuse et consacrée, et promouvoir de telles vocations. Cela suppose que chaque diocèse mette en place un programme pastoral des vocations, en désignant même quelques prêtres ou religieux pour travailler à temps complet auprès des jeunes afin de les aider à entendre l'appel de Dieu et à faire le discernement nécessaire. 216

Dans la ligne de la communion de l'Eglise universelle, je ne peux pas ne pas inviter l'Eglise en Asie à envoyer des missionnaires à l'extérieur, même si elle-même a besoin d'ouvriers dans la vigne. Je suis heureux de constater que des Instituts missionnaires de vie apostolique ont récemment été fondés en divers pays d'Asie; cela montre que le caractère missionnaire de l'Eglise est bien reconnu et que les Eglises particulières en Asie ont bien conscience de leur responsabilité dans la prédication de l'Evangile au monde entier. 217 Les Pères du Synode ont recommandé que, « là où il n'y en aurait pas, des sociétés missionnaires de vie apostolique soient fondées dans chaque Eglise locale d'Asie et solidement établies dans leur engagement spécial en faveur de la mission ad gentes, ad exteros et ad vitam ». 218 Une telle initiative ne peut que porter des fruits abondants, non seulement pour les Eglises qui reçoivent les missionnaires mais aussi pour celles qui les envoient.

(210) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n.
LG 46.
(211) Cf. Proposition 27.
(212) Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. Vita consecrata (25 mars 1996), n. VC 103: AAS 88 (1996) p. 479; La Documentation catholique 93 (1996), p. 393.
(213) Cf. Paul VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. EN 69: AAS 68 (1976), p. 59; La Documentation catholique 73 (1976), p. 16.
(214) Cf. Proposition 27.
(215) Cf. ibid.
(216) Cf. ibid.
(217) Cf. Proposition 28.
(218) Cf. ibid.


Les laïcs

45 Comme le Concile Vatican II l'a clairement montré, la vocation des fidèles laïcs les situe pleinement dans le monde où ils accomplissent les tâches les plus diverses, et où ils sont appelés à répandre l'Evangile de Jésus Christ. 219 Par la grâce du baptême et de la confirmation et la vocation qu'ils confèrent, tous les laïcs sont missionnaires; et le champ de leur travail missionnaire est le monde vaste et complexe de la politique, de l'économie, de l'industrie, de l'éducation, des médias, de la science, de la technologie, de l'art et du sport. Dans bien des pays d'Asie, de nombreux laïcs sont déjà à l'oeuvre comme authentiques missionnaires et ils rejoignent bien des frères d'Asie qui par ailleurs n'auraient jamais de contact avec des prêtres ou des religieux. 220 Je leur exprime la reconnaissance de toute l'Eglise et j'encourage tous les fidèles laïcs à assumer le rôle qui est le leur dans la vie et la mission du peuple de Dieu, comme témoins du Christ, partout où ils se trouvent.

Les Pasteurs ont la mission d'assurer aux laïcs une formation appropriée afin qu'ils soient des évangélisateurs capables de répondre aux défis du monde contemporain, non seulement selon la sagesse et l'efficacité du monde, mais aussi selon les dispositions d'un coeur renouvelé et fortifié par la vérité du Christ. 221 Témoins du Christ dans tous les domaines de la vie de la société, les fidèles laïcs peuvent jouer un rôle unique dans la lutte contre l'injustice et l'oppression, et pour cela aussi, ils doivent être préparés de manière appropriée. Je m'unis aux Pères du Synode qui, pour ce faire, proposent de mettre en place, au niveau diocésain ou au niveau national, des centres de formation des laïcs qui les prépareraient à leur travail missionnaire comme témoins du Christ dans l'Asie d'aujourd'hui. 222

Les Pères du Synode ont manifesté leur préoccupation à propos de la participation dans l'Eglise, où personne ne doit se sentir exclu. Ils ont estimé qu'une participation plus large des femmes dans la vie et la mission de l'Eglise en Asie était une nécessité particulièrement urgente. « La femme possède une aptitude toute particulière à transmettre la foi, si bien que Jésus lui-même a fait appel à elle pour l'évangélisation. C'est ce qui se produit avec la Samaritaine que Jésus rencontre au puits de Jacob et qu'il choisit pour la première expansion de la foi nouvelle en territoire non juif ».223 Afin de favoriser leur service dans l'Eglise, il faudrait procurer aux femmes de meilleures possibilités de suivre des cours de théologie ainsi que dans d'autres domaines d'études; et, dans les séminaires et les maisons de formation, les hommes devraient apprendre à considérer les femmes comme des collaboratrices dans l'apostolat. 224 On devrait faire participer les femmes, de manière effective, aux programmes pastoraux, aux conseils diocésains et paroissiaux de pastorale, et aux synodes diocésains. Leurs aptitudes et les services qu'elles rendent dans les domaines de la santé et de l'éducation, dans la préparation des fidèles aux sacrements, dans l'édification de communautés et dans la construction de la paix devraient être pleinement reconnus. Les Pères du Synode l'ont constaté: la présence des femmes dans la mission d'amour et de service de l'Eglise contribue puissamment à faire découvrir aux Asiatiques, en particulier aux pauvres et aux laissés-pour-compte, le visage plein de compassion de Jésus qui guérit et réconcilie. 225

(219) Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n.
LG 31.
(220) Cf. Proposition 29.
(221) Cf. ibid.
(222) Cf. ibid.
(223) Jean-Paul II, Discours à l'audience générale du 13 juillet 1994, n. 4: La Documentation catholique 91 (1994), p. 757.
(224) Cf. Proposition 35.
(225) Cf. ibid.


La famille

46 La famille est le lieu normal de croissance des jeunes générations vers une maturité personnelle et sociale. Elle est aussi porteuse de l'héritage de l'humanité elle-même, parce que, en elle, la vie est transmise de génération en génération. La famille occupe une place importante dans les cultures asiatiques; et, comme l'ont souligné les Pères du Synode, des valeurs familiales comme le respect filial, l'amour et le souci des personnes âgées et malades, l'amour à l'égard des enfants et l'harmonie sont tenues en grande estime dans toutes les cultures et les traditions religieuses de l'Asie.

Selon la vision chrétienne de la famille, celle-ci est « une Eglise au foyer » (Ecclesia domestica).226 La famille chrétienne, comme l'Eglise tout entière, devrait être le lieu où la vérité de l'Evangile est la règle de vie et le don que les membres de la famille offrent à la communauté plus large. La famille n'est pas seulement l'objet du souci pastoral de l'Église; elle est aussi pour l'Eglise l'un des agents d'évangélisation les plus efficaces. Les familles chrétiennes sont appelées aujourd'hui à témoigner de l'Evangile dans un temps et des circonstances difficiles, alors que la famille elle-même est menacée par toutes sortes de forces contraires. 227 Pour être évangélisatrice dans un tel contexte, la famille chrétienne doit être authentiquement « une Eglise au foyer », vivant la vocation chrétienne avec humilité et dans l'amour.

Cela signifie, comme l'ont souligné les Pères du Synode, que la famille devrait prendre une part active à la vie de la paroisse, participant aux sacrements, spécialement ceux de l'Eucharistie et de la Pénitence, et s'engageant au service des frères. Cela signifie aussi que les parents devraient s'efforcer de faire en sorte que, dans les moments où la famille se trouve réunie, il y ait place pour la prière, pour la lecture de la Bible et la réflexion, pour des rituels appropriés présidés par les parents, ainsi que pour une saine détente. Tout cela aidera la famille chrétienne à devenir un foyer d'évangélisation, où chaque membre fait l'expérience de l'amour de Dieu et le communique aux autres. 228 Les Pères du Synode ont aussi souligné le rôle des enfants dans l'évangélisation, aussi bien au sein de leur famille que dans des communautés plus larges. 229 Convaincu moi-même que « l'avenir du monde et de l'Eglise passe par la famille », 230 je renouvelle l'invitation à étudier et à mettre en oeuvre ce que, à la suite de la cinquième Assemblée ordinaire du Synode des Evêques en 1980, j'avais exposé sur le thème de la famille dans l'exhortation apostolique Familiaris consortio.

(226) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n.
LG 11.
(227) Cf. Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Evêques, Rapport avant la discussion, n. 28: L'Osservatore Romano 22 avril 1998, p. 6.
(228) Cf. Proposition 32.
(229) Cf. Proposition 33.
(230) Discours à la Confédération des Conseils de direction des Familles d'inspiration chrétienne (29 novembre 1980), n. 4: Insegnamenti III, 2 (1980), p. 1454.


Les jeunes

47 Les Pères du Synode ont été particulièrement sensibles à la question des jeunes dans l'Eglise. Ceux-ci sont confrontés à de nombreux problèmes complexes dans le contexte changeant de l'Asie. Et l'Eglise se sent poussée à leur rappeler les responsabilités qui sont les leurs quant à l'avenir de la société et de l'Eglise, tout en leur apportant encouragements et soutien à tout instant afin qu'ils soient à même d'assumer ces responsabilités. L'Eglise leur propose la vérité de l'Evangile comme un mystère qui apporte joie et libération; un mystère qui doit être scruté, vécu et partagé avec d'autres, avec conviction et courage.

Si l'on veut que les jeunes soient de véritables missionnaires, il faut que l'Eglise leur accorde une attention pastorale adaptée. 231 Partageant le souhait des Pères du Synode, je recommande que, dans la mesure du possible, chaque diocèse d'Asie désigne des aumôniers de la jeunesse ou des directeurs qui puissent promouvoir la formation spirituelle et l'apostolat des jeunes. Les écoles catholiques et les paroisses ont un rôle vital à jouer pour offrir aux jeunes une formation intégrale qui s'efforce de les guider sur la voie d'une authentique maîtrise de soi et qui les aide à développer en eux les qualités humaines nécessaires à la mission. Les mouvements d'apostolat de la jeunesse ou les clubs de jeunes offrent la possibilité de faire l'expérience de l'amitié chrétienne, si importante pour les jeunes. Les paroisses, les associations et les mouvements peuvent aider les jeunes à mieux faire face aux pressions sociales, en leur donnant la possibilité non seulement de croître vers une vie chrétienne plus mûre, mais en leur apportant une aide dans l'orientation de leur carrière et le discernement de leur vocation.

Pour la formation chrétienne de la jeunesse en Asie, il faut d'abord que les jeunes, qui ne sont pas seulement l'objet du soin pastoral de l'Eglise, soient reconnus comme « agents et collaborateurs de la mission de l'Eglise dans ses divers apostolats de l'amour et du service ». 232 Dans les paroisses et les diocèses, des jeunes gens et des jeunes filles devraient donc être invités à prendre part à l'organisation des activités qui les concernent. Leur fraîcheur et leur enthousiasme, leur esprit de solidarité et leur espérance les rendent capables d'être des artisans de paix dans un monde divisé; et, à cet égard, il est encourageant de voir des jeunes engagés dans des programmes d'échanges entre des Églises particulières d'Asie et des pays du continent, et promouvoir ailleurs le dialogue interreligieux et inter-culturel.

(231) Cf. Proposition 34.
(232) Ibid.


Les moyens de communication sociale

48 Dans une ère de mondialisation, « les médias ont pris une telle importance qu'ils sont, pour beaucoup de gens, le moyen principal d'information et de formation; ils guident et inspirent les comportements individuels, familiaux et sociaux. Ce sont surtout les jeunes générations qui grandissent dans un monde conditionné par les médias ». 233 On voit apparaître dans le monde une nouvelle culture qui « vient précisément de ce qu'il existe de nouveaux modes de communiquer avec de nouveaux langages, de nouvelles techniques, de nouveaux comportements ». 234 Le rôle exceptionnel joué par les moyens de communication sociale pour modeler le monde, ses cultures et ses façons de penser, a entraîné de vastes et rapides changements dans la société asiatique.

Il est inévitable que la mission évangélisatrice de l'Eglise se trouve elle aussi influencée en profondeur par l'impact des médias. Puisque les médias ont une influence croissante en Asie jusque dans les régions les plus éloignées, ils peuvent contribuer puissamment à l'annonce de l'Evangile aux quatre coins du continent. Toutefois, « il ne suffit pas de les utiliser pour assurer la diffusion du message chrétien et de l'enseignement de l'Eglise, mais il faut intégrer le message dans cette "nouvelle culture" créée par les moyens de communication modernes ». 235 Dans ce but, l'Eglise doit explorer les moyens d'intégrer complètement les médias à sa programmation pastorale et à son activité, si bien que, en les utilisant de manière efficace, des personnes et des peuples entiers soient touchés par la puissance de l'Évangile et que les cultures asiatiques soient toujours plus imprégnées des valeurs du Royaume.

Je désire m'unir à l'éloge que les Pères du Synode ont fait de Radio Veritas Asia, la seule station radio continentale pour l'Eglise en Asie, qui, depuis bientôt trente ans, oeuvre à l'évangélisation par les émissions radiodiffusées. Il est nécessaire que les Conférences épiscopales et les diocèses en Asie renforcent cet excellent instrument de la mission par une programmation linguistique appropriée, par un apport en personnel et en moyens financiers. 236 Outre la radio, des publications catholiques et des agences de presse peuvent aider à diffuser l'information et offrir des possibilités d'éducation et de formation religieuse permanentes sur tout le continent. Là où les chrétiens sont minoritaires, ces moyens peuvent contribuer puissamment à soutenir et à nourrir le sens de l'identité catholique tout en faisant connaître les principes de la morale catholique. 237

Je fais miennes les recommandations des Pères du Synode quant à l'évangélisation par les moyens de communication sociale, cet « aréopage des temps modernes », dans l'espoir qu'ils puissent être mis au service de la promotion de l'homme et de la diffusion de la vérité du Christ comme de l'enseignement de l'Eglise. 238 Il serait bon que chaque diocèse, dans la mesure du possible, puisse disposer d'un bureau des médias. L'éducation aux médias, et pas seulement l'évaluation critique des produits des médias, doit avoir une part croissante dans la formation des prêtres et des séminaristes, des religieux et des catéchistes, des laïcs engagés dans les diverses professions, des étudiants dans les écoles catholiques et des membres des communautés paroissiales. Etant donné la très large influence des médias et leur extraordinaire impact, il est nécessaire que les catholiques se mettent à travailler avec les membres d'autres Eglises et Communautés ecclésiales ainsi qu'avec les adeptes d'autres religions pour que, dans les médias, une place soit assurée aux valeurs spirituelles et morales. Je m'unis aux Pères synodaux pour encourager le développement de plans pastoraux spécifiques pour les communications, au niveau national comme au niveau diocésain, selon les indications de l'Instruction pastorale AETATIS NOVAE, en accordant une attention particulière aux conditions propres à l'Asie.

(233) Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n.
RMi 37: AAS 83 (1991), p. 285;La Documentation catholique 88 (1991), p. 167.
(234) Ibid.
(235) Ibid.
(236) Cf. Proposition 45.
(237) Cf. ibid.
(238) Cf. ibid.


Les martyrs

49 Si les programmes de formation et les stratégies élaborées pour l'évangélisation ont leur importance, il n'en reste pas moins vrai que c'est le martyre qui révèle l'essence même du message chrétien. Le mot même de « martyr » signifie témoin, et ceux qui ont versé leur sang pour le Christ ont donné le témoignage ultime de la valeur authentique de l'Evangile. Dans la Bulle d'indiction du grand Jubilé de l'An 2000 Incarnationis mysterium, j'ai insisté sur le fait qu'il était vital de faire mémoire des martyrs: « Du point de vue psychologique, le martyre est la preuve la plus éloquente de la vérité de la foi, qui sait donner un visage humain même à la plus violente des morts et qui manifeste sa beauté même dans les persécutions les plus atroces ». 239 Au long des siècles, l'Asie a donné à l'Eglise et au monde une foule de ces héros de la foi, et du coeur de l'Asie monte avec puissance l'hymne de louange: Te martyrum candidatus laudat exercitus. C'est le cantique de ceux qui sont morts pour le Christ sur la terre d'Asie au cours des premiers siècles de l'Eglise, c'est aussi le cri de joie d'hommes et de femmes d'époques plus récentes, comme saint Paul Miki et ses compagnons, saint Lorenzo Ruiz et ses compagnons, saint André Dung Lac et ses compagnons, saint André Kim Taeg(o-)n et ses compagnons. Puisse l'immense foule des martyrs d'Asie, ceux de l'antiquité et ceux des temps modernes, montrer sans cesse à l'Eglise en Asie ce que c'est que porter témoignage à l'Agneau dans le sang duquel ils ont lavé et blanchi leurs robes (cf. Ap 7,14)! Puissent-ils demeurer les témoins indomptables de la vérité que les chrétiens sont appelés à proclamer partout et toujours et qui n'est autre que la puissance de la Croix du Seigneur! Puisse enfin le sang des martyrs d'Asie être maintenant et toujours semence de vie nouvelle pour l'Eglise dans tout le continent!


(239) N. 13: AAS 91 (1999), p. 142; La Documentation catholique 95 (1998), p. 1057.

CONCLUSION

Gratitude et encouragement

50 Au terme de cette Exhortation apostolique post-synodale, qui, en cherchant à discerner ce que l'Esprit dit aux Eglises en Asie (cf. Ap 1,11), s'est efforcée de faire porter du fruit à l'Assemblée spéciale pour l'Asie du Synode des Evêques, je désire vous exprimer la gratitude de l'Eglise, à vous tous, chers frères et soeurs de l'Asie qui avez contribué de multiples manières au succès de cet important événement ecclésial. En premier lieu et avant tout, nous faisons monter notre louange à Dieu pour la richesse des cultures, des langues, des traditions et des sensibilités religieuses de ce grand continent. Dieu soit béni pour les peuples de l'Asie, si riches dans leur diversité et pourtant unis dans la recherche de la paix et de la plénitude de vie! Maintenant surtout, dans la proximité immédiate du deux millième anniversaire de la naissance de Jésus Christ, nous rendons grâce à Dieu parce qu'il a choisi l'Asie pour demeure terrestre de son Fils incarné, le Sauveur du monde.

Je ne peux pas ne pas exprimer mon estime aux Evêques de l'Asie pour leur profond amour de Jésus Christ, de l'Eglise et des peuples de l'Asie, pour leur témoignage de communion et pour leur dévouement généreux à la tâche de l'évangélisation. Je suis reconnaissant envers tous ceux qui forment la grande famille de l'Eglise en Asie: le clergé, les personnes consacrées, les missionnaires, les laïcs, les familles, les jeunes, les peuples autochtones, les travailleurs, les pauvres et les affligés. Au plus profond de mon coeur, il y a une place spéciale pour ceux qui, en Asie, sont persécutés à cause de leur foi au Christ: ils sont les piliers cachés de l'Eglise, auxquels Jésus lui-même s'adresse avec des paroles de consolation: « Heureux êtes-vous dans le royaume des Cieux! » (cf. Mt 5,10).

Les paroles de Jésus confortent l'Eglise en Asie: « Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père s'est complu à vous donner le Royaume » (Lc 12,32). Ceux qui croient au Christ sont encore en petit nombre dans ce vaste continent extrêmement peuplé. Malgré cela, au lieu de constituer une minorité timide, ils ont une foi vive, ils sont remplis d'une espérance et d'une vitalité que seule l'amour peut apporter. Dans leur comportement humble mais courageux, ils ont influencé les cultures et les sociétés de l'Asie, spécialement la vie des pauvres et des sans défense, dont beaucoup ne partagent pas la foi catholique. Ils sont pour les chrétiens de tout lieu un exemple de disposition à partager le trésor de la Bonne Nouvelle « à temps et à contretemps » (2Tm 4,2). Ils trouvent leur force dans la puissance immense de l'Esprit Saint grâce auquel, en dépit du nombre généralement faible des membres de l'Eglise en Asie, cette présence de l'Eglise est comme le ferment qui, d'une manière silencieuse et cachée, fait lever toute la pâte (cf. Mt 13,33).

Les peuples de l'Asie ont besoin de Jésus Christ et de son Evangile, car le continent a soif de l'eau vive que lui seul peut donner (cf. Jn 4,10-15). Les disciples du Christ en Asie doivent donc être généreux dans leurs efforts pour remplir la mission reçue du Seigneur, qui a promis d'être avec eux jusqu'à la fin des temps (cf. Mt 28,20). Pleine de confiance dans le Seigneur qui n'abandonnera pas ceux qu'il a appelés, l'Eglise en Asie accomplit son pèlerinage avec joie vers le troisième millénaire. Son unique joie lui vient du fait de partager avec la multitude des peuples de l'Asie le don immense qu'elle a reçu elle-même, l'amour de Jésus Sauveur, et son unique ambition est de continuer sa mission de service et d'amour afin que tous les Asiatiques « aient la vie et qu'ils l'aient en abondance » (Jn 10,10).




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