Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie - XXXVIII Depuis le retour de Marie jusqu'à l'Annonciation.

XXXVIII Depuis le retour de Marie jusqu'à l'Annonciation.


Avant de raconter sa vision de l'Annonciation, la soeur communiqua deux fragments de visions antérieures dont nous ne pouvons donner qu'une explication conjecturale. Etant encore très faible par suite d'une grave maladie, elle raconta ce qui suit, quelque temps après le mariage de la sainte Vierge et de saint Joseph :

J'ai vu une fête dans la maison de sainte Anne. Je vis six hôtes, sans compter les habitués de la maison, et quelques enfants rassemblés avec Joseph et Marie autour d'une table sur laquelle étaient des verres.

La sainte Vierge avait un manteau bariolé, avec des fleurs rouges, bleues et blanches, comme on en voit sur d'anciennes chasubles. Elle portait un voile transparent et par-dessus un autre voile noir. Cette fête paraissait se rattacher aux fêtes du mariage.


Elle ne raconta rien de plus à ce sujet, et l'on peut conjecturer que ce repas eut lieu lorsque la sainte Vierge quitta sa mère après l'arrivée de saint Joseph, et se retira avec lui dans la maison de Nazareth. Le jour suivant, elle raconta ce qui suit :

Cette nuit, dans ma contemplation, je cherchais la sainte Vierge, et mon conducteur me mena dans la maison de sainte Anne, dont je reconnus toutes les divisions. Je n'y trouvai plus Joseph ni Marie. Je vis que sainte Anne se disposait à aller à Nazareth, où la sainte Famille habitait maintenant. Elle avait sous le bras un paquet qu'elle portait à Marie. Elle alla à Nazareth en traversant une plaine et un petit bois qui se trouve devant une hauteur. J'y allai aussi. La maison de saint Joseph n'était pas loin de la porte de la ville ; elle n'était pas aussi grande que la maison de sainte Anne. Un puits quadrangulaire, auquel on descendait par quelques marches, était dans le voisinage, et il y avait devant la maison une petite cour carrée. Je vis Anne visiter la sainte Vierge, à laquelle elle remit ce qu'elle avait apporté avec elle. Je vis Marie pleurer beaucoup et accompagner quelque temps sa mère qui revenait chez elle. J'aperçus saint Joseph sur le devant de la maison dans un endroit retiré.


Nous pouvons conjecturer, d'après ces fragments, que sainte Anne visitait pour la première fois sa fille à Nazareth, et lui apportait un présent. Marie, qui maintenant vivait seule et séparée de sa mère bien-aimée, versa des larmes d'attendrissement lorsqu'elle partit.

XXXIX Annonciation de Marie.


Le 25 mars 1821, la soeur Emmerich dit :


Je vis la sainte Vierge peu après son mariage dans la maison de Joseph à Nazareth, où me conduisit mon guide. Joseph était parti avec deux ânes, je pense que c'était pour rapporter quelque chose dont il avait hérité, ou pour prendre les instruments de son métier. Il me sembla encore en route.

Outre la sainte Vierge et deux jeunes femmes de son âge qui avaient été, je crois, ses compagnes au temple, je vis dans la maison sainte Anne avec cette veuve sa parente, qui était à son service, et qui, plus tard, l'accompagna à Bethléem après la naissance de Jésus. Sainte Anne avait tout remis à neuf dans la maison.

Je vis les quatre femmes aller et venir dans l'intérieur, puis se promener ensemble dans la cour. Vers le soir, je les vis rentrer et prier debout autour d'une petite table ronde, après quoi elles mangèrent des herbes qui avaient été apportées là. Elles se séparèrent ensuite. Sainte Anne alla encore ça et là dans la maison comme une mère de famille occupée de son ménage. Les deux jeunes personnes allèrent dans leurs chambres séparées, et Marie aussi se retira dans la sienne.

La chambre de la sainte Vierge était sur le derrière de la maison, près du foyer. On y montait par trois marches, car le sol de cette partie de la maison était plus élevé que le reste et sur un fond de rocher. Vis-à-vis de la porte, la chambre était ronde, et dans cette partie circulaire qui était séparée par une cloison à hauteur d'homme, se trouvait roulé le lit de la sainte Vierge. Les parois de la chambre étaient revêtues jusqu'à une certaine hauteur d'une espèce de travail de marqueterie fait avec des morceaux de bois de différentes couleurs. Le plafond était formé par quelques solives parallèles, dont les intervalles étaient remplis par un clayonnage orné de figures d'étoiles.

Je fus conduite dans cette chambre par le jeune homme lumineux qui m'accompagne toujours, et je vis ce que je vais raconter aussi bien que peut le faire une misérable personne comme moi.

La sainte Vierge, en entrant, se revêtit, derrière la cloison de son lit, d'une longue robe de laine blanche avec une large ceinture, et se couvrit la tête d'un voile d'un blanc jaunâtre. Pendant ce temps, la servante entra avec une lumière, alluma une lampe à plusieurs bras, qui était suspendue au plafond, et se retira. La sainte Vierge prit alors une petite table basse qui était contre le mur, et la mit au milieu de la chambre. Elle était recouverte d'un tapis rouge et bleu au milieu duquel était brodée une figure ; je ne sais plus si c'était une lettre ou un ornement. Un rouleau de parchemin écrit était sur cette table.

La sainte Vierge, l'ayant dressée entre la place de son lit et la porte, à un endroit où le sol était recouvert d'un tapis, plaça devant un petit coussin rond pour s'y agenouiller ; elle se mit alors à genoux, les deux mains appuyées sur la table. La porte de la chambre était devant elle à droite ; elle tournait le dos à sa couche.

Marie baissa son voile sur son visage et joignit les mains devant sa poitrine, mais sans croiser les doigts. Je la vis prier longtemps ainsi avec ardeur, le visage tourné vers le ciel ; elle invoquait la rédemption, la venue du roi promis au peuple d'Israël, et elle demandait aussi à avoir quelque part à sa mission. Elle resta longtemps à genoux, ravie en extase ; puis elle pencha la tête sur sa poitrine.

Alors, du plafond de la chambre, descendit à sa droite, en ligne un peu oblique, une telle masse de lumière que je fus obligée de me retourner vers la cour où était la porte ; je vis dans cette lumière un jeune homme resplendissant avec des cheveux blonds flottants, descendre devant elle à travers les airs : c'était l'ange Gabriel. Il lui parla, et je vis les paroles sortir de sa bouche comme des lettres de feu ; je les lus et je les entendis (Lc 1,28). Marie tourna un peu sa tête voilée vers le côté droit. Cependant, dans sa modestie, elle ne regarda pas (Lc 1,29). L'ange continua à parler Lc 1,30-33). Marie tourna le visage de son côté, comme obéissant à un ordre, souleva un peu son voile, et répondit (Lc 1,34). L'ange parla encore (Lc 1,35-37) ; Marie releva tout à fait son voile, regarda l'ange, et prononça les paroles sacrées : " Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole " (Lc 1,38).

La sainte Vierge était dans un ravissement profond ; la chambre était pleine de lumière, je ne vis plus la lueur de la lampe qui brûlait ; je ne vis plus le plafond de la chambre. Le ciel parut ouvert ; mes regards suivirent au-dessus de l'ange une voie lumineuse ; je vis à l'extrémité de ce fleuve de lumière une figure de la sainte Trinité : c'était comme un triangle lumineux dont les rayons se pénétraient réciproquement. J'y reconnus ce que l'on ne peut qu'adorer, mais jamais exprimer, Dieu tout-puissant, le Père, le Fils et le Saint Esprit, et cependant un seul Dieu tout-puissant.

Quand la sainte Vierge eut dit : " Qu'il me soit fait selon votre parole ", je vis une apparition ailée du Saint Esprit, qui cependant ne ressemblait pas entièrement à la représentation ordinaire sous forme de colombe. La tête avait quelque chose du visage humain ; la lumière se répandait des deux côtés comme des ailes ; j'en vis partir comme trois courants lumineux vers le côté droit de la Sainte Vierge, où ils se réunirent.

Quand cette lumière pénétra son côté droit, la sainte Vierge devint elle-même lumineuse et comme diaphane : il semblait que ce qu'elle avait d'opaque en elle se retirât devant cette lumière comme la nuit devant le jour. Elle était dans ce moment tellement inondée de lumière que rien en elle ne paraissait plus obscur ni opaque : elle était resplendissante et comme illuminée tout entière.

Je vis après cela l'ange disparaître ; la voie lumineuse dont il était sorti se retira : c'était comme si le ciel aspirait et faisait rentrer en lui ce fleuve de lumière.

Pendant que je voyais toutes ces choses dans la chambre de Marie, j'eus une impression personnelle d'une nature singulière J'étais dans une angoisse continuelle, comme si l'on m'eût dressé des embûches, et je vis un horrible serpent ramper à travers la maison et les degrés jusqu'à la porte près de laquelle j'étais quand la lumière pénétra la sainte Vierge ; le monstre était arrivé à la troisième marche. Ce serpent était à peu près de la longueur d'un enfant ; sa tête était large et plate ; il avait à la hauteur de la poitrine deux courtes pattes membraneuses, armées de griffes semblables à des ailes de chauve-souris, sur lesquelles il se traînait. Il était tacheté de diverses couleurs d'un aspect repoussant, et rappelait le serpent du Paradis, mais avec quelque chose de plus difforme et de plus horrible. Quand l'ange disparut de la chambre de la sainte Vierge, il marcha sur la tête de ce monstre devant la porte, et j'entendis un cri si affreux que j'en frissonnais. Je vis ensuite paraître trois esprits qui frappèrent ce hideux reptile et le chassèrent hors de la maison.

Après la disparition de l'ange, je vis la sainte Vierge dans un profond ravissement et toute recueillie en elle-même ; je vis qu'elle connaissait et adorait l'incarnation du Sauveur en elle, où il était comme un petit corps humain lumineux, complètement formé et pourvu de tous ses membres. Ici, à Nazareth, c'est tout autre chose qu'à Jérusalem : à Jérusalem, les femmes doivent rester dans le vestibule, elles ne peuvent pas entrer dans le temple, les prêtres seuls ont accès dans le sanctuaire ; mais à Nazareth, c'est une vierge qui est elle-même le temple, le Saint des saints est en elle, le grand prêtre est en elle, et elle est seule près de lui. Combien cela est touchant, merveilleux, et pourtant simple et naturel ! Les paroles de David, dans le Ps 45,5-6, sont accomplies : " Le Très Haut a sanctifié son tabernacle ; Dieu est au milieu de lui, il ne sera pas ébranlé ! "

Sanctificavit tabernaculum suum Altissimus ; Deus in medio ejus, non commovebitur.

Il était à peu près minuit quand je vis ce mystère. Au bout de quelque temps, sainte Anne entra chez Marie avec les autres femmes. Un mouvement merveilleux dans la nature les avait éveillées ; une nuée lumineuse avait paru au-dessus de la maison. Quand elles virent la sainte Vierge à genoux au-dessous de la lampe, ravie en extase dans sa prière, elles s'éloignèrent respectueusement.

Au bout de quelque temps, je vis la sainte Vierge se relever et s'approcher de son petit autel, qui était contre le mur ; elle alluma la lampe et pria debout. Des rouleaux écrits étaient devant elle sur un pupitre élevé. Je la vis ensuite se mettre sur sa couche vers le matin.

Alors mon conducteur m'emmena ; mais quand je fus dans le petit vestibule de la maison, je fus prise d'une grande frayeur. Cet affreux serpent était là aux aguets, il se précipita sur moi et voulut se cacher dans les plis de ma robe. J'étais dans une horrible angoisse ; mais mon guide me retira promptement de là, et je vis reparaître les trois esprits qui frappaient de nouveau le monstre. Je crois toujours entendre son effroyable cri, et j'en frissonne encore.

En contemplant cette nuit le mystère de l'Incarnation, je fus encore instruite de plusieurs autres choses. Anne reçut une connaissance intérieure de ce qui s'accomplissait.

J'appris pourquoi le Rédempteur devait rester neuf mois dans le sein de sa mère et naître enfant, pourquoi il n'avait pas voulu naître homme fait comme notre premier père, se montrer dans toute sa beauté comme Adam sortant des mains du Créateur ; mais je ne puis plus exprimer cela clairement. Ce que j'en comprends encore, c'est qu'il a voulu sanctifier de nouveau la conception et la naissance des hommes, qui avaient été tellement dégradées par le péché originel. Si Marie devint sa mère et s'il ne vint pas plus tôt, c'est qu'elle seule était, ce que jamais créature ne fut avant elle ni après elle, le pur vase de grâce que Dieu avait promis aux hommes, et dans lequel il devait se faire homme, pour payer les dettes de l'humanité au moyen des mérites surabondants de sa Passion. La sainte Vierge était la fleur parfaitement pure de la race humaine, éclose dans la plénitude des temps. Tous les enfants de Dieu parmi les hommes, tous ceux qui, depuis le commencement, avaient travaillé à l'oeuvre de la sanctification, ont contribué à sa venue. Elle était le seul or pur de la terre ; elle seule était la portion pure et sans tache de la chair et du sang de l'humanité tout entière, qui, préparée, épurée, recueillie, consacrée à travers toutes les générations de ses ancêtres, conduite, protégée et fortifiée sous le régime de la loi de Moise, se produisait enfin comme la plénitude de la grâce. Elle était prédestinée dans l'éternité, et elle a paru dans le temps comme mère de l'Eternel.

(Aux jours de fête de la Mère de Jésus, l'Eglise fait ainsi parler la sainte Vierge d'elle-même, par la bouche de la Sagesse divine, dans les Proverbes de Salomon (Pr 8) : " Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies : avant qu'il créât aucune chose, j'étais dès lors. J'ai été établie dès l'éternité et dès le commencement, avant que la terre fût créée. Les abîmes n'étaient pas encore, et j'étais déjà conçue ; les fontaines n'étaient pas encore sorties de la terre ; la pesante masse des montagnes ne subsistait pas encore. J'étais enfantée avant les collines. Il n'avait point encore créé la terre, ni les fleuves, ni affermi le monde sur ses pôles. Lorsqu'il préparait les cieux, j'étais présente ; lorsqu'il environnait les abîmes de leurs bornes et qu'il leur prescrivait une loi inviolable ; lorsqu'il affermissait l'air au-dessus de la terre et qu'il mettait en équilibre les eaux des fontaines ; lorsqu'il renfermait la mer dans ses limites et qu'il imposait une loi aux eaux ; lorsqu'il posait les fondements de la terre, j'étais avec lui et je réglais toutes choses avec lui ; j'étais chaque jour dans les délices, me jouant sans cesse devant lui, me jouant dans le monde et trouvant mes délices à être avec les enfants des hommes. Écoutez-moi donc maintenant, mes enfants : heureux ceux qui gardent mes voies. Écoutez mes instructions, soyez sages et ne les rejetez point : heureux celui qui m'écoute, qui veille tous les jours à l'entrée de ma maison et qui se tient à ma porte ; car celui qui m'aura trouvée trouvera la vie, et il puisera le salut dans les trésors de la bonté du Seigneur. "


La sainte Vierge était âgée d'un peu plus de quatorze ans lors de l'incarnation de Jésus-Christ. Jésus-Christ arriva à l'âge de trente-trois ans et trois fois six semaines. Je dis trois fois six, parce que le chiffre six m'est montré en cet instant même trois fois répété.



XL Visitation de Marie.


(Dans la messe de cette fête, l'Église se sert des paroles du Cantique des Cantiques (Ct 2,8-14)

" C'est la voix de mon bien-aimé : le voici qui vient, sautant sur les montagnes, passant par-dessus les collines. Mon bien-aimé est semblable à un chevreuil et à un faon de biche. Le voici qui se tient derrière notre muraille, qui regarde par la fenêtre, qui jette ses regards à travers les grilles. Voilà mon bien-aimé qui me parle et qui me dit : Levez-vous, hâtez-vous, ma bien-aimée, ma colombe, ma beauté, et venez, car l'hiver est déjà passé. Les pluies se sont dissipées et ont cessé entièrement, les fleurs ont paru sur notre terre, le temps de tailler la vigne est venu, la voix de la tourterelle s'est fait entendre dans notre terre, le figuier a poussé ses premiers bourgeons, les vignes sont en fleur et ont répandu leur odeur. Levez vous, ma bien aimée, mon unique beauté, et venez. Vous êtes ma colombe retirée dans les trous de la pierre : montrez-moi votre face ; que votre voix se fasse entendre à mes oreilles, car votre voix est douce et votre visage est beau. "



XLI - Marie et Joseph en voyage pour visiter Elisabeth.


Quelques jours après l'Annonciation de l'ange à Marie, saint Joseph revint à Nazareth et il fit certains arrangements dans la maison pour pouvoir exercer son métier, car il n'avait pas encore été à demeure à Nazareth, où il avait passé à peine deux jours. Il ne savait rien de l'incarnation de Dieu dans Marie ; elle était la mère du Seigneur, mais elle était aussi la servante du Seigneur et gardait humblement son secret. La sainte Vierge, lorsqu'elle sentit que le Verbe s'était fait chair en elle, éprouva un grand désir d'aller tout de suite à Juttah, près d'Hébron, visiter sa cousine Élisabeth, que l'ange lui avait dit être enceinte depuis six mois. Comme on approchait du temps où Joseph devait se rendre à Jérusalem pour la fête de Pâques, elle désira l'accompagner pour aller assister Elisabeth pendant sa grossesse. Joseph se mit donc en route pour Juttah avec la sainte Vierge.


La soeur Emmerich raconta les détails suivants du voyage de Joseph et de Marie ; mais il y a dans ses récits beaucoup de lacunes, causées par son état de maladie et par des dérangements continuels. Elle ne raconta pas le départ, mais pendant quelques jours consécutifs différentes scènes de voyage que nous communiquons ici.


Leur route se dirigeait vers le midi ; ils avaient avec eux un âne sur lequel Marie montait de temps en temps. Il portait quelques effets, entre autres un sac appartenant à Joseph, où se trouvait une longue robe brune de la sainte Vierge avec une espèce de capuchon. On l'attacha sur le cou de l'âne. Marie mettait cet habit quand elle allait au temple ou à la synagogue. En voyage elle portait une tunique de laine brune, une robe grise avec une ceinture par-dessus, et une coiffe tirant sur le jaune.

Ils voyageaient assez vite. Je les vis, après avoir traversé la plaine d'Esdrelon, dans la direction du midi, gravir une hauteur et entrer dans la ville de Dothan, chez un ami du père de Joseph. C'était un homme assez riche, originaire de Bethléem. Le père de Joseph l'appelait son frère, quoiqu'il ne le fût pas : mais il descendait de David par un homme qui était aussi roi, à ce que je crois, et qui s'appelait Éla, ou Eldoa, ou Eldad, je ne sais plus bien lequel '. Cet endroit était très commerçant.


Je les vis une fois passer la nuit sous un hangar ; puis, comme ils étaient encore à douze lieues de la demeure de Zacharie, je les vis un soir dans un bois sous une cabane de branchages, toute recouverte de feuillage vert avec de belles fleurs blanches. On trouve souvent dans ce pays, au bord des routes, de ces cabanes de verdure ou même des bâtiments plus solides dans lesquels les voyageurs peuvent passer la nuit ou se rafraîchir et apprêter les aliments qu'ils ont avec eux. Une famille du voisinage a la surveillance de plusieurs abris de ce genre et fournit plusieurs choses nécessaires moyennant une modique rétribution.


La soeur Emmerich vit Jésus, le 2 novembre (12 Marcheswan) de sa trente et unième année, dans cette même maison de Dothan où il guérit de l'hydropisie un homme de cinquante ans, nommé Issachar, mari de Salomé, la fille des maîtres de cette maison. A cette occasion Issachar parla du séjour qu'y avaient fait Marie et Joseph. Le rejeton de David que la soeur nomme Eldoa ou Eldad, et par lequel le père de cette Salomé était parent de saint Joseph, pourrait bien être Elioda ou Eliada, fils de David cité dans (), et dans (1Ch 3,8). Quoiqu'on doive admettre naturellement des confusions fréquentes dans les noms prononcés par la soeur, on ne doit pourtant pas admettre que cette confusion ait toujours lieu. Les noms propres en hébreu ont en général une signification précise ; mais comme un seul et même sens peut s'exprimer de différentes manières dans la langue hébraïque, les mêmes personnes portent souvent différents noms. Ainsi nous trouvons un fils de David appelé tantôt Elischna " Dieu aide ", tantôt Elischama " Dieu entend ". Ainsi Eldea ou Eldoa peut aussi bien signifier " Dieu vient " qu'Eliada. La mention peu précise que ce rejeton de David aurait été roi, ne doit point étonner, car il est indubitable que des fils ou petits-fils de David eurent le gouvernement de certains pays dépendant du royaume d'Israel.


Ici il semble y avoir une lacune dans le récit. Vraisemblablement la sainte Vierge alla avec Joseph à Jérusalem pour la fête de Pâques, et ce n'est que de là qu'elle se rendit chez Elisabeth, car il est dit plus haut que Joseph allait à la fête, et plus loin que Zacharie était revenu chez lui après les fêtes de Pâques la veille de la visitation de Marie.


De Jérusalem ils n'allèrent pas tout droit à Juttah, mais ils firent un détour vers le levant pour voyager plus solitairement. Ils contournèrent une petite ville à deux lieues d'Emmaüs, et prirent alors des chemins que Jésus suivit souvent pendant ses années de prédication. Ils eurent ensuite deux montagnes à franchir. Entre ces deux montagnes je les vis une fois se reposer, manger du pain et mêler dans leur eau des gouttes de baume qu'ils avaient recueillies pendant le voyage. Le pays ici était très montagneux. Ils passèrent devant des rochers qui étaient plus larges d'en haut que d'en bas ; on voyait aussi là de grandes cavernes dans lesquelles étaient toutes sortes de pierres singulières. Les vallées étaient très fertiles.

Leur chemin les conduisit encore à travers des bois, des landes, des prés et des champs. Dans un endroit assez rapproché du terme du voyage, je remarquai particulièrement une plante qui avait de jolies petites feuilles vertes et des grappes de fleurs, formées de neuf clochettes roses fermées. Il y avait là quelque chose dont j'avais à m'occuper, mais j'ai oublié de quoi il s'agissait '.

Cette fleur ' avec neuf clochettes, avait peut-être pour la soeur un rapport mystique aux neuf mois que le Seigneur passa dans le sein de sa mère ; peut-être aussi y vit-elle le symbole de quelque dévotes ou exercice de piété se rattachant a la fête de la Visitation. Du reste, un ami versé dans la connaissance de l'Écriture sainte, communiqua à l'écrivain l'observation suivante : " La fleur indiquée ici est probablement la petite grappe de cypre (Lawsonia spinosa inerrnis, Linn.), dont il est dit dans le Cantique des Cantiques (Ct 1,13) : "Mon bien-aimé est pour moi une grappe de cypre (botrus cypri) cueillie dans les vignes d'Engaddi. "Mariti, dans son voyage en Syrie et en Palestine, a vu cet arbrisseau et sa fleur dans la contrée où la soeur fait voyager la sainte Vierge. Les feuilles sont, d'après lui, plus petites et plus élégantes que celles du myrte ; les fleurs, couleur de rose, disposées par bouquets en forme de grappe, ce qui, d'ailleurs, correspond à la description sommaire de la soeur, quand elle dit qu'elle a à s'occuper de quelque chose qu'elle a oublié touchant ces fleurs campaniformes ; il s'agit peut-être d'une méditation sur le Cantique des Cantiques (Ct 1,13). Comme en os moment le bien-aimé était encore sous le coeur virginal de sa mère, elle célébrait peut-être, en contemplant les capsules de cet arbrisseau, le degré de développement du Verbe fait chair, et cette méditation pouvait être d'autant plus féconde, que la grappe odorante des fleurs de cyprès s'appelle en hébreu grappe de kopher, c'est-à-dire grappe de la réconciliation, et c'est pourquoi quelques commentateurs trouvent dans les paroles : "Mon bien-aimé est pour moi une grappe de cyprès, "le sens suivant : " Mon bien-aimé a donné pour moi la grappe sanglante de la réconciliation ". De même que les Orientaux estiment beaucoup ces bouquets de fleurs odorantes et les regardent comme un présent très agréable, la soeur, en voyant passer la sainte Vierge près de ces grappes de fleurs, pouvait fêter les progrès de la maturité de la grappe du sang de la réconciliation dans le fruit béni de ses entrailles Elle considérait peut-être, dans le texte du Cantique des Cantiques le sens suivant lequel on pouvait dire : La vraie grappe du kopher mûrit pour nous sous le coeur de Marie, de même que dans le texte : " Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe qui repose entre mes mamelles ; "elle peut avoir considéré que Marie, plus tard, porta Jésus enfant sur son sein, et dans la suite, après la descente de croix, reçut le Sauveur dans ses bras lorsqu'on l'embauma avec de la myrrhe, quoique lui-même fut la véritable myrrhe qui préserve de ta corruption.


XLII - Arrivée de Marie et de Joseph chez Elisabeth et Zacharie.


Une partie des visions qui suivent furent communiquées lors de la fête de la Visitation, en juillet 1820 : d'autres se présentèrent à elle dans une contemplation où elle entendit Eliud, un vieil Essénien de Nazareth, qui accompagnait Jésus allant se faire baptiser par saint Jean au mois de septembre de la première année de la prédication, raconter plusieurs choses relatives aux parents et à la première jeunesse du Sauveur, car il était en relations intimes avec la sainte Famille.


La maison de Zacharie était sur une colline isolée. Il y avait alentour des groupes de maisons. Un ruisseau assez fort descendait de la montagne.

Il me sembla que c'était le moment où Zacharie revenait chez lui de Jérusalem après les fêtes de Pâques. Je vis Elisabeth, poussée par un désir inquiet, aller assez loin de sa maison sur la route de Jérusalem, et Zacharie qui revenait, tout effrayé de la rencontrer à une si grande distance de chez elle dans la situation où elle se trouvait. Elle lui dit qu'elle avait le coeur très agité, et qu'elle était poursuivie par la pensée que sa cousine Marie de Nazareth venait la voir. Zacharie chercha à lui faire perdre cette idée ; il lui fit entendre par signes et en écrivant sur une tablette combien il était peu vraisemblable qu'une nouvelle mariée entreprit en ce moment un si grand voyage. Ils revinrent ensemble à la maison.

Elisabeth ne pouvait renoncer à son espérance, car elle avait appris en songe qu'une femme de son sang était devenue la mère du Messie promis. Elle avait pensé alors à Marie, avait conçu un ardent désir de la voir et l'avait vue en esprit venant vers elle. Elle avait préparé dans sa maison, à droite de l'entrée, une petite chambre avec des sièges. C'était là qu'elle était assise le lendemain, toujours dans l'attente, et regardant si Marie arrivait. Bientôt elle se leva et s'en alla sur la route au-devant d'elle.

Élisabeth était une femme âgée, de grande taille : elle avait le visage petit et de jolis traits ; sa tête était enveloppée. Elle ne connaissait la sainte Vierge que de réputation. Marie, la voyant de loin, connut que c'était elle, et s'en alla en toute hâte à sa rencontre, précédant saint Joseph, qui discrètement resta en arrière. Marie fut bientôt parmi les maisons voisines dont les habitants, frappés de sa merveilleuse beauté et émus d'une certaine dignité surnaturelle qui était dans toute sa personne, se retirèrent respectueusement quand elle rencontra Élisabeth. Elles se saluèrent amicalement en se tendant la main. En ce moment, je vis un point lumineux dans la sainte Vierge, et comme un rayon de lumière qui partait de là vers Élisabeth, et dont celle-ci reçut une impression merveilleuse. Elles ne s'arrêtèrent pas en présence des hommes ; mais, se tenant par le bras, elles gagnèrent la maison par la cour placée en avant : à la porte de la maison, Élisabeth souhaita encore la bienvenue à Marie, et elles entrèrent.

Joseph, qui conduisait l'âne, arriva dans la cour, remit l'animal à un serviteur et alla chercher Zacharie dans une salle ouverte sur le côté de la maison. Il salua avec beaucoup d'humilité le vieux prêtre ; celui-ci l'embrassa cordialement et s'entretint avec lui au moyen de la tablette sur laquelle il écrivait, car il était muet depuis que l'ange lui avait apparu dans le temple.

Marie et Élisabeth, entrées par la porte de la maison, se trouvèrent dans une salle qui me parut servir de cuisine. Ici elles se prirent par les bras. Marie salua Élisabeth très amicalement, et elles appuyèrent leurs joues l'une contre l'autre. Je vis alors quelque chose de lumineux rayonner de Marie jusque dans l'intérieur d'Élisabeth ; celle-ci en fut tout illuminée ; son coeur fut agité d'une sainte allégresse et profondément ému. Elle se retira un peu en arrière en élevant la main, et pleine d'humilité, de joie et d'enthousiasme, elle s'écria : " Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni. D'où me vient ceci que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Voici qu'aussitôt que la voix de votre salutation est venue à mes oreilles, l'enfant que je porte a tressailli de joie dans mon sein. Vous êtes heureuse d'avoir cru : ce qui vous a été dit par le Seigneur s'accomplira " (Lc 1,42-45).

Après ces dernières paroles, elle conduisit Marie dans la petite chambre préparée pour elle, afin qu'elle pût s'asseoir et se reposer des fatigues de son voyage. Il n'y avait que deux pas à faire jusque-là. Mais Marie quitta le bras d'Élisabeth qu'elle avait pris, croisa ses mains sur sa poitrine et commença le cantique inspiré : " Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit est ravi de joie en Dieu mon sauveur, parce qu'il a regardé la bassesse de sa servante ; car voilà que tous les siècles m'appelleront bienheureuse, parce que Celui qui seul est puissant a fait en moi de grandes choses, et son nom est saint, et sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent. Il a déployé la puissance de son bras ; il a dissipé ceux qui étaient enflés d'orgueil dans les pensées de leur coeur ; il a renversé les puissants de leur trône, et il a élevé les humbles. Il a rassasié les affamés, et il a renvoyé les riches avec les mains vides. Il a pris en sa protection Israël, son serviteur, s'étant souvenu de sa miséricorde, selon la promesse qu'il avait faite à nos pères, à Abraham et à sa postérité, pour toute la suite des siècles' (Lc 1,46-55).

Lorsque le vieil Eliud, dans la circonstance indiquée plus haut, s’entretint de cet événement avec Jésus, je l'entendis expliquer d'une manière admirable tout ce cantique de Marie ; mais je ne me sens pas en état de répéter cette explication.

Je vis qu'Élisabeth répétait tout bas le Magnificat avec un semblable mouvement d'inspiration ; ensuite elles s'assirent sur des sièges très bas : il y avait sur une petite table, peu élevée aussi, un petit verre placé devant elles. Combien j'étais heureuse ! j'ai répété avec elles toutes leurs prières, et je me suis assise à peu de distance. Oh ! combien j'étais heureuse !


La soeur Emmerich raconta ce qui était arrivé le jour précédent. Après midi, elle dit dans son sommeil :

Joseph et Zacharie sont ensemble ; ils s'entretiennent de la venue prochaine du Messie et de l'accomplissement des prophéties. Zacharie est un grand et beau vieillard, habillé en prêtre ; il répond toujours par signes ou en écrivant sur une tablette. Ils sont assis sur le côté de la maison dans une salle ouverte qui a vue sur le jardin. Marie et Élisabeth sont assises dans le jardin, sur un tapis, sous un grand arbre, derrière lequel est une fontaine d'où l'eau sort quand on retire une bonde. Je vois tout autour du gazon et des fleurs, et des arbres avec de petites prunes jaunes. Elles mangent ensemble des fruits et des petits pains tirés de la besace de Joseph. Quelle simplicité et quelle frugalité touchantes ! il y a dans la maison deux servantes et deux serviteurs ; je les vois aller et venir. Ils apprêtent sous un arbre une table avec des aliments. Zacharie et Joseph viennent et mangent quelque chose. Joseph voudrait revenir tout de suite à Nazareth : mais il restera huit jours. Il ne sait rien de l'état de grossesse de la sainte Vierge. Marie et Élisabeth se taisaient là-dessus. Il y avait dans leur intérieur comme une entente secrète et profonde de l'une à l'autre.

Plusieurs fois le jour, spécialement avant les repas, quand tous étaient ensemble, les saintes femmes disaient des espèces de litanies' : Joseph priait avec elles, et je vis ensuite apparaître une croix entre elles. Il n'y avait pourtant pas encore de croix : c'était comme si deux croix se fussent visitées'.

Ce nom d'une forme connue de la prière chrétienne ne doit pas nous surprendre dans un récit qui est encore de l'Ancien Testament. La forme des litanies existait longtemps avant la naissance de Jésus-Christ ; ainsi le psaume 135 - dans l'hébreu (Ps 136) est une véritable litanie. Il en est de même d'une partie du psaume 117 (Ps 118) dans l'hébreu) et de plusieurs autres.
Nous ne pouvons pas expliquer avec précision ce que la soeur voulait dire par ces paroles : " C'était comme si deux croix se fussent visitées ". Suivant la pieuse coutume de sa patrie, pays aux vieilles moeurs catholiques, quand différentes paroisses se réunissent en procession pour quelque dévotions à faire en commun, elles portent avec elles leurs croix et leurs images de la sainte Vierge, et l'on dit alors que les croix ou que les images de Marie se rendent visite. Peut-être a-t-elle voulu dire, à l'occasion de cette apparition d'une croix entre la sainte Vierge et Elisabeth réunies pour prier, que c'était comme si Jésus, le crucifié futur reposant encore dans le sein de sa Mère, et sa crois, instrument de notre rédemption, reposant aussi dans le sein de l'avenir, se rendaient visite.


Le 3 juillet, elle raconta ce qui suit :

Hier soir, ils ont mangé tous ensemble ; ils restèrent assis jusque vers minuit, près d'une lampe, sous l'arbre du jardin. Je vis ensuite Joseph et Zacharie seuls dans un oratoire. Je vis Marie et Élisabeth dans leur petite chambre ; elles se tenaient debout, vis-à-vis l'une de l'autre, comme ravies en extase, et disaient ensemble le Magnificat.

Outre le vêtement décrit plus haut, la sainte Vierge avait comme un voile noir transparent qu'elle baissait quand elle parlait à des hommes. Aujourd'hui, Zacharie a conduit saint Joseph dans un autre jardin séparé de la maison. Zacharie est en toutes choses plein d'ordre et de ponctualité. Ce jardin est abondant en beaux arbres et produit des fruits de toute espèce ; il est très bien tenu ; il est traversé par une allée en berceau, sous laquelle on est à l'ombre ; à l'extrémité du jardin, se trouve cachée une petite maison de plaisance dont la porte est sur le côté. Dans le haut de cette maison, sont des ouvertures fermées avec des châssis ; il y a un lit de repos en nattes, recouvert de mousses ou d'autres herbes : je vis aussi là deux figures blanches de la grandeur d'un enfant ; je ne sais pas comment elles étaient là, ni ce qu'elles représentaient ; mais je trouvais qu'elles ressemblaient à Zacharie et à Élisabeth, seulement beaucoup plus jeunes.

J'ai vu aujourd'hui, dans l'après-midi, Marie et Élisabeth occupées ensemble dans la maison. La sainte Vierge prenait part à tous les soins du ménage ; elle préparait toute sorte d'effets pour l'enfant qu'on attendait. Je les vis travailler ensemble ; elles tricotaient une grande couverture pour le lit d'Élisabeth lorsqu'elle serait accouchée. Les femmes juives se servaient de couvertures de ce genre : il y avait au milieu une espèce de poche, disposée de façon que l'accouchée put s'envelopper tout entière avec son enfant ; elle s'emmaillotait là dedans, soutenue par des coussins, et pouvait à volonté se mettre sur son séant ou rester couchée. Sur le bord de cette couverture étaient des fleurs et des sentences brodées à l'aiguille. Marie et Elisabeth préparaient aussi toutes sortes d'objets qui devaient être donnés aux pauvres à la naissance de l'enfant. Je vis sainte Anne, pendant l'absence de la sainte Famille, envoyer souvent sa servante dans la maison de Nazareth pour voir si tout y était en ordre ; je l'ai vue aussi y aller une fois elle-même.


Le 4 juillet, elle raconta ce qui suit :

Zacharie est allé avec Joseph se promener dans les champs. La maison est isolée sur une colline ; c'est la plus belle maison qu'il y ait dans la contrée ; d'autres sont dispersées tout autour. Marie est un peu fatiguée ; elle est seule avec Elisabeth à la maison.

Le 5 juillet, elle dit :

J'ai vu Zacharie et Joseph passer la nuit d'aujourd'hui dans le jardin, situé à quelque distance de la maison. Je les vis tantôt dormir dans la petite maison qui est là, tantôt prier en plein air ; ils revinrent au point du jour. Je vis Élisabeth et la sainte Vierge à la maison ; tous les matins et tous les soirs, elles répétaient ensemble le cantique Magnificat, dicté par le Saint Esprit à Marie après la salutation d'Élisabeth.

La salutation de l'ange fut pour Marie comme une consécration qui faisait d'elle l'Église de Dieu. Lorsqu'elle prononça ces mots : " Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole " (Lc 1,38), le Verbe divin, salué par l'Église, salué par sa servante, entra en elle ; dès lors, Dieu fut dans son temple, Marie fut le temple et l'Arche d'alliance du Nouveau Testament. La salutation d'Elisabeth, le tressaillement de Jean dans le sein de sa mère, furent le premier culte rendu devant ce sanctuaire. Lorsque la sainte Vierge entonna le Magnificat, l'Église de la nouvelle alliance, du nouveau mariage, célébra, pour la première fois, l'accomplissement des promesses divines de l'ancienne alliance, de l'ancien mariage, récitant en actions de grâces un Te Deum laudamus. Qui pourrait dignement exprimer combien était touchant à voir l'hommage rendu par l'Église à son Sauveur dès avant sa naissance !

Cette nuit, pendant que je voyais prier les saintes femmes, j'ai eu plusieurs intuitions et explications relatives au Magnificat et à l'approche du Saint Sacrement dans la situation présente de la sainte Vierge. Mon état de souffrance et de nombreux dérangements sont cause que j'ai oublié presque tout ce que j'ai vu. Au passage du Magnificat : " il a fait éclater la puissance de ses bras," (Lc 1,51) j'ai vu différents tableaux figuratifs du Saint-Sacrement de l'autel dans l'Ancien Testament. Il y avait entre autres un tableau d'Abraham sacrifiant Isaac, et d'Isaïe annonçant à un méchant roi quelque chose dont celui-ci se moquait ; je l'ai oublié. J'ai vu bien des choses depuis Abraham jusqu'à Isaie, et depuis celui-ci jusqu'à la sainte vierge Marie, et j'y ai toujours vu le Saint Sacrement s'approchant de l'Eglise de Jésus-Christ, qui, lui-même, reposait encore dans le sein de sa mère'.


Quand la soeur Emmerich eut dit ceci, elle récita les litanies du Saint Esprit et l'hymne Veni, sancte Spiritu., et s'endormit en souriant. Au bout de quelque temps, elle dit d'un ton très animé :

Je ne dois plus rien faire aujourd'hui, ni laisser entrer personne chez moi, car je dois revoir tout ce que j'avais oublié. Si je puis être tout à fait tranquille, je pourrai connaître et raconter le mystère de l'Arche d'alliance, le Saint sacrement de l'ancienne alliance. J'ai vu cette époque du repos, c'est une belle époque. J'ai vu près de moi l'écrivain, je dois donc apprendre beaucoup de choses ". Pendant qu'elle parlait ainsi, son visage s'animait et rougissait dans son sommeil comme le visage d'un enfant ; elle retira de dessous la couverture ses mains marquées des stigmates et dit : "il fait bien chaud là où est Marie, dans la terre promise. Ils vont tous dans le jardin où est la maisonnette, d'abord Zacharie et Joseph, puis Élisabeth et Marie ; on a tendu une toile sous l'arbre comme pour faire une tente : il y a, d'un côté, des sièges très bas avec des dossiers.

La mission d'Isaïe, oubliée par elle, est sans aucun doute sa prophétie au roi Achaz (Is 3,25) : Voici que la Vierge concevra, etc.



Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie - XXXVIII Depuis le retour de Marie jusqu'à l'Annonciation.