Ecclesia in Africa FR 91

Catéchistes

91 « Le rôle des catéchistes a été et demeure déterminant dans l'implantation et l'expansion de l'Église en Afrique. Le Synode recommande que les catéchistes non seulement bénéficient d'une parfaite formation initiale [...], mais aussi continuent à recevoir une formation doctrinale, ainsi qu'un soutien moral et spirituel ».[173] Autant les évêques que les prêtres suivront attentivement leurs catéchistes et veilleront à ce qu'ils jouissent de conditions de vie et de travail dignes, pour le bon accomplissement de leur mission. Au sein de la communauté chrétienne, leur charge sera reconnue et honorée.

[173] Proposition 13.


La famille

92 Le Synode a lancé explicitement un appel pour que chaque famille chrétienne africaine devienne « un lieu privilégié de témoignage évangélique »,[174] une véritable « Église domestique »,[175] une communauté qui croit et qui évangélise,[176] une communauté en dialogue avec Dieu[177] et une communauté prête à servir l'homme avec générosité[178] « C'est au sein de la famille que les parents sont "par la parole et par l'exemple [...] pour leurs enfants les premiers hérauts de la foi" ».[179] « C'est ici que s'exerce de façon privilégiée le sacerdoce baptismal du père de famille, de la mère, des enfants, de tous les membres de la famille, "par la réception des sacrements, la prière et l'action de grâce, le témoignage d'une vie sainte, et par leur renoncement et leur charité effective". Le foyer est ainsi la première école de vie chrétienne et une "école d'enrichissement humain" ».[180]
Les parents veilleront à l'éducation chrétienne de leurs enfants. Avec l'aide de familles chrétiennes solides, épanouies et dévouées, les diocèses planifieront l'apostolat familial dans le cadre de la pastorale d'ensemble. En tant qu'« Église domestique », construite sur les bases culturelles solides et les riches valeurs de la tradition familiale africaine, la famille chrétienne est appelée à être une cellule puissante de témoignage chrétien, dans la société marquée par des mutations rapides et profondes. Le Synode a ressenti cette interpellation avec une urgence particulière dans le contexte de l'Année de la Famille que l'Église célébrait alors en union avec l'ensemble de la communauté internationale.

[174] Proposition 14.
[175] Lumen gentium, n. 11.
[176] Cf. Familiaris consortio (22 novembre 1981), n. 52 : AAS 74 (1982), pp. 144-145.
[177] Cf. ibid., n. 55 : l.c., pp. 147-148.
[178] Cf. ibid., n. 62 : l.c., p. 155.
[179] Catéchisme de l’Église catholique, n. 1656, citant Lumen gentium, n. 11.
[180] Ibid., n. 1657, citant Lumen gentium, n. 10 et Const. past. Gaudium et spes, n. 52.


Jeunes

93 L'Église en Afrique sait bien que la jeunesse n'est pas seulement le présent mais surtout l'avenir de l'humanité. Il faut donc aider les jeunes à vaincre les obstacles à leur épanouissement, tels que l'analphabétisme, le désoeuvrement, la faim et la drogue.[181] Et pour affronter ces défis, on appellera les jeunes à être évangélisateurs de leur milieu. Personne ne le sera mieux qu'eux. Il est nécessaire que la pastorale de la jeunesse soit explicitement présente dans la pastorale d'ensemble des diocèses et des paroisses, de manière à fournir aux jeunes l'occasion de découvrir très tôt la valeur du don de soi, chemin primordial pour l'épanouissement de la personne ».[182] À ce propos, la célébration de la Journée mondiale des Jeunes se présente comme un moyen privilégié de pastorale de la jeunesse contribuant à leur formation par la prière, l'étude et la réflexion.

[181] Cf. Proposition 15.
[182] Cf. ibid.


Hommes et femmes consacrés

94 « Dans une Église Famille de Dieu, la vie consacrée a un rôle particulier, non seulement pour indiquer à tous l'appel à la sainteté, mais aussi pour témoigner de la vie fraternelle dans la communauté. Par conséquent les consacrés sont invités à répondre à la vocation à laquelle ils sont appelés, dans un esprit de communion et de collaboration avec leurs évêques respectifs, le clergé et les laïcs ».[183]
Dans les circonstances actuelles de la mission en Afrique, il est urgent de promouvoir les vocations religieuses de vie contemplative et active, choisies avec un grand discernement. On leur ménagera une solide formation humaine, spirituelle et doctrinale, apostolique et missionnaire, biblique et théologique. Cette formation sera renouvelée au cours des années, de manière continue et régulière. Pour la fondation de nouveaux Instituts religieux, on procédera avec une grande prudence et un discernement attentif, en se référant aux critères indiqués par le Concile Vatican II et aux normes canoniques en vigueur.[184] Une fois fondés, on les aidera à acquérir leur personnalité juridique et à jouir de leur autonomie dans les finances et les oeuvres propres.
L'Assemblée synodale, après avoir demandé aux « Instituts religieux qui n'ont pas de maisons en Afrique » de ne pas se sentir autorisés à y « chercher de nouvelles vocations sans un dialogue préalable avec l'Ordinaire du lieu »,[185] a ensuite exhorté les responsables des Églises locales, de même que ceux des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique, à promouvoir entre eux le dialogue, afin de créer, dans l'esprit de l'Église Famille, des groupes mixtes de concertation comme témoignage de fraternité et signe d'unité au service de la mission commune.[186] Dans cette perspective, j'ai aussi reçu l'invitation des Pères synodaux à réviser, si c'est nécessaire, certains points du document Mutuae relationes,[187] pour une meilleure définition de la place de la vie religieuse dans l'Église locale.[188]

[183] Proposition 16, qui se réfère explicitement à Lumen gentium, nn. 43-47.
[184] Cf. Décret Ad gentes, n. 18 ; Décret sur l’adaptation et la rénovation de la vie religieuse Perfectae caritatis, n. 19.
[185] Proposition 16.
[186] Cf. Proposition 22.
[187] Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers et Congrégation pour les Évêques, Mutuae relationes (14 mai 1978) : AAS 70 (1978), pp. 473-506.
[188] Cf. Proposition 22.


Futurs prêtres

95 « Aujourd'hui plus que jamais — ont affirmé les Pères synodaux —, l'on aura soin de former nos futurs prêtres aux vraies valeurs culturelles de leur pays, au sens de l'honnêteté, de la responsabilité et de la parole donnée. Ils seront formés de manière à revêtir les qualités de représentants du Christ, de vrais serviteurs et animateurs des communautés chrétiennes [...], de manière à être des prêtres spirituellement solides et disponibles, dévoués à la cause de l'Évangile, capables de gérer avec transparence les biens de l'Église, et de mener une vie simple en conformité avec leur milieu ».[189] Tout en respectant les traditions propres aux Églises orientales, que les séminaristes soient formés de manière à ce qu'ils « acquièrent une maturité affective et qu'ils aient des idées claires et une conviction intime sur l'indissociabilité du célibat et de la chasteté du prêtre » ;[190] en outre, « qu'ils reçoivent une formation adéquate sur le sens et la place de la consécration au Christ dans le sacerdoce ».[191]

[189] Proposition 18.
[190] Ibid.
[191] Ibid.



Diacres

96 Là où les conditions pastorales se prêtent à l'estime et à la compréhension de ce ministère antique dans l'Église, les Conférences et les Assemblées épiscopales étudieront la manière la plus adaptée de promouvoir et d'encourager le diaconat permanent « comme ministère ordonné et aussi comme agent d'évangélisation ».[192] Et, là où les diacres existent déjà, on fera en sorte qu'ils bénéficient d'une mise à jour méthodique et complète de leur formation.

[192] Proposition 17.


Prêtres

97 Profondément reconnaissant à tous les prêtres, diocésains et membres d'Instituts, pour l'oeuvre apostolique qu'ils accomplissent, et conscient des exigences de l'évangélisation des peuples d'Afrique et de Madagascar, le Synode a exhorté les prêtres à « la fidélité à leur vocation, dans un don total à leur mission et en pleine communion avec leur évêque ».[193] Quant aux évêques, ils veilleront à la formation permanente des prêtres, notamment dans les premières années de ministère,[194] et ils les aideront en particulier à approfondir le sens du célibat et à y persévérer dans une adhésion fidèle, « en reconnaissant la grandeur de ce don que le Père leur a accordé et que le Seigneur exalte si ouvertement, et en ayant devant les yeux les grands mystères signifiés et réalisés par le célibat ».[195] Dans cette formation, on sera aussi attentif aux saines valeurs du milieu de vie des prêtres. Il convient de rappeler en outre que le Concile Vatican II a encouragé les prêtres à « une certaine vie commune », ou à une certaine communauté de vie, dans les différentes formes répondant à leurs besoins concrets personnels et pastoraux. Cela contribuera à favoriser la vie spirituelle et intellectuelle, l'action apostolique et pastorale, la charité et la sollicitude réciproques, en particulier à l'égard des prêtres âgés, malades ou en difficulté.[196]

[193] Proposition 20.
[194] Cf.
PDV 70-77 (25 mars 1992) : AAS 84 (1992), pp. 778-796 ; Proposition 20.
[195] PO 16.
[196] Cf. PO 8.



Évêques

98 Les évêques eux-mêmes prendront grand soin de paître l'Église que Dieu s'est acquise par le sang de son propre Fils en accomplissant la charge que l'Esprit Saint leur a conférée (cf. Ac Ac 20,28). Suivant la recommandation conciliaire, ils « s'appliquent à leur charge apostolique comme des témoins du Christ devant tous les hommes ».[197] En collaboration confiante avec le presbytérium et les autres agents pastoraux, ils exercent personnellement l'irremplaçable service de l'unité dans la charité, en remplissant avec sollicitude leurs fonctions d'enseignement, de sanctification et de gouvernement pastoral. En outre, ils ne manqueront pas d'approfondir leur culture théologique et de fortifier leur vie spirituelle, en prenant part, autant que possible, aux sessions d'aggiornamento et de formation organisées par les Conférences épiscopales ou le Siège apostolique.[198] Ils se rappelleront en particulier que, selon la remarque de saint Grégoire le Grand, le pasteur est la lumière de ses fidèles, avant tout par une conduite morale exemplaire et empreinte de sainteté.[199]

[197] CD 11.
[198] Cf. Proposition 21.
[199] Cf. Epistolarum liber, VIII, 33 : PL 77, 935.



II. Structures d'évangélisation

99 Il est heureux et réconfortant de constater que « les fidèles laïcs sont de plus en plus associés à la mission de l'Église en Afrique et à Madagascar », grâce notamment « au dynamisme des mouvements d'action catholique, des associations d'apostolat, et des nouveaux mouvements de spiritualité. Les Pères du Synode ont vivement souhaité que cet élan se poursuive et se développe à tous les niveaux du laïcat, qu'il s'agisse des adultes, des jeunes ou des enfants ».[200]

[200] Proposition 23 ; cf. Rapport avant la discussion (11 avril 1994), n. 11 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 479.


Paroisses

100 La paroisse est par nature le milieu de vie et le lieu de culte habituel des fidèles, où ceux-ci peuvent exprimer et mettre en oeuvre les initiatives que la foi et la charité chrétiennes de la communauté des croyants suggèrent. Elle est le lieu où se manifeste la communion des divers groupes et mouvements qui doivent y trouver soutien spirituel et appui matériel. Prêtres et laïcs veilleront à ce que la vie de la paroisse soit harmonieuse, dans le cadre d'une Église Famille où tous sont « assidus à l'enseignement des Apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2,42).

Mouvements et associations

101 L'union fraternelle pour un témoignage vivant de l'Évangile sera aussi la finalité des mouvements apostoliques et des associations à caractère religieux. Les fidèles laïcs y trouvent, en effet, une occasion privilégiée d'être le levain dans la pâte (cf. Mt Mt 13,33), notamment en ce qui concerne la gestion du temporel selon Dieu et le combat pour la promotion de la dignité humaine, la justice et la paix.

Écoles

102 « Les écoles catholiques sont à la fois lieux d'évangélisation, d’éducation intégrale, d'inculturation et d'apprentissage du dialogue de vie entre jeunes de religions et de milieux sociaux différents ».[201] Aussi l'Église en Afrique et à Madagascar s'emploiera-t-elle à promouvoir « l'école pour tous »[202] dans le cadre de l'école catholique, sans négliger « l'éducation chrétienne des élèves des écoles non catholiques. Aux universitaires doit être dispensé un programme de formation religieuse correspondant à leur niveau d'étude ».[203] Tout cela suppose la formation humaine, culturelle et religieuse des éducateurs eux-mêmes.

[201] Proposition 24.
[202] Ibid.
[203] Ibid.



Universités et Instituts supérieurs

103 « Les Universités et les Instituts supérieurs catholiques en Afrique ont un rôle important à jouer dans la proclamation de la Parole salvifique de Dieu. Ils sont un signe de la croissance de l'Église en tant qu'ils intègrent dans leurs recherches les vérités et les expériences de la foi, et aident à les intérioriser. Ils sont ainsi au service de l'Église en lui fournissant du personnel bien préparé ; en étudiant des questions théologiques et sociales d'importance ; en développant la théologie africaine ; en promouvant le travail d'inculturation spécialement dans la célébration liturgique ; en publiant des livres et en diffusant la pensée catholique ; en entreprenant toutes recherches que leur confient les évêques et en contribuant à une étude scientifique des cultures ».[204]
En ces temps de bouleversements sociaux généralisés sur le continent, la foi chrétienne peut apporter un éclairage utile à la société africaine. « Les centres culturels catholiques offrent à l'Église des possibilités de présence et d'action dans le champ des mutations culturelles. Ils constituent, en effet, des forums publics qui permettent de faire connaître très largement, dans un dialogue créatif, les convictions chrétiennes sur l'homme, la femme, la famille, le travail, l'économie, la société, la politique, la vie internationale, l'environnement ».[205] Ils sont ainsi des lieux d'écoute, de respect et de tolérance.

[204] Proposition 25.
[205] Proposition 26.


Moyens matériels

104 Dans cette perspective, les Pères synodaux ont souligné qu'il est nécessaire que toute communauté chrétienne soit en mesure de pourvoir par elle-même, autant que possible, à ses propres besoins.[206] L'évangélisation requiert donc, outre les moyens humains, des moyens matériels et financiers substantiels, dont bien souvent les diocèses sont loin de disposer dans des proportions suffisantes. Il est donc urgent que les Églises particulières d'Afrique se fixent pour objectif d'arriver au plus tôt à pourvoir elles-mêmes à leurs besoins et à assurer leur autofinancement. Par conséquent, j'invite instamment les Conférences épiscopales, les diocèses et toutes les communautés chrétiennes des Églises du continent, chacune en ce qui la concerne, à faire diligence pour que cet autofinancement devienne de plus en plus effectif. Par ailleurs, j'adresse un appel aux Églises-soeurs du monde pour qu'elles soutiennent plus généreusement les OEuvres pontificales missionnaires et que, à travers leurs organismes d'aide, puissent être consentis aux diocèses dans le besoin des financements destinés à des projets d'investissement capables de produire des ressources, en vue de l'autofinancement progressif de nos Églises.[207] Il ne faut d'ailleurs pas oublier qu'une Église ne peut arriver à l'autosuffisance matérielle et financière que dans la mesure où le peuple qui lui est confié ne subit pas une misère extrême.

[206] Ad gentes, n. 15.
[207] Cf. Proposition 27.



CHAPITRE VI CONSTRUIRE LE ROYAUME DE DIEU

Royaume de justice et de paix

105 Le mandat que Jésus a donné à ses disciples au moment où il s'apprêtait à monter au ciel s'adresse à l'Église de Dieu pour tous les temps et tous les lieux. L'Église Famille de Dieu en Afrique doit aussi témoigner du Christ par la promotion de la justice et de la paix sur le continent et dans le monde entier. « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu. Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5,9-10), dit le Seigneur. Le témoignage de l'Église doit aller de pair avec l'engagement déterminé de chacun des membres de ce Peuple de Dieu pour la justice et la solidarité. Ceci est particulièrement important pour les laïcs qui occupent des fonctions publiques, car ce témoignage exige un état d'esprit permanent et un mode de vie en harmonie avec la foi chrétienne.

La dimension ecclésiale du témoignage

106 Les Pères du Synode, en attirant l'attention sur les dimensions ecclésiales de ce témoignage, déclarèrent solennellement : « L'Église doit continuer à jouer son rôle prophétique et à être la voix des sans-voix ».[208]
Mais pour réaliser cela de manière efficace, l'Église, en tant que communauté de foi, doit être un témoin énergique de justice et de paix dans ses structures et dans les relations entre ses membres. Le Message du Synode déclare avec courage : « Les Églises d'Afrique ont aussi reconnu qu'en leur propre sein la justice n'est pas toujours respectée à l'égard de ceux et de celles qui sont à leur service. Si l'Église doit témoigner de la justice, elle reconnaît que quiconque ose parler aux hommes de justice doit aussi s'efforcer d'être juste à leurs yeux. Il faut donc examiner avec soin les procédures, les biens et le style de vie de l'Église ».[209]
En ce qui concerne la promotion de la justice et en particulier la défense des droits humains fondamentaux, son apostolat ne peut pas être laissé à l'improvisation. Conscient de ce que de flagrantes violations de la dignité et des droits de l'homme sont perpétrées dans de nombreux pays d'Afrique, je demande aux Conférences épiscopales d'instituer, là où elles n'existent pas, des commissions Justice et Paix aux différents niveaux. Elles sensibiliseront les communautés chrétiennes à leurs responsabilités évangéliques en ce qui concerne la défense des droits humains.[210]

[208] Proposition 45.
[209] N. 43 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 531.
[210] Cf. Proposition 46.


107 Si l'annonce de la justice et de la paix fait partie intégrante de la tâche d'évangélisation, il en découle que la promotion de ces valeurs devrait aussi faire partie du programme pastoral de chaque communauté chrétienne. C'est pourquoi j'insiste sur la nécessité de former tous les agents pastoraux de manière adéquate en vue de cet apostolat : « La formation du clergé, des religieux et des laïcs, donnée dans les domaines propres de leur apostolat, mettra l'accent sur la doctrine sociale de l'Église. Chacun selon son état apprendra ses droits et ses devoirs, le sens et le service du bien commun, la gestion honnête de la chose publique, sa manière propre d'être présent à la vie politique, de façon à intervenir de manière crédible face aux injustices sociales ».[211]
En tant que corps organisé à l'intérieur de la communauté et de la nation, l'Église a le droit et le devoir de participer pleinement à l'édification d'une société juste et pacifique avec tous les moyens qui sont à sa disposition. Il faut faire mention ici de son apostolat dans les domaines de l'éducation, des soins de santé, de la conscientisation sociale et d'autres programmes d'assistance sociale. Dans la mesure où ces derniers réduisent l'ignorance, améliorent la santé et favorisent une plus grande participation de tous aux problèmes de la société, dans un esprit de liberté et de coresponsabilité, l'Église crée les conditions pour le progrès de la justice et de la paix.

[211] Proposition 47.



Le sel de la terre

108 De nos jours, dans une société pluraliste, c'est surtout grâce aux engagements des laïcs catholiques dans la vie publique que l'Église a le meilleur impact. Qu'ils soient professionnels ou enseignants, hommes d'affaires ou fonctionnaires, agents de sécurité ou hommes politiques, on s'attend à ce que les catholiques témoignent bonté, vérité, justice et amour de Dieu dans leurs activités quotidiennes. « La tâche du fidèle laïc [...] est d'être le sel de la terre et la lumière du monde dans le quotidien de la vie et en particulier partout où il est seul à pouvoir pénétrer ».[212]

[212] Synode des évêques, Assemblée spéciale pour l’Afrique, Message du synode (6 mai 1994), n. 57 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 532.



Collaborer avec les autres croyants

109 L'obligation de se consacrer au développement des peuples n'est pas seulement un devoir individuel, encore moins individualiste, comme s'il était possible de le réaliser uniquement par les efforts isolés de chacun. C'est un impératif pour tout homme et pour toute femme et aussi pour les sociétés et les nations ; il oblige en particulier l'Église catholique, les autres Églises et Communautés ecclésiales, avec lesquelles les catholiques sont disposés à collaborer dans ce domaine.[213] En ce sens, de même que les catholiques invitent leurs frères chrétiens à participer à leurs initiatives, de même ils se déclarent prêts à collaborer à celles que prennent ces derniers, accueillant volontiers les invitations qui leur sont faites. Pour favoriser le développement intégral de l'homme, les catholiques peuvent également faire beaucoup avec les croyants des autres religions, comme ils le font du reste en divers lieux.[214]

[213] Cf. Ut unum sint (25 mai 1995), n. 40 : La Documentation catholique 92 (1995), p. 578.
[214] Cf. Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987), n. 32 : AAS 80 (1988), p. 556.



Une bonne gestion des affaires publiques

110 Les Pères du Synode furent unanimes à reconnaître que le plus grand défi pour réaliser la justice et la paix en Afrique consiste à bien gérer les affaires publiques dans les deux domaines connexes de la politique et de l'économie. Certains problèmes ont leur origine hors du continent et, pour cette raison, ne sont pas entièrement sous le contrôle des gouvernants et des dirigeants nationaux. Mais l'Assemblée synodale a reconnu que beaucoup de problèmes du continent sont la conséquence d'une manière de gouverner souvent entachée de corruption. Il faut un vigoureux réveil des consciences, avec une ferme détermination de la volonté, pour mettre en oeuvre des solutions qu'il n'est désormais plus possible de remettre à plus tard.

Construire la nation

111 Sur le front politique, le processus ardu de la construction d'une unité nationale rencontre des obstacles particuliers dans le continent africain où la plupart des États sont des entités politiques relativement jeunes. Concilier des différences extrêmes, dépasser des animosités ethniques anciennes et s'intégrer dans un ordre mondial, tout cela exige de grandes qualités dans l'art de gouverner. C'est pourquoi l'Assemblée synodale a fait monter vers le Seigneur une prière fervente pour que surgissent en Afrique des responsables politiques — hommes et femmes — saints, pour qu'il y ait de saints chefs d'État qui aiment leur peuple jusqu'au bout et qui désirent servir, plutôt que se servir.[215]

[215] Cf. Message du Synode (6 mai 1994), n. 35 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 530.


La voie du droit

112 Les fondements d'un bon gouvernement doivent être établis sur la saine base de lois qui protègent les droits et définissent les devoirs des citoyens.[216] Je dois constater avec une grande tristesse que de nombreuses nations d'Afrique peinent sous des régimes autoritaires et oppressifs qui dénient à leurs membres la liberté personnelle et les droits humains fondamentaux, tout spécialement la liberté d'association et d'expression politique de même que le droit de choisir leurs gouvernants au moyen d'élections libres et impartiales. De telles injustices politiques provoquent des tensions qui dégénèrent souvent en conflits armés et en guerres civiles, avec de graves conséquences, comme des famines, des épidémies, des destructions, sans oublier les massacres et la tragédie scandaleuse des réfugiés. C'est pourquoi le Synode a considéré avec raison que la démocratie authentique, dans le respect du pluralisme, est « l'une des routes principales sur lesquelles l'Église chemine avec le peuple. [...] Le laïc chrétien engagé dans les luttes démocratiques selon l'esprit de l'Évangile est le signe d'une Église qui se veut présente à la construction d'un État de droit, partout en Afrique ».[217]

[216] Cf. Proposition 56.
[217] Message du Synode (6 mai 1994), n. 34 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 530.


Gérer le patrimoine commun

113 Le Synode demande aux gouvernements africains d'adopter des politiques appropriées, aptes à améliorer la croissance et les investissements, afin de créer des emplois.[218] Ceci implique la poursuite de politiques économiques saines, l'établissement de priorités correctes pour l'exploitation et la distribution des ressources nationales parfois faibles, de manière à pourvoir aux besoins fondamentaux des personnes et à assurer un partage honnête et équitable des avantages et des charges. Les gouvernements ont, en particulier, le devoir imprescriptible de protéger le patrimoine commun contre toutes les formes de gaspillage et de détournement réalisés par des citoyens dépourvus de sens civique et des étrangers sans scrupules. Il leur revient aussi de prendre les initiatives appropriées pour améliorer les conditions du commerce international.
Les problèmes économiques de l'Afrique sont, en outre, aggravés par la malhonnêteté de certains gouvernants corrompus qui, de connivence avec des intérêts privés locaux ou étrangers, détournent les ressources nationales à leur profit, transférant des deniers publics sur des comptes privés dans des banques étrangères. Il s'agit purement et simplement de vol, quelles que soient les fictions lé- gales qui les couvrent. Je souhaite vivement que les organisations internationales et des personnes intègres des pays africains et d'ailleurs sachent préparer les moyens juridiques de faire rentrer ces fonds indûment détournés. Également, dans la concession de prêts, il est important de s’assurer du sens de la responsabilité et de la transparence des parties concernées.[219]

[218] Cf. Proposition 54.
[219] Cf. ibid.


La dimension internationale

114 En tant qu'Assemblée d'évêques de l'Église universelle présidée par le Successeur de Pierre, le Synode fut une occasion providentielle d'évaluer de manière positive la place et le rôle de l'Afrique dans l'Église universelle et dans la communauté mondiale. Comme nous vivons dans un monde qui est de plus en plus interdépendant, les destinées et les problèmes des différentes régions sont en interaction. L'Église, en tant que famille de Dieu sur la terre, devrait être le signe vivant et l'instrument efficace de la solidarité universelle en vue d'établir une communauté de justice et de paix aux dimensions de la planète. Un monde meilleur n'adviendra que s'il est construit sur les fondations solides de sains principes éthiques et spirituels.
Dans la situation mondiale actuelle, les nations africaines sont parmi les plus désavantagées. Il faut que les pays riches prennent conscience qu'ils ont la responsabilité de soutenir les efforts des pays qui luttent pour sortir de leur pauvreté et de leur misère. Il est d'ailleurs de l'intérêt des nations riches de choisir la voie de la solidarité, nécessaire pour assurer à l'humanité une paix et une harmonie durables. Quant à l'Église dans les pays développés, elle ne peut se soustraire à la responsabilité complémentaire qui découle de l'engagement chrétien pour la justice et la charité ; parce que tous, hommes et femmes, portent en eux l'image de Dieu et sont appelés à faire partie de la même famille rachetée par le sang du Christ, un accès juste aux ressources de la terre que Dieu a mises à la disposition de tous doit être garanti à chacun.[220]
Cela a de nombreuses implications pratiques. Il importe avant tout d’oeuvrer en vue de meilleures relations socio-politiques entre les nations, en assurant plus de justice et plus de dignité à celles qui, par l'accès à l'indépendance, sont entrées récemment dans la communauté internationale. Il faut aussi prêter une oreille compatissante aux cris d'angoisse des nations pauvres, qui appellent à l'aide dans des domaines particulièrement importants : la dénutrition, la détérioration généralisée de la qualité de la vie, l'insuffisance des moyens pour l'éducation des jeunes, la carence des services sanitaires et sociaux élémentaires entraînant la persistance de maladies endémiques, l'épidémie terrible du sida, le fardeau lourd et parfois insupportable de la dette, l'horreur des guerres fratricides alimentées par un trafic d'armes sans scrupules, le spectacle honteux et pitoyable des réfugiés et des personnes déplacées. Ce sont autant de domaines où des interventions immédiates sont nécessaires : elles sont opportunes même si, par rapport à l'ampleur des problèmes, elles apparaissent insuffisantes.

[220] Cf. Populorum progressio (26 mars 1967) : AAS 59 (1967), pp. 257-299 ; Sollicitudo rei socialis (30 décembre 1987) : AAS 80 (1988), pp. 513-586 ; Centesimus annus (1er mai 1991) : AAS 83 (1991), pp. 793-867 ; Proposition 52.



I. Quelques problèmes préoccupants

Redonner l'espoir aux jeunes

115 La situation économique de pauvreté a un impact particulièrement négatif sur les jeunes. Ils entrent dans la vie adulte avec très peu d'enthousiasme pour un présent porteur de nombreuses frustrations et avec encore moins d'espoir pour un avenir qui leur paraît triste et sombre. C'est pourquoi ils ont tendance à fuir les régions rurales délaissées et à se regrouper dans les villes qui, en fait, n'ont pas beaucoup mieux à leur offrir. Beaucoup se sont exilés à l'étranger où ils vivent une existence précaire de réfugiés économiques. Je plaide en leur faveur avec les Pères du Synode : il faut trouver une solution à leur impatience à prendre part à la vie de la nation et de l'Église.[221]
En même temps, je désire adresser un appel aux jeunes : chers jeunes, le Synode vous demande de prendre en charge le développement de vos nations, d'aimer la culture de votre peuple et de travailler à sa redynamisation, fidèles à votre héritage culturel, en perfectionnant votre esprit scientifique et technique et surtout en rendant témoignage de votre foi chrétienne.[222]

[221] Cf. Synode des évêques, Assemblée spéciale pour l’Afrique, Message du Synode (6 mai 1994), n. 63 : La Documentation catholique 91 (1994), p. 533.
[222] Cf. ibid.


Le fléau du sida

116 C'est sur ce fond de pauvreté générale et de services médicaux inadéquats que le Synode a pris en considération le tragique fléau du sida qui sème la douleur et la mort dans de nombreuses parties de l'Afrique. Le Synode a constaté le rôle que des pratiques sexuelles irresponsables jouent dans l'extension de cette maladie et il a formulé cette ferme recommandation : « L'affection, la joie, le bonheur et la paix apportés par le Mariage chrétien et la fidélité, ainsi que la sécurité que donne la chasteté, doivent être continuellement présentés aux fidèles, spécialement aux jeunes ».[223]
La lutte contre le sida doit être le combat de tout le monde. Me faisant l'écho des Pères synodaux, je demande aux agents pastoraux d'apporter aux frères et soeurs atteints du sida tout le réconfort possible, du point de vue matériel comme du point de vue moral et spirituel. Aux hommes de science et aux responsables politiques je demande instamment que, animés par l'amour et le respect dus à toute personne humaine, ils ne lésinent pas sur les moyens susceptibles de mettre fin à ce fléau.

[223] Proposition 51.
[224] Proposition 45.



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