Chrysostome Homélies 65100

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S'il est nécessaire que le corps ne soit pas séparé de la tête, il faut de même que l'église reste attachée à son évêque, que le peuple reste attaché à son prince: comme les branches tiennent aux racines, les fleuves à leurs sources, ainsi les fils doivent rester unis à leur père, les disciples à leur maître. Ce préambule que nous adressons à votre charité n'est pas inutile; notre but c'est, vu la communication particulière que nous avons à vous faire, de prévenir toute espèce de trouble, toute interruption de notre entretien; notre but, c'est de faire croître en vous l'obéissance des disciples et de vous mettre à même de manifester l'affection que vous portez à votre père. Faites-moi une parure, mes fils; mettez sur mon front la couronne de votre obéissance; faites que tous me jugent bienheureux et glorifiez mon enseignement par votre obéissance, selon les avis de l'Apôtre qui vous dit: Obéissez â vos conducteurs et soyez-leur soumis; car ce sont eux qui veillent pour vous, comme devant rendre compte de vos âmes. (
He 13,17) Je vous donne donc ce conseil et je commence par là pour que personne ne se révolte confire l'avertissement commun que je viens vous. adresser. En effet je suis père et il est nécessaire que mes conseils persuadent mes fils; car ce que fait la nature de la chair dans les pères selon la chair, c'est la grâce de l'Esprit qui l'opère en nous. Je suis père, et ma crainte paternelle est si vive pour mes fils, que s'il faut verser mon sang pour vous je suis prêt. Et en cela je ne mérite pas de reconnaissance. Car c'est la loi des apôtres, c'est le précepte du Seigneur: Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis. (Jn 10,11) A votre tour, faites pour nous de même, car vous avez pour nous la même affection. Ecoutez ce que dit Paul: Saluez de ma part Priscille et Aquila, qui ont travaillé avec moi en Jésus-Christ; qui ont exposé leur tête pour me sauver la vie. (Rm 16,3-4) En effet, s'il est beau que le pasteur s'immole pour ses brebis, en retour il est beau que les brebis ne se séparent pas de leur pasteur, même par la mort. Car tant qu'elles seront unies à lui sans jamais s'en séparer, elles ne craindront pas le loup, le démon. C'est que la charité est un mur plus solide que le diamant: Et le frère qui est aidé par son frère, est comme une ville forte et qui est bien assurée. (Pr 18,19) Toutes ces paroles tendent à ce que vous écoutiez, avec une entière affection, ce que nous vous disons, et qu'aucun de vous ne commence à se troubler.

Nous parlons d'une chose qui mérite qu'on en parle dans l'église, digne d'être écoutée par vous sans répugnance. C'est pour la paix que nous vous adressons la parole. Eh! quoi de plus convenable que le prêtre de Dieu persuadant au peuple la paix? Pas de contradiction possible, du moment que le sujet de l'ambassade est conforme à la sainteté, et l'ambassadeur accepté. C'est pour la paix que nous vous adressons la parole, pour cette paix qui a fait descendre. le Fils de Dieu sur la terre, lui qui est venu pacifier par son sang, non-seulement ce qui est sur la terre, mais ce qui est dans le ciel, et unir la terre au ciel. C'est pour la paix que nous vous adressons la parole; pour cette paix le Fils de Dieu a souffert; pour cette paix il a été mis en croix, enseveli; cette paix, il nous l'a laissée pour tout héritage, pour toute (312) richesse; c'est comme le mur qu'il a donné à l'Eglise; c'est le bouclier dont il l'a couverte contre les assauts du démon; c'est le glaive qu'il lui a mis dans la main contre l'enfer; c'est le port d'une tranquillité parfaite où il a abrité les fidèles; c'est la propitiation qui reconquiert la faveur de Dieu; c'est l'absolution concédée à nos fautes; au nom de cette paix, je suis l'ambassadeur envoyé auprès de vous. Ne me faites pas un affront; ne faites pas que ma mission soit déshonorée; avec moi dites oui, je vous en prie. Bien des choses, depuis longtemps, dans l'Eglise, des choses fâcheuses ont eu lieu; je confesse mon Dieu, mais je ne loue pas les agitations ni les troubles, je n'embrasse pas les séditions. Tenez, il en est temps, laissons cela; mettez un terme à tout cela; concorde, paix, modérez-vous, plus d'emportements, plus de colère: c'est bien assez de ce que l'Eglise a été dans la douleur; assez, finissons, plus de trouble: telle est la volonté de Dieu, et tel est l'agrément de notre très-pieux empereur. Car il faut bien assurément obéir aux chefs des Etats, surtout quand ils sont les premiers à obtempérer aux lois de l'Eglise. Car, dit l'Apôtre: Soyez soumis aux princes et aux puissances. (Tt 3,1) A combien plus forte raison, à un prince religieux et qui souffre pour l'Eglise? .

Donc si j'ai préparé vos esprits à recevoir mon ambassade, recevez notre frère l'évêque Sévérien. Je vous rends grâce de la faveur avec laquelle vous avez accueilli mes paroles. Vous m'avez donné les fruits de votre obéissance: c'est maintenant que je me réjouis d'avoir semé une bonne semence. Voici, en effet, que je vais récolter tout de suite les gerbes du froment. Que le Seigneur vous accorde la récompense de votre bonté, le salaire de votre obéissance: car c'est bien maintenant que vous avez offert à Dieu la vraie victime de paix, puisque personne parmi vous ne s'est troublé en entendant ce nom, mais que votre charité l'accueille; dès que nous vous avons parlé, vous avez chassé de votre âme tout sentiment de colère. Recevez-le donc de tout coeur, à bras ouverts. S'il a été fait quelque chose de fâcheux, oubliez; parce que, du moment que le temps de la paix est venu, il ne faut plus se souvenir. d'aucun motif de discorde, afin qu'il y ait joie au ciel, joie sur la terre, allégresse et doux transport d'esprit dans l'Eglise de Dieu. Et maintenant prions, pour que Dieu daigne garder son Eglise dans la paix, lui accorder une paix assurée et durable, en Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui appartient la gloire, ainsi qu'à Dieu le Père, en même temps qu'au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.




DISCOURS DE SÉVÉRIEN SUR LA PAIX après qu'il eût été accueilli par le bienheureux Jean, évêque de Constantinople.

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A l'avènement du Seigneur notre Sauveur, quand il parut présent, en corps, sur la terre, les choeurs des anges du ciel évangélisaient les bergers, en leur disant: Nous vous apportons aujourd'hui une nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple. (
Lc 2,10) Nous voulons emprunter les paroles des saints anges eux-mêmes, nous vous annonçons aujourd'hui une grande joie. Aujourd'hui, l'Eglise est dans la paix, et les hérétiques sont livrés à la colère. Aujourd'hui, le vaisseau de l'Eglise est dans le port, et la fureur des hérétiques est ballottée par les flots. Aujourd'hui, les pasteurs de l'Église sont dans la sécurité, et les hérétiques sont dans le Trouble. Aujourd'hui, les brebis du Seigneur sont en sûreté et les loups, en proie à la rage. Aujourd'hui, la vigne du Seigneur est dans l'abondance, et les ouvriers de l'iniquité dans le besoin. Aujourd'hui, le peuple du Christ est exalté, et les ennemis de la vérité sont humiliés. Aujourd'hui, le Christ est dans la joie, et le démon est dans le deuil. Aujourd'hui, les anges sont dans l'allégresse, et les puissances de l'enfer dans la confusion. Et qu'est-il besoin de tant de paroles? Aujourd'hui, le Christ, qui est le roi de paix, s'avançant avec sa paix, a mis en fuite tout dissentiment, en déroute les dissensions, chassé, exterminé la discorde. Et, comme la splendeur du soleil illumine le ciel, ainsi l'Église s'illumine des douces clartés de la paix. La paix! ô combien désirable est ce nom; quel stable fondement de la religion des Chrétiens; quelle armure céleste pour la défense de l'autel du Seigneur! Et quelles premières paroles pouvons-nous consacrer en l'honneur de la paix? La paix, c'est le nom du Christ lui même, comme dit l'Apôtre: Car le Christ est notre paix, lui qui des deux peuples n'en a fait qu'un (Ep 2,14); ce n'était pas la différence de la foi, mais la haine du démon qui les divisait. Mais, comme on voit, quand an roi. s'avance, les places se nettoyer, la cité tout entière se couronner de fleurs, se parer de divers ornements, afin que tout soit digne des regards du roi; de même, en ce jour où s'avance le Christ, le roi de paix, faisons disparaître tout ce qui afflige les yeux; qu'à la lumière de la vérité, le mensonge prenne la fuite; que la discorde disparaisse au loin, la concorde resplendit. Nous avons vu souvent, dans des tableaux représentant des rois ou des frères, le peintre figurer leur unanimité par une femme, que l'on aperçoit derrière eux; c'est la concorde qui les tient tous les deux dans ses bras; elle montre ainsi que ceux qui forment deux corps distincts, ne sont qu'un par l'accord des pensées et de la volonté: de même, en ce jour, la paix du Seigneur au milieu de nous, nous serrant tous les deux sur son coeur plein d'amour, montre à tous que ceux qu'elle réunit dans ses bras ne font, de deux corps, qu'une seule âme. En elle s'accomplit manifestement la parole du Prophète: Et il y aura entre eux une alliance de paix. (Za 6,13)

Hier, notre père commun a fait entendre. avec une bouche évangélique, les préliminaires de la paix; aujourd'hui, c'est à notre tour de publier les paroles de la paix. Hier, nous tendant les mains, il nous a accueilli avec un langage (313) pacifique; à notre tour aujourd'hui, de dilater notre coeur, d'ouvrir les bras, de nous présenter au Seigneur, avec les offrandes de la paix. Maintenant, c'en est fait de toute guerre; la beauté de la paix a prévalu. Maintenant, le démon est dans le deuil, et toute l'armée des enfers se lamente; maintenant la joie est dans le ciel, et l'allégresse transporte les anges, ces amis naturels, ces plus chers amis de la paix. En effet, les vertus célestes elles-mêmes admirent ce bien dont elles possèdent la source éternelle,. intarissable, de laquelle nous vient goutte à goutte, sur la terre, une divine rosée. Aussi, quoique nous ne goûtions que la paix de la terre, la splendeur de cette paix rejaillit jusqu'au ciel; les anges du ciel l'exaltent et s'écrient: Gloire à Dieu, dans les hauteurs du ciel et sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté! (Lc 2,14) Voyez comme tous, dans le ciel, sur la terre, s'envoient réciproquement les présents de la paix! Les anges du ciel annoncent la paix à la terre; les saints, sur la terre, s'accordent pour louer ensemble le Christ, qui est notre paix, le Christ assis au milieu des choeurs célestes; et leurs voix se joignent à ces choeurs mystiques, pour crier: Hosanna au plus haut des cieux! (Mt 21,9) Disons donc, nous aussi: Gloire à Dieu, au plus haut des cieux! il a humilié le démon, il a exalté son Christ. Gloire à Dieu au plus haut des cieux! il met en fuite la discorde, et il établit la paix. Je vous parle ici des artifices du démon, vous n'en ignorez pas l'astuce. Satan a vu la fermeté de votre foi, les dogmes établis dans l'enceinte inébranlable de la piété, il a vu l'abondance des fruits, des bonnes oeuvres et alors, à ce spectacle, sa rage s'est enflammée; dans le délire brûlant de sa fureur, il a voulu déchirer l'amitié, arracher des coeurs la charité, rompre tous les liens de la paix, mais puisse la paix du Seigneur être toujours avec nous, en Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui, comme à Dieu le Père et au Saint-Esprit, appartient la gloire dans les siècles des siècles! Ainsi soit-il.




AVANT QUE SAINT JEAN CHRYSOSTOME PARTIT EN EXIL.



Première homélie.

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AVERT1SSEMENT.

Le conciliabule du Chêne ayant prononcé une sentence de déposition contre saint Chrysostome en 403, l'empereur Arcade, qui l'avait confirmée, donna ses ordres pour le faire chasser de la ville. Dès que les fidèles en furent informés, ils se soulevèrent avec beaucoup de chaleur et veillèrent pendant trois jours à la garde de leur pasteur, passant tout ce temps en prières, et oubliant même le soin de leur corps. Le saint évêque, à qui on avait signifié l'ordre d'Arcade, refusa les deux premiers jours d'y, obéir, attendant qu on lui fit violence. Le second jour, il fit à son peuple réuni un discours plein d'édification et de consolation pour tous ceux qui souffrent pour la justice. Nous l'avons encore en grec, mais on y a ajouté plusieurs choses qui ne sont point dignes de saint Chrysostome, et dans lesquelles on ne reconnaît point son style; elles sont plutôt de quelque mauvais déclamateur, et d'ailleurs elles n'ont aucune liaison avec ce qui précède.

Ces choses indignes de saint Chrysostome remplissent les deux derniers numéros du texte grec, nous n'en donnons pas la traduction.


65401 1. Les flots s'amoncèlent et la tempête devient sinistre; mais nous ne craignons pas d':être engloutis, car c'est sur la pierre que nous sommes établis. Que la mer se livre à ses fureurs, elle ne peut pas dissoudre la pierre; que les flots redoublent de violence, les flots n'ont pas assez de force pour faire Sombrer la barque de Jésus. Que pouvons-nous craindre? répondez-moi. La mort? Ma vie, à moi, c'est le Christ; et mourir est mon gain. (Ph 1,21) Est-ce l'exil? répondez-moi. C'est au Seigneur qu'appartient la terre, et tout ce qui la remplit. (Ps 23,1) Est-ce la confiscation de nos biens? Nous n'avons rien apporté en venant au monde, il est évident que nous n'en pouvons rien emporter (1Tm 6,7), et ce que le monde trouve de terrible excite mon mépris, et ses biens sont pour moi un objet de risée. Je ne crains pas la pauvreté; je ne désire pas la richesse; je ne m'effraye pas de la mort; je ne souhaite pas la vie, à moins que ma vie ne serve à votre avancement. Aussi, en vous parlant des choses présentes, j'exhorte votre charité à la confiance. Personne ne peut nous séparer; car ce que Dieu a joint, l'homme ne peut le désunir. En effet, si au sujet de la femme et de l'homme, Dieu a dit: Pour leur union, l'homme quittera son père et sa mère; et il s'attachera a sa femme; et à eux deux, ils ne seront qu'une seule chair. (Gn 2,24) Ce que Dieu a joint, que l'homme ne le sépare pas. (Mt 19,5-6) Si vous ne pouvez pas rompre le mariage, combien vous est-il, à plus forte raison, impossible de rompre l'union de l'Eglise de Dieu avec son pasteur? Sachez bien que vous la combattez sans pouvoir nuire en rien à celui que vous combattez. Sachez bien que vous ne faites qu'ajouter à ma gloire, et (316) que vous brisez votre propre force en luttant contre moi; car il vous est dur de regimber contre l'aiguillon. (Ac 9,5) Vous ne pouvez rien contre l'aiguillon, mais vous ensanglantez vos pieds; les flots ne peuvent pas dissoudre la pierre, ils se décomposent eux-mêmes en écume,

Rien n'a plus de force que l'Eglise, ô homme. Mets un terme à ta guerre, si tu ne veux pas voir le terme de ta puissance; n'entreprends pas de guerre contre le ciel. Si tu combats un homme, tu peux être ou vainqueur ou vaincu. Mais si tu combats l'Eglise, que tu sois vainqueur, c'est impossible; car Dieu est toujours le plus fort. Est-ce que nous rivalisons avec le Seigneur? Est-ce que nous sommes plus forts que lui? (1Co 10,22) C'est Dieu qui a fondé, qui tentera d'ébranler? Vous ne connaissez pas sa puissance. Il jette un regard sur la terre, et il la fait trembler (Ps 104,32); il commande, et ce qui tremble s'est raffermi. S'il a rétabli dans le calme la ville agitée, à bien plus forte raison, l'Eglise, il peut la rendre solide. L'Eglise est plus forte que le ciel. Le ciel et la terre passeront, mais les paroles que je dis ne passeront pas. (Mt 24,35) Quelles paroles? Tu es Pierre, et sur cette pierre qui m'appartient, j'édifierai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle. (Mt 24,16 Mt 24,18)

65402 2. Si vous n'en croyez pas la parole, croyez-en l'expérience. Que de tyrans ont voulu dominer l'Eglise! Comptez les chaudières, les fournaises, les bêtes féroces, les glaives aiguisés! et ils ne l'ont pas dominée. Où sont-ils ceux qui lui ont fait la guerre? Ils ont été réduits au silence, livrés à l'oubli. Au contraire, du est l'Eglise? Elle efface le soleil par sa splendeur. Ses ennemis, avec tout ce qui tenait à eux, sont éteints; à tout ce qui tient à l'Eglise, l'immortalité. Si les chrétiens, en petit nombre, n'ont pas été vaincus, aujourd'hui que leur religion remplit la terre, comment pouvez-vous les vaincre? Le ciel et la terre passeront, mais les paroles que je dis ne passeront pas. Et c'est justice; car pour Dieu l'Eglise a plus de charmes que le ciel. A n'a pas pris le corps du ciel, mais il a pris la chair de l'Eglise; le ciel est pour l'Eglise et non l'Eglise pour le ciel. N'éprouvez aucun trouble de ce qui est arrivé. Accordez-moi cette grâce, une foi invariable. Ne savez-vous pas que si Pierre, marchant sur les eaux, se vit, pour un moment de doute, sur le point d'être submergé, ce n'était pas l'impétuosité furieuse des flots, mais parce, que sa foi était faible? Sont-ce les volontés humaines qui nous ont amenés au point où nous sommes? Est-ce que c'est un homme qui nous a faits ce que nous sommes pour que ce soit un homme qui nous brise? Ce n'est pas dans le délire de l'orgueil que je parle ainsi, loin de moi l'arrogance, mais je veux consolider ce que je vois d'ébranlé en vous. La cité était calme et forte, alors le démon a voulu ébranler l'Eglise. Esprit impur, abîme d'impureté, tu n'as pas pu, ô démon, renverser les murailles, et tu crois pouvoir,ébranler l'Eglise? Est-ce que l'Eglise réside dans des murailles? C'est dans la foule des fidèles que réside l'Eglise. Voyez, que de colonnes solides; ce n'est pas le fer qui en lie les parties, c'est la foi qui les cimente. Je ne dis pas qu'une si grande foule a plus d'impétuosité que le feu, mais n'y eût-il qu'un fidèle, tu n'en viendrais pas à bout, ô démon! Vois donc quelles blessures t'ont faites les martyrs. On a vu souvent venir une jeune vierge, molle et délicate, elle était plus molle que la cire, et elle devenait plus solide que la pierre. Tu lui perçais les flancs, sans pouvoir lui ravir sa foi. La chair était vaincue, et la foi triomphait; le corps était consumé, la pensée reprenait toute sa jeunesse, la substance se dissipait, mais la piété persistait toujours. Tu n'as pas pu vaincre une femme seule, et tu crois vaincre un si grand peuple? N'entends-tu pas la voix du Seigneur: En quelque lieu que deux ou trois soient rassemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux? (Mt 18,20) Combien plus ne sera-t-il pas où se trouve un si grand peuple uni par la charité? J'ai son gage. Est-ce que ma confiance me vient d'une force particulière? J'ai son écrit. Voilà mon bâton, voilà ma force, voilà mon. port à l'abri des tempêtes. Quand toute la terre serait bouleversée, j'ai son écrit; je le lis; ces caractères que je lis, ces paroles, voilà mon mur d'appui; voilà ma sûreté. Quelles paroles? Je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles. (Mt 28,20) Le Christ est avec moi, qui donc craindrai-je? quand les flots se soulèveraient contre moi, et la mer, et les fureurs des princes, tout cela est plus mince à mes yeux que les toiles de l'araignée. Sans la charité qui nie fait vivre pour vous, aujourd'hui même j'aurais consenti à partir. Car je dis toujours, Seigneur que votre volonté soit faite (Mt 6,10), non ce que veut un tel ou un tel, mais ce que vous voulez. Voilà ma tour, mon roc, qui ne bouge pas, mon bâton qui tient ferme. Si c'est la volonté de Dieu que telle chose arrive, eh bien, qu'elle arrive! S'il me veut ici, je le bénis; partout où il me voudra, je le bénis.

65403 3. Que personne ne vous trouble: priez. Le démon a fait ces choses pour interrompre votre application à la prière. Mais il s'agite en vain; au contraire, nous vous trouvons plus zélés, plan fervents. Demain je viendrai me joindre à vos prières. Où je suis, vous êtes; où vous êtes, je suis; nous ne sommes qu'un même corps; le corps ne se sépare pas de la tête; la tête ne se sépare pas du corps. Les lieux nous divisent, mais la charité nous unit; la mort même ne pourra pas nous désunir. Quand mon corps viendrait à mourir, mon âme vit, elle garde le souvenir de mon peuple. Vous êtes mes pères, comment puis-je vous oublier? vous êtes mes pères, vous êtes ma vie; vous êtes ma gloire. Vos progrès sont ma gloire, si bien que ma vie, ma richesse, réside dans ce trésor qui est le vôtre. Je suis prêt à subir pour vous mille morts, et je ne vous fais en cela aucune faveur, je vous paire une dette: Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis (Jn 10,11), il se laisserait mille fois égorger, mille fois trancher la tête. Cette mort, c'est le fondement de l'immortalité; ces assauts, c'est la voie qui mène à la vie pour jamais tranquille. Ce n'est pas l'amour des richesses qui m'expose à ces attaques, pour que je m'afflige; ce ne sont pas mes péchés, pour que je verse des larmes. Est-ce là ce qui cause mes épreuves? C'est l'amour que j'ai pour vous; je fais tout pour vous maintenir inébranlables, pour prévenir toute invasion dans la bergerie, pour conserver mon troupeau intact. La cause de mes combats me suffit pour la couronne. Que ne souffrirais-je pas pour vous? Vous êtes mes concitoyens, vous êtes mes pères, vous êtes mes frères, vous êtes mes enfants, vous êtes mes membres, vous êtes mon corps, vous êtes ma lumière, ou plutôt, vous êtes plus doux pour moi que cette lumière. Les rayons du soleil ont-ils pour moi une douceur égale à celle de votre amour? Ces rayons me servent pour la vie présente, mais votre amour me tresse une couronne pour l'avenir. Je dis ces paroles pour les oreilles de ceux qui m'écoutent. Qu'y a-t-il de plus prompt à écouter que vos oreilles? Il y a tant de jours que vous veillez, sans que rien ait pu votas abattre, ni la longueur du temps vous amollir, malgré les sujets de crainte, malgré les menaces; devant tous les dangers, vous êtes devenus des hommes forts. Que dis-je? Vous êtes devenus ce que j'ai toujours désiré, vous avez méprisé les choses du siècle, vous avez dit adieu à la terre, vous vous êtes élancés jusqu'au ciel. Vous vous êtes affranchis des liens du corps, vous combattez pour atteindre à cette sagesse qui est la félicité! Voilà mes couronnes, voilà ce qui m'encourage, voilà ma consolation, voilà l'onction polir moi, pour moi la vie, pour moi le fondement de l'immortalité. Voilà ce dont nous rendons grâces à Dieu, à qui appartient la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


Deuxiéme homélie. Saint Jean Chrysostome au moment de partir pour l'exil.

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AVERTISSEMENT.

Ce qu'il y a de bon dans ce discours se trouve déjà dans le précédent. Le reste ne parait pas digne de saint Chrysostome. Une chose cependant semble prouver l'authenticité de cette homélie. Dans son premier discours après son retour de l'exil saint Chrysostome dit: Vous vous souvenez que j'ai fait paraître au milieu de vous le bienheureux patriarche Job... Or, le patriarche Job figure en effet dans le discours qu'on va lire. Mais le faussaire pourrait avoir tiré le passage du discours authentique qui existait encore. Quoiqu'il en soit, ceux qui soutiennent que la pièce suivante est de saint Chrysostome sont obligés d'avouer qu'elle a subi de graves altérations de la part des copistes.



65501 1. Heureux sujet d'entretien pour nous, mes frères, brillante réunion! c'est la mer, vaste et spacieuse, aux flots pressés, mais que n'agitent pas les vents impétueux. Car elle est venue celle qui enfante la paix, qui éteint l'impétuosité des vents, La mère de Sion dira: un grand nombre d'hommes sont nés dans elle; et le Très-Haut lui-même l'a fondée. (Ps 87,5) Mes chers petits enfants, on veut ma mort! Et pourquoi craindrais-je la mort? Ma vie à moi, c'est le Christ, et mourir est mon gain. (Ph 1,21) Mais ils vous enverront en exil? C'est au Seigneur qu'appartient la terre, et tout ce qui la remplit. (Ps 23,1) Mais la confiscation de mes biens? Nous n'avons rien apporté en venant au monde, il est évident que nous n'en pouvons rien emporter. (1Tm 6,7) Mais vous savez bien, mes frères, pourquoi ils veulent me déposer. C'est que je n'ai pas déployé de tapisseries; c'est que je n'ai pas encouragé leur gourmandise qui engloutit tout; c'est que je ne leur ai offert ni or, ni argent. Or, ils me disent que j'ai mangé, que j'ai bu, que j'ai baptisé. Si j'ai fait cela, que l'anathème soit sur moi; que je sois retranché du nombre des évêques; que je ne sois pas admis parmi les anges, que je ne sois pas agréable à Dieu! Mais si j'ai mangé, si j'ai baptisé, je n'ai rien fait qui ne fût de circonstance et à propos. Qu'ils déposent donc aussi l'apôtre Paul, pour avoir, après souper, conféré le baptême au geôlier; qu'ils déposent donc le Seigneur lui-même, pour avoir, après souper, distribué la communion à ses disciples. Les flots s'amoncèlent et la tempête devient sinistre, et je vois les lances toutes prêtes; je suis comme un pilote, au milieu d'une grande tourmente; je suis assis à deux poupes, car le navire en a deux, l'Ancien et le Nouveau Testament, et, avec mes rames, je repousse les vagues furieuses; je ne dis pas avec des rames faites de bois, c'est avec la croix adorable du Seigneur que je change l'agitation en tranquillité. Le Seigneur commande, et l'esclave est couronné; voilà pourquoi il le laisse un moment à la merci du démon. Les hommes ne savent-ils pas que c'est par le moyen de ce qui est impur que le vase est rendu brillant de la plus grande pureté? Mes frères, je vous donne trois fondements de la sanctification; la foi, la tentation, la continence. Si vous dites que c'est la foi qui est le soutien, imitez le bienheureux Abraham, qui recueillit, dans une grande vieillesse, la maturité des fruits. Si vous dites que c'est la tentation qui est le soutien, imitez le bienheureux Job. Vous connaissez ses moeurs, vous avez appris sa patience, et vous n'ignorez pas sa foi. Si vous préférez dire que c'est la (319) continence qui est le soutien, imitez le bienheureux Joseph, qui fut vendu pour être conduit en Egypte; ce pays était désolé par la famine, il l'en délivra. Il eut à subir la tentation que lui offrit une courtisane de l'Egypte, esclave de l'amour qu'elle éprouvait pour lui, assise à ses côtés: Dors, lui dit-elle, avec moi. (Gn 39,7) Elle voulait le dépouiller de sa continence sur cette terre d'Egypte, l'Egyptienne. Ici aussi il y a un Egyptien (1). Mais ni cette femme n'a supplanté le saint, ni l'Egyptien votre évêque; au contraire, on a vu se manifester à la fois la continence de l'homme libre, la noblesse des enfants et le dérèglement de la femme barbare.

1. Théophile, évêque d'Alexandrie.

65502 2. Mes frères, le voleur ne va pas où il n'y a que de la paille, du foin et du bois, mais où se trouvent l'or, ou l'argent, ou les perles: de même le démon n'entre pas où se trouve un débauché, un impie, un ravisseur, un avare; il cherche ceux qui vivent dans la solitude. Mes frères, est-ce que nous voulons donner à notre langue toute sa liberté en ce qui touche l'impératrice? Mais que dirai-je? Jézabel fait le tumulte, Elie prend la fuite; Hérodiade se réjouit, et Jean est dans les fers; l'Egyptienne ment, et Joseph est gardé en prison. S'ils m'exilent, j'imiterai Elie; s'ils me jettent dans la boue, je serai comme Jérémie; s'ils me précipitent dans la mer, je ferai comme le prophète Jonas; dans un lac, comme Daniel; s'ils me lapident, je serai comme Etienne; s'ils me tranchent la tête, je serai comme Jean le précurseur; s'ils me frappent de verges, ils feront de moi un autre Paul; si leur volonté est de me scier, un autre Isaïe. Qu'ils me scient donc avec une scie de bois, pour que je jouisse de l'amour de la croix. Celle qui est ensevelie dans son corps attaque l'homme affranchi de son corps; celle qui se plonge dans les baisés, dans les parfums, dans les embrassements d'un homme, combat la pureté immaculée de l'Eglise. Mais voici que cette femme va s'asseoir solitaire, veuve, du vivant même de l'homme à qui elle s'est livrée. Ainsi, toi, qui n'es qu'une femme, tu veux rendre veuve l'Eglise! Hier, elle m'appelait le treizième apôtre, et aujourd'hui elle m'a appelé Judas; hier, en toute liberté, elle s'est assise auprès de moi, et aujourd'hui, comme une bête sauvage, elle a bondi sur moi. Il vaudrait mieux voir le soleil s'éteindre, ne plus apercevoir la lune, que d'oublier les paroles de Job. En effet, lorsque Job souffrit un si grand coup, il se borna à s'écrier: Que le nom du Seigneur soit béni dans tous les siècles! (Jb 1,21) Quand sa femme lui cria: Maudissez Dieu, et mourez (Jb 11,9-10), il la réprimanda par ces paroles: Pourquoi parlez-vous comme une femme insensée? O ingratitude de la femme! ô émollient des douleurs! Est-ce que, quand tu étais malade toi-même, ô femme! tu as entendu de telles paroles de la bouche de Job? Est-ce que, au contraire, par ses prières, par ses bons soins, il ne t'a pas enlevé ta maladie? Quand il vivait dans les palais des rois, quand il avait des richesses, quand il avait un train royal, tu ne disais rien de semblable; et maintenant que tu le vois assis sur le fumier, en proie aux vers, tu lui dis: Maudissez Dieu, et mourez. Ne lui suffisait-il pas de cette leçon dans le temps? Tu veux, par tes paroles, lui procurer un châtiment éternel! Mais que répond le bienheureux Job? Pourquoi parlez-vous comme une femme insensée? Si nous avons reçu les biens de la main du Seigneur, ne supporterons-nous pas aussi les maux qu'il nous envoie? Mais que veut cette femme qui viole les lois? cette détestable, cette nouvelle, ou, je le dirai, cette nouvelle Jézabel, est-ce qu'elle ne crie pas en disant (1)........ Mais elle m'envoie consuls et tribuns, et elle ne fait que menacer. Et que m'envoie-t-elle? Des araignées de la part d'une araignée. O mes frères! ô vous tous! si les épreuves donnent la victoire, si les combats méritent la couronne, ainsi que le disait tout à l'heure Paul, inspiré d'en-haut: J'ai bien combattu, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi; ce qui me reste, c'est â attendre la couronne de justice qui m'est réservée, que me décernera, au grand jour du jugement, le Seigneur, le juste Juge (2Tm 4,7), à qui appartiennent la gloire et l'empire, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

1. Il y a une lacune dans ce texte.


PREMIÈRE HOMÉLIE DE SAINT J. CHRYSOSTOME APRÈS SON RETOUR DE L'EXIL.

6560
AVERTISSEMENT.


Saint Jean Chrysostome était parti pour son exil; mais bientôt l'impératrice Eudoxie, qui avait contribué à le faire exiler, effrayée des cris et des gémissements du peuple qui redemandait son évêque, et par un tremblement de terré qu'éprouva la ville de Constantinople, sollicita elle-même son rappel. On envoie de tout côté pour le chercher, et le Bosphore. se couvre de barques qui passent en Asie. Le saint Pontife est reçu dans la ville en triomphe, accompagné d'un peuple nombreux, qui, portant des flambeaux et chantant des hymnes, le conduit an temple des Apôtres, où- il prononce son premier discours. Il y rend grâces à Dieu de son retour, comme il l'avait béni à son départ, acceptant de sa main le bien et le mal avec reconnaissance, à l'exemple de Job. Il se félicite de l'amour de son peuple, auquel il est resté uni de coeur pendant son éloignement. Ses ennemis lui ont rendu un grand service en croyant lui nuire: ils lui ont fait connaître combien il était aimé. Il fait l'éloge de son troupeau: sous la figure d'une chaste épouse qui, séparée de son époux, lui reste fidèle, il le loue du vif attachement qu'il lui a témoigné; il prie le Seigneur de le récompenser comme il le mérite; le Seigneur auquel ils doivent tous rendre des actions de grâces.

Dans un second discours, prononcé le lendemain, saint Jean Chrysostome s'étend davantage sur les circonstances de son départ et sur celle de son retour. Il compare son église à Sara, et son ennemi, l'évêque d'Alexandrie, à Pharaon, qui enleva Sara des mains d'Abraham, mais qui fut bientôt obligé de la lui rendre. Il loue la fidélité de son église; il s'élève contre les violences de son persécuteur, qui n'ont servi qu'à prouver combien l'évêque de Constantinople était aimé dans sa ville. Les fidèles, les hérétique les juifs mêmes, lui ont donné des marques d'attachement. Il félicite le peupla de n'avoir opposé que des prières aux violences atroces de leurs ennemis. Il décrit l'empressement et les transports avec lesquels il a été reçu. Il rapporte quelques circonstances dé son retour, et cite, les propres paroles de la lettre dé l'impératrice, sur laquelle il fait des réflexions à la louange de cette princesse. Un nouvel éloge de son peuple pour lequel il est prêt à sacrifier sa vie, des plaintes contre son clergé qui s'est ligué avec ses ennemis, des louanges adressées aux princes, qui témoignent tant de zèle pour l'Eglise, des exhortations à son troupeau pour qu'il reste uni au pasteur, pour qu'il travaille à affermir la paix, et pour que, de concert avec lui, il remercie Dieu des bienfaits qu'ils en ont reçus; voilà ce qui termine le second discours de saint Jean Chrysostome après son retour.

6561 1. Quel discours, quelles paroles ferai-je entendre? Dieu soit béni! Ce que j'ai dit à mon départ, je le dis à mon retour, ou plutôt, dans mars séjour au foin, je n'ai pas cessé de le répéter. Vous vous rappelez que j'ai fait paraître au milieu de vous le bienheureux Job disant Le nom du Seigneur soit béni dans tous les siècles! (Jb 1,21) Voilà les gages que je vous ai laissés en partant comme actions de grâces, je les reprends. Le nom du Seigneur soit béni dans tous les siècles! Diversité dans les événements; unité dans la glorification. Chassé, je rendais grâce, je reviens, je rends grâce encore. Diversité dans les événements; mais la fin de l'hiver est la même que celle de l'été, fin unique, la prospérité du champ cultivé. Béni soit Dieu qui a permis que je partisse; béni soit Dieu qui a voulu mon retour; béni soit Dieu qui a permis la tempête; béni soit Dieu qui a dissipé la tempête et fait la tranquillité! Ces paroles sont pour vous fortifier dans l'habitude de bénir Dieu. Des biens te sont accordés? bénis Dieu, et tes biens te restent. Les malheurs sont venus? bénis Dieu, et les malheurs disparaissent. Vous voyez bien que Job au sein des richesses rendait grâce à Dieu; devenu pauvre, il rendait encore gloire à Dieu. Ni ravisseur d'abord, ni blasphémateur après. Il y eut pour lui diversité de (322) positions, unité de volonté. Le calme de la mer n'engourdit pas l'énergie du pilote, la tempête ne l'engloutit pas. J'ai béni Dieu quand j'ai été séparé de vous, je le bénis quand je vous ai recouvrés. Ces deux états divers sont l'effet de la même Providence. Mon corps a été loin de vous, jamais ma pensée. Voyez quelles grandes choses ont faites les intrigues de nos ennemis. Ils ont donné plus de force à l'amour qui nous unit, ils ont donné à l'amour de mon peuple l'occasion d'éclater comme un incendie, ils m'ont procuré des milliers d'hommes qui s'attachent à moi; avant ce jour les miens m'aimaient, à présent voici que les Juifs en plus m'honorent. Ils espéraient me séparer des miens, et ils n'ont fait que me concilier des étrangers. Mais ce n'est pas à eux, c'est au nom de Dieu que j'en dois rendre grâce; il a fait servir leur perversité à notre honneur, car les Juifs ont crucifié Notre-Seigneur, et le monde a été sauvé, et ce n'est pas aux Juifs que j'en rends grâce, mais au Crucifié. Qu'ils voient donc comme voit notre Dieu, quelle paix ont enfantée leurs trames, quelle gloire elles nous ont acquise. Auparavant l'église seule était remplie, aujourd'hui la place publique tout entière est devenue une église. De là-bas jusqu'ici, ce n'est qu'une même âme, une seule tête qui remplit tout l'espace. Personne n'a imposé silence à votre choeur, et cependant tous étaient dans le silence, tous étaient saisis de componction. Les uns chantaient des psaumes, les autres trouvaient bienheureux ceux qui chantaient. les psaumes du Seigneur. Aujourd'hui ce sont les jeux du cirque et personne ne s'y trouve; mais tous se sont précipités à grands flots dans l'église, on dirait des torrents; oui, votre assemblée est un torrent, et vos voix sont des fleuves qui rejaillissent au ciel et qui témoignent de votre amour pour un père. Vos prières ont plus d'éclat pour moi qu'un diadème. Je m'adresse à 1a fois aux hommes et aux femmes: Car en Jésus-Christ, il n'y a ni homme ni femme (Ga 3,23) Comment parlerai-je des puissances du Seigneur? Vous connaissez toute la vérité de ce que je veux vous dire: celui qui supportera fortement les tentations, en recueillera un grand fruit...

6562 2. Voilà pourquoi je vous ai convoqués auprès des apôtres. Chassés, nous sommes venus auprès de ceux qui ont été chassés. Nous avons été attaqués par des menées insidieuses; ils ont été chassés. Nous sommes venus auprès de Timothée, nouveau Paul. Nous sommes venus auprès des saints corps qui ont porté les stigmates du Christ. Ne crains jamais la tentation, si tu as une âme généreuse: tous les saints ont été ainsi couronnés. L'affliction des corps est grande, irais plus grande la tranquillité des âmes. Puissiez-vous être toujours sous le fardeau. C'est ainsi que le pasteur lui-même se réjouit quand il subit le travail pour ses brebis. Que dirai-je? où jetterai-je la semence? Je ne trouve pas une place vide. Où travaillerai-je? Ma vigne n'est point dégarnie. Où édifierai je? le temple est achevé; mes filets rompent à cause de la multitude des poissons. Que ferai je? Ce n'est pas le temps du travail. Aussi je vous exhorte, non pas parce que vous avez besoin d'enseignements, mais parce que je veux, vous montrer mon affection toute naturelle. Partout les épis dans toute leur richesse. Tant de brebis, et pas un loup; tant d'épis, et pas l'ombre d'une épine; tant de vignes, et pas de renard. Les bêtes dévorante sont submergées; les loups ont fui. Qui les a poursuivis? ce. n'est pas moi, le berger, mais vous, les brebis. O noble nature des brebis!. En l'absence du pasteur, elles ont mis les loups en déroute. O beauté de l'épouse, ou plutôt chasteté! en l'absence de l'époux, elle a chassé les adultères. O beauté et chasteté de l'épouse! elle a montré sa beauté, elle a montré aussi sa probité. Comment as-tu chassé les adultères? C'est que tu aimais ton époux. Comment as-tu chassé les adultères? Par la grandeur de la chasteté. Je n'ai point pris les arrhes, point de lances, point de boucliers; je leur ai montré ma beauté. Ils n'ont pu soutenir mon éclat. Où sont-ils, maintenant? dans la honte. Où sommes-nous? dans l'allégresse. Avec nous les empereurs, avec nous les princes. Quels discours, quelles paroles ferai-je entendre? Que le Seigneur vous comble de nouveaux biens, vous et vos enfants (Ps 113,14), et recueille votre allégresse comme dans un filet pour la tirer à lui. Mettons ici fin à nos paroles, rendant en toutes choses des actions de grâce au Dieu de bonté, à qui est la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.




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DEUXIÈME HOMÉLIE DE SAINT J. CHRYSOSTOME APRÈS SON RETOUR DE L'EXIL.


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