Ecclesia in Oceania FR 35


CHAPITRE IV

VIVRE LA VIE DE JÉSUS CHRIST EN OCÉANIE

« Quand il eut fini de parler, il dit à Simon: "Avance au large, et jetez les filets pour prendre du poisson." Simon lui répondit: "Maître, nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre; mais, sur ton ordre, je vais jeter les filets". Ils le firent, et ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient. Ils firent signe à leurs compagnons de l'autre barque de venir les aider. Ceux-ci vinrent, et ils remplirent les deux barques, à tel point qu'elles enfonçaient » (Lc 5,4-7).


Vie spirituelle et vie sacramentelle

Viens, Esprit Saint!

36 « L'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5,5). Quand le Verbe s'est fait chair et qu'il a habité parmi nous (cf. Jn 1,14), Dieu s'est introduit dans l'histoire humaine afin que nous devenions « participants de la nature divine » (2P 1,4). Vivre dans le Christ implique de laisser l'Esprit renouveler notre manière de vivre. Saint Paul parle de « revêtir l'Homme nouveau, qui a été créé selon Dieu, dans la justice et la sainteté de la vérité » (Ep 4,24). L'Église en Océanie a été dotée de nombreux dons par l'Esprit Saint. Malgré la grande diversité des cultures et des traditions, elle demeure une dans la foi, l'espérance et la charité, une dans la doctrine catholique et dans la discipline, une dans la communion de la Sainte Trinité.(126) Dans cette communion, tous sont appelés à vivre la vie du Christ dans le cadre de leurs activités quotidiennes, à manifester les fruits magnifiques de l'Esprit (cf. Ga 5,22-23) et à être les témoins de l'amour et de la miséricorde de Dieu dans le monde.

(126) Cf. Jean-Paul II, Homélie de la Messe pour l'évangélisation, Mount Hagen (8 mai 1984), n. 5: AAS 76 (1984), p. 1010; L'Osservatore Romano, éd. hebd. en langue française, n. 20 (15 mai 1984), p. 9.


L'Esprit d'intériorité

37 L'Assemblée spéciale a insisté sur l'importance fondamentale, pour l'Église en Océanie, de la prière et de la vie intérieure d'union au Christ. Les autochtones ont conservé une grande estime pour le silence, pour la contemplation, et ils gardent le sens du mystère contenu dans la vie. L'activité frénétique de la vie moderne, avec son inévitable stress, fait qu'il est indispensable pour les chrétiens de rechercher le silence de la prière et la contemplation comme conditions et en même temps comme manifestations d'une foi vivante. Lorsque Dieu n'est plus au centre de la vie humaine, la vie elle-même devient vide et perd son sens.(127)

Les Pères synodaux ont reconnu la nécessité de donner un élan nouveau à la vie spirituelle de tout fidèle et de l'encourager. Jésus lui-même sortait souvent pour aller dans un endroit désert, « et là il priait » (
Mc 1,35). L'évangéliste note: « On parlait de lui de plus en plus. De grandes foules accouraient pour l'entendre et se faire guérir de leurs maladies. Mais lui se retirait dans les endroits déserts, et il priait » (Lc 5,15-16). La prière de Jésus demeure un exemple pour nous, spécialement lorsque nous sommes happés par les tensions et les responsabilités de la vie quotidienne. Les Pères du Synode ont insisté sur l'importance de la vie de prière alors que la région fait face à l'emprise croissante de la sécularisation et du matérialisme; pour stimuler la vie intérieure, ils ont encouragé la participation à la Messe, l'adoration eucharistique, le Chemin de Croix, le chapelet et d'autres exercices de dévotion, ainsi que la prière en famille.(128) La présence de communautés de vie contemplative en Océanie rappelle de manière particulièrement vive cet esprit d'intériorité qui nous aide à trouver la présence de Dieu dans nos coeurs. L'esprit d'intériorité est important aussi pour inspirer et accompagner les initiatives pastorales. Il offre la force d'un authentique amour apostolique qui reflète l'amour de Dieu.

(127) Cf. Proposition 21.
(128) Cf. ibid.


Lectio divina et Écriture sainte

38 L'Église « exhorte instamment, de façon spéciale, tous les fidèles du Christ... à acquérir, par une fréquente lecture des divines Écritures, "la science éminente de Jésus Christ" (Ph 3,8)... Mais qu'ils se souviennent que la prière doit aller de pair avec la lecture de la sainte Écriture, afin que s'établisse un dialogue entre Dieu et l'homme, car "nous lui parlons, quand nous prions; nous l'écoutons, quand nous lisons les oracles divins" ».(129) La Parole de Dieu dans l'Ancien et le Nouveau Testament est fondamentale pour tous ceux qui croient au Christ, et elle est une source inépuisable d'évangélisation. La sainteté de vie et l'activité apostolique efficace naissent d'une écoute constante de la Parole de Dieu. Une compréhension renouvelée de l'Écriture nous permet de retourner aux sources de notre foi et de rencontrer la vérité de Dieu dans le Christ. La fréquentation des Écritures est requise de tout fidèle, mais particulièrement des séminaristes, des prêtres et des religieux. Il est nécessaire de les encourager à pratiquer la lectio divina, cette méditation tranquille et priante de l'Écriture qui permet à la parole de Dieu de parler au coeur humain. Cette forme de prière, vécue personnellement ou en groupe, augmentera leur amour pour la Bible et en fera un élément essentiel et vivifiant de leur vie quotidienne.(130)

C'est pourquoi il faut rendre les Écritures accessibles à tous en Océanie. Elles ont besoin d'être traduites correctement et fidèlement, dans le plus grand nombre possible de langues vernaculaires. Un très louable travail de traduction biblique a déjà été entrepris, mais il reste encore beaucoup à faire. Toutefois, il n'est pas suffisant de fournir aux nombreux groupes linguistiques un texte biblique qu'ils peuvent lire; pour les aider à comprendre ce qu'ils lisent, il faut assurer une formation biblique solide et continue à tous ceux qui sont appelés à proclamer et à enseigner la parole de Dieu.(131)

(129) Conc. oecum. Vat.II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. DV 25; cf. S. Ambroise, De officiis ministrorum I, 20, 88: PL 16, 50.
(130) Cf. Proposition 22.
(131) Cf. ibid.


La Liturgie

39 Les Pères du Synode ont réfléchi longuement sur l'importance de la liturgie dans les Églises locales en Océanie, et ils ont exprimé le désir que les Églises locales continuent à renouveler leur vie liturgique afin que les fidèles puissent entrer plus profondément dans le mystère du Christ. Ils ont reconnu qu'une plus grande participation du peuple de Dieu dans la liturgie était un des fruits du Concile Vatican II, qui a induit à son tour un sens plus affiné de la mission, comme cela était escompté. La vie chrétienne a été revivifiée par une compréhension et une mise en valeur renouvelées de la liturgie, en particulier pour ce qui concerne le Sacrifice eucharistique. Le Concile avait envisagé le renouveau liturgique comme un processus conduisant à une compréhension toujours plus profonde des rites sacrés. À cet égard, de nombreuses Églises locales sont engagées en théorie et en pratique dans une réelle inculturation des formes de culte, tout en ayant soin de préserver l'intégrité du Rite romain. Des traductions appropriées des textes liturgiques et l'utilisation adéquate des symboles tirés des cultures locales peuvent remédier à l'éloignement culturel dont souffre le peuple autochtone dans sa participation au culte de l'Église.(132) Les mots et les signes de la liturgie seront les mots et les signes de leur âme.

(132) Cf. Proposition 47.


L'Eucharistie

40 L'Eucharistie parachève l'initiation chrétienne. Elle est la source et le sommet de la vie chrétienne. Le Christ est réellement et substantiellement présent dans le Sacrement de son Corps et de son Sang, offerts en sacrifice pour la vie du monde et partagés par les fidèles dans la communion. Depuis ses origines, l'Église n'a eu de cesse d'obéir au commandement du Seigneur: « Faites ceci en mémoire de moi » (1Co 11,24). Les catholiques de l'Océanie comprennent bien la place centrale de l'Eucharistie dans leur vie. Ils prennent conscience que des célébrations régulières et priantes du Sacrifice eucharistique leur permettent de suivre le chemin de la sainteté personnelle et d'avoir part à la mission de l'Église. Les Pères du Synode furent prompts à reconnaître cette grande estime et cet amour intense à l'égard du plus grand sacrement de l'Église.

Par ailleurs, ils ont exprimé leur inquiétude quant à l'absence de célébration eucharistique, durant de longues périodes, dans de nombreuses communautés de l'Océanie.(133) Il y a à cela de nombreuses raisons: la rareté croissante de prêtres disponibles pour le ministère pastoral; en Australie spécialement, en ce qui concerne le monde rural, l'augmentation de la pauvreté et l'exode vers les villes, qui entraînent une diminution toujours plus forte de la population et l'isolement de nombreuses communautés. En raison des vastes distances qui séparent de nombreuses îles, il est souvent impossible de pouvoir disposer d'un prêtre résidant. Pourtant, beaucoup de communautés se réunissent le Jour du Seigneur, pour des assemblées qui ne sont pas des célébrations eucharistiques. Il faut une grande sagesse et beaucoup de courage pour aborder cette situation que l'on ne peut que déplorer. Je fais mienne l'insistance du Synode afin que de plus grands efforts soient faits pour éveiller les vocations sacerdotales, et pour que les prêtres soient affectés d'une manière plus équitable dans toute la région.

(133) Cf. Proposition 39.


Le sacrement de Pénitence

41 « Il est très important que nous réfléchissions au fait que le Christ a voulu faire du sacrement de Pénitence la source et le signe d'une miséricorde, d'une réconciliation et d'une paix fondamentales. L'Église sert mieux le monde quand elle est précisément ce qu'elle se propose d'être: une communauté réconciliée et réconciliatrice de disciples du Christ... L'Église n'est jamais plus elle-même que lorsqu'elle se fait médiatrice et qu'elle réconcilie, dans l'amour et le pouvoir de Jésus Christ, à travers le sacrement de Pénitence ».(134) Aussi les Pères synodaux ont-ils rendu grâce car, en de nombreuses Églises en Océanie, on fréquente assidûment le sacrement de Pénitence et on l'apprécie comme une source de la grâce qui guérit.

Cependant, ils ont aussi noté que, dans d'autres Églises locales, on est affronté à de sérieux défis pastoraux en ce qui concerne ce sacrement. Dans les sociétés développées tout spécialement, il existe chez de nombreux fidèles une certaine confusion ou de l'indifférence par rapport au sens du péché ou à la nécessité du pardon par le sacrement de Pénitence. Il arrive même que le sens réel de la liberté humaine ne soit pas compris. Les Évêques ont un vif désir de faire redécouvrir la place fondamentale du sacrement de Pénitence dans la vie du peuple de Dieu. Ils ont insisté pour « qu'une catéchèse plus développée soit proposée sur la responsabilité personnelle, sur le sens du péché et sur le sacrement de Réconciliation, afin de rappeler aux catholiques que l'amour miséricordieux de Jésus Christ est offert dans ce sacrement et que l'absolution sacramentelle est nécessaire pour des péchés graves commis après le baptême. En outre, afin d'accompagner le cheminement spirituel lié au sacrement de la Réconciliation, les prêtres doivent être invités non seulement à accorder une place importante à ce sacrement dans leur vie personnelle, mais aussi à faire en sorte que les fidèles puissent s'en approcher d'une manière régulière, en le considérant comme une part importante de leur ministère ».(135) L'expérience du grand Jubilé a montré que le temps est venu pour un tel renouveau de la catéchèse et de la pratique du grand sacrement de la miséricorde.

(134) Jean-Paul II, Discours aux Évêques de Nouvelle-Zélande, Wellington (23 novembre 1986), n. 9: AAS 79 (1987), pp. 940-941; L'Osservatore Romano, éd. hebd. en langue française, n. 49 (9 décembre 1986), p. 7.
(135) Proposition 40 A.


L'Onction des malades

42 Le Christ offre son amour compatissant d'une manière spéciale aux malades et à ceux qui souffrent. Cela se concrétise dans le soin avec lequel l'Église entoure tous ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur esprit. Le renouveau de la liturgie pour les malades a représenté une contribution très positive pour les personnes qui se trouvent dans des situations où leur vie est en danger: maladie grave, intervention chirurgicale risquée, âge avancé. Les personnes âgées souffrent souvent de l'isolement et de la solitude. Les célébrations communautaires de l'onction des malades constituent une aide précieuse et une consolation pour les malades ou pour ceux qui souffrent, et elles sont une source d'espérance pour ceux qui les accompagnent. Les Pères du Synode veulent remercier de manière particulière tous ceux qui accompagnent les malades et les mourants. C'est là un précieux témoignage de l'amour du Christ lui-même, alors que les malades et les personnes en fin de vie semblent parfois considérés comme un fardeau.(136)

(136) Cf. Proposition 41.


Le peuple de Dieu

La vocation des laïcs

43 Être appelé, comme le fut Matthieu, est une expérience fondamentale pour les chrétiens dans leur vie de disciples. « Étant sorti, Jésus vit, en passant, un homme assis au bureau de la douane, appelé Matthieu, et il lui dit: "Suis-moi!". Et, se levant, il le suivit » Mt 9,9). Par le baptême, tous les chrétiens ont reçu l'appel à la sainteté. Toute vocation personnelle est un appel à prendre une part de la mission de l'Église; et, compte tenu des exigences de la nouvelle évangélisation, il est très important à l'heure actuelle de rappeler aux laïcs leur vocation particulière dans l'Église. Les Pères du Synode « se sont réjouis du travail et du témoignage de nombreux fidèles laïcs qui ont contribué puissamment à la croissance de l'Église en Océanie ».(137) Dès les tout débuts de l'Église en Océanie, les laïcs ont apporté à sa croissance et à sa mission une contribution multiforme; et ils continuent à le faire par leur engagement dans divers types de service, surtout dans les paroisses comme catéchistes, comme accompagnateurs pour la préparation aux sacrements, dans la pastorale de la jeunesse, l'animation de petits groupes ou de communautés.

Dans un monde qui a besoin de voir et d'entendre la vérité du Christ, les laïcs, dans leurs diverses professions, sont des témoins vivants de l'Évangile. C'est la vocation fondamentale des laïcs de renouveler l'ordre temporel dans tous ses nombreux éléments.(138) Les Pères du Synode ont assuré « leur soutien aux laïcs hommes et femmes qui, dans leur existence quotidienne, vivent pleinement leur vocation chrétienne et renouvellent l'ordre temporel, par les valeurs personnelles et familiales, par leur participation aux enjeux économiques, par leurs activités professionnelles, par leur présence dans les institutions politiques, dans les relations internationales, dans les activités artistiques, etc. ».(139) L'Église soutient et encourage les laïcs qui s'efforcent d'établir la juste échelle de valeurs des choses dans l'ordre temporel, le conduisant ainsi vers Dieu par le Christ. De cette manière, l'Église devient ferment qui fait lever toute la pâte de l'ordre temporel.

(137) Proposition 30.
(138) Cf. Conc. oecum. Vat. II, Décret sur l'apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, et Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Christifideles laici (30 décembre 1988): AAS 81 (1989), pp. 393-521; La Documentation catholique 86 (1989), pp. 152-196.
(139) Proposition 30.


Les jeunes dans l'Église

44 Dans de nombreux pays de l'Océanie, les jeunes forment la majorité de la population, tandis qu'il n'en va pas de même dans des pays comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Les Pères du Synode ont tenu à confirmer les jeunes de l'Église en Océanie dans leur mission: être « le sel de la terre et la lumière du monde » (Mt 5,13 Mt 5,14). Ils ont voulu faire savoir aux jeunes qu'ils sont une partie vitale de l'Église d'aujourd'hui et que les responsables cherchent les moyens adaptés pour mieux les rendre partie prenante de la vie et de la mission de l'Église. Les jeunes catholiques sont appelés à suivre Jésus, non seulement plus tard, quand ils seront adultes, mais dès à présent, comme des disciples en croissance. Puissent-ils toujours être attirés par l'irrésistible beauté du visage de Jésus! Puissent-ils aussi être stimulés par le défi des idéaux élevés de l'Évangile ! Alors, ils seront revêtus de force pour prendre une part active dans l'apostolat auquel l'Église les appelle maintenant, pour jouer leur rôle avec joie et énergie dans la vie de l'Église, à tous les niveaux: universel, national, diocésain et local.(140) De nos jours, « les jeunes vivent dans une culture qui leur est propre. Il est essentiel que les responsables de l'Église étudient la culture et le langage des jeunes, qu'ils les accueillent et qu'ils intègrent les éléments positifs de cette culture dans la vie et la mission de l'Église ».(141)

Mais nous sommes aussi à une époque où les jeunes sont affrontés à de grandes difficultés. Beaucoup d'entre eux ne réussissent pas à trouver un travail, et ils sont souvent attirés vers les grandes villes où l'oppression due à l'isolement, à la solitude et au chômage les conduit à des situations destructrices. Certains sont tentés par la drogue ou d'autres formes de dépendance, d'autres en arrivent même au suicide. Et pourtant, même au milieu de telles situations, les jeunes cherchent souvent la vie que seul le Christ est capable de leur offrir. Il est donc indispensable que l'Église proclame l'Évangile aux jeunes d'une manière telle qu'ils soient en mesure de le comprendre, qu'ils puissent saisir la main que le Christ ne cesse jamais de leur tendre, surtout au milieu de leur nuit.

Les Pères du Synode étaient convaincus de la nécessité d'un apostolat des jeunes par les jeunes, et ils se sont faits l'écho de l'appel que j'avais adressé aux jeunes en me rendant dans la région: « N'ayez pas peur de vous engager dans la tâche de faire connaître et aimer le Christ, en particulier parmi les nombreuses personnes de votre âge, qui constituent la majeure partie de la population ».(142) Avec les Pères du Synode, je demande aux jeunes de l'Église de réfléchir sérieusement, dans la prière, sur la vocation à suivre Jésus comme prêtres ou dans la vie consacrée, car les besoins sont grands. Les Évêques ont chaleureusement loué les jeunes pour leur sens aigu de la justice, du respect de l'intégrité et de la dignité de la personne humaine, pour leur souci des pauvres et leur préoccupation de l'environnement. Ce sont les signes d'une grande générosité d'esprit qui ne manquera pas de porter des fruits dans la vie de l'Église actuelle, comme ce fut toujours le cas dans le passé.

En bien des lieux, les pèlerinages de jeunes sont un aspect positif de la vie des jeunes catholiques.(143) Les pèlerinages ont longtemps fait partie intégrante de la vie chrétienne et ils concourent à renforcer le sens de l'identité et de l'appartenance. Les Pères synodaux ont reconnu l'importance des Journées mondiales de la Jeunesse, car elles permettent aux jeunes de faire l'expérience d'une authentique communio; cela fut manifeste durant l'inoubliable grand Jubilé. Les jeunes se rassemblent pour écouter la Parole de Dieu présentée dans un langage qu'ils comprennent, pour méditer cette Parole dans la prière, et pour prendre part à de belles liturgies et à des rencontres de prière intenses.(144) Bien des fois j'ai pu constater combien ils sont, pour beaucoup, naturellement ouverts au mystère de Dieu révélé dans l'Évangile. Puisse le glorieux mystère de Jésus Christ apporter toujours la paix et la joie aux jeunes de l'Océanie!

(140) Cf. Proposition 26.
(141) Ibid.
(142) Homélie lors de la béatification de Peter To Rot, Port Moresby (17 janvier 1995), n. 8: AAS87 (1995), p. 995; La Documentation catholique 92 (1995), p. 168.
(143) Cf. Proposition 26.
(144) Cf. ibid.


Le mariage et la vie familiale

45 « La famille chrétienne est une révélation et une réalisation spécifique de la communion ecclésiale, c'est pourquoi elle peut et elle doit se dire "Église domestique" ».(145) En dernière analyse, la famille est une image de l'ineffable communio au sein de la Sainte Trinité. Par la procréation et l'éducation des enfants, la famille participe aussi à l'oeuvre créatrice de Dieu, et, comme telle, elle représente une grande force pour l'évangélisation dans l'Église et au-delà. « La qualité de la vie familiale a une très grande influence sur l'Église et la société en Océanie ».(146)Cela implique une grande responsabilité pour les chrétiens qui s'engagent dans l'alliance conjugale; et « pour tous les couples qui désirent le sacrement de mariage, il devrait y avoir une préparation pastorale adaptée ».(147)

En tant qu'institution, la famille devra toujours être l'objet d'une action pastorale d'ensemble de la part de l'Église; et il sera particulièrement nécessaire de connaître les besoins et les charges des familles nombreuses. L'Église et les autorités civiles sont encouragées à procurer tous les services possibles pour soutenir les parents et les familles. L'Église est spécialement attentive au droit des femmes à se marier librement et à être traitées avec respect dans le mariage. La polygamie, qui existe encore dans certaines régions, est une cause grave d'exploitation des femmes. D'une manière plus générale, les Pères du Synode se sont préoccupés de la condition sociale de la femme en Océanie, souhaitant que soit respecté le principe « à travail égal, salaire égal », et que les femmes ne soient pas exclues du monde du travail. Mais, en même temps, il est capital que les mères ne soient pas pénalisées quand elles restent à la maison pour s'occuper de leurs enfants, car c'est une très haute dignité que d'être parents, et l'éducation des enfants est une tâche de première importance.

Dans les familles où les deux parents sont catholiques, il leur est plus facile de partager leur foi avec leurs enfants. Tout en rendant grâce pour tous les cas de mariages mixtes où l'on constate un épanouissement de la foi aussi bien chez les époux que chez les enfants, le Synode a encouragé les efforts pastoraux en vue de promouvoir le mariage entre personnes partageant la même foi.(148)

En Océanie comme ailleurs, le mariage et la vie familiale sont soumis de nos jours à de nombreuses tensions. Cela peut affaiblir le mariage comme cellule de base de la société et donc affaiblir la société elle-même. Comme je l'ai fait remarquer lorsque j'étais en Australie, « le concept chrétien du mariage et de la famille est menacé par une nouvelle conception séculière, pragmatique et individualiste qui a gagné du terrain dans le domaine de la législation et qui reçoit une certaine "approbation" dans l'opinion publique ».(149) Conscients de ce danger, les Pères du Synode ont recommandé que « des programmes pastoraux apportent un soutien approprié aux familles qui sont confrontées à l'un ou l'autre des graves problèmes de la société moderne: l'alcoolisme, la drogue, les dépendances comportementales, le jeu... Devant les difficultés qui, de nos jours, assaillent le mariage et la vie familiale, telles que la triste réalité de la mésentente conjugale, les ruptures et le divorce, le Synode appelle à un renouvellement de la catéchèse sur les idéaux du mariage chrétien ».(150) L'Église a la possibilité incomparable de présenter d'une manière nouvelle le mariage chrétien comme alliance éternelle dans le Christ, fondée sur un don de soi généreux et sur un amour sans conditions. Cette vision splendide du mariage et de la famille offre une vérité salutaire non seulement pour les personnes mais pour la société dans son ensemble. C'est pourquoi les principes théologiques qui étayent l'enseignement de l'Église sur le mariage et la famille doivent être soigneusement expliqués à tous de manière convaincante.(151)

Des sessions de ressourcement spirituel pour couples peuvent aider ces derniers à approfondir leur engagement et la joie qui jaillit du don de l'amour conjugal. Si, toutefois, le mariage est menacé d'une manière ou d'une autre, il est demandé aux pasteurs d'accorder toute leur attention à ceux qui se trouvent dans la détresse. Le Synode a voulu souligner aussi le grand dévouement des personnes qui élèvent et éduquent seules leurs enfants, et il a tenu à leur faire savoir que la façon dont elles vivaient l'Évangile dans des circonstances souvent difficiles était profondément appréciée. Le clergé, les écoles catholiques et les catéchistes doivent accorder une attention particulière à ces parents et à leurs enfants.(152)

(145) Jean-Paul II, Exhort. apost. Familiaris consortio (22 novembre 1981), n.
FC 21; AAS 74 (1982), p. 105; La Documentation catholique 79 (1982), p. 8.
(146) Proposition 23.
(147) Ibid.
(148) Cf. ibid.
(149) Discours aux Évêques d'Australie, Sydney (26 novembre 1986), n. 10: AAS 79 (1987), p. 960; L'Osservatore Romano, éd. hebd. en langue française, n. 51 (23 décembre 1986), p. 12.
(150) Proposition 23.
(151) Cf. Proposition 24.
(152) Cf. ibid.


Les femmes dans l'Église

46 L'immense procession des saints à travers les siècles montre à l'évidence que les femmes ont enrichi l'Église de dons uniques et irremplaçables, et que, sans ces dons, la communauté chrétienne se trouverait irrémédiablement appauvrie.(153) Plus que jamais, de nos jours, l'Église a besoin des compétences, des énergies, de la sainteté même des femmes si l'on veut que la nouvelle évangélisation porte les fruits si ardemment désirés. Si certaines femmes se sentent encore mises à l'écart dans l'Église comme dans la société en général, bien d'autres éprouvent un profond sentiment d'épanouissement en contribuant à la vie paroissiale, en participant à la liturgie, à la vie de prière et aux oeuvres apostoliques et caritatives dans l'Église en Océanie. Il est important que l'Église, au niveau local, offre aux femmes la possibilité de prendre la part qui leur revient dans la mission de l'Église; jamais elles ne devraient se sentir étrangères. De nombreuses formes d'apostolat laïc et de nombreux programmes de formation des laïcs sont ouverts aux femmes, de même que divers niveaux de responsabilités, leur permettant de mettre davantage encore leurs dons au service de la mission de l'Église.(154)

(153) Cf. Jean-Paul II, Lettre apostolique Mulieris dignitatem (15 août 1988): AAS 80 (1988), pp. 1653-1729; La Documentation catholique 85 (1988), pp. 1063-1088; Lettre aux femmes (29 juin 1995): AAS 87 (1995), pp. 803-812; La Documentation catholique 92 (1995), pp. 717-722.
(154) Cf. Proposition 27.


Les nouveaux mouvements ecclésiaux

47 L'un des « signes des temps » pour l'Église en Océanie est l'apparition des nouveaux mouvements ecclésiaux, qui sont un autre fruit du Concile Vatican II. Ces mouvements donnent aux catholiques de tous âges un nouvel élan et un puissant soutien dans leurs efforts de vie plus intensément chrétienne. Au sein de certains d'entre eux naissent un bon nombre de vocations au sacerdoce ou à la vie consacrée; et cela est source d'une vive reconnaissance. Grâce à ces mouvements ecclésiaux, de nombreux catholiques redécouvrent le Christ d'une manière plus profonde, et, dans les cultures d'aujourd'hui, cette expérience leur permet de rester fidèles, quelles que soient les difficultés. Tout en aidant les personnes à grandir dans leur vie chrétienne, ces mouvements apportent à l'Église bien des dons de sainteté ainsi qu'une précieuse collaboration.(155) Accueillant ces mouvements comme des signes de l'Esprit à l'oeuvre dans l'Église, les Pères du Synode ont demandé qu'ils travaillent au sein des structures des Églises locales afin de contribuer à l'édification de la communio du diocèse où ils se trouvent. L'Évêque doit « exercer son jugement pastoral en les accueillant et en les guidant, tout en leur demandant de respecter les programmes pastoraux du diocèse ».(156)

(155) Cf. Proposition 11.
(156) Ibid.


Ministères ordonnés et vie consacrée

Vocations et séminaires

48 Étant donné le rôle essentiel du sacerdoce et la grande importance de la vie consacrée dans la mission de l'Église, les Évêques de l'Assemblée spéciale ont affirmé l'importance du témoignage offert par les Évêques, les prêtres et les consacrés à travers leur prière, leur fidélité, leur générosité et leur simplicité de vie.(157) Le champ dans lequel ils travaillent est vaste et ils sont relativement peu nombreux. Il y a beaucoup de jeunes gens en Océanie, et ils sont une précieuse ressource spirituelle; sans aucun doute, nombre d'entre eux se sentent appelés au sacerdoce ou à la vie consacrée. « Puisse un nombre toujours plus grand [...] écouter attentivement et accueillir volontiers ces paroles du Christ qui parlent d'un choix personnel spécial de Dieu, d'une fécondité apostolique: "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi; mais c'est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous partiez, que vous donniez du fruit, et que votre fruit demeure" (Jn 15,16) ».(158) Les Pères du Synode ont souligné la nette diminution du nombre des prêtres et des religieux en Océanie. La promotion des vocations est une responsabilité urgente pour toute communauté catholique. Tout Évêque devrait veiller à l'établissement et à la mise en application d'un plan pour promouvoir les vocations sacerdotales et religieuses à tous les niveaux - diocèse, paroisse, école et famille. Les Pères du Synode se tournent vers l'avenir avec espérance et avec confiance, priant « le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson » (Lc 10,2),(159) et restant fermes dans la foi, sachant que Dieu y pourvoira (cf. Gn 22,8).

Dans les séminaires, les prêtres de demain sont formés à l'image du Bon Pasteur, « en s'unissant au Christ dans la découverte de la volonté du Père et dans le don d'eux-mêmes pour le troupeau qui leur est confié ».(160) Chaque Évêque est responsable de la formation de son clergé dans le contexte de la culture et de la tradition locales. À cet égard, les Pères du Synode ont demandé « qu'on réfléchisse sérieusement à des modèles plus flexibles et plus créatifs de formation et d'apprentissage »(161) qui prennent en compte les éléments essentiels d'une formation intégrale pour les candidats au sacerdoce en Océanie: formation humaine, intellectuelle, spirituelle et pastorale.(162) Dans le même temps, les Évêques ont exprimé « des réserves à l'égard des positions extrêmes que sont le cléricalisme et le sécularisme, et en ce qui concerne les dangers d'une compétence inadéquate, résultant parfois d'une formation actuelle au séminaire qui néglige les réels besoins intellectuels et spirituels des séminaristes ».(163)

Il faut accorder une attention spéciale à la situation de certaines Églises en Océanie. Dans les Églises particulières de Papouasie-Nouvelle-Guinée, des Îles Salomon et dans les autres nations insulaires du Pacifique, de nouveaux séminaires ont été ouverts pour faire face au nombre croissant de séminaristes qui ont besoin d'être formés dans leur propre région et dans leur culture. Tout en rendant grâce pour le don précieux de nouvelles vocations, les Pères du Synode ont aussi reconnu la nécessité d'avoir davantage de formateurs autochtones, correctement préparés à leur tâche d'enseignement et de formation. Des propositions ont été faites pour remédier à cette situation critique, y compris l'échange de personnel à l'intérieur de l'Océanie. On donnera plus de facilités aux prêtres diocésains autochtones pour faire des études supérieures à l'intérieur ou en dehors de la région. Des programmes d'échanges, approuvés de part et d'autre, pourraient être établis pour répondre aux divers besoins. Le souci primordial des Évêques reste la formation humaine et pastorale des séminaristes, dans leur contexte culturel spécifique. Il convient aussi de trouver des solutions afin de pourvoir au soutien financier nécessaire pour les séminaires, qui représentent une lourde charge pour de nombreux diocèses. En Océanie, là où les ressources sont insuffisantes, des appels devraient être lancés plus largement à l'Église, aux Ordres religieux, aux Congrégations et aux Instituts, pour aider les jeunes Églises à former des personnes autochtones qualifiées.(164) L'avenir de l'Église en Océanie en dépend pour une large part, car l'Église ne peut pas remplir sa fonction sans le sacerdoce sacramentel et elle ne peut pas bien fonctionner sans de bons prêtres.

(157) Cf. Proposition 29.
(158) Jean-Paul II, Homélie de la Messe pour les vocations, Port Moresby (7 mai 1984), n. 4: AAS76 (1984), p. 1006; La Documentation catholique 81 (1984), pp. 623-624.
(159) Cf. Proposition 28.
(160) Conc. oecum. Vat. II, Décr. sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum Ordinis, n. PO 14.
(161) Proposition 37.
(162) Cf. Jean-Paul II, Exhort. apost. post-synodale Pastores dabo vobis (25 mars 1992), nn. PDV 43-59: AAS 84 (1992), pp. 731-762; La Documentation catholique 89 (1992), pp. 477-486.
(163) Proposition 37.
(164) Cf. Proposition 38.



Ecclesia in Oceania FR 35