Brentano - B. Emmerich: Myst. AT 600

2 la promesse du Salut

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Après la chute originelle, Dieu montra aux anges comment il allait restaurer le genre humain. Je vis le trône de Dieu, la très Sainte Trinité, un mouvement entre les trois divines Personnes. Je vis les neuf choeurs d'anges: Dieu leur révéla de quelle façon Il désirait rétablir le genre humain déchu, et les anges manifestèrent alors une allégresse et une jubilation indescriptibles.

Je vis le roc de pierres précieuses d'Adam apparaître devant Dieu, tout resplendissant, comme s'il avait été apporté par des anges; ce roc était taillé en degrés, il s'agrandit, il devint un trône, une tour, qui s'élargit jusqu'à tout contenir. Les neuf choeurs d'anges se tenaient tout autour, et, au-dessus d'eux dans le ciel, Je vis l'image de la Vierge. C'était Marie, non dans le temps, mais dans l'éternité, en Dieu 2. Elle était quelque chose qui sortait de Dieu. La Vierge pénétra dans la Tour. qui s'ouvrait devant elle. et ce fut comme si elle s'identifiait au monument 3. Quelque chose apparut qui sortait de la très Sainte Trinité et se dirigea vers la Tour pour entrer en elle.

1. Cf. chap. 4. 1ère partie : " L'Arbre de la Vie et l'Arbre de la Connaissance".
2. Marie éternellement présente dans le dessein de Dieu. (NdT)


Je vis également une sorte d'ostensoir au milieu des anges. qui participaient tous à sa réalisation et à sa finition : il représentait une sorte de tour ornée de toutes sortes de figures mystérieuses. Deux personnages se tenaient devant, de chaque côté. se tendant la main. Je vis quelque chose, issu de Dieu. qui passa parmi tous les choeurs angéliques et pénétra dans l'ostensoir : c'était un don sacré', étincelant, qui se précisait au fur et à mesure qu'il se rapprochait. Il m'apparut comme le germe de la bénédiction divine, destiné à une croissance très pure donné par Dieu à Adam. il lui fut retiré au moment où l'homme allait écouter Eve et acquiescer à son désir de cueillir le fruit défendu c'est la bénédiction qu'Abraham reçut de nouveau, qui fut reprise à Jacob et de nouveau confiée à Moise. dans l'Arche d'Alliance, d'où Joachim, le père de Marie, la reçut finalement, si bien que Marie fut conçue aussi pure et immaculée qu'Eve. Lorsque celle-ci fut tirée du côté d'Adam endormi. Cependant, l'ostensoir entra dans la Tour.

Je vis également les anges préparer un calice semblable par sa forme au calice de la Cène ce vase entra aussi dans la Tour. Sur le côté extérieur droit de la Tour, il y avait du vin et du froment, comme posés sur un rebord de nuages dorés : des mains aux doigts joints se baissaient sur ce vin et ce froment'.

3. Cf. le titre de Marie "Tour de David " dans les litanies. (NdT)
4. C'est le mystérieux "dépôt sacré" dont il sera question aux chapitres 6. 12. 13. 14. 15. 16, et 17. Cf. l'appendice à ce sujet.


C'est alors qu'un rameau, puis un arbre entier, se dressèrent au-dessus les branches de cet arbre portaient des figures miniatures d'hommes et de femmes qui se tendaient les mains. La dernière fleur de cet arbre était la crèche avec l'enfant.

J'eus alors des visions sur le mystère de la Rédemption comme Promesse jusqu'à son accomplissement à la fin des temps je vis aussi des images des obstacles qui se dressaient contre ce mystère. Finalement, je vis au-dessus du roc étincelant une grande église majestueuse, l'Eglise Catholique une et Sainte, qui porte en son sein le vivant Salut du monde entier. Il y avait en toutes ces visions une merveilleuse unité de relation et de progression. même les obstacles, même les fruits du mal. même ce qui était rejeté par les anges, devait servir au développement du plan de salut. C'est ainsi que je vis le Temple ancien surgir d'en-bas il ressemblait à l'Eglise Sainte, mais n'avait pas de tour. Il était fort grand, mais fut repoussé sur le côté par les anges et bascula. Je vis une grande coupe en forme de coquillage. qui apparut et voulut forcer les portes du Temple mais elle fut jetée sur le côté 6.

Je vis une large tour à étages (une pyramide égyptienne) dont les multiples portes se refermaient sur des personnages comme Abraham et les enfants d'Israël. Cela signifiait leur captivité en Egypte. Cette pyramide fut repoussée, comme une autre tour égyptienne à étages qui symbolisait l'astrologie et la divination. Je vis ensuite un temple égyptien, également écarté et qui s'écroula.

5 Préfiguration de la prière. qui obtint la réalisation de la Promesse, et de la Consécration. épanouissement de cette Promesse. (NdT)
6. Symbole des légendes païennes et des cultes idolâtriques (précision d'Anne Catherine Emmerick ).

Finalement, j'eus la vision de ce qui se passait sur la terre : Dieu faisait savoir à Adam qu'une Vierge apparaîtrait et lui rapporterait le Salut perdu. Mais Adam ne savait pas quand cet événement devait se produire c'est pourquoi je le vis plus tard fort triste de voir qu'Eve ne lui donnait que des garçons, jusqu'à ce qu'elle mit au monde une fille.

J'ai vu Noé et son sacrifice, au cours duquel il reçut la bénédiction de Dieu. J'ai eu ensuite des visions sur Abraham, sur sa bénédiction, sur l'annonce d'Isaac. J'ai vu cette bénédiction se transmettre d'aîné en aîné, toujours sous la forme d'un sacrement. J'ai vu Moïse, comment il reçut le mystère du dépôt sacré au cours de la nuit précédant l'Exode, ce que seul Aaron savait. J'ai vu ce dépôt mystérieux dans l'Arche d'Alliance : seuls les grands-prêtres et quelques saints eurent, par révélation divine, connaissance de ce secret. C'est ainsi que j'ai contemplé la transmission de ce mystère dans toute la lignée de Jésus-Christ, jusqu'à Joachim et Anne, le couple le plus pur et le plus saint de tous les temps, qui donna naissance à Marie la Vierge Immaculée. Et c'est Marie finalement qui fut elle-même l'Arche d Alliance, le Tabernacle du mystère.



3 l'exclusion du Paradis

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Apres quelque temps, je vis Adam et Eve errer ça et là en proie à une grande tristesse. Ils étaient sombres, marchaient loin de l'autre, comme s'ils cherchaient quelque chose qu'ils eussent perdu. Chaque pas les faisait s'enfoncer davantage, c'était comme si le sol se dérobait et, partout où ils allaient, tout devenait terne, la végétation perdait son éclat, devenant comme grise, et les animaux s'enfuyaient. Ils cherchèrent toutefois de grandes feuilles, s'en firent un pagne qu'ils ceignirent et continuèrent de marcher isolément (
Gn 3,7).

Quand ils eurent ainsi parcouru un certain trajet le merveilleux endroit qu'ils avaient fui n'était plus qu'une petite montagne lointaine, et ils se cachèrent, chacun de son côté, parmi les buissons d'une même plaine. C'est alors qu'une voix venue d'en-haut les appela : mais ils n'osèrent se montrer, eurent encore plus peur, se sauvèrent plus loin pour se cacher mieux. Cela me causa une grande peine. La voix se fit alors plus sévère (Gn 3,9); ils se fussent volontiers dissimulés plus avant, mais ils furent obligés de se découvrir.

La silhouette majestueuse et éclatante de lumière apparut : ils s'avancèrent vers elle tête baissée, sans oser regarder le Seigneur : ils se jetaient toutefois des coups d'oeil et s'excusèrent. Alors Dieu leur indiqua, plus bas encore, une plaine piquetée d'arbres et de fourrés, et c'est alors qu'ils comprirent vraiment leur état misérable (Gn 3,24). Lorsqu'ils furent seuls, je les vis prier. Ils s'écartèrent l'un de l'autre, tombèrent à genoux, levèrent les mains vers le ciel et se mirent à crier et à pleurer. Lorsque je voyais cela, je sentais combien l'isolement est bienfaisant pour la prière.

Ils étaient désormais vêtus d'un habit qui couvrait leur corps des épaules aux genoux. Leur ceinture était une bande d'écorce (Gn 3,21). Pendant qu'ils fuyaient, le Paradis semblait se retirer derrière eux, comme un nuage. Et un cercle de feu, comparable aux halos que l'on voit autour du soleil ou de la lune, descendit du ciel et s'établit tout autour de la montagne où était le Paradis (Gn 3,24).

Adam et Eve n'avaient passé qu'un jour au Paradis. Je vois celui-ci de loin, maintenant, comme un banc sous le soleil levant. Lorsque j'ai cette vision, je vois le soleil prendre sa course à l'extrémité droite de ce banc. Le Paradis est situé à l'est de la Montagne des prophètes, et m'apparaît toujours comme un oeuf flottant à la surface d'une eau indescriptiblement claire qui le sépare de la terre; et la Montagne des prophètes est comme un contrefort du Paradis : on y découvre des régions verdoyantes, magnifiques, séparées par de profonds ravins et des gouffres pleins d'eau. J'ai déjà vu des hommes entreprendre l'exploration de la Montagne des prophètes, mais ils ne sont pas allés bien loin.

J'ai vu Adam et Eve arriver sur cette terre de pénitence : c'était un spectacle infiniment bouleversant, que ces deux êtres en pénitence sur la terre nue. Adam avait eu la permission d'emporter un rameau d'olivier du Paradis, et i1 le planta; j'ai vu que, par la suite, la Croix fut taillée dans ce bois. Ils étaient dans une affliction poignante. Comme je pus le constater, ils ne pouvaient qu'à peine apercevoir le Paradis. Ils étaient toujours poussés plus loin. et, en même temps, c'était comme si quelque chose se retournait finalement, ils atteignirent, dans l'obscurité et la nuit, le triste lieu de l'expiation.

1. Le rameau d'olivier. gage de l'Alliance et de la Promesse (cf aussi Noé. chap. 6) donnera naissance a la Croix, sur laquelle cette Alliance et cette Promesse trouveront leur épanouissement et leur achèvement définitifs dans le sacrifice du Christ. (NdT)


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4 la famille d'Adam



C'est dans la région du Mont des Oliviers que j'ai vu arriver Adam et Eve : le paysage était différent de ce qu'il est maintenant, mais il me fut montré que c'était bien ce pays. Je les ai vu habiter et faire pénitence à l'endroit même où Jésus eut la sueur de sang. Ils cultivaient les champs. Je les ai vus entourés de fils et plongés dans une grande affliction, suppliant Dieu de leur accorder aussi des filles. Ils avaient reçu la promesse que la postérité de la femme écraserait la tête du serpent.

Eve donnait naissance à ses enfants à intervalles précis : il y avait toujours un certain nombre d'années de pénitence entre deux naissances. C'est ainsi qu'elle enfanta Seth l'enfant de la promesse 1 dans la grotte de la Nativité. après sept ans de pénitence : et là, un ange de Dieu lui dit que Seth était la postérité que Dieu lui donnait à la place d'Abel (Gn 4,8 Gn 4,25). Seth demeura longtemps caché en ce lieu, ainsi que dans la grotte de l'allaitement d'Abraham, 2 parce que ses frères - comme ceux de Joseph 3 - cherchaient à attenter à sa vie.

Un jour, je vis douze personnes : Adam, Eve, Caïn, Abel et deux de leurs soeurs, et d'autres enfants plus petits. Tous étaient habillés de peaux de bêtes jetées sur leurs épaules et ceintes comme des scapulaires. Ces peaux s'élargissaient sur la poitrine et servaient de sac; elles étaient plus longues autour des jambes et attachées sur les côtés. Les hommes portaient des peaux plus courtes auxquelles étaient fixées des gibecières dans lesquelles ils portaient quelque chose. Ces peaux étaient très blanches et fines, des épaules jusqu'à mi-bras, et les femmes les attachaient sous leurs bras. En ce vêtement, ils étaient très beaux et majestueux.

Il y avait là des cabanes, quelque peu enfoncées dans la terre, et recouvertes de plantes : c'était une communauté parfaitement organisée. J'ai vu des champs avec de petits arbres fruitiers assez robustes; il y avait aussi des céréales, du blé, que Dieu avait donné à semer à Adam.

Je ne me souviens pas d'avoir vu du blé et de la vigne dans le Paradis. Il n'y avait au Paradis aucun fruit susceptible d'être utilisé comme aliment. La préparation des mets est une conséquence du péché et pour cela un symbole de la souffrance. Dieu donna à Adam tout ce qu'il devait semer. Je me souviens également avoir vu des hommes comparables à des anges donner quelque chose à Noé, lorsqu'il entra dans l'Arche cela me parut être une pousse de vigne, qu'il piqua dans une pomme. 4

4. Cf. chap. 6.

Il y avait également une sorte de céréale sauvage qui poussait librement, et parmi laquelle Adam devait semer le froment, car ainsi s'améliorait l'espèce sauvage mais elle dégénéra finalement et devint encore plus mauvaise. Dans les premiers temps, ce grain sauvage se répandit, particulièrement bon et comme anobli, vers le Levant, en Inde ou en Chine, lorsqu'il y avait encore peu d'hommes en ces contrées. Là où il y a de la vigne et des poissons, ce grain ne pousse pas.

Adam et sa famille buvaient le lait des animaux et mangeaient aussi du fromage, qu'ils faisaient sécher au soleil. Parmi les animaux, j'ai vu surtout des moutons. Tous les animaux auxquels Adam avait donné un nom l'avaient suivi mais ils fuyaient, et il dut d'abord s'attacher les animaux domestiques en les nourrissant, et les habituer à lui. J'ai vu des oiseaux aussi, qui volaient ça et là, des petits animaux, et aussi des animaux sauteurs. C'était une communauté toute patriarcale. J'ai vu les enfants d'Adam étendus autour d'une pierre dans une cabane, pour manger, je les ai vu prier et rendre grâce.

Dieu avait enseigné l'offrande à Adam, et il était le prêtre dans sa famille. Caïn et Abel le furent aussi, et je vis que leur formation eut lieu dans une cabane particulière.

Ils avaient la tête coiffée de bonnets de feuilles et de brindilles tressées en forme de nacelle, avec quelque chose à l'avant qui permettait de les saisir. Ils avaient la peau d'une belle couleur jaune, brillante comme de la soie. et des cheveux blond-roux, comme de l'or. Adam portait aussi les cheveux longs; il avait une barbe, courte d'abord, puis plus longue. Eve porta d'abord les cheveux très longs, puis roulés en mèches disposées autour de la tête comme une coiffe.

J'ai toujours vu le feu comme de la braise recouverte, comme s'il était souterrain. Ils le reçurent d'abord du ciel et Dieu leur apprit à l'utiliser. Il y avait une matière jaune, comme de la terre, comme une sorte de charbon. qu'ils brûlaient. Je ne les vis pas cuire d'aliments. je vis qu'au début ils les séchaient au soleil : ainsi le blé, écrasé et exposé au soleil dans de petites fosses, sous un toit en treillis. Les céréales que Dieu leur donna étaient le blé, le seigle et l'orge. Dieu leur apprit la culture comme Il les enseigna en toutes choses.

Des grands fleuves, comme par exemple le Jourdain, je n'en vis point : mais des sources jaillissaient, qu'Adam et sa famille canalisèrent pour former des étangs. Avant la mort d'Abel, on ne mangeait pas de viande.

J'ai eu un jour cette vision au sujet du mont du Calvaire : je vis qu'un prophète, le compagnon d'Elie, se rendit en ce lieu, qui était alors une colline percée de grottes et de niches funéraires murées; il entra dans une de ces grottes, sous terre, et tira d'un sarcophage de pierre plein d'ossements le crâne d'Adam. Un ange se tenait prés de lui, en apparition, qui lui dit : "Ceci est le crâne d'Adam", et qui lui interdit de l'emporter. Il y avait sur ce crâne encore quelques fins cheveux blonds ça et là. Je vis aussi qu'à la suite du récit que fit le prophète on nomme cet endroit "le lieu du crâne. 5. C'est juste au-dessus de ce crâne que le pied de la Croix du Christ fut planté, au moment de la crucifixion. J'ai eu révélation que cette place est le centre de la terre, et il m'a été indiqué la distance en chiffres vers l'Orient, le Midi et le Couchant, mais je l'ai oubliée.

5. "Lieu du Crâne": Golgotha. (NdT)



5 Caïn - les enfants de Dieu - Les géants

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J'ai vu que c'est au Mont des Oliviers que Caïn forma le projet de tuer Abel, et que c'est là qu'il revint, affolé et saisi de crainte. Il plantait des arbres et les arrachait aussitôt. Alors je vis l’apparition d'un homme sévère, lumineux, qui demanda : "Caïn, où est ton frère Abel ?"

D'abord, Caïn ne le vit pas puis il se tourna vers lui et dit : "Je ne sais pas : il n'a pas été confié à ma garde ! (
Gn 4,9)" Lorsque Dieu dit que le sang d'Abel en appelait à Lui de la terre (Gn 4,10), Caïn eut encore plus peur; je vis qu'il discuta pourtant un long moment avec Dieu. Dieu lui dit également qu'il serait maudit sur la terre (Gn 4,11), que celle-ci ne lui donnerait plus son fruit et qu'il devrait fuir (Gn 4,12). Alors Caïn protesta que partout on chercherait à le tuer (Gn 4,14). Il y avait déjà beaucoup d’hommes sur la terre. Caïn était déjà très âgé et avait des enfants, ainsi qu'Abel, et il y avait encore bien d'autres frères et soeurs. Mais Dieu dit que non, que celui qui le frapperait serait puni sept fois (Gn 4,15); il avait fait aussi un signe sur lui, afin qu'on ne le mit pas à mort. Ses descendants furent des hommes de couleur. Cham également eut des enfants qui furent plus bruns que ceux de Sem. Plus les hommes étaient nobles, plus ils étaient blancs. Ceux qui étaient marqués du signe avaient des enfants comme eux et, par l’hérédité croissante, le signe s'étendit finalement sur tout le corps, si bien que les hommes devinrent de plus en plus sombres. Mais au commencement il n’existait pas d'hommes complètement noirs ; ils le devinrent seulement peu à peu.

Dieu lui indiqua également une région ou il devait fuir. Et comme Caïn disait : "Ainsi vas-tu me laisser mourir de faim, puisque la terre m'est malédiction !" Dieu dit que non, qu'il devait manger la chair des animaux, et qu'un peuple serait issu de lui, et qu'il en sortirait aussi du bien. Auparavant, les hommes ne mangeaient pas de viande.

Alors Caïn s'exila, et il a bâti une ville à laquelle il a donné le nom de son fils, Hénoch (Gn 4,17).

Abel fut tué dans la vallée de Josaphat au flanc du mont du Calvaire. Par la suite, il y eut encore à cet endroit toutes sortes de meurtres et de malheurs. Caïn abattit Abel avec une sorte de massue, avec laquelle il écrasait les pierres tendres et les mottes de terre au cours des cultures. Elle était probablement en pierre, avec un manche en bois, car elle était recourbée

On ne doit pas s'imaginer le pays avant le Déluge comme maintenant. La Terre Sainte n'était pas accidentée, avec ses vallées et ses ravins et de loin ! Les plaines étaient bien plus étendues et les rares montagnes avaient des pentes bien plus douces. Le Mont des Oliviers n'était en ce temps qu'une hauteur médiocre aux pentes molles. La grotte de la Nativité, près de Bethléem, existait aussi, grotte sauvage dans les rochers, mais les environs étaient différents. Les hommes étaient plus grands, mais pas difformes : maintenant, on les regarderait avec étonnement, mais pas avec crainte. Et ils étaient encore plus beaux dans leurs constructions; sous les antiques statues de marbre que je vois dans plusieurs lieux, allongées dans des chambres souterraines, il y a encore de ces figures.

Caïn entraîna tous ses enfants et petits-enfants dans la région qui lui avait été attribuée par Dieu, et ils se multiplièrent encore. Je n'ai plus vu de choses horribles sur Caïn même et son tourment fut de s'épuiser très rudement au travail, car rien ne voulait prospérer pour lui personnellement. Je l'ai vu aussi injurié et méprise par ses enfants et petits-enfants, et surtout en butte à leurs mauvais traitements; pourtant, ils le suivaient en tout comme leur maître, mais en même temps comme un maudit. J'ai vu que Caïn n'est pas damné, mais qu'il a dû expier très rudement.

Un de ses descendants fut Tubalcam; c'est de lui que vinrent des arts variés, c'est de lui aussi que sortirent les géants (Gn 4,22 Gn 6,4). J'ai vu souvent qu'au moment de la chute des anges un certain nombre d'entre eux eurent un moment de regret et ne tombèrent pas aussi bas que les autres plus tard, ils obtinrent un séjour sur une très grande montagne isolée et inaccessible, qui est devenue une mer au cours du Déluge, je crois que c'est la Mer Noire. Ces anges rebelles avaient la liberté d'agir sur les hommes dans la mesure où ceux ci s'éloignaient de Dieu. Après le Déluge, ces anges ont disparu de ce lieu et se sont dispersés dans les airs; ce n'est qu'au jugement dernier qu'ils seront précipités en enfer.

Je vis les descendants de Caïn devenir toujours plus impies et sensuels. Ils s'approchèrent toujours plus de cette montagne, et les anges déchus possédèrent beaucoup de leurs femmes et les dominèrent et leur enseignèrent tous les arts de la séduction. Leurs enfants étaient très grands, avaient toutes sortes de dons et d'aptitudes, et se rendirent complètement les instruments des mauvais esprits. C'est ainsi que naquit sur cette montagne et loin aux alentours une race perverse, qui chercha à entraîner la descendance de Seth dans son monde de vices, en usant de la force et de la séduction. C'est alors que Dieu annonça le Déluge à Noé, qui eut à subir d'épouvantables tourments de la part de ce peuple, pendant qu'il construisait l'Arche.

J'ai vu beaucoup de choses sur ce peuple des géants : comment ils traînaient très facilement d'énormes rochers jusqu'au sommet de la montagne, comment ils montaient de plus en plus haut, comment ils accomplissaient les choses les plus étonnantes. Ils grimpaient en courant le long des parois ou des troncs d'arbres, comme je l'ai vu faire par d'autres possédés. Ils pouvaient faire toutes sortes de choses, et les plus étonnantes, mais uniquement des simulacres et des artifices, qui se produisent avec l'aide du diable. C'est pour cela que tous les tours de prestidigitation et tous les arts divinatoires me sont aussi insupportables. Ils pouvaient faire toutes sortes de figures de pierre et de métal mais de la science de Dieu, ils n'avaient plus aucun vestige et cherchaient n'importe quoi à adorer. J'ai vu qu'ils se mettaient soudain à tirer une statue de la première pierre adéquate et à l'adorer, ou bien n'importe quelle bête horrible, ou bien même quelque chose qui ne représentait rien. Ils savaient tout, voyaient tout, préparaient du poison, se livraient à la sorcellerie et à tous les vices. Les femmes découvrirent la musique, je les ai vu vagabonder pour séduire les races meilleures et les attirer dans leurs dépravations. J'ai vu qu'ils n'avaient pas de maisons d'habitation ni de villes, mais qu'ils se construisaient de grosses tours rondes en pierre semblable à du mica, au pied desquelles s'adossaient des constructions plus petites qui conduisaient à de vastes cavernes où ils célébraient leurs orgies. On pouvait se promener sur le toit de ces bâtiments et en faire le tour, et ils montaient au sommet des tours pour observer le lointain à travers des tubes; ce n'était pas comme avec des télescopes, mais par un procédé satanique. Ils voyaient où se situaient les autres contrées et s'y rendaient, détruisant tout, libérant tout, en abolissant toutes lois : et c'est cette liberté qu'ils instauraient partout. J'ai vu qu'ils sacrifiaient des enfants en les enterrant vivants. Dieu a détruit cette montagne pendant le Déluge.

Hénoch, l'ancêtre de Noé, Gn 5,18-24 a enseigné contre eux. Il a aussi beaucoup écrit et il était un homme très bon, très tourné vers Dieu. En beaucoup d'endroits, il a dressé en pleins champs des autels de pierre, là où les cultures étaient abondantes, pour rendre grâce à Dieu et lui offrir des sacrifices.

C'est lui particulièrement qui transmit la religion dans la famille de Noé. Il est établi dans le Paradis et repose à la Porte de la Sortie, ainsi qu'un autre (Elie), - et il en reviendra avant le Jugement dernier.

Les descendants de Cham également ont eu après le Déluge de semblables accointances avec les esprits mauvais. Et c'est pourquoi il y eut parmi eux tant de possédés, de magiciens et de puissants de ce monde, et aussi de nouveau des hommes très grands, sauvages et mauvais. Sémiramis 3 également est issue de l'union de deux possédés : elle pouvait tout, sauf devenir sainte !

C'est ainsi qu'apparurent d'autres humains qui furent plus tard tenus pour des dieux par les païens; les premières femmes qui se laissèrent ainsi posséder par les mauvais esprits le firent en toute connaissance de cause : mais les autres non : elles avaient cela en elles comme la chair et le sang, comme le péché originel.

3. Voir la note au chapitre 9.



6 Noé et sa descendance.

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Les fondateurs de lignées Hom et Djemschid

Gn 6,5
J'ai vu Noé, petit vieillard candide habillé d'un long vêtement blanc, qui se promenait dans un verger et ébranchait les arbres avec un couteau recourbé. une nuée apparut devant lui, dans laquelle se tenait une silhouette humaine. Noé se prosterna, et, comme je le vis, il apprit que Dieu voulait tout exterminer et que lui, Noé, devait bâtir une arche. Je le vis afflige par cette révélation et priant pour obtenir miséricorde. Il n'entreprit pas tout de suite son travail, et Dieu lui apparut encore deux fois pour lui ordonner de se mettre à l'oeuvre' sans quoi il serait lui aussi anéanti.

Je le vis alors quitter son pays et se rendre avec sa famille dans la contrée où vécut plus tard Zoroastre, l'étoile étincelante.

Zoroastre, ou Zarathustra, était un prophète de la Perse antique l'époque de son existence et les dates de sa vie sont inconnues. Il fut réputé comme législateur et vécut dans une région élevée, très boisée et isolée, au milieu d'un peuple de nomades qui dormaient sous la tente. Il avait également fait édifier un autel devant lequel il présentait l'offrande.

Noé et sa famille ne bâtirent pas de maison de pierre car ils croyaient en l'annonce du Déluge mais le peuple païen qui les entourait avait déjà des bâtiments ceints de remparts, des fondations d'épaisses murailles et toutes sortes de constructions bâties pour durer et résister.

C'était l'époque d'une effroyable dépravation sur la terre : les hommes se livraient à tous les vices, en particulier les plus monstrueux. Chacun volait et pillait ce qu'il convoitait, ils se détruisaient mutuellement maisons et champs, enlevaient femmes et jeunes filles. Plus les hommes apparentés à Noé par leur commune origine s'étaient multipliés, plus ils étaient devenus pervers et méchants, et ils le pillaient et s'en prenaient à lui aussi. Pourtant, les hommes n'avaient pas sombré dans ces coutumes néfastes parce qu'ils étaient frustes ou sauvages, mais par goût du vice : en effet, ils vivaient très confortablement, avec beaucoup d'organisation. Mais ils se livraient à la plus scandaleuse idolâtrie, chacun se faisant une idole de ce qui lui plaisait le plus. Ils cherchèrent, par des procédés diaboliques, à dépraver les enfants de Noé.

C'est ainsi qu'ils débauchèrent Mosoch, fils de Japhet et petit-fils de Noé, en lui faisant boire le jus d'une plante qui l'enivra alors qu'il travaillait aux champs. Ce n'était pas du vin, mais le suc d'une plante, qu'ils absorbaient en petite quantité au cours de leurs travaux, et dont ils mastiquaient aussi les feuilles et les fruits. Et Mosoch devint père d'un fils que l'on nomma Hom.

1. Hom est un personnage légendaire (il y a certainement une base historique à la légende) dont le baron d'Ow. dans son ouvrage "Hom, le faux-prophète du temps noachique" (1906), a révélé et expliqué l'influence. Selon les traditions de l'Inde, Hom fut le plus important fondateur de religion après Jésus-Christ. Il est reconnu comme le père - jusque-là inconnu - du brahmanisme; de récents travaux archéologiques et historiques ont permis d'établir l'existence de son culte, lié à la plante "haoma", chez les anciens Perses et dans une grande partie de l'Asie Mineure (Afghanistan, Inde occidentale, Irak et Iran en particulier). L'enseignement attribué a Hom est un homothéisme - la divinisation de l'homme - qui, depuis la plus haute antiquité, s'est développé en face du monothéisme. Cet enseignement aurait fortement influenceé le manichéisme, et par là la gnose, le catharisme etc. (cf. l'ouvrage du Professeur Johann Niessen : "Les charismes et visions d'Anne Catherine Emmerick", 1918, p. 220-225). (NdT)


Lorsque l'enfant fut né, Mosoch demanda à son frère Thubal de le prendre comme le sien, afin que sa faute restât cachée. Et Thubal accepta, par affection pour son frère. La mère déposa l'enfant devant la tente de Thubal, avec une tige bourgeonnante de la plante hom 2. Sa mère espérait ainsi obtenir un droit sur son héritage mais le Déluge vint peu après, et la femme y mourut.

2. Haoma (ou hom) est une plante (légendaire ?) qui donna son nom au faux-prophète Hom (cf. note ci-dessus). Elle était utilisée comme stupéfiant et narcotique. Il s'agit peut-être d'une sorte de chanvre indien ? ( NdT)


Thubal recueillit l'enfant et le fit élever dans sa maison, sans trahir son origine : c'est ainsi que cet enfant entra dans l'Arche. Thubal lui donna le nom de la plante hom, parce que c'était le seul signe qu'il trouva auprès de l'enfant. Celui-ci fut nourri de cette plante, et non de lait. Lorsque cette plante pousse, elle atteint bien la hauteur d'un homme mais si on la fait ramper, elle se développe par pousses aux bourgeons tendres, comme des asperges, et la souche est dure. Elle sert de nourriture et remplace le lait. Elle germe à partir d'un bulbe ou d'un oignon, avec une petite couronne de quelques feuilles brunes au ras du sol. Sa tige devient passablement grosse, et on utilise sa moelle comme farine : on la cuit en bouillie, on la hache finement, on peut en faire du pain. Dans les endroits où sa culture prospère, elle foisonne sur des lieues à la ronde. J'ai vu cette plante dans l'Arche.

Il y eut un temps bien long jusqu'à ce que la construction de l'Arche fût achevée. Noé interrompait souvent son travail pendant plusieurs années, et Dieu revint trois fois l'avertir de nouveau; alors Noé reprenait des aides, puis laissait le travail se ralentir toujours plus, dans l'espérance que Dieu ferait miséricorde; mais finalement il mena l'oeuvre à terme.

J'ai vu que pour l'Arche, comme pour la Croix, quatre sortes de bois furent utilisées : du palmier, de l'olivier, du cèdre et du cyprès. Je les voyais abattre les arbres et les tailler sur place; Noé lui-même portait les planches sur ses épaules jusqu'au chantier, comme Jésus porta sa Croix.

Le chantier était une colline entourée d'une vallée. D'abord, on assembla les éléments de la quille, en bas : l'Arche était arrondie en arrière, la quille avait la forme d'une auge et était enduite de poix. l'Arche avait deux ponts, les mâts étaient disposés par deux, l'un au-dessus de l'autre. Ils étaient creux : ce n'étaient pas des troncs d'arbres ronds, ils avaient une section quelque peu ovale et renfermaient une moelle blanche qui devenait fibreuse, formant des couches concentriques à partir du coeur. Ces troncs avaient comme des cannelures ou des écailles, les grandes feuilles poussaient tout autour directement, sans branches, comme des joncs (c'était vraisemblablement une espèce de palmier). Je vis que les ouvriers faisaient couler la sève à l'aide d'un poinçon; ils coupaient tout le reste en fines planches. Lorsque Noé eut tout transporté sur le chantier et tout disposé, ils commencèrent à construire : la quille fut assemblée et enduite de poix, puis la première rangée de mâts fut dressée et on boucha avec de la poix les trous dans lesquels ils étaient plantés. Ensuite vint le premier pont, avec une nouvelle rangée de mâts, puis le second pont et le toit. Les espaces entre les mâts furent délimités par de fines cloisons de bois brunâtre et jaunâtre disposées en croix. et toutes les fentes et fissures furent colmatées avec des fibres végétales et une mousse blanche qui poussait en abondance autour de certains arbres : puis tout fut enduit de poix, à l'intérieur comme à l'extérieur.

L'Arche était également arrondie sur le dessus : au milieu du flanc du bâtiment, au-dessus de la mi-hauteur. il !' avait la porte. avec une fenêtre de chaque côté. et une ouverture carrée au milieu du toit. Lorsque l'Arche fut complètement enduite de poix, elle brilla comme un miroir sous le soleil.

Puis Noé travailla encore longtemps tout seul à l'intérieur, pour aménager les compartiments réservés aux animaux : et chaque espèce eut un espace délimité, comme une stalle, séparé des autres. Il y avait deux allées qui coupaient l'Arche au milieu. Dans la partie arrière arrondie, il y avait un autel de bois dont la table avait la forme d'un demi-cercle, avec tout autour des tentures qui l'isolaient. Devant l'autel, il y avait un récipient de charbon comme combustible. Il y avait aussi à droite et à gauche des cloisons délimitant les couchettes. Noé et les siens portèrent toutes sortes d'ustensiles et de caisses dans l'Arche. Ainsi que diverses semences. des pousses de plantes et des arbustes dans des pots de terre disposés le long des parois de l'Arche. qui en devinrent toutes verdoyantes. Je les ai vu aussi introduire de la vigne dans l'Arche. avec de lourdes grappes dorées aussi longues que le bras.

On ne peut dire combien Noé, pendant toute la construction de l'Arche, eut à souffrir de la méchanceté et de la malice des ouvriers, qu'il rémunérait en bétail. Ils le méprisaient, se moquant de lui de mille façons et le traitant de vieux fou; ils travaillaient contre un bon salaire, et pourtant ne cessaient de critiquer. Personne ne savait pour qui Noé construisait cette Arche, si bien qu'il dut subir mille railleries à cause de cela. Je l'ai vu rendre grâce, lorsque tout fut achevé : Dieu lui apparut alors et lui dit d'appeler les animaux des quatre coins de l'horizon en soufflant dans une flûte pour les rassembler.

Plus le jour du jugement approchait, plus le ciel s'assombrissait: une effroyable terreur gagnait toute la terre; le soleil ne brillait plus et de terribles roulements de tonnerre ébranlaient sans relâche le ciel. Je vis Noé faire quelques pas en direction de chacune des quatre régions du monde, tirant quelques notes d'un pipeau : 3 et je vis alors les animaux arriver par couples, mâle et femelle, et pénétrer en ordre dans l'Arche, par une passerelle appuyée à la porte, que l'on retira ensuite : les gros animaux, éléphants blancs et chameaux, venaient les premiers. Toutes les pauvres bêtes étaient terrorisées comme à l'approche d'un orage : elles défilèrent pendant plusieurs jours avant d'être toutes entrées dans l'Arche. Les oiseaux entraient en volant par la lucarne du toit, mais les oiseaux aquatiques prirent place dans la quille du vaisseau : les mammifères étaient au premier pont et les oiseaux sous le toit, perchés sur des baguettes ou nichés dans des cages. Il y avait toujours sept couples de chaque espèce de bétail.

3. L'histoire de Noé n'est pas sans rappeler le mythe homérien d’Orphée : histoire réelle a Peut-être été transmise au monde grec par les envahisseurs doriens. originaires d’Asie centrale (Caucasie). La Bible fait des grecs les descendants de Jawan, petit-fils de Noé (cf. Gn 10,2) : Jawan désigne soit les Ioniens d’Asie Mineure, soit les Doriens d’Asie centrale. (NdT)



Lorsqu'on voyait de loin l'Arche terminée reposer sur la colline, elle était étincelante et bleuâtre, comme si elle était venue des nuages. Je vis que le temps du Déluge était proche. Noé l'avait déjà annoncé aux siens : il prit avec lui Sem, Cham et Japhet, avec leurs femmes et leur descendance; les petits-enfants avaient déjà de cinquante à quatre-vingts ans, et leurs propres enfants, petits et grands, se trouvaient également dans l'Arche. Tous ceux qui avaient travaillé à la construction de l'Arche, en restant bons et éloignés de l'idolâtrie, entrèrent dans l'Arche. Il y avait plus de cent personnes, ce qui était bien nécessaire à cause des nombreux animaux qu'il fallait nourrir chaque jour et dont on devait nettoyer les stalles. Je ne peux pas dire autre chose que ce que je vois constamment, c'est-à-dire qu'il y avait aussi les enfants de Sem, Cham et Japhet dans l'Arche : je vois beaucoup de jeunes filles et de jeunes garçons, tous les descendants de Noé qui étaient bons. Dans l'Ecriture on ne parle pas non plus d'enfants d'Adam en dehors de Caïn, Abel et Seth, et pourtant j'en ai vu bien d'autres, toujours par deux, fille et garçon. De même, dans la première épître de saint Pierre, 1P 3,20, il n'est fait mention que de huit personnes qui se seraient trouvées dans l’Arche, c'est-à-dire les quatre couples qui devaient repeupler la terre après le Déluge. Je vis également Hom dans l'Arche. Cet enfant était couché dans un berceau d'écorce et recouvert d'une peau qui l'y maintenait. J'ai vu beaucoup d'enfants déposés ainsi dans des nacelles d'écorce qui flottaient sur les eaux du Déluge 4.

Lorsque l'Arche commença à s'élever sur l'eau, Noé et les siens étaient déjà à l'intérieur; beaucoup d'hommes gémissaient aux alentours, s'étant réfugiés au sommet des montagnes et dans de grands arbres. Les eaux se mirent à charrier des cadavres et des troncs. Même lorsque Noé fut entré dans l'Arche avec son épouse, ses trois fils et leurs femmes, il supplia encore Dieu de faire miséricorde. Ils retirèrent la passerelle derrière eux et fermèrent les ouvertures. Il abandonna tout, même de proches parents et leurs petits enfants qui s'étaient éloignés de lui pendant la construction de l'Arche.

Un effroyable orage éclata, les éclairs frappaient la terre comme des colonnes de feu et les trombes d'eau étaient aussi denses que des ruisseaux. La colline sur laquelle était l'Arche devint bien vite une île. La détresse était si grande que j'espère que beaucoup d'hommes se seront convertis à ce moment. Je vis un démon noir d'apparence hideuse, avec une gueule pointue et une longue queue, qui volait dans l'orage et cherchait à pousser les hommes au désespoir. Des crapauds et des serpents venaient se réfugier clandestinement dans l'Arche. Je n'ai vu ni mouches ni vermine : ces bestioles ont été suscitées plus tard, comme châtiment pour les hommes.

4. Dans les cavernes et dans les fondations de pierre des tentes, il y avait des niches de maçonnerie dans lesquelles on gardait les berceaux d'écorce : les couches des adultes étaient également des alcôves disposées en rangées dans les murs, comme les sépultures des juifs. (Note d'A. C. Emmerick )


Dans l'Arche, je vis Noé faire des offrandes d'encens; son autel était recouvert de motifs blancs sur fond rouge. Il avait dans une cassette arrondie plusieurs ossements d'Adam, qu'il posait sur l'autel pendant la prière et les sacrifices. Je vis aussi au-dessus de l'autel le Calice de la Cène, qui avait été apporté à Noé pendant la construction de l'Arche par trois personnages vêtus de longues robes blanches, semblables aux trois hommes qui vinrent voir Abraham pour lui annoncer la naissance d'un fils. Ils venaient d'une ville qui fut détruite par le Déluge et dirent à Noé qu'il était un homme si glorieux qu'ils voulaient lui confier cet objet mystérieux, afin qu'il ne disparût pas au cours du Déluge. Dans le Calice étaient un grain de froment aussi gros qu'un pépin de tournesol, s et un surgeon de vigne. Noé piqua ces deux germes dans une pomme jaune qu'il déposa dans le Calice celui-ci n'avait pas de couvercle. Le surgeon de vigne devait pousser. Après la dispersion de la tour de Babel, j'ai vu ce Calice chez un descendant de Sem qui fut l'ancêtre des Samanes, dans le pays de Sémiramis les Samanes furent établis en Canaan par Melchisedech et y emportèrent ce Calice.

5. Fleur de soleil. (NdT)


J'ai vu l'Arche flotter, entourée de nombreux cadavres à la dérive. Elle s'échoua sur une haute montagne vers l'orient, plus bas que la Syrie. Elle resta longtemps sur cette montagne isolée et très découpée (Gn 8,4 Gn 8,7). Je voyais déjà des terres émerger, recouvertes de boue, avec de la verdure comparable à de la moisissure.

Dans les premiers temps après le Déluge, Noé et les siens mangèrent des poissons et des coquillages, puis ensuite du pain, et des oiseaux lorsque ceux-ci se furent suffisamment reproduits. Ils aménagèrent des jardins, et le sol était si fécond que le blé qu'ils plantaient avait des épis aussi vigoureux que ceux du mais; ils cultivèrent également la plante haoma. La tente de Noé, comme plus tard celle d'Abraham, était dressée dans la plaine, avec toutes les tentes de ses fils autour dans la région.

Je vis la malédiction de Cham (Gn 9,18-27) mais Sem et Japhet reçurent la bénédiction de Noé, agenouillés devant lui, comme je vis plus tard Isaac la recevoir d'Abraham. Quant à la malédiction prononcée par Noé sur Cham, je la vis comme une nuée noire qui descendit sur le malheureux et l'enveloppa de ténèbres. Il n'était plus aussi blanc qu'auparavant. Sa faute était comparable à un sacrilège contre un sacrement, faute d'un homme qui voulait pénétrer de force dans l'Arche d'Alliance. J'ai vu une race très corrompue issue de Cham : elle s'enfonçait toujours davantage dans les ténèbres. Les peuplades noires, païennes et complètement arriérées me sont montrées comme des descendants de Cham, et leur couleur de peau n'est pas un effet du soleil, mais la conséquence de l'origine obscure de leur race maudite.

Il m'est impossible d'exprimer comment je vis les peuples se multiplier et croître de toutes sortes de façons et sombrer toujours plus dans l'obscurcissement, et comment il y avait au milieu d'eux quelques lignées plus lumineuses qui aspiraient à la lumière.

Lorsque Thubal, le fils de Japhet, se fit attribuer par Noé la contrée où il devait s'établir avec ses enfants et ceux de son frère Mosoch, 8 le groupe comptait quinze tribus. Les enfants de Noé vivaient tout alentour et assez loin, et les familles de Thubal et de Mosoch étaient fort éloignées de Noé. Mais lorsque la descendance de Noé s'accrut et se dispersa, Thubal voulut se retirer encore plus loin, afin de se séparer des enfants de Cham, qui pensaient déjà à la construction de la Tour de Babel Lorsque Thubal et les siens furent conviés à participer à l'édification de cette Tour, ils refusèrent de répondre, tout comme les descendants de Sem.

8. Cf. Gn 10,2 (Tubal : Toubal) (Mosoch : Mécheek)


Thubal se rendit donc avec toute sa descendance devant la tente de Noé, afin que celui-ci leur désignât un territoire. Noé habitait sur une montagne entre le Liban et le Caucase. Il pleura, car il aimait cette famille, la meilleure et la plus pieuse de toutes. Il leur attribua une région vers le nord-est, et leur recommanda d'observer la loi de Dieu et les rites d'offrande, puis leur fit promettre qu'ils préserveraient la pureté de leur origine et éviteraient toute union avec les descendants de Cham.

Il leur remit des ceintures et des scapulaires qu'il avait conservés dans l'Arche, afin que les chefs de clans les revêtissent lors du service divin et à l'occasion des mariages, afin d'être préservés de tout malheurs et d'une postérité perverse. Le service divin institué par Noé pour le sacrifice me faisait penser au saint sacrifice de la messe il consistait en versets et répons Noé évoluait autour de l'autel et s'inclinait parfois.

Il leur confia également un sac de cuir renfermant un coffret d'écorce dans lequel se trouvait un récipient d'or en forme d'oeuf ce récipient contenait lui-même trois petits vases. Ils reçurent également les tubercules ou bulbes de la plante haôma, ainsi que des rouleaux d'écorce ou de parchemin couverts d'écriture, et des bâtons arrondis sur lesquels étaient gravés des signes.

Ces gens-là étaient très beaux, avec le teint lumineux et de couleur jaune-ocre. Ils portaient des vêtements de peaux de bêtes et de toisons de montons, retenus par des ceintures seuls leurs bras étaient découverts. Je vis qu'ils revêtaient ces peaux aussitôt après en avoir dépouillé les animaux, alors qu'elles étaient encore toutes sanglantes, et ils les portaient si ajustées que je crus tout d'abord que c'était une race velue. Lorsqu'ils émigrèrent vers les hautes terres du nord-est, ils n'avaient pas beaucoup de bagages avec eux, hormis des graines Je n'ai pas vu de chameaux dans leurs troupeaux, mais des chevaux, des ânes, et des animaux aux longues cornes semblables à des cerfs. Ils s'établirent près d'une haute montagne, vivant en communautés dans de longues cabanes basses, construites comme des tonnelles à flanc de sommet. Tout autour de leurs maisons, ils creusaient, plantaient et aménageaient de grandes rangées d'arbres. L'autre versant était glacial, et, par la suite, le climat se refroidit dans toute la région, si bien qu'un petit-fils de Thubal nommé Djemschid, 9 chef de la tribu, fit émigrer celle-ci vers le sud-ouest. Au moment de cette migration, tous ceux qui avaient connu Noé et avaient pris congé de lui étaient morts dans cette région montagneuse, et tous ceux qui suivirent Djemschid y étaient nés, sauf quelques vieillards, rares survivants contemporains de Noé, qu'ils emmenèrent avec eux, les portant avec beaucoup de soins dans de grands couffins.

Lorsque Thubal quitta Noé avec sa famille, je vis dans le groupe ce fils de Mosoch nommé Hom, qui avait été recueilli dans l'Arche. C'était déjà un adulte. Je l'ai vu par la suite, très différent des autres, d'une taille gigantesque, très farouche et grave il portait un long manteau et ressemblait à un prêtre mais il vivait en retrait et passait de nombreuses nuits entières seul au sommet des montagnes : il observait les étoiles et s'adonnait à la magie; le diable lui inspirait des visions dont il tira une doctrine codifiée qui dénatura l'enseignement d'Hénoch. Les mauvais instincts de sa mère se mêlaient en lui à la pure hérédité d'Hénoch et de Noé, et à l'influence de leurs enseignements, auxquels les enfants de Thubal restaient fidèles. Mais par ses visions et ses révélations, Hom introduisit dans l'antique vérité de fausses notions et des interprétations erronées. Il raisonnait subtilement et étudiait, observait les étoiles et avait des visions qui lui révélaient des interprétations de la vérité falsifiées par le démon et qui, par leur ressemblance avec la vérité firent de son enseignement et de son idolâtrie la source de toutes les hérésies.

9. Djemschid : ancêtre et chef des Indo-iraniens. (NdT)


Thubal était un homme bon : les pratiques et l'enseignement de Hom lui déplurent, et il éprouva une grande douleur à voir un de ses fils, le père de Djemschid, se convertir aux doctrines de Hom. J'ai entendu Thuhal se lamenter "Mes enfants sont désunis, je désirais et aurais dû rester auprès de Noé ! "

Hom capta deux sources dans la montagne prés de laquelle ils vivaient; il les canalisa et les réunit en un seul cours d'eau qui devint bientôt un fleuve assez large : 10 j'ai vu les descendants de Thubal franchir ce fleuve lorsqu'ils émigrèrent sous la conduite de Djemschid. Hom fut bientôt vénéré comme une divinité il leur enseignait que Dieu se trouvait dans le feu il faisait également une large place à l'eau et surtout à la racine de la plante haôma, dans sa doctrine pernicieuse il organisa la culture de cette planté dont il tirait son nom, et la distribuait solennellement comme une nourriture sacrée et un remède, si bien que cela donna naissance à un commerce religieux il portait sur lui le suc ou la pulpe de cette plante, dans un récipient brun semblable à un mortier. Les piquets de tente de la tribu étaient faits du même métal que le récipient et forgés par les membres d'une autre peuplade qui s'était établie assez loin d'eux, dans une région montagneuse, et qui avait basé son industrie sur l'art du feu je les ai vus prés de monts qui, tantôt d'un côté et tantôt d'un autre, crachaient du feu et je pense que le récipient porté par Hom avait été fabriqué avec du métal ou de la lave en fusion qu'ils avaient coulé dans un moule.

Hom ne se maria point et ne vécut pas très vieux. Il publia beaucoup de révélations sur sa mort, comme plus tard Derketô 11. Lui-mème et ses fidèles attachaient foi à ces élucubrations, mais je le vis mourir d'une façon si effroyable qu'il ne resta rien de lui. car l'Adversaire (le diable) l'emporta avec lui. Aussi ses sectateurs crurent-ils qu'il avait été comme Hénoch, enlevé dans un endroit sacré. Il avait désigné le père de Djemschid comme son successeur et lui avait légué son esprit, afin qu'il poursuivit son enseignement. Djemschid lui-même devint, grâce à sa sagesse, le chef de la tribu, qui c'était rapidement accrue et qui formait un véritable peuple lorsque Djemschid la conduisit vers le sud.

Il avait reçu une éducation fort soignée et l'enseignement de Hom. D'un dynamisme et d'une rapidité remarquables, il était bien meilleur et plus actif que Hom, celui-ci étant très hautain et sombre. C'est lui qui fixa définitivement la religion et l'enseignement de Hom, en y ajoutant divers détails : il s'adonnait également à l'astrologie. Le peuple dont il était le chef possédait déjà le feu sacré 12 et pratiquait le tatouage, usant d'un signe qui lui était propre. Les hommes se tenaient alors à l'écart les uns des autres, regroupés suivant les tribus, et n'avaient pas de relations les uns avec les autres comme aujourd'hui. Djemschid veilla tout particulièrement à la pureté et à l'intégrité des tribus : il mariait ou séparait selon les normes qui lui paraissaient les meilleures. Les hommes étaient tout à fait libres, et pourtant fort soumis à des lois strictes.

Les races primitives, que je vois encore à présent dans des pays lointains et des îles, ne peuvent en rien être comparées, pour la beauté, la noblesse, la simplicité et la force, à ces premiers peuples issus de Noé. Elles sont loin d'en avoir l'habileté, la vigueur et l'adresse.

Au cours de ses pérégrinations, Djemschid construisit de longues routes de pierre, établit les fondations de cités et de campements qu'il entoura de champs, et installa en divers endroits de nombreuses familles, avec leurs troupeaux, leurs plantes et leurs arbres. Il parcourait à cheval de grandes étendues de territoire et fichait l'instrument qu'il tenait toujours en main dans un point précis du sol où ses sujets se regroupaient et se mettaient aussitôt à creuser et à bâtir, à défricher et à élever des enceintes. Il était d'une sévérité et d'une inflexibilité étonnantes. Je l'ai vu comme un grand vieillard maigre, à la peau ocrée, chevauchant un étonnant animal au pelage rayé de noir et de jaune, qui ressemblait à un âne aux pattes grêles et qui était très rapide 13. Il délimitait les territoires en les parcourant au galop, comme les pauvres gens de chez nous, sur la lande, qui font le tour des champs pendant la nuit pour rechercher des endroits propices à la construction. à des endroits précis, il faisait halte silencieusement et enfonçait son sceptre ou une perche dans la terre c'est là que l'on s'établissait. L'instrument qu'il utilisait et que l'on nomma plus tard le soc d'or de Djemschid, ressemblait à une croix latine aux longues branches, garnie d'une lame lorsque la lame était sortie, l'ensemble formait une équerre. Il traçait un sillon dans la terre avec la lame.

Il portait également un signe représentant cet instrument sur le côté de son vêtement, à l'endroit où il y a d'habitude la poche. Cela ressemblait à l'insigne que Joseph et Aseneth portaient toujours sur eux, en Egypte et avec lequel ils délimitaient également les territoires mais leur instrument ressemblait davantage à une croix, garnie au sommet d'un anneau dans lequel elle pouvait être repliée 4.

Djemschid portait un grand manteau rejeté en arrière de la ceinture aux genoux pendaient quatre pièces de cuir, deux devant et deux derrière, qui étaient cousues sur les côtés et entre les genoux 15. Les pieds étaient chaussés de cuir et entourés de lacets. Il portait une cuirasse d'or sur le torse il avait de nombreuses cuirasses de ce genre, qu'il changeait suivant les occasions et les fêtes. Sa couronne était un cercle d'or garni de pointes, avec cependant une sorte d'éperon plus haut à l'avant, comme une corne, au bout duquel il y avait comme un petit drapeau.

Il parlait beaucoup d'Hénoch et savait qu'il avait été enlevé de la terre et n'était pas mort. Il enseignait qu'Hénoch avait révélé à Noé toute vérité et tout bien et appelait ce dernier le père et le dispensateur de tout bien. Djemschid conservait précieusement un récipient d'or en forme d'oeuf dans lequel il gardait, disait-il, le bien que Noé avait emporté avec lui dans l'Arche et qu'il lui avait légué. A l'endroit où sa troupe faisait halte, le récipient était fixé au sommet d'une colonne abritée par une tente semblable à un petit temple, dont les piquets étaient finement ciselés et représentaient toutes sortes de figures. Ce récipient avait comme couvercle une couronne évidée, et lorsque Djemschid faisait du feu, il en prenait quelque chose qu'il jetait dans les flammes. Ce récipient avait effectivement servi à Noé à conserver le feu, lorsqu'il était dans l'Arche. Il était devenu l'idole de Djemschid et de son peuple. Lorsqu'on l'exposait, on allumait des feux tout autour, et le peuple adorait le feu et offrait des sacrifices d'animaux. Djemschid enseignait que le dieu suprême se trouvait dans le feu et dans la lumière, et qu'il était servi par des divinités inférieures et des esprits.

Tout le peuple se soumit à lui il établissait ça et là des hommes et des femmes avec leurs troupeaux, et leur donnait ordre de construire et de cultiver la terre. Ils n'avaient pas le droit de se marier selon leurs désirs, il les traitait comme du bétail et accordait à chaque homme les femmes qu'il lui choisissait. Lui-même avait plusieurs épouses, notamment une très belle jeune fille de la meilleure tribu, qui lui donna un fils, son successeur. Il fit bâtir aussi de grandes tours rondes que l'on gravissait grâce à des marches et qui servaient à observer les astres. Les femmes, qui vivaient à l'écart et étaient totalement soumises aux hommes, portaient des jupes courtes et des corsets de courroies tressées; sur la poitrine et les épaules en arrière pendait une sorte de pièce d'étoffe, et une écharpe aux extrémités arrondies entourait leur cou et descendait jusqu'aux genoux; elle était décorée, sur les épaules et la poitrine, de toutes sortes de signes ou de lettres. Djemschid ordonna de tracer des routes directes, à partir de chaque pays qu'il avait fondé, jusqu'à Babel.

Il n'y avait encore personne dans les territoires où il s'établit; il n'eut pas à déloger de peuples, tout se fit de façon pacifique : ce fut un établissement et un peuplement et non une conquête. Sa race était rouge-jaunâtre de peau, avec un teint lumineux comme l'ocre c'était un beau spécimen de l'humanité. Toutes les tribus furent tatouées, de façon à ce que l'on reconnét les souches pures et les familles de sang mêlé. Djemschid réussit à escalader avec son peuple une haute montagne couverte de glaciers; je ne sais comment ils y arrivèrent, avec assez de chance, mais beaucoup moururent au cours de cette entreprise. Ils avaient des chevaux ou des ânes, mais Djemschid montait un animal au pelage rayé, de petite taille. Un changement de climat les contraignit à quitter leur territoire, car il y faisait trop froid; actuellement, le climat s'est réchauffé, là-bas. Il rencontra au cours de ses pérégrinations plusieurs tribus livrées à elles-mêmes, soit qu'elles se fussent soustraites à la tyrannie d'un chef, soit qu'elles eussent été frappées par le malheur elles recherchaient un chef et se soumirent volontiers à lui, car il était doux et leur procurait de la nourriture et des bénédictions. Il y avait aussi de pauvres fugitifs qui avaient été chassés de leurs terres après avoir été, comme Job, dépouillés de leurs biens et persécutés. J'en vis qui se trouvaient sans feu et devaient faire cuire leur pain sur des pierres exposées au soleil. Djemschid rencontra également une tribu qui pratiquait les sacrifices d'enfants, lorsque ceux-ci ne leur paraissaient pas assez beaux ou avaient un défaut. Il fit abolir cette pratique, confia ces enfants aux soins des femmes et les fit élever dans un campement; plus tard, il en fit ses serviteurs.

Djemschid s'était tout d'abord dirigé vers le sud-ouest; la montagne des prophètes se trouvait sur la gauche au sud; par la suite, il poussa plus avant vers le sud, et la montagne se trouva dès lors vers l'Orient. Je crois qu'il a franchi plus tard le Caucase. à cette époque, tandis que dans ces régions l'humanité s'étendait et commençait ses activités, il n'y avait dans nos pays que des régions désertiques, des forêts et des tourbières vers l'est, ça et là , un tout petit groupe s'égarait parfois.

L'Etoile resplendissante (Zoroastre), qui vint bien plus tard à cette époque, était un descendant d'un fils de Djemschid dont il rénova la doctrine. Djemschid écrivit toutes sortes de commandements sur des tablettes de pierre ou d'écorce; une seule lettre allongée signifiait parfois toute une phrase. Cette langue fait partie des langues originelles, elle a des relations avec la nôtre. Djemschid vivait au temps de Derketô, et de sa fille Sémiramis. Mais il ne vint jamais à Babel.

J'ai vu l'histoire d'Hom et de Djemschid lorsque Jésus enseignait devant les philosophes païens de Lanifa, dans l'île de Chypre; ceux-ci avaient parlé de Djemschid devant Jésus, le représentant comme un très ancien roi d'une grande sagesse, qui se serait établi loin au-delà de l'Inde, vers le nord, et qui aurait délimité de nombreux pays, à l'aide d'un poignard d'or que Dieu lui aurait donné pour les peupler et y répandre partout la bénédiction. Ils posèrent à Jésus toutes sortes de questions sur lui et sur les miracles que lui attribuait la légende. Jésus leur dit que Djemschid était un homme naturellement habile et d'une grande sagesse, qu'il avait dirigé des peuples, qu'il avait pris la tête d'une tribu à la suite de la confusion de la Tour de Babel et l'avait conduite dans des régions qu'ils avaient peuplées successivement; il dit également qu'il y avait eu d'autres chefs comparables à lui, mais qu'ils avaient conduit des entreprises plus mauvaises que les siennes, parce que sa race à lui n'était pas aussi dépravée que la leur. Mais il leur montra aussi combien de fables avaient été écrites à partir de lui, et comment il apparaissait comme une caricature médiocre du Prêtre et Roi Melchisedech. Il leur dit de porter leur intérêt plutôt sur Melchisédech et sur la race d'Abraham car lorsque les peuples commencèrent à se disperser, Dieu avait envoyé Melchisedech aux familles les plus pieuses, afin qu'il les guidât et les unit, et qu'il leur préparât des territoires et des endroits où ils pussent s'établir et devenir, suivant leurs oeuvres et leur pureté, de plus en plus dignes de la grâce du Salut. Il leur dit qu'ils devaient chercher à savoir qui était Melchisedech, car il était bien vrai qu'il était la préfiguration de la grâce de la Promesse, désormais si proche de son accomplissement, et que son offrande du pain et du vin devait à présent s'épanouir pleinement et s'achever pour demeurer jusqu'à la fin du monde.




Brentano - B. Emmerich: Myst. AT 600