2013 Directoire prêtres 52

Imiter l’Église qui prie

52 Pour demeurer fidèle à son engagement “de demeurer avec Jésus”, il est nécessaire que le prêtre sache imiter l’Église qui prie. En dispensant la Parole de Dieu qu’il a lui-même reçue avec joie, le prêtre se souviendra de l’exhortation que l’évêque lui a adressée le jour de son ordination : “ C’est pourquoi, en faisant de la Parole l’objet de ta réflexion continuelle, crois toujours ce que tu lis, enseigne ce que tu crois, vis ce que tu enseignes. De cette manière, en même temps que la doctrine, tu donneras un aliment au Peuple de Dieu, et avec le bon exemple de ta vie, tu lui seras un réconfort et un soutien, tu deviendras constructeur du temple de Dieu qu’est l’Église ». De même, sur la célébration des sacrements, et en particulier de l’Eucharistie : « Sois donc conscient de ce que tu fais, imite ce que tu as accompli et, puisque tu célèbres le mystère de la mort et de la résurrection du Seigneur, porte la mort du Christ dans ton corps et marche dans la nouveauté de sa vie ». Et enfin, à propos de la direction pastorale du Peuple de Dieu, pour qu’il le conduise jusqu’au Père, par le Christ et dans l’Esprit Saint : « C’est pourquoi, ne cesse jamais d’avoir le regard tourné vers le Christ, Bon Pasteur, qui est venu non pas pour être servi mais pour servir, et pour chercher et sauver ceux qui se sont égarés ».[220]


Prière comme communion

53 Fort du lien spécial qui l’associe au Seigneur, le prêtre saura affronter les moments où il pourrait se sentir seul au milieu des hommes en renouvelant avec force son union avec le Christ dans l’Eucharistie, lieu réel de la présence du Seigneur.

Comme Jésus qui, lorsqu’il était seul, était toujours avec le Père (cf.
Lc 3,21 Mc 1,35), le prêtre lui aussi doit être l’homme qui, dans le silence, le recueillement et la solitude trouve la communion avec Dieu.[221] C’est pourquoi il pourra dire avec saint Ambroise : « Je ne suis jamais moins seul que lorsque je suis seul ».[222]

C’est auprès du Seigneur que le prêtre trouvera la force et les instruments pour rapprocher les hommes de Dieu, provoquer la foi, et susciter l’action et le partage.



2.3 Charité pastorale


Manifestation de la charité du Christ

54 La charité pastorale, intimement liée à l’Eucharistie, constitue le principe intérieur et dynamique qui unifie les multiples et diverses activités pastorales du prêtre pour porter les hommes à la vie de la grâce.

L’activité ministérielle doit être une manifestation de la charité du Christ dont le prêtre sera le reflet. Il saura exprimer les attitudes et le comportement du Seigneur jusqu’au don total de soi en faveur du troupeau qui lui a été confié.[223] Il sera particulièrement proche de ceux qui souffrent, des petits, des enfants, des personnes en difficulté, des laissés-pour-compte et des pauvres. À tous il portera l’amour et la miséricorde du Bon Pasteur.

Assimiler la charité pastorale du Christ pour en pénétrer sa vie est un but qui exige du prêtre une vie eucharistique intense ainsi que des efforts et des sacrifices continuels. Cette charité ne s’improvise pas, elle ne connaît pas de repos ni ne peut être acquise une fois pour toutes. Le ministre du Christ se sentira toujours et partout obligé à vivre et à témoigner de cette réalité, même si, en raison de l’âge, il est déchargé de responsabilités pastorales concrètes.



Au-delà du fonctionnalisme

55 Aujourd’hui, la charité pastorale court spécialement le risque d’être vidée de son sens par ce qu’on pourrait appeler le fonctionnalisme. Il n’est pas rare en effet, de constater aussi chez certains prêtres l’influence d’une mentalité qui tend à tort à réduire le sacerdoce ministériel aux seuls aspects fonctionnels. “Faire” le prêtre, rendre des services spécifiques et garantir quelques prestations serait toute la raison d’être de son existence sacerdotale. Mais le prêtre n’exerce pas seulement un “travail” qui, une fois terminé, lui laisserait du temps libre. Cette conception réductrice de l’identité et du ministère sacerdotal risque de mener la vie des prêtres vers un vide souvent compensé par des formes de vie non conformes à leur ministère.

Le prêtre, qui se sait ministre du Christ et de l’Église, qui agit habité par sa passion pour le Christ et met toutes ses forces au service de Dieu et des hommes, trouvera dans la prière, dans l’étude et dans la lecture spirituelle, la force nécessaire pour vaincre également ce danger.[224]



2.4 L’obéissance


Fondement de l’obéissance

56 L’obéissance est une vertu de première importance, étroitement unie à la charité. Comme l’enseignait le serviteur de Dieu, Paul VI, dans « la charité pastorale »¸ on peut surmonter « le rapport d’obéissance juridique, afin que l’obéissance elle-même soit plus généreuse, loyale et sûre ».[225] Le sacrifice même de Jésus sur la Croix tire sa valeur et son sens rédempteur de son obéissance et de sa fidélité à la volonté du Père. Il fut « obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une Croix » (Ph 2,8). L’épître aux Hébreux souligne aussi que Jésus « apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance » (He 5,8). On peut donc dire que l’obéissance au Père est au coeur du Sacerdoce du Christ.

Comme pour le Christ, pour le prêtre aussi l’obéissance exprime sa disponibilité totale et joyeuse d’accomplir la volonté de Dieu. C’est pourquoi il reconnaît que cette volonté lui est manifestée à travers ses supérieurs légitimes. Cette disponibilité envers ces derniers doit être comprise comme une oeuvre véritable de liberté personnelle, conséquence d’un choix constamment mûri en présence de Dieu dans la prière. La vertu de l’obéissance, intrinsèquement requise par le sacrement et par la structure hiérarchique de l’Église, est clairement l’objet de la promesse que prononce le clerc dans le rite de l’ordination diaconale d’abord, puis dans celui de l’ordination presbytérale. Par cette promesse, le prêtre renforce sa volonté de communion, entrant ainsi dans la dynamique de l’obéissance du Christ, qui s’est fait serviteur obéissant jusqu’à la mort sur une Croix (cf. Ph 2,7-8).[226]

La culture contemporaine souligne l’importance de la subjectivité et de l’autonomie de la personne, comprises comme inhérentes à sa dignité. Cette réalité, en soi positive, prend une dimension négative, quand elle est absolutisée et revendiquée hors de son contexte légitime.[227] Ceci peut également se manifester à l’intérieur de l’Église et dans la vie du prêtre, quand les activités menées au service de la communauté sont réduites à un fait purement subjectif.

En réalité, le prêtre, par la nature de son sacerdoce, est au service du Christ et de l’Église. Il se rendra par conséquent disponible à accueillir les justes indications de ses Supérieurs et tout particulièrement, s’il n’en est pas légitimement empêché, il devra accepter et remplir fidèlement la charge qui lui est confiée par son Ordinaire.[228]

Le décret Presbyterorum Ordinis décrit les fondements de l’obéissance des prêtres à partir de l’action divine à laquelle ils sont appelés en définissant le cadre de cette obéissance :

- Le mystère de l’Église : « le ministère sacerdotal étant le ministère de l’Église elle-même, on ne peut s’en acquitter que dans la communion hiérarchique du Corps tout entier ».[229]

- La fraternité chrétienne : « C’est donc la charité pastorale qui pousse les prêtres, au nom de cette communion, à consacrer leur volonté propre par l’obéissance au service de Dieu et de leurs frères, à accueillir et à exécuter en esprit de foi les ordres et les conseils du Souverain Pontife, de leur évêque et de leurs autres supérieurs, à dépenser volontiers tout et à se dépenser eux-mêmes dans toutes les charges qui leur sont confiées, si humbles et si pauvres soient-elles. Par ce moyen, ils maintiennent et renforcent l’indispensable unité avec leurs frères dans le ministère, et surtout avec ceux que le Seigneur a établis comme dirigeants visibles de son Église ; par ce moyen, ils travaillent à l’édification du Corps du Christ, qui grandit grâce à toutes sortes de jointures ».[230]



Obéissance hiérarchique

57 Le prêtre est tenu à une « obligation spéciale de respect et d’obéissance » à l’égard du Souverain Pontife et de son ordinaire.[231] En vertu de son appartenance à un presbyterium déterminé, il travaille au service d’une Église particulière qui trouve le principe et le fondement de son unité dans l’Evêque,[232] qui exerce sur elle toute la potestas ordinaire, propre et immédiate, nécessaire à son office de pasteur.[233] La subordination hiérarchique requise par le sacrement de l’Ordre se réalise ecclésiologiquement et structurellement dans le lien à l’évêque et au Souverain Pontife, qui détient le primat (principatus) du pouvoir ordinaire sur toutes les Églises particulières.[234]

L’obligation d’adhérer au Magistère, en matière de foi et de morale, est intrinsèquement liée à toutes les fonctions que le prêtre doit remplir dans l’Église[235]. Le dissentiment dans ce domaine doit être jugé grave, puisqu’il produit le scandale et désoriente les fidèles. L’appel à la désobéissance, surtout vis-à-vis du magistère définitif de l’Église, n’est pas un chemin pour la renouveler.[236] Suivre le Maître, obéissant jusqu’à la croix et à la mission duquel on collabore « avec la joie de la foi, la radicalité de l’obéissance, la dynamique de l’espérance et la force de l’amour »,[237] est la source du dynamisme inépuisable de l’Église.

Personne plus que le prêtre n’est conscient de la nécessité de normes pour protéger de manière adéquate les dons que l’Esprit Saint a confié à l’Église. En effet, parce que la structure hiérarchique et organique est visible, l’exercice des fonctions que Dieu lui a confiées, et spécialement celles de guider le Peuple et de célébrer les sacrements, doit être organisé de manière adéquate.[238]

En tant que ministre du Christ et de son l’Église, le prêtre assume généreusement l’engagement d’observer fidèlement toutes et chacune des normes, en évitant toutes les formes d’adhésion partielle sur base de critères subjectifs qui créent des divisions et ont des répercussions néfastes sur les fidèles laïcs et l’opinion publique au détriment de la pastorale. En effet, « les lois canoniques, par leur nature même, exigent d’être observées » et requièrent « que tout ce qui est commandé par la tête soit observé par les membres ».[239]

En obéissant à l’autorité constituée, le prêtre favorisera entre autres la charité mutuelle au sein du presbyterium et l’unité fondée sur la vérité.



Autorité exercée avec charité

58 Afin que l’observance de l’obéissance soit réelle et qu’elle puisse nourrir la communion ecclésiale, tous ceux qui sont constitués en autorité (les Ordinaires, les Supérieurs religieux, les Modérateurs des Société de vie apostolique) doivent nécessairement offrir un exemple personnel constant. De plus, ils doivent exercer avec charité leur charisme institutionnel, en suscitant ou en demandant l’adhésion à toutes les dispositions dans le domaine du Magistère et de la discipline, suivant les modalités et les délais nécessaires.[240]

Cette adhésion est source de liberté, puisqu’elle n’empêche pas mais stimule la spontanéité mature du prêtre, qui saura adopter une attitude pastorale sereine et équilibrée, en créant l’harmonie dans laquelle les dons de la personnalité de chacun se fondent dans une unité supérieure.


Respect des normes liturgiques

59 Parmi les divers aspects actuels du problème de l’obéissance, celui de l’amour et du respect convaincus des normes liturgiques mérite d’être mis en évidence.

La liturgie est l’exercice du sacerdoce de Jésus Christ,[241] « le sommet vers lequel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu ».[242] Elle est donc un domaine où le prêtre doit avoir particulièrement conscience d’être ministre, c’est-à-dire serviteur et de devoir obéir fidèlement à l’Église. « Le gouvernement de la liturgie dépend uniquement de l’autorité de l’Église : il appartient au Siège apostolique et, dans les règles du droit, à l’évêque ».[243] C’est pourquoi le prêtre n’ajoutera, n’enlèvera ne changera rien de sa propre initiative en ce domaine.[244]

Cette norme vaut spécialement pour la célébration des sacrements, qui sont par excellence des actes du Christ et de l’Église, et que le prêtre administre pour le bien des fidèles in persona Christi Capitis et in nomine Ecclesiae.[245] Les fidèles ont un vrai droit à participer aux célébrations liturgiques comme le veut l’Église, et non pas suivant les goûts personnels de chaque ministre ou suivant des particularismes rituels non approuvés, expressions de groupes qui tendent à se fermer à l’universalité du Peuple de Dieu.


Unité dans les plans pastoraux

60 Dans l’exercice de leur ministère, les prêtres non seulement participeront de manière responsable à la définition des plans pastoraux que l’évêque détermine avec la collaboration du conseil presbytéral,[246] mais ils harmoniseront les réalisations pratiques de leur communauté avec ces derniers.

La sage créativité et l’esprit d’initiative propres à la maturité des prêtres n’en seront pas amoindris, mais au contraire pourront croître opportunément au bénéfice de la fécondité pastorale. Prendre des chemins séparés dans ce domaine pourrait signifier affaiblir l’oeuvre même d’évangélisation.



Importance et obligation de l’habit ecclésiastique

61 Dans une société sécularisée et qui tend au matérialisme, où les signes extérieurs des réalités sacrées et surnaturelles s’estompent souvent, on ressent, particulièrement aujourd’hui, la nécessité pour le prêtre – homme de Dieu, dispensateur de ses mystères – d’être reconnaissable par la communauté, également grâce à l’habit qu’il porte, signe sans équivoque de son dévouement et de son identité de détenteur d’un ministère public.[247] Le prêtre doit être reconnu avant tout par son comportement mais aussi par sa façon de se vêtir, pour rendre immédiatement perceptible à tout fidèle et même à tout homme[248] son identité et son appartenance à Dieu et à l’Église.

L’habit ecclésiastique est le signe extérieur d’une réalité intérieure : « En effet, le prêtre n’appartient plus à lui-même, mais, par le sceau sacramentel reçu (cf. Catéchisme de l’Église catholique
CEC 1563 CEC 1582), il est “propriété” de Dieu. « Ce fait “d’être à un Autre” doit devenir reconnaissable par tous, à travers un témoignage transparent. Dans la manière de penser, de parler, de juger les faits du monde, de servir et d’aimer, de se mettre en relation avec les personnes, même dans l’habit, le prêtre doit trouver la force prophétique de son appartenance sacramentelle ».[249]

Pour cette raison, le prêtre comme le diacre ordonné en vue du sacerdoce, doit[250]:

a) Porter soit la soutane ou « un habit ecclésiastique digne, selon les normes indiquées par la conférence épiscopale et selon les coutumes locales légitimes ».[251] Lorsque l’habit n’est pas la soutane, il doit être différent de la manière de se vêtir des laïcs, et conforme à la dignité et à la sacralité du ministère. La coupe et la couleur doivent en être établies par la conférence épiscopale.

b) À cause de leur incohérence avec l’esprit de cette discipline, les pratiques contraires ne contiennent pas de fondements suffisants pour devenir des coutumes[252] légitimes et doivent être supprimées par l’autorité compétente.[253]

À l’exception de certaines situations, ne pas utiliser l’habit ecclésiastique peut manifester chez le clerc un faible sens de son identité de pasteur entièrement disponible au service de l’Église.[254]

En outre, la soutane – dans sa forme, couleur et dignité – est particulièrement indiquée car elle distingue les prêtre des laïcs et fait mieux comprendre le caractère sacré de leur ministère en rappelant au prêtre lui-même qu’il est toujours et en tout moment prêtre, ordonné pour servir, pour enseigner, pour guider et pour sanctifier les âmes, principalement par la célébration des sacrements et la prédication de la Parole de Dieu. Porter un habit clérical est, en outre, une sauvegarde pour la pauvreté et la chasteté.



2.5 Prédication de la Parole


Fidélité à la Parole

62 Le Christ a confié aux Apôtres et à l’Église la mission de prêcher la Bonne Nouvelle à tous les hommes.

Transmettre la foi c’est préparer un peuple pour le Seigneur, dévoiler, annoncer et approfondir la vocation chrétienne, c’est-à-dire l’appel que Dieu adresse à chaque homme en lui manifestant le mystère du salut, et en même temps la place qu’il lui revient d’occuper en relation avec ce mystère, comme fils d’adoption dans le Fils.[255] Ce double aspect est exprimé de manière synthétique dans le Symbole de la Foi, qui est l’une des expressions les plus autorisées de la foi par laquelle l’Église a toujours répondu à l’appel de Dieu.[256]

Deux exigences se présentent au ministère du prêtre. En premier lieu, vient le caractère missionnaire de la transmission de la foi. Le ministère de la parole ne peut être séparé ou éloigné de la vie des hommes ; au contraire, il doit faire directement référence au sens de la vie de l’homme, de tout homme, et donc entrer dans les problèmes les plus aigus qui se posent à la conscience humaine.

D’autre part, il y a une exigence d’authenticité, de conformité avec la foi de l’Église, gardienne de la vérité sur Dieu et sur l’homme qui doit être vécue avec un grand sens des responsabilités et la conscience qu’il s’agit d’une question de la plus haute importance, puisque sont en jeu la vie de l’homme et le sens de son existence.

Pour que le ministère de la parole soit fructueux, et en tenant compte de ce contexte, le prêtre donnera la primauté au témoignage de vie qui fait découvrir la puissance de l’amour de Dieu et rend persuasive sa parole. Il ne négligera pas, en outre, la prédication explicite du mystère du Christ aux croyants, aux non-chrétiens et aux non-croyants ; par la catéchèse, qui est l’exposition ordonnée et organique de la doctrine de l’Église ; et l’application de la vérité révélée à la solution des cas concrets.[257]

La conscience de la nécessité absolue de “demeurer” fidèlement ancré dans la Parole de Dieu et dans la Tradition pour être vraiment des disciples et pour connaître la vérité (cf.
Jn 8,31-32) a toujours accompagné l’histoire de la spiritualité sacerdotale. Cette idée a été reprise avec autorité par le Concile oecuménique Vatican II.[258] « L’antique pratique de la lectio divina, ou “lecture spirituelle” des Saintes Ecritures » est de grande utilité. « Celle-ci consiste à s’attarder longuement sur un texte biblique, le lisant et le relisant, en le “ruminant” presque, comme disent les Pères, et à en extraire, pour ainsi dire, tout le “suc”, afin qu’il nourrisse la méditation et la contemplation et parvienne à irriguer, comme la sève, la vie concrète ».[259]

Dans la société contemporaine marquée dans de nombreux pays, par le matérialisme théorique et pratique, par le subjectivisme et le relativisme culturel, il est d’autant plus nécessaire que l’Évangile soit présenté comme « la puissance de Dieu pour sauver ceux qui croient » (Rm 1,16). Les prêtres, se souvenant que « la foi naît de la prédication, et la prédication, à son tour, se fonde sur la Parole du Christ » (Rm 10,17), emploieront toutes leurs énergies pour correspondre à cette mission qui est primordiale dans leur ministère. Ils sont en effet non seulement des témoins mais aussi des messagers et des propagateurs de la foi.[260]

Ce ministère – vécu dans la communion hiérarchique – les habilite à annoncer avec autorité la foi catholique et à témoigner la foi au nom de l’Église. Le Peuple de Dieu en effet, « est rassemblé d’abord par la Parole du Dieu vivant qu’il convient d’attendre tout spécialement de la bouche des prêtres ».[261] Pour être authentique, la Parole doit être transmise sans ambigüité et sans aucune falsification, mais en manifestant la vérité face à Dieu (cf. 2Co 2Co 4,2). Le prêtre évitera avec une maturité responsable de contrefaire, réduire, déformer ou édulcorer le contenu du message divin. Sa tâche en effet, « n’est pas d’enseigner sa propre sagesse, mais la Parole de Dieu, et d’inviter tous les hommes avec insistance à la conversion et à la sainteté ».[262] « Ainsi, ses paroles, et plus encore ses choix et ses attitudes seront toujours plus transparents à l’Évangile, l’annonceront et en rendront témoignage. C’est seulement “en demeurant” dans la Parole que le prêtre deviendra parfait disciple du Seigneur, connaîtra la vérité et sera vraiment libre ».[263]

Par conséquent, la prédication ne peut se réduire à la communication d’idées personnelles, au témoignage de sa propre expérience, à des explications de caractère psychologique,[264] sociologique ou philanthropique. Elle ne peut pas non plus, céder excessivement à l’attrait de la rhétorique, si fréquente dans la communication de masse. Il s’agit d’annoncer une Parole dont on ne peut disposer à son gré, puisqu’elle a été confiée à l’Église pour qu’elle la garde, la médite et la transmette fidèlement.[265] De toute manière il est nécessaire pour le prêtre de préparer sa prédication avec soin, par la prière, l’étude sérieuse et actualisée et la volonté de l’appliquer concrètement aux conditions des destinataires. En outre, comme le rappelle Benoît XVI, « il paraît opportun, à partir du lectionnaire triennal, de proposer aux fidèles, avec discernement, des homélies thématiques qui, tout au long de l’année liturgique, traiteront les grands thèmes de la foi chrétienne, puisant à ce qui est proposé avec autorité par le Magistère dans les quatre “piliers” du Catéchisme de l’Église catholique et dans le récent Abrégé: la profession de foi, la célébration du mystère chrétien, la vie dans le Christ, la prière chrétienne ».[266] Les homélies, les catéchèses, entre autres, deviendront ainsi un réel soutien pour aider les fidèles à progresser dans leur vie et leur relation à Dieu et aux autres.



Parole et vie

63 Pour le prêtre, la conscience de sa mission de prédicateur de l’Évangile comme instrument du Christ et du Saint-Esprit, devra toujours davantage se concrétiser pastoralement. Il pourra ainsi vivifier à la lumière de la Parole de Dieu les situations et les milieux divers où il exerce son ministère.

Pour être efficace et crédible, il est important que le prêtre – dans la perspective de la foi et de son ministère – connaisse, avec un sens critique constructif, les idéologies, le langage, les brassages culturels, les idées courantes diffusées par les moyens de communication et qui conditionnent en grande partie les mentalités.

Stimulé par l’Apôtre qui s’écrie : « Malheur à moi si je ne prêchais pas l’Évangile ! » (
1Co 9,16), il saura utiliser tous les moyens de transmission que les sciences et la technique moderne lui offrent.

Certainement, tout ne dépend pas de ces moyens ou des capacités humaines : la grâce divine peut produire son effet indépendamment de l’oeuvre des hommes. Mais dans le plan de Dieu, la prédication de la Parole est normalement la voie privilégiée pour la transmission de la foi et la mission évangélisatrice.

À cause de tant d’hommes qui, aujourd’hui, sont éloignés ou à l’écart de l’annonce du Christ, le prêtre vivra comme particulièrement urgente et actuelle cette interrogation dramatique : « Comment pourront-ils croire sans en avoir entendu parler ? Et comment pourront-ils en entendre parler s’il n’y a personne qui prêche ? » (Rm 10,14).

Pour répondre à ces interrogations, il sentira personnellement le devoir d’écouter particulièrement la Sainte Écriture grâce à l’étude d’une saine exégèse surtout patristique, et grâce à la méditation selon les diverses méthodes éprouvées par la tradition spirituelle de l’Église, de manière à en obtenir une compréhension pleine d’amour.[267] Il est particulièrement important en effet d’enseigner à cultiver cette relation personnelle avec la Parole de Dieu déjà pendant les années du séminaire où les candidats au sacerdoce sont appelés à étudier les Écritures pour devenir « plus conscients du mystère de la Révélation divine et alimenter une attitude de réponse priante au Seigneur qui parle. D’autre part, une authentique vie de prière ne pourra que faire grandir dans l’âme du candidat le désir de connaître toujours plus le Dieu qui s’est révélé dans sa Parole comme amour infini ».[268]


64 Dans ce but, le prêtre ressentira le devoir de réserver une attention particulière à la préparation lointaine ou prochaine de ses homélies liturgiques, à leur contenu, qui doit être un écho des textes liturgiques, en particulier de l’évangile, à l’équilibre entre la théorie et la pratique, à la pédagogie et à la technique d’exposition, mais aussi à une diction qui convienne à la dignité du sermon et de ses destinataires.[269] En particulier « il évitera les homélies vagues et abstraites, qui occultent la simplicité de la Parole de Dieu, comme aussi les divagations inutiles qui risquent d’attirer l’attention plus sur le prédicateur que sur la substance du message évangélique. Il doit être clair pour les fidèles que ce qui tient au coeur du prédicateur, c’est de montrer le Christ, sur lequel l’homélie est centrée ».[270]



Parole et catéchèse

65 De nos jours où l’on constate dans de nombreux milieux la diffusion d’un analphabétisme religieux et où les éléments fondamentaux de la foi sont toujours moins connus, la catéchèse se révèle comme une partie essentielle de cette mission évangélisatrice parce qu’elle est instrument privilégié de l’enseignement et de la maturation de la foi.[271]

Le prêtre, en tant que collaborateur et mandataire de l’évêque a la responsabilité d’animer, de coordonner et de diriger l’activité catéchétique de la communauté qui lui est confiée. Il est important qu’il sache intégrer cette activité dans un projet organique d’évangélisation garantissant surtout la communion de la catéchèse de sa communauté avec la personne de l’évêque, avec l’Église particulière et avec l’Église universelle.[272]

En particulier, il saura susciter une responsabilité juste et opportune, une collaboration dans la catéchèse, tant parmi les membres des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique, que des fidèles laïcs,[273] adéquatement préparés, et manifestera à tous sa reconnaissance et son estime pour cette tâche catéchétique.

Il prendra particulièrement soin de la formation initiale et permanente des catéchistes, des associations et des mouvements. Dans la mesure du possible, le prêtre devra être le catéchiste des catéchistes, formant avec ces derniers une véritable communauté de disciples du Seigneur, qui puisse servir de référence pour les élèves du catéchisme. Il leur enseignera de la sorte que le service du ministère de l’enseignement doit se mesurer sur la Parole de Jésus Christ et non sur des théories et opinions privées : « mais sur la foi de l’Église dont nous sommes des serviteurs »[274]

Maître[275] et éducateur de la foi,[276] le prêtre veillera à ce que la catéchèse occupe une place privilégiée dans l’éducation chrétienne au sein de la famille, dans l’enseignement religieux, dans la formation des mouvements apostoliques, etc. Il veillera également à ce que la catéchèse s’adresse à toutes les catégories de fidèles : enfants, adolescents, jeunes, adultes et personnes âgées. En outre, il saura transmettre l’enseignement catéchétique en ayant recours aux pédagogies et aux moyens de communication les plus efficaces à même d’aider les fidèles à assimiler de façon plus parfaite la doctrine chrétienne et de la mettre en oeuvre en tenant compte de leurs capacités, de leur âge et conditions de vie.[277]

À cette fin, le prêtre ne manquera pas d’avoir comme principal point de référence le Catéchisme de l’Église catholique et son Compendium. Ces textes, en effet, constituent une norme sûre et authentique de l’enseignement de l’Église.[278] Il faut donc en encourager la lecture et l’étude. Ils doivent toujours constituer les points d’appui irremplaçables pour « l’enseignement des contenus fondamentaux de la foi qui trouvent dans le Catéchisme de l’Église Catholique leur synthèse systématique et organique ».[279] Comme le rappelle d’ailleurs le Saint Père Benoît XVI en parlant dans Catéchisme, « ici, en effet, émerge la richesse d’enseignement que l’Église a accueilli, gardé et offert au cours de ses deux mille ans d’histoire. De la Sainte Écriture aux Pères de l’Église, des maîtres de théologie aux saints qui ont traversé les siècles, le Catéchisme offre une mémoire permanente des nombreuses façons dans lesquelles l’Église a médité sur la foi et produit un progrès dans la doctrine pour donner certitude aux croyants dans leur vie de foi ».[280]


2.6 Le sacrement de l’Eucharistie


Le mystère eucharistique

66  Si le service de la Parole est l’élément fondamental du ministère du prêtre, le coeur et le centre vital en est constitué sans aucun doute par l’Eucharistie qui est surtout la présence réelle dans le temps de l’unique et éternel sacrifice du Christ.[281]

Mémorial sacramentel de la mort et de la résurrection du Christ, représentation réelle et efficace de l’unique Sacrifice rédempteur, source et sommet de la vie chrétienne et de toute évangélisation,[282] l’Eucharistie est principe, moyen et fin du ministère sacerdotal, puisque « tous les ministères ecclésiaux et les tâches apostoliques sont étroitement liés à l’Eucharistie et ordonnés à elle ».[283] Consacré pour perpétuer le Saint Sacrifice, le prêtre manifeste ainsi de la manière la plus évidente son identité.[284]

En effet, il existe une connexion intime entre la centralité de l’Eucharistie, la charité pastorale et l’unité de vie du prêtre.[285] Dans cette connexion, il trouve les indications décisives pour l’itinéraire de sainteté auquel il est spécifiquement appelé.

Puisque le ministre prête au Christ, Prêtre Souverain et Éternel, son intelligence, sa volonté, sa voix et ses mains afin qu’à travers son ministère, Il puisse offrir au Père le sacrifice sacramentel de la rédemption, il devra aussi faire siennes les dispositions du Maître et, comme Lui, vivre comme don pour ses frères. Il devra par conséquent apprendre à s’unir intimement à l’offrande, déposant sur l’autel du sacrifice sa vie entière, comme signe de l’amour gratuit et prévenant de Dieu.


Bien célébrer l’Eucharistie

67 Le prêtre est appelé à célébrer le saint sacrifice eucharistique, à méditer constamment sur ce qu’il signifie et à transformer sa vie en une eucharistie qui se manifeste par son amour du sacrifice quotidien, surtout dans l’accomplissement de ses devoirs d’état. L’amour pour la croix conduit le prêtre à devenir lui-même une offrande agréable au Père par le Christ (cf. Rm 12,1). Aimer la croix dans une société hédoniste est un scandale ; toutefois, dans une perspective de foi cela devient une source de vie intérieure. Le prêtre doit prêcher la valeur rédemptrice de la croix par son style de vie.

Il est nécessaire de rappeler la valeur irremplaçable qu’a pour le prêtre la célébration quotidienne de la Messe, - « source et sommet »[286] de la vie sacerdotale, même sans le concours des fidèles.[287] À ce propos, Benoît XVI enseigne : « Je recommande aux prêtres, avec les Pères du Synode, “la célébration quotidienne de la Messe, même sans la participation de fidèles”. Cette recommandation correspond avant tout à la valeur objectivement infinie de chaque célébration eucharistique ; elle en tire ensuite motif pour une efficacité spirituelle particulière, parce que, si elle est vécue avec attention et avec foi, la Messe est formatrice dans le sens le plus profond du terme, en tant qu’elle promeut la conformation au Christ et qu’elle affermit le prêtre dans sa vocation ».[288]

Il la vivra comme le moment central de sa journée et de son ministère quotidien, fruit d’un désir sincère et occasion d’une rencontre profonde et efficace avec le Christ. Dans l’Eucharistie, le prêtre apprend à se donner chaque jour, non seulement dans les moments de grande difficulté, mais également dans les petites contrariétés quotidiennes. Cet apprentissage se reflète dans l’amour qu’il met à se préparer au Saint Sacrifice pour le vivre avec piété, sans hâte et dans le respect des normes liturgiques et des rubriques afin que les fidèles en reçoivent une authentique catéchèse.[289]

Dans une culture toujours plus sensible à la communication par les signes et par l’image, le prêtre réservera une attention adéquate à tout ce qui peut rehausser la dignité et le caractère sacré de la célébration eucharistique. Il est important dans cette célébration de soigner spécialement la conformité et la propreté du lieu, l’architecture de l’autel et du tabernacle,[290] la noblesse des vases sacrés et des ornements,[291] du chant,[292] de la musique,[293] le silence sacré,[294] le recours à l’encens pendant les célébrations plus solennelles, etc. en répétant ce geste aimant de Marie vers le Seigneur lorsque « ayant pris une livre d’un parfum très pur et de très grande valeur, elle versa le parfum sur les pieds de Jésus, qu’elle essuya avec ses cheveux ; la maison fut remplie par l’odeur du parfum » (Jn 12,3). Tous ces éléments peuvent contribuer à une meilleure participation au sacrifice eucharistique. En effet, une attention insuffisante portée aux aspects symboliques de la liturgie, et plus encore, la négligence et la précipitation, la superficialité et le désordre en vident le sens et affaiblissent sa fonction d’accroissement de la foi.[295] Celui qui célèbre mal manifeste la faiblesse de sa foi et n’éduque pas les autres à la foi. En revanche, bien célébrer constitue une première et importante catéchèse sur le Saint Sacrifice.

Il faudra veiller particulièrement à observer avec une fidélité généreuse les normes liturgiques pendant la célébration eucharistique. « Elles sont une expression concrète du caractère ecclésial authentique de l’Eucharistie ; tel est leur sens le plus profond. La liturgie n’est jamais la propriété privée de quelqu’un, ni du célébrant, ni de la communauté dans laquelle les Mystères sont célébrés. […] À notre époque aussi, l’obéissance aux normes liturgiques devrait être redécouverte et mise en valeur comme un reflet et un témoignage de l’Église une et universelle, qui est rendue présente en toute célébration de l’Eucharistie. Le prêtre qui célèbre fidèlement la Messe selon les normes liturgiques et la communauté qui s’y conforme manifestent, de manière silencieuse mais éloquente, leur amour pour l’Église ».[296]

Ainsi le prêtre, tout en mettant au service de la célébration eucharistique tous ses talents pour la rendre vivante avec la participation de tous les fidèles, doit s’attacher au rite établi dans les livres liturgiques approuvés par l’autorité compétente, sans ajouter, enlever ou modifier quoi que ce soit[297]. Célébrer ainsi devient synonyme de célébrer avec l’Église : il ne fait pas quelque chose pour son compte, mais, avec l’Église il dialogue avec Dieu. Ceci favorise également une participation adéquate et active des fidèles à la liturgie sacrée. « L’ars celebrandi est la meilleure condition pour une actuosa participatio. L’ars celebrandi découle de l’obéissance fidèle aux normes liturgiques dans leur totalité, puisque c’est justement cette façon de célébrer qui a assuré, depuis 2000 ans, la vie de foi de tous les croyants, qui sont appelés à vivre la célébration en tant que peuple de Dieu, sacerdoce royal, nation sainte (cf. 1P 2,4-5 1P 2,9) ».[298]

Les Ordinaires, les Supérieurs des Instituts de vie consacrée, les Modérateurs des Sociétés de vie apostolique ont le grave devoir, en plus de donner l’exemple, de veiller à ce que les normes liturgiques concernant la célébration de l’Eucharistie soient partout et par tous, fidèlement observées.

Les prêtres qui célèbrent ou concélèbrent sont tenus de se revêtir des ornements sacrés prescrits par les normes liturgiques.[299]




2013 Directoire prêtres 52