Chrysostome sur Thess.







EPÎTRE AUX THESSALONICIENS.

Tome XI p. 178-245





COMMENTAIRE SUR LA PREMIÈRE EPÎTRE AUX THESSALONICIENS

Tome XI p. 178-245








AVERTISSEMENT POUR LES DEUX ÉPITRES.

Ces homélies furent prononcées à Constantinople, ainsi que l'orateur lui-même l’insinue, lorsqu'il dit dans la huitième homélie sur la première épître, vers la fin : « Pour moi, il faudra que je rende « compte de ce gouvernement des âmes qui m'a été confié ». Il l'indique non moins clairement dans la quatrième homélie sur la seconde épître, lorsqu'il dit : « Le diable s'arme contre nous plus terriblement que contre les autres : A la guerre, en effet, c'est surtout contre le chef que l'ennemi dirige ses attaques ».

Cà et là, il frappe fortement sur les vices des habitants de Constantinople, sur leurs sortilèges, leurs amulettes et leurs pratiques divinatoires. Il proscrit les théâtres et leurs divertissements grossièrement immoraux. Il blâme les deuils exagérés. Il rapporte certaines singularités concernant le lac de Sodome, comme des faits constants et avérés. Dans la quatrième homélie sur la deuxième épître, il dit que Néron est le type de l'antéchrist, et croit trouver dans le texte de saint Paul une prédiction de la chute prochaine de l'empire romain.

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HOMÉLIE PREMIÈRE - PAUL, SYLVAIN ET TIMOTHÉE A L'ÉGLISE DE THESSALONIQUE QUI EST EN DIEU LE PÈRE

ET EN JÉSUS-CHRIST NOTRE-SEIGNEUR. QUE LA GRACE ET LA PAIX VOUS SOIENT DONNÉES. NOUS RENDONS SANS CESSE GRACES A DIEU POUR VOUS TOUS, FAISANT MENTION DE VOUS DANS NOS PRIÈRES, ET NOUS REPRÉSENTANT SANS CESSE DEVANT DIEU QUI EST NOTRE PÈRE, LES OEUVRES DE VOTRE FOI, LES TRAVAUX DE VOTRE CHARITÉ, ET LA FERMETÉ DE L'ESPÉRANCE QUE VOUS AVEZ EN NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. (1Th 1,1-7)

Analyse.

Témoignage avantageux rendu par saint Paul à la foi et à la charité des Thessaloniciens.
Ils ont à peine embrassé la foi, et voilà qu'ils peuvent servir de modèle à tous les chrétiens de la Macédoine et de la Grèce.
Nécessité de la vigilance. — Il est très-utile que l'on prie pour nous, mais les prières d'autrui ne sont utiles qu'à ceux qui font déjà par eux-mêmes ce qu'ils peuvent.
Exemples qui prouvent l'utilité des prières quand s'y joint la diligence de ceux pour qui elles sont faites.

101 1. Pourquoi donc, lorsque l'apôtre écrit aux Philippiens et qu'il a Timothée avec lui, ne joint-il pas le nom de ce disciple au sien propre en tête de sa lettre (1), tandis qu'il le fait ici? Cependant Timothée était bien connu de ce peuple, et il en était admiré. « Vous avez éprouvé vous-mêmes », leur dit saint Paul, « qu'il m'a servi comme un fils servirait son père. Je n'ai personne », dit-il encore, « qui soit si véritablement dans les mêmes sentiments que moi, et qui ait autant soin de tout ce qui vous regarde ». (Ph 2,22 Ph 2,20) Pourquoi donc le nom de Timothée se trouve-t-il mis à côté de celui de Paul dans un cas et non dans l'autre? Je crois que c'est parce que, lorsqu'il écrivait aux Philippiens, il était sur le point de leur envoyer bientôt Timothée. Il eût été superflu que celui-ci s'associât à l'envoi d'une lettre qu'il allait suivre de si près. Saint Paul, en effet, leur dit formellement qu'il était sur le point de leur envoyer bientôt Timothée. (Ph 2,23) Pour ce qui regarde les Thessaloniciens, il n'en était pas de même. Mais Timothée était depuis peu de retour de chez eux, en sorte qu'il est naturel qu'il s'associe à la lettre qu'on leur écrit : (179) « Timothée est revenu récemment près de nous après vous avoir vus », dit l'apôtre. (1Th 3,6)

1 C'est une erreur : le nom de Timothée est mis à côté de celui de saint Paul dans l'épître aux Philippiens. Il ne s'y trouve pas dans l'épître aux Ephésiens, mais ce qui suit montre que ce n'est pas de ceux-ci que parle saint Chrysostome, mais bien des Philippiens. La mémoire a fait défaut à l'orateur.

Mais pourquoi nomme-t-il Silvain avant Timothée, Timothée à qui il rend les témoignages les plus avantageux et qu'il préfère à tous les autres ? Peut-être est-ce Timothée lui-même qui l'a ainsi voulu par humilité. En voyant son maître pousser l'humilité jusqu'à mettre ses disciples sur le même rang que lui, Timothée devait se sentir porté à pratiquer aussi l'humilité et à se mettre après tous les autres.

« Paul, Silvain et Timothée à l'Eglise de Thessalonique » 1Th 1,1. Saint Paul ne prend ici aucune qualité, il se nomme tout court Paul, sans ajouter apôtre, ou serviteur de Jésus-Christ. Les Thessaloniciens étaient encore assez novices dans la foi, ils n'avaient pas encore appris à connaître saint Paul, voilà pourquoi, ce me semble, l'apôtre ne met aucun terme qui rappelle sa dignité. C'est qu'en effet la prédication ne faisait encore que débuter chez eux. — « A l'Eglise de Thessalonique ». Ceci n'est pas mis sans intention. Ces fidèles étaient encore en petit nombre et sans beaucoup de cohésion, et c'est pour les encourager que l'apôtre emploie ici le terme d'Eglise. Il ne s'en sert pas toujours en s'adressant à des communautés depuis longtemps fondées, nombreuses et fortement constituées. Le terme d'Eglise implique à la fois le grand nombre et l'union bien cimentée des membres ; c'est comme encouragement que l'apôtre l'applique aux Thessaloniciens. — « A l'Eglise de Thessalonique, qui est en Dieu le Père et en Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Voici encore le mot « Dieu » employé également pour le « Père » et pour le « Fils ». Ces mots : « Qui est en Dieu », servent à distinguer l'Eglise ou assemblée des fidèles de Thessalonique d'avec les assemblées des juifs et des païens. C'est là un grand éloge, éloge incomparable que d'être en Dieu. Je voudrais pouvoir en dire autant de cette Eglise-ci, mais je crains fort qu'elle ne soit indigne d'une si belle appellation. On ne peut dire des esclaves du péché qu'ils sont en Dieu. — « Que la grâce et la paix vous soient données ». Vous le voyez, cette épître débute par des éloges.

« Nous rendons sans cesse grâces à Dieu pour vous tous, faisant mention de vous dans nos prières » 1Th 1,2. Rendre grâces à Dieu pour ce peuple, c'était non-seulement témoigner de leur grand progrès dans la foi, mais encore leur montrer qu'ils doivent en être reconnaissants à Dieu qui a tout fait. Il leur enseigne donc l'humilité, et son langage revient à dire que la puissance divine est la source de tout bien et de toute vertu. L'action de grâces est donc un témoignage rendu à leur vertu, et la mention qu'il fait d'eux dans ses prières est une preuve de sa charité envers eux. La suite fait voir que ce n'était pas seulement dans ses prières, mais en tout temps qu'il se souvenait d'eux.

« En nous représentant sans cesse devant Dieu qui est notre Père, les oeuvres de votre foi, les travaux de votre charité et la fermeté de l'espérance que vous avez en Notre-Seigneur Jésus-Christ » 1Th 1,3. Les mots « devant Dieu » peuvent aussi se rapporter aux Thessaloniciens, et alors le sens serait: Nous représentant les oeuvres de votre foi, les travaux de votre charité, etc., lesquels sont devant Dieu, notre Père. Il ne se souvient pas de leur vertu seulement, mais aussi de leurs personnes, et cela « devant Dieu », mots qui sont pleins de sens. C'est comme si l'apôtre disait : Les hommes ne vous louent point de ce que vous faites, aucun ne vous en récompense, mais ayez confiance, vous travaillez en présence de Dieu. Qu'est-ce à dire : l'oeuvre de votre foi ? c’est-à-dire, que rien n'a ébranlé leur fermeté; car c'est en quoi consiste l'oeuvre de la foi. Si vous avez la foi, souffrez tout; si vous ne voulez pas tout souffrir, c'est que vous n'avez pas la foi. Est-ce que les promesses ne sont pas assez belles pour que celui qui y a foi souffre volontiers mille morts? C'est le royaume des cieux qu'il a en perspective, avec l'immortalité et la vie éternelle. Le croyant souffrira donc tout. Or, la foi se montre par les oeuvres. Rien de plus juste que les expressions de l'apôtre ; elles reviennent à ceci : Vous n'avez pas montré simplement votre foi par vos paroles, mais encore par vos oeuvres, par votre fermeté, par votre zèle. — « Les travaux de votre charité ». A aimer d'une manière telle quelle, le travail est nul, mais il est grand à aimer véritablement, sincèrement. Lorsque tout est mis en oeuvre pour nous détacher de la charité, et que nous résistons à tout, n'est-ce pas un travail? Et que n'avaient-ils pas souffert, ces fidèles de Thessalonique, pour ne pas s'écarter de la charité ? Les adversaires de l'Evangile (180) n'allèrent-ils pas trouver l'hôte de Paul, et, ne l'ayant pas trouvé, n'entraînèrent-ils pas Jason devant les magistrats? Etait-ce peu de chose, dites-moi, pour ces chrétiens, dont la foi ne faisait encore que de naître et n'avait pas acquis toute sa solidité, d'avoir à supporter un tel orage, de telles épreuves? « Ils exigèrent de lui une caution», dit le livre des Actes (Ac 17), et l'ayant obtenue, ils laissèrent aller Paul. Etait-ce donc peu de chose que cela ? Est-ce que Jason ne s'exposait pas à mourir à la place de Paul? C'est cet attachement à toute épreuve que l'apôtre appelle « le travail de leur charité ».

102 2. Remarquez que l'apôtre ne parle de lui-même qu'après avoir fait l'éloge des Thessaloniciens, en sorte qu'il ne paraît ni se vanter, ni les aimer sans raison et comme par anticipation. — « Et votre fermeté». La persécution, en effet, n'avait pas duré qu'un instant, elle n'avait pas cessé. Les disciples y étaient en butte aussi bien que leur maître. Comment ceux qui persécutaient des hommes tels que les apôtres, des hommes qui opéraient des miracles et se montraient de toute manière si respectables, comment ceux-là auraient-ils épargné des gens de la même ville et de la même maison qu'eux qui, tout à coup, passaient dans le camp de Jésus-Christ? C'est à la fermeté de ces fidèles que l'apôtre rend témoignage en disant : «Vous avez été les imitateurs des Églises de Dieu qui sont en Judée ». (1Th 2,14)

« Et l'espérance que vous avez en Jésus-Christ, devant Dieu notre Père ». Rien de plus juste que ces expressions, car la foi et l'espérance sont le principe de tout ce qu'ils ont fait. Leur conduite ne prouvait pas seulement qu'ils avaient du courage, mais encore qu'ils ajoutaient une foi pleine et entière aux récompenses qui leur étaient réservées. Dieu permettait qu'il y eût des persécutions dès le commencement, afin que personne ne vînt dire que la prédication évangélique avait réussi d'une manière toute simple par l'intrigue et la flatterie; il le permettait encore pour faire paraître l'ardeur des fidèles, pour montrer qu'une foi assez ferme pour affronter mille morts n'était pas l'oeuvre d'une persuasion humaine, mais de la toute-puissante vertu de Dieu. Il fallait pour cela que, dès le commencement, la prédication fût profondément enracinée et assez solidement plantée pour ne craindre aucun orage.

« Sachant, mes, frères bien-aimés, que votre action est de Dieu, parce que l'Evangile que nous vous avons prêché, ne vous a pas été seulement présenté en paroles, mais encore dans la vertu de Dieu, dans l'Esprit-Saint, et dans une certitude abondante. Vous savez aussi de quelle manière nous avons agi parmi vous pour votre salut» 1Th 1,4-5. Que veut-il dire par ces mots: « Vous savez aussi de quelle manière nous avons agi parmi vous pour votre salut?» L'apôtre effleure ici son propre éloge, mais très-légèrement. Il veut d'abord épuiser l'éloge des Thessaloniciens. Voici le sens de ses paroles : Nous savions que vous étiez des hommes généreux et magnanimes, des hommes choisis, c'est pourquoi nous avons aussi tout enduré pour vous. En effet, dire : « Vous savez de quelle manière nous avons agi », c'était leur rappeler qu'on aurait de grand coeur donné sa vie pour eux; dévouement dont l’apôtre attribue le mérite non à lui, mais à eux, parce qu'ils étaient des hommes élus de Dieu. C'est la même pensée qu'il exprime encore ailleurs en ces termes : «Je souffre tous ces maux pour les élus». (2Tm 2,10) Que ne souffrirait-on pas pour les bien-aimés de Dieu? A peine a-t-il parlé de lui-même qu'il se hâte d'ajouter presque en propres termes : Puisque vous êtes les bien-aimés et les élus de Dieu, il était naturel que je souffrisse tout pour vous. Ce n'était pas tout de les louer pour les fortifier, il était bon encore de leur rappeler dans le même but qu'ils avaient eux-mêmes montré un courage égal au zèle qu'on leur avait témoigné.

Il ajoute donc : « Et vous êtes devenus nos imitateurs et les imitateurs du Seigneur, ayant reçu la parole au milieu d'une grande tribulation, avec la joie du Saint-Esprit» 1Th 1,6. Quel éloge ! Les disciples, en un moment, sont devenus des docteurs. Non-seulement ils ont écouté la prédication, mais encore ils ont atteint jusqu'au faite où était saint Paul. Mais cela n'est rien en comparaison de ce qui suit, voyez jusqu'où il les exalte en disant : «Vous êtes devenus les imitateurs du Seigneur» 1Th 1,6. De quelle manière? « En recevant la parole au milieu d'une grande tribulation, avec la joie du Saint-Esprit » 1Th 1,6). Non-seulement au milieu de la tribulation, mais au milieu « d'une grande tribulation » 1Th 1,6. On peut voir, par les Actes des apôtres, quelle persécution l'on suscita contre eux. (Ac 18) Ils émurent tous (181) les magistrats, dit l'auteur, et soulevèrent toute la ville. Et l'on ne peut pas dire que s'ils ont été affligés et ont reçu la foi, ils l'aient fait avec tristesse, puisqu'il est dit au contraire qu'ils ont montré une grande joie. Il en était de même des apôtres. « Ils se réjouissaient », est-il dit «de ce qu'ils avaient été jugés dignes de souffrir pour le nom de Jésus-Christ». (Ac 5,44) Ce qu'il y avait de merveilleux dans leur conduite, c'était principalement cette joie. Ce n'est pas déjà peu de chose que de souffrir l'affliction n'importe comment, mais la souffrir avec joie suppose des hommes élevés au-dessus de la nature humaine, et dont le corps est devenu comme impassible. Comment étaient-ils devenus les imitateurs du Seigneur? Parce que le Seigneur avait lui-même enduré beaucoup de souffrances, et qu'il ne s'en était pas plaint, mais réjoui, puisqu'il les avait acceptées volontairement, et qu'il était venu sur la terre pour cela. En effet, il s'est anéanti lui-même pour nous, sachant qu'il aurait à souffrir les crachats, les soufflets, la croix. Et au milieu de ces souffrances, la joie qu'il éprouvait lui faisait dire : « Mon Père, glorifiez-moi». (Jn 17,1)

103 3. « Avec la joie du Saint-Esprit » 1Th 1,6. Pour qu'on n'objecte pas: Comment mêlez-vous ensemble l'affliction et la joie ? Ces choses-là ne sont-elles pas incompatibles? l'apôtre ajoute : « Avec la joie du Saint-Esprit ». L'affliction est dans les choses du corps, la joie dans celles de l'esprit. Comment cela? Les faits sont douloureux, mais les suites en sont tout autres, par la permission du Saint-Esprit. Ainsi, on peut souffrir sans se réjouir, comme lorsqu'on souffre pour ses péchés; et l'on peut aussi se réjouir jusque sous les fouets, lorsqu'on souffre pour Jésus-Christ. Telle est la joie du Saint-Esprit. De ce qui semble douloureux, elle fait sortir des délices. On vous a affligés, persécutés, veut dire l'apôtre, mais l'Esprit-Saint ne vous a pas délaissés dans vos maux mêmes : et comme autrefois il versa la rosée sur les trois enfants de la fournaise, il répand de même sur vous une joie céleste au milieu de vos afflictions. Et comme alors la rosée qui rafraîchissait les trois enfants, n'était point l'effet du feu; de même la joie que vous ressentez maintenant n'est point l'effet de vos maux. Les afflictions naturellement ne produisent point la joie; cela est réservé aux afflictions que l'on souffre pour Jésus-Christ, et est l'effet de la rosée du Saint-Esprit, qui, par la fournaise des maux, fait passer les élus dans un repos et un rafraîchissement éternel. « Avec la joie », dit saint Paul; et non simplement avec la joie, mais avec une grande joie; car c'est ce que marque ce mot : «Avec la joie du Saint-Esprit».

« De sorte que vous avez servi de modèles à tous ceux qui ont embrassé la foi dans la Macédoine et dans l'Achaïe» 1Th 1,7. Cependant ils avaient été les derniers visités par l'apôtre. Mais vous avez brillé, leur dit-il, jusqu'à devenir les modèles de ceux qui vous ont précédés. C'était là une vertu vraiment apostolique. L'apôtre ne dit pas simplement qu'ils ont servi de modèles à ceux qui n'ont pas encore embrassé la foi, mais à ceux mêmes qui l'ont déjà embrassée. Vous leur avez appris de quelle manière il faut croire en Dieu, vous qui, à peine entrés dans la foi, avez commencé à combattre pour elle. — « Dans l'Achaïe», c'est-à-dire dans la Grèce. Que ne fait point le zèle? Il ne lui faut ni temps, ni délai, ni retard. Il lui suffit de se montrer, et tout est fait. Ainsi les Thessaliens, les derniers venus dans la foi, se montraient les maîtres des premiers venus. Que personne donc ne se décourage: quand même on aurait passé une bonne partie de sa vie sans rien faire, on pourrait encore, en très-peu de temps, faire plus qu'on n'aurait peut-être fait en s'y prenant dès le commencement. Si celui qui n'était pas encore chrétien, jette tout en le devenant un si vif éclat, que ne pourra pas faite celui qui a déjà la foi?

Mais, d'un autre côté, qu'on n'aille pas tomber dans la paresse sous prétexce qu'on pourra tout réparer en peu de temps. Car l'avenir est incertain et le jour du Seigneur est un voleur qui survient tout à coup pendant que nous dormons. Si nous ne dormons point, il ne viendra pas nous surprendre comme un voleur, il ne nous emmènera point sans que nous soyons prêts. Si nous veillons, il viendra comme un envoyé du Roi du ciel nous appeler au bonheur qui nous est préparé. Mais si nous nous endormons, il se présentera comme un voleur. Que personne donc ne s'endorme, que personne ne soit lâche dans la pratique de la vertu, car voilà le sommeil. Ne savez-vous pas que, lorsque nous dormons, nos biens sont peu en sûreté, et qu'il est facile de nous les prendre? Veillons-nous, la garde en est facile. Dormons-nous, malgré tous nos soins, nous perdons souvent ce que nous avons. Portes, (182) verrous, sentinelles en dedans et au dehors, rien n'empêche le voleur d'entrer. Quelle conséquence tirer de mes paroles? c'est qu'éveillés nous n'avons pas besoin du secours d'autrui, et qu'endormis le secours d'autrui ne nous servira de rien et n'empêchera point notre perte.

C'est un grand bien que d'être secouru par les prières des saints, mais à la condition que nous ne resterons pas nous-mêmes sans rien faire. Vous dites : Mais de quoi me serviront les prières des autres, si moi-même je suis vigilant, et si je ne me réduis pas moi-même à en avoir besoin ? Je vous conseille fort de ne pas vous réduire à cet état. Cependant nous avouerons, si nous sommes sages, que nous ne sommes jamais sans avoir besoin des prières des autres. Saint Paul ne disait pas: Qu'ai-je besoin de prières ? Et cependant ceux qui priaient pour lui étaient loin d'être ses égaux. Et vous, vous dites : Qu'ai-je besoin de prières? Saint Pierre non plus ne disait pas : Qu'ai-je besoin de prières? « Une prière assidue », dit le livre des Actes (Ac 12,5), « était adressée pour lui à Dieu, par l'Eglise ». Et vous, vous dites : Qu'ai-je besoin de prières ? Vous en avez un grand besoin, puisque vous vous imaginez n'en avoir pas besoin. Vous seriez un saint Paul que vous en auriez encore besoin. Ne vous élevez pas, pour que vous ne soyez pas rabaissé. Mais, comme je viens de le dire, c'est à la condition que nous agirons nous-mêmes, que les prières faites pour nous, nous seront utiles. Ecoutez les paroles de saint Paul : « Je sais que cela tournera à mon salut, par l'assistance de vos prières et le secours de l'Esprit de Jésus- Christ » (Ph 1,49); et ailleurs : « Vous m'aiderez aussi en cela par le secours des prières que vous ferez pour moi, afin que Dieu, nous ayant fait grâce par les prières de plusieurs personnes, plusieurs personnes se joignent aussi à nous pour lui en témoigner notre reconnaissance ». (2Co 1,11) Et vous, vous dites : Qu'ai-je besoin de prières? Mais si nous demeurons dans la lâcheté, personne, par ses prières, ne pourra nous être utile. De quel secours Jérémie fut-il pour les Juifs? Trois fois il se présenta devant le Seigneur, et trois fois il lui fut répondu : « Ne priez point, ne demandez rien pour ce peuple, parce que je ne vous exaucerai point ». (Jr 7,16) De quel secours fut pour Saül la prière de Samuel ? Et cependant il pleura sur lui jusqu'au dernier jour de sa vie, et il n'offrait pas seulement pour lui quelque prière en passant. De quel secours furent pour les Israélites les prières de ce même prophète? Ne disait-il pas lui-même : « Dieu me garde de pécher jusqu'à oublier de prier pour vous ». Et néanmoins tous périrent. — Les prières sont donc inutiles, direz-vous. Au contraire, elles sont utiles et grandement, mais à la condition que nous y joignions notre action. Les prières sont une aide et un secours; or, on ne secourt et on n'aide que celui qui travaille déjà lui-même. Si vous restez sans rien faire, l'utilité du secours sera nulle.

104 4. Si les prières des autres pouvaient mener au ciel même les négligents, pourquoi tous les païens ne sont-ils pas chrétiens ? Ne prions-nous pas pour tous les hommes? Saint Paul ne faisait-il pas de même? Ne demandons-nous pas que tous se convertissent? Pourquoi donc, dites-moi, les méchants ne deviennent-ils pas tous bons? N'est-il pas évident que c'est parce qu'ils ne veulent rien faire de leur côté ? L'utilité des prières des autres pour nous est très-grande, lorsque, de notre part, nous faisons ce qui dépend de nous. Faut-il vous prouver cette utilité ? Rappelez-vous Corneille et Tabithe. (Ac 10,3) Ecoutez ce que Jacob dit à Laban « Si le Dieu que mon père craignait, n'était venu à mon secours, vous m'auriez renvoyé nu de chez vous » ; voyez encore ce que Dieu dit : « Je protégerai cette ville à cause de moi, et de David mon serviteur ». (Gn 31,42 Gn 19,34) Mais quand parle-t-il ainsi ? A l'époque d'Ezéchias, roi juste. Si les prières pouvaient quelque chose pour les plus méchants, pourquoi, lorsque Nabuchodonosor vint, Dieu ne dit-il pas la même chose, mais lui livra-t-il la ville ? Alors le crime prévalut. Ce même Samuel, dont je viens de parler, pria une autre fois pour les Israélites, et obtint ce qu'il demandait, mais en quelle circonstance? Ce fut lorsqu'ils étaient eux-mêmes agréables à Dieu, et c'est pourquoi Dieu mit en fuite leurs ennemis.

Mais, direz-vous, quel besoin ai-je qu'un autre prie pour moi, si je suis, moi, en grâce auprès de Dieu? Ne tenez jamais ce langage, ô homme, vous avez un besoin réel de prières, et un grand besoin. Voyez ce que Dieu dit des amis de Job: « Job priera pour vous, et (183) votre péché vous sera remis ». (Jb 42,8) Ils avaient commis un péché, mais non un grand péché. Cependant ce même saint qui, par ses prières, avait pu sauver ses amis, n'eût pas sauvé les Juifs dans le temps de leur ruine. « Quand Noé, Job et Daniel se présenteraient devant moi pour eux », dit Dieu, « ils ne délivreraient pas leurs fils, ni leurs filles, parce que leur malice a prévalu ». (Ez 14,16) Il dit encore à Jérémie : « Quand Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, je n'écouterais pas leurs prières ». (Jr 15,1) Dieu fait la même réponse à ces deux prophètes, parce qu'ils l'avaient tous deux prié inutilement pour le peuple. Ezéchiel dit à Dieu : Hélas, Seigneur, perdrez-vous ce qui reste d'Israël? Et Dieu, pour lui montrer la justice de ses vengeances, et afin qu'il fût convaincu que s'il rejetait ses prières, ce n'était point qu'il méprisât sa personne, Dieu fait voir à ce saint prophète les péchés de son peuple, ce qui revenait à lui dire, Ce que vous voyez suffit pour vous convaincre que si je n'exauce pas votre prière, ce n'est point par mépris pour vous, mais à cause de l'énormité de leurs péchés. Néanmoins il ajoute encore : « Quand Noé, Job et Daniel me prieraient pour eux, je ne les écouterais point ». Il était naturel que Dieu parlât de la sorte à un prophète qui avait tant souffert. Vous m'avez commandé, disait-il à Dieu, de manger sur un fumier, et je l'ai fait; vous m'avez commandé de me raser, et je vous ai obéi; vous m'avez commandé de dormir en me tenant toujours couché sur un côté, et je l'ai fait; vous m'avez commandé de passer par le trou d'une muraille chargé de bagages, et je l'ai fait; vous m'avez ôté ma femme avec défense de la pleurer, et je ne l'ai point pleurée. J'ai souffert une infinité d'autres choses pour ce peuple ; et lorsque je vous prie pour lui, vous n'écoutez pas mes prières. Il est vrai, répond Dieu, que je ne vous écoute pas, mais ce n'est point par mépris pour vous; quand Noé, Job et Daniel prieraient pour leurs propres enfants, je ne les écouterais pas.

Et Jérémie qui avait moins souffert par les ordres de Dieu, mais bien davantage par la malice de son peuple, que lui dit le Seigneur ? « Ne voyez-vous pas ce qu'ils font? » (Jr 7,17) — Oui, répondit le Prophète, je vois ce qu'ils font, mais faites pour moi ce que je vous demande. C'est alors que le Seigneur lui dit «Quand Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, je ne les écouterais pas ». Il nomme d'abord Moïse, leur législateur, celui qui les avait tant de fois délivrés du péril, celui qui disait : « Si vous voulez pardonner cette faute, pardonnez-la, sinon, effacez-moi aussi de votre livre ». (Ex 31,32) Quand le même prophète, dit Dieu, se présenterait encore aujourd'hui devant moi, et me ferait la même prière, ce serait inutilement. Samuel lui-même n'obtiendrait rien, Samuel qui les a aussi tant de fois délivrés, Samuel qui fut dès son enfance si admirable. J'ai dit du premier que je m'entretenais avec. lui comme un ami avec son ami, et non par énigmes. J'ai dit de l'autre que je lui étais apparu dès son enfance, et que, par égard pour lui, j'avais rouvert la prophétie depuis un certain temps fermée; il est dit, en effet, que la parole du Seigneur était rare alors, et qu'il n'y avait pas de vision distincte. (1R 3,1) Eh bien, quand ces hommes se présenteraient maintenant devant moi, ils n'obtiendraient rien. Il est dit aussi de Noé, qu'il était juste et parfait dans sa génération (Gn 6,9); de Job, qu'il était irréprochable, juste, pieux et véridique (Jb 1,1); quant à Daniel, les Chaldéens le prenaient pour un Dieu : or ils viendraient devant moi pour me supplier, qu'ils ne pourraient sauver leurs fils ni leurs filles.

Que la vue de ces vérités, mes frères, nous porte à ne pas mépriser les prières des saints, et à ne pas non plus nous y reposer entièrement; ainsi, d'une part, ne soyons pas négligents, ne vivons pas au hasard ; de l'autre, ne nous privons pas du secours si important de la prière. Demandons aux saints qu'ils prient pour nous, qu'ils élèvent pour nous leurs mains vers Dieu, et nous, de notre côté, attachons-nous à la vertu. Par là nous obtiendrons les biens promis à ceux qui aiment Dieu; par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui gloire, empire, honneur soient au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

HOMÉLIE 2: PAR VOUS LA PAROLE DU SEIGNEUR S'EST RÉPANDUE AVEC ÉCLAT NON-SEULEMENT EN MACÉDOINE ET EN ACHAIE,

200 MAIS VOTRE FOI EN DIEU EST ENCORE SORTIE POUR SE FAIRE CONNAÎTRE PARTOUT, TELLEMENT QU'IL N'EST POINT NÉCESSAIRE QUE NOUS EN PARLIONS; PUISQUE TOUT LE MONDE NOUS RACONTE A NOUS-MÊMES QUEL A ÉTÉ LE SUCCÈS DE NOTRE ARRIVÉE PARMI VOUS, ET COMMENT VOUS VOUS ÊTES CONVERTIS A DIEU APRÈS AVOIR QUITTÉ LES IDOLES, POUR SERVIR LE DIEU VIVANT ET VÉRITABLE, ET POUR ATTENDRE DU CIEL SON FILS QU'IL A RESSUSCITÉ D'ENTRE LES MORTS, JÉSUS QUI NOUS DÉLIVRE DE LA COLÈRE A VENIR. (1Th 1,8-10 1Th 2,1-9)

Analyse.

1. D'où vient ce grand retentissement qu'a eu dans le monde la conversion des Thessaloniciens ? La célébrité d'Alexandre le Grand et du nom Macédonien en a été cause en partie.
2. Les apôtres de Dieu ne recherchent pas la gloire humaine.
3, 4. Excellente description d'une amitié chrétienne. — Qu'il faut aimer pour en bien comprendre la douceur. — Qu'une âme désintéressée imite la bonté que Dieu a eue pour les hommes.

201 1. De même qu'un parfum exquis ne peut tenir son odeur cachée, mais la répand de toutes parts, en remplit l'air et réjouit les sens de ceux qui en approchent; de même les hommes d'une vertu généreuse et admirable ne la tiennent point renfermée en eux-mêmes, mais par la renommée qui s'en répand, ils sont utiles à un grand nombre et les rendent meilleurs. Il en était ainsi des Thessaloniciens, ce qui fait dire à saint Paul : « Vous avez servi de modèle à tous ceux qui ont embrassé la foi dans la Macédoine et dans l’Achaïe. Par vous, en effet, la parole du Seigneur s'est répandue avec éclat, non-seulement en Macédoine et en Achaïe, mais votre foi en Dieu est encore devenue célèbre partout » (1Th 1,7-8). Vous avez été en même temps l’instruction de vos voisins et l'exemple de toute la terre. Car c'est là ce que veut dire ce mot : « Votre foi est devenue célèbre partout ». L'apôtre ne se contente pas de dire que leur réputation était répandue partout, il ajoute « avec éclat » (1Th 1,8). Comme le son d'une trompette éclatante retentit dans tous les lieux d'alentour; de même le bruit de votre foi si généreuse a rempli également tout l'univers. D'ordinaire, les grands événements ont, dans le lieu où ils s'accomplissent, un retentissement qui s'affaiblit par la distance ; il n'en est pas de même du bruit de votre foi, le retentissement en a été égal par toute la terre. Que l'on ne croie pas qu'il y ait de l'exagération dans ces paroles. La nation des Macédoniens était autrefois fameuse avant la venue de Jésus-Christ; elle jouissait alors partout de plus de célébrité que les Romains. Ce qui a fait la gloire des Romains, c'est d'avoir subjugué les Macédoniens.

Les grandes actions du roi des Macédoniens sont au-dessus de tout discours ; parti d'une petite ville, il a conquis l'univers. Le Prophète le vit sous la figure d'un léopard ailé, ce qui marquait sa rapidité, son impétuosité ardente, et la soudaineté avec laquelle il allait parcourir le monde sur les ailes de la victoire. On rapporte qu'ayant entendu dire à un philosophe qu'il existait une infinité de mondes, il soupira amèrement, parce que de ce nombre infini de mondes, il n'en avait pas même conquis un tout entier; tant il avait l'âme et le coeur grands-, et sa renommée par toute la terre n'était pas moindre. En même temps que la gloire du roi, s'était élevée celle de la nation. On le nommait Alexandre de Macédoine. Sa réputation remplissait le monde, et rien de ce qui concernait le pays d'un roi, partout si célèbre, ne demeurait ignoré. Les Romains eux-mêmes ne l'emportaient pas sur les Macédoniens en célébrité.

«Votre foi en Dieu est sortie » pour se faire connaître « partout » (1Th 1,8). Il se sert du terme « est sortie » comme s'il parlait d'un être animé. C'est un effet de leur ferveur extraordinaire. Il ajoute encore, toujours pour montrer la puissance et l'énergie de cette même foi : « Tellement qu'il n'est pas nécessaire que nous en parlions, puisque tout le monde nous raconte à nous-mêmes quel a été le (185) succès de notre arrivée parmi vous» (1Th 1,8-9). Ceux qui ont été témoins de vos vertus n'ont rien à en apprendre aux autres qui les préviennent, informés de tout avant d'avoir rien vu ; tant la renommée a été prompte et exacte à les instruire. Nous n'avons donc pas besoin de leur raconter les merveilles de votre piété, quand nous voulons les porter à vous imiter, puisqu'on nous prévient partout, et que l'on commence par nous dire ce qu'on aurait dû apprendre de nous. L'envie que font naître vos vertus ne peut tenir contre leur éclat, et tous sont contraints de se faire les hérauts de vos glorieux combats. Leur infériorité en face de vous ne les rend pas muets sur votre compte, et ils sont les premiers à vous louer. Secondée par des dispositions si favorables, notre parole ne saurait rencontrer nulle part l'incrédulité ni la défiance.

« Tout le monde nous raconte quelle a été notre arrivée parmi vous » (1Th 1,9). Qu'est-ce à dire? Qu'elle a été pleine de périls, exposée à mille morts sans que rien ait pu vous troubler; que vous nous êtes demeurés attachés comme s'il n'y avait eu aucun danger à craindre; que vous nous avez accueillis une seconde fois malgré les tribulations, comme vous auriez pu faire si, au lieu de la persécution, nous vous avions apporté tous les biens. Saint Paul, accompagné de Silas, avait quitté Thessalonique pour aller à Bérée. Pendant son absence les fidèles furent persécutés. A son retour il fut reçu avec amour et avec beaucoup d'honneurs par les fidèles qui exposèrent ainsi leur vie pour lui. C'est de cette seconde arrivée surtout qu'il veut parler. Ce mot donc : « Quelle a été notre arrivée parmi vous », présente un sens complexe. Il renferme l'éloge de saint Paul et de Silas non moins que celui des Thessaloniciens, quoique l'apôtre leur attribue tout l'honneur. — « Et comment vous vous êtes convertis à Dieu après avoir quitté les idoles, pour servir le Dieu vivant et véritable » (1Th 1,9). C'est-à-dire, combien votre conversion a été facile, comme vous avez vite embrassé son culte avec entrain, comme il a fallu peu d'efforts pour vous amener à servir le Dieu vivant et véritable.

Puis, prenant un ton moins grave, celui d'un homme qui exhorte, il ajoute : « Pour attendre du ciel son Fils, qu'il a ressuscité d'entre les morts, Jésus qui nous a délivrés de la colère à venir » (1Th 1,10). Pour attendre du ciel, dit saint Paul, celui qui a été crucifié et enseveli, c'est ce qu'il fait entendre en ajoutant « Qu'il a ressuscité des morts ». On voit ensemble, dans ce verset, la résurrection, l'ascension, le second avènement de Jésus-Christ, le jugement, la récompense des bons et le supplice des méchants. — « Jésus qui nous a délivrés de la colère à venir » (1Th 1,10). C'est là une consolation, un encouragement et une exhortation. Car, si Dieu a ressuscité son Fils d'entre les morts, s'il est dans le ciel, s'il en doit revenir, et cela, vous le croyez, car autrement vous n'auriez pas souffert ce que vous avez souffert, n'est-ce pas là une grande consolation pour vous? Que si vos persécuteurs doivent infailliblement subir un jour leur peine, et vous, recevoir votre récompense, ce que l'apôtre affirme dans sa seconde épître (2Th 1,9), c'est encore une autre consolation que vous aurez, et une grande. En disant d'attendre du ciel le Fils de Dieu, Jésus-Christ, l'apôtre nous apprend que les maux sont pour nous dans le temps présent et les biens dans l'avenir, lorsque le Christ viendra du ciel. Voyez combien l'espérance nous est nécessaire, puisque le Christ crucifié est ressuscité, est monté aux cieux et doit venir juger les vivants et les morts.

202 2. « Car vous savez vous-mêmes, mes frères, que notre arrivée chez vous n'a pas été sans fruit ; mais après avoir beaucoup souffert auparavant, comme vous savez, et avoir été traités avec outrage dans Philippes, nous ne laissâmes pas d'avoir assez confiance en notre Dieu pour vous prêcher hardiment l'Evangile de Dieu parmi beaucoup de combats ». (1Th 2,1-2.) Il est vrai que votre conduite a été généreuse, mais la nôtre aussi n'a point été humaine. C'est la même pensée exprimée déjà plus haut, savoir que le mérite de la prédication se montre de la part des prédicateurs par les signes miraculeux et le dévouement, et de la part des disciples par la ferveur et le zèle. Vous savez vous-mêmes que notre arrivée parmi vous n'a point été sans fruit, c’est-à-dire n'a point été humaine ni ordinaire. A peine délivrés des dangers de mort et des mauvais traitements, nous retombâmes dans de nouveaux périls. « Mais après avoir beaucoup souffert auparavant, et avoir été outragés, comme vous savez, dans Philippes; nous avons montré notre Confiance en notre Dieu ». Voyez comme de nouveau il (186) rapporte tout à Dieu. « Pour prêcher hardiment devant vous l'Evangile de Dieu parmi beaucoup de combats ». On ne peut dire que nous ayons eu ces combats à Philippes, mais non parmi vous. « Vous m'êtes témoins des peines, des inquiétudes, des périls où nous avons été dans votre ville». Il dit la même chose en écrivant aux Corinthiens : « J'ai été parmi vous dans de grandes afflictions, dans de grands travaux, dans une grande crainte, et dans de grands tremblements ». (1Co 11,3)

« Car nous ne vous avons point prêché une doctrine d'erreur et d'impureté, et nous n'avons point eu dessein de vous tromper, mais comme Dieu nous a choisis pour nous confier son Evangile, nous parlons aussi, nous, pour plaire non aux hommes, mais à Dieu qui voit le fond de nos coeurs (3, 4) ». C'est donc, comme je l'ai déjà dit, de la fermeté de ce peuple que saint Paul tire des preuves pour montrer que sa prédication était l'ouvrage de Dieu. Autrement, s'il y eût eu de l’illusion et de la tromperie, nous n'aurions pas enduré des maux si excessifs qu'ils ne nous permettaient même pas de respirer. Que prouvait donc notre patience? sinon que si un avenir de bonheur ne nous était réservé, ou si nous n'eussions été pleinement assurés que notre espérance n'était pas vaine, nul d'entre nous n'aurait de bon coeur souffert tant de maux. Qui donc voudrait, pour les seuls biens d'ici-bas, souffrir tant de maux, mener une vie d'angoisses et pleine de périls ? Otez l'espérance des biens à venir et dites-moi comment les apôtres auraient pu convertir une seule personne ? Quoi de plus capable d'effrayer des disciples que de voir les maîtres qui les instruisent si persécutés? Mais cela ne vous a point effrayés. « C'est que nous ne vous avons point prêché une doctrine d'erreur ». L'Evangile n'est pas un leurre ni une tromperie pour que nous reculions devant quelque chose. Notre doctrine n'est pas une doctrine d'abomination comme les pratiques des sorciers et des magiciens. Ce n'est pas une doctrine « d'impureté » que nous vous prêchons. Nous ne sommes ni artificieux, ni factieux comme Theudas.

« Mais comme Dieu nous a choisis pour nous confier son Evangile, nous parlons aussi non pour plaire aux hommes, mais à Dieu ». Vous le voyez, ce n'est pas ici une affaire d'amour-propre; nous ne cherchons pas à plaire aux hommes, mais à Dieu qui connaît le fond de nos coeurs. Autrement, quelle serait la raison de notre conduite? Après ce témoignage flatteur, qu'ils ne font rien pour plaire aux hommes ni pour rechercher leurs honneurs, il ajoute : « Comme nous avons été choisis de Dieu pour être chargés de son Evangile ». C'est comme s'il disait : S'il ne nous avait vus affranchis de toute préoccupation terrestre, il ne nous aurait pas choisis. Tels donc il nous a choisis, tels nous restons. — « Nous avons été choisis de Dieu après examen » ; il nous a examinés et nous a confiés son Evangile. Nous restons dans le même état dans lequel nous avons été approuvés de Dieu. La charge de prêcher l'Evangile de Dieu est une preuve de vertu; Dieu ne nous aurait pas approuvés pour cette mission s'il avait vu en nous quelque chose de mauvais. Quand saint Paul dit que Dieu l'a éprouvé, il veut dire simplement qu'il l'a vu bon et qu'il l'a choisi pour apôtre, et non qu'il l'ait mis à l'épreuve. Nous avons. besoin, nous; de mettre à l'épreuve pour savoir à quoi nous en tenir; mais Dieu connaît tout d'une seule vue et sans épreuve.— Donc, nous parlons comme doivent parler ceux que Dieu a choisis et qu'il a jugés dignes de l'Evangile. Et nous ne parlons pas comme si nous avions à plaire aux hommes, c'est-à-dire, ce n'est pas à cause de vous que nous faisons ce que nous faisons. Et parce qu'il les avait loués, pour prévenir le soupçon que cela aurait pu causer, il ajoute : « Car nous n'avons usé d'aucune parole de flatterie, comme vous le savez, et notre ministère n'a point servi de prétexte à notre avarice, Dieu m'en est témoin. Nous n'avons point non plus recherché aucune gloire de la part des hommes, ni de vous ni d'aucun autre. Nous pouvions cependant, comme apôtre de Jésus-Christ, vous charger de notre subsistance (5, 6) ». — Nous n'avons pas usé de flatterie, comme font ceux dont l'intention est de tromper, de s'emparer des hommes et de les dominer. On ne peut dire que nous vous ayons adulés pour vous dominer, ou nous approprier vos richesses. Qu'il ne les a pas flattés pour les dominer, la chose est claire, et il en appelle à leur témoignage; qu'il ne les a pas flattés par un motif d'avarice, si l'on en peut douter, il en prend Dieu à témoin. — « Nous n'avons point non plus (187) recherché aucune gloire de la part des hommes, ni de vous, ni d'aucun autre. Nous pouvions cependant, comme apôtre de Jésus-Christ, vous charger de notre subsistance». C'est-à-dire, nous n'avons pas recherché les honneurs, nous n'avons pas étalé de faste, nous ne nous sommes point fait escorter. Et quand nous l'aurions fait, qui aurait pu nous condamner ? Si les ambassadeurs des rois sont honorés, quels qu'ils soient personnellement, à combien plus forte raison devions-nous l'être? Il ne dit pas : Nous avons été dans l'opprobre, nous avons été laissés sans honneur, ç'eût été leur faire un reproche; il dit : Nous n'avons pas recherché les honneurs. Si nous n'avons pas recherché les honneurs, lorsque la prédication nous donnait ce droit, il est clair que nous n'agissons pas en vue de la gloire humaine. Quand même cependant nous aurions recherché les honneurs, qui eût pu nous en faire un crime? N'est-il pas convenable que les envoyés de Dieu aux hommes, que ceux qui viennent du ciel sur la terre, en qualité d'ambassadeurs, soient accueillis même avec beaucoup d'honneurs? Par surérogation nous n'avons rien fait de cela, pour fermer la bouche à nos adversaires.

203 3. Et vous ne pouvez dire que telle a été ma conduite envers vous, mais non envers les autres. Voici, en effet, ce qu'il dit écrivant aux Corinthiens : « Vous souffrez que l'on vous réduise en servitude, que l'on vous dévore, que l'on vous pille, que l'on s'élève, que l'on vous frappe au visage ». (2Co 11,20) La même chose se trouve exprimée dans les passages suivants : « Son aspect », disent vos séducteurs en parlant de Paul, son aspect est misérable, son discours « méprisable » ; et « pardonnez-moi cette injure, etc., » (2Co 10,10) Ici, dans son épître aux Thessaloniciens, il parle encore de l'argent qu'il pouvait demander pour sa subsistance, en qualité d'apôtre de Jésus-Christ.

« Mais nous avons été parmi vous comme de petits enfants, comme une mère qui nourrit et qui aime tendrement ses propres enfants. Ainsi dans l'affection que nous ressentions pour vous, nous aurions souhaité de a vous donner, non-seulement la connaissance de l'Evangile de Dieu, mais aussi notre a propre vie, tant était grand l'amour que nous vous portions (7, 8) ». Nous avons été au milieu de vous comme de petits enfants; nous n'avons montré ni orgueilleuse dureté, ni fastueuse hauteur « au milieu de vous ». C'est comme s'il disait : J'ai été l'un d'entre vous, je n'ai pas pris pour moi une place plus haute que les autres.

« Nous avons été comme une mère qui nourrit et qui aime tendrement ses propres enfants ». Tel doit être le pasteur. Une mère caresse-t-elle son enfant pour en retirer de la gloire? Exige-t-elle de lui de l'argent pour le lait qu'elle lui donne ? Lui est-elle à charge ? lui fait-elle de la peine? Saint Paul donc veut montrer, par cette comparaison, jusqu'où doit aller l'affection d'un pasteur pour son peuple. C'est cet amour, dit-il aux Thessaloniciens, que nous avons eu pour vous. Non-seulement nous n'avons rien désiré de vos biens, mais s'il avait fallu donner notre vie même pour vous, nous l'aurions fait de bon coeur. Est-ce là, dites-moi, l'effet d'un sentiment purement humain? qui serait assez insensé pour le croire? Nous aurions voulu, dit saint Paul, vous donner non-seulement l'Evangile de Dieu, mais notre propre âme. C'est donc plus de donner sa vie que de prêcher, parce que l'on souffre davantage en donnant sa vie. Il est vrai que l'Evangile est quelque chose de plus précieux : mais la mort aussi est quelque chose de plus pénible. Nous aurions voulu, dit l'apôtre, s'il eût été possible, livrer nos âmes pour vous. Comme il avait beaucoup loué ce peuple, il a soin de leur dire qu'il ne l'a pas fait pour rechercher la gloire, ni de l'argent, ni pour les flatter. Les Thessaloniciens avaient eu de grands combats à soutenir. Ils méritaient donc quelques louanges afin de s'affermir de plus en plus dans leurs bonnes résolutions. Cependant ces louanges pouvant devenir suspectes, saint Paul s'efforce de prévenir ces soupçons. C'est dans cette vue qu'il leur parle de ses périls. Et, d'autre part, afin que l'on ne croie pas qu'il parle de ses périls pour s'attirer des hommages en retour, il ajoute : « Parce que vous m'êtes très-chers». J'aurais volontiers donné ma vie pour vous, parce que je vous suis étroitement attaché. Nous annonçons l'Evangile parce que Dieu nous l'ordonne ; mais notre affection pour vous est telle que, s'il le fallait, nous livrerions pour vous notre âme. Telle est l'amitié véritable, celui qui aime donnerait sa vie si elle lui était demandée et que cela fût possible. Que dis-je, si elle lui était demandée? bien plus (188) il courrait lui-même au-devant d'un tel don. Rien de plus doux qu'un tel amour; il n'est mêlé d'aucune amertume. Un ami fidèle est vraiment le baume salutaire de la vie; un ami fidèle est vraiment un rempart solide.

Que ne ferait pas un ami sincère? Quelle joie n'apporte-t-il pas à la vie, quelle utilité, quelle sûreté? Des trésors par milliers ne seraient pas comparables à un sincère ami. Parlons donc des délices d'une sainte amitié. Eu voyant son ami, l'ami éprouve une joie dont il est inondé. L'union de leurs deux âmes leur procure d'ineffables délices; il suffit d'un souvenir de l'ami pour élever la pensée, pour lui donner des ailes. Je parle des vrais amis, unis du fond de l'âme, prêts à mourir s'il le faut, dont l'affection est ardente. Je ne veux pas que l'on pense à ces amis vulgaires, amis de table, amis de note, ce n'est pas de ceux-là que je parle. Si quelqu'un possède un ami tel que celui que j'ai en vue, il me comprend. Il ne se rassasie jamais de le voir, le vît-il tous les jours. Il lui souhaite les mêmes biens qu'à lui-même. J'ai connu un homme qui commençait toujours à prier pour son ami, ensuite pour lui-même. Tel est un ami, qu'on aime, à cause de lui jusqu'aux temps, jusqu'aux lieux mêmes. Comme les objets qui ont de l'éclat, le font rejaillir tout autour d'eux, de même les amis laissent quelque chose de leur amabilité aux lieux qu'ils fréquentent. Et souvent nous retrouvant dans ces mêmes lieux sans nos amis, nous pleurons au souvenir des jours que nous y avons passés avec eux. Il n'est pas donné au discours de représenter tout le plaisir que nous fait goûter la présence d'un ami, ceux-là seuls le connaissent, qui en ont fait l'expérience. On peut librement demander une grâce à un ami et la recevoir sans la moindre honte. Lorsqu'ils nous prient de quelque chose, nous leur en savons gré lorsqu'ils craignent de nous importuner, nous ne nous en consolons pas. Nous n'avons rien qui ne soit à eux. Souvent, lorsque tout nous inspire du dégoût en ce monde, nous ne voudrions cependant pas les quitter. Ils nous sont plus agréables que la lumière du jour.

204 4. Non, la lumière du jour elle-même n'est pas plus douce qu'un ami, qu'un véritable ami. Et ne vous étonnez pas de ce que je dis. Mieux vaudrait, pour nous, que le soleil s'éteignît, que d'être privés de nos amis; mieux vaudrait vivre dans les ténèbres que d'être sans

amis. Pourquoi? parce que beaucoup peuvent voir le soleil et rester néanmoins dans les ténèbres, et que ceux qui sont riches en amis, ne sauraient ressentir de tristesse au milieu même de l'affliction. Je parle toujours dès véritables amis, des amis spirituels, et qui ne préfèrent rien à l'amitié. Tel était saint Paul, qui aurait, de bon coeur, donné sa vie sans même attendre qu'on la lui eût demandée, et qui eût, sans hésiter, descend et dans les flammes de l'enfer. C'est avec cette ferveur qu'il faut aimer. Je veux donner un exemple d'amitié. Les amis aiment leurs amis avec plus de tendresse gire les pères n'aiment leurs enfants, que les enfants n'aiment leurs pères, le dis les amis selon Jésus-Christ. Ne me parlez pas des amis d'aujourd'hui, l'amitié est une vertu que nous avons perdue avec tant d'autres. Mais remontez vers les temps apostoliques, et, sans parler des apôtres eux-mêmes, considérez quels étaient les simples fidèles, dont il est dit qu'ils n'avaient tous qu'un coeur et qu'une âme ; que nul ne regardait comme sa propriété exclusive rien de ce qui lui appartenait, et qu'on distribuait à chacun selon son besoin. (
Ac 4,30) Les mots « le tien» et « le mien» ne s'entendaient jamais parmi eux. Ne rien tenir comme sa propriété exclusive, mais tout regarder comme le bien du prochain, considérer ses propres biens comme des choses étrangères, épargner la vie de son ami comme la sienne propre : c'est dans la réciprocité, cette disposition que consiste la vraie amitié.

Et où trouver une telle amitié? dira-t-on. En effet, elle est difficile à rencontrer à cause de notre mauvaise volonté que notre volonté change et rien ne sera plus facile. Si une telle amitié n'était pas possible, Jésus-Christ ne nous l'eût pas commandée; il t'en eût pas fait un précepte si exprès. Il faut le dire encore une fois, c'est quelque chose de grand que l'amitié. C'est un bien qui ne peut s'exprimer ni se connaître que par l'expérience, l'union des amis a été quelquefois jusqu'à produire des hérésies; c'est elle qui fait que les païens sont encore païens. Celui qui aimé ne veut ni dominer ni commander. Il se tient pour obligé qu'on lui commande. Un ami aime mieux faire un plaisir que le recevoir, parce qu'il aime. Il est, en donnant toujours, comme un homme qui ne peut satisfaire ses désirs. Il ne trouve pas tant de plaisir dans le bien qu'on lui fait, que dans le bien qu'il fait lui-même. Il (189) aime mieux obliger son ami que d'être l'obligé de son ami, ou plutôt il veut devoir et qu'on lui soit redevable. Il veut faire plaisir, et il ne veut pas paraître faire plaisir, mais paraître l'obligé tout en obligeant.

Je suis sûr que beaucoup d'entre vous n'entendent rien à ce que je dis. En effet, il semble qu'il y ait de la contradiction à dire qu'un homme en prévienne un autre, qu'il commence à l'obliger le premier, et qu'en même temps il veuille ne point paraître l'avoir prévenu. C'est ainsi que Dieu lui-même a agi à notre égard. Il voulait nous donner son propre Fils; mais pour ne pas paraître nous le donner gratuitement, mais comme quelque chose qu'il nous devait, il commanda à Abraham de lui donner son fils; de sorte que tout en nous faisant le plus grand des dons, il paraissait ne rien faire d'extraordinaire. Celui qui n'aime point, reproche le bien qu'il fait, et exagère jusqu'aux moindres grâces. Celui qui aime, au contraire, cache tout le bien qu'il fait et veut que ses bons offices passent pour rien. Bien loin de vouloir qu'on croie que son ami lui ait obligation, il fait tout son possible pour faire croire que c'est lui-même qui ]ni est obligé des services qu'il lui a rendus. Je vous le dis encore : je sais bien que plusieurs ne comprennent rien à ce que je dis, car je parle d'une vertu qui n'est plus guère maintenant que dans le ciel. Lorsque je vous parle de l'amitié, c'est comme si je vous parlais de quelque plante inconnue qui viendrait dans l'Inde, et que vous n'auriez jamais rencontrée. Tout ce que je pourrais vous en dire, ne vous en donnerait pas l'exacte connaissance, puisque je ne pourrais pas vous en faire sentir la vertu par expérience. De même quelque éloge que je fasse de l'amitié, vous ne me comprendrez pas si vous n'aimez. — C'est dans le ciel qu'est cette noble plante ; c'est là qu'elle pousse des branches chargées, non de perles mais de vertus infiniment plus précieuses. Comparez l'amitié à tous les plaisirs honnêtes ou déshonnêtes, vous n'en trouverez pas qui l'égale. L'amitié surpasse toutes les douceurs du monde, sans excepter même celle du miel, puisqu'on finit par se dégoûter du miel et jamais d'un ami. Tant qu'il est ami, on ne s'en lasse point; au contraire, on l'aime toujours de plus en plus, et la douceur qu'on y senti n'est point mêlée d'amertume.

Un ami est plus agréable que la vie même, c'est pourquoi on en a vu ne plus désirer de vivre après la mort de leurs amis. On souffre de bon coeur l'exil avec un ami, et sans lui on est comme exilé dans son propre pays et dans sa maison même. On trouve la pauvreté supportât le avec un ami; sans lui, ni la santé ni les richesses n'ont rien qui nous plaise, tout nous est insupportable. On retrouve dans un ami un autre soi-même. Je souffre de ne point trouver d'exemple qui me satisfasse. Je reconnais, avec confusion, que tout ce que je dis est infiniment au-dessous de la vérité. Car les avantages que j'ai marqués ne regardent encore que cette vie. Mais ensuite Dieu récompense une amitié semblable au-delà de ce qu'on peut s'imaginer. Il nous offre une récompense afin que nous nous aimions les uns les autres. Aimez, dit-il, et recevez une récompense ; c'est nous qui devrions, pour cela, offrir une récompense. Priez, dit-il encore, et recevez une récompense; c'est nous encore qui devrions offrir une récompense pour lesbiens que nous demandons. Parce que vous me demandez mes grâces, recevez une récompense. Jeûnez et soyez récompensé. Devenez vertueux et je vous récompenserai, bien que vous me soyez redevable. Lorsque les pères ont rendu leurs enfants vertueux, ils les en récompensent ; car ils leur sont redevables du plaisir qu'ils éprouvent de les voir vertueux. Dieu fait de même. Devenez vertueux, nous dit-il, et je vous promets une récompense. Votre vertu réjouit mon coeur de père, et pour cela je vous dois une récompense. Si vous devenez mauvais, c'est tout le contraire; car vous irritez l'auteur de votre existence. N'irritons pas Dieu, réjouissons au contraire sort coeur, afin que nous obtenions le royaume des cieux en Jésus-Christ Notre-Seigneur, etc.

Traduit par M. JEANNIN.



Chrysostome sur Thess.