Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie



VIE DE LA SAINTE VIERGE

D'APRES LES MEDITATIONS

D'ANNE CATHERINE EMMERICH

Publiées en 1854
Traduction de l'Abbé DE CAZALES

I Sur les ancêtres de la sainte Vierge.
II Les ancêtres de sainte Anne. Esséniens.
III La grand mère de sainte Anne consulte le chef des Esséniens. Son mariage. Sa famille.
IV Naissance de sainte Anne. Son mariage. Sa première fille.
V Joachim et Anne s'établissent à Nazareth. Stérilité de sainte Anne. Douleur des saints époux. Leur ardent désir de l'accomplissement de la promesse.
VI Joachim reçoit un affront au temple.
VII Anne reçoit la promesse de fécondité, et se rend au temple.
VIII Joachim, consolé par l'ange, vient de nouveau sacrifier au temple.
IX Joachim reçoit la bénédiction de l'Arche d'alliance.
X Joachim et Anne se rencontrent sous la porte dorée
XI Restauration de l'humanité montrée aux anges.
XII Elie voit une image figurative de la sainte Vierge.
XIII Eclaircissements sur la précédente vision d'Élie.
XIV Figure prophétique de la Sainte Vierge en Égypte.
XV L'arbre généalogique du Messie.
XVI Tableau de la fête de la conception de Marie.
XVII La sainte Vierge parle des mystères de sa vie.
XVIII Célébration de la fête de la Conception en divers lieux. Introduction. Détails personnels.
XIX Les rois mages fêtent la Conception de Marie.
XX Sur l'histoire de la fête de la Conception de Marie.
XXI Naissance de Marie
XXII Joie dans le ciel et dans les limbes à la naissance de Marie. Mouvement dans la nature et parmi les hommes.
XXIII L'enfant reçoit le nom de Marie.
XXIV Origine de la fête de la Nativité de Marie.
XXV Prières à faire pour la fête de la Nativité de Marie.
XXVI Purification de sainte Anne.
XXVII Présentation de Marie. Préparatifs dans la maison de sainte Anne.
XXVIII Départ de Marie pour le temple.
XXIX Départ pour Jérusalem.
XXX Arrivée à Jérusalem. La ville. Le temple.
XXXI Entrée de Marie dans le temple et Présentation
XXXII De la vie de la sainte Vierge au temple.
XXXIII De la jeunesse de saint Joseph
XXXIV Jean est promis à Zacharie.
XXXV Fiançailles de la Sainte Vierge.
XXXVI Du mariage et de l'habit nuptial de Marie et de Joseph.
XXXVII De l'anneau nuptial de Marie.
XXXVIII Depuis le retour de Marie jusqu'à l'Annonciation.
XXXIX Annonciation de Marie.
XL Visitation de Marie.
XLI Marie et Joseph en voyage pour visiter Elisabeth.
XLII Arrivée de Marie et de Joseph chez Elisabeth et Zacharie.
XLIII Détails personnels à la narratrice.
XLIV Naissance de Jean. Marie revient à Nazareth. Joseph rassuré par un ange.
XLV Préparatifs pour la naissance de Jésus-Christ. Départ de la sainte Famille pour Bethléem.
XLVI Voyage de la sainte Famille.
XLVII Continuation du voyage jusqu'à Bethléem.
XLVIII Bethléem. Arrivée de la sainte Famille.
XLIX Joseph cherche inutilement un logement. Ils vont à la grotte de la crèche.
L Description de la grotte de la Crèche et de ses alentours.
LI La grotte du tombeau de Maraha, nourrice d'Abraham.
LII La sainte Famille entre dans la Grotte de la Crèche.
LIII Naissance du Christ.
LIV Gloria in excelsis. La naissance du Christ annoncée aux bergers.
LV La naissance du Christ annoncée en divers lieux.
LVI Adoration des bergers.
LVII. Circoncision du Christ. Le nom de Jésus.
LVIII Elisabeth vient à la Crèche.
LIX Voyage des trois Rois Mages à Bethléem.
LX Bethléem. La sainte Vierge a le pressentiment de rapproche des trois Rois.
LXI Bethléem. Visite à le Crèche. Caravane des Rois. Ils arrivent dans la terre promise.
LXII Bethléem. Arrivée de sainte Anne. Libéralité de la sainte Famille.
LXIII Voyage des trois Rois. Leur arrivée à Jérusalem. Hérode consulte les docteurs de la loi.
LXIV Les Rois devant Hérode. Conduite de celui-ci et ses motifs.
LXV Les Saints Rois vont de Jérusalem à Bethléem. Ils adorent l'Enfant et lui offrent leurs présents.
LXVI Les Rois visitent encore la sainte Famille. Hérode leur tend des embûches. Un Ange les avertit. Ils prennent congé et s'en vont.
LXVIII Mesures prises par les autorités de Bethléem contre les Rois. L'accès à la grotte de la Crèche interdit. Zacharie visite la sainte Famille
LXVIII La sainte Famille dans la grotte de Maraha. Joseph sépare l'Enfant Jésus de Marie pendant quelques heures. Marie, dans son inquiétude, exprime du lait de son sein. Origine d'un miracle qui s'est perpétué jusqu'à nos jours.
LXIX Préparatifs pour le départ de la sainte Famille. Départ de sainte Anne. Détails personnels à la soeur. Elle reconnaît des reliques venant des trois Rois.
LXX Purification de la sainte Vierge.
LXXI Mort de Siméon.
LXXII Arrivée de la sainte Famille chez Sainte Anne
LXXIII Purification de Marie. Fête de la Chandeleur.
LXXIV La fuite en Egypte. Introduction.
LXXV Nazareth. Demeure et occupation de la sainte Famille.
LXXVI Jérusalem. Préparatifs d'Hérode pour le massacre des enfants
LXXVII Détails personnels à la narratrice. Effets de sa prière à l'anniversaire du massacre des Innocents.
LXXVIII Nazareth. Vie domestique de le sainte Famille.
LXXIX Un ange avertit Joseph de s'enfuir. Préparatifs et commencement du voyage.
LXXX La sainte femme quittent la maison de Joseph. La sainte famille arrive à Nazara avant le sabbat.
LXXXI Le térébinthe d'Abraham. La sainte Famille se repose au bord d'une fontaine, près d'un baumier.
LXXXII Juttah. Elisabeth s'enfuit dans le désert avec le petit Jean-Baptiste.
LXXXIII Halte de la sainte Famille dans une grotte. Marie montre à l'Enfant-Jésus le petit Jean dans le lointain.
LXXXIV Dernière halte sur le territoire d'Hérode. Détails personnels à la narratrice.
LXXXV Lieu inhospitalier. Montagnes. Séjour chez des voleurs. Guérison de l'enfant lépreux du brigand.
LXXXVI Le désert. Première ville égyptienne. Habitants malveillants. Longueur du voyage.
LXXXVII Plaine de sable. Source qui jaillit à la prière de Marie. Origine du jardin de baume.
LXXXVIII Héliopolis ou On. Une idole tombe en avant de la ville. Tumulte qui en résulte.
LXXXIX Héliopolis. Habitation de la sainte Famille. Travaux de saint Joseph et de la sainte Vierge.
XC Sur le massacre des Innocents par Hérode.
XCI Saint Jean réfugié de nouveau dans le désert.
XCII Voyage de la sainte Famille à Mataréa. Sur les Juifs de la terre de Gessen.
XCIII Mataréa. Pauvreté du lieu. Oratoire de la sainte Famille.
XCIV Elisabeth conduit pour la troisième fois le petit saint Jean dans le désert.
XCV Hérode fait mourir Zacharie en prison. Elisabeth se retire dans le désert prés de saint Jean, et y meurt.
XCVI La fontaine de Mataréa. Job y avait habité avant Abraham. Détails sur ce patriarche.
XCVII La fontaine de Mataréa. Séjour que fit Abraham en ce lieu. Détails sur la fontaine jusque dans les temps chrétiens.
XCVIII Retour d'Egypte. Un ange avertit Joseph de quitter ce pays. Départ de la sainte Famille. Séjour de trois mois à Gaza.




MORT DE LA SAINTE VIERGE


I Sur l'âge de Marie. Elle va avec saint Jean à Ephèse. Description du pays.
II La maison de Marie à Ephèse.
III Manière de vivre de Marie. Saint Jean lui donne la sainte Eucharistie. Chemin de la Croix.
IV Voyage de Marie Éphèse à Jérusalem. Sa maladie dans cette dernière ville. Bruit de sa mort et origine du tombeau de la sainte Vierge à Jérusalem.
V Ephèse. Parents et amies de la sainte Famille vivant dans la colonie chrétienne.
VI La Sainte Vierge visite pour la dernière fois le chemin de la Croix érigé par elle.
VII La sainte Vierge sur son lit de mort. Adieux des femmes.
VIII Arrivée de deux autres apôtres. L'autel. Boite en forme de croix pour les objets consacrés.
IX Arrivée de Simon. Pierre donne la sainte communion à la sainte Vierge. Etat de Jérusalem à cette époque.
X Service divin des apôtres. Marie reçoit la sainte communion. Détails personnels. Le chemin de la Croix de Marie.
XI Jacques le Majeur arrive avec Philippe et trois disciples. Comment les apôtres furent convoqués pour assister à la mort de la sainte Vierge. Leurs voyages et leurs missions.
XII Mort de le sainte Vierge. Elle reçoit le saint Viatique et l'extrême Onction. Vision sur l'entrée de son âme dans le ciel.
XIII Préparatifs de la sépulture de Marie. Ses obsèques.
XIV Arrivée de Thomas. Visite au tombeau de la sainte Vierge, qu'on trouve vide. Départ des apôtres.



I Sur les ancêtres de la sainte Vierge.


(Communiqué le 27 juin 1819)


Cette nuit, tout ce que j'avais vu si souvent pendant mon enfance, touchant la vie des ancêtres de la sainte vierge Marie, s'est présenté devant moi tout à fait de la même manière, dans une série de tableaux. Si je pouvais raconter tout ce que je sais et ce que j'ai devant les yeux, cela ferait certainement grand plaisir au pèlerin 1 ; moi-même j'ai été très consolée dans mes souffrances par cette contemplation. Quand j'étais enfant, j'avais une telle assurance relativement à ces choses, que si quelqu'un m'en racontait quelques circonstances d'une autre manière, je lui répondais sans hésiter : " Non, cela est de telle et telle façon " ; et je me serais fait tuer pour attester que la chose était ainsi et non autrement. Plus tard, le monde m'a rendue incertaine, et j'ai gardé le silence ; mais l'assurance intérieure m'est toujours restée, et, cette nuit, j'ai tout revu jusque dans les plus petits détails.


Note 1 : La soeur veut parler ici de l'écrivain, car elle le voyait toujours dans ses contemplations sous la figure d'un pèlerin, qui, suivant qu'il se montrait fidèle ou négligent dans le cours de son voyage vers la patrie, était béni, secouru, protégé et sauve, ou bien éprouvait des obstacles et des tentations, s'égarait hors de la voie, courait des dangers, et même était retenu en captivité. A cause de ces visions, elle l'appelait le pèlerin. Dans certaines circonstances, elle voyait les prières et les bonnes oeuvres qu'elle offrait à Dieu pour ce pèlerin sous la forme d'oeuvres correspondantes par lesquelles on peut aider les pèlerins, les prisonniers, les esclaves. Sa direction intérieure avait cela de particulier, qu'elle n'offrait jamais ses prières pour un seul homme, pas même pour elle seule, mais toujours pour subvenir à chacune des misères dont la circonstance qui occasionnait sa prière pouvait être la représentation ou le symbole. Aussi sommes-nous persuadés que sa prière, dans le cas dont il s'agit, a procuré des consolations à de vrais pèlerins et à de vrais captifs. Comme une pareille manière de prier semble devoir être sympathique à tous les coeurs chrétiens, vraiment pieux et charitables, nous pensons que le lecteur bienveillant ne trouvera peut-être pas indiscret le conseil d'en faire usage à l'occasion.


Dans mon enfance, je pensais sans cesse à la crèche, à l'enfant Jésus et à la mère de Dieu, et je m'étonnais souvent qu'on ne me racontât rien de la famille de cette divine Mère. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi on avait si peu écrit sur ses ancêtres et ses parents. Dans ce grand désir que j'avais de les mieux connaître, j'eus un grand nombre de visions sur les ancêtres de la sainte Vierge. Je vis ses ascendants en remontant jusqu'à la quatrième ou cinquième génération, et je les vis toujours comme des gens merveilleusement pieux et simples, chez lesquels régnait un désir secret et tout à fait extraordinaire de l'avènement du Messie promis. Je voyais toujours ces bonnes gens demeurer parmi d'autres hommes qui, en comparaison d'eux, me paraissaient pleins de rudesse et comme des espèces de barbares. Quant à eux, je les voyais si calmes, si doux, si bienfaisants, que je m'inquiétais souvent beaucoup pour eux, et que je me disais à moi-même : " Où pourraient résider ces excellentes gens s'ils parvenaient à échapper à ces méchants hommes si rudes ? Je veux aller les trouver ; je serai leur servante ; je m'enfuirai avec eux dans quelque forêt où ils puissent se cacher. Ah ! je les trouverai certainement ". Je les voyais si distinctement, et je croyais si bien à leur existence, que j'étais toujours pleine d'inquiétude et de crainte pour eux.


Je les voyais toujours mener une vie de renoncement. Je voyais souvent ceux d'entre eux qui étaient mariés se promettre réciproquement de vivre séparés pendant un certain temps, et cela me réjouissait beaucoup sans que je puisse bien dire pourquoi. Ils observaient principalement cette pratique dans le temps qui précédait certaines cérémonies religieuses, où ils brûlaient de l'encens et faisaient des prières. Je connus par ces cérémonies qu'il y avait des prêtres parmi eux. Je les vis plus d'une fois émigrer d'un lieu à un autre, quitter des biens considérables pour de plus petits, afin de ne pas être troublés par de méchantes gens dans leur manière de vivre.


Ils étaient pleins de ferveur et soupiraient ardemment vers Dieu. Je les voyais souvent, pendant le jour ou même pendant la nuit, courir dans la solitude en invoquant Dieu et en criant vers lui avec un désir si violent, qu'ils déchiraient leurs habits pour mettre leur poitrine à nu, comme si Dieu eût dû pénétrer dans leur coeur avec les .ayons brûlants du soleil, ou comme si, avec la lumière de la lune et des étoiles, il eût dû désaltérer la soif ardente qu'ils avaient de l'accomplissement de la promesse. J'avais des visions de ce genre dans mon enfance ou mon adolescence lorsque je priais Dieu toute seule dans le pâturage, auprès du troupeau, ou lorsque j'étais agenouillée le soir sur les plus hautes plaines de notre campagne, ou bien encore lorsque, pendant l'Avent, j'allais à minuit, à travers la neige, à trois quarts de lieue de notre chaumière, pour assister aux prières du Rorate qui se faisaient à Coesfeld, dans l'église de Saint Jacques. Le soir d'avant, et aussi pendant la nuit, je priais ardemment pour les pauvres âmes qui, peut-être, pour n'avoir pas assez excité en elles-mêmes pendant leur vie le désir du salut, et pour s'être laissées aller à d'autres penchants vers les créatures et les biens de ce monde, étaient tombées dans bien des fautes, et maintenant languissaient de désir et soupiraient après leur délivrance. J'offrais à Dieu pour elles ma prière et le désir qui me portait vers le Sauveur comme pour payer leurs dettes. J'avais aussi à cela un petit intérêt personnel, car je savais que ces pauvres chères âmes, par reconnaissance et à cause de leur désir perpétuel d'être aidées par des prières, m'éveilleraient à l'heure voulue et ne me laisseraient pas dormir au delà. Elles venaient donc, sous la forme de petites lumières peu éclatantes, qui planaient autour de mon lit et m'éveillaient tellement à la minute, que je pouvais dire me prière du matin pour elles ; puis je jetais de l'eau bénite sur elles et sur moi, je m'habillais, je me mettais en route, et voyais les pauvres petites lumières m'accompagner rangées comme pour une procession. Alors tout en marchant, je chantais, le coeur plein de désir : " ciel envoyez votre rosée, et que les nuées pleuvent le juste " ; et je voyais de nouveau, dans le désert et dans la plaine, ces ancêtres de la sainte Vierge courir pleins d'un ardent désir et crier après le Messie. Je faisais comme eux, et j'arrivais toujours à temps à Coesfeld pour la messe du Rorate, quoique les chères âmes me fissent souvent faire un grand détour en me conduisant par toutes les stations du chemin de la Croix.


Quand je voyais ces bons ancêtres de la sainte Vierge prier ainsi Dieu comme affamés de lui, ils me paraissaient avoir quelque chose d'étrange dans leur costume et leurs manières ; et pourtant ils se montraient si distinctement et si près de moi, qu'encore maintenant j'ai devant les yeux leur contenance et les traits de leur visage. Je me demandais toujours à moi-même : " Qui sont ces gens. Tout cela n'est pas comme à présent ; pourtant ces gens sont là, et tout cela existe ". Puis j'espérais encore aller les trouver. Ces dignes personnages étaient pleins d'exactitude et de précision dans leurs actes, leurs paroles et le culte qu'ils rendaient à Dieu, et ils ne faisaient de plaintes sur rien, si ce n'est sur les souffrances de leur prochain.


II Les ancêtres de sainte Anne. Esséniens.


(Communiqué en juillet et en août 1821.)


J'ai eu une vision détaillée sur les ancêtres de sainte Anne, mère de la sainte Vierge. Ils vivaient à Mara, dans les environs du mont Horeb, et ils avaient des relations d'une nature spirituelle avec une classe de pieux Israélites sur lesquels j'ai vu beaucoup de choses. Je raconterai ce que j'en sais encore. Hier, j'ai été presque toute la journée parmi ces gens ; et si je n'avais pas été dérangée par tant de visites, je n'aurais pas oublié la plus grande partie de ce qui les concerne.


Ces pieux Israélites, qui avaient des rapports avec les ancêtres de sainte Anne, s'appelaient Esséniens ou Esséens. Ils ont eu trois autres noms : on les appela d'abord Escaréniens, puis Khasidéens, et enfin Esséniens. Le nom d'Escaréniens venait du mot Escara ou Askara, qui désignait la part du sacrifice attribuée à Dieu, et aussi la fumée odorante de l'encens dans les oblations de fleur de farine 1.


1. Ceci fut écrit en août 1821, d'après ce qu'avait dit la soeur. Plus tard, en juin 1810, lorsque l'écrivain le relut pour le livrer à l'impression, il demanda à un théologien versé dans la connaissance des langues l'explication du mot askarah, et il reçut la réponse suivante : Askarah signifie commémoration, et c'est le nom de la part du sacrifice non sanglant qui était brûlée par le prêtre, sur l'autel, pour honorer Dieu et lui rappeler ses promesses de miséricorde. Les sacrifices non sanglants' ou oblations d'aliments, consistaient ordinairement en fleur de farine de froment mêlée avec de l'huile et présentée avec de l'encens. Le prêtre brûlait tout l'encens et une poignée de la farine arrosée d'huile ou de cette même farine cuite au four ; c'était là l'askarah (Lv 2,2 Lv 2,9 Lv 2,16). Pour les pains de proposition, l'encens seul était l'askarah (Lv 24,7). Dans le sacrifice pour le péch6, où l'oblation de fleur de farine se faisait sans huile et sans encens, on ne brûlait comme askarah qu'une poignée de farine (Lv 5,12). Il en était de même dans le sacrifice de la femme suspecte d'adultère, où l'on offrait en outre seulement de la farine d'orge (Nb 5,16 Nb 25-26) Dans ce dernier passage (Nb 5,15), la Vulgate omet entièrement la traduction du mot askarah ; dans les autres, elle traduit alternativement memoriale, in memoriam, in monumentum. La soeur n'a pas dit clairement pourquoi les Esséniens avaient tiré leur premier nom de cet askarah : toutefois, quand on se rappelle que les Esséniens ne présentaient pas au temple de sacrifice sanglant mais envoyaient seulement des offrandes ; que d'ailleurs, menant une vie de renoncement et de mortification, ils s'offraient eux-mêmes en sacrifice d'une certaine manière, on est incliné à penser que ces hommes, qui ne vivaient pas selon la chair, ont reçu leur nom de l'askarah, la part réservée à Dieu dans le sacrifice non sanglant de la Mincha, parce que, peut-être, ce que nous ne savons pas maintenant avec certitude, il ; offraient réellement ce genre de sacrifice, ou parce qu'à raison de leur manière de vivre, ils étaient à quelques égards, par rapport aux autres Israélites, ce qu'était l'askarah par rapport aux autres parties des sacrifices.


Le second nom, celui de Khasidéens, signifie les miséricordieux. Je ne sais plus d'où vient le nom d'Esséniens. Cette classe d'hommes pieux remontait au temps de Moise et d'Aaron, et venait des prêtres qui portaient l'Arche d'alliance ; mais ce fut dans l'époque qui s'écoula entre Isaïe et Jérémie qu'ils reçurent pour la première fois une règle de vie déterminée. Au commencement, ils étaient peu nombreux ; dans la suite, ils formèrent des réunions, qui habitaient dans la terre promise une contrée longue de quarante-huit lieues sur une largeur de trente-six. Ce ne fut que plus tard qu'ils vinrent dans la contrée du Jourdain. Ils habitaient principalement près du mont Horeb et près du mont Carmel, là où Élie avait séjourné.


A l'époque où vivaient ces aïeux de sainte Anne dont j'ai parlé, les Esséniens avaient un chef spirituel, un vieux prophète qui résidait sur le mont Horeb ; il s'appelait Archos ou Arcas. Leur organisation ressemblait beaucoup à celle d'un ordre religieux. Ceux qui voulaient être admis parmi eux devaient subir une épreuve d'un an, et ils étaient admis pour un temps plus ou moins long, suivant des inspirations prophétiques d'un ordre supérieur. Les membres proprement dits de l'ordre, qui vivaient en commun, ne se mariaient pas : ils vivaient dans la continence. Il y avait aussi des personnes sorties de l'ordre ou qui avaient des liens avec lui, lesquelles se mariaient et suivaient dans leurs familles, elles, leurs enfants et leurs domestiques, une règle de vie semblable à beaucoup d'égards à celle des Esséniens proprement dits. Il y avait entre elles et ceux-ci des rapports de même nature que ceux qui existent aujourd'hui entre les laïques du tiers ordre, ceux qu'on appelle les tertiaires, et les ordres religieux de l'Église catholique ; car ces Esséniens mariés, dans les circonstances importantes de leur vie, spécialement lors du mariage de leurs proches, demandaient des instructions et des conseils au supérieur des Esséniens, au vieux prophète du mont Horeb. Les aïeux de sainte Anne appartenaient à cette classe d'Esséniens mariés.


Il y eut aussi plus tard une troisième espèce d'Esséniens, qui exagérèrent tout et tombèrent dans de grandes erreurs. J'ai vu que les autres ne les souffraient pas parmi eux.


Les Esséniens proprement dits avaient des traditions prophétiques particulières, et leur chef du mont Horeb recevait souvent la, dans la grotte d'Élie, des révélations célestes qui se rapportaient à l'avènement du Messie. Il avait connaissance de la famille dont la mère du Messie devait sortir ; et, quand il rendait des réponses aux aïeux de sainte Anne, relativement aux affaires de mariage, il voyait aussi que le jour du Seigneur s'approchait. Toutefois, il ne savait pas combien de temps encore la naissance de la mère au Sauveur serait empêchée ou retardée par les péchés des hommes ; et à cause de cela, il exhortait toujours à la pénitence, à la mortification, à la prière et au sacrifice intérieur, actes agréables a Dieu, dont les Esséniens donnaient toujours l'exemple dans le même but.


Avant qu'Isaïe les eût rassemblés et leur eût donné une organisation plus régulière, ils vivaient, chacun de leur côté. En Israélites pieux et adonnés à la mortification, ils portaient toujours les mêmes habits et ne les raccommodaient pas jusqu'à ce qu'ils tombassent en lambeaux. Ils luttaient principalement contre la sensualité et gardaient souvent la continence d'un commun accord pendant de longs intervalles : ils vivaient alors séparés de leurs femmes, dans des cabanes très éloignées. Quand ils vivaient dans les rapports du mariage, c'était seulement dans le but d'avoir une postérité sainte qui pût contribuer à préparer l'avènement du Messie. Je les voyais manger à part de leurs femmes : quand le mari avait quitté la table, la femme venait prendre son repas. Déjà à cette époque il y avait, parmi les Esséniens mariés, des ancêtres de sainte Anne et d'autres saints personnages.


Jérémie fut aussi en rapport avec eux, et ces hommes qu'on appelait enfants des Prophètes faisaient partie de leur association. Ils habitaient fréquemment dans le désert, autour des monts Carmel et Horeb : j'en vis aussi plus tard en Égypte. J'ai vu encore que, par suite d'une guerre, ils furent chassés pour un temps du mont Horeb, et que de nouveaux chefs les rassemblèrent postérieurement. Les Macchabées furent aussi parmi eux.


Les Esséniens proprement dits, qui vivaient dans la virginité, étaient d'une pureté et d'une piété incroyables. Ils recevaient des enfants qu'ils élevaient pour les prédisposer à une grande sainteté. Pour devenir membre de l'ordre strict, il fallait avoir quatorze ans. Les gens déjà éprouvés faisaient une année de noviciat ; d'autres en faisaient deux. Ils n'exerçaient aucune sorte de trafic, et se contentaient d'échanger les produits de leurs champs contre les objets qui leur étaient nécessaires.


Je les voyais tous les ans aller trois fois au temple de Jérusalem. Ils avaient parmi eux des prêtres chargés particulièrement du soin des vêtements sacrés. Ils les nettoyaient, levaient des contributions pour leur entretien, et en préparaient aussi de nouveaux. Je les voyais élever des troupeaux, labourer la terre, mais surtout s'adonner au jardinage. Entre leurs cabanes du mont Horeb, il y avait des jardins et des arbres fruitiers. Je vis plusieurs d'entre eux tisser des étoffes, faire des nattes et aussi broder des vêtements sacerdotaux.


Ils avaient à Jérusalem un quartier séparé, et aussi une place à part dans le temple. Les autres Juifs avaient une sorte d'antipathie pour eux à cause de la sévérité de leurs moeurs. Je voyais qu'avant de partir pour leur voyage au temple, ils s'y préparaient toujours par la prière, le jeûne et la pénitence ; si dans leur voyage, ou à Jérusalem même, ils rencontraient sur le chemin un malade ou un homme ayant besoin de secours, ils n'allaient pas au temple qu'ils ne lui eussent donné toute l'aide possible.


Archos ou Arcas, le vieux prophète du mont Horeb, gouverna les Esséniens quatre-vingt-dix ans. Je vis la grand-mère de sainte Anne le consulter à l'occasion de son mariage. Ce qui me parut remarquable, c'est que ces prophètes annonçaient toujours des enfants du sexe féminin, et que les ancêtres de sainte Anne et elle-même n'eurent en général que des filles. Il semblait que le but de leurs prières et de leurs pieuses actions fût d'obtenir de Dieu une bénédiction pour les pieuses mères desquelles devaient tirer leur origine la sainte Vierge, mère du Sauveur, et les familles de son précurseur, de ses serviteurs et de ses disciples.


III La grand mère de sainte Anne consulte le chef des Esséniens. Son mariage. Sa famille.


La grand mère d'Anne était de Mara, dans le désert, où sa famille, qui faisait partie des Esséniens mariés, avait des propriétés. Son nom était quelque chose comme Morouni ou Emoroun. Il me fut dit que cela signifiait bonne mère ou mère auguste 1.


Note : Telles sont les paroles d'Anne Catherine Emmerich, dites le 16 août 1821. Les noms sont reproduits comme l'écrivain les lui entendait prononcer. Il en est de même de l'explication "auguste mère".

Lorsqu'en mai 1840, ceci fut lu à un hébraïsant : il dit qu'en effet " emromo" signifiait auguste mère.

La soeur prononçait ce nom, comme tous les autres noms propres avec l'accent bas-allemand, et souvent en hésitant ; elle ne les donnait qu'approximativement, et on ne peut affirmer qu'ils soient reproduits ici bien exactement. Il est d'autant plus surprenant qu'on trouve ailleurs des noms semblables donnés aux mêmes personnes.

Il est vrai que les écrivains qui suivent la tradition appellent ordinairement Emerentia la mère de sainte Anne ; mais ils font aussi de cette Emerentia la femme de Stolanus, que la soeur Emmerich appelle Emoroun. La tradition dit qu'Emerentia, femme de Stolanus, donna naissance à Ismeria, mère de sainte Elisabeth, et à sainte Anne, mère de la sainte Vierge. Suivant ce qu'a dit la soeur, Anne ne serait pas la fille, mais la petite-fille de Stolanus. s'il y a là une erreur de sa part, elle pourrait venir de ce que l'humble voyante aurait mêlé avec ses propres visions ce qu'elle avait entendu dire dans sa jeunesse de la tradition relative à l'origine de sainte Anne. Peut-être le nom d'Emerentia n'est-il que celui d'Emoroun latinisé Comme elle n'en savait rien ou qu'elle l'avait oublié, et comme la tradition lui présentait toujours les noms d'Emerentia et d'Ismeria à côté de celui de Stolinus comme appartenant aux plus proches parents de sainte Anne avant son mariage, il est possible qu'elle en ait fait à tort des filles de Stolanus. Il était du reste très rare, quoiqu'elle mentionnât une si grande quantité de noms propres, qu'elle confondit les uns avec les autres, même lorsqu'elle était au dernier degré de maladie et de délaissement. Nous inclinons pourtant a croire qu'il y a ici quelque erreur, puisque la tradition dit communément que sainte Elisabeth était nièce de sainte Anne, tandis que, d'après les communications de la soeur Emmerich, eue serait nièce de la mère de sainte Anne : car alors, Anne étant désignée comme un enfant venu après de longues années de mariage, Elisabeth semblerait devoir être plus âgée que sa cousine. L'écrivain, n'étant pas en mesure d'expliquer l'erreur qui a pu se glisser ici, prie le lecteur bienveillant de prendre la chose en patience, et de compenser par là les fautes que l'écrivain a dû souvent commettre contre cette vertu chrétienne dans le cours du travail pénible et souvent troublé auquel il lui a fallu se livrer pour mettre en ordre ces communications.


Lorsqu'elle fut en âge de se marier, elle eut plusieurs prétendants, et je les vis aller trouver le prophète Archos pour qu'il décidât de son choix.


Il annonça à la vierge qui le consultait qu'elle devait se marier et épouser le sixième de ses prétendants ; elle devait mettre au monde un enfant marqué d'un certain signe, lequel devait être un instrument du salut qui était proche.


Emoroun épousa son sixième prétendant un Essénien qui s'appelait Stolanus. Il n'était pas du pays de Mara. Il prit à son mariage, et à cause des biens de sa femme, un autre nom que je ne puis pas bien reproduire : il se prononçait de différentes manières ; c'était quelque chose comme Garecha ou Sarzirius'.


Stolanus et Emoroun eurent trois filles. Je me souviens des noms d'Ismeria, d'Emerentia, et d'une autre fille née plus tard, qui s'appelait, je crois, Enoué. Ils ne restèrent pas longtemps à Mara, mais allèrent postérieurement à Ephron. Je vis pourtant encore leurs filles Ismeria et Emerentia se marier, d'après les réponses du prophète du mont Horeb. Je ne comprends pas comment il se fait que j'aie si souvent entendu dire qu'Emerentia fut la mère de sainte Anne, car j'ai toujours vu que ce fut Ismeria.


Emerentia épousa un certain Aphras ou Ophras, qui était Lévite. De ce mariage était issue Élisabeth, mère de saint Jean-Baptiste.


Ismeria épousa un certain Eliud. Ils habitaient dans les environs de Nazareth et menaient entièrement la vie des Esséniens mariés. Ils avaient hérité de leurs parents l'esprit de chasteté dans le mariage et de continence. Anne fut un de leurs enfants.


IV Naissance de sainte Anne. Son mariage. Sa première fille.


Ismeria et Eliud eurent une fille aînée appelée Sobé. Comme celle-ci ne portait pas le signe de la promesse, cela les troubla beaucoup, et ils allèrent consulter de nouveau le prophète du mont Horeb. Archos les exhorta à la prière, au sacrifice, et leur promit qu'ils seraient consolés. Ismeria resta ensuite stérile pendant environ dix-huit ans. Dieu l'ayant bénie de nouveau, je vis qu'elle eut pendant la nuit une révélation : elle vit prés de sa couche un ange traçant une lettre sur le mur. Je crois que c'était une M. Ismeria le dit à son mari, qui avait eu la même vision, et tous deux étant réveillés virent la lettre sur le mur. Trois mois après, elle enfanta sainte Anne, qui vint au monde avec le signe en question sur le creux de l'estomac.

Anne fut amenée à l'école du Temple dans sa cinquième année, ainsi que Marie le fut plus tard. Elle y passa douze ans et revint à dix-sept ans dans la maison paternelle, où elle trouva deux enfants, savoir : une petite soeur cadette appelée Maraha, et un jeune fils de sa soeur aînée Sobé, nommé Eliud.

Un an après, Ismeria eut une maladie mortelle. Sur son lit de mort, elle exhorta tous les siens, et désigna Anne comme devant lui succéder dans le gouvernement de la maison. Elle s'entretint ensuite seule avec Anne, lui dit qu'elle était un vase d'élection, qu'elle devait se marier et demander conseil au prophète du mont Horeb ; après quoi elle mourut.

Le bisaïeul d'Anne était un prophète. Eliud, son père, était de la tribu de Lévi ; sa mère, Ismeria, de celle de Benjamin. Anne était née à Bethléem. Ses parents allèrent ensuite à Sephoris, situé à quatre lieues de Nazareth : ils avaient là une maison et un bien. Ils avaient aussi des terres dans la belle vallée de Zabulon, à une lieue et demie de Sephoris et à trois de Nazareth. Le père d'Anne, pendant la belle saison, était souvent, avec sa famille, dans la vallée de Zabulon, et il s'y fixa tout à fait après la mort de sa femme ; de là vinrent ses rapports avec les parents de saint Joachim, qui devint le mari de sainte Anne. Le père de Joachim s'appelait Matthat. C'était le second frère de Jacob, père de saint Joseph ; l'autre frère s'appelait Joses. Matthat s'était établi dans la vallée de Zabulon.

Je vis des ancêtres d'Anne, pleins de piété et de ferveur, parmi ceux qui portaient l'Arche d'alliance ; je vis qu'ils recevaient de l'objet sacré qui y était contenu des rayons qui s'étendaient à leur postérité, à sainte Anne et à la sainte vierge Marie. Je les vis dans une grande propriété rurale ; ils avaient beaucoup de bêtes à cornes ; mais ils ne possédaient rien pour eux seuls, ils donnaient tout aux pauvres. J'ai vu Anne dans son enfance ; elle n'avait pas une beauté remarquable, quoiqu'elle fût plus belle que beaucoup d'autres. Elle n'était pas à beaucoup près aussi belle que Marie, mais elle se distinguait par sa simplicité et sa piété naïve. Elle avait plusieurs frères et soeurs qui étaient mariés. Pour elle, elle ne voulait pas encore se marier. Ses parents avaient pour elle une tendresse particulière. Elle avait six prétendants à sa main, mais elle les refusait. Comme ses ancêtres, elle alla prendre conseil chez les Esséniens, et il lui fut dit d'épouser Joachim, qu'alors elle ne connaissait pas encore, mais qui la rechercha en mariage lorsque son père Eliud se fut établi dans la vallée de Zabulon, où demeurait Matthat, père de Joachim.

Saint Joseph et Joachim étaient parents, et voici comment : Le grand-père de Joseph descendait de David par Salomon, et s'appelait Mathan. Il avait deux fils, Jacob et Joses. Mathan étant mort, sa veuve prit un second mari appelé Lévi, qui descendait de David par Nathan et elle eut de ce Lévi Matthat, père de Joachim, qui s'appelait aussi Héli.

Joachim et Anne furent mariés dans une bourgade où il n'y avait qu'une petite école. Un seul prêtre était présent. Anne avait alors dix-neuf ans. Ils habitèrent chez Eliud, le père d'Anne. Sa maison dépendait de la ville de Sephoris ; mais elle était à quelque distance, au milieu d'un groupe de maisons, dont elle était la plus grande. Ils vécurent là plusieurs années. Tous les deux avaient quelque chose de distingué dans leur manière d'être ; ils avaient bien l'air tout à fait juif, mais il y avait en eux je ne sais quoi qu'ils ne connaissaient pas eux-mêmes : leur gravité était merveilleuse. Je les ai vus rarement rire, quoique dans les commencements de leur mariage ils ne fussent pas précisément tristes. Leur caractère était tranquille et égal, et dès leur jeunesse ils ressemblaient déjà à de vieilles gens par leur air réfléchi. J'ai vu autrefois de semblables jeunes couples qui avaient l'air très réfléchi et je me disais alors : Ceux-ci sont comme Anne et Joachim.

Les parents avaient de l'aisance : ils possédaient de nombreux troupeaux, de beaux tapis et de beaux ustensiles ; ils avaient plusieurs serviteurs et servantes. Ils étaient pieux, sensibles, bienfaisants, pleins de droiture. Ils divisaient souvent en trois parts leurs troupeaux et tout le reste ; ils donnaient un tiers du bétail au temple, où ils le conduisaient eux-mêmes, et où les serviteurs du temple le recevaient ; ils donnaient le second tiers aux pauvres ou à des parents qui le demandaient, et dont quelques-uns, la plupart du temps, se trouvaient présents en ce moment. Ils gardaient pour eux la dernière part, qui était ordinairement la moindre. Ils vivaient très modestement et donnaient tout ce qu'on leur demandait. Etant enfant, je me suis dit souvent : " il suffit de donner : celui qui donne reçoit le double " ; car je voyais que la portion qu'ils s'étaient réservée allait toujours croissant, et que bientôt tout se trouvait tellement multiplié, qu'ils pouvaient de nouveau faire leur division en trois parts. Ils avaient beaucoup de parents qui se réunissaient chez eux dans toutes les occasions solennelles. Je ne vis pas qu'on y menât grande chère. Je les vis souvent dans le cours de leur vie donner à manger à quelques pauvres, mais je ne vis jamais de festins proprement dits. Quand ils étaient ensemble, je les voyais ordinairement assis par terre en rond ; ils parlaient de Dieu avec un vif sentiment d'espérance. Je vis souvent de méchants hommes de leurs parents qui se montraient pleins de mauvais vouloir et d'irritation lorsque, dans leurs entretiens, ils levaient au ciel des yeux pleins de désir ; mais ils étaient bienveillants pour ces gens si mal disposés, les invitaient chez eux dans toutes les occasions, et leur donnaient double part. Je vis souvent ces personnes exiger grossièrement et brutalement ce que l'excellent couple leur offrait avec affection.

Il y avait des pauvres dans leur famille, et je les vis souvent donner un mouton ou même plusieurs.

Le premier enfant qu'Anne mit au monde dans la maison de son père fut une fille, mais qui n'était pas l'enfant de la promesse. Les signes qui avaient été prédits ne se montrèrent pas à sa naissance, qui se trouva liée à quelques circonstances pénibles. Je vis, par exemple, qu'Anne, pendant sa grossesse, éprouva du chagrin de la part de ses gens. Une de ses servantes avait été séduite par un parent de Joachim. Anne, très troublée de voir ainsi violée la stricte discipline de sa maison, reprocha un peu vivement sa faute à cette fille. Celle-ci prit son malheur trop à coeur et accoucha avant terme d'un enfant mort. Anne fut inconsolable de cet accident ; elle craignit d'en avoir été la cause, et il s'ensuivit qu'elle-même accoucha avant terme ; mais sa fille vécut. Comme cette enfant n'avait pas le signe de la promesse et qu'elle était née prématurément, Anne vit là une punition de Dieu, et fut extrêmement troublée, car elle croyait s'être rendue coupable. Toutefois, les parents accueillirent avec une joie sincère la naissance de l'enfant, qui fut, elle aussi, appelée Marie. C'était une enfant aimable, pieuse et douce. Ses parents l'aimaient beaucoup ; mais il restait en eux quelque trouble et quelque inquiétude, parce qu'ils reconnaissaient qu'elle n'était pas ce fruit béni de leur union qu'ils avaient attendu.

Ils firent longtemps pénitence et vécurent séparés l'un de l'autre. Anne était devenue stérile, ce qu'ils regardaient comme le résultat de leurs fautes, et cela les portait à redoubler leurs bonnes oeuvres. Je les vis souvent, chacun de leur côté, faire de ferventes prières, puis vivre à part l'un de l'autre pendant de longs intervalles, donner des aumônes et envoyer des victimes au temple.



Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie