Chemin de la perfection 18

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CHAPITRE XVIII

Suite du même sujet - Les souffrances des contemplatifs dépassent de beaucoup celles des personnes qui sont dans la vie active. - Celles-ci trouvent là une grande consolation.

Gardez-vous de croire, mes filles (je m'adresse à celles que Dieu ne conduit pas par le chemin de la contemplation), que les croix des contemplatifs soient plus légères que les vôtres. Certes, si j'en juge par ce que j'ai vu et entendu, elles sont tout autrement pesantes. Vous seriez saisies d'effroi, si Dieu vous montrait la manière dont il les traite. Je connais ces deux états ; je sais que les tribulations par les quelles Dieu fait passer les contemplatifs sont intolérables ; c'est au point que si Dieu ne fortifiait leur âme par l'aliment des délices intérieures, ils n'auraient point la force de les supporter : cela est évident. Car il est certain, d'une part, que Dieu mène ceux qu'il aime beaucoup, par le chemin des souffrances, et que plus il les aime, plus les souffrances sont vives ; si, d'autre part, Dieu ne hait pas les contemplatifs, s'il les loue au contraire lui-même et s'il les appelle se amis, il y aurait contradiction à croire que Dieu admet à son intimité des personnes de vie molle et délicate. Je tiens donc pour très certain que Dieu envoie aux contemplatifs des croix beaucoup plus grandes qu'aux autres. Le chemin par lequel il les amène est si âpre et si rude, que souvent il leur arrive de se croire égarés, et d'être tentés de revenir sur leurs pas pour retrouver leur route. Aussi faut-il que Notre-Seigneur leur donne un fortifiant, non pas d'une eau quelconque, mais d'un vin qui les enivre, afin qu'ils ne pensent pas à leurs souffrances et qu'ils puissent les supporter.

Ainsi je vois peu de contemplatifs qui ne soient courageux et déterminés à souffrir. La première chose que Notre-Seigneur fait en eux, lorsqu'il les voit faibles, est de leur donner du courage et de leur ôter l'appréhension des croix. Ceux qui sont dans la vie active s'imaginent sans doute, dès qu'ils sont témoins de la plus petite faveur accordée aux âmes élevées à la contemplation, qu'il n'y a dans cet état que douceurs et délices ; et moi je dis que peut-être ils ne pourraient supporter, durant un jour, les souffrances des contemplatifs. Mais Dieu, qui nous connaît tous, sait à quoi nous sommes propres, et il donne à chacun l'office qu'il voit être le plus convenable au salut de son âme, à sa propre gloire et au bien du prochain. Ainsi, mes filles, pourvu que vous vous soyez mises à la disposition de Dieu, ne craignez point que votre travail soit perdu. Comprenez bien mes paroles ; je dis que nous devons toutes nous y préparer : nous ne sommes ici assemblées que pour cela. Et nous n'y sommes pas pour un an ou deux, ou dix seulement ; limiter là notre fidélité serait lâche. Que Dieu voie bien en nous cette disposition de toute générosité.

Imitons ces soldats qui, même après de longues années de service, sont toujours à l'ordre, et prêts, sur un signe du capitaine, à prendre le poste où il les enverra ; car ils sont à sa solde, et il les paiera. Or, qu'est-ce que la solde des rois de la terre, en comparaison de celle de notre Roi ? Quand il voit ses fidèles debout devant lui et désireux de le servir, lui qui connaît les forces de chacun, il répartit les emplois selon les forces. S'ils ne se présentaient pas, ils ne recevraient pas d'ordre, ils n'auraient rien à faire à son service. Soyez donc exactes, mes soeurs, à l'oraison mentale, et si quelqu'une ne peut faire cette oraison, qu'elle vaque à la prière vocale, à la lecture, à de pieux colloques avec Dieu, comme je dirai dans la suite. Mais que nulle d'entre vous ne manque aux heures d'oraison prescrites par la règle. Vous ne savez point quand l'Epoux vous appellera, et vous devez craindre le sort des vierges folles. Peut-être lui plaira-t-il de vous appeler, sous couleur de consolations, à de plus grands travaux. S'il ne le fait pas, vous devez croire que vous n'y êtes pas propres et qu'il vous convient de servir dans la voie commune. Et c'est déjà une humilité de quelque mérite que de vous croire incapables même du bien que vous faites. Oui, servez avec allégresse le divin Maître en ce qu'il demande présentement de vous. Si elles ont vraiment cette humilité-là, bienheureuses ces servantes de la vie active ! Sans se plaindre d'autre chose que de leur faiblesse, elles laissent aux contemplatifs les combats qu'ils ont à soutenir et qui ne sont pas petits.

Considérez les porte-drapeaux dans les batailles ; ils ne se battent point, il est vrai, mais ils n'en courent pas moins de grands dangers, et il leur faut au coeur un courage supérieur à celui des autres ; parce que, chargés du drapeau, ils ne peuvent parer les coups et doivent se laisser mettre en pièces plutôt que de l'abandonner. De même les contemplatifs doivent porter haut l'étendard de l'humilité, et demeurer exposés à tous les coups, sans en rendre aucun : leur office est de souffrir comme Jésus-Christ a souffert, et de tenir toujours la croix élevée, sans l'abandonner, quelques dangers qu'ils courent, sans montrer de la faiblesse, quelques peines qu'ils aient à souffrir. C'est dans cette vue que Dieu leur donne un emploi si honorable. Qu'ils prennent donc bien garde à ce qu'ils feront. Les enseignes abandonnent-ils leur drapeau, la bataille est infailliblement perdue. De même, les contemplatifs cessent-ils de répondre par leurs oeuvres au rang qu'ils occupent, leur exemple est très funeste aux personnes encore peu avancées dans la vertu, qui les regardaient comme leurs capitaines et de véritables amis de Dieu. Que de simples soldats aillent au combat comme ils peuvent, et quelquefois même lâchent pied, aux endroits où le péril est le plus grand, personne n'y prendra garde, et ils n'en sont point déshonorés. Mais les capitaines, exposés à tous les regards, ne sauraient faire un pas en arrière qu'on ne le remarque. Sans doute il est beau, il est glorieux, de marcher en tête des autres ; ceux à qui le Roi confie cet emploi, reçoivent une éminente faveur ; mais ils ne s'obligent pas à peu de chose en l'acceptant (5).

Mes soeurs, puisque nous ne savons ce que nous demandons, laissons faire Dieu et n'imitons pas ceux qui croient pouvoir en justice implorer des faveurs. Plaisante manière de s'humilier ! Aussi rarement, je pense, l'auteur de tout bien les leur accorde-t-il, parce que pénétrant le fond des coeurs, il ne les voit point disposés à boire son calice.

Voulez-vous avoir, mes filles, une marque de votre avancement dans la vertu ? Que chacune de vous examine si elle se croit la plus mauvaise de toutes, et s'il y paraît à ses oeuvres, pour l'édification et l'utilité du prochain : là est la marque du progrès, et non dans les délices de l'oraison, dans les ravissements, les visions et les autres faveurs de cette nature que Dieu fait aux âmes. De ces faveurs-là nous ne connaîtrons la valeur vraie que dans l'autre monde. Mais voici une monnaie qui a toujours cours, un revenu assuré, une rente perpétuelle ; et non pas une avance précaire et variable. Notre vrai trésor est une humilité profonde, une grande mortification, et une obéissance qui, voyant Dieu même dans le supérieur, se soumet à tout ce qu'il commande.

Je devrais, avant tout, insister sur l'obéissance, puisque sans elle il n'y a point de vraie religieuse ; mais je parle à des religieuses qui, à mon avis, sont bonnes, ou du moins désirent l'être : d'une vertu si connue et si importante je ne dirai qu'un mot, retenez-le. Toute personne qui, étant soumise par voeu à l'obéissance, y manque, et n'apporte pas tout le soin possible à accomplir ce voeu, je ne sais pas pourquoi elle reste dans le monastère. J'assure hardiment que tant qu'elle y manquera, elle n'arrivera jamais à être contemplative, ni même à se bien acquitter des devoirs de la vie active. Cela me paraît indubitable. Je dis plus, quand même ce serait une personne qui n'aurait point fait de voeu, si elle prétend arriver à la contemplation, elle doit, pour n'être point trompée, se résoudre fermement à soumettre sa volonté à la conduite d'un confesseur expérimenté dans cette voie. C'est une vérité reconnue que l'on avance plus de cette sorte en un an, que l'on ne ferait autrement en plusieurs années. Mais comme l'avis ne vous regarde point, il serait inutile de m'y arrêter davantage.

Ce sont donc là, mes filles, les vertus que je vous souhaite, que vous devez tâcher d'acquérir, et pour lesquelles vous pouvez concevoir une sainte envie. Quant à ces autres faveurs, n'ayez point de peine d'en être privées ; leur origine est douteuse. Tandis qu'en certaines âmes elles sont réellement un don céleste, Dieu pourrait permettre qu'elles ne fussent en vous qu'illusion du démon, qui vous tromperait ainsi qu'il en a trompé d'autres. Pourquoi aspirer à servir Dieu dans une chose incertaine, lorsque vous pouvez le servir en tant d'autres qui sont sûres ? et qui vous oblige à vous engager dans ce péril ?

Il m'a semblé nécessaire de parler avec quelque étendue sur ce sujet, parce que je connais la faiblesse de notre nature et aussi la force que Dieu donne, lorsqu'il lui plaît d'élever une âme à la contemplation. Pour ceux à qui Dieu ne veut pas faire cette grâce, j'ai cru leur devoir donner ces avis, grâce auxquels les contemplatifs eux-mêmes trouveront de quoi s'humilier. Je conjure Notre-Seigneur, au nom de sa bonté infinie, de nous éclairer pour accomplir en tout sa volonté ; et ainsi nous n'aurons rien à craindre.


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(1) « Quel désordre dans ce que j'écris ! En vérité je suis comme quelqu'un qui n'entend rien à ce qu'il fait. A vous la faute, mes soeurs, vous me l'avez ordonné. Lisez ces pages comme vous pourrez ; je les écris, moi, comme je peux : sinon jetez-les au feu ; c'est tout ce qu'elles méritent. Un pareil travail exige du calme et des loisirs ; et moi, j'en ai si peu, vous le voyez, que je passe huit jours sans écrire. J'oublie alors ce que j'ai dit et ce que je vais dire.

Mais c'est mal à moi de m'excuser et de vous engager en même temps à ne pas le faire. » (Esc.)

(2) Pour le numérotage des chapitres, nous suivrons jusqu'à la fin du livre l'édition de D. Francisco Herrero Bayona

(3) « Et qu'il vous aidera, vous et moi. » (Esc.)

(4) Le livre de sa Vie, ch. Xv, p. 149.

(5) « Voyez comme dans les batailles les portes-drapeaux et les officiers sont obligés à plus de valeur. Un pauvre petit soldat va son train ordinaire, et s'il se cache une fois ou une autre, pour n'aller pas dans la mêlée plus ardente, on ne fait aucune attention à lui ; on ne le voit pas, il ne perd pas l'honneur, il ne risque pas sa vie ; au contraire le porte-drapeaux doit aller de l'avant, avec sa bannière, sans la jeter, sans la lâcher, quand même on le mettrait en pièces, et toute l'armée a les yeux sur lui. » (Esc.)


L'oraison: les difficultés de la méditation




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CHAPITRE XIX

De l'oraison. - Quelques avis aux âmes incapables de longs raisonnements.

J'ai interrompu cet écrit depuis bien des jours, sans avoir jamais eu le loisir de le reprendre. Pour savoir où j'en étais, il serait nécessaire de le relire ; mais afin de ne pas perdre le temps, disons ce qui viendra, sans plus réfléchir.

Les esprits réglés, les âmes exercées dans la méditation et capables de recueillement, ont à leur usage tant de livres, et si bien faits et si autorisés par le mérite de leurs auteurs, que ce serait folie d'accorder une attention quelconque à mes avis en matière d'oraison. Ces ouvrages présentent les mystères de la vie et de la passion de Notre-Seigneur, distribués pour chaque jour de la semaine ; il contiennent en outre des méditations sur le jugement, sur l'enfer, sur notre néant, sur les grandes obligations que nous avons à Dieu ; enfin, ils renferment des instructions solides et des règles sûres pour le commencement et la fin de l'oraison. A ceux qui peuvent méditer ainsi, et qui en ont déjà la coutume, je n'ai rien à dire ; par un chemin si sûr, Notre-Seigneur les conduira au port de la lumière, et la fin répondra à un si bon commencement. Tous ceux qui pourront marcher par cette voie, y trouveront repos et sécurité ; car dès que l'esprit peut se fixer, on va sans fatigue.

Mais il est des personnes qui ne peuvent méditer de la sorte ; c'est à elles que je voudrais donner quelques avis salutaires, si Notre-Seigneur daigne m'en faire la grâce : s'il me la refuse, vous saurez du moins qu'il y a beaucoup d'âmes qui passent par la voie pénible dont je vais parler, et vous ne vous affligerez point, si vous êtes de ce nombre.

Il y a certains esprits si mobiles et si déréglés, qu'on pourrait les comparer à des chevaux qui ne sentent plus le frein ; on ne peut plus les arrêter ; ils vont tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, toujours inquiets, soit que cela vienne de leur naturel, soit que Dieu le permette ainsi (1). J'avoue qu'ils me font grand'pitié : ils ressemblent, à mon avis, à des gens qui ayant une extrême soif et voulant aller boire à une fontaine qu'ils voient de loin, trouvent des ennemis qui leur en disputent l'accès, à l'entrée, au milieu et au terme du chemin. Ils surmontent, non sans beaucoup de peine, les premiers ennemis ; mais ils se laissent vaincre par les seconds. Ils aiment mieux mourir de soif que de combattre plus longtemps, pour boire d'une eau qui doit leur coûter si cher ; la force leur manque, ils perdent courage. Ceux mêmes qui en ont assez pour vaincre les seconds ennemis, perdent coeur devant les troisièmes ; et peut-être n'étaient-ils alors qu'à deux pas de cette source d'eau vive dont Notre-Seigneur disait à la Samaritaine que celui qui en boirait n'aurait plus soif.

Oh ! qu'il est bien vrai, comme l'a dit Celui qui est la vérité même, que ceux qui s'abreuvent à cette fontaine n'ont plus soif d'aucune des choses de cette vie ; mais combien des choses de la vie future ! La soif d'ici-bas ne saurait nous en donner une idée. Comme ils ont soif d'éprouver cette soif inestimable ! Elle est pour eux un martyre, mais elle a des délices qui apaisent ses ardeurs. C'est une soif qui éteint lis désirs naturels, mais remplit les autres. Lorsqu'il plait à Dieu d'étancher cette soif dans une âme, une des plus grandes grâces qu'il puisse lui accorder, c'est de la laisser encore altérée ; et le besoin n'est que plus vif, après avoir bu de cette eau, d'en boire encore. Parmi les nombreuses propriétés de l'eau, il en est trois qui se présentent en ce moment à mon souvenir, et qui reviennent à mon sujet. La première est de rafraîchir : quelque chaleur que nous ayons, l'eau nous l'enlève. Elle éteint même les grands feux, sauf celui de goudron, qui s'en active au contraire (2). Quelle merveille, mon Dieu ! que l'eau ajoute à l'ardeur du feu, quand il est vif, quand il est fort, quand il est supérieur aux éléments naturels, et que l'élément qui lui est contraire, au lieu de l'éteindre, l'enflamme de plus en plus !

Il me serait très utile de pouvoir consulter quelque savant, j'apprendrais de lui les propriétés des choses et je pourrais alors me bien expliquer. Je me délecte à traiter un pareil sujet, mais je ne sais comment l'exposer, et je n'en ai peut-être pas l'intelligence.

Mes soeurs, dès le jour où Dieu vous fera boire à cette eau, vous verrez,- celles d'entre vous qui en boivent le voient déjà, - de quelles délices l'âme est alors inondée. Vous comprendrez comment le véritable amour de Dieu, quand il est dans sa force, libre de toutes les choses de la terre, et planant au-dessus d'elles, devient maître de tous les éléments, et du monde lui-même. Ne craignez point que l'eau de la terre éteigne ce feu de l'amour de Dieu. Car quelque contraire qu'elle lui soit, cette eau n'a pas de pouvoir sur lui. Il est maître absolu, et au-dessus de ses lois. Vous ne vous étonnerez donc pas, mes soeurs, de tous les efforts que je fais dans ce livre pour vous porter à acquérir cette liberté. N'est-ce pas une chose admirable, qu'une pauvre religieuse de Saint-Joseph puisse parvenir à régner en souveraine sur toute la terre et sur les éléments ? Faut-il s'étonner, après cela, que les saints, avec l'assistance de Dieu, aient fait des éléments tout ce qu'il leur a plu ? Le feu et les eaux obéissaient à saint Martin, les poissons et les oiseaux à saint François ; plusieurs autres saints ont exercé un pareil empire sur les créatures. On voyait manifestement qu'ils s'étaient rendus maîtres de toutes les choses de la terre, en les méprisant et se soumettant sans réserve à Celui qui en est le souverain maître. Ainsi, comme je l'ai dit, l'eau d'ici-bas ne peut rien contre ce feu ; ses flammes montent trop haut, et son foyer même est trop élevé.

Il est d'autres feux qui n'ont pour principe qu'un faible amour de Dieu, et qui sont étouffés par le premier accident. Mais il n'en est point de même, oh ! non, de celui dont je parle. Quand toute une mer de tentations viendraient fondre sur lui, il ne s'éteindrait pas, et brûlerait malgré elles. Si c'est une eau qui tombe du ciel, elle ne fera que redoubler son ardeur. Cette eau et ce feu ne sont point opposés, leur pays natal est le même ; loin de se nuire, chacun favorise l'effet de l'autre. Cette eau, en effet, formée par les larmes qui coulent de la véritable oraison, est un don du Roi du ciel ; aussi contribue-t-elle à embraser et à entretenir ce feu ; et le feu aide l'eau des larmes à rafraîchir l'âme.

O Dieu, quelle agréable et merveilleuse chose qu'un feu qui refroidit (car ce feu refroidit, il glace même les affections terrestres) lorsqu'il agit de concert avec l'eau vive du ciel, j'entends cette source d'où découlent les larmes dont je parlais, et qui sont un don de Dieu, et non un fruit de notre industrie ! Cette eau céleste, je le répète, éteint en nous toute ardeur pour les choses de la terre et nous empêche de les considérer autrement que pour y allumer ce feu divin, à qui ses progrès ne suffisent jamais et qui voudrait, s'il pouvait, embraser l'univers.

La seconde propriété de l'eau est de purifier ce qui est impur ; et si l'on manquait d'eau pour cet usage, en quel état serait le monde ? Or, sachez-le, mes filles, cette eau vive dont je parle, cette eau céleste, cette eau claire, a une telle vertu, quand rien ne la trouble, quand rien ne la souille, mais qu'elle tombe directement du ciel, que d'en boire une seule fois, l'âme, je ne crains pas de l'affirmer, se trouve nette et purifiée de toutes ses fautes.

Cette eau, comme ,je l'ai dit ailleurs, est l'union divine, faveur toute surnaturelle et qui ne dépend pas de nous. Si Dieu nous fait don de cette eau, ce n'est que pour purifier une âme et la rendre nette de toute fange, misère et autres suites du péché. Les douceurs qui viennent par la méditation ordinaire ressemblent, quoi qu'elles fassent, à une eau de ruisseau et non de source, qui court sur la terre, qui se charge nécessairement du limon qu'elle entraîne, et qui perd ainsi de sa pureté et de sa limpidité. Aussi je ne donne point le nom d'eau vive à cette oraison de simple méditation. C'est du moins ainsi que je le comprends. Nous avons beau faire, en effet, notre âme, en se servant du corps et de ses organes terrestres, prend, malgré elle, quelque chose de la boue du chemin. Un exemple sera plus clair. Nous voulons nous exciter au mépris du monde, et nous considérons combien tout en lui est vain et passe vite ; sans y prendre garde, nous nous trouvons saisis et occupés de choses mondaines qui nous plaisent ; nous désirons les fuir, mais nous nous attardons à penser comment cela s'est fait, comment cela se fera, et ce que nous avons fait nous-mêmes et ce que nous ferons: e telle sorte que les considérations mêmes que nous appelons à notre secours, pour nous délivrer du monde, deviennent un vrai péril. Ce n'est pas qu'il faille pour cela les abandonner ; mais il y a lieu de craindre ; il faut être sur ses gardes.

Dans l'autre manière d'oraison, Dieu prend sur lui cette sollicitude : il ne veut pas se fier à nous du soin de notre âme. Il l'aime tellement qu'il ne lui permet pas de s'engager en des choses qui puissent lui nuire, dans le temps où il veut la faire jouir de ses faveurs. Ainsi, tout à coup, il l'approche de lui, il lui montre en un instant plus de vérités, il lui donne une plus claire vue de toutes les choses du monde, qu'elle n'aurait pu l'acquérir en plusieurs années. Dans la voie ordinaire, la vue n'est point libre, et nous sommes aveuglés par la poussière que nous soulevons en marchant. Dans l'autre voie, Notre-Seigneur nous fait atteindre le but, sans que nous sachions comment.

La troisième propriété de l'eau est d'étancher notre soif. La soif, ce me semble, est le désir d'une chose dont nous avons un si grand besoin que nous ne saurions, sans mourir, en être entièrement privés. Chose étrange que l'eau : s'il n'y en a pas, on meurt ; et s'il y en a trop, on meurt aussi. Témoin les noyés en si grand nombre.

O mon Maître, quel bonheur de se voir submergé dans cette eau vive jusqu'à y perdre la vie ! Mais cela est-il possible ? Oui. Notre amour pour Dieu, notre désir de lui être unis, peuvent croître à un tel point, que le corps ne puisse plus le supporter: t ainsi il y a eu des personnes qui en sont mortes. J'en connais une à qui cette eau vive était prodiguée en si grande abondance qu'elle en serait morte, sans un secours particulier de Dieu. Son âme en était comme ravie et séparée du corps, pour indiquer le repos dont elle jouissait dans cet état. Elle mourait de se sentir en ce monde, mais elle ressuscitait en Dieu, et Dieu la rendait capable d'un bonheur dont elle n'aurait pu jouir sans perdre la vie, si elle fût demeurée en elle-même.

Comprenons cette vérité. Comme en Dieu, qui est notre souverain bien, il ne saurait y avoir rien qui ne soit parfait, il ne nous accorde jamais rien qui ne soit pour notre avantage ; et quelque abondante que soit l'eau qu'il nous donne, elle ne peut pas nous venir de lui en excès. C'est pourquoi lorsqu'il donne à une âme beaucoup de cette eau, il la rend capable d'en boire beaucoup : de même que celui qui fait un vase lui donne la capacité nécessaire pour contenir ce qu'il y veut mettre.

Quant aux désirs de cette eau vive, ils sont toujours, lorsqu'ils viennent de nous, accompagnés de quelque imperfection ; et s'il s'y rencontre quelque chose de bon, nous en sommes redevables à l'assistance de Notre-Seigneur. Nous ne sommes pas assez discrets ; comme il y a dans la peine que causent ces désirs tant de suavités et de délices, nous croyons ne pouvoir jamais nous en rassasier. Nous mangeons sans mesure ; nous excitons encore de tout notre pouvoir la véhémence de ce désir, et il devient quelquefois si fort qu'il ôte la vie. Bienheureuse mort sans doute ! mais peut-être ceux dont elle finit l'exil auraient pu, en continuant de vivre, aider les autres à mourir du désir de cette mort. Selon moi, il y a ici un artifice du démon à craindre: voyant combien la vie de ces personnes lui peut apporter de dommage, il les excite à se livrer à des pénitences indiscrètes, afin de ruiner leur santé ; gros bénéfice pour lui. Voilà pourquoi une âme qui est arrivée jusqu'à éprouver une soif si violente, doit se tenir sur ses gardes, parce qu'elle peut être assurée qu'elle aura cette tentation. Si elle ne meurt pas de soif elle ruinera sa santé, et laissera, malgré elle, percer au dehors le secret de son intérieur : ce qu'il faut éviter avec tout le soin possible. Quelquefois, il est vrai, les précautions seront vaines, et on s'apercevra de certains mouvements de notre âme que nous voudrions tenir cachés. Du moins prenons garde, quand nous sentons l'impétuosité de ce désir s'accroître avec tant de violence, de l'augmenter nous-mêmes. Tâchons, au contraire, de l'arrêter doucement, à l'aide de quelque autre considération. Quelquefois la nature agit autant dans ce désir que l'amour de Dieu. Car il y a des personnes qui désirent avec ardeur tout ce qu'elles désirent, quand bien même ce serait quelque chose de mauvais ; celles-là, à mon avis, ne sont pas des plus mortifiées ; la mortification, qui sert à tout, modérerait en elles ce désir.

Mais n'est-il pas déraisonnable de se détacher d'une chose qui est si bonne ? Nullement. Car je ne prétends pas qu'il faille étouffer ce désir, mais seulement le modérer par un autre, qui peut-être sera d'un mérite égal. Je veux m'expliquer plus clairement. Il nous vient, comme à saint Paul, un grand désir de nous voir délivrés de la prison de ce corps pour être avec Dieu. La peine que nous cause ce désir étant à la fois si légitime et si suave, il ne faudra pas une petite mortification pour l'arrêter, on ne le pourra même pas entièrement. Quelquefois cette peine va presque jusqu'à troubler le jugement. C'est ce que j'ai vu arriver naguère à une personne, qui n'est sans doute ni violente, ni impétueuse de caractère, mais qui sait si bien rompre en tout sa volonté, qu'elle semble n'en plus avoir ordinairement. Pendant quelque temps je la vis comme hors d'elle-même, tant sa peine était excessive, et tant elle faisait d'efforts pour la dissimuler. Dans un cas pareil, alors même que l'ardeur du désir vient de Dieu, il est, selon moi, de l'humilité de craindre, parce que nous ne devons point nous croire un amour de Dieu assez grand pour nous réduire à une telle extrémité. De plus, je dis qu'une personne en cet état doit, si elle le peut, car peut-être ne le pourra-t-elle pas toujours, faire diversion au désir de mourir, en considérant qu'en vivant elle procurera à Dieu plus de gloire ; que peut-être elle ouvrira les yeux à quelque âme, qui sans cela se perdrait ; qu'en demeurant plus longtemps au service de Dieu, elle méritera de jouir plus intimement de lui dans le ciel ; enfin qu'elle a lieu de trembler, en songeant au peu qu'elle a fait jusque-là. A l'aide de ces pensées, l'âme trouvera consolation dans son tourment, et adoucissement à sa peine ; elle en tirera en outre un grand profit, celui de plaire à Notre-Seigneur, en consentant à vivre, et à supporter le martyre de son exil. Elle doit ici se tenir à elle-même le langage qu'elle adresserait à une personne extrêmement affligée. Pour la consoler, elle lui dirait : Prenez patience, abandonnez-vous entre les mains de Dieu, priez-le d'accomplir en vous sa volonté. Croyons, en effet, que le plus sûr est de nous abandonner à lui en toutes choses.

Le démon peut aussi contribuer à augmenter la violence de ce désir ; on en voit la preuve dans un exemple rapporté, je crois, par Cassien. Le tentateur persuada à un ermite, dont la vie était très austère, de se jeter dans un puits, lui faisant entendre qu'il verrait plus tôt Dieu. Pour moi, je suis convaincue que la vie de ce solitaire n'avait pas été sainte, ni son humilité véritable : autrement, Notre-Seigneur qui est fidèle, n'eût point permis qu'il se fût aveuglé de la sorte dans une chose si claire.

Il est évident que tout désir qui vient de Dieu, loin de porter au mal, est accompagné de lumière, de discrétion et de sagesse ; mais il n'est point d'artifice dont l'ennemi de notre salut ne se serve pour nous nuire. Comme il veille toujours, veillons, nous aussi. Cet avis est utile en bien des circonstances : ainsi l'on doit, par exemple, abréger le temps de l'oraison, quelque consolation que l'on y goûte, lorsque l'on aperçoit que les forces du corps commencent à défaillir, ou que la tête s'en trouve mal. En tout, la discrétion est grandement nécessaire.

Pourquoi, mes filles, vous ai-je montré la palme de la victoire avant le combat, en vous dévoilant le bonheur de l'âme qui, parvenue à cette céleste fontaine, s'abreuve de ses eaux vives ? C'est afin que, loin de vous laisser abattre par les souffrances et les obstacles du chemin, votre courage s'enflamme, et ne cède jamais à la fatigue. Sans cela il pourrait arriver, comme je l'ai dit, qu'étant venues jusqu'au bord de la fontaine et n'ayant plus qu'à vous baisser pour boire, vous abandonniez tout et perdiez cette faveur, persuadées que vous n'avez pas la force d'atteindre jusqu'à elle et que vous n'êtes pas destinées à la recevoir.

Considérez que Notre-Seigneur nous convie tous ; puisqu'il est la vérité même, nous ne saurions en douter. Si ce banquet n'était pas général, il ne nous y appellerait pas tous ; et quand même il nous y appellerait, il ne dirait pas : Je vous donnerai à boire. Il aurait pu dire : Venez tous, vous ne perdrez rien à me servir ; quant à cette eau céleste, j'en donnerai à qui il me plaira. Mais comme il ne met de restriction ni dans son appel ni dans sa promesse, je tiens pour certain que tous ceux qui ne s'arrêteront point en route, boiront enfin de cette eau vive. Daigne Notre-Seigneur, qui nous la promet, nous faire la grâce de la chercher comme il convient !



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CHAPITRE XX

Des consolations diverses qu'apportent l'oraison et du bienfait de les partager avec d'autres. Il semble qu'il y a contradiction entre ce dernier chapitre et ce que j'ai dit auparavant, lorsque, pour consoler les âmes qui ne parviennent pas jusqu'à la contemplation, j'ai avancé qu'il y a plusieurs chemins pour aller à Dieu, de même qu'il y a plusieurs demeures dans le ciel. Je le maintiens encore. Notre-Seigneur, connaissant notre faiblesse, et prenant conseil de sa bonté, nous a ménagé des secours en rapport avec nos besoins. Toutefois il n'a pas dit aux uns d'aller par un chemin, et aux autres d'aller par un autre ; mais dans l'excès de sa miséricorde, il a permis à tous d'aller boire à cette fontaine de vie. Qu'il en soit à jamais béni. A moi particulièrement quelles raisons n'avait-il pas pour me défendre. Il ne m'a pourtant pas arrêtée, quand j'ai fait les premiers pas vers ces eaux vives, mais il tout disposé pour que j'y fusse plongée jusqu'au fond. Il n'en défend donc l'approche à personne, mais il nous y invite tous publiquement et à grands cris. Cependant comme il est si bon, il ne nous force pas ; mais il a bien des manières de donner à boire à ceux qui veulent le suivre, afin que nul ne soit privé de consolation et ne meure de soif. En effet de cette source abondante jaillissent divers ruisseaux, les uns plus grands, les autres moindres et d'autres si petits qu'ils n'ont qu'un filet d'eau : ceux-ci pour les enfants, c'est-à-dire pour ceux qui commencent ; s'ils avaient plus, ils seraient épouvantés de voir tant d'eau.

Ne craignez donc point, mes soeurs, de mourir de soif dans ce chemin ; jamais l'eau des consolations ne vous manquera à ce point. Croyez-moi donc, et marchez toujours, combattez avec courage, mourez plutôt que d'abandonner votre entreprise ; vous n'êtes ici que pour combattre et pour persévérer dans la résolution de mourir, plutôt que de renoncer au but final. Si Notre-Seigneur vous laisse endurer quelque soif en cette vie, dans la vie éternelle, il vous fera boire à longs traits de cette eau divine ; ne craignez pas qu'il manque à sa parole. Puissions-nous ne pas manquer à la nôtre ! Amen.

Comment doit-on commencer ce voyage, de manière à ne pas s'égarer dès le début ? Je vais traiter brièvement ce point, qui est le plus important ; j'ajoute même que de lui dépendent tous les autres. Je ne prétends pas que celui dont la résolution ne serait pas encore aussi ferme que je le dirai bientôt, doive renoncer à entreprendre ce voyage : Notre-Seigneur le fortifiera peu à peu. Et quand il n'avancerait que d'un pas, ce pas est d'un grand mérite, et il peut être sûr d'en être récompensé. C'est comme un homme qui aurait un chapelet auquel seraient appliquées des indulgences ; s'il le dit une fois, il les gagne une fois ; et s'il continue, il les gagnera autant de fois qu'il le récite ; mais si jamais il ne le prend en main et se contente de le tenir dans l'étui, il vaudrait mieux qu'il ne l'eût point. De même, quoique cette personne ne continue pas à marcher, le peu qu'elle aura marché lui donnera lumière pour se bien conduire ailleurs, et la lumière qu'elle recevra sera en proportion de la route parcourue. Enfin, qu'elle soit certaine que si elle quitte ce chemin, elle ne se trouvera jamais mal de l'avoir pris, parce que jamais le bien ne produit le mal.

Aussi, mes filles, travaillez à dissiper les craintes des personnes qui vous sont chères, et en qui vous verrez quelque disposition à entreprendre un tel voyage. Dans tous vos entretiens, je vous en prie, pour l'amour de Dieu, ayez toujours pour but le bien spirituel de ceux à qui vous parlez. L'avancement des âmes étant l'objet de votre oraison, et votre devoir étant de le demander sans cesse à Dieu, vous ne seriez pas excusables, si vous ne le procuriez pas vous-mêmes par tous les moyens. Voulez-vous être bonne parente ? en voilà le moyen ; bonne amie ? ne songez pas à autre chose. Ayez la vérité dans le coeur, comme la méditation doit l'y établir, et vous verrez clairement quel amour nous devons avoir pour le prochain.

Ce n'est plus le temps, mes soeurs, de s'amuser à des jeux d'enfants ; j'appelle de ce nom ces amitiés honnêtes qu'on cultive dans le monde. Ainsi vous ne devez jamais user de ces paroles : M'aimez-vous ? Ne n'aimez-vous point ? ni avec vos parents, ni avec nul autre, si ce n'est pour quelque fin importante, ou pour le bien spirituel d'une personne. Quelquefois, en effet, pour disposer quelqu'un de vos frères, de vos proches ou quelque autre personne semblable, à écouter une vérité et à en faire son profit, il sera besoin d'user de ces témoignages d'amitié toujours agréables à la nature : une de ces paroles affectueuses (c'est ainsi qu'on les appelle dans le monde) pourra faire sur eux plus d'impression que plusieurs autres, qui auront directement Dieu pour objet, et les préparera à bien recevoir ce qu'on leur dit pour le bien de leur âme. Ainsi, pourvu que l'on n'en use que dans cette vue, je ne les désapprouve pas, mais autrement, elles n'apporteraient aucun profit, et pourraient, à votre insu, causer du dommage.

Les gens du monde ne savent-ils pas qu'étant religieuses, votre occupation est l'oraison ? Gardez-vous donc bien de dire : Je ne veux pas qu'on me croie parfaite ; parce que le monde étend à toute la communauté, le bien ou le mal qu'il aperçoit en vous. C'est très regrettable que des religieuses, étroitement obligées par état à ne parler que de Dieu, s'imaginent pouvoir avec raison dissimuler en semblables circonstances, à moins que ce ne soit pour quelque grand bien, ce qui arrive rarement. Votre manière d'agir doit être celle d'une épouse de Jésus-Christ, et vous devez aussi en avoir le langage. Que ceux qui voudront traiter avec vous, apprennent votre langage ; s'ils s'y refusent, gardez-vous bien d'apprendre le leur ; ce serait l'enfer. S'ils vous trouvent grossières, il importe peu ; s'ils vous disent hypocrites, il importe moins encore. Vous y gagnerez de n'être visitées que de ceux qui entendront votre langage. Un homme qui n'entendrait point l'arabe, ne pourrait parler longtemps avec un autre qui ne saurait point d'autre langue. Ainsi cesseront-ils de vous importuner et de vous nuire ; car il vous nuirait, et beaucoup, de commencer à parler une autre langue : tout votre temps se consumerait à cela ; et vous ne sauriez comprendre, comme moi, qui l'ai expérimenté, quel est le mal qu'en reçoit une âme. En voulant apprendre cette langue, on oublie l'autre ; de là naît une inquiétude continuelle, état qu'il faut absolument éviter, parce que rien n'est plus nécessaire que la paix et la tranquillité de l'esprit, pour avancer dans ce chemin dont je commence à vous parler.

Si ceux qui communiqueront avec vous, veulent apprendre votre langue, quelle doit être votre conduite ? Attendu qu'il ne vous appartient pas d'enseigner, contentez-vous de leur dire les trésors que l'on gagne à être initié à ce langage, et ne vous lassez point de le leur répéter ; mais faites-le avec piété, avec charité, et joignez-y vous oraisons, afin que, connaissant tout le prix de la science à laquelle ils aspirent, ils cherchent des maîtres capables de les en instruire. Ce ne serait pas une petite faveur que vous recevriez de Dieu, si vous pouviez allumer dans une âme le désir de ce bien.

Mais, lorsque l'on veut commencer à parler de ce chemin, que de choses se présentent à l'esprit, même quand on y a aussi mal marché que moi. Plaise à Dieu, mes soeurs, que mes paroles soient meilleures que mes oeuvres. Amen.




Chemin de la perfection 18