Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie - LX - Bethléem. La sainte Vierge a le pressentiment de rapproche des trois Rois.

LX - Bethléem. La sainte Vierge a le pressentiment de rapproche des trois Rois.


La contemplation passe alternativement de la grotte de la Crèche, à Bethléem, à la caravane des trois rois.


(Mercredi, 5 décembre.) Marie avait eu une vision sur l'approche des trois rois pendant leur halte près du roi de Causour. Elle vit aussi que celui-ci voulait élever un autel à l'enfant. Elle raconta cela à saint Joseph et à Élisabeth, et dit qu'il fallait vider la grotte de la Crèche et tout préparer pour la réception des trois rois à leur arrivée.


Les gens à cause desquels Marie s'était retirée hier dans l'autre grotte étaient des visiteurs curieux : il en vint un plus grand nombre dans les derniers jours. Aujourd'hui Élisabeth revint à Juttah, en compagnie d'un serviteur.


(Du 6 au 8 décembre.) il y eut plus de tranquillité dans la grotte de la Crèche pendant ces deux jours. La sainte Famille resta seule la plupart du temps. La servante de Marie, femme d'environ trente ans, très sérieuse et très humble, était seule présente. C'était une veuve sans enfants, parente d'Anne, qui lui avait donné asile chez elle. Son défunt mari avait été très dur envers elle parce qu'elle allait souvent chez les Esséniens ; car elle était très pieuse et attendait le salut d'Israël. Il s'irritait à cause de cela, comme de méchants hommes de nos jours qui trouvent que leurs femmes vont trop souvent à l'église ; il l'avait quittée et était mort quelque temps après.


Les vagabonds qui avaient mendié et proféré des injures et des malédictions près de la grotte de la Crèche ne revinrent plus dans ces derniers jours. C'étaient des mendiants qui allaient à Jérusalem pour la fête de la dédicace du temple, instituée par les Macchabées.


Joseph célébra le sabbat sous la lampe, dans la grotte de la Crèche, avec Marie et la servante. Le samedi soir commença la fête de la dédicace du temple. On est tranquille aujourd'hui ; les nombreux visiteurs étaient des voyageurs qui allaient à la fête. Anne envoie plusieurs fois des messagers pour apporter des présents et avoir des nouvelles. Les femmes juives ne nourrissent pas longtemps leurs enfants sans leur donner d'autre aliment que leur lait : aussi l'Enfant-Jésus prit-il, après les premiers jours, une bouillie faite de la moelle d'une espèce de roseau : cette bouillie est douce, légère et nourrissante.


(Du 9 au 10 décembre.) Joseph allume le soir et le matin ses petites lampes pour célébrer la fête de la Dédicace. Depuis le commencement de la fête à Jérusalem, on est fort tranquille ici.


(Le lundi 10.) Il vint aujourd'hui un serviteur de la part de sainte Anne. Il portait à la sainte Vierge, outre divers autres objets, tout ce qu'il fallait pour travailler à une ceinture, ainsi qu'une charmante corbeille pleine de fruits et recouverte de roses qui étaient placées sur les fruits et qui étaient restées très fraîches. Cette corbeille était mince et haute. Les roses n'étaient pas de la couleur des nôtres, mais pâles et presque couleur de chair ; il y en avait aussi de jaunes et de blanches ; il s'y trouvait des boutons. Marie parut y prendre plaisir et plaça la corbeille près d'elle.


(Caravane des trois rois.) J'ai vu plusieurs fois les trois rois en marche ; le chemin était montueux. Ils franchirent ces montagnes dont j'ai parlé, et où se trouvent semées des pierres minces semblables à des fragments de poterie. J'aimerais à en avoir : elles sont belles et polies. Il y a aussi là d'autres montagnes où se trouvent beaucoup de pierres transparentes semblables à des oeufs d'oiseau, ainsi que beaucoup de sable blanc. Je les vis dans la contrée où ils s'établirent plus tard, et où Jésus les visita pendant sa troisième année de prédication.


(Mardi,1 décembre ; jeudi, 13 décembre.) il me semble que Joseph aurait envie de rester à Bethléem et de s'y fixer après la purification de Marie ; je crois qu'il a pris quelques renseignements dans cette intention. Il y a trois jours, il vint à la grotte de la Crèche des gens aisés de Bethléem ; maintenant ils prendraient volontiers la sainte Famille chez eux. Marie se cacha dans la grotte latérale, et Joseph déclina leurs offres. Sainte Anne visitera bientôt la sainte Vierge. Je l'ai vue dernièrement très affairée : elle faisait des parts de ses troupeaux pour les pauvres et pour le temple. La sainte Famille distribuait également tout ce qu'elle avait. La fête de la Dédicace était encore célébrée matin et soir. Il doit s'y être joint une autre fête le 13. Je vis à Jérusalem faire des changements dans les cérémonies de la fête. Je vis un prêtre avec un rouleau prés de saint Joseph dans la grotte : ils prièrent ensemble près d'une petite table qui avait une couverture rouge et blanche. Il semblait que ce prêtre voulût voir si Joseph célébrait la fête ou qu'il lui annonçât une nouvelle fête. (Il lui sembla voir un jour de fête ; cependant elle croyait que celle de la nouvelle lune (néoménie) devait avoir commencé : elle ne savait pas bien ce qui en était.) Dans les derniers jours la grotte fut tranquille et sans visiteurs.



LXI - Bethléem. Visite à le Crèche. Caravane des Rois. Ils arrivent dans la terre promise.


(Du 14 au 18 décembre.) La fête de la Dédicace finit avec le sabbat. Joseph n'alluma plus les petites lampes. Le dimanche 16 et le lundi 17, beaucoup de gens des environs vinrent encore à la crèche ; les mendiants effrontés se montrèrent aussi à l'entrée. C'était parce qu'on revenait alors de la fête.


Le 17, il vint deux messagers de sainte Anne avec des provisions de bouche et divers effets. Mais Marie est bien plus prompte que moi à donner. Tout cela fut bientôt distribué. Je vis Joseph commencer à faim divers arrangements dans la grotte de la Crèche, dans les grottes latérales et aussi dans cette du tombeau de Maraha. Ils attendaient bientôt la visite de sainte Anne et aussi celle des trois rois, d'après la vision qu'avait eue Marie.


(Le lundi, 17 décembre.) Je vis aujourd'hui la caravane des trois rois arriver le soir dans une petite ville où les habitations étaient dispersées ça et là ; plusieurs des maisons étaient entourées de grandes haies, il me sembla que c'était le premier endroit de la Judée. Ils étaient là dans la direction de Bethléem ; cependant ils prirent à droite, probablement parce qu'il n'y avait pas de route directe. Quand ils arrivèrent dans ce lieu, leur chant sembla plus animé et plus expressif ; ils étaient tout joyeux, parce que l'étoile avait ici un éclat extraordinaire : c'était comme un clair de lune, en sorte que les ombres se dessinaient très distinctement. Cependant les habitants de ce lieu paraissaient ou ne pas voir l'étoile, ou ne point s'en occuper particulièrement. Ces gens étaient, du reste, bons et obligeants. Quelques-uns des voyageurs étaient descendus de leurs montures, et les habitants les aidèrent à les abreuver. Je pensai alors au temps d'Abraham, où tous les hommes étaient si bienveillants et si serviables. Beaucoup de gens du pays accompagnaient le cortège à son passage dans la ville, portant à la main des branches d'arbre. Je ne voyais pas l'étoile toujours également brillante ; quelquefois elle s'obscurcissait. Il semblait qu'elle jetât plus de clarté dans les lieux où habitaient des gens de bien. Quand les voyageurs la voyaient plus éclatante, ils étaient très émus, et croyaient que c'était peut-être en cet endroit qu'ils allaient trouver le Messie.


(Le mardi, 18 décembre.)Ce matin, ils contournèrent, sans s'y arrêter, une ville sombre et couverte d'un brouillard. Peu après, ils traversèrent un cours d'eau qui se jette dans la mer Morte (peut-être l'Arnon). Plusieurs des gens qui s'étaient adjoints à eux restèrent dans les deux derniers endroits. J'ai su que l'une de ces villes avait servi de refuge à quelqu'un lors d'un débat qui avait eu lieu avant que Salomon ne montât sur le trône. Ils traversèrent le torrent ce matin, et trouvèrent ensuite une bonne route.


(Le mercredi 19.) Ce soir, je vis le cortège des trois rois, qui pouvait être d'environ deux cents personnes, parce que leur libéralité avait porté beaucoup de menu peuple à se joindre à eux, s'approcher, par le côté oriental, d'une ville à l'occident de laquelle Jésus passa, sans y entrer, le 31 juillet de sa seconde année de prédication. Le nom de cette ville ressemblait à Manathea, Methanea, Medana ou Madian. Il s'y trouvait des Juifs et des païens ; les habitants étaient méchants.


Saint Jérôme mentionne une ville appelée Methane, prés de l'Arnon. De là les Methanites dont il est parlé dans le premier livre des Paralipomènes (XI, 48).


Quoiqu'une grand route la traversât, les trois rois ne voulurent pas y entrer. Ils passèrent devant le côté oriental pour gagner une enceinte murée où se trouvaient des hangars et des écuries. Les rois y dressèrent leurs tentes, firent boire et manger leurs bêtes, et mangèrent eux-mêmes.


Je vis les rois s'arrêter ici le jeudi 20 et le vendredi 21 ; mais ils furent très attristés, parce qu'ici, comme dans la ville précédente, personne ne savait rien du roi nouvellement né. Cependant je les entendis raconter très amicalement aux habitants beaucoup de choses touchant la cause de leur départ, la longueur de la route et toutes les circonstances de leur voyage. Voici ce que je m'en rappelle encore :


Le roi nouveau-né leur avait été annoncé depuis très longtemps. Je pense que ce fut peu de temps après Job, et avant qu'Abraham n'allât en Égypte ; car une troupe, d'environ trois mille hommes de la Médie, venus du pays de Job (il y en avait aussi d'autres venus de pays différents), avaient fait une expédition en Égypte, et étaient venus jusque dans la contrée d'Eliopolis. Je ne sais pas bien pourquoi ils étaient allés si loin, mais c'était une expédition militaire ; je crois qu'ils étaient venus au secours de quelqu'un. Cependant leur expédition était blâmable, elle était dirigée contre quelque chose de saint ; je ne sais plus si c'était contre de saints hommes ou contre un mystère religieux qui concernait l'accomplissement de la promesse divine.


Dans les environs d'Héliopolis, plusieurs de leurs chefs eurent une révélation par suite de l'apparition d'un ange qui les empêcha d'aller plus loin. Il leur annonça un Sauveur qui devait naître d'une vierge et être honoré par leurs descendants. Je ne sais plus comment les choses se passèrent ; mais ils durent s'arrêter, revenir chez eux et observer les astres. Je les vis établir en Egypte des fêtes de réjouissance ; ils élevèrent des arcs de triomphe et des autels, les ornèrent de fleurs, puis ils revinrent dans leur patrie. C'étaient des gens de la Médie, adorateurs des étoiles ; ils étaient fort grands, presque comme des géants ; ils avaient une taille avantageuse et un beau teint brun tirant sur le jaune. Ils allaient avec leurs troupeaux d'un lieu à un autre, et dominaient partout à cause de leur force supérieure. J'ai oublié le nom d'un prophète principal qui était parmi eux. Ils connaissaient beaucoup de prédictions et observaient certains signes que leur donnaient les animaux. Souvent les animaux se mettaient en travers de leur route et se laissaient tuer plutôt que de se retirer. C'était pour eux un signe, et ils se détournaient des chemins où cela arrivait.


Ces Mèdes, revenant de l'Égypte, avaient les premiers, suivant le récit des saints rois, rapporté la prophétie, et l'on commença dès lors à observer les étoiles. Ces observations tombèrent en désuétude ; mais elles furent renouvelées par les soins d'un disciple de Balaam, et mille ans après celui-ci, les trois prophétesses, filles des ancêtres des trois rois, les firent reprendre. Cinquante ans plus tard, c'est-à-dire à l'époque où l'on était parvenu, l'étoile avait apparu et ils la suivaient pour adorer le nouveau roi.


Ils racontaient tout cela à leurs auditeurs avec beaucoup de simplicité et de sincérité, et ils furent affligés de voir que ceux-ci ne semblaient pas croire à ce qui, depuis deux mille ans, avait été l'objet de l'attente de leurs ancêtres


L'étoile fut obscurcie le soir par des vapeurs ; mais dans la nuit elle se montra grande et brillante entre les nuages qui couraient, et elle parut très près de la terre. Alors ils se levèrent en toute hâte, éveillèrent les habitants du pays et la leur montrèrent. Ces gens regardèrent le ciel tout étonnés et avec quelque émotion ; mais plusieurs s'irritèrent contre les saints rois, et la plupart ne cherchèrent qu'à tirer profit de leur libéralité.


Je les entendis dire combien de chemin ils avaient parcouru depuis leur lieu de réunion jusqu'ici. Ils comptaient par journées de voyage à pied, qu'ils évaluaient à douze lieues. Avec leurs montures, qui étaient des dromadaires et qui allaient plus vite que des chevaux, ils faisaient trente-six lieues par jour, en comptant la nuit et les haltes. Ainsi le plus éloigné des trois rois pouvait faire on deux jours les cinq fois douze lieues qui le séparaient du lieu où ils s'étaient réunis, et les moins éloignés faire en un jour et une nuit leurs trois fois douze lieues. De cet endroit où ils s'étaient réunis jusqu'ici ils avaient fait 672 lieues, et pour cela, à compter de la naissance de Jésus-Christ, ils avaient employé environ vingt-cinq jours et autant de nuits, les jours de repos compris.


Le soir du vendredi 21 décembre, comme le sabbat commençait pour les Juifs habitant ici, lesquels s'étaient rendus à la synagogue d'un petit endroit voisin en passant l'eau sur un pont qui se trouvait à l'ouest, les saints rois se préparèrent à partir. Je vis plusieurs fois ces Juifs regarder l'étoile qui guidait les rois et témoigner à cette, occasion un grand étonnement ; mais ils n'en étaient pas plus respectueux. Ces hommes effrontés et importuns se pressaient comme des essaims de guêpes autour des trois rois pour leur faire des demandes, et ceux-ci, pleins de patience, leur distribuaient sans cesse de petites pièces jaunes triangulaires qui étaient très minces, et aussi des grains de métal d'une couleur plus foncée. Ils devaient être bien riches.


Ils firent ensuite, conduits par les habitants, le tour des murs de la ville, dans laquelle je vis des temples avec des idoles ; puis ils traversèrent le torrent sur un pont et passèrent par le village juif. Ils avaient encore vingt-quatre lieues à faire pour arriver à Jérusalem.


LXII - Bethléem. - Arrivée de sainte Anne. - Libéralité de la sainte Famille.


Le soir du 19 décembre, je vis sainte Anne, avec Marie d'Héli, une servante, un domestique et deux ânes, passer la nuit à peu de distance de Béthanie : elle se rendait à Bethléem. Joseph avait à peu près fini ses arrangements dans la grotte de la Crèche et dans les grottes latérales, pour loger ses hôtes de Nazareth, et pour recevoir les trois rois, dont Marie avait récemment annoncé l'arrivée lorsqu'ils étaient à Causour. Joseph et Marie étaient allés dans l'autre grotte avec l'Enfant-Jésus. La grotte de la Crèche était entièrement débarrassée. L'âne seul y avait été laissé.


Joseph, autant que je puis m'en souvenir, avait depuis quelque temps payé le second impôt. De nouveaux curieux étaient venus de Bethléem pour voir l'enfant. Il s'était laissé prendre tranquillement par quelques-uns et s'était détourné de quelques autres en pleurant.


Je vis la sainte Vierge tranquille dans son nouveau logement, qui était arrangé commodément. Sa couche était contre la paroi. L'Enfant-Jésus était près d'elle dans une longue corbeille faite d'écorce, qui reposait sur des fourches. La couche de Marie, ainsi que le berceau de l'Enfant-Jésus qui était à côté, étaient séparés du reste par une cloison en clayonnage. Le jour, quand elle ne voulait pas être seule, elle était assise en avant de cette cloison, ayant l'enfant auprès d'elle. Joseph reposait dans une partie éloignée de la grotte, qui était aussi séparée du reste. Je vis Joseph porter des aliments à Marie dans un plat, ainsi qu'une petite cruche et de l'eau.


(Le jeudi, 20 décembre.) Ce soir commençait un jour de jeûne. Tous les aliments étaient préparés pour le jour suivant : le feu était couvert et les ouvertures voilées l. Sainte Anne était arrivée avec la soeur aînée de la sainte Vierge et une servante. Ces visiteurs devaient passer la nuit dans la grotte de la Crèche ; c'était pour cela que la sainte Famille s'était retirée dans la grotte latérale. J'ai vu aujourd'hui Marie mettre l'enfant dans les bras de sa mère : celle-ci était profondément touchée. Anne avait apporté des couvertures, des linges et des provisions de bouche. Elle dormit à l'endroit où Elisabeth avait reposé, et Marie lui raconta avec beaucoup d'émotion tout ce qui s'était passé. Anne pleura avec la sainte Vierge, et tout ce récit fut interrompu par les caresses de l'Enfant-Jésus.


(Le vendredi, 21 décembre.) Je vis aujourd'hui la sainte Vierge revenir dans la grotte de la Crèche et le petit Jésus c ouche de nouveau dans la crèche. Quand Joseph et Marie sont seuls près de l'enfant, je les vois souvent l'adorer. Je vis aussi aujourd'hui sainte Anne se tenir près de la crèche avec la sainte Vierge dans une attitude respectueuse, et contempler l'Enfant-Jésus avec un grand sentiment de dévotion et de ferveur. Je ne sais pas bien si les personnes qui accompagnaient sainte Anne avaient passe la nuit dans l'autre grotte, ou si elles étaient allées ailleurs. Je suis portée à croire qu'elles étaient ailleurs. Je vis aujourd'hui qu'Anne avait apporté différents objets pour la mère et pour l'enfant. Marie a déjà reçu bien des choses depuis qu'elle est ici ; mais tout, autour d'elle, présente l'image de la pauvreté, parce qu'elle donne tout ce dont elle peut se passer à la rigueur. Je l'entendis dire à Anne que les rois de l'Orient viendraient bientôt et que leur visite ferait un grand effet. Je crois que, pendant le séjour des rois, Sainte Anne ira à trois lieues d'ici, chez sa soeur, et qu'elle reviendra plus tard.


(Le samedi, 9 décembre.) Ce soir, après la clôture du Sabbat, je vis sainte Anne, avec sa compagne, quitter la sainte Vierge pour un certain temps. Elle s'en alla à trois lieues de là, dans la tribu de Benjamin, chez une soeur qui y était mariée. Je ne sais plus le nom de l'endroit, qui consiste seulement en quelques maisons dans une plaine. Il est à une demi-lieue du dernier logement de la sainte Famille dans son voyage à Bethléem.


LXIII - Voyage des trois Rois. Leur arrivée à Jérusalem. Hérode consulte les docteurs de la loi.


(Le samedi, 22 décembre.) Le cortège des trois rois partit la nuit de Mathanea, et suivit un chemin frayé. Ils ne traversèrent plus aucune ville, mais passèrent le long de tous les petits endroits dans lesquels Jésus, à la fin du mois de juillet de sa troisième année de prédication, enseigna, guérit et bénit les enfants : de ce nombre était Bethabara, où ils arrivèrent le matin de bonne heure pour le passage du Jourdain. Comme c'était le jour du sabbat, ils ne rencontrèrent que peu de gens sur le chemin.


Ce matin, à sept heures, je vis la caravane passer le Jourdain. Ordinairement on traversait le fleuve à l'aide d'un appareil en poutres ; mais pour de grands convois' avec de lourds bagages, on jetait une espèce de pont. Les bateliers qui habitaient sur les bords avaient coutume de faire ce travail moyennant une rétribution ; mais, comme c'était le jour du sabbat et qu'ils ne pouvaient pas travailler, les voyageurs s'occupèrent eux-mêmes de leur passage, et ils furent aidés par quelques païens, valets des bateliers. Le Jourdain n'était pas très large en cet endroit, et il était plein de bancs de sable. On plaça des planches sur les poutres à l'aide desquelles on passait ordinairement, et on y fit passer les chameaux. Il fallut assez de temps pour que tout le monde pût atteindre la rive occidentale.


Le soir, à cinq heures et demie, elle dit : ils ont laissé Jéricho à leur droite ; ils sont dans la direction de Bethléem, mais ils se détournent à droite dans cette de Jérusalem. Il y a bien une centaine d'hommes avec eux. Je vois dans le lointain une petite ville qui m'est connue ; elle est près d'un petit cours d'eau qui, à partir de Jérusalem, coule de l'ouest à l'est. Ils doivent certainement passer par cette petite ville. Pendant un certain temps, ils ont le petit cours d'eau à leur gauche. Tantôt on voit Jérusalem, tantôt elle disparaît, selon que la route monte ou descend. Elle dit plus tard : ils n'ont pas passé par la petite ville, ils se sont détournés à droite vers Jérusalem.


Le samedi soir, 22 décembre, après la clôture du sabbat, je vis le cortège des trois rois arriver devant Jérusalem. Je vis la ville avec ses hautes tours qui s'élevaient vers le ciel. L'étoile qui les conduisait avait presque disparu, elle jetait seulement encore une faible lueur derrière la ville. A mesure que les voyageurs s'étaient approchés de Jérusalem, ils avaient perdu de leur confiance, car l'étoile ne se montra t plus à eux si brillante, à beaucoup près, et en Judée ils la voyaient bien moins souvent. Ils avaient cru aussi trouver partout des fêtes et des réjouissances à cause de la naissance de ce Sauveur pour lequel ils étaient venus de si loin. Mais, comme ils ne rencontraient que la plus entière indifférence à ce sujet, ils s'attristaient, se troublaient et craignaient de s'être complètement trompés.


Le cortège, qui pouvait être de deux cents personnes, avait à peu près un quart de lieue de long. Déjà, à Causour, un certain nombre de gens de distinction s'étaient adjoints à eux. D'autres avaient fait de même plus tard. Les trois rois étaient assis sur trois dromadaires. Trois autres dromadaires étaient chargés de bagages. Chaque roi avait près de lui quatre hommes de sa tribu. La plupart des autres personnes du cortège montaient des animaux très légers à la course, qui avaient de très jolies têtes. Je ne sais pas si c'étaient des chevaux ou des ânes ; ils ne ressemblaient pas à nos chevaux. Ceux de ces animaux dont se servaient les gens de distinction, avaient de beaux harnais et de belles brides : ils étaient ornés de chaînes et d'étoiles d'or. Quelques gens de la suite des rois allèrent à la ville et revinrent avec des gardiens et des soldats. Leur arrivée, avec un si nombreux cortège, dans un moment où il n'y avait pas de fête, et sans qu'ils vinssent pour faire le commerce, était, sur cette route surtout, une chose tout à fait inaccoutumée Aux questions qu'on leur adressa, ils répondirent pourquoi ils venaient ; ils parlèrent de l'étoile et de l'enfant nouveau-né. Personne n'y pouvait rien comprendre. Ils furent très troublés de cela, et pensaient qu'ils s'étaient trompés, puisqu'ils ne trouvaient pas un homme qui parût savoir quelque chose touchant le Sauveur du monde ; car tous ces gens les regardaient avec surprise, et ne pouvaient s'imaginer ce qu'ils voulaient.


Quand les gardiens de la porte virent avec quelle bonté ils distribuaient d'abondantes aumônes aux mendiants qui s'approchaient d'eux, et les entendirent dire qu'ils cherchaient un logement, et qu'ils payeraient tout généreusement ; quand ils ajoutèrent qu'ils voulaient parler au roi Hérode, quelques-uns d'entre eux rentrèrent dans : la ville, et il s'ensuivit des allées et des venues, des messages et des explications. Pendant ce temps, les trois rois s'entretinrent avec des gens de toute espèce qui s'étaient rassemblés autour d'eux. Quelques-uns de ces hommes avaient entendu parler d'un enfant né à Bethléem, mais ils ne pensaient pas qu'il y eut là rien d'important, parce que les parents étaient pauvres et des gens du commun ; d'autres se moquaient d'eux. Ils comprirent, d'après ce qu'on leur disait, qu'Hérode ne savait rien touchant cet enfant nouveau-né, et comme, d'ailleurs, ils ne comptaient guère sur Hérode, ils furent de plus en plus découragés ; car ils étaient embarrassés de l'attitude qu'ils auraient devant Hérode et de ce qu'ils lui diraient. Leur tristesse pourtant ne leur fit pas perdre leur calme, et ils se mirent à prier. Alors le courage leur revint, et ils se dirent les uns aux autres : Celui qui nous a conduits si vite par le moyen de l'étoile, saura bien nous ramener heureusement chez nous.


Quand enfin les surveillants furent revenus, on conduisit le cortège le long des murs de la ville, et on les fit entrer par une porte située dans le voisinage du Calvaire. A peu de distance du marché aux poissons, ils furent conduits dans une cour ronde, entourée d'écuries et de logements, et à l'entrée de laquelle se tenaient des gardes. Les bêtes de somme furent mises dans les écuries ; eux-mêmes se retirèrent sous des hangars, dans le voisinage d'une fontaine placée au milieu de la cour. Cette cour touchait par un côté à une hauteur ; des autres côtés, elle était dégagée, et il y avait des arbres devant. Des employés vinrent alors, deux par deux, avec des lanternes, et visitèrent les bagages des rois. Je pense que c'étaient des douaniers.


Le palais d'Hérode était situé plus haut, à peu de distance de cet édifice, et je vis le chemin éclairé par des lanternes et des falots placés sur des perches. Il envoya un de ses valets, chargé d'amener secrètement le roi Théokéno dans son palais. Il était près de dix heures du soir. Théokéno fut reçu dans une salle d'en bas par un courtisan d'Hérode et interrogé sur les motifs de son voyage. Il raconta tout avec une grande simplicité, et pria cet homme de demander à Hérode où était le roi nouveau-né des Juifs, dont ils avaient vu et suivi l'étoile.


Lorsque le courtisan eut fait son rapport à Hérode, celui-ci fut d'abord très troublé, mais il se remit et fit répondre qu'il voulait faire prendre des informations à ce sujet. Il fit engager les trois rois à se reposer en attendant ; car, disait-il, il voulait s'entretenir avec eux le lendemain et leur faire connaître ce qu'il aurait appris.


Lorsque Théokéno revint près de ses compagnons de voyage, il ne put leur porter aucune nouvelle qui les consolât. On n'avait rien disposé pour les faire reposer, et ils tirent refaire bien des paquets qui avaient été défaits. Je ne les vis pas dormir pendant cette nuit, mais quelques-uns d'entre eux errèrent dans la ville, regardant le ciel comme pour y chercher leur étoile. Dans Jérusalem même tout était silencieux, mais devant la cour on s'agitait et on prenait des informations. Les rois supposaient qu'Hérode devait tout savoir, mais qu'il se cachait d'eux.


Il y avait une fête chez Hérode au moment où Théokéno était dans le palais ; les salles étaient éclairées : on voyait là toutes sortes de gens et des femmes parées indécemment. Les questions de Théokéno touchant un roi nouveau-né troublèrent beaucoup Hérode, et il fit aussitôt convoquer chez lui les princes des prêtres et les scribes. Je les vis, avant minuit, venir près de lui avec des rouleaux d'écriture. Ils avaient leurs costumes de prêtres, des plaques sur la poitrine et des ceintures sur lesquelles étaient brodées des lettres. J'en vis environ une vingtaine autour de lui. Il leur demanda où le Messie devait naître ; je les vis alors déployer leurs rouleaux et répondre en désignant un passage avec le doigt : " il doit naître à Bethléem de Juda, disaient-ils, car il est écrit dans le prophète Michée : " Et toi, Bethléem, tu n'es pas a la plus petite parmi les princes de Juda ; car c'est de toi que sortira le chef qui doit gouverner mon peuple dans Israel ". Je vis alors Hérode se promener avec quelques-uns d'entre eux sur le toit en terrasse du palais et chercher inutilement des yeux l'étoile dont avait parlé Théokéno. Il était extraordinairement inquiet ; mais les prêtres et les docteurs lui firent de longs discours pour le tranquilliser, disant qu'il ne fallait pas attacher d'importance aux propos des rois mages ; que ces gens, amis du merveilleux, se faisaient toujours de singulières imaginations avec leurs étoiles ; que si quelque chose de pareil avait eu lieu, on le saurait dans le temple et dans la ville sainte, qu'Hérode et eux-mêmes ne pourraient l'ignorer.


LXIV - Les Rois devant Hérode. Conduite de celui-ci et ses motifs.


(Le dimanche, 23 décembre.) Aujourd'hui, de très grand matin, Hérode fit conduire secrètement les trois rois dans son palais. Ils furent reçus sous une arcade et conduits dans une salle où je vis des branches vertes et des bouquets dans des vases, et où on avait préparé quelques rafraîchissements. Au bout de quelque temps, Hérode vint ; ils s'inclinèrent devant lui et l'interrogèrent sur le roi des Juifs nouvellement né. Hérode cacha du mieux qu'il put son agitation et feignit une grande joie. Il y avait encore quelques scribes avec lui. Il leur fit des questions sur ce qu'ils avaient vu, et Mensor lui décrivit la dernière apparition qu'ils avaient vue dans le ciel avant leur départ : c'était, lui dit-il, une vierge, et devant elle un enfant, du côté droit duquel était sortie une branche lumineuse ; puis, au-dessus de celle-ci, s'était montrée une tour à plusieurs portes. Cette tour était devenue une grande ville, au-dessus de laquelle l'enfant avait paru avec une couronne, un glaive et un sceptre comme un roi ; après quoi ils s'étaient vus eux-mêmes, ainsi que tous les rois du monde, prosternés devant l'enfant et l'adorant ; car il avait un empire auquel tous les autres empires devaient se soumettre, etc. Hérode leur dit qu'il existait une prophétie disant quelque chose de semblable à propos de Bethléem Ephrata ; il les engagea à y aller sans bruit, et quand ils auraient trouvé l'enfant, à revenir le lui dire, afin que lui aussi pût aller l'adorer. Les rois, qui n'avaient pas touché aux mets qu'on avait apprêtés pour eux, s'en retournèrent à leur logis. Il était encore de grand matin, car je vis des lanternes allumées devant le palais. Hérode conféra avec eux très secrètement' pour éviter qu'on en parlât. Comme il commençait à faire jour, ils se préparèrent à partir. Les gens qui avaient accompagné le cortège jusqu'à Jérusalem s'étaient dès la veille dispersés dans la ville.


Hérode était en ce moment plein de mécontentement et d'irritation. Lors de la naissance de Jésus-Christ, il se trouvait dans un château qu'il avait près de Jéricho, et il s'était rendu coupable d'un lâche assassinat. Il avait placé dans la haute administration du temple des gens de son parti qui espionnaient à son profit ce qui se passait là, et lui dénonçaient ceux qui s'opposaient à ses desseins. Le principal de ses adversaires était un haut fonctionnaire du temple, homme juste et pieux. Hérode, sous les dehors de l'amitié, le fit inviter à venir le trouver à Jéricho, puis il le fit attaquer et assassiner dans le désert, mettant ce meurtre sur le compte des brigands. Quelques jours après, il alla à Jérusalem pour prendre part à la célébration de la fête de la dédicace du temple, qui avait lieu le 25 du mois de Casleu, et il s'y engagea dans une affaire très désagréable. Voulant faire plaisir aux Juifs à sa manière, il avait fait faire en or une figure d'agneau, ou plutôt de chevreau, car elle avait des cornes, afin que cette image fût placée sur la porte qui conduisait de la cour des femmes à la cour des immolations. Il voulut faire cela de sa propre autorité, et que pourtant on lui en sût gré. Les prêtres s'y étant opposés, il les menaça de leur faire payer une amende ; ils déclarèrent qu'ils la payeraient, mais qu'ils n'admettraient pas l'image en question, parce que cela était contraire aux prescriptions de la loi. Hérode furieux voulut faire placer l'image secrètement ; mais, quand on l'eut apportée, un Israélite zélé la saisit et la jeta par terre, en sorte qu'elle se brisa en deux morceaux. Il y eut du tumulte à cette occasion, et Hérode fit mettre cet homme en prison. Cette affaire l'avait fort irrité, et il se repentait d'être venu à la fête. Mais ses courtisans tâchaient de le distraire et de l'amuser.


Il était dans cette disposition d'esprit lorsque des bruits se répandirent sur la naissance du Christ. Depuis longtemps, en Judée, plusieurs hommes pieux vivaient dans l'attente de la venue du Messie, qu'ils regardaient comme prochaine. Ce qui s'était passé lors de la naissance de Jésus avait été divulgué par les bergers. Cependant beaucoup de gens considérables regardaient tout cela comme des fables et de vains discours. Hérode en avait aussi entendu parler, et il avait fait prendre très secrètement des informations à Bethléem ; ses émissaires étaient venus à la crèche trois jours après la naissance de Jésus, et, après s'être entretenus avec saint Joseph, ils déclarèrent, en hommes orgueilleux qu'ils étaient, que c'était une chose sans conséquence ; qu'il n'y avait là qu'une pauvre famille dans une misérable grotte, et que tout cela ne méritait pas qu'on s'en occupât. Leur orgueil même les avait empêchés, dés le commencement, d'interroger sérieusement saint Joseph, d'autant plus qu'ils avaient reçu l'ordre d'éviter ce qui pourrait attirer l'attention. Mais tout d'un coup Hérode vit arriver les trois rois avec leur immense suite, ce qui le jeta dans une grande inquiétude ; car ils venaient de bien loin, et c'était là quelque chose de plus que de simples bruits. Comme ils parlaient avec tant d'assurance du roi nouveau-né, il teignit aussi de vouloir lui rendre hommage, et ils se réjouirent de le voir ainsi disposé. L'aveuglement orgueilleux des scribes ne parvint pas à le tranquilliser, et l'intérêt qu'il avait à tenir cet incident aussi secret que possible détermina sa conduite. Il ne fit d'abord aucune objection aux explications des trois rois ; il ne mit pas non plus aussitôt la main sur Jésus, pour ne pas donner crédit à leurs dires en présence d'un peuple très difficile à manier. Il résolut d'obtenir des informations plus exactes par le moyen même des trois rois, et de prendre ensuite des mesures en conséquence. Mais, comme les rois, avertis par Dieu, ne revinrent pas vers lui, il fit représenter leur fuite comme la conséquence d'une illusion ou d'un mensonge de leur part. On fit répandre partout qu'ils n'avaient pas osé reparaître, parce qu'ils étaient honteux de l'erreur grossière où ils étaient tombés et où ils avaient voulu entraîner les autres ; " car, sans cela, disait-on, quelles raisons auraient-ils pu avoir pour s'enfuir clandestinement, après avoir été reçus d'une façon si amicale ? "


C'est ainsi qu'il essaya plus tard d'assoupir toute l'affaire. Il fit seulement dire à Bethléem qu'on ne devait pas se mettre en rapport avec cette famille dont il avait été parlé, ni accueillir des bruits et des inventions propres à égarer les esprits. Comme la sainte Famille retourna à Nazareth quinze jours plus tard, on cessa bientôt de parler d'événements sur lesquels la multitude n'avait eu que des renseignements assez vagues, et les gens pieux qui espéraient gardèrent le silence.


Quand tout parut à peu près oublié, Hérode pensa à se défaire de Jésus, mais il apprit que la famille avait quitté Nazareth avec l'enfant. Il le fit longtemps rechercher ; mais, tout espoir de le trouver s'étant évanoui, son in quiétude en devint plus grande, et il eut recours à la mesure désespérée du massacre des enfants. Il prit, du reste, à cette occasion les plus grandes précautions, et envoya d'avance des troupes partout où l'on pouvait craindre quelque émeute. Je crois que le massacre eut lieu en sept endroits.



Brentano - Bse Emmerich, Vie Vierge Marie - LX - Bethléem. La sainte Vierge a le pressentiment de rapproche des trois Rois.