Ecclesia in America FR 41

Renouveler l'institution paroissiale

41 La paroisse est un lieu privilégié où les fidèles ont la possibilité de faire l'expérience concrète de l'Église. (137) Aujourd'hui, en Amérique comme ailleurs dans le monde, la paroisse traverse parfois certaines difficultés dans l'exercice de sa mission. Elle a besoin d'un renouvellement continuel, en partant du principe fondamental que « la paroisse doit continuer à être en priorité une communauté eucharistique ». (138) Ce principe suppose que « les paroisses sont appelées à être accueillantes et solidaires, le lieu de l'initiation chrétienne, de l'éducation et de la célébration de la foi, ouvertes à la variété des charismes, des services et des ministères, organisées de façon communautaire et responsable, capables d'entraîner les mouvements d'apostolat qui existent déjà, attentives à la diversité culturelle des habitants, ouvertes aux projets pastoraux et inter-paroissiaux, ainsi qu'aux réalités environnantes ». (139)

En raison de leurs problèmes spécifiques, les paroisses des grandes agglomérations urbaines méritent une attention spéciale, là où les difficultés sont si grandes que les structures pastorales habituelles s'avèrent inadéquates et où les possibilités d'action apostolique sont notablement réduites. Toutefois, l'institution paroissiale conserve son importance et doit être maintenue. Pour atteindre cet objectif, il faut « continuer la recherche de moyens par lesquels la paroisse et ses structures pastorales réussissent à être plus efficaces dans les zones urbaines ». (140) On peut peut-être trouver un moyen de renouvellement paroissial, particulièrement urgent dans les paroisses des grandes villes, en considérant la paroisse comme une communauté de communautés et de mouvements. (141) Il apparaît donc utile de former des communautés et des groupes ecclésiaux qui aient des dimensions telles qu'elles permettent de vraies relations humaines; ainsi pourra-t-on vivre plus intensément la communion, en ayant soin de la cultiver non seulement « ad intra », mais aussi avec la communauté paroissiale à laquelle ces groupements appartiennent, de même qu'avec l'ensemble de l'Église diocésaine et de l'Église universelle. En outre, il sera plus facile, au sein de ce contexte humain, de se retrouver pour écouter la Parole de Dieu, pour réfléchir, à sa lumière, sur les divers problèmes humains, et pour mûrir des choix responsables, inspirés par l'amour universel du Christ. (142) L'institution paroissiale ainsi renouvelée « peut susciter une grande espérance. Elle peut faire des fidèles une communauté, offrir une aide à la vie familiale, surmonter l'anonymat, accueillir les personnes et les aider à s'insérer dans leur entourage et dans la société ». (143) De cette façon, toute paroisse aujourd'hui, en particulier celles des villes, pourra promouvoir une évangélisation plus personnelle, et en même temps accroître les relations positives avec les autres agents sociaux, éducateurs et communautaires. (144)

En outre, « ce type de paroisse renouvelée exige une figure de pasteur qui, tout d'abord, privilégie une profonde expérience du Christ vivant, un esprit missionnaire, un coeur paternel, qui soit un animateur de la vie spirituelle et un évangélisateur capable de promouvoir la participation. La paroisse renouvelée a besoin de la collaboration des laïcs, d'un animateur de l'activité pastorale, et d'un pasteur capable de travailler avec les autres. En Amérique, les paroisses doivent se signaler par leur esprit missionnaire, qui les pousse à étendre leur action à ceux qui sont loin ». (145)

(137) Cf. Proposition 46.
(138) Ibid.
(139) Ibid.
(140) Proposition 35.
(141) Cf. IVe Conférence générale de l'épiscopat latino-américain (Saint-Domingue, octobre 1992), Nouvelle évangélisation, promotion humaine et culture chrétienne, n. 58.
(142) Cf. Jean-Paul II, Encycl. Redemptoris missio (7 décembre 1990), n.
RMi 51: AAS 83 (1991), pp. 298-299; La Documentation catholique 88 (1991), p. 172.
(143) Proposition 35.
(144) Cf. Proposition 46.
(145) Ibid.


Les diacres permanents

42 Pour de sérieux motifs pastoraux et théologiques, le Concile Vatican II a décidé de rétablir le diaconat comme degré permanent de la hiérarchie dans l'Église latine, laissant aux Conférences épiscopales, avec l'approbation du Souverain Pontife, le soin de juger de l'opportunité d'instituer des diacres permanents et en quels lieux. (146) Il s'agit d'une expérience très variée non seulement dans les diverses parties de l'Amérique, mais aussi parmi les diocèses d'une même région. « Certains diocèses ont formé et ordonné beaucoup de diacres, et sont pleinement satisfaits de leur intégration et de leur ministère ». (147) On voit là avec joie que les diacres, « soutenus par la grâce sacramentelle, dans le ministère (diaconia) de la liturgie, de la parole et de la charité, sont au service du peuple de Dieu, en communion avec l'Évêque et avec son presbyterium ». (148) D'autres diocèses n'ont pas pris ce chemin, tandis qu'ailleurs il y a des difficultés qui font obstacle à l'intégration des diacres permanents à l'intérieur de la structure hiérarchique.

Restant sauve la liberté des Églises particulières de rétablir, avec le consentement du Souverain Pontife, le diaconat comme degré permanent, il est clair que l'issue favorable d'une telle reprise suppose un processus attentif de sélection, une formation sérieuse et une profonde attention à l'égard des candidats, comme aussi un accompagnement vigilant non seulement de ces ministres sacrés mais aussi, dans le cas des diacres mariés, de leur famille, de leur épouse et de leurs enfants. (149)

(146) Cf. Const. dogm. Lumen gentium, n.
LG 29; Paul VI, Motu proprio Sacrum diaconatus ordinem (18 juin 1967), I, 1: AAS 59 (1967), p. 699; La Documentation catholique 64 (1967), col. 1281.
(147) Proposition 50.
(148) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 29.
(149) Cf. Proposition 50; Congrégation pour l'Éducation catholique et Congrégation pour le Clergé, Normes fondamentales pour la formation des diacres permanents et Directoire pour le ministère et la vie des diacres permanents (22 février 1998): AAS 90 (1998), pp. 843-926; La Documentation catholique 95 (1998), pp. 409-447.


La vie consacrée

43 L'histoire de l'évangélisation en Amérique constitue un témoignage éloquent de l'effort missionnaire accompli par d'innombrables personnes consacrées qui, depuis le début, ont annoncé l'Évangile, ont défendu les droits des autochtones et, avec un amour héroïque du Christ, se sont consacrées au service du peuple de Dieu dans le continent. (150) L'apport des personnes consacrées à l'annonce de l'Évangile en Amérique continue à être d'une importance énorme; c'est un apport différencié selon les charismes propres à chaque groupe: « les Instituts de vie contemplative, qui témoignent de l'absolu de Dieu, les Instituts apostoliques et missionnaires, qui rendent le Christ présent dans les domaines les plus variés de l'existence humaine, les Instituts séculiers, qui aident à résoudre la tension entre ouverture réelle aux valeurs du monde moderne et offrande profonde du coeur à Dieu. En outre, apparaissent de nouveaux Instituts et de nouvelles formes de vie consacrée, qui requièrent un discernement évangélique ». (151)

Parce que « l'avenir de la nouvelle évangélisation [...] est impensable sans une contribution renouvelée des femmes, spécialement des femmes consacrées », (152) il est urgent de favoriser leur participation dans les divers secteurs de la vie ecclésiale, y compris les processus dans lesquels s'élaborent les décisions, surtout en ce qui les concerne directement. (153)

« Aujourd'hui encore, le témoignage de la vie pleinement consacrée à Dieu est une proclamation éloquente du fait que Lui seul suffit pour donner la plénitude à l'existence de toute personne ». (154) Cette consécration au Seigneur doit se prolonger dans le service généreux de la diffusion du Règne de Dieu. Pour cette raison, au seuil du troisième millénaire, il faut faire en sorte « que la vie consacrée soit davantage estimée et promue par les Évêques, les prêtres et les communautés chrétiennes, et que les consacrés, conscients de la joie et de la responsabilité de leur vocation, s'intègrent pleinement à l'Église particulière à laquelle ils appartiennent et promeuvent la communion et la collaboration mutuelle ». (155)

(150) Cf. Proposition 53.
(151) Ibid.; cf. IIIe Conférence générale de l'Épiscopat latino-américain (Puebla, février 1979),Message aux peuples de l'Amérique latine, n. 775.
(152) Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Vita consecrata (25 mars 1996), n.
VC 57: AAS 88 (1996), pp. 429-430; La Documentation catholique 93 (1996), p. 373.
(153) Cf. ibid., n. 58: l.c., p. 430; La Documentation catholique, l.c., p. 373.
(154) Proposition 53.
(155) Ibid.


Les fidèles laïcs et le renouveau de l'Église

44 « La doctrine du Concile Vatican II sur l'unité de l'Église comme peuple de Dieu rassemblé dans l'unité du Père et du Fils et de l'Esprit Saint souligne que l'imitation et la vie à la suite du Christ, la communion réciproque et le devoir missionnaire sont communs à la dignité de tous les baptisés ». (156) Il est donc nécessaire que les fidèles laïcs soient conscients de leur dignité de baptisés. Pour leur part, les Pasteurs auront une profonde estime « pour le témoignage et l'action évangélisatrice des laïcs qui, vivant au sein du peuple de Dieu dans une spiritualité de communion, conduisent leurs frères à la rencontre avec le Christ vivant. Le renouveau de l'Église en Amérique ne sera pas possible sans la présence active des laïcs. C'est pourquoi la responsabilité de l'avenir de l'Église retombe en grande partie sur eux ». (157)

Il y a deux domaines où se réalise la vocation des fidèles laïcs. Le premier, et le plus propre à leur état de laïcs, est celui des réalités temporelles, qu'ils sont appelés à ordonner selon la volonté de Dieu. (158) En effet, « leur façon particulière d'agir fait que l'Évangile est porté au coeur des structures du monde et, “oeuvrant partout saintement [...], ils consacrent à Dieu le monde lui-même” ». (159) Grâce aux fidèles laïcs, « la présence et la mission de l'Église dans le monde se réalisent, d'une manière spéciale, dans la variété des charismes et des ministères que possède le laïcat. Le caractère séculier est la note distinctive et propre du laïc et de sa spiritualité, et elle le porte à agir dans les divers milieux de la vie familiale, sociale, professionnelle, culturelle et politique, en vue de leur évangélisation. Dans un continent où l'on rencontre la compétition et l'agressivité, la consommation effrénée et la corruption, les laïcs sont appelés à incarner des valeurs profondément évangéliques comme la miséricorde, le pardon, l'honnêteté, la transparence de coeur et la patience dans les situations difficiles. On attend des laïcs une grande force de création dans des gestes et des oeuvres qui manifestent une vie en harmonie avec l'Évangile ». (160)

L'Amérique a besoin de laïcs chrétiens qui soient en mesure d'assumer des rôles de direction dans la société. Il est urgent de former des hommes et des femmes capables d'agir, selon leur vocation propre, sur la vie publique et de l'orienter vers le bien commun. Dans l'exercice de la politique, considérée dans son sens le plus noble et le plus authentique d'administration du bien commun, les laïcs peuvent trouver la voie de leur propre sanctification. À cette fin, il est nécessaire qu'ils soient formés aux principes et aux valeurs de la doctrine sociale de l'Église, aussi bien qu'aux notions fondamentales de la théologie du laïcat. La connaissance approfondie des principes éthiques et des valeurs morales chrétiennes leur permettra de s'en faire les défenseurs dans leur milieu, les faisant valoir même face à ce qu'on appelle la « neutralité de l'État ». (161)

Il y a un deuxième domaine dans lequel beaucoup de fidèles laïcs sont appelés à travailler, celui que l'on pourrait appeler « intra-ecclésial ». En Amérique, de nombreux laïcs nourrissent l'aspiration légitime à contribuer avec leurs talents et leurs charismes « à la construction de la communauté ecclésiale, comme délégués de la Parole, catéchistes, visiteurs de malades ou de prisonniers, animateurs de groupes, etc. » (162) Les Pères synodaux ont exprimé le souhait que l'Église reconnaisse certaines de ces tâches comme des ministères laïcs, fondés sur les sacrements du Baptême et de la Confirmation, restant sauve la spécificité des ministères propres au sacrement de l'Ordre. C'est là un sujet vaste et complexe, pour lequel j'ai constitué, il y a déjà quelque temps, une Commission d'étude (163) et au sujet duquel les organismes du Saint-Siège ont proposé, ici et là, quelques lignes directrices. (164) Il est nécessaire de promouvoir la collaboration bénéfique de fidèles laïcs bien préparés, hommes et femmes, dans les diverses activités à l'intérieur de l'Église, en évitant toutefois qu'il y ait confusion avec les ministères ordonnés et avec les actions propres au sacrement de l'Ordre, afin de bien distinguer le sacerdoce commun des fidèles du sacerdoce ministériel.

À ce sujet, les Pères synodaux ont recommandé que les tâches confiées aux laïcs soient bien « distinctes de celles qui constituent des étapes vers le ministère ordonné » (165) et que les candidats au sacerdoce reçoivent avant le presbytérat. On a fait observer également que ces tâches de laïcs « ne doivent être conférées qu'à des personnes, hommes et femmes, qui ont acquis la formation nécessaire, selon des critères précis: une certaine permanence, une réelle disponibilité au sein d'un groupe déterminé de personnes, l'obligation de rendre compte à son Pasteur ». (166) En tout cas, bien que l'apostolat intra-ecclésial des laïcs doive être stimulé, il faut faire en sorte qu'il coexiste avec l'activité propre des laïcs pour laquelle ils ne peuvent être substitués par des prêtres, à savoir le domaine des réalités temporelles.

(156) Proposition 54.
(157) Ibid.
(158) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n.
LG 31.
(159) Proposition 55; cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 34.
(160) Proposition 55.
(161) Cf. ibid.
(162) Proposition 56.
(163) Cf. Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. CL 23: AAS 81 (1989), pp. 429-433; La Documentation catholique 86 (1989), pp. 164-165.
(164) Cf. Congrégation pour le Clergé et autres, Instr. Ecclesiae de mysterio (15 août 1997): AAS89 (1997), pp. 852-877; La Documentation catholique 94 (1997), pp. 1009-1020.
(165) Proposition 56.
(166) Ibid.


Dignité de la femme

45 Une attention spéciale doit être réservée à la vocation de la femme. En d'autres occasions, j'ai tenu à dire combien j'apprécie l'apport spécifique de la femme au progrès de l'humanité et à reconnaître la légitimité de ses aspirations à participer pleinement à la vie ecclésiale, culturelle, sociale et économique. (167) Sans cette contribution, il manquerait certaines richesses que seul le « génie féminin » (168) peut apporter à la vie de l'Église et de la société elle-même. Ne pas le reconnaître constituerait une injustice historique spécialement en Amérique, si l'on tient compte de la contribution fournie par les femmes au développement matériel et culturel du continent, comme aussi dans la transmission et la conservation de la foi. En effet, « leur rôle fut décisif surtout dans la vie consacrée, dans l'éducation, dans l'assistance sanitaire ». (169)

Malheureusement, dans beaucoup de régions du continent américain, la femme est encore l'objet de discriminations. Aussi peut-on dire que le visage des pauvres en Amérique est aussi le visage de nombreuses femmes. C'est pourquoi les Pères synodaux ont parlé d'un « aspect féminin de la pauvreté ». (170) L'Église ressent le devoir d'insister sur la dignité humaine commune à toute personne. Elle « dénonce la discrimination, les abus sexuels et la prépondérance masculine comme étant des actions contraires au dessein de Dieu ». (171) Elle déplore en particulier comme abominable la stérilisation, parfois programmée, des femmes, surtout des plus pauvres et des plus marginales, qui est pratiquée souvent d'une manière subreptice, à l'insu des intéressées ellesmêmes; cela est encore plus grave quand on le fait pour obtenir des aides financières au niveau international.

L'Église sur le continent se sent incitée à intensifier son attention à l'égard des femmes et à les défendre « afin que la société en Amérique aide davantage la vie familiale fondée sur le mariage, qu'elle protège davantage la maternité et ait plus de respect pour la dignité de toutes les femmes ». (172) Il faut aider les femmes américaines à prendre une part active et responsable à la vie et à la mission de l'Église, (173) de même qu'il faut reconnaître la nécessité de la sagesse et de la collaboration des femmes dans les tâches de direction de la société américaine.

(167) Cf. Lettre apost. Mulieris dignitatem (15 août 1988): AAS 80 (1988), pp. 1653-1729; La Documentation catholique 85 (1988), pp. 1063-1088; Lettre aux femmes (29 juin 1995): AAS 87 (1995), pp. 803-812; La Documentation catholique 92 (1995), pp. 717-722; Proposition 11.
(168) Lettre apost. Mulieris dignitatem (15 août 1988), n.
MD 31: AAS 80 (1988), p. 1728; La Documentation catholique 85 (1988), p. 1088.
(169) Proposition 11.
(170) Ibid.
(171) Ibid.
(172) Ibid.
(173) Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988), n. CL 49: AAS 81 (1989), pp. 486-489; La Documentation catholique 86 (1989), pp. 181-182.


Défis pour la famille chrétienne

46 « En formant le premier homme et la première femme et en leur commandant “soyez féconds et multipliez-vous” (Gn 1,28), Dieu Créateur a constitué définitivement la famille. La vie naît dans ce sanctuaire, et elle est accueillie comme un don de Dieu. La Parole de Dieu, lue assidûment en famille, construit celle-ci peu à peu comme Église-foyer et la rend féconde en humanité et en vertus chrétiennes; là se trouve la source des vocations. La dévotion mariale, nourrie par la prière, gardera la famille unie et en attitude de prière avec Marie, comme les disciples de Jésus avant la Pentecôte (cf. Ac 1,14) ». (174) De nombreux écueils menacent la solidité de l'institution familiale dans la plupart des pays d'Amérique, et ils constituent autant de défis pour les chrétiens. Il faut mentionner entre autres l'augmentation des divorces, la diffusion de l'avortement, de l'infanticide et de la mentalité contraceptive. Face à cette situation, on doit redire « que le fondement de la vie humaine est la relation conjugale entre mari et femme, relation qui pour les chrétiens est sacramentelle ». (175)

C'est pourquoi il est urgent d'engager une vaste campagne de catéchèse sur l'idéal chrétien de la communion conjugale et de la vie familiale, qui inclue une spiritualité de la paternité et de la maternité. On doit consacrer une plus grande attention au rôle des hommes comme maris et pères, ainsi qu'à la responsabilité qu'ils partagent avec leurs femmes en ce qui concerne le mariage, la famille et l'éducation des enfants. Il ne faut pas omettre non plus une sérieuse préparation des jeunes avant le mariage, pour leur présenter avec clarté la doctrine catholique concernant ce sacrement, sur le plan théologique, anthropologique et spirituel. Dans un continent comme l'Amérique, caractérisé par un développement démographique notable, il faut continuellement multiplier les initiatives pastorales à l'égard des familles.

Pour être vraiment « Église-foyer », (176) la famille chrétienne est appelée à être le milieu où les parents transmettent la foi, devant être « pour leurs enfants, par la parole et par l'exemple, les premiers messagers de la foi ». (177) Que l'on ne manque pas dans la famille de pratiquer la prière, dans laquelle les époux se retrouvent unis entre eux et avec leurs enfants. À ce sujet, il faut favoriser des moments de vie spirituelle en commun, comme la participation à l'Eucharistie les jours de fête, la pratique du sacrement de la Réconciliation, la prière quotidienne en famille et des gestes concrets de charité. Ainsi s'affermiront la fidélité dans le mariage et l'unité de la famille. Dans un cadre familial de ce type, les enfants sauront sans difficulté découvrir leur vocation au service de la communauté et de l'Église, et ils apprendront, spécialement en voyant l'exemple de leurs parents, que la vie familiale est une voie pour la réalisation de la vocation universelle à la sainteté. (178)

(174) Proposition 12.
(175) Ibid.
(176) Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, n. LG 11.
(177) Ibid.
(178) Cf. Proposition 12.


Les jeunes, espérance pour l'avenir

47 Les jeunes sont une grande force sociale et une force d'évangélisation. Ils « constituent une partie très nombreuse de la population dans beaucoup de pays d'Amérique. Les espoirs et les attentes d'un avenir de plus grande communion et de plus grande solidarité pour l'Église et pour la société en Amérique sont fondés sur leur rencontre avec le Christ vivant ». (179) On voit bien les efforts réalisés dans le continent par les Églises particulières pour accompagner les adolescents durant leur parcours catéchétique avant la Confirmation et les autres moyens qu'elles leur offrent afin qu'ils grandissent dans leur rencontre avec le Christ et dans la connaissance de l'Évangile. Le parcours de formation des jeunes doit être soutenu et dynamique, capable de les aider à trouver leur place dans l'Église et dans le monde. La pastorale des jeunes doit donc être l'une des premières préoccupations des pasteurs et des communautés.

Beaucoup de jeunes Américains sont en réalité en recherche d'un sens véritable à donner à leur vie, et ils sont assoiffés de Dieu, mais bien souvent il manque les conditions adaptées pour faire fructifier leurs capacités et réaliser leurs aspirations. Malheureusement, l'absence de travail et de perspectives d'avenir les conduit parfois vers la marginalisation et la violence. La sensation de frustration qu'ils ressentent à cause de tout cela les amène souvent à abandonner la recherche de Dieu. Face à une situation aussi complexe, « l'Église s'engage à maintenir son option pastorale et missionnaire pour les jeunes, afin qu'ils puissent rencontrer aujourd'hui le Christ vivant ». (180)

L'action pastorale de l'Église touche beaucoup de ces adolescents et de ces jeunes par l'animation chrétienne de la famille, la catéchèse, les institutions catholiques d'éducation et la vie communautaire dans les paroisses. Mais beaucoup d'autres, spécialement parmi ceux qui souffrent de diverses formes de pauvreté, restent hors du cercle des activités ecclésiales. Il appartient aux jeunes chrétiens, formés à une conscience missionnaire réfléchie, d'être les apôtres de leurs camarades. Il faut une action pastorale qui atteigne les jeunes dans leurs divers milieux: dans les collèges, les universités, le monde du travail, les milieux ruraux, en s'adaptant à leur sensibilité. Dans le cadre de la paroisse et du diocèse, il sera utile de développer aussi une activité pastorale de la jeunesse qui tienne compte de l'évolution du monde des jeunes, qui cherche le dialogue avec eux, qui ne laisse pas passer les occasions de rencontres plus larges, qui anime les initiatives locales et développe ce qui se réalise déjà au niveau interdiocésain et international.

Et que faire avec les jeunes qui se laissent aller à des attitudes adolescentes faites d'une certaine inconstance et de difficultés à assumer des engagements sérieux et définitifs? Face à ce manque de maturité, il est nécessaire d'inviter les jeunes à avoir du courage, de leur apprendre à apprécier la valeur de l'engagement pour toute la vie, comme c'est le cas pour le sacerdoce, la vie consacrée et le mariage chrétien. (181)

(179) Proposition 14.
(180) Ibid.
(181) Cf. ibid.


Accompagner l'enfant dans sa rencontre avec le Christ

48 Les enfants sont don et signe de la présence de Dieu. « Il faut accompagner l'enfant dans sa rencontre avec le Christ, du Baptême à la première Communion, puisqu'il fait partie de la communauté vivante de foi, d'espérance et de charité ». (182) L'Église est reconnaissante pour le travail des parents, des enseignants, de ceux qui oeuvrent dans le domaine pastoral, social et sanitaire, et de tous ceux qui sont au service de la famille et des enfants avec le même esprit que celui du Christ qui a dit: « Laissez les enfants, ne les empêchez pas de venir à moi, car le Royaume des cieux est à ceux qui leur ressemblent » (Mt 19,14).

Les Pères synodaux regrettent à juste titre et condamnent la situation douloureuse de beaucoup d'enfants dans toute l'Amérique, qui sont privés de leur dignité, de leur innocence et même de la vie. « Cette situation comprend la violence, la pauvreté, l'absence de maison, le manque d'une assistance sanitaire et éducative appropriée, les ravages causés par la drogue et l'alcool, et d'autres formes d'abandon et d'abus ». (183) On a mentionné particulièrement à ce sujet, au Synode, le problème des abus sexuels sur des enfants et de la prostitution infantile, et les Pères ont lancé un appel pressant « à tous ceux qui sont revêtus d'autorité dans la société afin qu'ils fassent, de manière prioritaire, tout ce qui est en leur pouvoir pour soulager la souffrance des enfants en Amérique ». (184)

(182) Proposition 15.
(183) Ibid.
(184) Ibid.

Éléments de communion avec les autres Églises et Communautés ecclésiales

49 Entre l'Église catholique et les autres Églises et Communautés ecclésiales, il existe un effort de communion qui a sa racine dans le Baptême administré en chacune d'elles. (185) C'est un effort qui se nourrit par la prière, le dialogue et l'action commune. Les Pères synodaux ont voulu exprimer une volonté particulière de « collaboration au dialogue déjà commencé avec l'Église orthodoxe, avec laquelle nous avons en commun de nombreux éléments de foi, de vie sacramentelle et de piété ». (186) Les propositions concrètes de l'Assemblée synodale à propos de l'ensemble des Églises et Communautés ecclésiales chrétiennes non catholiques sont nombreuses. On suggère en premier lieu « que les chrétiens catholiques, pasteurs et fidèles, promeuvent la rencontre des chrétiens des diverses confessions, dans la collaboration, au nom de l'Évangile, pour répondre au cri des pauvres, par la promotion de la justice, la prière commune pour l'unité et la participation à la Parole de Dieu et à l'expérience de la foi dans le Christ vivant ». (187) Il faut aussi favoriser, dans la mesure où c'est utile et convenable, les réunions de personnes expertes des diverses Églises et Communautés ecclésiales pour faciliter le dialogue oecuménique. L'oecuménisme doit faire l'objet de réflexions et de communications d'expériences entre les diverses Conférences épiscopales catholiques du continent.

Bien que le Concile Vatican II parle de tous les baptisés et de tous ceux qui croient au Christ comme de « frères dans le Seigneur », (188) il faut savoir distinguer clairement les communautés chrétiennes avec lesquelles il est possible d'établir des relations inspirées par la dynamique oecuménique, et les sectes, les cultes et autres mouvements religieux trompeurs.

(185) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret sur l'oecuménisme Unitatis redintegratio, n.
UR 3.
(186) Proposition 61.
(187) Ibid.
(188) Décret Unitatis redintegratio, n. UR 3.


Relations de l'Église avec les communautés juives

50 Dans la société américaine, il existe aussi des communautés de juifs, avec lesquelles l'Église a instauré ces dernières années une collaboration croissante. (189) Dans l'histoire du salut, il est évident que nous avons une relation spéciale avec le peuple juif. Jésus fait partie du peuple juif, lui qui fit naître son Église à l'intérieur de la nation juive. Une grande partie de l'Écriture Sainte, que nous, chrétiens, lisons comme Parole de Dieu, constitue un patrimoine spirituel commun avec les juifs. (190) Il faut donc éviter tout comportement négatif à leur égard, parce que « pour bénir le monde, il est nécessaire que juifs et chrétiens soient d'abord une bénédiction les uns pour les autres ». (191)

(189) Cf. Proposition 62.
(190) Cf. Synode des Évêques, Assemblée spéciale pour l'Europe, Décl. Pour que nous soyons témoins du Christ qui nous a libérés (13 décembre 1991), III, 8: Ench. Vat. 13, nn. 653-655; La Documentation catholique 89 (1992), p. 129.
(191) Proposition 62.


Religions non chrétiennes

51 Quant aux religions non chrétiennes, l'Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint en elles. (192) C'est pourquoi, face aux autres religions, les catholiques entendent souligner les éléments de vérité où qu'ils puissent se trouver, mais en même temps ils témoignent fortement de la nouveauté de la révélation du Christ, conservée dans son intégrité par l'Église. (193) Conformément à cette attitude, ils refusent comme étrangère à l'esprit du Christ toute discrimination ou persécution contre des personnes pour des motifs de race, de couleur ou de condition de vie ou de religion. La différence de religion ne doit jamais être cause de violence ou de guerre. Au contraire, des personnes de croyances diverses doivent se sentir portées, précisément en raison de leur croyance, à travailler ensemble pour la paix et pour la justice.

« Les musulmans, comme les chrétiens et les juifs, appellent Abraham leur père. Cela doit faire en sorte que, dans toute l'Amérique, ces trois communautés vivent en harmonie et oeuvrent ensemble pour le bien commun. De même, l'Église en Amérique doit s'efforcer d'augmenter le respect mutuel et les bonnes relations avec les religions autochtones américaines ». (194) Un comportement analogue doit être promu à l'égard des groupes hindous et bouddhistes ou d'autres religions que les récents flux migratoires, en provenance de pays orientaux, ont amenés en terre américaine.

(192) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décl. sur les relations de l'Église avec les religions non chrétiennes Nostra aetate, n.
NAE 2.
(193) Cf. Proposition 63.
(194) Ibid.


CHAPITRE V

ENTRONS DANS LA SOLIDARITÉ


« À ceci tous reconnaîtront que vous êtes
mes disciples: si vous avez de l'amour
les uns pour les autres » (Jn 13,35)

La solidarité, fruit de la communion

52 « En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25,40 cf. Mt 25,45). La conscience de la communion avec le Christ et avec les frères, qui est aussi fruit de la conversion, conduit à servir le prochain dans tous ses besoins, aussi bien matériels que spirituels, car en tout homme resplendit le visage du Christ. C'est pourquoi « la solidarité est un fruit de la communion qui est fondée sur le mystère de Dieu un et trine, et sur le Fils de Dieu incarné et mort pour tous. Elle s'exprime dans l'amour du chrétien qui cherche le bien des autres, spécialement des plus nécessiteux ». (195)

De là naît pour les Églises particulières du continent américain l'engagement à la solidarité réciproque et au partage des dons spirituels et des biens matériels dont Dieu les a comblées, rendant les personnes disposées à s'y investir là où c'est nécessaire. En s'appuyant sur l'Évangile, il faut promouvoir une culture de la solidarité qui encourage les initiatives opportunes en vue de soutenir les pauvres et les marginaux, et particulièrement les réfugiés, qui se voient contraints d'abandonner leurs villages et leurs terres pour échapper à la violence. L'Église en Amérique doit stimuler les organismes internationaux du continent, pour que s'établisse un ordre économique dans lequel ne domine pas seulement le critère du profit, mais encore ceux de la recherche du bien commun national et international, de la distribution équitable des biens et de la promotion intégrale des peuples. (196)

(195) Proposition 67.
(196) Cf. ibid.


Ecclesia in America FR 41