Ecclesia in America FR 28

Conversion permanente

28 Ici-bas, la conversion est un but jamais pleinement atteint : sur le chemin que le disciple est appelé à parcourir à la suite de Jésus, c'est un engagement qui concerne toute la vie. D'autre part, durant notre existence terrestre, notre volonté de conversion est toujours affaiblie par les tentations. Comme « nul ne peut servir deux maîtres » (Mt 6,24), le changement de mentalité (metanoia) consiste dans l'effort pour assimiler les valeurs évangéliques, qui sont en opposition avec les tendances dominantes du monde. Il est donc nécessaire de renouveler constamment « la rencontre avec Jésus Christ vivant », démarche qui, comme l'ont mis en lumière les Pères synodaux, « nous conduit à la conversion permanente ».(75)

L'appel universel à la conversion revêt des nuances particulières pour l'Église qui est en Amérique, engagée elle aussi dans le renouveau de sa foi. Les Pères synodaux ont ainsi formulé cet engagement concret et exigeant: « Cette conversion exige spécialement de nous Évêques une identification authentique avec le style personnel de Jésus Christ, qui nous conduit à la simplicité, à la pauvreté, à la proximité avec le prochain, au renoncement aux privilèges, afin que, comme Lui, sans mettre notre confiance dans des moyens humains, nous tirions de la force de l'Esprit et de la Parole toute l'efficacité de l'Évangile, demeurant ouverts avant tout à ceux qui sont les plus éloignés et les plus exclus ».(76) Pour être des pasteurs selon le coeur de Dieu (cf. Jr Jr 3,15), il est indispensable d'adopter un genre de vie qui identifie à Celui qui a dit de lui-même: « Je suis le bon pasteur » (Jn 10,11), genre de vie que saint Paul met en lumière quand il écrit: « Montrez-vous mes imitateurs, comme je le suis moi-même du Christ » (1Co 11,1).

(75) Proposition 26.
(76) Ibid.


Guidés par l'Esprit Saint vers un nouveau style de vie

29 La proposition d'un nouveau style de vie ne concerne pas seulement les Pasteurs, mais aussi tous les chrétiens qui vivent en Amérique. Il leur est demandé d'approfondir et de faire leur la spiritualité chrétienne authentique. « En effet, par le terme spiritualité, on entend un style ou une forme de vie selon les exigences chrétiennes. La spiritualité est “vie en Christ” et “dans l'Esprit”, qui est accueillie dans la foi, qui s'exprime dans l'amour et qui, animée d'espérance, se traduit dans le quotidien de la communauté ecclésiale ».(77) En ce sens, par spiritualité, qui est le but auquel conduit la conversion, on comprend non pas « une part de la vie, mais la vie tout entière guidée par l'Esprit Saint ».(78) Parmi les éléments de spiritualité que tout chrétien doit faire sien, se distingue la prière. Celle-ci le « conduira peu à peu à acquérir un regard contemplatif sur la réalité, qui lui permettra de reconnaître Dieu à tout moment et en toute chose; de le contempler en toute personne; de chercher sa volonté dans les événements ».(79)

La prière, aussi bien personnelle que liturgique, est un devoir pour tout chrétien. « Jésus Christ, Évangile du Père, nous avertit que sans lui nous ne pouvons rien faire (cf.
Jn 15,5). Lui-même, dans les moments décisifs de sa vie, avant d'agir, se retirait dans un lieu solitaire pour s'adonner à la prière et à la contemplation, et il demandait aux Apôtres d'en faire autant ».(80) À ses disciples, sans exception, il rappelle: « Retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret » (Mt 6,6). Cette intense vie de prière doit être adaptée aux capacités et aux conditions de tout chrétien, de manière que chacun puisse, dans les diverses situations de la vie, puiser « à la source de sa rencontre avec le Christ pour s'abreuver d'un seul Esprit (cf. 1Co 12,13) ».(81) En ce sens, la dimension contemplative n'est pas un privilège réservé à un petit nombre; au contraire dans les paroisses, dans les communautés et à l'intérieur des mouvements, il faut promouvoir une spiritualité ouverte et orientée vers la contemplation des vérités fondamentales de la foi: les mystères de la Trinité, de l'Incarnation du Verbe, de la Rédemption des hommes, et les autres merveilles de Dieu.(82)

Les hommes et les femmes consacrés exclusivement à la contemplation exercent une mission fondamentale dans l'Église qui est en Amérique. Ils sont, selon l'expression du Concile Vatican II, « l'honneur de l'Église et une source d'où s'épanchent les grâces célestes ».(83) C'est pourquoi il faut que les monastères disséminés dans toutes les parties du continent soient « l'objet d'un amour spécial de la part des Pasteurs, qui doivent être pleinement convaincus que les âmes vouées à la vie contemplative obtiennent une abondance de grâces, par la prière, la pénitence et la contemplation auxquelles elles consacrent leur vie. Les contemplatifs doivent être conscients qu'ils sont intégrés à la mission de l'Église dans le temps présent et que, par le témoignage de leur vie, ils coopèrent au bien spirituel des fidèles, les aidant à chercher le visage de Dieu dans l'existence quotidienne ».(84)

La spiritualité chrétienne est nourrie avant tout par une vie sacramentelle assidue, les sacrements étant des racines et des sources inépuisables de la grâce de Dieu nécessaire pour soutenir le croyant dans son pèlerinage terrestre. Cette vie sacramentelle, qu'il est nécessaire de développer toujours plus dans la vie de l'Église en Amérique, doit être complétée par les valeurs de la piété populaire, qui, à leur tour seront enrichies par la pratique sacramentelle et affranchies du danger de dégénérer en routine. De plus il faut noter que cette spiritualité ne s'oppose pas à la dimension sociale de l'engagement chrétien. Au contraire, par sa démarche de prière, le croyant prend davantage conscience des exigences de l'Évangile et de ses propres devoirs à l'égard de ses frères, recevant la force de la grâce indispensable pour persévérer dans le bien. Pour mûrir spirituellement, le chrétien aura avantage à recourir aux conseils des ministres sacrés ou d'autres personnes expertes en ce domaine, par la direction spirituelle, pratique traditionnelle courante dans l'Église. Les Pères synodaux ont estimé nécessaire de recommander aux prêtres ce ministère si important.(85)

(77) Proposition 28.
(78) Ibid.
(79) Ibid.
(80) Proposition 27.
(81) Ibid.
(82) Cf. ibid.
(83) Décret sur la rénovation et l'adaptation de la vie religieuse Perfectae caritatis, n. PC 7. Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Vita consecrata (25 mars 1996), n. VC 8: AAS 88 (1996), p. 382; La Documentation catholique 93 (1996), p. 353.
(84) Proposition 27.
(85) Cf. Proposition 28.


Vocation universelle à la sainteté

30 « Soyez saints, car moi, le Seigneur, votre Dieu, je suis saint » (Lv 19,2). L'Assemblée spéciale pour l'Amérique du Synode des Évêques a voulu rappeler avec vigueur à tous les chrétiens l'importance de la doctrine de la vocation universelle à la sainteté dans l'Église.(86) Il s'agit de l'un des points centraux de la Constitution dogmatique sur l'Église du Concile Vatican II.(87) La sainteté est le but du chemin de conversion, parce qu'elle « n'est pas en elle-même sa propre fin, mais plutôt un itinéraire vers Dieu, qui est saint. Être saint, c'est imiter Dieu et glorifier son nom dans les oeuvres que nous réalisons dans notre vie (cf. Mt 5,16) ».(88) Sur le chemin de la sainteté, Jésus Christ est le point de référence et le modèle à imiter: il est « le Saint de Dieu et il fut reconnu comme tel (cf. Mc 1,24). C'est lui-même qui nous enseigne que le coeur de la sainteté est l'amour, qui conduit aussi à donner sa vie pour les autres (cf. Jn 15,13). C'est pourquoi imiter la sainteté de Dieu, telle qu'elle s'est manifestée en Jésus Christ, son Fils, n'est autre que prolonger son amour dans l'histoire, spécialement à l'égard des pauvres, des malades, des indigents (cf. Lc 10,25 ss.) ».(89)

(86) Cf. Proposition 29.
(87) Cf. Lumen gentium, chap. V. Synode des Évêques, Deuxième Assemblée générale extraordinaire, Rapport final L'Église, sous la Parole de Dieu, célébrant les mystères du Christ pour le salut du monde (7 décembre 1985), II, A, 4-5: Ench. Vat. 9, nn. 1791-1793; La Documentation catholique 83 (1986), p. 38.
(88) Proposition 29.
(89) Ibid.


Jésus, chemin unique vers la sainteté

31 « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6). Par ces paroles, Jésus se présente comme l'unique chemin qui conduit à la sainteté. Mais la connaissance concrète de cet itinéraire provient principalement de la Parole de Dieu que l'Église proclame dans sa prédication. C'est pourquoi l'Église en Amérique « doit inciter tous les fidèles à donner une réelle priorité à la réflexion priante sur l'Écriture Sainte ».(90) Cette lecture de la Bible, accompagnée de la prière, est connue dans la tradition de l'Église sous le nom de Lectio divina, pratique à encourager chez tous les chrétiens. Pour les prêtres, la Lectio divina doit être un élément fondamental dans la préparation de leurs homélies, spécialement de celles du dimanche.(91)

(90) Proposition 32.
(91) Cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Dies Domini (31 mai 1998), n. 40: AAS 90 (1998), p. 738; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 668-669.


Pénitence et réconciliation

32 La conversion (metanoia), à laquelle tout être humain est appelé, conduit à accepter et à faire sien le nouvel état d'esprit proposé par l'Évangile. Cela demande l'abandon du mode de penser et d'agir du monde qui, si souvent, conditionne lourdement l'existence. Comme le rappelle l'Écriture Sainte, il est nécessaire que meure l'homme ancien et que naisse l'homme nouveau, c'est-à-dire que tout l'être humain, « pour accéder à la connaissance, ne cesse d'être renouvelé à l'image de son Créateur » (Col 3,10). Sur ce chemin de conversion et de recherche de la sainteté « il faut recommander les moyens ascétiques que la pratique de l'Église a toujours connus et dont le sommet est le sacrement de la Réconciliation, reçu et célébré avec les dispositions voulues ».(92) Seul celui qui est réconcilié avec Dieu est un acteur d'authentique réconciliation avec ses frères et de ses frères entre eux.

La crise actuelle du sacrement de la Réconciliation, dont l'Église qui est en Amérique n'est pas exempte et au sujet de laquelle j'ai exprimé ma préoccupation dès le début de mon pontificat,(93) pourra être surmontée grâce notamment à une action pastorale soutenue et patiente. À ce sujet, les Pères synodaux demandent à juste titre « que les prêtres consacrent le temps voulu à la célébration du sacrement de la Réconciliation, et qu'ils invitent avec insistance et avec force les fidèles à le recevoir, sans pour autant que les Pasteurs eux-mêmes omettent de se confesser fréquemment ».(94) Les Évêques et les prêtres font l'expérience personnelle de la mystérieuse rencontre avec le Christ qui pardonne dans le sacrement de la Réconciliation et ils sont des témoins privilégiés de son amour miséricordieux.

L'Église catholique, qui rassemble des hommes et des femmes « de toute nation, race, peuple et langue » (Ap 7,9), est appelée à être, « dans un monde marqué par des divisions idéologiques, ethniques, économiques et culturelles », le « signe vivant de l'unité de la famille humaine ».(95) L'Amérique, dans la réalité complexe des pays et la diversité des groupes ethniques, aussi bien que dans les traits caractéristiques de l'ensemble du continent, présente beaucoup de différences qui ne doivent pas être ignorées et auxquelles il faut prêter attention. Grâce à un travail efficace pour unir entre eux les membres du peuple de Dieu à l'intérieur de chaque pays, et les membres des Églises particulières des diverses nations, les différences d'aujourd'hui pourront être source d'enrichissement mutuel. Comme l'affirment fort justement les Pères synodaux, « il est très important que l'Église dans toute l'Amérique soit un signe vivant d'une communion réconciliée, un appel permanent à la solidarité, un témoignage toujours présent dans nos divers systèmes politiques, économiques et sociaux ».(96) C'est là une contribution significative que les croyants peuvent offrir à l'unité du continent américain.

(92) Proposition 33.
(93) Cf. Encycl. Redemptor hominis (4 mars 1979), n. RH 20: AAS 71 (1979), pp. 309-316; La Documentation catholique 76 (1979), pp. 317-318.
(94) Proposition 33.
(95) Ibid.
(96) Ibid.


CHAPITRE IV

EN MARCHE VERS LA COMMUNION


« Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous » (Jn 17,21)

L'Église, sacrement de communion

33 « Face à un monde divisé et en recherche d'unité, il est nécessaire de proclamer avec joie et d'une foi ferme que Dieu est communion, Père, Fils et Esprit Saint, unité dans la distinction, et qu'il appelle tous les hommes à participer à la même communion trinitaire. Il faut proclamer que cette communion est le dessein magnifique de Dieu [Père]; que Jésus Christ, qui s'est fait homme, est le centre de cette même communion, et que l'Esprit Saint agit constamment pour créer la communion et la restaurer quand elle est rompue. Il est nécessaire de proclamer que l'Église est signe et instrument de la communion voulue par Dieu, commencée dans le temps et destinée à la perfection dans la plénitude du Royaume ».(97) L'Église est signe de communion parce que ses membres, comme des rameaux, participent de la vie même du Christ, la vraie vigne (cf. Jn 15,5). En effet, par la communion avec le Christ, Tête du Corps mystique, nous entrons en communion vivante avec tous les croyants.

Cette communion, qui existe dans l'Église et est essentielle à sa nature,(98) doit se manifester par des signes concrets, « comme pourraient l'être la prière en commun les uns pour les autres, l'impulsion donnée aux relations entre les Conférences épiscopales, les liens d'évêque à évêque, les relations de fraternité entre les diocèses et les paroisses, et la communication réciproque entre les agents pastoraux pour des activités missionnaires spécifiques ».(99) Elle exige que le dépôt de la foi soit conservé dans toute sa pureté et son intégrité, ainsi que l'unité de tout le Collège des Évêques sous l'autorité du Successeur de Pierre. Dans ce contexte, les Pères synodaux ont noté que « le renforcement du ministère pétrinien est fondamental pour la préservation de l'unité de l'Église », et que « le plein exercice de la primauté de Pierre est fondamental pour l'identité et la vitalité de l'Église en Amérique ». (100) Sur l'ordre du Seigneur, il appartient à Pierre et à ses successeurs de confirmer leurs frères dans la foi (cf. Lc 22,32) et de paître tout le troupeau du Christ (cf. Jn 21,15-17). De cette manière aussi, le Successeur du prince des Apôtres est appelé à être la pierre sur laquelle l'Église est édifiée, et à exercer le ministère provenant du fait qu'il est le dépositaire des clefs du Royaume (cf. Mt 16,18-19). Le Vicaire du Christ est en effet « le principe durable et le fondement visible de [l']unité » de l'Église. (101)

(97) Proposition 40; cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 2.
(98) Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux évêques de l'Église catholique sur certains aspects de l'Eglise comprise comme communion Communionis notio (28 mai 1992), nn. 3-6: AAS 85 (1993), pp. 839-841; La Documentation catholique 89 (1992), p. 730.
(99) Proposition 40.
(100) Ibid.
(101) Conc. oecum. Vat. I, Const. dogm. sur l'Église du Christ Pastor aeternus, Prologue: DS 3051.


Initiation chrétienne et communion

34 La communion de vie dans l'Église s'obtient par les sacrements de l'initiation chrétienne: Baptême, Confirmation et Eucharistie. Le Baptême est « la porte de la vie spirituelle; par lui, nous devenons membres du Christ et de son Corps, l'Église ». (102) En recevant la Confirmation, les baptisés « sont plus parfaitement liés à l'Église, sont dotés d'une force spéciale de l'Esprit Saint, et sont ainsi plus strictement tenus, en tant que vrais témoins du Christ, de répandre et de défendre la foi par la parole et par l'action ». (103) L'itinéraire de l'initiation chrétienne atteint sa perfection et son point culminant par l'Eucharistie, par laquelle le baptisé est inséré pleinement dans le Corps du Christ. (104)

« Ces sacrements sont une excellente occasion de bonne évangélisation et de bonne catéchèse, quand leur préparation est confiée à des agents ayant foi et compétence ». (105) Dans les différents diocèses de l'Amérique, il y a eu, certes, un progrès indéniable dans la préparation aux sacrements de l'initiation chrétienne; toutefois, les Pères synodaux ont regretté que soient « nombreux ceux qui les reçoivent sans formation suffisante ». (106) En ce qui concerne le Baptême des enfants, on ne manquera pas de faire un effort de catéchèse pour les parents et les parrains.

(102) Conc. oecum. de Florence, Bulle d'union Exultate Deo (22 novembre 1439):
DS 1314.
(103) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 11.
(104) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décr. sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum Ordinis, n. PO 5.
(105) Proposition 41.


L'Eucharistie, centre de communion avec Dieu et avec nos frères

35 La réalité de l'Eucharistie n'est pas tout entière contenue dans le fait d'être le sacrement où culmine l'initiation chrétienne. Tandis que le Baptême et la Confirmation ont pour fonction d'initier et d'introduire à la vie propre de l'Église, et qu'ils ne peuvent être réitérés, (107) l'Eucharistie constitue le centre vivant permanent autour duquel se réunit toute la communauté ecclésiale. (108) Les divers aspects de ce sacrement montrent son inépuisable richesse: il est à la fois sacrement-sacrifice, sacrement-communion, sacrement-présence. (109)

L'Eucharistie est le lieu privilégié de la rencontre avec le Christ vivant. C'est pourquoi les Pasteurs du peuple de Dieu en Amérique doivent, par la prédication et la catéchèse, s'efforcer de « donner une force nouvelle à la célébration eucharistique du dimanche, en tant que source et point culminant de la vie de l'Église, garant de la communion dans le Corps du Christ et invitation à la solidarité, expression du commandement du Seigneur: “Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres” (
Jn 13,34) ». (110) Ainsi que le suggèrent les Pères synodaux, cet effort doit tenir compte de différentes dimensions fondamentales. Tout d'abord, il est nécessaire de réveiller chez les fidèles la conscience que l'Eucharistie est un don immense: cela les conduira à faire tout leur possible pour y participer d'une manière active et digne au moins le dimanche et les jours de fête. En même temps, on doit encourager « les efforts des prêtres pour faciliter cette participation et la rendre possible aux communautés les plus éloignées ». (111) Il faut rappeler aux fidèles que « la participation pleine, consciente et active, tout en étant essentiellement distincte de la fonction du prêtre ordonné, est une mise en oeuvre du sacerdoce commun reçu lors du Baptême ». (112)

La nécessité pour les fidèles de participer à l'Eucharistie et les difficultés liées à la raréfaction des prêtres mettent en lumière l'urgence de promouvoir les vocations sacerdotales. (113) Il convient aussi de rappeler à toute l'Église en Amérique « le lien qui existe entre l'Eucharistie et la charité », (114) lien que l'Église primitive exprimait en joignant l'agapè à la Cène eucharistique. (115) La participation à l'Eucharistie doit conduire à une action caritative plus intense, comme fruit de la grâce reçue dans ce sacrement.

(106) Ibid.
(107) Cf. Conc. oecum. de Trente, Sess. VII, Décret sur les sacrements en général, canon 9: DS 1609.
(108) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 26.
(109) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptor hominis (4 mars 1979), n. RH 20: AAS 71 (1979), pp. 309-316; La Documentation catholique 76 (1979), pp. 317-318.
(110) Proposition 42; cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Dies Domini (31 mai 1998), n. 69: AAS 90 (1998), pp. 755-756; La Documentation catholique 95 (1998), p. 676.
(111) Proposition 41.
(112) Proposition 42; cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. Sacrosanctum Concilium, n. SC 14; Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 10.
(113) Cf. Proposition 42.
(114) Proposition 41.
(115) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décr. sur l'apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, n. AA 8.


Les Évêques, promoteurs de communion

36 Parce qu'elle est signe de vie, la communion dans l'Église doit croître continuellement. En conséquence, les Évêques, se rappelant qu'ils sont, « chacun pour sa part, le principe et le fondement visibles de l'unité dans leurs Églises particulières », (116) ne peuvent pas ne pas se sentir engagés à promouvoir la communion dans leurs propres diocèses, afin que soit plus efficace l'effort de nouvelle évangélisation en Amérique. L'élan communautaire est favorisé par les organismes que le Concile Vatican II a prévus pour soutenir l'activité de l'Évêque diocésain et que la législation post-conciliaire a définis de façon plus détaillée. (117) « Il appartient à l'Évêque, avec la coopération des prêtres, des diacres, des personnes consacrées et des laïcs [...], de réaliser un plan d'action pastorale coordonnée, un plan organique auquel tous participent, qui atteigne tous les membres de l'Église et éveille leur conscience missionnaire ». (118)

Aucun Ordinaire ne manquera de promouvoir chez les prêtres et les fidèles la conscience que le diocèse est l'expression visible de la communion ecclésiale qui se forme à la table de la Parole et de l'Eucharistie autour de l'Évêque uni au Collège épiscopal, sous son Chef, le Pontife romain. En tant qu'Église particulière, il a pour fonction d'engager et d'intensifier la rencontre de tous les membres du peuple de Dieu avec Jésus Christ, (119) dans le respect et dans la promotion de la pluralité et de la diversité, qui ne sont pas un obstacle pour l'unité mais lui confèrent son caractère de communion. (120) L'esprit de participation et de coresponsabilité dans la vie des organismes diocésains sera évidemment favorisé par une connaissance plus approfondie de la nature de l'Église particulière. (121)

(116) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n.
LG 23.
(117) Cf. Décr. sur la charge pastorale des Évêques dans l'Église Christus Dominus, n. CD 27; Décr.Presbyterorum Ordinis, n. PO 7. Paul VI, Motu proprio Ecclesiae Sanctae (6 août 1966), I, nn. 15-17:AAS 58 (1966), pp. 766-767; La Documentation catholique 63 (1966), col. 1450-1451; Code de Droit canonique, canons CIC 495 CIC 502 CIC 511; Code des Canons des Églises orientales, canons CIO 264 CIO 271 CIO 272.
(118) Proposition 43.
(119) Cf. Proposition 45.
(120) Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux évêques de l'Eglise catholique sur certains aspects de l'Eglise comprise comme communion Communionis notio (28 mai 1992), nn. 15-16: AAS 85 (1993), pp. 847-848; La Documentation catholique 89 (1992), pp. 732-733.
(121) Cf. ibid.


Une communion plus intense entre les Églises particulières

37 L'Assemblée spéciale pour l'Amérique du Synode des Évêques, la première de l'histoire à avoir réuni des Évêques de tout le continent, a été perçue par tous comme une grâce spéciale du Seigneur à l'Église qui poursuit sa marche en Amérique. Elle a renforcé la communion qui doit exister entre les communautés ecclésiales du continent, faisant sentir à tous l'urgence de la faire croître encore. Les expériences de communion épiscopale, fréquentes surtout après le Concile Vatican II pour affermir et répandre les Conférences épiscopales, doivent être entendues comme des rencontres avec le Christ vivant, présent dans les frères réunis en son nom (cf. Mt 18,20).

L'expérience synodale a montré aussi les richesses d'une communion qui s'étend au-delà du cadre de la Conférence épiscopale. Bien qu'il existe déjà des formes de dialogue qui dépassent ces frontières, les Pères synodaux ont souligné l'opportunité d'intensifier les réunions inter-américaines, déjà promues par les Conférences épiscopales des diverses nations américaines, comme expression de solidarité effective et comme lieu de rencontre et d'étude des défis communs qui se posent à l'évangélisation en Amérique. (122) Il conviendra également de déterminer avec exactitude le caractère de ces rencontres, de manière qu'elles soient toujours davantage une expression de communion entre tous les Pasteurs. Outre ces réunions plus larges, il peut être utile, quand les circonstances le demandent, de créer des commissions spécifiques pour approfondir les thèmes communs qui concernent toute l'Amérique. Parmi les secteurs où il semble particulièrement nécessaire « de donner une impulsion à la coopération, il y a les communications pastorales réciproques, la coopération missionnaire, l'éducation, les migrations, l'oecuménisme ». (123)

Les Évêques, qui ont le devoir de promouvoir la communion entre leurs Églises particulières, ne manqueront pas d'inciter les fidèles à en vivre de manière croissante la dimension communautaire, en assumant « la responsabilité de développer les liens de communion avec les Églises locales dans d'autres parties de l'Amérique par l'éducation, la communication réciproque, l'union fraternelle entre paroisses et diocèses, des projets de coopération et de prévention commune sur des sujets de grande importance, surtout ceux qui concernent les pauvres ». (124)

(122) Cf. Proposition 44.
(123) Ibid.
(124) Ibid.


Communion fraternelle avec les Églises catholiques orientales

38 Le récent phénomène de l'implantation en Amérique et du développement d'Églises particulières catholiques orientales, dotées de hiérarchie propre, a fait l'objet d'une attention spéciale de la part de certains Pères synodaux. Un désir sincère d'accueillir cordialement et efficacement ces frères dans la foi et dans la communion hiérarchique sous le Successeur de Pierre a conduit l'Assemblée synodale à proposer des initiatives concrètes d'aide fraternelle de la part des Églises latines particulières à l'égard des Églises catholiques orientales présentes dans le continent. Ainsi, par exemple, on a avancé l'hypothèse que des prêtres de rite latin, surtout s'ils sont d'origine orientale, puissent apporter leur coopération en matière de liturgie aux communautés orientales dépourvues d'un nombre suffisant de prêtres. Il en est de même pour les édifices sacrés: dans les cas où cela apparaîtra opportun, les fidèles orientaux pourront utiliser les églises de rite latin.

Dans cet esprit de communion, diverses propositions des Pères synodaux méritent d'être prises en considération: que, là où c'est nécessaire, on crée au sein des Conférences épiscopales nationales et des organismes internationaux de coopération épiscopale une commission mixte chargée d'étudier les problèmes pastoraux communs; que la catéchèse et la formation théologique pour les laïcs et les séminaristes de l'Église latine incluent la connaissance de la tradition vivante de l'Orient chrétien; que les Évêques des Églises catholiques orientales participent aux Conférences épiscopales latines de leurs pays. (125) Il n'y a pas de doute que cette coopération fraternelle, tout en offrant une aide précieuse aux Églises orientales, qui sont de fondation récente en Amérique, permettra aux Églises particulières latines de s'enrichir grâce au patrimoine spirituel de la tradition de l'Orient chrétien.

(125) Cf. Proposition 60.


Le prêtre, signe d'unité

39 « En tant que membre d'une Église particulière, tout prêtre doit être un signe de communion avec l'Évêque, dont il est le collaborateur immédiat, uni à ses frères dans le presbyterium. Il exerce son ministère en toute charité pastorale, principalement dans la communauté qui lui est confiée, et il la guide à la rencontre du Christ Bon Pasteur. Sa vocation demande qu'il soit un signe d'unité. C'est pourquoi il doit éviter toute participation à une activité politique de type partisan, qui diviserait la communauté ». (126) Les Pères synodaux souhaitent que « se développe une action pastorale en faveur du clergé diocésain, pour rendre plus fermes sa spiritualité, sa mission et son identité, dont l'essentiel consiste à suivre le Christ, Prêtre souverain et éternel, toujours tendu vers l'accomplissement de la volonté du Père. Le Christ est le modèle du dévouement généreux, de la vie austère et du service accompli jusqu'à la mort. Que le prêtre ait conscience du fait que, de par le sacrement de l'Ordre, il est porteur de grâce, qu'il distribue à ses frères dans les sacrements! Il se sanctifie lui-même dans l'exercice du ministère ». (127)

Le champ d'action des prêtres est immense. Il convient donc « qu'ils mettent au centre de leur activité ce qui est essentiel pour le ministère: se laisser configurer au Christ, Tête et Pasteur, source de la charité pastorale, s'offrant eux-mêmes chaque jour avec le Christ dans l'Eucharistie, afin d'aider les fidèles à vivre la rencontre personnelle et communautaire avec Jésus Christ vivant ». (128) Comme témoins et disciples du Christ miséricordieux, ils sont appelés à se faire instruments de pardon et de réconciliation, s'engageant généreusement au service des fidèles selon l'esprit de l'Évangile.

Les prêtres, en tant que pasteurs du peuple de Dieu en Amérique, doivent en outre être attentifs aux défis du monde actuel, et sensibles aux problèmes et aux espérances de leur peuple, partageant leurs difficultés et surtout prenant une attitude de solidarité avec les pauvres. Ils auront soin de discerner les charismes et les qualités des fidèles capables de contribuer à l'animation de la communauté, les écoutant et dialoguant avec eux, afin de stimuler leur participation et leur coresponsabilité. Cela favorisera une meilleure répartition des tâches et leur permettra de « se consacrer à ce qui est lié plus étroitement à la rencontre et à l'annonce de Jésus Christ, de façon à mieux signifier, au sein de la communauté, la présence de Jésus qui rassemble son peuple ». (129)

Cette oeuvre de discernement des charismes s'étendra aussi à la mise en valeur des prêtres qui paraissent aptes à remplir des ministères particuliers. Par ailleurs, il est demandé à tous les prêtres d'apporter leur aide fraternelle dans le presbyterium et de recourir à lui avec confiance en cas de besoin.

Devant la splendide réalité de nombreux prêtres en Amérique qui, avec la grâce de Dieu, s'efforcent de faire face à une masse vraiment notable de travail, je fais mien le désir des Pères synodaux de reconnaître et de louer leur « inlassable engagement de pasteurs, d'évangélisateurs et d'animateurs de la communion ecclésiale, leur exprimant ma gratitude et les encourageant à continuer à offrir leur vie au service de l'Évangile ». (130)

(126) Proposition 49.
(127) Ibid.
(128) Ibid.; cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret Presbyterorum Ordinis, n.
PO 14.
(129) Proposition 49.
(130) Ibid.


Promouvoir la pastorale des vocations

40 Le rôle indispensable du prêtre au sein de la communauté doit rendre tous les fils de l'Église en Amérique conscients de l'importance de la pastorale des vocations. Le continent américain a une jeunesse nombreuse, riche de valeurs humaines et religieuses. C'est pourquoi il faut cultiver les milieux où naissent les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, et inviter les familles chrétiennes à aider leurs enfants qui se sentiraient appelés à suivre cette voie. (131) En effet, les vocations « sont un don de Dieu » et « elles naissent dans les communautés de foi, avant tout dans les familles, dans les paroisses, dans les écoles catholiques et dans d'autres organismes de l'Église. Il revient spécialement aux Évêques et aux prêtres d'encourager ces vocations par des invitations personnelles, mais surtout par le témoignage d'une vie de fidélité, de joie, d'enthousiasme et de sainteté. Promouvoir des vocations au sacerdoce est une responsabilité qui appartient à tout le peuple de Dieu et qui s'accomplit principalement par la prière constante et humble pour les vocations ». (132)

Les séminaires, lieux d'accueil et de formation de ceux qui sont appelés au sacerdoce, doivent préparer les futurs ministres de l'Église à vivre « une forte spiritualité de communion avec le Christ Pasteur et de docilité à l'action de l'Esprit, qui les rendra particulièrement capables de discerner les attentes du peuple de Dieu et les divers charismes, et de travailler ensemble ». (133) C'est pourquoi, dans les séminaires, « on doit surtout insister sur la formation spécifiquement spirituelle, de façon que, par la conversion constante, par l'attitude de prière, par la fréquentation des sacrements de l'Eucharistie et de la Réconciliation, les candidats soient préparés à la rencontre avec le Seigneur et se préoccupent de se fortifier pour un généreux engagement pastoral ». (134) Les formateurs auront soin d'accompagner et de guider les séminaristes vers une maturité affective qui les rende aptes à embrasser le célibat sacerdotal et capables de vivre en communion avec leurs confrères dans la vocation sacerdotale. En outre, ils promouvront en eux la capacité d'observation critique de la réalité qui les entoure, afin d'être en mesure de discerner les valeurs et les non-valeurs, puisque c'est là une exigence indispensable pour établir un dialogue constructif avec le monde d'aujourd'hui.

On réservera une attention particulière aux vocations nées chez les autochtones; il faut veiller à leur assurer une formation inculturée dans leur milieu. Ces candidats au sacerdoce, tout en recevant la formation théologique et spirituelle appropriée en vue de leur futur ministère, ne doivent pas perdre les racines de leur propre culture. (135)

Les Pères synodaux ont tenu à remercier et à louer tous ceux qui consacrent leur vie à la formation des futurs prêtres dans les séminaires. Ils ont également invité les Évêques à désigner pour cette tâche les prêtres les plus aptes, après les avoir préparés par une formation spécifique qui les habilite à une mission aussi délicate. (136)

(131) Cf. Proposition 51.
(132) Proposition 48.
(133) Proposition 51.
(134) Proposition 52.
(135) Cf. ibid.
(136) Cf. ibid.



Ecclesia in America FR 28