Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie - XVIII Célébration de la fête de la Conception en divers lieux. Introduction. Détails personnels.

XVIII Célébration de la fête de la Conception en divers lieux. Introduction. Détails personnels.


Le 8 décembre 1820, fête de l'Immaculée conception de Marie, l'âme de la soeur, pendant le cours de ses contemplations et de ses prières, se trouva comme transportée à travers une grande partie de la terre. Nous plaçons ici quelque chose de ce qui nous fut communiqué à ce sujet, pour donner une idée de ces sortes de voyages en esprit.


Elle alla à Rome, se trouva près du saint Père, visita en Sardaigne une pieuse religieuse qu'elle aimait beaucoup, toucha Palerme, passa en Palestine, ensuite dans l'Inde. Elle alla aussi en Abyssinie, dans une ville de Juifs, située sur une haute chaîne de montagnes ; elle en visita la souveraine, qui s'appelait Judith 1 , et s'entretint avec elle du Messie, de la fête de la Conception de sa mère, du saint temps de l'Avent et de la fête prochaine de Noël. Dans le cours de ce voyage, elle fit tout ce que, dans un voyage de ce genre, aurait fait, suivant l'occasion, un consciencieux missionnaire : elle pria, enseigna, secourut, consola et s'informa.

Cette nuit, dit-elle, ayant fait en songe un voyage dans la terre promise, je vis tout ce que j'ai raconté de la Conception de la sainte Vierge. Je passai ensuite aux contemplations journalières des années de prédication de Notre Seigneur, et j'en étais aujourd'hui au 8 décembre de la troisième année. Je ne trouvai pas Jésus dans la terre promise ; mais je fus conduite par mon guide au delà du Jourdain, en Arabie, où le Seigneur, accompagné de trois disciples, se trouvait dans une ville de tentes des trois rois mages : c'était là qu'ils s'étaient établis à leur retour de Bethléem.


1.Lorsque l'écrivain mit sur le papier le récit très circonstancié de ses rapports avec Judith et sa description des lieux, il avait conjecturé, d'après la direction de son voyage, qu'il s'agit de l'Abyssinie. Plusieurs années après la mort de la soeur, il trouva dans les voyages de Bruce et de Salt la mention d'une colonie juive établie sur la haute chaîne de Samen en Abyssinie, et dont le chef s'appelait toujours Gédéon, ou, lorsque c'était une femme, Judith. Ce dernier nom, comme on le voit, a été indiqué par la soeur Emmerich.


XIX Les rois mages fêtent la Conception de Marie.


Je vis que deux des trois rois mages qui vivaient encore, à dater d'aujourd'hui, 8 décembre, célébraient avec leur tribu une fête de trois jours. Quinze ans avant la naissance du Sauveur, ils avaient vu, pour la première fois, dans cette nuit, se lever l'étoile annoncée par Balaam (Nb 24,17), qu'eux et leurs ancêtres avaient attendue si longtemps en observant constamment le ciel. Ils y avaient aperçu l'image d'une vierge qui tenait d'une main un sceptre, de l'autre une balance ayant sur l'un de ses plateaux un bel épi de blé, sur l'autre une grappe de raisin faisant contrepoids. Depuis leur retour de Bethléem, ils célébraient annuellement, à partir du 8 décembre, une fête de trois jours, etc.

Je vis qu'à la suite de cette connaissance qu'ils avaient eue le jour de la Conception de Marie, quinze ans avant la naissance de Jésus-Christ, ces adorateurs des astres avaient aboli une horrible coutume religieuse qui avait été depuis longtemps en usage parmi eux, par suite de révélations mal comprises et obscurcies par de malignes influences : savoir, un abominable sacrifice d'enfants. Ils avaient en différents temps sacrifié de diverses manières des hommes et des enfants.

Je vis que, dans l'époque antérieure à la Conception de Marie, ils avaient la coutume suivante : ils prenaient l'enfant d'une des plus chastes et des plus pieuses parmi les femmes de leur religion, laquelle se trouvait heureuse d'offrir ainsi son nourrisson. L'enfant était écorché et recouvert de farine destinée à absorber le sang. Ils mangeaient cette farine imprégnée de sang comme un aliment sacré, et recommençaient cet affreux repas jusqu'à ce que le sang fût épuisé. En dernier lieu, la chair de l'enfant était coupée en petits morceaux, distribuée et mangée 1.

Il est remarquable de voir les écrivains des premiers siècles de l'Eglise qui parlent des accusations portées par les païens contre les chrétiens, et entre autres Minucius Félix, rapporter aussi ces calomnies. Les chrétiens, selon leurs accusateurs, présentaient à celui qu'ils initiaient à leur religion un enfant recouvert de farine pour mieux cacher le meurtre dont il avait été victime. Le néophyte devait percer plusieurs fois l'enfant avec un couteau. Ils buvaient avec avidité le sang qui ruisselait, coupaient l'enfant en petits morceaux et le mangeaient en entier. Ce crime, commis en commun, était devenu pour eux la garantie réciproque du silence et de l'observation du secret relativement à d'autres pratiques infâmes par lesquelles se terminaient leurs assemblées. L'origine de cette accusation ne viendrait-elle pas des sacrifices d'enfants attribués ici à ces adorateurs des astres qui furent des premiers à embrasser le Christianisme ? Quoi qu'il en soit, on peut conjecturer que des idées semblables à celles que nous trouvons ici chez les mages relativement à des prophéties mal comprises, ont été aussi le mobile secret qui a fait égorger par les Juifs des enfants chrétiens, et, s'il en est ainsi, ces ténébreuses abominations seraient une des nombreuses raisons qui doivent porter à plaindre le malheureux judaïsme plutôt qu'à le mépriser. Il y a là une aspiration vers le Sauveur, quoiqu'étrangement défigurée. Les faits de ce genre, qui semblent s'être si souvent reproduits, n'ont jamais été, que nous sachions, soigneusement recueillis et examinés sans prévention. Dans les temps modernes' on a généralement trouvé plus commode de les traiter légèrement, ainsi qu'on fait pour toutes les énigmes historiques dont l'origine se perd dans d'obscures profondeurs, et de ne voir là que des accusations portées par un aveugle fanatisme.


Je les vis accomplir cette cérémonie abominable avec beaucoup de simplicité et de dévotion, et il me fut dit qu'ils en étaient venus à cette horrible coutume par suite de l'altération et de la fausse interprétation de certaines traditions prophétiques figuratives sur la sainte Cène.

Je vis ces abominations en Chaldée, dans le pays de Mensor, l'un des trois rois mages. Je le vis aussi le jour de la Conception de Marie recevoir dans une vision une illumination d'en haut, à la suite de laquelle l'horrible usage fut aboli.

Je le vis sur une haute pyramide en bois occupé à observer les étoiles, ce que ces gens continuaient à faire depuis des siècles, poussés à cela par d'antiques traditions. Je vis le roi Mensor, pendant qu'il regardait le ciel, tomber tout à coup en extase : il avait perdu connaissance. Ses compagnons vinrent et le firent revenir à lui ; mais, au commencement, il ne paraissait pas les reconnaître. Il avait vu l'étoile avec la Vierge, la balance, l'épi, la grappe de raisin, et reçu un avertissement intérieur qui lui fit abolir ce culte abominable.

La nuit, pendant mon sommeil, ayant vu à ma droite l'horrible scène du meurtre de l'enfant, je me retournai de l'autre côté pleine d'effroi ; mais je le vis encore à ma gauche. Alors je priai Dieu de tout mon coeur afin qu'il me délivrât de cet affreux spectacle ; quand je me réveillais, j'entendis sonner l'heure, et mon fiancé céleste me dit : " Vois les traitements encore pires que me font subir tous les jours beaucoup de gens dans le monde entier ".

Et quand je regardai autour de moi, bien des choses encore plus horribles que ces sacrifices d'enfants passèrent devant mon âme ; je vis bien souvent Jésus lui-même cruellement immolé sur l'autel par la célébration indigne et criminelle des saints mystères. Je vis devant des prêtres sacrilèges la sainte hostie reposer sur l'autel comme un enfant Jésus vivant qu'ils coupaient en morceaux avec la patène et qu'ils martyrisaient horriblement. Leur messe, quoique accomplissant réellement le saint sacrifice, m'apparaissait comme un horrible assassinat.

La même cruauté me fut montrée dans les mauvais traitements exercés envers les membres de Jésus-Christ, envers ceux qui confessent son nom et que Dieu a adoptés pour enfants ; car je vis une foule innombrable de malheureux opprimés, tourmentés et persécutés de nos jours en plusieurs lieux, et je vis toujours qu'on maltraitait par là Jésus-Christ en personne. Nous sommes à une époque déplorable où il n'y a plus de refuge contre le Mal : un épais nuage de péchés pèse sur le monde entier, et je vois les hommes faire les choses les plus abominables avec une tranquillité et une indifférence complètes.

Je vis tout cela dans plusieurs visions pendant que mon âme était conduite à travers divers pays sur toute la terre à la fin, je revins aux contemplations relatives à la fête de la Conception de Marie.

I De même que le sacrifice du Calvaire fut accompli par les ordres cruels de prêtres impies et par les mains sanguinaires de bourreaux effrénés, de même le sacrifice de l'autel, quand il est célébré indignement, reste un vrai sacrifice, mais le consécrateur joue à la fois le rôle de prêtres juifs qui condamnèrent Jésus, et des soldats qui exécutèrent la sentence.


XX Sur l'histoire de la fête de la Conception de Marie.


Je ne saurais pas bien expliquer la façon merveilleuse dont j'ai voyagé cette nuit en songe. J'étais dans les contrées du monde les plus différentes, aux époques les plus diverses, et je vis souvent célébrer la tête de la Conception de Marie. Je me trouvai près d'Ephèse, et je vis célébrer cette fête dans la maison de la Mère de Dieu, qui servait encore d'église. Ce devait être à une époque très reculée, car je vis le chemin de la Croix érige par Marie elle-même parfaitement conservé ; le second fut érigé à Jérusalem, le troisième à Rome.


Les Grecs célébraient cette fête longtemps avant leur séparation de l'Eglise. Je me souviens encore un peu 1 quoique non bien distinctement, de ce qui y donna lieu. Je vis notamment un saint, saint Sabas, à ce que je crois, qui eut une apparition relative à immaculée Conception. Il vit l'image de la sainte Vierge, debout sur le globe terrestre, écrasant la tête du serpent, et il connut que la sainte vierge seule avait été conçue sans blessure et sans souillure de la part du serpent 1.


I Le 5 juillet 1835, l'écrivain apprit par les notes de Baronius sur le martyrologue romain (8 décembre) qu'il y a dans la bibliothèque Sforza un manuscrit, n° 65, où se trouve un discours tenu à Constantinople par l'empereur Léon (monté sur le trône EN 880), et duquel il résulte que la fête de la Conception est de beaucoup antérieure à son époque. Suivant Canisius (de Beatissima virgine Maria, lib I, c. 7.) et Galatinus (de Arcanis catholicoe veritatis, llb. VII, c. 5), cette fête est mentionnée dans le Martyrologe de saint Jean Damascène. Le saint abbé Sabas, dont parle la soeur Emmerich, est connu comme ayant été très dévot à Marie. Il mourut en 590.


Je vis aussi qu'une église des Grecs, ou qu'un évêque de leur nation ne voulut pas admettre cela ; cette image vint alors vers eux sur la mer. Je vis cette apparition planer sur les flots, se diriger vers leur église et se montrer au-dessus de l'autel ; après quoi ils commencèrent à célébrer cette fête. On possédait dans cette église un portrait de la sainte Vierge fait par saint Luc. Elle était représentée vêtue de blanc, avec un voile de la même couleur, et ressemblait beaucoup à ce qu'elle avait été de son vivant. Je crois vaguement qu'il venait de Rome, où l'on n'a d'elle qu'un portrait en buste. Ce portrait avait été placé sur un autel à la place où avait apparu l'image de l'Immaculée Conception. Je crois qu'il est encore à Constantinople, où je l'ai vu honorer à une époque ancienne.


Je me suis trouvée en Angleterre, et j'y ai vu introduire et célébrer cette fête à une époque très ancienne. Avant-hier, jour de Saint Nicolas, j'ai vu à ce sujet le miracle suivant : je vis un abbé d'Angleterre sur un navire pendant une tempête qui menaçait de l'engloutir. On y invoquait avec instance le secours de la mère de Dieu Je vis alors apparaître saint Nicolas de Myre, qui planait sur la mer près du navire ; il dit à l'abbé que Marie l'envoyait pour lui annoncer qu'il devait célébrer le 8 décembre la fête de la Conception, et que le navire arriverait au port. L'abbé lui ayant demandé quelles prières il fallait dire, il lui fut répondu qu'il fallait se servir de celles de la fête de la Nativité de la sainte Vierge. Lors de l'introduction de la fête, le nom d'Anselme fut aussi prononcé 1 ; mais j'ai oublié les détails. Je vis aussi l'introduction de cette fête en France, et comment saint Bernard s'y montra opposé, parce que la chose ne venait pas de Rome 1.


Ici s'arrêtent les éclaircissements ajoutés par la soeur Emmerich à son récit de la Conception de Marie. Nous allons reprendre maintenant l'histoire de sa sainte Vie.


Il est remarquable qu'elle ne nomme pas saint Anselme comme étant l'abbé qui vit l'apparition, quoique Pierre de Natalibus, in Catalog Sanci, lib. I, c. 42, raconte de lui la même chose, ainsi que l'écrivain l'a lu eu juillet 1835. Ce que dit la soeur paraît confirmer l'allégation de Baronius dans ses notes sur le martyrologe romain, où il dit que cet avertissement fut donné dans des circonstances comme celles qui ont été décrites, non pas à saint Anselme, mais antérieurement : à l'abbé bénédictin Elfin ou Elpin, dans l'année 1070. J. Carlhagena, dans ses homélies de Arcanis Deipare, t. I, hom. 19, affirme la même chose d'après une lettre de saint Anselme aux évêques d'Angleterre. Ce saint archevêque de Cantorbéry fut le premier qui introduisit cette fête en Angleterre.


La fête fut introduite en 1175 par le chapitre de Lyon, auquel Saint Bernard écrivit pour s'y opposer.



XXI Naissance de Marie


Quelques jours avant sa délivrance, Anne avait annoncé à Joachim que le temps de ses couches était proche. Elle envoya des messagers à Séphoris, à sa soeur cadette Maraha ; dans la vallée de Zabulon, à la veuve Énoué, soeur d'Élisabeth, et à Bethsaïde, à sa nièce Marie Salomé, pour engager ces trois femmes à venir chez elle.


Je vis Joachim, la veille de la délivrance d'Anne, envoyer ses nombreux serviteurs aux pâturages où étaient ses troupeaux. Parmi les nouvelles servantes d'Anne, il ne garda à la maison que celles dont le service était nécessaire. Lui-même alla au plus voisin de ses pâturages. Je vis que Marie Eléli, la fille aînée d'Anne, prenait soin du ménage. Elle avait alors environ dix-neuf ans, et avait épousé Cléophas, chef des bergers de Joachim, dont elle avait une petite fille appelée Marie de Cléophas, laquelle avait alors à peu près quatre ans.


Joachim pria, choisit les plus beaux de ses agneaux, de ses chevreaux et de ses boeufs, et les envoya au temple comme sacrifice d'actions de grâces. Il ne revint chez lui qu'à la nuit.


Je vis les trois parentes d'Anne arriver le soir chez elle. Elles la visitèrent dans la chambre située derrière le foyer et l'embrassèrent. Après leur avoir annoncé l'approche de sa délivrance, Anne, se tenant debout, entonna avec elles un cantique conçu à peu près en ces termes : " Louez Dieu le Seigneur ; il a eu pitié de son peuple ; il a accompli la promesse qu'il avait faite à Adam dans le paradis, quand il lui dit que la semence de la femme écraserait la tête du serpent, etc ". Je ne puis pas tout rapporter exactement.


Anne était comme en extase ; elle énumérait dans son cantique tout ce qui avait figuré Marie par avance. Elle disait : " Le germe donné par Dieu à Abraham a mûri en moi ". Elle parlait d'Isaac promis à Sara, et ajoutait : " La floraison de la verge d'Aaron s'est accomplie en moi ". Je la vis comme pénétrée de lumière. Je vis la chambre pleine de clartés, et l'échelle de Jacob apparaître au-dessus. Les femmes, pleines d'un joyeux étonnement, étaient comme ravies, et je crois qu'elles virent aussi l'apparition.


Après cette prière de bienvenue, on servit aux femmes une petite réfection de pain, de fruits et d'eau mêlée de baume. Elles mangèrent et burent debout, et allèrent dormir quelques heures pour se reposer de leur voyage. Anne resta levée et pria. Vers minuit, elle éveilla ses parentes pour prier avec elle. Elles la suivirent derrière un rideau à l'endroit où était son lit.


Anne ouvrit les portes d'une petite niche pratiquée dans le mur, et qui renfermait des reliques dans une boite. Il y avait des deux côtés des lumières qu'on alluma ; je ne sais si c'étaient des lampes. Un escabeau rembourré était au pied de cette espèce de petit autel. Dans le reliquaire se trouvaient des cheveux de Sara, pour laquelle Anne avait beaucoup de vénération ; des os de Joseph, que Moise avait emportés d'Égypte ; quelque chose de Tobie, peut-être un morceau de vêtement, et le petit vase brillant, en forme de poire, dans lequel Abraham avait bu lors de la bénédiction de l'ange, et que Joachim avait reçu avec la bénédiction. Je sais maintenant que cette bénédiction était du pain et du vin, et comme une nourriture et une réfection sacramentelle.


Anne s'agenouilla devant la niche. Deux des femmes étaient à ses côtés, la troisième derrière elle. Elle dit encore un cantique ; je crois qu'il y était question du buisson ardent de Moise. Je vis alors une lumière surnaturelle remplir la chambre, se mouvoir et se condenser autour d'Anne. Les femmes tombèrent la face contre terre comme évanouies. La lumière prit tout autour d'Anne la forme qu'avait le buisson ardent de Moise sur l'Horeb, en sorte que je ne la vis plus. La flamme rayonnait vers l'intérieur, et je vis tout d'un coup Anne recevoir dans ses bras la petite Marie toute resplendissante, l'envelopper dans son manteau, la presser sur son sein, puis la placer sur l'escabeau devant le reliquaire, et continuer à prier. Alors j'entendis l'enfant pleurer, et je vis Anne tirer des linges de dessous le grand voile qui l'enveloppait. Elle emmaillota l'enfant jusque sous les bras, laissant la poitrine, la tête et les bras découverts. L'apparition du buisson ardent s'était évanouie.


Les femmes se relevèrent, et à leur grande surprise reçurent dans leurs bras l'enfant nouveau-né. Elles versaient des larmes de joie. Elles entonnèrent toutes un nouveau cantique d'actions de grâces, et Anne éleva l'enfant en l'air comme pour l'offrir. Je vis alors la chambre se remplir de nouveau de lumières, et j'entendis plusieurs anges qui chantaient gloria et alléluia. J'entendais tout ce qu'ils disaient. Ils annonçaient que l'enfant devait recevoir, le vingtième jour, le nom de Marie.


Anne entra alors dans sa chambre à coucher et se mit sur son lit. Les femmes déshabillèrent l'enfant, la baignèrent, puis l'emmaillotèrent de nouveau. Elles la portèrent ensuite à sa mère, dont la couche était disposée de manière qu'on pouvait fixer auprès d'elle une petite corbeille à jour, où l'enfant avait une place séparée à côté de sa mère.


Les femmes alors appelèrent son père Joachim. Il vint près de la couche d'Anne, s'agenouilla et versa d'abondantes larmes sur l'enfant ; puis il l'éleva dans ses bras et entonna un cantique de louanges, comme Zacharie à la naissance de Jean-Baptiste. Il parla dans ce psaume du saint germe qui, placé par Dieu dans Abraham, s'était perpétué chez le peuple de Dieu dans l'alliance dont la circoncision était le sceau, mais qui arrivait dans cet enfant à sa plus haute floraison. J'entendis dire dans ce cantique que la parole du Prophète : " une tige sortira de la racine de Jessé ", se trouvait maintenant accomplie. Il dit aussi, avec beaucoup de ferveur et d'humilité, que maintenant il mourrait volontiers.


Je remarquai que Marie d'Héli, la fille aînée d'Anne, ne vint qu'assez tard voir l'enfant. Quoique mère elle-même depuis quelques années, elle n'avait pas assisté à la naissance de Marie, peut-être parce que, d'après les lois juives, une fille ne devait pas se trouver près de sa mère dans un pareil moment.


Le lendemain, je vis les serviteurs, les servantes et beaucoup de gens du pays rassemblés autour de la maison. On les fit entrer successivement, et l'enfant fut montrée à tous par les femmes. Ils furent, en général, très touchés, et plusieurs devinrent meilleurs. Les gens du voisinage étaient venus parce qu'ils avaient vu pendant la nuit une lumière au-dessus de la maison, et parce que les couches d'Anne, venant après une longue stérilité, étaient regardées comme une grande grâce du ciel.


XXII Joie dans le ciel et dans les limbes à la naissance de Marie.

Mouvement dans la nature et parmi les hommes.


Au moment où la petite Marie se trouva dans les bras de sainte Anne, je la vi6 dans le ciel présentée devant la très sainte Trinité, et saluée avec une joie indicible par toutes les armées célestes. Je connus que toutes ses joies, ses douleurs et ses destinées futures lui étaient manifestées d'une manière surnaturelle. Marie reçut la connaissance des plus profonds mystères, et pourtant elle resta un enfant. Nous ne pouvons pas comprendre cette science qui lui fut donnée, parce que la notre a pris son origine sur l'arbre fatal du paradis. Elle connut tout cela comme l'enfant connaît le sein de sa mère et sait qu'il doit s'y désaltérer. Lorsque cessa la contemplation où j'avais vu la petite Marie instruite par le grâce divine dans le ciel, je l'entendis pleurer pour la première fois.


Je vis la naissance de Marie annoncée aux patriarches dans les limbes, au moment même où elle eut lieu ; je les vis tons, particulièrement Adam et Eve, pénétrés d'une joie inexprimable, à cause de l'accomplissement de la promesse faite dans le paradis. Je connus aussi qu'il y avait un progrès dans l'état de grâce des patriarches, que leur demeure s'éclairait et s'élargissait, et qu'ils acquéraient une plus grande influence sur ce qui se passait dans le monde. Il semblait que tous les travaux, toutes les pénitences de leur vie, tous leurs combats, leurs prières et leurs désirs étaient, pour ainsi dire, arrivés à maturité, et avaient produit un fruit de paix.


Je vis au temps de la naissance de Marie, un grand mouvement de joie dans la nature, chez tous les animaux et aussi dans le coeur de tous les hommes de bien, et j'entendis des chants harmonieux ; chez les pécheurs, il y eut une grande angoisse et comme un brisement de coeur.

Je vis spécialement dans la contrée de Nazareth et dans le reste de la terre promise plusieurs possédés agités par des convulsions violentes. Ils se précipitaient ça et là avec de grandes clameurs, et les démons criaient par leur bouche : " il faut partir, il faut partir ".


A Jérusalem, je vis le pieux prêtre Siméon, qui habitait près du temple, effrayé à l'heure de la naissance de Marie par les cris affreux que poussaient des fous et des possédés enfermés en grand nombre dans un édifice contigu à la montagne du temple, et sur lequel Siméon, qui demeurait dans le voisinage, avait un certain droit de surveillance. Je le vis à minuit se rendre sur la place devant la maison des possédés ; un homme qui habitait près de là lui demanda la cause de ces cris qui troublaient le sommeil de tout le monde. Un possédé cria avec plus de force, demandant à sortir. Siméon lui ouvrit la porte ; le possédé se précipita dehors, et Satan cria par sa bouche "il faut partir nous devons partir il est né une Vierge Il y a sur la terre tant d'anges qui nous tourmentent nous devons partir, et nous ne pourrons plus posséder un seul homme ! " Je vis Siméon prier avec ferveur ; le malheureux possédé fut violemment jeté ça et là sur la place, et je vis le démon sortir de là. .la fils très contente de voir le vieux Siméon.


Je vis aussi la prophétesse Anne, et Noémi, soeur de la mère de Lazare, qui habitait dans le temple, et qui fut plus tard la maîtresse de Marie furent réveillés et informées par des visions de la naissance d'un enfant d'élection. Elles se réunirent et se communiquèrent ce qu'elles avaient appris. Je crois qu'elles connaissaient sainte Anne.



XXIII L'enfant reçoit le nom de Marie.

22 - 23 septembre


J'ai vu aujourd'hui une grande fête dans la maison de sainte Anne. Tout avait été déplacé et rangé à part dans la partie antérieure de la maison, Les cloisons en clayonnage, qui formaient des chambres séparées, avaient été enlevées, et on avait ainsi disposé une grande table. Tout autour de cette salle, je vis une longue table basse, couverte de vaisselle pour le repas.

Au milieu de la salle, on avait dressé une espèce de table d'autel recouverte d'une étoffe rouge et blanche, sur laquelle était un petit berceau rouge et blanc, avec une couverture bleu de ciel. Près de l'autel était un pupitre recouvert, sur lequel étaient des rouleaux en parchemin contenant des prières. Devant l'autel se tenaient cinq prêtres de Nazareth en habits de cérémonie ; Joachim était près d'eux. Dans le fond, autour de l'autel, se tenaient plusieurs femmes et plusieurs hommes, des parents de Joachim, tous avec des habits de fête. Je me souviens de la soeur d'Anne, Maraha de Séphoris, et de sa fille aînée. Sainte Anne avait quitté sa couche, mais elle resta dans sa chambre, placée derrière le foyer, et ne parut pas à la cérémonie.


Enoué, la soeur d'Elisabeth, apporta la petite Marie et la plaça sur les bras de Joachim. Les prêtres se placèrent devant l'autel près des rouleaux, et récitèrent des prières à haute voix. Joachim donna l'enfant au principal d'entre eux, qui l'éleva en l'air en priant, comme pour l'offrir à Dieu, et la plaça dans son berceau sur l'autel. Il prit ensuite des espèces de ciseaux d'une forme particulière avec lesquels il coupa à l'enfant trois petites touffes de cheveux sur les deux côtés de la tête et sur le front, puis les brûla sur un brasier. Il prit ensuite une botte où était de l'huile, et oignit les cinq sens de l'enfant avec le pouce il fit cette onction sur les oreilles, les yeux, le nez, là bouche et le creux de l'estomac. Il avait aussi le nom de Marie sur un parchemin qu'il plaça sur la poitrine de l'enfant. On chanta ensuite des psaumes, puis vint le repas, que je ne vis pas.



XXIV Origine de la fête de la Nativité de Marie.


Le soir du 7 septembre, veille de la fête, la soeur se trouva pleine d'une joie inaccoutumée et qu'elle appelait surnaturelle, quoiqu'elle se sentit en même temps très malade 1. Elle fut bientôt très animée et éprouva une ferveur extraordinaire. Elle parla d'une allégresse universelle qui s'était manifestée dans la nature à l'approche de ta naissance de Marie, et dit qu'elle avait le pressentiment qu'elle aurait une grande joie le lendemain : " pourvu qu'elle ne se tourne pas en douleur ", ajouta-t-elle. Voici ce qu'elle raconta.


Il y a une jubilation inexprimable dans la nature ; j'entends les oiseaux chanter, je vois les agneaux et les chevreaux bondir ; les tourterelles, dans le pays où était la maison d'Anne, s'assemblent en grandes troupes et tournent en cercle comme ivres de joie. Il ne reste plus rien de la maison et de ses entours : c'est maintenant un désert. J'ai vu quelques pèlerins avec des ceintures, de longs bâtons et des étoffes roulées autour de la tête ; ils traversent le pays, se dirigeant vers le mont Carmel Il y a ici quelques ermites venus du Carmel. Les pèlerins leur demandent avec surprise d'où vient cette joie dans la nature, et ceux ci répondent qu'il en est toujours ainsi la veille de la Nativité de Marie ; que la maison de sainte Anne était probablement dans ce lieu, et qu'ils tiennent d'un pèlerin qui avait voyagé ici antérieurement, que cette manifestation de joie, remarquée, il y a bien longtemps, par un saint homme, a donné lieu à l'institution de la fête.


La sainte Vierge lui était apparue et lui avait promis que le lendemain, 8 septembre, qui était aussi le jour de la naissance de la soeur, elle recevrait une grâce, qui consisterait à pouvoir se redresser sur sa couche pendant quelques semaines, quitter son lit et faire quelques pas dans sa chambre, ce qui ne lui était pas arrivé pendant un intervalle de dix ans. Cette promesse eut son accomplissement avec accompagnement de toute espèce de souffrances spirituelles et corporelles, qui lui avaient été annoncées en même temps, ainsi qu'on le dira en son 1ieu.


Je vis alors comment cette fête fut instituée. Deux cent cinquante ans après la mort de la sainte Vierge, je vis un homme d'une grande sainteté parcourir la Terre Sainte, rechercher et honorer tous les lieux où se trouvaient des traces du séjour de Jésus sur la terre. Je vis que ce saint homme recevait des directions d'en haut, et était souvent retenu plusieurs jours dans certains endroits par de grandes consolations intérieures, et par des révélations de plusieurs espèces, qui lui arrivaient dans la prière et la méditation. C'est ainsi que, pendant plusieurs années, dans la nuit du 7 au 8 septembre, il avait remarqué une grande joie dans la nature et entendu dans les airs des chants harmonieux ; enfin, sur son instante prière, un ange lui avait appris en songe que c'était la nuit pendant laquelle était née la très sainte vierge Marie. Il avait reçu cette communication lors d'un voyage au mont Sinai ou au mont Horeb. Je le vis ensuite sur le mont Sinaï. L'endroit où se trouve aujourd'hui le couvent était déjà, à cette époque, habité par des anachorètes dispersés, et, du côté de la vallée, il était aussi peu accessible qu'il l'est à présent, que l'on s'y fait hisser à l'aide d'une poulie. Je vis que, sur la foi de cette communication, la fête de la Nativité de la sainte Vierge fut célébrée le 8 septembre par les solitaires. C'était vers l'an 250 ; plus tard, elle passa de là dans l'Eglise catholique.



XXV Prières à faire pour la fête de la Nativité de Marie.


Je vis beaucoup de choses concernant sainte Brigitte, et j'eus connaissance de plusieurs communications qui avaient été faites à cette sainte sur la Conception et la Nativité de Marie. Je me souviens que la sainte Vierge lui dit que, lorsque des femmes grosses sanctifient la veille du jour de sa naissance en jeûnant et en récitant avec dévotion neuf Ave Maria en l'honneur des neuf mois qu'elle a passés dans le sein de sa mère, lorsqu'elles renouvellent fréquemment cet exercice de piété dans le cours de leur grossesse et la veille de leur accouchement, et qu'en outre elles s'approchent des sacrements avec piété, elle porte leur prière devant Dieu et leur obtient une heureuse délivrance, même dans des conditions difficiles.


Quant à moi, la sainte Vierge s'est approchée de moi et m'a dit, entre autres choses, que quiconque aujourd'hui, dans l'après-midi, récite dévotement neuf Ave Maria en l'honneur de son séjour de neuf mois dans le sein de sa mère et de sa naissance, et continue pendant neuf jours cet exercice de piété, donne chaque jour aux anges neuf fleurs destinées à former un bouquet qu'elle reçoit dans le ciel et présente à la sainte Trinité, afin d'obtenir une grâce pour la personne qui a fait ces prières. Plus tard, je me sentis transportée comme sur une hauteur entre le ciel et la terre. La terre était au-dessous de moi obscure et indistincte. Dans le ciel, je vis parmi les choeurs des anges et des saints la sainte Vierge devant le trône de Dieu. Je vis bâtir pour elle, avec les prières et les dévotions des fidèles vivants sur la terre, deux portes ou deux trônes d'honneur, qui grandissaient jusqu'à former des églises, des palais, et même des villes entières Je fus émerveillée de voir que ces édifices étaient faits tout entiers de plantes, de fleurs et de guirlandes, dont les différentes espèces exprimaient la nature et le mérite des prières faites, soit par des individus, soit par des communautés entières. Je vis tout cela pris de la main de ceux qui priaient, par des anges ou des saints, lesquels le portaient dans le ciel.



XXVI Purification de sainte Anne.


Plusieurs semaines après la naissance de Marie, je vis Joachim et Anne se rendre au temple avec leur enfant pour y offrir un sacrifice. Ils présentèrent leur enfant dans le temple avec un vif sentiment de piété et de reconnaissance envers Dieu, de même que plus tard la sainte Vierge présenta et racheta l'enfant Jésus selon les prescriptions de la loi 1. Le jour suivant, ils firent leur offrande et s'engagèrent à consacrer leur enfant à Dieu dans le temple au bout de quelques années. Ils retournèrent ensuite à Nazareth.



Selon la loi de Dieu (Lv 12), une femme israélite était impure pendant quatre-vingts jours après à naissance d'une fille, en sorte qu'elle ne pouvait toucher aucun objet consacré m paraître dans le temple, et pendant ce temps elle ne devait pu quitter sa maison jusqu'à ce qu'elle eût offert dans le temple un sacrifice pour sa purification. Une femme dans l'aisance offrait un agneau d'un an pour l'holocauste, et un petit pigeon ou un petit tourtereau pour le sacrifice pour le péché. Une mère pauvre n'avait besoin d'offrir que deux jeunes colombes ou deux tourterelles :, l'un pour l'holocauste, l'autre pour le sacrifice pour le péché.



Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie - XVIII Célébration de la fête de la Conception en divers lieux. Introduction. Détails personnels.