Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie - III - Manière de vivre de Marie. Saint Jean lui donne la sainte Eucharistie. Chemin de la Croix.

III - Manière de vivre de Marie. Saint Jean lui donne la sainte Eucharistie. Chemin de la Croix.


La sainte Vierge habitait seule avec une personne plus jeune, qui la servait et qui allait chercher le peu d'aliments qui leur étaient nécessaires. Elles vivaient dans le silence et dans une paix profonde. Il ne se trouvait pas d'hommes dans la maison. Souvent, un disciple en voyage venait les visiter.


Je vis fréquemment entrer et sortir un homme que j'ai toujours cru être saint Jean ; mais ni à Jérusalem ni ici il n'était longtemps de suite dans le voisinage. Il allait et venait. Il était vêtu autrement que du vivant de Jésus. Il portait une robe à longs plis, d'une étoffe légère d'un blanc grisâtre. Il était très svelte et très leste, avait une belle figure allongée et maigre ; sa tête était nue, et sa longue chevelure blonde partagée derrière les oreilles. Par comparaison avec les autres apôtres, il avait quelque chose d'un peu féminin et de virginal.


Je vis Marie, dans les derniers temps de sa vie, toujours plus silencieuse et plus recueillie ; elle ne prenait presque plus de nourriture. Il semblait que son corps seul fût encore sur la terre, et que son esprit fût habituellement ailleurs. Dans les semaines qui précédèrent sa fin, je la vis faible et vieillie ; sa servante la soutenait et la conduisait dans la maison.


Je vis Jean entrer une fois chez elle ; lui aussi paraissait très vieilli. Il était maigre et élancé. En entrant, il avait relevé dans sa ceinture sa longue robe blanche à grands plis. Il défit cette ceinture et en mit une Autre qu'il avait sous son vêtement, et sur laquelle étaient tracées des lettres. Il avait une étole autour du cou et une espèce de manipule au bras. La sainte Vierge, appuyée sur le bras de sa servante et enveloppée dans un vêtement blanc, sortit de sa chambre à coucher. Son visage était blanc comme la neige, et pour ainsi dire diaphane. Elle paraissait comme soulevée de terre par un ardent désir. Depuis l'ascension de Jésus, tout son être exprimait un désir toujours croissant et qui la consumait de plus en plus. Jean et elle se retirèrent dans l'oratoire. Elle tira un cordon ou une courroie ; le tabernacle, qui était dans le mur, tourna sur lui-même, et la croix qui s'y trouvait se montra. Quand ils eurent prié à genoux devant elle pendant un certain temps, Jean se leva, tira de son sein une boite de métal qu'il ouvrit par le côté, y prit une enveloppe de laine fine, sans teinture, et dans cette-ci un linge blanc plié d'où il tira le Saint Sacrement en forme de particule blanche carrée. Il prononça ensuite quelques paroles d'un ton grave et solennel, et donna l'Eucharistie à la sainte Vierge. Il ne lui présenta pas de calice.


A quelque distance derrière la maison, sur le chemin qui menait au sommet de la montagne, la sainte Vierge avait disposé une espèce de chemin de la Croix. Quand elle habitait Jérusalem, elle n'avait jamais cessé, depuis la mort de son Fils, de suivre sa voie douloureuse, et d'arroser de ses larmes les lieux où il avait souffert. Elle en avait mesuré pas à pas tous les intervalles, et son amour ne pouvait se passer de la contemplation incessante de ce chemin de douleur.


Peu de temps après son arrivée ici, je la vis journellement se livrer à ces méditations sur la Passion, en suivant le chemin qui conduisait au haut de la montagne. Au commencement elle y allait seule, et elle mesurait, d'après le nombre des pas qu'elle avait si souvent comptés, la distance entre les diverses places où avait eu lieu quelque incident de la Passion du Sauveur. A chacune de ces places elle érigea une pierre ; ou, s'il s'y trouvait un arbre, elle y faisait une marque. Le chemin conduisait dans un bois, où un monticule représentait le Calvaire ; et une petite grotte dans un autre monticule, le Saint Sépulcre.


Quand elle eut divisé en douze stations ce chemin de la Croix, elle le suivit avec sa servante, plongée dans une contemplation silencieuse. Elles s'asseyaient à chacun des endroits qui rappelaient un épisode de la Passion, en méditaient dans leur coeur la signification mystérieuse, et remerciaient le Seigneur de son amour, en versant des larmes de compassion. Plus tard, elle arrangea mieux les stations. Je la vis écrire, avec un poinçon, sur chacune des pierres, l'indication du lieu qu'elle représentait, le nombre des pas et d'autres choses semblables. Je la vis aussi nettoyer la grotte du Saint Sépulcre, et la disposer de manière à ce qu'on pût y prier commodément.


Je ne vis pas à ces stations d'image, ni même de croix à demeure fixe. C'étaient de simples pierres commémoratives, avec des inscriptions. Mais avec le temps tout cela fut de mieux en mieux ordonné et arrangé ; même après la mort de la sainte Vierge, je vis ce chemin de la Croix fréquenté par des chrétiens qui s'y prosternaient et baisaient la terre.


IV - Voyage de Marie Éphèse à Jérusalem.

- Sa maladie dans cette dernière ville.

- Bruit de sa mort et origine du tombeau de la sainte Vierge à Jérusalem.


Après la troisième année de son séjour ici, Marie eut un grand désir d'aller à Jérusalem. Jean et Pierre l'y conduisirent : je crois que plusieurs apôtres s'y trouvaient rassemblés. J'y vis saint Thomas ; je crois qu'il y eut un concile, que Marie y assista, et qu'ils prirent ses avis'.


A leur arrivée, je les vis le soir, à la lueur du crépuscule, visiter, avant d'entrer dans la ville, le mont des Oliviers, le Calvaire, le Saint Sépulcre et tous les saints lieux qui sont autour de Jérusalem. La Mère de Dieu était si affligée et si émue qu'elle pouvait à peine se tenir debout. Jean et Pierre la conduisaient en la soutenant sous les bras.


Elle quitta une autre fois Éphèse, un an et demi avant sa mort. Alors aussi je la vis visiter les saints lieux pendant la nuit, en compagnie des apôtres. Elle était accablée d'une tristesse indicible et disait sans cesse en soupirant : " O mon Fils ! mon Fils " ! Quand elle arriva à la porte de derrière de ce palais où elle avait vu Jésus tomber sous le poids de la croix, l'impression de ce souvenir douloureux la fit tomber elle-même sans connaissance, et ses compagnons crurent qu'elle allait expirer. On la porta au Cénacle, où elle habitait dans les bâtiments antérieurs. Pendant plusieurs jours, elle resta si faible et si malade et elle eut de si fréquents évanouissements, qu'on s'attendait à chaque instant à la voir mourir, et qu'on pensa à lui préparer un tombeau. Elle-même choisit pour cela une grotte de la montagne des Oliviers, et les apôtres y firent préparer un beau sépulcre par un ouvrier chrétien '.


Cependant on avait dit plusieurs fois qu'elle était morte. Le bruit de sa mort et de sa sépulture à Jérusalem se répandit alors en d'autres lieus. Mais, quand le tombeau fut achevé, elle guérit et se trouva assez forte pour revenir à sa demeure d'Ephèse, où elle mourut réellement au bout d'un an et demi.


Comme elle avait déjà dit antérieurement que Marie était allée deux fois d'Éphèse à Jérusalem, il est possible qu'elle ait fait une confusion entre le premier et le second voyage, quant à ce qui touche le concile.


Nous nous souvenons de lui avoir entendu dire une autre fois que saint André travailla aussi à ce tombeau.


On honora toujours le tombeau préparé pour elle sur la montagne des Oliviers ; on y bâtit plus tard une église, et Jean Damascène (c'est le nom que j'ai entendu en esprit, mais je ne sais qui personnage) écrivit, d'après des traditions orales, qu'elle était morte et qu'elle avait été ensevelie à Jérusalem.


Dieu a laissé tout ce qui concerne sa mort, son tombeau, son assomption dans le ciel, devenir seulement l'objet d'une tradition incertaine, afin de ne pas donner entrée dans le christianisme au sentiment païen encore si puissant à cette époque ; car on se serait facilement laissé aller à adorer Marie comme une déesse.


V - Ephèse. Parents et amies de la sainte Famille vivant dans la colonie chrétienne.


Parmi les saintes femmes qui vivaient dans la colonie chrétienne voisine d'Éphèse, et qui étaient souvent prés de Marie, se trouvait une nièce de la prophétesse Anne. Avant le baptême de Jésus, je l'avais vue une fois aller à Nazareth avec Séraphia (Véronique). Cette femme était alliée à la sainte Famille par Anne, qui était parente de la mère de Marie et plus proche encore d'Élisabeth, fille de la soeur de celle-ci.


Une autre femme, parmi celles qui vivaient autour de Marie, et que j'avais vue aussi aller à Nazareth avant le baptême de Jésus, était une nièce d'Elisabeth, qui s'appelait Mara. Voici comment elle était parente de la sainte Famille. Ismeria, mère de sainte Anne, avait une soeur appelée Emerentia, laquelle avait eu trois filles : Élisabeth, mère de saint Jean-Baptiste ; Enoué, qui était chez sainte Anne lors de la naissance de la sainte Vierge, et Rhode, mère de cette Mara dont il est question ici.


Rhode s'était mariée loin du pays de sa famille. Elle demeura d'abord dans les environs de Sichem, puis à Nazareth et à Kessuloth, près du mont Thabor. Outre Mara, elle avait deux autres filles, dont l'une avait pour enfants des disciples de Jésus. Un des deux fils de Rhode fut le premier mari de Maroni, qui, restée veuve et sans enfants, épousa Eliud, neveu de la mère de sainte Anne, et s'établit à Naim, où elle devint veuve pour la seconde fois. Elle avait eu de cet Eliud un fils que le Sauveur ressuscita. Il devint disciple de Jésus et fut baptisé sous le nom de Martial.


Mara, fille de Rhode, qui fut présente à la mort de Marie, s'était mariée dans le voisinage de Bethléem. Nathanael, le fiancé de Cana, était, à ce que je crois, un fils de cette Mara, et il reçut au baptême le nom d'Amator. Elle avait encore d'autres fils : tous furent disciples de Jésus.


VI - La Sainte Vierge visite pour la dernière fois le chemin de le Croix érigé par elle.


(le 7 août 1824.) Hier et cette nuit, j'ai été très occupée de la Mère de Dieu à Éphèse. J'ai fait le chemin de la Crois avec elle et cinq autres femmes. Il y avait là la nièce de la prophétesse Anne et la veuve Mara, nièce d'Elisabeth. La sainte Vierge allait en avant des autres ; elle était vieillie et faible ; elle était très blanche et comme transparente. Son aspect était singulièrement touchant. Il me semblait qu'elle faisait ce chemin pour la dernière fois. Pendant qu'elle était là, je crus voir Pierre, Jean et Thaddée dans sa maison.


Je vis la sainte Vierge très affaiblie par l'âge ; il n'y avait pourtant en elle d'autre signe de la vieillesse que l'expression du désir qui la consumait et qui la poussait en quelque sorte à sa transfiguration. Elle avait une gravité ineffable. Je ne l'ai jamais vue rire, mais seulement sourire avec une expression touchante. Plus elle avançait en âge, plus son visage paraissait blanc et diaphane. Elle était maigre, mais je ne lui vis pas de rides ni aucune marque de décrépitude : elle était devenue comme un pur esprit.


VII - La sainte Vierge sur son lit de mort. Adieux des femmes.


(Le 9 août 1821.) J'allai dans la maison de Marie, à environ deux lieues d'Ephèse. Je la vis dans sa cellule, qui était toute tendue de blanc, étendue sur une couche basse et étroite ; sa tête reposait sur un coussin rond. Elle était faible, pâle et comme consumée par un ardent désir. Sa tête et toute sa personne étaient enveloppées dans un long drap ; une couverture de laine brune était posée par-dessus.


Je vis cinq femmes entrer dans sa cellule et en ressortir l'une après l'autre, comme si elles lui avaient fait leurs adieux. Celles qui sortaient faisaient des gestes touchants qui exprimaient leur douleur. Je remarquai parmi elles la nièce de la prophétesse Anne et Mara, nièce d'Élisabeth, que j'avais vues au chemin de la Croix.


Je vis ensuite six apôtres assemblés là : c'étaient Pierre, André, Jean, Thaddée, Barthélémy et Mathias. Il y avait aussi Nicanor, un des sept diacres, qui était très actif et très serviable. Je vis les apôtres à droite, dans la partie antérieure de la maison ils y avaient disposé un oratoire et ils étaient en prière.


VIII - Arrivée de deux autres apôtres. L'autel. Boite en forme de croix pour les objets consacrés.


(Le 10 août 1821.) Le temps de l'année où l'Église célèbre l'assomption de la sainte Vierge est bien celui ou elle a eu lieu réellement ; seulement l'anniversaire ne tombe pas le même jour tous les ans. Je vis aujourd'hui arriver deux autres apôtres avec leurs vêtements relevés comme des voyageurs : c'étaient Jacques le Mineur et Matthieu, son demi-frère, car Alphée, étant devenu veuf, avait épousé Marie, fille de Cléophas. Il avait eu Matthieu d'un premier mariage.


Je vis hier soir et ne matin les apôtres rassemblés et célébrant le service divin dans la partie antérieure de la maison, où ils avaient, dans ce but, enlevé nu disposé autrement les cloisons mobiles qui formaient des cellules. Une table, avec une couverture rouge et une autre blanche par-dessus, servait d'autel. Chaque fois qu'on en faisait usage pour une cérémonie sacrée, on la plaçait contre le mur, à droite du foyer dont on se servait encore chaque jour, et on la retirait ensuite. Devant l'autel était un tréteau couvert, au-dessus duquel était étalé un rouleau écrit. Sur l'autel était placé un vase en forme de croix, fait d'une matière brillante comme la nacre de perle ; il avait à peine un palme en longueur et en largeur, et contenait cinq boites fermées avec des couvercles d'argent. Dans cette du milieu se trouvait le Saint Sacrement ; dans les autres, du chrême, de l'huile, du sel et des brins de fil, ou peut-être de la laine avec d'autres objets bénits. Elles étaient si bien fermées que rien ne pouvait couler au dehors.


Les apôtres, dans leurs voyages, portaient cette croix pendue sur la poitrine sous leur vêtement. Ils avaient en cela quelque chose de plus que le grand prêtre des Juifs quand il portait sur sa poitrine l'objet sacré de l'ancienne alliance.


Je ne me souviens pas bien s'ils avaient des reliques dans une de ces boîtes ou ailleurs ; je sais seulement qu'en offrant le sacrifice de la nouvelle alliance, ils avaient toujours près d'eux des ossements de prophètes, et, plus tard, de martyrs ; de même que les patriarches, lorsqu'ils sacrifiaient, plaçaient toujours sur l'autel des ossements d'Adam ou de ceux de leurs ancêtres qui avaient été dépositaires de la promesse. Jésus-Christ, dans la dernière cène, leur avait commandé de faire ainsi. Pierre, en habits sacerdotaux, était debout devant l'autel, les autres étaient rangés derrière lui. Les femmes se tenaient au fond de la salle.


IX - Arrivée de Simon. Pierre donne la sainte communion à la sainte Vierge.

- Etat de Jérusalem à cette époque.


(Le 11 août 1821.) Je vis aujourd'hui arriver un autre apôtre : c'était Simon. Il manquait encore Jacques le Majeur, Philippe et Thomas. Je vis aussi plusieurs disciples, parmi lesquels je me rappelle seulement Jean Marc, et ce fils ou petit-fils du vieux Siméon, qui était chargé de l'inspection des victimes au temple, et qui immola le dernier agneau pascal pour Jésus. Ils étaient bien une dizaine.


Il y eut de nouveau service divin à l'autel, et je vis quelques-uns des nouveaux arrivés avec leurs habits relevés, ce qui me fit croire qu'ils voulaient repartir tout de suite. Devant le lit de la sainte Vierge était un petit escabeau triangulaire, comme celui sur lequel avaient été déposés les présents des trois rois dans la grotte de la Crèche. Il y avait dessus une tasse avec une petite cuiller brune transparente. Je ne vis aujourd'hui qu'une femme dans la chambre de Marie.


Je vis Pierre, après le service divin, lui donner de nouveau la sainte communion. Il apporta le Saint Sacrement dans cette pyxide en forme de croix dont j'ai déjà parlé. Les apôtres étaient rangés sur deux lignes, depuis l'autel jusqu'à sa couche, et ils s'inclinèrent profondément quand Pierre passa devant eux avec le Saint Sacrement. Les cloisons qui entouraient la sainte Vierge, était ouvertes de tous les côtés.


Quand j'eus vu cela près d'Ephèse, j'eus le désir de voir ce qui se passait à Jérusalem pendant ce temps ; mais la longueur du voyage qu'il fallait faire pour cela m'effrayait. Alors la sainte vierge et martyre Suzanne, dont c'est aujourd'hui la fête, dont j'ai là une relique, et qui a été près de moi toute la nuit, vint à moi et m'encouragea en me disant qu'elle m'accompagnerait. Je traversais la terre et la mer, et nous fûmes bientôt à Jérusalem. Elle était tout autrement que moi ; elle était extrêmement légère, et, quand je voulais la toucher, je ne le pouvais pas. Quand j'assistais à une scène dans un lieu déterminé, comme, par exemple, à Jérusalem, elle disparaissait ; mais, chaque fois que je passais d'un tableau à un autre, elle m'accompagnait et me consolait.


Je me trouvai sur la montagne des Oliviers, et je vis tout dévasté et changé par comparaison avec l'état antérieur. Je pus pourtant reconnaître chaque place. La maison voisine du jardin de Gethsémani, où les disciples s'arrêtaient, avait été démolie. Il y avait là des fossés et des murs qui en rendaient l'accès impossible. Je me rendis ensuite au tombeau du Sauveur ; il était comblé et muré. Au-dessus, sur le haut du rocher, on avait commencé à bâtir un édifice qui ressemblait à un petit temple. Il n'y avait encore que les murs. Comme je regardais avec tristesse les dévastations qui avaient été faites, mon fiancé céleste m'apparut sous la même figure qu'il s'était montré en ce lieu à Madeleine, et me consola.


Je trouvai aussi le Calvaire dévasté et bâti. Le petit monticule sur lequel la croix avait été érigée avait été remué et fouillé. Il y avait aussi tout autour des fossés et des murs, en sorte qu'on ne pouvait pas l'aborder. J'y arrivai pourtant et j'y priai. Alors le Sauveur s'approcha encore pour me consoler et m'encourager. Lors de ces apparitions du Seigneur, je ne vis pas sainte Suzanne prés de moi.


Je passai ensuite à un tableau des guérisons miraculeuses de Jésus dans les environs de Jérusalem, et je revis plusieurs de ces guérisons. Comme je réfléchissais sur la grâce des guérisons par le nom de Jésus, qui est plus particulièrement accordée aux prêtres, et comme je pensais à la manifestation de cette grâce à notre époque, dans la personne du prince de Hohenlohe, je vis ça prêtre faisant usage de ce don. Je vis plusieurs malades guéris par ses prières, entre autres, des hommes qui cachaient sous de sales haillons des ulcères infectés Je ne sais pas si c'étaient réellement des ulcères ou bien des symboles de vieux péchés restés sur la conscience Même dans mon voisinage, je vis d'autres prêtres qui possédaient au même degré ce pouvoir de guérir, mais chez lesquels le respect humain, la dissipation, la préoccupation des affaires mondaines et le manque d'énergie l'empêchaient de se produire. J'en vis spécialement un qui secourait quelques personnes dont je voyais le coeur rongé par d'affreuses bêtes ; mais, par suite de sa dissipation, il négligeait d'en secourir d'autres, qui étaient couchées ça et là, en proie à des maladies corporelles. Il avait en lui-même divers obstacles qui l'en empêchaient.


X - Service divin des apôtres. Marie reçoit la sainte communion.

- Détails personnels.

- Le chemin de la Croix de Marie.


(Le 12 août 1821.) il n'y a guère en tout que douze hommes rassemblés dans la maison de Marie. Aujourd'hui, je vis faire le service divin dans son petit oratoire ; on y célébra la messe. Sa petite chambre était ouverte de tous les côtés. Une femme était agenouillée près du lit de Marie, qui, de temps en temps, se mettait sur son séant. Je la vis ainsi d'autres fois dans la journée. La femme qui était près d'elle lui donnait alors, avec une cuiller, d'une potion qui était dans la tasse. Marie avait sur sa couche une crois, longue comme la moitié du bras. Le tronc était un peu plus large que le bras. Elle était comme incrustée de différents bois ; le corps du Christ était blanc. La sainte Vierge reçut le Saint Sacrement. Elle a vécu quatorze ans et deux mois depuis l'ascension du Sauveur.


Ce soir, la narratrice, pendant son sommeil, chanta à demi vois, d'une manière singulièrement touchante, des cantiques de la Mère de Dieu. Quand elle se réveilla, comme l'écrivain lui demandait ce qu'elle avait chanté, elle répondit, étant encore à moitié endormie : " Je suis allée avec la procession, avec cette femme... Maintenant, elle est partie ". Le jour suivant, elle dit à propos de ce chant : " Je suivis deux des amies de Marie sur le chemin de la Croix, derrière sa maison. Elles vont là tous les jours, matin et soir, et je me glisse tout doucement derrière elles. Hier, cela m'anima, et je commençai à chanter ; alors tout disparut.


Le chemin de la Croix de Marie avait douze stations. Elle avait mesuré en pas les intervalles qui les séparaient' et Jean y avait fait placer des pierres commémoratives. Il n'y avait d'abord que des pierres brutes ; plus tard, tout fut plus orné. Maintenant c'étaient des pierres blanches' polies, peu élevées, à plusieurs arêtes (huit, si je ne me trompe), qui se réunissaient au sommet, aboutissant à une petite surface plane, où se trouvait une cavité. Chacune d'elles reposait sur un dé de même matière, entourée de gazon et de fleurs qui empêchaient d'en voit l'épaisseur. Sur les pierres et leurs supports étaient inscrites des lettres hébraïques.


Ces stations étaient toutes dans des excavations comme dans de petits bassins ronds creusés autour. Il y avait au fond un sentier assez large pour une ou deux personnes ; il circulait autour de la pierre, et permettait d'en lire les inscriptions. A l'un des côtés de ces pierres étaient fixées des nattes avec lesquelles on les recouvrait quand on n'y priait pas.


Les douze pierres qui marquaient les stations étaient toutes de même grandeur ; toutes avaient leurs inscriptions hébraïques, mais les lieux où elles étaient placées étaient différents : la station du mont des Oliviers se trouvait dans une petite vallée, près d'une grotte dans laquelle plusieurs personnes pouvaient se tenir à genoux ; la station du Calvaire, seule, n'était pas dans un enfoncement, mais sur une éminence. Pour la station du Saint Sépulcre, elle était au delà de cette éminence, de l'autre côté de laquelle on trouvait la pierre commémorative dans un enfoncement, puis, plus bas encore, une grotte creusée dans le roc où était le tombeau lui-même. Ce fut dans ce tombeau que la sainte Vierge fut ensevelie. Je crois que ce tombeau doit encore subsister sous la terre, et qu'il reparaîtra quelque jour.


Je vis que les apôtres, les saintes femmes et d'autres chrétiens, quand ils venaient à ces stations et qu'ils y priaient agenouillés ou la face contre terre, tiraient de dessous leurs vêtements une croix longue à peu près d'un pied, et la plaçaient dans l'excavation qui était au-dessus de la pierre de la station ; elle s'y tenait debout au moyen d'un appui mobile placé derrière.


XI - Jacques le Majeur arrive avec Philippe et trois disciples.

- Comment les apôtres furent convoqués pour assister à la mort de la sainte Vierge.

- Leurs voyages et leurs missions.


(Le 13 août 1821.) Je vis aujourd'hui faire le service divin comme les autres jours. Je vis la sainte Vierge se mettre sur son séant plusieurs fois dans la journée et prendre quelque chose avec la petite cuiller. Le soir, vers sept heures, la soeur dit pendant son sommeil : Jacques le Majeur est arrivé d'Espagne en passant par Rome avec trois compagnons, Timon, Erémenzéar et encore un autre. Plus tard, Philippe vint d'Egypte avec un compagnon.


Les apôtres et les disciples arrivaient la plupart du temps très fatigués. Ils avaient à la main de longs bâtons recourbes qui indiquaient leur dignité. Leurs longs manteaux blancs étaient relevés sur la tête, où ils formaient comme des capuchons. Ils avaient là-dessous de longues tuniques sacerdotales de laine blanche ; elles étaient ouvertes de haut en bas, mais attachées avec des petites courroies fendues et passées dans de petits bourrelets qui servaient de boutons. En voyage, ils relevaient leurs vêtements dans leur ceinture. Quelques-uns portaient une bourse pendue au côté.


Les arrivants embrassaient tendrement ceux qui les avaient précédés. J'en vis plusieurs pleurer à la fois de joie et de douleur en revoyant leurs amis dans une circonstance si triste. Ils déposaient alors leur bâton, leur manteau, leur ceinture et leur bourse, puis ils laissaient retomber jusqu'à leurs pieds leur robe blanche ; ils mettaient ensuite une large ceinture sur laquelle était une inscription et qu'ils portaient avec eux. On leur lavait les pieds ; ils s'approchaient de la couche de Marie et la saluaient respectueusement. Elle pouvait a peine leur adresser quelques paroles. Je ne les vis prendre d'autres aliments que du pain ; ils buvaient dans de petits flacons qu'ils portaient sur eux.


Quelque temps avant la mort de la sainte Vierge, lorsqu'elle fut avertie intérieurement que sa réunion avec son Dieu, son Fils, son Rédempteur, était proche, elle pria pour l'accomplissement de la promesse que Jésus lui avait faite dans la maison de Lazare, à Béthanie, la veille de l'Ascension. Il me fut montré en esprit comment Jésus, auquel elle demandait de ne pas la laisser longtemps dans cette vallée de larmes après l'Ascension, lui dit en termes généraux quelles oeuvres spirituelles elle devait accomplir pendant le temps qu'elle devait encore rester sur la terre. Il lui fit connaître aussi qu'à sa prière, les apôtres et plusieurs disciples se réuniraient près d'elle pour assister à sa mort ; il lui indiqua ce qu'elle devait leur dire et comment elle devait leur donner sa bénédiction. Je vis aussi qu'il dit à l'inconsolable Madeleine de se cacher dans le désert, et à sa soeur Marthe d'établir une communauté de femmes ; il ajouta qu'il serait toujours avec elles.


Quand la sainte Vierge eut prié pour faire venir les apôtres près d'elle, je vis la convocation leur arriver dans diverses parties du monde. Je ne me souviens plus que de ce qui suit.


Les apôtres avaient de petites églises dans divers lieux où ils avaient enseigné. Quoique plusieurs d'entre elles De fussent pas encore construites en pierre, mais faites seulement de branches tressées et enduites de limon, toutes celles que je vis avaient à leur partie postérieure la même forme arrondie ou angulaire que la maison de Marie près d'Éphèse. Il y avait des autels, et on y célébrait le saint sacrifice de la messe.


Je les vis tous, si éloignés qu'ils fussent, avertis par des apparitions de se rendre auprès de la sainte Vierge. En général, les voyages si longs des apôtres ne se faisaient pas sans une miraculeuse assistance du Seigneur. Je crois que souvent, sans qu'eux-mêmes en eussent bien la conscience, ils voyageaient à l'aide d'un secours surnaturel, car je les vis plus d'une fois passer à travers des foules pressées sans que personne parût les voir. Je les vis opérer chez divers peuples païens et sauvages des miracles d'une tout autre espèce que ceux de leurs miracles que nous connaissons par l'Écriture sainte. Ils les opéraient partout suivant les besoins des hommes. Je vis que tous, dans leurs voyages, portaient avec eux des ossements des prophètes ou des martyrs mis à mort dans les premières persécutions, et qu'ils les avaient auprès d'eux lorsqu'ils priaient ou célébraient le saint sacrifice.


Lorsque le Seigneur convoqua les apôtres à Ephèse, Pierre et Mathias aussi, à ce que je crois, se trouvaient dans les environs d'Antioche. André, venant de Jérusalem où il avait eu à souffrir la persécution, ne se trouvait pas à une grande distance d'eux. Je vis Pierre et André s'arrêter la nuit, ou passer dans différents endroits qui n'étaient pas très éloignés les uns des autres. Ils n'étaient pas dans des villes, mais dans des auberges publiques, comme on en trouve au bord des routes dans les pays chauds. Pierre était couché contre un mur. Je vis un jeune homme resplendissant s'approcher de lui et l'éveiller en le prenant par la main ; il lui dit qu'il devait se rendre en toute hâte près de Marie, et qu'il trouverait en route son frère André. Je vis Pierre, qui était déjà affaibli par l'âge et les fatigues de l'apostolat, se mettre sur son séant et s'appuyer avec les mains sur ses genoux pendant qu'il écoutait l'ange. Quand le messager céleste eut disparu, il se leva, se ceignit, mit un manteau, prit son bâton et partit. Il rencontra bientôt André, qui avait vu une apparition semblable. Plus loin, ils se réunirent à Thaddée, auquel la même chose avait été dite. C’est ainsi qu'ils se rendirent chez Marie, où ils trouvèrent Jean.


Jacques le Majeur, qui avait une figure pâle et allongée et les cheveux noirs, était venu d'Espagne à Jérusalem avec plusieurs disciples. Il s'arrêta quelque temps à Sarona, près de Joppé, et ce fut là qu'il fut appelé à se rendre à Éphèse. Après la mort de Marie, il revint à Jérusalem avec ses compagnons, et il y souffrit le martyre. Son accusateur se convertit, fut baptisé par lui et décapité avec lui. Jude, Thaddée et Simon étaient en Perse où ils reçurent leur convocation.


Thomas avait une taille ramassée et les cheveux d'un brun cuivré. Il était le plus éloigné de tous, et n'arriva qu'après la mort de Marie. J'ai vu comment l'ange chargé de l'avertir vint à lui. Il n'était pas dans une ville, mais dans une cabane de roseaux, et il priait lorsque l'ange lui ordonna de partir pour Éphèse. Je l'ai vu sur la mer dans une petite barque avec un serviteur d'une grande simplicité ; il traversa ensuite le continent, mais, je crois, sans entrer dans aucune ville. Il vint encore un disciple avec lui. Il était dans l'Inde lorsqu'il reçut l'avertissement ; mais, avant de le recevoir, il avait formé le dessein d'aller plus au nord, jusqu'en Tartarie, et il ne put se résoudre à abandonner ce projet : il voulait toujours trop faire, et il arrivait souvent trop tard. Il alla vers le nord, en touchant presque la Chine, et arriva jusque dans les possessions actuelles de la Russie. Il reçut là un nouvel avertissement, et se dirigea en toute hâte vers Éphèse. Le serviteur qu'il avait avec lui était un barbare qu'il avait baptisé. Cet homme est devenu quelque chose plus tard, mais j'ai oublié ce qui le concernait. Thomas ne revint pas en Tartarie après la mort de Marie ; il fut percé d'un coup de lance dans l'Inde. J'ai vu que, dans ce pays, il érigea une pierre sur laquelle il avait prié et à la marque de ses genoux s'était imprimée, et qu'il dit que lorsque la mer viendrait jusqu'à cette pierre, un autre personnage prêcherait Jésus-Christ dans ces contrées.


Jean s'était trouvé à Jéricho peu de temps auparavant. Il allait souvent dans la Terre Sainte. Il résidait ordinairement à Éphèse et dans les environs. C'était là qu'il avait reçu sa convocation.


Barthélémy était en Asie, à l'orient de la mer Rouge. C'était un bel homme, très intelligent. Il avait le teint blanc, le front élevé, de grands yeux, des cheveux noirs frisés, une barbe noire, courte et crépue. Il avait converti récemment un roi et sa famille. Je vis tout cela, et je le raconterai en son temps. Quand il fut de retour dans ce pays, le frère de ce roi le fit mourir.


J'ai oublié où Jacques le Mineur reçut l'avertissement. Il était très beau et ressemblait beaucoup au Sauveur. Aussi était-il appelé particulièrement le frère du Seigneur, même par ses propres frères.


En ce qui touche Matthieu, je vis de nouveau aujourd'hui qu'Alphée l'avait eu d'un premier mariage et l'avait amené avec lui quand il épousa en secondes noces Marie, fille de Cléophas. J'ai oublié ce qui concernait André.


Paul ne fut pas appelé. Ceux-là seulement furent convoqués qui étaient alliés à la sainte Famille ou qui avaient été en rapport avec elle.


Pendant ces visions, j'avais près de moi des reliques de saint André, de saint Barthélémy, des deux saints Jacques, de saint Jude, de saint Simon, de saint Thomas, et de plusieurs disciples et saintes femmes ; ceux-là se montrèrent d'abord à moi plus clairement et plus distinctement. Puis je les vis figurer dans la scène qui m'était représentée. Je vis aussi saint Thomas venir à moi mais il ne figurait pas dans le tableau de la mort de la mort de Marie. Il était éloigné et arriva trop tard.


Je vis aussi cinq disciples figurer dans le tableau J'a spécialement un souvenir distinct de Siméon le Juste et de Barnabé (ou Barsabas), dont il y avait des reliques près de moi. L'un des trois autres était l'un de ces fils des bergers qui avaient accompagné Jésus dans le voyage qu'il fit après la résurrection de Lazare. (Erémenzéar). Les deux autres étaient de Jérusalem.


Je vis aussi près de la sainte Vierge sa soeur aînée, Marie Héli. Marie Héli, femme de Cléophas, mère de Marie de Cléophas, grand mère des apôtres Jacques le Mineur, Thaddée, Simon, etc., était une femme très âgée (elle avait vingt ans de plus que la sainte Vierge). Toutes ces saintes femmes demeuraient dans le voisinage ; elles s'étaient réfugiées précédemment dans ce pays, fuyant la persécution qui sévissait à Jérusalem. Plusieurs habitaient des grottes creusées dans les rochers, où on avait disposé des logements au moyen de boiseries en clayonnage.



Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie - III - Manière de vivre de Marie. Saint Jean lui donne la sainte Eucharistie. Chemin de la Croix.