Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie - XLIII - Détails personnels à la narratrice.

XLIII - Détails personnels à la narratrice.


Elle continua ainsi : Je dois prendre du repos et revoir ce que j'avais oublié : la douce prière à l'Esprit Saint m'est venue en aide. Ah ! c'est si doux et si agréable ! à cinq heures du soir, elle gémit et dit : Je n'ai pas observé, par suite de mes négligences, l'ordre de ne laisser personne venir près de moi. Une femme de ma connaissance a parlé devant moi de choses odieuses ; je me suis fâchée et me suis endormie là-dessus. Le bon Dieu a mieux tenu sa parole que moi la mienne ; il m'a montré de nouveau tout ce que j'avais oublié : cependant, pour ma punition, j'en ai laissé échapper la plus grande partie. Elle dit alors ce qui suit, et nous le communiquons, quoiqu'il y ait répétition de choses déjà dites, parce que nous ne pouvons pas exprimer ce qu'elle a voulu dire autrement qu'elle ne l'a fait elle-même. Voici donc ce qu'elle dit : Je vis comme d'habitude les deux saintes femmes dire le Magnificat en se tenant vis-à-vis l'une de l'autre. Au milieu de leur prière, le sacrifice d'Abraham me fut montré. Vint ensuite une série de tableaux figuratifs se rapportant à l'approche du Saint Sacrement. Il me semblait n'avoir jamais aperçu aussi clairement les mystères sacrés de l'ancienne alliance.

Le jour suivant, elle dit : Ainsi que cela m'avait été promis, j'avais vu de nouveau tout ce que j'avais oublié. J'étais toute joyeuse de pouvoir raconter tant de choses merveilleuses sur les patriarches et l'Arche d'alliance ; mai' il y a eu sans doute dans cette joie quelque chose contre l'humilité, car Dieu ne permet pas que je puisse raconter avec ordre et expliquer clairement tout cela.


Le nouveau dérangement dont elle parlait fut amené par un incident particulier, à la suite duquel se produisirent les souffrances commémoratives de la Passion du Sauveur qui se manifestaient souvent chez elle : elle en fut d'autant plus incapable de mettre de l'ordre dans ses communications. Comme pourtant, depuis ses visions sur le Magnificat répété à plusieurs reprises par les saintes femmes, elle raconta par fragments et sans suite plusieurs choses relatives à la bénédiction mystérieuse de l'Ancien Testament et à l'Arche d'alliance, on s'est efforce de faire de tout cela, autant que possible, un certain ensemble qui sera ajouté comme appendice, ou réservé pour me place plus appropriée, afin de ne pas interrompre la vie de la sainte Vierge.


Voici ce qu'elle dit le vendredi 6 juillet : Je vis hier soir Élisabeth et la sainte Vierge se rendre au jardin éloigné de la maison de Zacharie. Elles avaient des fruits et des petits pains dans des corbeilles, et voulaient passer la nuit dans cet endroit. Quand Joseph et Zacharie y vinrent plus tard, je vis la sainte Vierge aller à leur rencontre. Zacharie avait sa petite tablette Mais il faisait trop sombre pour qu'il pût écrire, et je vis Marie, poussée intérieurement par le Saint Esprit, lui dire qu'il parlerait cette nuit, et qu'il pouvait laisser là sa tablette, parce qu'il serait bientôt en état de s'entretenir avec Joseph et de prier avec lui. Très surprise de cela, je secouais la tête et je refusais d'admettre qu'il en fût ainsi ; mais mon ange gardien ou le guide spirituel qui est toujours près de moi, me dit, en me faisant signe de regarder d'un autre côté : " Tu ne veux pas croire cela, regarde donc ce qui se passe par ici ". Je vis alors du côté qu'il m'indiquait un tout autre tableau, d'une époque très postérieure.


Sa fête tombait le 6 juillet, jour où la soeur Emmerich communiquait ceci, et l'écrivain ne le savait pas. Quand il l'apprit en jetant par hasard les yeux sur le calendrier, il trouva là une nouvelle confirmation de cette relation entre toutes ses visions et les fêtes correspondants de l'Eglise qui avait si souvent surpris et singulièrement touché. Le prêtre saint Goar, originaire d'Aquitaine, établit au sixième siècle prés de l'embouchure du Mochenbach dans le Rhin (près de la petite ville actuelle de Saint Goar). Il y vécut en anachorète et convertit à la foi chrétienne beaucoup de païens auxquelles il avait eu l'occasion de donner l'hospitalité. Il fut mandé devant l'évêque Rusticus de Trèves sur une fausse accusation de mauvaises moeurs, et ce fut alors qu'eut lieu le miracle montré à la soeur Emmerich pour lui prouver la puissance de la foi simple. Rusticus accusa saint Goar de sorcellerie, mais un autre miracle qu'il lui demanda comme preuve de son innocence excita chez le prélat une telle confusion, qu'il se jeta aux pieds du saint, avouant sa faute et lui demandant pardon. Saint Goar, de retour dans son ermitage et pressé à plusieurs reprises par Sigebert, roi d'Austrasie, d'accepter le siège épiscopal de Trèves, pria Dieu de le retirer du monde. Il fut exaucé vers la fin du sixième siècle.


Je vis le saint ermite Goar' dans un endroit où on avait coupé du blé. Il parlait à des messagers d'un évêque mal disposé à son égard, et ces hommes aussi ne lui voulaient pas de bien. Quand il les eut accompagnés jusque chez l'évêque, je le vis chercher un crochet pour y suspendre son manteau. Comme il vit alors un rayon de soleil qui pénétrait par une ouverture du mur, dans la simplicité de sa foi, il attacha son manteau à ce rayon, et le manteau resta ainsi suspendu en l'air. Je fus émerveillé de ce miracle produit par la simplicité de la foi, et ne m'étonnai plus d'entendre parler Zacharie, puisque cette grâce lui arrivait par le moyen de la sainte Vierge, dans laquelle Dieu lui-même habitait. Mon guide me parla alors de ce qu'on appelle miracle ; je me souviens qu'il me dit, entre autres choses : " une confiance entière en Dieu, avec la simplicité d'un enfant, donne à tout l'être et la substance ". (cf. He He 9,1) Ces paroles me donnèrent de grandes lumières intérieures sur tous les miracles, mais je ne puis m'expliquer bien clairement sur cela.


Je vis alors les quatre saints personnages passer la nuit dans le Jardin : ils s'assirent et mangèrent un peu, puis je les vis marcher deux à deux, s'entretenir eu priant, et entrer alternativement dans la petite maison pour y prendre du repos. J'appris aussi qu'après le sabbat Joseph retournerait à Nazareth, et que Zacharie l'accompagnerait à quelque distance ; il faisait clair de lune et le ciel était très pur.


Je vis ensuite, pendant la prière des deux saintes femmes, une partie du mystère concernant le Magnificat ; je dois tout revoir samedi, veille de l'octave de la Fête, et je pourrai alors en dire quelque chose. Je ne puis maintenant communiquer que ce qui suit : le Magnificat est un cantique d'actions de grâces pour l'accomplissement de la bénédiction mystérieuse de l'ancienne alliance.


Pendant la prière de Marie, je vis successivement tous ses ancêtres. Il y avait, dans la suite des siècles, trois fois quatorze couples d'époux qui se succédaient et dans lesquels le père était toujours le rejeton du mariage précédent ; de chacun de ces couples, je vis sortir un rayon de lumière qui se dirigeait sur Marie pendant qu'elle était en prières. Tout ce tableau grandit devant mes yeux comme un arbre avec des branches de lumière qui allaient toujours s'embellissant, et Je vis enfin à une place marquée de cet arbre lumineux la chair et le sang purs et sans tache de Marie, desquels Dieu devait former son humanité, se montrer dans une lumière de plus en plus vive. Je priai alors, pleine de joie et d'espérance, comme un enfant qui verrait croître devant lui l'arbre de Noël. Tout cela était une image de l'approche de Jésus Christ selon la chair et de son très saint sacrement ; c'était comme si j'avais vu mûrir le froment pour former le pain de vie dont je suis affamée. Cela ne peut s'exprimer. Je ne puis pas trouver de paroles pour dire comment s'est formée la chair dans laquelle le Verbe s'est fait chair ; comment pourrait s'y prendre pour cela une pauvre créature humaine qui est encore dans cette chair dont le Fils de Dieu et de Marie a dit que la chair ne sert de rien et que l'esprit seul vivifie ; lui qui a dit encore que ceux-là seuls qui se nourrissent de sa chair et de son sang auront la vie éternelle, et seront ressuscités par lui au dernier jour. Sa chair et son sang sont seuls la traie nourriture, ceux-là seuls qui prennent cette nourriture demeurent en lui et lui en eux.


Je ne puis exprimer comment j'ai vu, depuis le commencement, l'approche successive de l'incarnation de Dieu, et, avec elle, l'approche du Saint Sacrement de l'autel se manifestant de génération en génération, puis une nouvelle série de patriarches, représentants du Dieu vivant qui réside parmi les hommes comme victime et comme nourriture, jusqu'à son second avènement au dernier jour, dans l'institution du sacerdoce, que l'Homme-Dieu, le nouvel Adam, chargé d'expier la faute du premier, a transmis à ses apôtres, et ceux-ci par l'imposition des mains aux prêtres qui leur ont succédé pour former une semblable succession non interrompue de génération de prêtres en génération de prêtres. Tout cela m'a fait connaître que la récitation de la généalogie de Notre Seigneur devant le Saint Sacrement, à la Fête-Dieu, renferme un grand et profond mystère ; j'ai aussi connu, par là, que de même que, parmi les ancêtres de Jésus-Christ, selon la chair, plusieurs ne furent pas des saints et furent même des pécheurs sans cesser d'être des degrés de l'échelle de Jacob, par lesquels Dieu descendit jusqu'à l'humanité, de même aussi les évêques indignes restent capables de consacrer le Saint Sacrement et de conférer la prêtrise avec tous les pouvoirs qui y sont attachés. Quand on voit ces choses, on comprend bien pourquoi l'Ancien Testament est appelé dans de vieux livres allemands l'ancienne alliance ou l'ancien mariage, de même que le Nouveau Testament y est appelé la nouvelle alliance ou le nouveau mariage. La fleur suprême de l'ancien mariage fut la Vierge des vierges, la Fiancée du Saint Esprit, la très chaste Mère du Sauveur, le Vase spirituel, le Vase honorable, le Vase insigne de dévotion ', dans lequel le Verbe s'est fait chair. Avec ce mystère, commence le nouveau mariage, la nouvelle alliance. Cette alliance est virginale dans le sacerdoce et dans tous ceux qui suivent l'Agneau, et le mariage est en elle un grand sacrement, savoir, en Jésus-Christ et en sa fiancée, qui est l'Eglise. (Voir Ep 5,32)


Ces dénominations sont tirées en partie des litanies dans lesquelles la sainte vierge est aussi honorée sous le nom d'Arche d'Alliance.


Mais pour faire connaître, en tant que cela m'est possible, comment me fut expliquée l'approche de l'incarnation du Verbe et en même temps l'approche du Saint Sacrement de l'autel, je ne puis que répéter encore de quelle manière tout m'a été mis devant les yeux dans une série de tableaux symboliques, sans qu'il me soit possible, à cause de l'état où je me trouve, de rendre compte des détails d'une façon intelligible : je ne puis parler qu'en général. Je vis d'abord la bénédiction de la promesse que Dieu donna à nos premiers parents dans le paradis, et un rayon allant de cette bénédiction à la sainte Vierge, qui récitait le Magnificat avec sainte Elisabeth ; je vis ensuite Abraham, qui avait reçu de Dieu cette bénédiction, et un rayon allant de lui à la sainte Vierge ; puis les autres patriarches, qui avaient porté et possédé cette chose sainte, et encore le rayon allant de chacun d'eux à Marie ; la transmission de cette bénédiction jusqu'à Joachim, qui, gratifié de la plus haute bénédiction venant du Saint des saints du temple, put devenir par là le père de la très sainte vierge Marie, conçue sans péché ; enfin, c'est en celle ci que, par l'opération du Saint Esprit, le Verbe s'est fait chair ; c'est en elle, comme dans l'Arche d'alliance du Nouveau Testament, que, caché à tous les yeux, il a habité neuf mois parmi nous, jusqu'à ce qu'étant né de la vierge Marie dans la plénitude des temps, nous avons vu sa gloire, comme la gloire du Fils unique du Père plein de grâce et de vérité.


Voici ce qu'elle raconta, le 7 juillet : J'ai vu, cette nuit, la sainte Vierge dormir dans sa petite chambre, étendue sur le côté et la tête appuyée sur le bras ; elle était enveloppée dans une bande d'étoffe blanche, depuis la tête jusqu'aux pieds Je vis, sous son coeur, briller une gloire lumineuse en forme de poire qu'entourait une petite flamme d'un éclat indescriptible. Je vis briller dans Élisabeth une gloire moins éclatante, mais plus grande et d'une forme circulaire ; la lumière qu'elle répandait était moins vive.


Le samedi 8 juillet, elle dit ce qui suit : Dans la soirée d'hier vendredi, lorsque le sabbat commença, je vis, dans une chambre de la maison de Zacharie que je ne connaissais pas encore, allumer une lampe et célébrer le sabbat : Zacharie, Joseph et six autres hommes, qui étaient probablement des gens de l'endroit, priaient debout sous la lampe autour d'un coffre sur lequel étaient des rouleaux écrits. Ils avaient des linges qui pendaient par-dessus la tête, mais ne faisaient pas, en priant, toutes les contorsions que font les Juifs actuels, quoique souvent ils baissassent la tête et levassent les bras en l'air. Marie, Élisabeth et deux autres femmes se tenaient à part derrière une cloison grillée, d'où elles voyaient dans l'oratoire ; elles étaient toutes enveloppées jusque par-dessus la tête dans des manteaux de prière.


Après le souper du sabbat, je vis la sainte Vierge dans sa petite chambre, avec Elisabeth, récitant le Magnificat ; les mains jointes sur la poitrine et leurs voiles noirs baissés sur la figure, elles se tenaient debout contre la muraille, vis-à-vis l'une de l'autre, priant tour à tour comme des religieuses au choeur. Je récitais le Magnificat avec elles, et, pendant la seconde partie du cantique, je vis, les uns dans l'éloignement, les autres plus près, quelques-uns des ancêtres de Marie, desquels partaient comme des lignes lumineuses se dirigeant sur elle ; je voyais ces lignes ou ces rayons de lumière sortir de la bouche des ancêtres masculins et de dessous le coeur des ancêtres de l'autre sexe, et aboutir à la gloire qui était dans Marie.


Je crois qu'Abraham, lorsqu'il reçut la bénédiction qui préparait l'avènement de la sainte Vierge, habitait prés de l'endroit où elle récita le Magnificat, car je vis le rayon qui partait de lui venir à elle d'un point très voisin, pendant que ceux qui partaient de personnages beaucoup plus rapprochés, quant au temps, paraissaient venir de points bien plus éloignés.


Lorsqu'elles eurent fini le Magnificat, qu'elles disaient tous les jours, matin et soir, depuis la Visitation, Elisabeth se retira, et je vis la sainte Vierge se livrer au repos.


Le dimanche soir, le sabbat étant fini, je les vis manger de nouveau. Ils prirent leur repas ensemble dans le jardin près de la maison. Ils mangèrent des feuilles vertes qu'ils trempaient dans une sauce ; il y avait aussi sur la table des assiettes avec de petits fruits, et d'autres plats, où était, je crois, du miel, qu'ils prenaient avec des espèces de spatules en corne.


Plus tard, au clair de la lune, par une belle nuit étoilée, Joseph se mit en voyage, accompagné de Zacharie. Joseph avait avec lui un petit paquet où étaient des pains et une petite cruche, et un bâton recourbé par en haut. Ils avaient tous deux des manteaux de voyage qui recouvraient la tête. Les deux femmes les accompagnèrent à une petite distance, et s'en revinrent seules par une nuit d'une beauté remarquable.


Marie et Élisabeth rentrèrent à la maison dans la chambre de Marie. Il y avait là une lampe allumée, comme c'était toujours le cas lorsqu'elle priait et allait se coucher. Les deux femmes se tinrent vis-à-vis l'une de l'autre, et récitèrent le Magnificat.


Le mardi il juillet, elle dit ce qui suit : J'ai vu cette nuit Marie et Élisabeth. La seule chose dont je me souvienne est qu'elles passèrent toute la nuit à prier, mais je n'en sais plus la raison. Le jour, je vis Marie s'occuper de différents travaux, par exemple, tresser des couvertures. Je vis Joseph et Zacharie encore en route ; ils passèrent la nuit dans un hangar. Ils avaient fait de grands détours et visité, si je ne me trompe, différentes personnes. Je crois qu'il leur fallait trois jours pour leur voyage. J'ai oublié la plupart des détails.


Le jeudi 13 juillet, elle raconta ce qui suit : Je vis hier Joseph de retour dans sa maison de Nazareth. Il ne me paraît pas avoir été à Jérusalem, mais directement chez lui. La servante d'Anne prend soin de son ménage, et va et vient d'une maison à l'autre ; à cela près, Joseph était seul. Je vis aussi Zacharie de retour dans sa maison. Je vis Marie et Élisabeth, comme toujours, réciter le Magnificat et s'occuper de différents travaux. Vers le soir, elles se promenèrent dans le jardin, où il y avait une fontaine, ce qui n'est pas commun dans le pays. Elles allaient souvent aussi, dans la soirée, quand la chaleur était passée, se promener dans les environs, car la maison de Zacharie était isolée et entourée de champs. Ordinairement elles se couchaient vers neuf heures, et se levaient toujours avant le soleil.


C'est là tout ce que la soeur Emmerich communiqua de ses visions sur la visite de la sainte Vierge à Élisabeth. Il est à remarquer qu'elle raconta cet événement à l'occasion de la fête de la Visitation, au commencement de juillet, tandis que la visite de Marie eut probablement heu en mars, puisque l'incarnation du Christ fut annoncée à la sainte Vierge le 25 février. C'est peu de temps après que la soeur la vit partir pour se rendre chez Elisabeth, en même temps que Joseph allait à la fête de Pâques, qui tombait le il nisan, mois qui correspond à notre mois de mars.


XLIV - Naissance de Jean. Marie revient à Nazareth. Joseph rassuré par un ange.


Le 9 juin 1821, la soeur Emmerich) à l'occasion d'une relique de saint Parménas qui se trouvait près d'elle, raconta différentes choses touchant ce saint, et entre autres ce qui suit : J'ai vu la sainte Vierge, après son retour de Juttah à Nazareth, passer quelques Jours chez les parents du disciple Parménas, qui, à cette époque, n'était pas encore né. Je crois avoir vu cela au moment de l'année où cela s'est passé. J'eus le sentiment qu'il en était ainsi.


D'après cela, la naissance de Jean-Baptiste aurait eu lieu à la fin de mai ou au commencement de juin. Marie resta trois mois chez Élisabeth, jusqu'à la naissance de Jean ; mais elle n'y était plus lors de la circoncision de l'enfant.


La soeur Emmerich ayant été empêchée de raconter la naissance de Jean et sa circoncision, nous donnons ici les paroles de l'Évangile.


" Le temps d'Élisabeth étant accompli, elle mit au monde un fils. Ses voisins et ses parents apprirent que Dieu avait fait éclater sa miséricorde envers elle, et ils accoururent pour s'en réjouir avec elle. Le huitième jour, on vint circoncire l'enfant, et ils lui donnèrent le nom de son père Zacharie ; mais sa mère répondit : Il n'en sera pas ainsi ; son nom sera Jean. On lui représenta que personne n'avait ce nom dans sa parenté, et en même temps on demanda par signe à son père quel nom il voulait lui donner. Et il écrivit sur des tablettes que Jean était son nom ; et tous furent dans l'admiration. Or sa bouche fut ouverte aussitôt et sa langue déliée ; et il parlait, bénissant le Seigneur. Et une grande crainte se répandit parmi tous ceux qui habitaient dans le voisinage, et toutes ces choses se racontaient dans toutes les montagnes de la Judée. Et tous ceux qui en entendirent le récit le mirent dans leur coeur, se disant : Que croyez-vous que doive être cet enfant car la main de Dieu est avec lui. Et son père Zacharie fut rempli de l'Esprit Saint et prophétisa en ces termes : Béni soit le Seigneur Dieu d'Israël, parce qu'il a visité son peuple, et a opéré sa rédemption, et qu'il nous a élevé un puissant Sauveur dans la maison de David, son serviteur, ainsi qu'il avait promis, dès les anciens temps, par la bouche de ses saints prophètes, qu'il nous délivrerait de nos ennemis et de ceux qui nous haïssent, pour exercer sa miséricorde envers nos pères et se souvenir de son alliance sainte, selon qu'il avait juré avec serment à Abraham notre père, afin que, délivrés de la main de nos ennemis, nous le servions sans crainte, dans la sainteté et la justice devant lui, tous les jours de notre vie. Et toi, enfant, tu seras appelé le prophète du Très-Haut ; car tu marcheras devant la face du Seigneur pour lui préparer les voies, afin de donner à son peuple la science du salut pour la rémission de leurs péchés ; par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, par laquelle l'Orient nous a visités d'en haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort, pour diriger nos pas dans la voie de la paix. Or, l'enfant croissait et son esprit se fortifiait, et il était dans le désert jusqu'au jour de sa manifestation dans Israël.


La sainte Vierge partit pour Nazareth après la naissance de Jean, et avant sa circoncision. Joseph vint à sa rencontre jusqu'à moitié chemin.


La soeur Emmerich ne dit pas par qui la sainte Vierge fut accompagnée jusque-là ; elle ne désigna pas non plus le lieu où elle se réunit à saint Joseph ; peut-être que ce fut à Dothan, où, en allant chez Élisabeth, ils s'étaient arrêtés chez un ami du père de Joseph. Vraisemblablement, elle fut accompagnée jusque-là par des parents de Zacharie ou par des amis de Nazareth, qui se trouvaient avoir le même voyage à faire. Cette dernière conjecture pourrait se justifier, jusqu'à un certain point, par le récit suivant :


Quand Joseph revint à Nazareth avec la sainte Vierge, il vit, à sa taille, qu'elle était enceinte ; il fut alors assailli par toutes sortes d'inquiétudes et de doutes, car il ne connaissait pas l'ambassade de l'ange près de Marie. Aussitôt après son mariage, il était allé à Bethléem pour quelques affaires de famille ; Marie, pendant ce temps, s'était rendue à Nazareth avec ses parents et quelques compagnes. La salutation angélique avait eu lieu avant le retour de Joseph de Nazareth. Marie, dans sa timide humilité, avait gardé pour elle le secret de Dieu.


Joseph, plein de trouble et d'inquiétude, n'en faisait rien connaître au dehors, mais luttait en silence contre ses doutes. La sainte Vierge, qui avait prévu cela d'avance, était grave et pensive, ce qui augmentait encore l'anxiété de Joseph.


Quand ils furent arrivés à Nazareth, je vis que la sainte Vierge n'alla pas tout de suite dans sa maison avec saint Joseph, elle demeura deux jours dans une famille alliée à la sienne. C'étaient les parents du disciple Parmenas, qui alors n'était pas né, et qui fut plus tard l'un des sept diacres dans la première communauté des chrétiens à Jérusalem.


Ces gens étaient alliés à la sainte Famille : la mère était soeur du troisième époux de Marie de Cléophas, qui fut le père de Siméon, évêque de Jérusalem. Ils avaient une maison et un jardin à Nazareth. Ils étaient aussi alliés à la sainte Famille du côté d'Elisabeth. Je vis la sainte Vierge rester quelque temps chez eux avant de revenir dans la maison de Joseph ; mais l'inquiétude de celui-ci augmentait à tel point que, lorsque Marie voulut revenir auprès de lui, il forma le projet de la quitter et de s'enfuir secrètement. Pendant qu'il roulait Ce dessein dans son esprit, un ange lui apparut en songe et le consola.


XLV - Préparatifs pour la naissance de Jésus-Christ. Départ de la sainte Famille pour Bethléem.


(Dimanche, 11 novembre 1821.) Depuis plusieurs jours, je vois la sainte Vierge près de sa mère, sainte Anne, dont la maison est à peu près à une lieue de Nazareth, dans la vallée de Zabulon ; sa servante est restée dans la maison de Nazareth, elle sert saint Joseph quand Marie est chez sa mère. Du reste, tant qu'Anne vécut, ils n'eurent pas de ménage entièrement séparé, mais ils recevaient toujours de celle-ci ce dont ils avaient besoin.


Je vois, depuis quinze jours, la sainte Vierge occupée de préparatifs pour la naissance de Jésus-Christ : elle apprête des couvertures, des bandages et des langes. Son père Joachim ne vit plus. Il y a dans la maison une petite fille d'environ sept ans qui est souvent près de la sainte Vierge, et à laquelle celle-ci donne des leçons : je crois que c'est la fille de Marie de Cléophas ; elle s'appelle aussi Marie. Joseph n'est pas à Nazareth, mais il doit bientôt arriver. Il revient de Jérusalem, où il a conduit des victimes pour le sacrifice.


Je vis la sainte Vierge dans la maison. Elle était dans un état de grossesse fort avancée, et travaillait assise dans une chambre avec plusieurs autres femmes. Elles préparaient des effets et des couvertures pour les couches de Marie. Anne avait des propriétés assez considérables en troupeaux et en pâturages. Elle fournissait abondamment la sainte Vierge de tout ce qui lui était nécessaire suivant son état. Comme elle croyait que Marie ferait ses couches chez elle, et que tous ses parents la visiteraient à cette occasion, elle faisait toute espèce de préparatifs pour la naissance de l'enfant de la promesse. On apprêtait pour cela de belles couvertures ou de beaux tapis.


J'ai vu une couverture de ce genre, lors de la naissance de Jean, dans la maison d'Élisabeth. Il y avait des figures symboliques et des sentences tracées à l'aiguille. Au milieu était une espèce d'enveloppe dans laquelle l'accouchée se plaçait ; puis, quand les diverses parties de la couverture étaient assujetties autour d'elle avec des lacets et des boutons, elle était là comme un petit enfant dans son maillot, et pouvait facilement se mettre sur son séant, entre des coussins, pour recevoir les visites de ses amies, qui s'asseyaient auprès d'elle sur le bord du tapis.


On préparait aussi dans la maison d'Anne des objets de ce genre, outre des bandages et des langes pour l'enfant. Je vis même des fils d'or et d'argent qu'on y faufilait Ça et là. Tous ces effets et ces couvertures n'étaient pas uniquement pour l'usage de l'accouchée ; il y avait beaucoup de choses destinées aux pauvres, auxquels on pensait toujours en de semblables circonstances. Je vis la sainte Vierge et d'autres femmes, assises par terre autour d'un grand coffre, travailler à une grande couverture qui était Dltece sur ce coffre au milieu d'elles. Elles se servaient de petits bâtons où étaient attachés des fils de diverses couleurs. Sainte Anne était très affairée ; elle allait ça et là pour prendre de la laine, la partager et donner leur tâche à ses servantes.


(Lundi, 12 novembre.) Joseph doit revenir aujourd'hui à Nazareth. Il était à Jérusalem, où il avait conduit des animaux pour le sacrifice. Il les avait laissés dans une petite auberge située à un quart de lieue en avant de Jérusalem, du côté de Bethléem, et tenue par un vieux ménage sans enfants. C'étaient des gens pieux chez lesquels on pouvait loger en toute confiance. Joseph alla de là à Bethléem, mais il ne visita pas les parents qu'il y avait. Il voulait seulement prendre des informations relativement à un dénombrement ou à une levée d'impôts qui exigeaient que chacun vint dans son lieu de naissance. Il ne se fit pourtant pas encore inscrire, car il avait l'intention, lorsque le temps de la purification de Marie serait accompli, d'aller avec elle de Nazareth au temple de Jérusalem, et de là à Bethléem, où il voulait s'établir. Je ne sais pas bien quel avantage il y trouvait, mais le séjour de Nazareth ne lui plaisait pas. C'est pour cela qu'il profita de cette occasion pour aller à Bethléem : il y prit des informations relativement à des pierres et à des bois de charpente, car il avait le projet d'y bâtir une maison. Il revint ensuite à l'auberge voisine de Jérusalem, conduisit les victimes au temple et revint chez lui.


Comme aujourd'hui, vers minuit, il traversait la plaine de Khimki, à six lieues de Nazareth, un ange lui apparut et lui enjoignit de partir avec Marie pour Bethléem, car c'était là qu'elle devait mettre son enfant au monde. L'ange lui prescrivit aussi ce qu'il devait prendre avec lui ; il devait emporter peu d'effets, et notamment pas de couvertures brodées. Il devait aussi, outre l'âne sur lequel Marie monterait, emmener avec lui une ânesse d'un an qui n'avait pas encore eu de petits. Il devait la laisser courir en liberté et suivre toujours le chemin qu'elle prendrait.


Ce soir, Anne se rend à Nazareth avec la sainte Vierge ; elles savaient que Joseph arriverait. Elles ne paraissaient pourtant pas savoir que Marie irait à Bethléem ; elles croyaient que Marie mettrait son enfant au monde dans sa maison de Nazareth, car je vis qu'on leur y porta plusieurs des objets qu'on avait préparés, empaquetés dans des nattes. Joseph arriva le soir à Nazareth.


(Mardi, 13 novembre). Je vis aujourd'hui la sainte Vierge avec sa mère dans la maison de Nazareth, où Joseph leur fit connaître ce qui lui avait été dit la nuit précédente. Elles revinrent ensemble dans la maison d'Anne, et je les vis faire des préparatifs pour un prompt départ. Anne en était tout attristée. La sainte Vierge savait d'avance qu'elle devait enfanter son fils à Bethléem, mais elle n'en avait rien dit par humilité.


Elle le savait par les prophéties sur la naissance du Messie qu'elle conservait à Nazareth. Elle avait reçu ces écrits de ses maîtresses du temple, et ces saintes femmes les lui avaient expliqués ; elle les lisait souvent et priait pour leur accomplissement ; ses ardents désirs invoquaient toujours la venue du Messie ; elle appelait bienheureuse celle qui devait mettre au monde le saint enfant, et désirait seulement pouvoir être la dernière de ses servantes ; elle ne pensait pas, dans son humilité, que cet honneur pût lui être destiné. Comme elle savait par les testes des prophéties que le Sauveur devait naître à Bethléem, elle se conforma avec d'autant plus de joie a la volonté divine, et se prépara à un voyage très pénible pour elle dans cette saison, car il faisait souvent un froid très vif dans les vallées, entre les chaînes de montagnes.


Je vis ce soir Joseph et la sainte Vierge, accompagnés d'Anne, de Marie de Cléophas, et de quelques serviteurs, partir de la maison d'Anne. Marie était assise sur le bât d'un âne qui portait aussi son bagage. Joseph conduisait l'âne. Il y avait un second âne Sur lequel sainte Anne devait revenir.


XLVI - Voyage de la sainte Famille.


Ce matin, je vis les saints voyageurs arriver à six lieues de Nazareth, dans une plaine appelée Ghinim, où l'ange était apparu à Joseph l'avant-veille. Anne possédait un pâturage en cet endroit, et les serviteurs devaient y prendre l'ânesse d'un an que Joseph voulait emmener avec lui. Elle courait tantôt en avant des voyageurs, tantôt près d'eux. Anne et Marie de Cléophas prirent ici congé des saints voyageurs et s'en retournèrent avec les serviteurs.


Je vis la sainte Famille s'avancer plus loin par un chemin qui montait vers les montagnes de Gelboë. Ils ne passaient pas dans les villes et suivaient la jeune ânesse qui prenait toujours des chemins de traverse. C'est ainsi que je les vis dans une propriété de Lazare, à peu de distance de la ville de Ghinim', du côté de Samarie. L'intendant les reçut amicalement.


Elle dit que cette plaine de Ghinim a plusieurs lieues de long et qu'elle est de forme ovale. Une autre plaine appelée Ghimmi se trouva plus prés de Nazareth, prés d'un endroit placé sur une hauteur où demeuraient des bergers, et où Jésus, avant son baptême, enseigna du 7 au 9 septembre chez des bergers qui avaient des lépreux cachés parmi eux. Il guérit aussi là son hôtesse qui était hydropique et il fut injurié par les pharisiens. De l'autre côté de ce heu, à une plus grande distance, se trouve, au sud-ouest de Nazareth, au delà du torrent de Cison, un séjour de lépreux. Ce sont des cabanes dispersées autour d'un étang formé par un écoulement du Cison. Jésus y opéra des guérisons avant son baptême, le 30 septembre. La plaine de Ghinim, où nous voyons arriver la sainte Famille, est séparée de cette autre plaine de Ghimmi par un torrent. Les noms sont si semblables que je puis les avoir facilement confondus.


Il semble qu'il y a encore un souvenir de ce nom de Ghimea, qui est dans la même position et que les voyageurs appellent Ghinin, ghinin, Ghilin, Ghenin, Jenin, Chenan, Khilin ou Djenin. Ce lieu est au pied des monts de Gelboé, à quatre milles allemande (environ huit lieues) au nord-est de Samarie, suivant d'autres à une demi journée de Sichem, et d'après Boshard, à quatorze lieues du Jourdain.


Il les avait connus lors d'un autre voyage. Leur famille avait des relations avec celle de Lazare. Il y a là de beaux vergers et des allées. La position est si élevée, qu'on a du toit une vue très étendue. Lazare a hérité ce bien de son père. Notre Seigneur Jésus-Christ s'arrêta souvent en cet endroit pendant sa prédication, et enseigna dans les environs. L'intendant et sa femme s'entretinrent très amicalement avec la sainte Vierge, et se montrèrent étonnés qu'elle eût entrepris ce grand voyage dans la position où elle se trouvait, lorsqu'elle eût pu rester commodément établie dans la maison de sa mère.


(Nuit du jeudi l5 au vendredi 16 novembre). Je vis la sainte Famille, à quelques lieues au delà de l'endroit précédemment indiqué, se diriger dans la nuit vers une montagne le long d'une vallée très froide. Il semblait qu'il y eût de la gelée blanche. La sainte Vierge souffrait beaucoup du froid, et elle dit à Joseph : " il faut nous arrêter ; je ne puis pas aller plus loin ". A peine avait-elle dit ces paroles, que la jeune ânesse s'arrêta sous un grand térébinthe très vieux qui se trouvait près de là, et dans le voisinage duquel était une fontaine. Ils firent une halte sous cet arbre. Joseph arrangea avec des couvertures un siège pour la sainte Vierge, qu'il aida à descendre de sa monture et qui s'assit contre l'arbre ; Joseph suspendit à une branche d'arbre une lanterne qu'il portait avec lui. J'ai souvent vu les gens qui voyagent de nuit dans ce pays en faire autant.


La sainte Vierge invoqua Dieu, lui demandant de ne pas permettre que le froid lui fût nuisible. Alors, elle sentit tout à coup une si grande chaleur, qu'elle tendit les mains à saint Joseph pour qu'il y réchauffât les siennes. Ils se réconfortèrent un peu avec des petits pains et des fruits qu'ils avaient avec eux, et burent de l'eau de la fontaine voisine dans laquelle ils mirent du baume que Joseph portait dans un cruchon. Joseph consola et encouragea la sainte Vierge ; il était si bon ! il souffrait tant de ce que ce voyage était si pénible ! il lui parla du bon logis qu'il espérait lui procurer à Bethléem. Il connaissait une maison appartenant à de très braves gens, où ils seraient commodément à très bon compte. Il lui vanta Bethléem en général, et lui dit tout ce qui pouvait la consoler. Cela m'inquiétait, car je savais bien que les choses se passeraient tout autrement.


A ce point de leur voyage, ils avaient passé deux petits cours d'eau ; ils avaient traversé l'un d'eux sur un pont élevé, et les deux ânes avaient passé à gué. La jeune ânesse, qui courait en liberté, avait des allures singulières. Quand la route était bien tracée, entre deux montagnes, par exemple, et qu'on pouvait se tromper, tantôt elle courait derrière les voyageurs, tantôt elle allait bien loin en avant. Quand le chemin se partageait, elle reparaissait toujours et prenait la bonne direction ; lorsqu'ils devaient s'arrêter, elle s'arrêtait elle-même, comme lors de leur halte sous le térébinthe. Je ne sais pas s'ils passèrent la nuit sous cet arbre, ou s'ils atteignirent un autre gîte.


Ce térébinthe était un vieil arbre sacré qui avait fait partie du bois de Moreh, près de Sichem. Abraham, venant de la terre de Chanaan, y avait vu apparaître le Seigneur, qui lui avait promis cette terre pour sa postérité. Il avait élevé un autel sous le térébinthe. Jacob, avant d'aller à Béthel pour y offrir un sacrifice au Seigneur, avait enfoui sous ce térébinthe les idoles de Laban et les bijoux que sa famille avait avec elle. Josué y avait érigé le tabernacle où était l'Arche d'alliance, et y ayant rassemblé le peuple, l'avait fait renoncer aux idoles. C'était aussi en ce lieu qu'Abimélech, fils de Gédéon, avait été proclamé roi par les Sichémites.


(Vendredi, 16 novembre.) Aujourd'hui, je vis la sainte Famille arriver à une grande ferme, à deux lieues plus au midi que le térébinthe. La maîtresse de la maison était absente, et le maître refusa de recevoir saint Joseph, lui disant qu'il pouvait bien aller plus loin. Quand ils eurent fait un peu de chemin au delà, ils trouvèrent la jeune ânesse dans une cabane de berger, où ils entrèrent aussi. Quelques bergers, qui étaient occupés à la vider, les accueillirent avec beaucoup de bienveillance. Ils leur donnèrent de la paille et de petits paquets de jonc et de ramée pour faire du feu. Ces bergers allèrent à la maison d'où ils avaient été repoussés, et, quand ils racontèrent à la maîtresse de cette maison combien Joseph paraissait bon et pieux, combien sa femme était belle et avait l'air sainte, elle fit des reproches à son mari pour avoir repoussé de si excellentes gens. Je vis aussi cette femme se rendre aussitôt près de la cabane où s'était arrêtée la sainte Vierge ; mais elle n'osa pas entrer par timidité, et retourna chez elle pour y prendre quelques aliments.


Le lieu où ils se trouvaient était sur le flanc septentrional d'une montagne, à peu près entre Samarie et Thébez. A l'orient de ce lieu, au delà du Jourdain, se trouve Succoth ; Ainon est un peu plus au midi, toujours au delà du fleuve ; Salem est en deçà. Il pouvait y avoir douze lieues de là à Nazareth.


Au bout de quelque temps la femme vint avec deux enfants trouver la sainte Famille, apportant avec elle quelques provisions. Elle s'excusa poliment et se montra touchée de leur position. Quand les voyageurs eurent mangé et pris quelque repos, le mari vint aussi et demanda pardon à saint Joseph de l'avoir repoussé. Il lui conseilla de monter encore une lieue vers le sommet de la montagne, lui disant qu'il pouvait arriver à un bon gîte avant le commencement du sabbat et y rester pendant le jour du repos. Ils se mirent alors en route.


Quand ils eurent fait à peu près une lieue en montant toujours, ils arrivèrent à une hôtellerie d'assez bonne apparence, composée de plusieurs bâtiments entourés de jardins et d'arbres. 1 ; y avait aussi là des arbrisseaux qui donnent le baume, rangés en espaliers. Cependant l'hôtellerie était encore sur le côté septentrional de la montagne.


La sainte Vierge avait mis pied à terre. Joseph conduisait l'âne. Ils s'approchèrent de la maison, et Joseph pria l'hôte de les loger ; mais celui-ci s'excusa, parce que son auberge était pleine. Sa femme vint alors, et comme la sainte Vierge s'adressa à elle et lui demanda avec la plus touchante humilité de leur procurer un logement, cette femme ressentit une profonde émotion, et l'hôte aussi ne put plus résister. Il leur arrangea un abri commode dans une cabane voisine, et mit leur âne à l'écurie. L'ânesse n'était pas là ; elle courait en liberté dans les environs. Elle était toujours loin d'eux quand elle n'avait pas à monter le chemin.

Joseph apprêta sa lampe, sous laquelle il se mit en prières avec la sainte Vierge, observant le sabbat avec une piété touchante. Ils mangèrent quelque chose et se reposèrent sur des nattes étendues par terre.


(Samedi, 17 novembre.) J'ai vu aujourd'hui la sainte Famille rester en ce lieu toute la journée. Marie et Joseph priaient ensemble. Je vis la femme de l'hôte près de la sainte Vierge avec ses trois enfants ; la femme qui les avait accueillis la veille vint aussi la visiter avec ses deux enfants. Elles s'assirent auprès d'elle d'un air très amical, et furent très touchées de la modestie et de la sagesse de Marie. La sainte Vierge s'entretint avec les enfants et leur donna des instructions.


Les enfants avaient de petits rouleaux de parchemin ; Marie les fit lire et leur parla d'une façon si aimable qu'ils ne la quittaient plus des yeux. C'était touchant à voir et encore plus touchant à entendre.


Je vis saint Joseph dans l'après-midi se promener avec l'hôte dans les environs, examiner les jardins et les champs et tenir des discours édifiants. C'est ce que je vois toujours faire aux gens pieux du pays le jour du sabbat. Les saints voyageurs restèrent encore en ce lieu la nuit suivante.


(Le dimanche, 18 novembre.) Les bons hôteliers d'ici avaient pris la sainte Vierge en affection à un degré incroyable, et ils lui témoignèrent une tendre compassion pour son état. Ils la prièrent amicalement de rester chez eux, et d'y attendre le moment de sa délivrance. Ils lui montrèrent une chambre commode qu'ils voulaient lui donner. La femme lui offrit du fond du coeur tous ses soins et toute son amitié.


Mais ils reprirent leur voyage de grand matin, et descendirent par le côté sud-est de la montagne dans une vallée. Ils s'éloignèrent alors davantage de Samarie, où semblait les conduire la direction qu'ils avaient prise jusque-là. Pendant qu'ils descendaient, ils pouvaient voir le temple qui est sur le mont Garizim. On l'aperçoit de très loin. Il y a sur le toit plusieurs figures de lions ou d'autres animaux qui brillent au soleil.


Je les vis faire aujourd'hui environ six lieues ; vers le soir, étant dans une plaine à une lieue au sud-est de Sichem, ils entrèrent dans une assez grande maison de bergers où ils furent bien accueillis. Le maître de la maison était chargé de surveiller des vergers et des champs qui dépendaient d'une ville voisine. La maison n'était pas tout à fait dans la plaine, mais sur une pente. Ici, tout était plus fertile et en meilleure condition que dans le pays parcouru précédemment ; car ici, on était tourné vers le soleil, ce qui, dans la terre promise, fait une différence considérable à ce moment de l'année D'ici jusqu'à Bethléem il y avait beaucoup de semblables habitations de bergers, dispersées dans les vallées.


Les gens d'ici étaient de ces bergers dont plusieurs serviteurs des trois rois mages, restés en Palestine, épousèrent plus tard les filles. D'une de ces unions provenait un jeune garçon que Notre Seigneur guérit, dans cette même maison, à la prière de la sainte Vierge, le 31 juillet (7 du mois d'Ab), de sa seconde année de prédication, après son colloque avec la Samaritaine. Jésus le prit ainsi que deux autres jeunes gens pour l'accompagner dans le voyage qu'il fit en Arabie, après la mort de Lazare, et il devint plus tard disciple du Sauveur. Jésus s'arrêta souvent ici, et y enseigna Il y avait des enfants dans cette maison. Joseph les bénit avant son départ.



Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie - XLIII - Détails personnels à la narratrice.