Ecclesia in Africa FR 49

Dépassement des divisions

49 Un autre défi reconnu par les Pères synodaux porte sur diverses formes de divisions qu'il faut apaiser par une pratique honnête du dialogue.[60] Il a été remarqué avec raison qu'à l'intérieur des frontières héritées des puissances coloniales la coexistence de groupes ethniques, de traditions, de langues et même de religions différentes rencontre souvent des difficultés dues à de graves hostilités réciproques. « Les oppositions tribales mettent parfois en péril, sinon la paix, du moins la poursuite du bien commun de l'ensemble de la société, et créent aussi des difficultés pour la vie des Églises et l'accueil des pasteurs d'autres ethnies ».[61] C'est pourquoi l'Église en Afrique se sent appelée précisément à réduire ces fractures. De ce point de vue aussi, l'Assemblée spéciale a souligné l'importance du dialogue oecuménique avec les autres Églises et Communautés ecclésiales, du dialogue avec la religion traditionnelle africaine et avec l'Islam. Les Pères synodaux ont recherché les moyens d'atteindre ce but.

[60] Cf. Synode des évêques, Assemblée spéciale pour l’Afrique, Rapport avant la discussion (11 avril 1994), n. 6 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 478.
[61] Commission pontificale « Justice et Paix », Document L’Église face au racisme : pour une société plus fraternelle (3 novembre 1988), n. 12 : Typographie polyglotte vaticane, Cité du Vatican 1988.


Mariage et vocations

50 Un défi important, souligné à la quasi unanimité par les Conférences épiscopales d'Afrique dans leurs réponses aux Lineamenta, concerne le Mariage chrétien et la vie familiale.[62] Ce qui est en jeu ici est le fait que « l'avenir du monde et de l'Église passe par la famille ».[63]
L'une des autres tâches fondamentales soulignées par l'Assemblée spéciale concerne les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée : les discerner avec sagesse, prévoir des formateurs capables de les accompagner et veiller à la qualité de la formation donnée. Du soin apporté à la solution de ces questions dépend l'espérance d'une floraison de vocations missionnaires africaines, nécessaire pour annoncer l'Évangile dans toutes les parties du continent et même au-delà.

[62] Cf. Synode des évêques, Assemblée spéciale pour l’Afrique, Instrumentum laboris, n. 68 ; Rapport avant la discussion (11 avril 1994), n. 17 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 480 ; Rapport après la discussion (22 avril 1994), nn. 6, 9 et 21 : L’Osservatore Romano, 24 avril 1994, p. 8.
[63] Familiaris consortio (22 novembre 1981), n. 75 : AAS 74 (1982), p. 173.



Difficultés sociales et politiques

51 « En Afrique, la nécessité d'appliquer l'Évangile à la vie concrète est fortement ressentie. Comment quelqu'un pourrait-il annoncer le Christ sur cet immense continent s'il oublie qu'il est une des régions les plus pauvres du monde ? Comment quelqu'un pourrait-il manquer de prendre en considération l'histoire chargée de souffrances d'une terre où de nombreuses nations sont encore aux prises avec la faim, la guerre, les tensions raciales et tribales, l'instabilité politique et la violation des droits de l'homme ? Tout cela constitue un défi pour l'évangélisation ».[64]
Tous les documents préparatoires, ainsi que les échanges en Assemblée, ont mis amplement en évidence le fait que des questions telles que la pauvreté croissante en Afrique, l'urbanisation, la dette internationale, le commerce des armes, le problème des réfugiés et des personnes déplacées, les problèmes démographiques et les menaces qui pèsent sur la famille, l'émancipation des femmes, la propagation du sida la survivance en certains lieux de la pratique de l'esclavage, l'ethnocentrisme et les oppositions tribales, font partie des défis fondamentaux examinés par le Synode.

[64] Jean-Paul II, Angélus (20 mars 1994), n. 1 : L’Osservatore Romano, 21-22 mars 1994, p. 5.



L'invasion des médias

52 Enfin, l'Assemblée spéciale s'est préoccupée des moyens de communication sociale, une question très importante, car il s'agit à la fois de moyens d'évangélisation et de moyens de diffusion d'une nouvelle culture qu'il faut évangéliser.[65] Les Pères synodaux ont été ainsi mis en face du triste fait que « les pays en voie de développement, au lieu de se transformer en nations auto- nomes, préoccupées de leur progression vers la juste participation aux biens et aux services destinés à tous, deviennent les pièces d'un mécanisme, les parties d'un engrenage gigantesque. Cela se vérifie souvent aussi dans le domaine des moyens de communication sociale qui, étant la plupart du temps gérés par des centres situés dans la partie Nord du monde, ne tiennent pas toujours un juste compte des priorités et des problèmes propres de ces pays et ne respectent pas leur physionomie culturelle ; il n'est pas rare qu'ils imposent au contraire une vision déformée de la vie et de l'homme et qu'ainsi ils ne répondent pas aux exigences du vrai développement ».[66]

[65] Cf. Message du Synode (6 mai 1994), nn. 45-48 : La Documentation catholique 91 (1994), pp. 531-532.
[66] Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987), n. 22 : AAS 80 (1988), p. 539.




III. Formation des agents de l'évangélisation

53 Avec quelles ressources l'Église en Afrique s'efforcera-t-elle de relever les défis que je viens de mentionner ? « La plus importante, après la grâce du Christ, est celle du peuple. Le Peuple de Dieu — entendu au sens théologique de Lumen gentium, ce peuple comprenant les membres du Corps du Christ dans sa totalité — a reçu le mandat, qui est à la fois un honneur et un devoir, de proclamer le message évangélique. [...] La communauté entière a besoin d'être préparée, motivée et renforcée pour l'évangélisation, chacun selon son rôle spécifique au sein de l'Église ».[67] C'est pourquoi le Synode a mis si fortement l'accent sur la formation des agents de l'évangélisation en Afrique. J'ai déjà rappelé la nécessité d'une formation appropriée des candidats au sacerdoce et de ceux qui sont appelés à la vie consacrée. L'Assemblée a également prêté l'attention qui convient à la formation des fidèles laïcs, soulignant leur rôle irremplaçable dans l'évangélisation de l'Afrique. En particulier, on a mis l'accent, à juste titre, sur la formation des catéchistes laïcs.

[67] Synode des évêques, Assemblée spéciale pour l’Afrique, Rapport avant la discussion (11 avril 1994), n. 8 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 478.


54 Une autre question se présente : l'Église en Afrique a-t-elle formé suffisamment les laïcs, pour les rendre capables d'assumer toutes leurs responsabilités civiques et de réfléchir sur les affaires d'ordre socio-politique à la lumière de l'Évangile et de la foi en Dieu ? C'est un devoir pour les chrétiens d'exercer une influence sur le tissu social, pour transformer les mentalités et les structures de la société de telle sorte qu'elles reflètent mieux les desseins de Dieu sur la famille humaine. C'est pourquoi j'ai souhaité pour les laïcs une formation complète, qui les aide à mener une vie pleinement cohérente. Pour les disciples authentiques du Christ, la foi, l'espérance et la charité ont leur influence sur le comportement dans toute activité, toute situation et toute responsabilité. Puisque « évangéliser c'est porter la Bonne Nouvelle dans tous les milieux de l'humanité et, par son impact, transformer du dedans, rendre neuve l'humanité elle-même »,[68] les chrétiens doivent être formés à vivre les implications sociales de l'Évangile de telle sorte que leur témoignage devienne un défi prophétique à tout ce qui nuit au vrai bien des hommes et des femmes d'Afrique, de même que de tous les autres continents.

[68] Évangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 18 : AAS 68 (1976), p. 17.



CHAPITRE III ÉVANGÉLISATION ET INCULTURATION

Mission de l'Église

55 « Allez dans le monde entier, proclamer l'Évangile à toute la création » (Mc 16,15). Tel est le mandat qu'avant de monter vers le Père, le Christ Ressuscité donna à ses Apôtres. « Pour eux, ils s'en allèrent prêcher en tout lieu » (Mc 16,20).
« La tâche d'évangéliser tous les hommes constitue dès lors la mission essentielle de l'Église [...]. Évangéliser est la grâce et la vocation propre de l'Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser ».[69] En effet, elle naît de l'action évangélisatrice de Jésus et des Douze, elle est à son tour envoyée, « dépositaire de la Bonne Nouvelle à annoncer [...]. L’Église commence par s'évangéliser elle-même ». Ensuite, « l'Église elle-même envoie des évangélisateurs. Elle met dans leur bouche la Parole qui sauve ».[70] Comme l'Apôtre des Nations, l'Église peut dire : « Annoncer l'Évangile [...] c'est une nécessité qui m'incombe. Oui, malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile ! » (1 Co 1Co 9,16).
L'Église annonce la Bonne Nouvelle non seulement par la proclamation de la parole qu'elle a reçue du Seigneur, mais aussi par le témoignage de vie, grâce auquel les disciples du Christ rendent raison de la foi, de l'espérance, et de l'amour qui les habitent (cf. 1 P 1P 3,15).
Ce témoignage du chrétien rendu au Christ et à l'Évangile peut aussi conduire jusqu’au sacrifice suprême, le martyre (cf. Mc Mc 8,35). Car l'Église et le chrétien annoncent Celui qui est un « signe en butte à la contradiction » (Lc 2,34). Ils proclament « un Christ crucifié, scandale pour les juifs et folie pour les païens » (1 Co 1Co 1,23). Comme je l'ai dit plus haut, outre les illustres martyrs des premiers siècles, l'Afrique peut se glorifier de ses martyrs et de ses saints de l’époque moderne.
L'évangélisation a pour but de « transformer du dedans, rendre neuve l'humanité elle-même ».[71] Dans le Fils unique et par Lui, seront renouvelées les relations des hommes avec Dieu, des hommes entre eux et des hommes avec la création tout entière. C'est pourquoi l'annonce de l'Évangile peut contribuer à la transformation intérieure de tous les hommes de bonne volonté dont le coeur est ouvert à l'action de l'Esprit.

[69] Ibid., n. 14 : l.c., p. 13.
[70] Ibid., n. 15 : l.c., p. 15.
[71] Ibid., n. 18 : l.c., p. 17.



56 Témoigner de l'Évangile, en paroles et en actes, c'est la consigne que l'Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des Évêques a reçue et qu'elle transmet à l'Église du continent. « Vous serez mes témoins » (Ac 1,8), tel est l'enjeu, tels devront être aussi en Afrique les fruits du Synode dans tous les domaines de la vie des hommes.
Née de la prédication d'évêques et de prêtres missionnaires vaillants, efficacement aidés par les catéchistes — « cette armée digne d'éloge, qui a si magnifiquement mérité de l'oeuvre des missions auprès des païens »[72] —, l'Église en Afrique, terre devenue « nouvelle patrie du Christ »,[73] est désormais responsable de la mission sur le continent et dans le monde : « Africains, vous êtes désormais vos propres missionnaires », disait à Kampala mon prédécesseur Paul VI.[74] Compte tenu de ce que la grande majorité des habitants du continent africain n'a pas encore entendu la Bonne Nouvelle du Salut, le Synode recommande que soient encouragées les vocations missionnaires et il demande que l'offrande de prières, de sacrifices et d'aumônes en faveur du travail missionnaire de l'Église soit favorisée et activement soutenue.[75]

[72] Ad gentes, n. 17.
[73] Paul VI, Homélie durant la canonisation des bienheureux Charles Lwanga, Matthias Mulumba Kalemba et vingt compagnons martyrs de l’Ouganda (18 octobre 1964) : AAS 56 (1964), pp. 907-908.
[74] Discours au Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (31 juillet 1969), n. 1 : AAS 61 (1969), p. 575.
[75] Cf. Proposition 10.



Annonce

57 « Le Synode rappelle qu'évangéliser, c'est annoncer par la parole et par la vie la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, crucifié, mort et ressuscité, chemin, vérité et vie ».[76] À cette Afrique pressée de toutes parts par les germes de haine, de violence, de conflits et de guerres, les évangélisateurs doivent proclamer l'espérance de la vie enracinée dans le mystère pascal. C'est lorsque, humainement parlant, sa vie semblait vouée à l'échec, que Jésus a institué l'Eucharistie, « gage de la gloire éternelle »,[77] pour perpétuer dans le temps et dans l'espace sa victoire sur la mort. C'est pourquoi l'Assemblée spéciale pour l'Afrique, en cette période où le continent africain, sous certains aspects, est dans une situation critique, s'est voulue « Synode de la Résurrection, Synode de l'Espérance. [...] Christ notre Espérance est vivant, nous vivrons ! »[78] L'Afrique n'est pas vouée à la mort, mais à la vie !
Il est donc nécessaire « que la nouvelle évangélisation soit centrée sur la rencontre avec la personne vivante du Christ ».[79] « La première annonce doit viser à faire faire cette expérience bouleversante et enthousiasmante de Jésus Christ qui appelle et entraîne à sa suite pour une aventure de foi ».[80] Cette tâche sera d'autant plus facile que « l'Africain croit en Dieu le Créateur à partir de sa vie et de sa religion traditionnelle. Il est donc aussi ouvert à la pleine et définitive révélation de Dieu en Jésus Christ, Dieu avec nous, Verbe fait chair. Jésus, la Bonne Nouvelle, c'est Dieu qui sauve l'Africain [...] de l'oppression et de l'esclavage ».[81]
L'évangélisation doit atteindre « l'homme et la société à tous les niveaux de leur existence. Elle s'exprime donc dans des activités diverses, notamment celles que le Synode a précisément prises en considération : annonce, inculturation, dialogue, justice et paix, moyens de communication sociale ».[82]
Pour la pleine réussite de cette mission, il faut veiller à ce « que, dans l'évangélisation, le recours à l'Esprit Saint soit accentué pour une continuelle Pentecôte, où Marie, comme dans la première Pentecôte, aura sa place ».[83] En effet, la force de l'Esprit Saint introduit l'Église dans la vérité tout entière (cf. Jn
Jn 16,13) et lui donne d'aller au-devant du monde pour témoigner du Christ avec assurance.

[76] Proposition 3.
[77] Antienne du Magnificat, O sacrum convivium : Office de la solennité du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ, deuxièmes vêpres.
[78] Message du Synode (6 mai 1994), n. 2 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 526.
[79] Proposition 4.
[80] Synode des évêques, Assemblée spéciale pour l’Afrique, Message du Synode (6 mai 1994), n. 9 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 527.
[81] Proposition 4.
[82] Proposition 3.
[83] Proposition 4.



58 La Parole qui sort de la bouche de Dieu est vivante et efficace, elle ne lui revient jamais sans effet (cf. Is Is 55,11 He 4,12-13). Il faut donc proclamer la Parole sans relâche, insister « à temps et à contretemps [...] avec une patience inlassable et le souci d'instruire » (2 Tm 2Tm 4,2). Confiée en premier lieu à l'Église, la Parole de Dieu mise par écrit « n'est [pas] objet d'explication personnelle » (2 P 2P 1,20) ; il revient à l'Église d'en donner l'interprétation authentique.[84]
Pour que la Parole de Dieu soit connue, aimée, contemplée et conservée dans le coeur des fidèles (cf. Lc Lc 2,19 Lc Lc 2,51), il faut intensifier les efforts pour faciliter l'accès à l'Écriture sainte, notamment par des traductions intégrales ou partielles de la Bible, faites autant que possible en collaboration avec les autres Églises et Communautés ecclésiales, et accompagnées de guides de lecture pour la prière, l'étude en famille ou en communauté. En outre, il convient de promouvoir une formation biblique des membres du clergé, des religieux, des catéchistes et des laïcs en général ; de prévoir des célébrations de la Parole ; de favoriser l'apostolat biblique grâce au Centre Biblique pour l'Afrique et Madagascar ainsi qu'à d'autres structures similaires, à encourager à tous les niveaux. En somme, on cherchera à mettre l'Écriture Sainte entre les mains de tous les fidèles dès leur plus jeune âge.[85]

[84] Cf. Proposition 6.
[85] Cf. ibid.


Urgence et nécessité de l'inculturation

59 Les Pères synodaux ont à maintes reprises souligné l'importance particulière pour l'évangélisation de l'inculturation ou processus par lequel « la catéchèse s'incarne dans les différentes cultures ».[86] L'inculturation comprend une double dimension : d'une part « une intime transformation des authentiques valeurs culturelles par leur intégration dans le christianisme » et, d'autre part, « l'enracinement du christianisme dans les diverses cultures ».[87] Le Synode considère l'inculturation comme une priorité et une urgence dans la vie des Églises particulières pour un enracinement réel de l'Évangile en Afrique,[88] « une exigence de l'évangélisation »,[89] « un cheminement vers une pleine évangélisation »,[90] l'un des enjeux majeurs pour l'Église dans le continent à l'approche du troisième millénaire.[91]

[86] Catechesi tradendae (16 octobre 1979), n. 53 : AAS 71 (1979), p. 1319.
[87] Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 52 : AAS 83 (1991), p. 229 ; cf. Proposition 28.
[88] Cf. Proposition 29.
[89] Proposition 30.
[90] Proposition 32.
[91] Cf. Proposition 33.



Fondements théologiques

60 « Mais quand vint la plénitude du temps » (Ga 4,4), le Verbe, deuxième Personne de la Sainte Trinité, Fils unique de Dieu, « par l'Esprit Saint a pris chair de la Vierge Marie et s'est fait homme ».[92] C'est le sublime mystère de l'Incarnation du Verbe, qui a eu lieu dans l'histoire : dans des circonstances de temps et de lieu bien définies, au milieu d'un peuple avec sa culture, peuple que Dieu avait élu et accompagné tout au long de l'histoire du salut, afin de montrer par lui ce qu'Il entendait faire pour tout le genre humain.
Preuve manifeste de l'amour de Dieu pour les hommes (cf. Rm Rm 5,8), Jésus Christ, par sa vie, par la Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres, par sa passion, sa mort et sa résurrection glorieuse, a opéré la rémission de nos péchés et notre réconciliation avec Dieu, son Père et — grâce à lui — notre Père. La Parole que l'Église annonce, c'est le Verbe de Dieu fait homme, lui-même le sujet et l'objet de cette Parole. La Bonne Nouvelle, c'est Jésus Christ.
Comme le « Verbe s'est fait chair et [qu']il a habité parmi nous » (Jn 1,14), ainsi la Bonne Nouvelle, la Parole de Jésus Christ annoncée aux nations doit s'inscrire dans le milieu de vie de ceux qui l'écoutent. L'inculturation est précisément l'insertion du message évangélique dans les cultures.[93] En effet, parce qu'elle a été intégrale et concrète,[94] l'incarnation du Fils de Dieu a été aussi une incarnation dans une culture déterminée.

[92] Symbole de Nicée-Constantinople : DS 150.
[93] Cf. Catechesi tradendae (16 octobre 1979), n. 53 : AAS 71 (1979), p. 1319.
[94] Cf. Jean-Paul II, Discours à l’Université de Coimbra (15 mai 1982), n. 5 : La Documentation catholique 79 (1982), p. 549.



61 Étant donné la relation étroite et organique qui existe entre Jésus Christ et la parole qu'annonce l'Église, l'inculturation du message ne peut pas ne pas entrer dans la « logique » propre au Mystère de la Rédemption. L'Incarnation du Verbe, en effet, n'est pas un moment isolé, mais elle tend vers « l'Heure » de Jésus et le mystère pascal : « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24). « Et moi, dit Jésus, une fois élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12,32). Cet abaissement de soi, cette kénose nécessaire à l'exaltation, chemin de Jésus et de chacun de ses disciples (cf. Ph Ph 2,6-9), est éclairante pour la rencontre des cultures avec le Christ et son Évangile. « Chaque culture a besoin d'être transformée par les valeurs de l'Évangile à la lumière du mystère de Pâques ».[95]
C'est en considérant le mystère de l'Incarnation et de la Rédemption que l'on doit opérer le discernement des valeurs et des anti-valeurs des cultures. Comme le Verbe de Dieu est devenu en tout semblable à nous, sauf dans le péché, ainsi l'inculturation de la Bonne Nouvelle intègre toutes les valeurs humaines authentiques en les purifiant du péché et en leur rendant la plénitude de leur sens.
L'inculturation a aussi des liens profonds avec le mystère de la Pentecôte. Grâce à l'effusion et à l’action de l'Esprit, qui unifie les dons et les talents, tous les peuples de la terre, en entrant dans l'Église, vivent une nouvelle Pentecôte, professent en leur langue l'unique foi en Jésus Christ et proclament les merveilles que le Seigneur a faites pour eux. L'Esprit, qui est sur le plan naturel source première de la sagesse des peuples, conduit l'Église, par sa lumière surnaturelle, dans la connaissance de la Vérité tout entière. À son tour, l'Église, accueillant les valeurs des différentes cultures, devient la « sponsa ornata monilibus suis », l'épouse qui se pare de ses bijoux (cf. Is Is 61,10).

[95] Proposition 28.



Critères et domaines de l'inculturation

62 Cette tâche est difficile et délicate, car elle met en jeu la fidélité de l'Église à l'Évangile et à la Tradition apostolique dans une évolution constante des cultures. À juste titre, les Pères synodaux ont fait observer : « Au regard des rapides changements culturels, sociaux, économiques et politiques, nos Églises locales devront travailler à un processus d'inculturation toujours renouvelé [en respectant] les deux critères suivants : la compatibilité avec le message chrétien et la communion avec l'Église universelle [...]. Dans tous les cas, on doit prendre soin d'éviter tout syncrétisme ».[96]
« Cheminement vers une pleine évangélisation, l'inculturation vise à permettre à l'homme d'accueillir Jésus Christ dans l'intégralité de son être personnel, culturel, économique et politique, en vue de sa pleine et totale union à Dieu le Père, et d'une vie sainte sous l'action de l'Esprit Saint ».[97]
Tandis qu'il rend grâce à Dieu pour les fruits que les efforts d'inculturation ont déjà portés dans la vie des Églises du continent, notamment dans les antiques Églises orientales d'Afrique, le Synode a recommandé « aux évêques et aux Conférences épiscopales de tenir compte que l'inculturation englobe tous les domaines de la vie de l'Église et de l'évangélisation : théologie, liturgie, vie et structure de l'Église. Tout ceci souligne le besoin d'une recherche dans le domaine des cultures africaines en toute leur complexité ». Le Synode a invité les pasteurs « à exploiter au maximum les nombreux pouvoirs que la discipline actuelle de l'Église accorde déjà à ce sujet ».[98]

[96] Proposition 31.
[97] Proposition 32.
[98] Ibid.


Église Famille de Dieu

63 Non seulement le Synode a parlé de l'inculturation, mais il l'a appliquée en prenant, pour l'évangélisation de l'Afrique, l'idée-force de l'Église Famille de Dieu.[99] Les Pères y ont vu une expression particulièrement appropriée de la nature de l'Église pour l'Afrique. L'image, en effet, met l'accent sur l'attention à l'autre, la solidarité, la chaleur des relations, l'accueil, le dialogue et la confiance.[100] La nouvelle évangélisation visera donc à édifier l'Église Famille, en excluant tout ethnocentrisme et tout particularisme excessif, en prônant la réconciliation et une vraie communion entre les différentes ethnies, en favorisant la solidarité et le partage en ce qui concerne le personnel et les ressources entre Églises particulières, sans considérations indues d'ordre ethnique.[101] « Il est vivement souhaité que les théologiens élaborent la théologie de l’Église Famille avec toute la richesse de son concept, en dégageant sa complémentarité avec d'autres images de l'Église ».[102]
Cela suppose une réflexion approfondie sur le patrimoine biblique et traditionnel que le Concile Vatican II a présenté dans la Constitution dogmatique Lumen gentium. Ce texte admirable expose la doctrine sur l'Église en recourant à des images empruntées à l'Écriture comme Corps mystique, Peuple de Dieu, temple de l'Esprit, troupeau et bercail, maison où Dieu demeure avec les hommes. Selon le Concile, l'Église est l'épouse du Christ et notre mère, cité sainte et prémices du Royaume à venir. Il conviendra de tenir compte de ces images suggestives pour développer, selon les propositions du Synode, une ecclésiologie centrée sur le concept d'Église Famille de Dieu.[103] On pourra apprécier alors, dans toute sa richesse et toute sa densité, l'affirmation qui est le point de départ de la Constitution conciliaire : « L'Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire le signe et l'instrument de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain ».[104]

[99] Cf. Lumen gentium, n. 6.
[100] Cf. Proposition 8.
[101] Cf. Ibid.
[102] Ibid.
[103] Cf. ibid.
[104] Lumen gentium, n. 1 ; voir aussi l’ensemble des chapitres I et II de cette Constitution.


Domaines d'application

64 Dans la pratique, sans préjudice des traditions propres à chaque Église, latine ou orientale, « l'inculturation de la liturgie, pourvu qu'elle ne change rien aux éléments essentiels de celle-ci, devrait être poursuivie, pour que le peuple fidèle puisse mieux comprendre et vivre les célébrations liturgiques ».[105]
Lorsque la doctrine est difficilement assimilable même après une longue période d'évangélisation, ou encore lorsque sa pratique pose de sérieux problèmes pastoraux, notamment dans la vie sacramentelle, le Synode réaffirme qu'il faut demeurer fidèle à l'enseignement de l'Église et en même temps respecter les personnes selon la justice et avec une vraie charité pastorale. Compte-tenu de cela, il souhaite que les Conférences épiscopales, de concert avec les Universités et Instituts catholiques, créent des commissions d'études, notamment pour ce qui est du mariage, de la vénération des ancêtres et du monde des esprits, en vue d'examiner à fond tous les aspects culturels des problèmes posés du point de vue théologique, sacramentel, rituel et canonique.[106]

[105] Proposition 34.
[106] Cf. Propositions 35-37.


Dialogue

65 « L'attitude de dialogue est le mode d'être du chrétien à l'intérieur de sa communauté comme avec les autres croyants, et les hommes et les femmes de bonne volonté ».[107] Le dialogue se pratiquera d’abord au sein même de l'Église Famille, à tous les niveaux : entre les évêques, les Conférences épiscopales ou Assemblées de la hiérarchie et le Siège apostolique, entre les Conférences ou Assemblées épiscopales des différents pays du même continent et celles des autres continents et, dans chaque Église particulière, entre l'évêque, le presbytérium, les personnes consacrées, les agents pastoraux et les fidèles laïcs ; de même qu'entre les fidèles des différents rites au sein de la même Église. Le S.C.E.A.M. veillera à se doter « des structures et des moyens qui garantissent l'exercice de ce dialogue »,[108] notamment pour favoriser une solidarité pastorale organique.
« Unis au Christ dans leur témoignage en Afrique, les catholiques sont invités à développer un dialogue oecuménique avec tous les frères baptisés des autres confessions chrétiennes, afin qu'advienne l'unité pour laquelle le Christ a prié et qu'ainsi leur service des populations du continent rende l'Évangile plus crédible aux yeux de ceux et de celles qui cherchent Dieu ».[109] Un tel dialogue pourra se concrétiser dans des initiatives comme la traduction oecuménique de la Bible, l'approfondissement théologique de certains aspects de la foi chrétienne, ou encore en rendant de concert un témoignage évangélique pour la justice, la paix et le respect de la dignité humaine. On veillera à créer à cet effet des commissions nationales et diocésaines pour l'oecuménisme.[110] Tous ensemble, les chrétiens sont responsables du témoignage à rendre à l'Évangile dans le continent. Les progrès de l'oecuménisme ont aussi pour fin de nous permettre de rendre plus efficace ce témoignage.

[107] Proposition 38.
[108] Proposition 39.
[109] Proposition 40.
[110] Cf. Ibid.


66 « Cet effort de dialogue se doit d'embrasser également les musulmans de bonne volonté. Les chrétiens ne sauraient oublier que beaucoup de musulmans entendent imiter la foi d'Abraham et vivre les exigences du Décalogue ».[111] À ce propos, le Message du Synode souligne que le Dieu vivant, Créateur du ciel et de la terre et Maître de l'histoire, est le Père de la grande famille humaine que nous formons. En tant que tel, Dieu veut que nous témoignions de lui dans le respect des valeurs et des traditions religieuses propres à chacun, travaillant ensemble pour la promotion humaine et le développement à tous les niveaux. Loin de vouloir être celui au nom duquel on tuerait d'autres hommes, il engage les croyants à se mettre ensemble au service de la vie, dans la justice et la paix.[112] On veillera donc particulièrement à ce que le dialogue islamo-chrétien respecte de part et d'autre l'exercice de la liberté religieuse avec tout ce qu'elle comporte, notamment les manifestations extérieures et publiques de la foi.[113] Chrétiens et musulmans sont appelés à promouvoir un dialogue exempt de tous les dangers qu'entraînent un irénisme de mauvais aloi ou un fondamentalisme militant, et à s'élever contre des politiques et des pratiques déloyales, ainsi que contre tout manque de réciprocité en matière de liberté religieuse.[114]

[111] Proposition 41.
[112] Cf. n. 23 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 528.
[113] Cf. Proposition 41.
[114] Cf. ibid.



67 En ce qui concerne la religion traditionnelle africaine, un dialogue serein et prudent pourra, d'une part préserver d'influences négatives qui affectent la manière de vivre de nombreux catholiques, et, d'autre part, permettre l'assimilation de valeurs positives, telles que la croyance en un Être Suprême, Éternel, Créateur, Providence et juste Juge, qui s'harmonisent avec le contenu de la foi. Ces valeurs peuvent être considérées comme une préparation évangélique, car elles comprennent de précieuses semences du Verbe, qui sont susceptibles de conduire, comme elles l'ont déjà fait dans le passé, un grand nombre de personnes à « s'ouvrir à la plénitude de la Révélation en Jésus Christ à travers la proclamation de l'Évangile ».[115]
Aussi faut-il traiter avec beaucoup de respect et d'estime les adeptes de la religion traditionnelle, en évitant tout langage inadéquat et irrespectueux. À cet effet, les enseignements qui conviennent seront donnés dans les maisons de formation sacerdotales et religieuses sur la religion traditionnelle.[116]

[115] Proposition 42.
[116] Cf. ibid.


Développement humain intégral

68 Le développement humain intégral — développement de tout homme et de tout l'homme, spécialement des plus pauvres et des plus déshérités de la communauté — se situe au coeur même de l'évangélisation. « Entre évangélisation et promotion humaine — développement, libération — il y a des liens profonds. Liens d'ordre anthropologique, parce que l'homme à évangéliser n'est pas un être abstrait, mais qu'il est sujet aux questions sociales et économiques. Liens d'ordre théologique, puisqu'on ne peut pas dissocier le plan de la Création du plan de la Rédemption qui, lui, atteint les situations très concrètes de l'injustice à combattre et de la justice à restaurer. Liens de cet ordre éminemment évangélique qui est celui de la charité : comment en effet proclamer le commandement nouveau sans promouvoir dans la justice et la paix la véritable, l'authentique croissance de l'homme ? »[117]
Aussi, lorsqu'il entama son ministère public à la synagogue de Nazareth, le Seigneur Jésus choisit, pour illustrer sa mission, le texte messianique du Livre d'Isaïe : « L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction, pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur » (
Lc 4,18-19 cf. Is Is 61,1-2).
Le Seigneur se considère donc comme envoyé pour soulager la misère des hommes et combattre toute forme de marginalisation. Il est venu libérer l'homme ; il est venu prendre nos infirmités et se charger de nos maladies. « De fait tout le ministère de Jésus est lié à l'attention de tous ceux qui, autour de lui, étaient touchés par la souffrance : personnes dans le deuil, paralytiques, lépreux, aveugles, sourds, muets (cf. Mt Mt 8,17) ».[118] « Il est impossible d'accepter que l'oeuvre d'évangélisation puisse ou doive négliger les questions extrêmement graves, tellement agitées aujourd'hui, concernant la justice, la libération, le développement et la paix dans le monde » :[119] la libération que l'évangélisation annonce « ne peut pas se cantonner dans la simple et restreinte dimension économique, politique, sociale ou culturelle, mais elle doit viser l'homme tout entier, dans toutes ses dimensions, jusques et y compris dans son ouverture vers l'absolu, même l'Absolu de Dieu ».[120]
Comme le dit avec pertinence le Concile Vatican II, « l'Église, en poursuivant la fin salvifique qui lui est propre, non seulement communique à l'homme la vie divine, mais répand également sa lumière, qui se réfléchit d'une certaine façon sur le monde entier, principalement par le fait qu'elle rétablit et ennoblit la dignité de la personne humaine, qu'elle affermit la cohésion de la société humaine, et qu'elle pénètre l'activité quotidienne des hommes d'une signification et d'un sens plus profonds. Ainsi, par chacun de ses membres et par toute la communauté qu'elle forme, l'Église croit pouvoir apporter un large concours pour que la famille humaine et son histoire deviennent plus humaines ».[121] L'Église annonce et commence à mettre en oeuvre le Règne de Dieu à la suite de Jésus, car « la nature du Royaume est la communion de tous les êtres humains entre eux et avec Dieu ».[122] Ainsi « le Royaume est source de complète libération et de salut total pour les hommes : l'Église avance donc avec les hommes et vit dans une solidarité totale et intime avec leur histoire ».[123]

[117] Évangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 31 : AAS 68 (1976), p. 26.
[118] Synode des évêques, Assemblée spéciale pour l’Afrique, Lineamenta, n. 79.
[119] Évangelii nuntiandi (8 décembre 1975), n. 31 : AAS 68 (1976), p. 26.
[120] Ibid., n. 33 : l.c., p. 27.
[121] Const. past. Gaudium et spes, n. 40.
[122] Redemptoris missio (7 décembre 1990), n. 15 : AAS83 (1991), p. 263.
[123] Christifideles laici (30 décembre 1988), n. 36 : AAS 81 (1989), p. 459.


69 L'histoire des hommes prend tout son sens dans l'Incarnation du Verbe de Dieu qui est le fondement de la dignité humaine restaurée. C'est par le Christ, « Image du Dieu invisible, Premier-né de toute créature » (Col 1,15), que l'homme a été racheté et, plus encore, « par son Incarnation, le Fils de Dieu lui-même s'est en quelque sorte uni à tout homme ».[124] Comment ne pas s'écrier avec saint Léon le Grand : « Chrétien prends conscience de ta dignité ! »[125]
Annoncer le Christ, c'est donc révéler à l'homme sa dignité inaliénable que Dieu a rachetée par l'Incarnation de son Fils unique. Le Concile Vatican II déclare encore : « Comme l'Église, s'est vue chargée de manifester le mystère de ce Dieu qui est la fin ultime de l'homme, elle révèle en même temps à l'homme le sens de sa propre existence, c'est-à-dire le fond de la vérité sur l'homme ».[126]
Parce qu'il a cette dignité humaine incomparable, l'homme ne peut vivre dans des conditions de vie sociale, économique, culturelle et politique infra-humaines. Voilà le fondement théologique du combat pour la dignité humaine, pour la justice et la paix sociale, pour la promotion humaine, la libération et le développement intégral de l'homme et de tout homme. Voilà aussi pourquoi, du fait de cette dignité, le développement des peuples — au sein de chaque nation et dans les relations internationales — doit se réaliser de façon solidaire, ainsi que le disait fort bien mon prédécesseur Paul VI.[127] Dans cette perspective, il a pu déclarer : « Le développement est le nouveau nom de la paix ».[128] On peut donc dire à juste titre que « le développement intégral suppose le respect de la dignité humaine qui ne peut se réaliser que dans la justice et la paix ».[129]

[124] Gaudium et spes, n. 22.
[125] Sermo XXI, 3 : SC 22a, p. 72.
[126] Gaudium et spes, n. 41.
[127] Cf. Populorum progressio (26 mars 1967), n. 48 : AAS 59 (1967), p. 281.
[128] Ibid., n. 87 : l.c., p. 299.
[129] Proposition 45.




Ecclesia in Africa FR 49