Chrysostome sur Mt 7101

7101 1. L’évangéliste nous marque encore ici une raison qui eût dû imposer silence aux pharisiens, et il nous fait voir en même temps quelle était leur audace. Les saducéens avaient été réfutés de telle sorte par le Sauveur qu’ils n’avaient pu lui rien répliquer, et ces pharisiens osent encore néanmoins s’attaquer à lui, lorsqu’ils devaient par tant de raisons réprimer enfin leur insolence. Ils lui envoient un docteur de la loi, non dans le dessein d’apprendre quelque chose de lui, mais seulement pour le tenter. Ils lui demandent: « Quel est le plus grand et le plus important commandement de la loi »? Comme ils savaient que c’était celui-ci: «Vous aimerez le Seigneur votre Dieu », ils croient qu’il leur donnera peut-être lieu par sa réponse de l’accuser d’avoir combattu ce commandement, et de témoigner ainsi qu’il agissait partout en Dieu. C’était là leur dessein dans cette question artificieuse. Mais Jésus-Christ leur voulant faire voir qu’il connaissait leur pensée, et que bien loin de l’aimer, ils nourrissaient contre lui une envie secrète qui les envenimait contre sa personne, il leur dit: «Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre coeur, de toute votre âme, et de tout votre esprit (Mt 22,37). C’est là le premier et le grand commandement (Mt 22,38). Et voici le second qui est semblable à celui-ci: Vous aimerez votre prochain comme vous-même (Mt 22,39) ». Pourquoi Jésus-Christ dit-il que ce second commandement «est semblable» au premier? C’est parce qu’il en est comme l’effet et la suite naturelle, et que celui qui aime Dieu, doit nécessairement aimer son prochain: «Celui », dit l’Ecriture, «qui fait le mal, hait la lumière, et il ne vient point à la lumière ». (Jn 3,10) Et ailleurs: «L’insensé a dit dans son coeur: Il n’y a point de Dieu». (Ps 53,1) C’est pourquoi David ajoute aussitôt: « Ils sont corrompus, et sont devenus abominables dans leurs affections ». (Ps 13,4) Et ailleurs: «La racine de tous les maux est l’avarice, qui a fait errer dans la foi quelques-uns de ceux qui l’ont désirée ». (1Tm 6,10) Et ailleurs: «Celui qui m’aime gardera mes commandements », qui se rapportent tous à ce principal: «Vous aimerez le Seigneur votre Dieu, et le prochain comme vous-même ». (Jn 14,15 Jn 21,23)

Si donc aimer Dieu c’est aimer le prochain, puisque Jésus-Christ dit à saint Pierre: « Si vous m’aimez, paissez mes brebis (Jn 21,16)», et si en aimant le prochain on garde les commandements de Dieu, n’ai-je donc pas bien raison de dire: «Toute la Loi et les prophètes sont renfermés dans ces deux grands commandements (Mt 22,40)». Jésus-Christ fait encore ici ce qu’il vient de faire auparavant. Lorsqu’on lui a adressé une question touchant la résurrection, il a fait plus qu’on ne lui avait (554) demandé; de même ici lorsqu’on ne désire que savoir de lui quel est le premier commandement de la Loi, il y joint aussi le second qui n’était guère moins considérable que le premier, et que Jésus-Christ dit «lui être semblable». Il leur fait remarquer en passant que toutes ces questions qu’ils lui faisaient, ne venaient que de l’envie et de l’aversion qu’ils avaient conçue contre lui: «Car la charité n’est point envieuse ». (1Co 13,14)

Mais pourquoi saint Matthieu dit-il clairement que ce docteur de la Loi vient à Jésus-Christ pour le tenter; et que saint Marc dit au contraire que Jésus-Christ voyant ensuite qu’il avait si sagement répondu, lui dit: «Vous n’êtes pas loin du royaume de Dieu ». (Mc 3) Il n’y a point, mes frères, de contradiction dans ces paroles, puisqu’apparemment cet homme commença d’abord à parler à Jésus-Christ dans le dessein de le tenter, mais ayant depuis assez bien parlé, il mérita par la sagesse de sa réponse d’être loué de la bouche du Sauveur. Car Jésus-Christ ne le loua pas d’abord. Il ne le fit qu’après que ce docteur eut dit: «qu’il était vrai qu’en aimant son prochain on faisait plus que si l’on offrait à Dieu tous les sacrifices et tous les holocaustes du monde ». Ce fut alors que Jésus-Christ lui dit: «Qu’il n’était pas loin du royaume de Dieu »; parce que ce docteur, ayant horreur lui-même de cette basse envie qui l’avait porté à le tenter, quitta cette disposition criminelle pour rentrer dans des sentiments d’admiration et de respect. Et c’est cette sorte de conversion qui est l’unique fin à laquelle se rapportent tous les préceptes de la loi, l’observation du sabbat, et les autres cérémonies.

Jésus-Christ loue ce docteur néanmoins avec assez de modération, et il ne le regarde pas encore comme parfait, puisqu’il lui déclare qu’il lui manquait quelque chose. Car en lui disant: «qu’il n’était pas loin du royaume de Dieu», il lui témoignait assez qu’il n’y était pas encore, et qu’il devait travailler à acquérir ce qui lui manquait. Que si Jésus-Christ loue ce docteur seulement parce qu’il reconnaît qu’il n’y avait qu’un seul Dieu, nous ne devons pas nous en étonner. Il faut au contraire juger par là que le Sauveur parlait souvent selon la Pensée et selon la disposition de ses interlocuteurs. Les Juifs, il est vrai, débitaient mille propos injurieux pour le Christ, mais ils n’ont jamais osé dire néanmoins qu’il n’y avait point de Dieu.

D’où vient donc que Jésus-Christ loue ce docteur de ce qu’il a dit qu’il n’y «avait qu’un seul Dieu »? Voulait-il en le louant de cette parole, nier qu’il fût Dieu lui-même aussi bien que son Père? Dieu nous garde de cette pensée: mais comme le temps de découvrir sa divinité n’était pas encore venu, il laisse ce docteur dans son premier sentiment. Il le loue de la connaissance qu’il avait de l’ancienne loi, pour le disposer aussi et le rendre plus propre à recevoir la nouvelle que lui, Jésus-Christ, était venu prêcher dans le monde. D’ailleurs, lorsqu’on dit: «Qu’il n’y a qu’un Dieu, et qu’il n’y en a point d’autre que lui», cela ne doit point s’entendre, ni dans l’Ancien ni dans le Nouveau Testament, dans ce sens que l’on exclue la divinité du Fils; mais seulement comme une marque qu’on rejette toutes les idoles: et je crois que c’est dans cette pensée que Jésus-Christ loua ce docteur, parce qu’il avait dit: «qu’il n’y avait qu’un seul Dieu ». Après donc que le Sauveur a satisfait à la question de cet homme, Jésus-Christ lui en fait une autre à son tour.

7102 «Les pharisiens étant assemblés, Jésus leur fit cette demande: Que vous semble du Christ? De qui doit-il être fils? Ils lui répondirent: De David (Mt 22,41-42)». Considérez, mes frères, combien de miracles et de prodiges, combien de questions et de réponses Jésus-Christ a faites avant celle-ci, combien il a donné de preuves par ses actions et par ses paroles de son égalité et de son union avec son Père, qu’il a loué même ce docteur de la loi d’avoir dit: «qu’il n’y avait qu’un seul Dieu »; et que c’est après toutes ces précautions qu’il leur fait enfin cette question. Il semble qu’il veuille leur ôter tout sujet de dire de lui que, malgré tous les miracles qu’il avait opérés, il n’en était pas moins visiblement opposé à Dieu et à sa loi. Il les interroge donc enfin ici pour élever insensiblement leurs esprits, jusqu’à avouer eux-mêmes qu’il était Dieu. Nous avons vu ailleurs qu’en parlant à ses disciples pour savoir leurs sentiments touchant sa personne, il leur demande premièrement ce que les autres croyaient de lui, et qu’il leur dit ensuite: «Et vous qui dites-vous que je suis»? Mais il n’use pas de cette conduite à l’égard des pharisiens, puisque, s’il leur avait demandé de la sorte ce qu’ils croyaient de lui ils lui eussent (555) infailliblement répondu qu’il était un séducteur et un ennemi de Dieu. C’est pourquoi il leur demande en général ce qu’ils croyaient «du Christ» sans se désigner lui-même. Et comme il était près d’aller bientôt souffrir et mourir sur une croix, il leur cite une prophétie qui faisait voir clairement qu’il était Dieu.

«Et comment donc, leur dit-il, David l’appelle-t-il en esprit son Seigneur, par ces paroles (Mt 22,42): Le Seigneur a dit à mon Seigneur: « Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que j’aie réduit vos ennemis à vous servir de marche-pied (Mt 22,43)»? Il ne leur marque cette prophétie que comme en passant. Il ne témoigne point que ce fût son principal but, mais qu’il n’en parlait que par occasion. Comme il les avait interrogés, et qu’ils ne lui répondaient pas selon la vérité, puisqu’ils assuraient qu’il n’était qu’un pur homme, il leur rappode cette prophétie de David pour confondre leur erreur, en leur opposant ce prophète qui reconnaissait sa divinité.

C’est parce qu’ils ne le considéraient que comme un homme, qu’ils lui avaient répondu que le Christ devait simplement être «le fils de David »: Et Jésus prouve au contraire par David même qu’il était véritablement le Dieu et le Seigneur de tous; qu’il était véritablement le Fils unique de son Père, et qu’il lui était égal en toutes choses. Mais il ne s’en tient pas là, et, pour les effrayer, il ajoute «Jusqu’à ce que j’aie réduit vos ennemis à vous servir de marche-pied », se servant de toutes sortes de moyens pour les attirer à la foi. Et afin qu’ils ne pussent dire que le Prophète n’avait parlé de la sorte que par complaisance et par flatterie, considérez ce que Jésus-Christ ajoute: «Comment donc David, «parlant par l’Esprit de Dieu», l’appelle-t-il son Seigneur? Mais admirez avec quelle circonspection il rapporte ce témoignage qui lui était si avantageux. Il leur demande auparavant: «Que vous semble du Christ? de qui est-il fils »? afin de leur donner lieu de répondre qu’il était: «fils de David». Il leur demande aussitôt en gardant une suite naturelle: « Comment donc David parlant par l’Esprit de Dieu l’appelle-t-il son Seigneur »? il en use ainsi pour ne point les troubler, et ne leur donner point sujet de s’offenser en leur parlant comme de lui-même? C’est pour cette raison qu’il ne dit pas: « Que vous semble-t-il » de moi? mais que vous semble-t-il «du Christ»? C’est pourquoi les apôtres, après la Pentecôte, disent encore avec tant de modestie: «Qu’il nous soit permis de dire librement du patriarche David qu’il est mort et qu’il a été enseveli». Et Jésus-Christ, de même par cette interrogation et par la réponse qu’il y fait ensuite, établit sa divinité: «Comment donc David l’appelle-t-il en esprit son Seigneur par ces paroles: Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que j’aie réduit vos ennemis à vous servir de marche-pied»

«Si donc David l’appelle son Seigneur, comment est-il son fils (44)»? Ce qu’il ne dit pas pour nier que le Christ fût le fils de David, mais pour représenter aux Juifs leur erreur, lorsqu’ils croyaient qu’il n’était que le fils de David. Car lorsqu’il leur dit: «Comment est-il son fils»? il faut sous-entendre de la manière que vous vous le figurez. Les pharisiens disaient que le Christ n’était que le fils de David, et non «le Seigneur de David ». Après leur avoir rapporté ce témoignage du Prophète, Jésus leur dit avec douceur: « Si donc David l’appelle son Seigneur, comment est-il son fils»? Ils ne répondent rien à ces paroles; parce qu’ils ne voulaient pas s’instruire, mais seulement tenter le Sauveur. C’est pourquoi Jésus-Christ dit lui-même qu’il était «le Seigneur de David», ou plutôt il ne le dit que par le Prophète, parce qu’ils n’avaient aucune foi en lui, et qu’ils tiraient de toutes ses paroles des sujets de le décrier.

Et nous devons beaucoup, mes frères, considérer cette disposition des Juifs, afin de ne nous point scandaliser, lorsque nous voyons que Jésus-Christ leur parle de lui-même d’une manière si humble, et qui lui est si disproportionnée. Entre plusieurs raisons qu’il avait de se conduire de la sorte, celle-ci sans doute était une des principales, qu’il devait agir avec une grande condescendance à leur égard, et qu’il était obligé d’épargner beaucoup leur faiblesse. Et l’on voit même ici que ce n’est que sous forme d’interrogation qu’il établit sa divinité, et qu’il ne la leur découvre qu’obscurément. Car il y avait encore bien de la différence entre être «le Seigneur de David»ou être le Seigneur de tous les Juifs. Et l’occasion que Jésus-Christ prend de leur dire ceci, est admirable. Car, après avoir dit qu’il n’y a qu’un Dieu et qu’un Seigneur, il dit aussitôt (556) que c’est lui qui est ce Seigneur, et il le prouve non-seulement par ses actions, mais encore par les prophètes; montrant que son Père prendrait sa cause, et qu’il le vengerait contre eux-mêmes. «Jusqu’à ce que je réduise vos ennemis», dit-il, «à vous servir de marche-pied ». Ce qui fait voir clairement quel zèle le Père avait pour la gloire de son Fils, et quelle union ils avaient ensemble.

C’est ainsi qu’il termina enfin toutes ces questions que les Juifs lui faisaient pour le surprendre; et l’on peut dire que cette fin en fut glorieuse et surprenante, et qu’elle était capable de fermer éternellement la bouche à ses ennemis. En effet, depuis ce temps ils se tinrent dans le silence; silence qui, à la vérité, n’était pas volontaire, mais forcé; parce qu’ils n’avaient plus rien à lui dire. Ses réponses précédentes, comme autant de flèches mortelles, les avaient tellement abattus, qu’ils ne lui pouvaient plus résister. « A quoi personne ne lui put rien répondre: et depuis ce jour nul n’osa plus lui faire de questions (45)». Le peuple retirait un grand avantage de ce silence des pharisiens, puisque ceux-ci n’osaient plus interrompre les prédications du Sauveur. Aussi l’on voit que Jésus-Christ ne parle plus qu’au peuple dans la suite. Tous les pharisiens et les docteurs de la loi le fuient, et il semble qu’il ait mis tous ces ennemis en fuite comme une troupe de loups qui ne cherchaient qu’à le dévorer. Ces envieux ne retirèrent aucun fruit de leurs demandes envenimées; et l’amour de la vaine gloire dont ils étaient possédés, les empêcha de profiter de tant d’instructions si divines.

7103 3. Car l’ambition, mes frères, est une passion étrange. Elle se diversifie en cent manières différentes. Les uns, pour être honorés, désirent d’être souverains, les autres d’être riches, les autres d’être forts et robustes. Cette passion tyrannique passant encore plus avant, fait que les uns cherchent la gloire par leurs aumônes, les autres par leurs jeûnes, les autres par leurs prières, les autres par leur science, tant ce monstre a de têtes et de faces différentes. On ne doit pas beaucoup s’étonner que les hommes cherchent de la gloire dans les grandeurs et dans les magnificences du monde; mais, ce qui est surprenant, et ce qu’on ne peut assez blâmer, c’est qu’on veut même tirer vanité de ses jeûnes et de ses prières. Nous tâcherons aujourd’hui de ne pas seulement nous élever contre ce vice, mais de vous en proposer aussi les remèdes. Quels seront donc les premiers que nous entreprendrons de guérir? Commencerons-nous par ceux qui tirent gloire de leurs richesses, ou de leurs habits magnifiques, par ceux qui s’enflent de leur dignité ou de leur science, qui se glorifient de quelque art, où ils excellent; ou de la force de leurs corps, on de la beauté et de l’agrément de leur visage? Parlerons-nous aujourd’hui contre ceux qui tirent gloire de leur puissance et de leurs rapines cruelles, ou contre ceux qui ont de la vanité de leurs aumônes? En un mot, tâcherons-nous de guérir ceux qui prennent avantage des choses mauvaises, ou ceux qui se glorifient de leurs bonnes oeuvres? Nous adresserons-nous à ceux qui ne sont superbes que jusqu’à la mort, ou à ceux dont l’orgueil s’étend même au delà de la vie? Car cette passion se diversifie étrangement dans ses effets, et elle est profondément enracinée dans le coeur des hommes. De là viennent ces testaments qui font dire tous les jours: Un tel est mort, et il a voulu se signaler après sa mort; il a enrichi l’un, et il a appauvri l’autre. Car la même vanité se nourrit également de ces deux effets si contraires, et elle aime à abaisser comme à élever.

Quels seront donc ceux que nous entreprendrons de guérir les premiers, puisqu’on ne peut parler tout ensemble à tant de si différentes personnes? Il vaut mieux que nous nous attachions aujourd’hui à ceux qui recherchent de la gloire dans leurs aumônes, Car je vous avoue que si j’aime extrêmement que l’on fasse l’aumône, je suis percé aussi jusqu’au coeur, lorsque je vois qu’on la corrompt par le poison de cette vanité secrète. Je suis frappé de ce malheur, et je déplore alors cette vertu, comme je verrais avec douleur la fille d’un grand roi entre les mains d’une femme impudique, qui ne prendrait le soin de l’élever que pour l’abandonner ensuite aux déréglements et aux désordres, qui lui commanderait d’abord de mépriser son père, et qui la parerait d’une manière qui lui déplairait infiniment, et plus digne d’une courtisane que d’une princesse, pour la rendre agréable à ceux qui n’auraient dessein que de la perdre et de la déshonorer.

Tâchons donc aujourd’hui de désaveugler ces personnes: et supposons d’abord qu’un homme fait de grandes aumônes pour se faire estimer des hommes. C’est ce premier abus qui fait sortir notre princesse de la chambre du roi, son père; son père, en effet, lui commande que sa main gauche ne sache pas ce que fait la droite, et elle se produit, au contraire, pour se faire voir des personnes les plus inconnues, et même par les derniers des esclaves. Vous jugez assez, par là, quelle est cette prostituée dont je vous parlais, qui corrompt cette vierge si pure, afin qu’elle devienne passionnée pour des impudiques, et qu’elle se pare pour paraître belle à leurs yeux.

Je pourrais même vous montrer que ce désir de la gloire ne corrompt pas seulement l’âme, mais qu’elle la met hors d’elle-même, et qu’elle la rend comme furieuse. Car n’est-ce pas une véritable fureur et une espèce de manie, à cette fille, non d’un roi de la terre, mais du Roi du ciel, de courir après des esclaves et des fugitifs, de chercher à plaire à des hommes vils et méprisables, d’embrasser ceux qui la rejettent, d’aimer ceux qui la haïssent, et de les poursuivre partout, lorsqu’ils ne la veulent pas seulement regarder, et qui rougissent même de cette passion qui lui fait perdre la honte aussi bien que l’honneur? Car les hommes ne trouvent personne de plus importun que ces ambitieux qui sont passionnés pour la vaine gloire. Ils se rient de leur vanité, et plus ils voient qu’ils’ s’élèvent, plus ils s’efforcent de les rabaisser. Il leur arrive le même malheur qui arriverait à la fille d’un roi qu’on aurait fait descendre du trône de son père pour l’abandonner au dernier esclave de son royaume, qui lui insulterait ensuite, et qui lui ferait mille outrages. Car, plus nous courons après le monde pour en tirer de la gloire, plus il s’éloigne et se rit de nous. Mais lorsque nous ne recherchons que la gloire de Dieu, Dieu nous reçoit, il nous embrasse, et il nous comble d’honneur et de gloire.

Pour comprendre encore un autre malheur qui vous est inévitable, lorsque vous donnez l’aumône par un mouvement de vaine gloire, vous n’avez, mes frères, qu’à vous souvenir dans quelle tristesse vous entrez alors, et dans quel abattement vous jette ce reproche continuel que Jésus-Christ vous fait dans le fond du coeur, en vous disant: «Je vous assure que vous avez reçu votre récompense ». La vaine gloire est toujours un mal; mais elle n’est jamais plus mauvaise que lorsque nous la cherchons dans nos aumônes. Elle combat alors l’humanité même, et, publiant l’assistance qu’elle a rendue au pauvre, elle insulte en quelque sorte à la misère d’autrui, pour donner une cruelle satisfaction à sa propre vanité. Si c’est insulter à un homme que de lui reprocher les grâces. que nous lui avons faites, que sera-ce d’en rendre témoin tout le monde? Pour éviter donc un mal si horrible aux yeux de Dieu, nous devons travailler d’un côté à obtenir de lui un véritable sentiment de compassion pour les misérables, et à bien reconnaître de l’autre quels sont ceux dont nous recherchons l’estime. Car, quel est l’auteur de la charité et de la miséricorde, sinon Dieu même, qui nous l’a apprise par sou propre exemple, qui la connaît et qui la pratique infiniment mieux que les hommes, et qui n’a point mis de bornes à la compassion qu’il a eue de notre misère.

Pour ce qui regarde maintenant ceux dont vous recherchez l’estime, je vous demande, si vous étiez athlète, sur qui vous jetteriez les yeux, et à qui vous désireriez de plaire, ou à quelque homme pauvre et inconnu, ou à celui qui préside à ces combats? Certes, entre la multitude qui remplit le théâtre et le magistrat qui y préside, vous n’hésiteriez pas, et si celui-ci vous admirait, lorsque tous les autres vous mépriseraient, vous seriez satisfait d’être estimé de lui seul, et vous mépriseriez le mépris des autres. Ainsi un docteur n’a point d’égard aux jugements du peuple, et se contente de plaire aux docteurs, et généralement tous ceux qui exercent quelque art que ce soit, n’ont pour but de plaire qu’à ceux qui le savent.

N’est-ce donc pas un aveuglement étrange de ne considérer dans chaque profession que celui qui y préside ou qui y excelle; et de faire le contraire dans l’aumône, surtout lorsque ce que l’on perd en y cherchant autre chose, est sans comparaison plus considérable que tout ce que l’on peut perdre dans le monde? Car si, dans la carrière des courses publiques, vous négligez le jugement de celui qui y préside pour vous arrêter à celui du peuple, vous ne perdrez que le prix de la course. Mais, en recherchant dans votre aumône l’estime des hommes, vous perdez, non une récompense périssable, mais la gloire de l’éternité. Considérez que vous êtes devenus semblables à Jésus-Christ par la compassion que vous avez des misérables. Achevez donc (558) de vous rendre semblables à lui, en rendant secrètes vos aumônes, comme nous voyons dans l’Evangile, qu’après avoir guéri les malades, il leur défendait de parler de lui.

Mais vous désirez, me direz-vous, de passer pour charitable parmi les hommes. Et moi je vous, demande quel avantage vous en retirerez. Vous n’avez point de bien que vous en puissiez attendre et vous en devez craindre un très-grand mal. Ces personnes mêmes que vous voulez rendre les témoins du bien que vous faites, deviennent les larrons qui dérobent ce trésor que vous deviez vous assurer dans le ciel. Ou plutôt ce ne sont pas eux qui le volent;. c’est vous-même qui vous volez, et qui vous ravissez ce dépôt que vous aviez mis entre les mains de Dieu dans la personne des pauvres. O malheur étrange! ô nouvelle espèce de larcin! Ce que ni la rouille ne peut corrompre, ni les voleurs ne peuvent voler, est corrompu et ravi en un moment par la vaine gloire. Elle est le ver qui gâte des choses incorruptibles. Elle est le voleur qui étend sa violence jusque dans le ciel, qui vous prend votre trésor, qui vous ravit un royaume, et qui vous dépouille de ces richesses éternelles et ineffables. Comme le démon sait que ce trésor que nous nous amassons dans le ciel, est à couvert de sa violence, et que ni la rouille, ni les voleurs, ni tous ses artifices n’y peuvent atteindre, il se sert pour le ravir, de la vaine gloire, et il fait par elle ce qu’il n’aurait pu faire par lui-même.

7104 4. Vous me direz peut-être que vous désirez de recevoir de la gloire. Mais ne vous suffit-il pas que le pauvre à qui vous faites votre aumône en secret, et que Dieu pour qui vous la faites, vous estiment et vous louent de cette bonne oeuvre? Est-ce que vous voudriez que les hommes vous en louassent? Prenez garde que le contraire ne vous arrive, et qu’on ne dise de vous que ce n’est point par un mouvement de compassion, mais par un désir de gloire que vous faites votre aumône. Craignez de passer pour cruel, lorsque vous insultez de la sorte à l’affliction des misérables, et que vous tirez votre gloire de leur malheur.

L’aumône est un mystère. Fermez donc les portes afin que personne ne voie un secret qu’il ne lui est pas permis de voir. Les plus augustes mystères de nos églises sont comme l’aumône et la miséricorde que Dieu fait aux hommes. Car c’est par une bonté pure et ineffable qu’il a eu compassion de nous, lorsque nous étions ses ennemis. La première oraison qui se dit à la célébration de nos mystères témoigne notre compassion, puisque nous y prions pour les possédés. Dans la seconde qui est pour les pénitents, nous demandons la miséricorde de Dieu pour eux. Dans la troisième, qui est pour nous-mêmes, nous présentons les enfants à Dieu, afin que leur innocence soit plus propre pour attirer sur nous sa miséricorde. Car, après avoir reconnu nos péchés, nous implorons la bonté de Dieu pour ceux qui en ont déjà commis beaucoup ou qui en peuvent commettre encore, mais nous faisons prier pour nous les enfants, sachant que Jésus-Christ a promis le ciel à ceux qui deviendraient comme des enfants. Ce qui nous apprend que ceux qui imitent leur simplicité et leur innocence sont plus capables d’implorer la bonté de Dieu pour ceux qui l’ont offensé. Que si nous considérons le mystère même de l’Eucharistie, ceux qui ont reçu le saint baptême, les initiés, savent qu’il est tout rempli des marques de la miséricorde et de la grâce de Dieu sur les hommes.

Lors donc que vous voulez faire l’aumône, imitez-nous et fermez les portes; qu’il n’y ait que celui qui la reçoit qui en soit témoin, et si cela se pouvait, qu’il ne sache pas même d’où lui vient la charité qu’il reçoit. Que si vous ouvrez les portes, et si vous découvrez votre mystère, souvenez-vous que celui même dont vous recherchez l’estime, vous méprisera comme un superbe, et qu’il condamnera lui-même votre vanité. S’il est votre ami, il la blâmera dans son coeur, et s’il est votre ennemi, il la décriera devant tout le monde. Ainsi il vous arrivera le contraire de ce que vous souhaitez. Vous désirez qu’on vous admire, et qu’il s’écrie en vous voyant: Que cet homme est charitable! qu’il est compatissant! et l’on dira au contraire en vous détestant: Que cet homme est vain! qu’il est aisé de voir qu’il pense plus à plaire aux hommes qu’à Dieu ! Si au contraire vous cachez les charités que vous faites, c’est alors qu’il les louera devant tout le monde. Dieu ne souffrira pas qu’une action si sainte soit longtemps cachée. Si vous avez soin de l’étouffer, il la publiera lui-même et il la rendra publique, plus que vous ne l’auriez pu faire. C’est pourquoi, laissez faire Dieu, abandonnez-vous à lui, et vous en serez plus heureux en l’autre vie, et plus estimé en ce monde même. (559)

Vous voyez donc, mes très-chers frères, qu’il n’y a rien de plus opposé à la gloire que nous recherchons, que de faire nos aumônes à la vue des hommes. C’est le moyen de faire tout le contraire de ce que nous prétendons, puisqu’au lieu de signaler notre vertu, nous serons cause que notre vanité sera connue des hommes et punie de Dieu. Gravons ces vérités dans notre coeur. Qu’elles nous servent à mué-priser la gloire humaine, et à ne chercher que celle de Dieu, et nous serons estimés en cette vie et heureux en l’autre, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui est la gloire et l’empire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (560)


HOMÉLIE LXXII «ALORS JÉSUS PARLA AU PEUPLE ET A SES DISCIPLES, ET LEUR DIT: LES DOCTEURS DE LA LOI ET LES PHARISIENS (23,1-13)

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SONT ASSIS SUR LA CHAIRE DE MOÏSE. OBSERVEZ DONC ET FAITES TOUT CE QU’ILS VOUS ORDONNERONT DE FAIRE, MAIS NE FAITES PAS CE QU’ILS FONT. CAR ILS DISENT CE QU’IL FAUT FAIRE, ET NE LE FONT PAS ».
Mt 23,1-12

ANALYSE

1. L’Orateur fait remarquer que le nom de Loi est quelquefois appliqué dans l’Ecriture à tout l’Ancien Testament. - La Loi ne perd aucun de ses droits sur les âmes par la perversité de ceux qui l’enseignent. - Rien de plus misérable qu’un docteur qui ne prêche point l’exemple.
2. Hypocrisie des pharisiens. - De leurs phylactères qu’ils portaient plus larges que les autres.
3 et 4. Il n’y a qu’un seul Maître qui est le Christ. - Sortie contre les anoméens. - De l’excellence de la vie des solitaires. - De leur extrême humilité. - Combien elle est égale et uniforme. - Combien leur exemple nous doit inspirer d’horreur pour le faste du monde.


1. Qu’est-ce à dire «alors » Mt 23,1? c’est-à-dire lorsqu’il eut dit ce qui précède; lorsqu’il eut fermé la bouche à tous ses contradicteurs; lorsqu’il les eut confondus et réduits à ne plus oser le tenter par leurs questions insidieuses; lorsqu’il a fait voir que leur malice était sans remède. Après avoir tiré cette parole du psaume: « Le Seigneur a dit à mon Seigneur», il en appelle encore à la Loi; et il n’y a pas lieu de s’en étonner, en effet, bien que la loi ancienne n’eût point marqué aux Juifs qu’il y eût deux personnes en Dieu, et qu’elle les assure souvent qu’il n’y a qu’un seul Dieu, il suffisait néanmoins que David le leur eût appris, puisque l’Ecriture même comprend quelquefois par ce nom de «Loi», toute l’étendue de l’Ancien Testament. Enfin, il leur témoigne ici quelle estime il fait de la loi de Moïse, en obligeant le peuple de la respecter dans la bouche de ses plus grands ennemis. Jésus-Christ voulait montrer par toutes ces paroles qu’il est dans une union parfaite avec son Père; puisque s’il pouvait lui être opposé en quelque chose, il l’eût fait paraître en parlant contre la loi. Cependant il témoigne ici, avoir pour elle une si grande déférence, que quelle que soit la corruption de ceux qui l’enseignent, il veut néanmoins que ceux à qui elle est annoncée, la pratiquent et qu’ils lui obéissent très-fidèlement. Il s’étend ensuite à parler des pharisiens et de leur conduite, parce que la principale cause qui les empêchait de croire en lui, c’était le dérèglement de leurs moeurs et leur passion pour la vaine gloire. (560)

Voulant donc ici former les peuples qui l’écoutaient, il commence par un avis très-considérable et très-important pour leur salut, en leur défendant de mépriser leurs maîtres, et de s’élever contre les ministres de Dieu qui leur annonçaient sa Loi. Il ne se contente pas de leur recommander si particulièrement ce point. Il le pratique lui-même, puisqu’il ne prive pas du pouvoir d’enseigner ces pharisiens qui en étaient si peu dignes. Il attire ainsi sur eux une condamnation encore plus sévère, et il ôte à leurs disciples tout prétexte de désobéissance. Il ne veut pas qu’ils puissent dire: Le maître qui m’instruit est tout corrompu lui-même, et je ne puis me résoudre à l’écouter, ni à pratiquer ce qu’il me dit. Il commande à ses disciples de leur obéir quels qu’ils soient. Il établit tellement ces personnes dans la dignité qu’ils possédaient, que, quelque méchants qu’ils fussent, il ne laisse pas, après ces reproches qu’il leur fait, de dire à ses disciples: «Faites tout ce qu’ils vous diront» Mt 23,3, parce qu’ils ne disent rien d’eux-mêmes, mais seulement ce que Dieu a commandé par Moïse. Mais considérez ici quelle déférence Jésus-Christ a pour Moïse, et combien il témoigne partout l’union de l’Evangile avec la Loi. Il dit qu’on doit honorer ces prêtres, à cause de la Loi de Dieu qu’ils annoncent: «Ils sont», dit-il, «assis sur la chaire de Moïse» Mt 23,2. Ne pouvant les honorer ni les rendre vénérables par eux-mêmes, et par la sainteté de leur vie, il veut néanmoins qu’on les respecte à cause de ce siége d’honneur dans lequel ils sont assis, et de cette doctrine sainte qu’ils enseignent.

Ce mot, «faites tout» Mt 23,3, n’enferme pas généralement «tout» ce qui est dans la Loi, comme ce qui regarde les viandes, les sacrifices et les autres cérémonies. Car comment aurait-il établi ici ce qu’il a détruit ailleurs? Mais il entend seulement par ce mot, tout ce qui regarde le règlement de notre vie, et tout ce qui peut s’accorder avec la loi nouvelle, sans nous accabler des fardeaux insupportables de l’ancienne. Vous me direz peut-être: Pourquoi le Fils de Dieu ne donne-t-il pas cette autorité plutôt aux ministres de la loi de grâce, qu’aux ministres de la loi de Moïse? C’est parce qu’il n’était pas encore temps de révéler ces mystères avant sa mort. Outre qu’il avait encore une autre raison particulière d’agir de la sorte. Comme il allait les accuser de beaucoup de crimes, il veut d’abord ôter aux personnes les plus simples, tout sujet de croire qu’il se portait à ces reproches par un secret désir de leur ministère, ou par quelque mouvement de haine et d’envie. Il prévient d’abord ce soupçon afin d’avoir ensuite plus de liberté de les reprendre.

Mais pourquoi les condamne-t-il avec tant de force? C’était pour avertir le peuple de ne point tomber avec eux dans le précipice, en imitant leur mauvaise vie. Car il y a bien de la différence entre montrer simplement le mal qu’on doit éviter, ou en montrer les dangereuses suites, par le malheur de ceux qui y sont déjà tombés, comme il y a bien de la différence entre donner d’excellents avis aux hommes pour les porter à quelque vertu, ou leur en montrer l’avantage dans l’exemple de ceux qui s’y sont rendus habiles. Jésus-Christ dit d’abord à ses disciples: «Ne faites pas ce que vous leur voyez faire», afin qu’ils ne pussent conclure que, puisqu’ils les devaient écouter, ils devaient aussi les imiter. Ainsi, l’honneur qu’il les oblige de rendre à ces maîtres corrompus tourne à leur confusion, puisqu’il condamne les déréglements de leur vie, et qu’il assure qu’on ne peut les imiter sans se perdre. C’est donc là la principale cause pour laquelle il les accuse ici de leurs désordres avec tant de véhémence, il voulait faire voir combien ils étaient opiniâtres et rebelles à la lumière, et montrer par avance que la croix sur laquelle ils devaient l’attacher ensuite, bien loin d’imprimer quelque tache à son innocence, serait la preuve et l’effet de leur incrédulité et de leur audace.

Considérez, mes frères, quelle est la première chose que le Sauveur blâme en eux, et qui est comme le surcroît de toutes leurs autres fautes: «Ils disent ce qu’il faut faire, et ne le font pas». Quiconque viole la Loi est coupable, mais personne ne l’est davantage que celui qui doit instruire les autres. Car il commet une double et une triple faute dans un seul crime. Premièrement, il viole la Loi; secondement, ayant été établi en autorité pour régler les autres, il se dérègle lui-même. Ce qui le rend beaucoup plus coupable. Troisièmement, comme sa dignité le rend vénérable, son exemple fait beaucoup plus d’impression sur les esprits, et le mal qu’il fait se communique bien plus aisément aux autres.

Jésus-Christ reprend ensuite en eux la dureté qu’ils témoignent envers ceux qui leur (561) sont soumis. «Ils lient des fardeaux. pesants et qu’on ne saurait porter, ils les mettent sur les épaules des hommes, et ils ne voudraient pas les avoir remués du bout du doigt (Mt 23,4)». Ces paroles enferment un double reproche, et font voir une double malignité dans les personnes que le Sauveur accuse. La première est cette sévérité avec laquelle ils exigeaient une si grande perfection de ceux qu’ils conduisaient; et la seconde est leur mollesse propre, et la liberté qu’ils prenaient de vivre comme il leur plaisait. Ce sont deux conditions entièrement opposées à celles que doit avoir un véritable pasteur, qui doit être comme un juge sévère et inflexible à l’égard de lui-même, et qui doit être en même temps plein de douceur et de charité pour ceux qu’il gouverne. Les pharisiens, au contraire, se conduisaient tous d’une manière tout opposée. Ils réduisaient tout leur devoir à faire de beaux discours et à parler beaucoup aux hommes. Ils n’avaient de vertu qu’en paroles. Ainsi, ils étaient durs et impitoyables envers tout le monde, parce qu’ils n’avaient pas l’expérience de cette doctrine toute sainte, qui s’apprend par l’action et par la pratique.

7202 2. Ce déréglement, déjà si considérable par lui-même, ajoutait encore une nouvelle gravité au crime que le Sauveur vient de reprendre en eux: «Ils disent ce qu’il faut faire, et ne le font pas»: et la manière dont Jésus-Christ l’exprime est bien remarquable. Car il ne dit pas: ils ne peuvent, mais «ils ne veulent pas», non porter ou traîner ces fardeaux, mais «les remuer du bout du doigt », c’est-à-dire n’en pas même approcher pour les toucher. Ils ne sont forts et courageux que pour faire ce qui leur est défendu, «car ils font toutes leurs actions afin d’être vus des hommes (Mt 23,5)». Jésus-Christ leur reproche par ces paroles leur ambition et leur orgueil qui les a perdus. Il avait repris en eux jusqu’à cette heure, des actions ou de cruauté, ou de paresse: mais maintenant ce qu’il y condamne principalement, c’est cette passion furieuse pour la vaine gloire dont ils étaient possédés. C’est elle qui les a éloignés de Dieu, et qui leur a fait désirer de plaire aux hommes plutôt qu’à lui. Car chacun cherche à plaire aux juges qu’il a choisis. Si un athlète combat devant des hommes de coeur, il tâche de combattre vaillamment, afin de leur plaire. Que s’il combat devant des lâches, il devient lâche lui-même. Un comédien, qui joue devant des personnes qui aiment à rire, fait tout ce qu’il peut pour les faire rire. Que si ces spectateurs sont graves et modérés, il affecte lui-même de la gravité afin de leur plaire. Mais remarquez encore combien Jésus-Christ accuse avec force dans les pharisiens la passion qu’ils avaient d’être loués. Car il ne dit pas qu’ils font dans ce dessein quelques-unes de leurs actions; mais en général: «Qu’ils font tout ce qu’ils font » dans cette vue. Après qu’il leur a reproché ce désir si passionné pour la vaine gloire, il leur montre aussitôt leur folie, puisqu’ils ne faisaient rien de grand qui méritât quelque louange, et qu’ils s’enflaient des choses les plus viles et les plus méprisables, étant non-seulement ambitieux, mais l’étant encore d’une ambition basse et honteuse.

«Ils ont des bandes de parchemin, plus larges que les autres, et les franges de leurs vêtements plus longues (Mt 23,5)». Examinons ici, mes frères, ce que voulaient dire ces «bandes» et ces «franges». Dieu voyant que les Juifs oubliaient à tous moments les grâces qu’il leur avait faites, leur avait commandé d’écrire ses miracles sur de petites bandes de parchemin pour les pendre à leurs bras. C’est pourquoi il est dit dans le Deutéronome: «Ces merveilles que j’ai faites en votre faveur, ne seront jamais hors de votre vue». (Dt 6,7) Ils donnaient à ces petites bandes un nom qui marquait qu’ils les portaient pour garder la loi. C’est ce que font encore aujourd’hui plusieurs femmes chrétiennes qui pendent l’Evangile à leur cou. Mais Dieu, voulant leur donner un autre moyen extérieur de conserver le souvenir de ses grâces, fit à l’égard des Juifs ce que font aujourd’hui plusieurs personnes qui, craignant d’oublier les choses s’attachent un filet au doigt pour s’en faire comme une mémoire artificielle. Dieu, traitant les Juifs comme de petits enfants, leur commanda d’attacher au bas de leur robe un ruban, ou une frange de couleur de pourpre, afin que partout où ils marcheraient, ils se souvinssent toujours des commandements de Dieu. Ils étaient extrêmement exacts dans ces observances extérieures, et ils mettaient leur vanité à porter des bandes plus larges, et des franges plus longues que les autres hommes.

Mais pourquoi, ô pharisiens, étendez-vous ainsi ces bandes? Pourquoi affectez-vous de (562) porter des franges si longues? Mettez-vous la vertu dans un ruban? Dieu ne demande point de vous que vous agrandissiez ces bandes et ces rubans; mais que vous vous souveniez de ses grâces, et que vous en témoigniez de la reconnaissance par la droiture de votre vie. Que si Dieu nous défend de chercher de la gloire dans nos jeûnes, dans nos aumônes, et dans nos autres actions de piété, qui sont pénibles et laborieuses, comment vous, ô pharisiens, pouvez-vous en rechercher dans des choses extérieures, qui vous reprochent au contraire votre peu de vertu et votre insensibilité aux faveurs de Dieu? Mais la vanité de ces hypocrites ne se terminait pas là; elle s’étendait encore à d’autres bassesses bien plus grandes.

«Ils aiment les premières places dans les festins, et les premières chaires dans les synagogues (Mt 23,6). Ils aiment à être salués dans «les places publiques, et à être appelés maîtres par les hommes (Mt 23,7)». Quoique ces choses paraissent petites, elles sont néanmoins la cause des plus grands maux. Et elles ont souvent attiré des malheurs effroyables sur des provinces entières et sur le royaume même de Jésus-Christ. Je ne puis retenir mes larmes, lorsque j’entends parler de cet amour des préséances; de ce désir d’être salué de tout le monde. Je repasse en moi-même combien de ruisseaux funestes, sortis de cette source, ont inondé ensuite l’Eglise. Mais ce n’est pas maintenant le temps de s’arrêter à déplorer ces malheurs; et les personnes un peu âgées, qui ont vu ce qui s’est passé du temps de nos pères, n’ont pas besoin que je les en instruise.

Remarquez ici, mes frères, que les pharisiens faisaient paraître davantage leur orgueil et leur vanité au lieu même où ils devaient être plus humbles et plus modérés, puisqu’ils étaient obligés de témoigner plus de douceur et de modestie dans les synagogues, où ils n’entraient que pour former leurs disciples à la vertu. Car, pour ce qui regarde «les premières places dans les festins», cela pouvait être plus excusable, quoiqu’il soit vrai que celui qui est établi pour régler et pour enseigner les autres, doit signaler sa vertu, non seulement dans l’Eglise, mais généralement dans tous les autres lieux où il se trouve. Comme l’homme en quelque endroit qu’il soit est toujours homme, et sans comparaison supérieur aux bêtes, il faut de même que celui qui est le maître et le conducteur des âmes, se fasse reconnaître partout pour ce qu’il est, soit qu’il parle ou qu’il se taise, soit qu’il soit à table ou ailleurs, et que sa démarche, son regard, son geste, toute sa contenance et sa modestie extérieure le distinguent de tous les autres. Les pharisiens, au contraire, se rendaient ridicules partout, et s’exposaient à se faire moquer d’eux par tous les hommes, affectant ce qu’ils devaient éviter, et recherchant ce qu’ils devaient fuir: «Ils aiment», dit Jésus-Christ, «les premières places et les «premières chaires, ils aiment à être salués et à être appelés maîtres».

7203 3. Si c’est un crime d’aimer ces choses, quel crime n’est-ce pas de les rechercher avec tant d’empressement? Jésus-Christ avait jusqu’ici passé assez légèrement sur les autres abus des pharisiens qui ne pouvaient nuire à leurs disciples; et il s’était contenté de les condamner et de les blâmer; mais quand il s’agit du désir des préséances et des dignités, ou de rechercher par ambition la chaire de vérité, pour instruire les hommes, le Fils de Dieu s’y arrête davantage. Il ne se contente plus de blâmer et de condamner les excès de ce genre mais il donne à ses disciples des avis et des instructions toutes contraires à cette conduite.

«Mais, pour vous, ne désirez point d’être appelés maîtres, parce que vous n’avez tous qu’un Maître, et que vous êtes tous frères (
Mt 23,8)», sans que l’un d’entre vous ait aucun avantage sur l’autre, puisqu’il n’est rien de lui-même. C’est ce qui fait dire à saint Paul: «Qui est Paul? Qui est Apollon? Qui est Céphas? Que sont- ils autre chose que des ministres»? (1Co 3,5) Il ne dit pas: Que sont-ils autre chose que des docteurs ou des maîtres?

«Et n’appelez personne sur la terre votre père, parce que vous n’avez qu’un Père, qui est dans le ciel (Mt 23,9)». Jésus-Christ ne leur fait point ce commandement, afin qu’ils l’observent à la lettre, et qu’ils ne donnent effectivement à personne le nom de père, mais afin qu’ils sachent quel est celui qu’ils doivent par excellence appeler leur «Père». Car, comme il n’y a point d’homme qui soit proprement maître, il n’y en a point non plus qui soit proprement père. Dieu seul est essentiellement le Maître et le Père de tous les hommes, et c’est lui qui forme tous ceux qui sont les maîtres et les pères de son Eglise.

«Et ne vous faites point appeler docteurs, (563) parce que vous n’avez qu’un docteur qui est le Christ (Mt 23,10)». Il ne dit pas «qui est moi», imitant encore cette conduite qu’il vient de garder, en disant: «Que vous semble du Christ? de qui doit-il être fils»? Je demanderais volontiers ici à ceux qui, pour déshonorer le Fils de Dieu, disent si souvent du Père qu’il n’y a qu’un Dieu; qu’il n’y a qu’un Seigneur, si le Père n’est pas aussi le Maître et le docteur des hommes? Y aurait-il un seul d’entre eux qui osât nier cette vérité? Et cependant le Fils de Dieu dit «qu’il n’y a qu’un docteur qui est le Christ». Comme donc cette parole: «Il n’y a qu’un Maître qui est le Christ», n’exclut pas le Père, et ne veut pas dire qu’il ne soit pas aussi le Maître des hommes; de même cette parole: «Il n’y a qu’un Seigneur, il n’y a qu’un Dieu », qui est proprement dite du Père, n’exclut pas non plus le Fils, et ne veut pas dire qu’il ne soit pas Dieu et Seigneur comme son Père. Car ces mots: «Il n’y a qu’un Dieu, il n’y a qu’un Seigneur », ne sont que pour distinguer Dieu, et le séparer des hommes et du reste des créatures. Après que Jésus-Christ a fait voir à ses apôtres la grandeur de cette maladie qui est si contagieuse, il leur apprend maintenant que c’est par l’humilité qu’il faut la prévenir et y porter remède. C’est pourquoi il ajoute aussitôt: «Celui qui est le plus grand parmi vous sera votre serviteur» (Mt 23,11). Car, quiconque s’élèvera sera abaissé, «et quiconque s’abaissera sera élevé (Mt 23,12) ». Comme il n’y a rien qui soit comparable à la vertu de l’humilité, Jésus-Christ a soin d’en parler souvent à ses disciples. Il le fait en cet endroit. Il le fit encore dans cette autre rencontre où il mit un enfant au milieu d’eux. Il le fit lorqu’en son sermon sur la montagne, il commença par cette béatitude « Bienheureux les pauvres d’esprit ». Mais il arrache ici comme la racine de ce vice, lorsqu’il dit «Quiconque s’abaissera sera élevé». Je vous prie de remarquer encore ici ce que je vous ai souvent fait voir, que Jésus-Christ exhorte ses disciples à acquérir ce qu’ils souhaitent, par une voie qui semble toute contraire. Il ne leur commande pas seulement de ne point désirer les premières places, mais il les porte même à rechercher la plus basse, et il les assure que c’est le moyen de posséder les premières qu’ils souhaitaient. Parce qu’il faut nécessairement que celui qui veut être le premier, devienne le dernier de tous. «Celui qui s’abaissera sera élevé ». Mais où trouverons-nous cette humilité? Il m’est aisé de répondre à votre demande.

Voulez-vous, mes frères, que nous montions encore aujourd’hui à cette ville bienheureuse, à cette demeure de saints, à ces montagnes et à ces vallées où habitent les vertus? C’est là que nous verrons l’humilité dans sa grandeur et dans son éclat. Car il y a dans ces troupes saintes des solitaires, qui, après avoir été autrefois dans les dignités du monde, dans les richesses et dans la magnificence, s’humilient maintenant et se rabaissent en toutes choses, dans leur vêtement, dans leur cellule et dans leurs emplois; et qui regardent l’humilité comme la fin générale où ils rapportent tout le reste. Tout ce qui allume le feu de l’orgueil, les beaux habits, les splendides habitations, les nombreux domestiques, toutes ces choses qui nous engagent malgré nous dans la vanité, sont retranchées parmi eux. Ils vont eux-mêmes couper le bois dont ils ont besoin. Ils allument eux-mêmes leur feu. Ils font cuire eux-mêmes ce qu’ils doivent manger, et ils servent eux-mêmes ceux qui les viennent voir.

Nul en ce lieu, ni ne blesse un autre ni n’en est blessé. Nul ne commande, et nul n’a besoin qu’on lui commande. Ils sont tous serviteurs les uns des autres. Ils s’empressent de laver les pieds des hôtes qui les viennent voir. Chacun tâche de prévenir son frère dans ce devoir et ils ne disputent jamais qu’à qui sera le plus humble. On rend cet office de charité à un hôte quel qu’il soit, sans s’informer s’il est pauvre ou s’il est riche, s’il est libre ou s’il est esclave. On traite tout le monde indistinctement. Il n’y a parmi eux ni grand ni petit. Tout y est égal. Il y a donc là, me direz-vous, une grande confusion. Nullement, mes frères, mais on y voit au contraire régner souverainement l’ordre et la paix. Personne ne considère ce qu’est son frère, s’il était noble, s’il ne l’était pas. Chacun se croit le dernier de tous, et devient grand en cela même qu’il aime à se mettre au-dessous des autres.

7204 4. Il n’y a qu’une seule table pour ceux qui servent et pour les autres que l’on sert. Ce sont les mêmes viandes pour tous; les mêmes habits; les mêmes cellules; le même genre de vie. Celui d’entre eux qui se porte aux petites choses avec plus d’ardeur, est celui qui (564) est le plus grand de tous. On n’entend point dire là: Ceci est à moi, cela est à vous. Ces paroles qui sont la source des divisions et des guerres, sont éternellement bannies de ces lieux. Et on ne doit pas s’étonner qu’ils n’aient tous qu’un même habit, qu’une même table et qu’une même nourriture, puisqu’ils n’ont tous ensemble qu’une même âme, non parce qu’elle est d’une même substance, ce qui est commun à tous les hommes, mais à cause de leur charité qui, les unissant tous, ne fait d’eux tous qu’un coeur et qu’une âme. Et comment une seule âme pourrait-elle s’élever contre elle-même?

On ne voit donc point là, comme parmi nous, ces différences de pauvres et de riches; ni ce discernement de personnes qu’on honore, et d’autres que l’on méprise. Cette parfaite égalité ne laisse parmi eux aucune entrée à la vaine gloire. Si l’un y est grand et l’autre petit, ce n’est qu’en vertu, et l’on n’a même aucun égard à ces différences. Celui qui est inférieur aux autres, ne se plaint point d’être méprisé, parce qu’il n’y a personne qui le méprise, et s’il s’en trouvait quelqu’un il en aurait de la joie, parce qu’ils aiment à souffrir les mépris et les injures. C’est à quoi ils s’appliquent sans cesse à s’anéantir et à s’humilier, non-seulement dans leurs paroles, mais encore plus dans leurs actions.

Ils aiment à manger avec les pauvres et les personnes les plus méprisables. Leur table est tous les jours environnée de ces sortes d’hôtes, et c’est ce qui les rend dignes du ciel. L’un y panse les plaies des blessés, l’autre sert de guide à un aveugle, l’autre porte celui qui a la jambe rompue. Il n’y a point là de flatteurs.

On n’y sait pas même ce que c’est que de flatter; et comme tout est égal entre eux, il ne s’y peut mêler aucune envie. Ainsi, ceux qui entrent parmi ces saints, y apprennent aisément la vertu, et à devenir humbles à leur exemple sans qu’on les contraigne à s’humilier devant les autres. Car comme on arrête plus aisément l’audace d’un homme superbe en lui cédant qu’en lui résistant, et que la modération d’un autre est une grande instruction pour lui, ainsi rien n’est plus propre pour guérir dans une âme la plaie de la vaine gloire, que de voir des personnes qui n’ont pour elle que de l’aversion et du mépris. C’est ce qui se pratique admirablement dans ces lieux. On voit autant d’ardeur pour fuir ou pour quitter les premières places et ces rangs d’honneur, que nous en voyons ailleurs pour y arriver. On y aime, non à se faire honorer, mais à honorer les autres.

Les ouvrages mêmes des solitaires et les occupations où ils s’emploient, les portent encore à l’humilité et étouffent en eux tous les mouvements de la vaine gloire. Car, qui peut devenir superbe en bêchant la terre, en arrosant des herbes, en faisant des paniers d’osier, et d’autres choses semblables? Comment pourraient-ils s’élever dans leur coeur, en souffrant comme ils font la pauvreté, la faim, la soif, et toutes les autres nécessités de la vie? Ainsi, l’humilité, comme je viens de le dire, est parmi eux une vertu bien aisée. Il est très-difficile de ne devenir pas superbe parmi les louanges et les applaudissements des hommes; il est facile au contraire de devenir humble parmi des choses si basses, et dans le fond d’un désert. C’est là qu’on traite avec Dieu seul à seul. On n’a pour compagnie que soi-même. On n’y voit qu’un oiseau qui vole; qu’un arbre qui est agité des vents; qu’un ruisseau qui coule le long d’une vallée. Par où donc l’orgueil attaquerait-il un homme dans une si profonde solitude?

Ce n’est pas néanmoins que nous soyons excusables au milieu des villes de nous laisser aller à cette passion. Abraham vivait au milieu des chananéens et ne laissait pas de dire à Dieu: «Je ne suis que terre et que cendre». (
Gn 17,29) David était dans la cour et dans les armées, et cependant il disait: «Pour moi, je suis un vermisseau et non un homme». (Ps 21,6) Saint Paul vivait au milieu des hommes, et cependant il était assez humble pour dire: «Je ne suis pas digne d’être «appelé apôtre ». (1Co 15,9) Après tant d’exemples, mes frères, comment serions-nous excusables d’être encore si superbes et si vains? N’est-il pas vrai que si ces hommes admirables doivent être comblés de gloire parce qu’ils ont donné les premiers l’exemple d’une si haute vertu, et que nous serons, nous, exposés aux plus grands supplices pour ne l’avoir pas suivi, pour lire leurs actions sans les imiter, pour admirer leur humilité, sans devenir humbles?

Que nous restera-t-il pour excuser une si grande dureté? Direz-vous que vous ne pouvez lire l’Ecriture pour y apprendre quelle a été la vertu de ces saints hommes? C’est déjà (565) une grande faute de n’avoir pas soin de vous en instruire dans l’Eglise, où vous devriez venir puiser sans cesse ces eaux si saintes et si salutaires. Mais si vous ne pouvez apprendre les vertus de ces anciens serviteurs de Dieu, ne pouvez-vous pas avoir au moins celles des saints qui vivent encore?

Je n’ai personne qui m’y mène, dites-vous. Venez me trouver, je vous y mènerai moi-même. Venez avec moi pour apprendre des choses qui vous toucheront et qui vous édifieront. Ces solitaires sont comme des lampes qui éclairent toute la terre. Ce sont comme des remparts qui vous serviront de défense. Ils ont recherché les déserts pour vous apprendre à mépriser le monde. Il faut être fort pour trouver le calme au milieu de la tempête. Mais pour vous qui êtes faibles, vous avez besoin de repos après cette agitation continuelle où vous expose l’engagement que vous avez dans le monde. Allez donc, mes frères, voir souvent ces saints, afin que leurs prières et leurs exhortations servent à vous purifier des taches du siècle, et qu’en purifiant votre vie de plus en plus, vous vous mettiez en état de jouir des biens de ce monde et de l’autre, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui avec le Père et le Saint-Esprit est la gloire et l’empire, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


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HOMÉLIE LXXIII - « MALHEUR A VOUS, DOCTEURS DE LA LOI ET PHARISIENS HYPOCRITES, QUI DÉVOREZ LES MAISONS DES VEUVES SOUS PRÉTEXTE QUE VOUS FAITES DE LONGUES PRIÈRES,


Chrysostome sur Mt 7101