2013 Directoire prêtres 68

Adoration eucharistique

68 La centralité de l’Eucharistie devra apparaître non seulement dans une célébration vivante et digne du Sacrifice, mais aussi dans l’adoration fréquente du Saint Sacrement, pour que le prêtre apparaisse aussi comme le modèle de la communauté par sa dévotion eucharistique et sa méditation assidue devant le Seigneur présent dans le tabernacle. Il est souhaitable que les prêtres chargés de guider des communautés consacrent de longs moments à l’adoration communautaire, – par exemple, tous les jeudis, les jours de prière pour les vocations, etc. – et qu’ils réservent au Saint Sacrement de l’autel, également en dehors de la Messe, plus d’attentions et d’honneurs qu’à n’importe quel autre rite ou geste. « La foi et l’amour envers l’Eucharistie ne peuvent permettre que la présence du Christ dans le Tabernacle demeure solitaire ».[300] Poussés par l’exemple de foi de leurs pasteurs, les fidèles rechercheront des moments au cours de la semaine pour se rendre à l’église et adorer notre Seigneur, présent au tabernacle.

Un moment privilégié d’adoration eucharistique peut être la célébration de la Liturgie des Heures, qui constitue un véritable prolongement, durant la journée, du sacrifice de louange et d’action de grâces qui a, dans la Sainte Messe, son centre et sa source sacramentelle. La Liturgie des Heures dans laquelle le prêtre uni au Christ est la voix de l’Église pour le monde entier sera célébrée également en communauté, de façon à être « l’interprète et le véhicule de la voix universelle qui chante la gloire de Dieu et demande le salut de l’homme ».[301]

Les Chapitres de chanoines réserveront une solennité exemplaire à cette célébration.

On devra toujours rechercher que la célébration communautaire ou individuelle, se fasse avec amour et désir de réparation, sans la réduire à un pur “devoir” exécuté mécaniquement, une simple lecture faite avec précipitation sans prêter l’attention due au sens du texte.



Les intentions de Messe

69 « L’Eucharistie est donc un sacrifice parce qu’elle représente (rend présent) le sacrifice de la Croix, parce qu’elle en est le mémorial et parce qu’elle en applique les fruits ».[302] Chaque célébration eucharistique actualise le sacrifice unique, parfait et définitif du Christ qui a sauvé le monde sur la Croix une fois pour toutes. L’Eucharistie est avant tout célébrée pour glorifier Dieu et en action de grâce pour le salut de l’humanité. Selon une très ancienne tradition, les fidèles demandent au prêtre de célébrer la sainte Messe « en réparation des péchés des vivants et des défunts, et pour obtenir de Dieu des bienfaits spirituels ou temporels ».[303] « Il est vivement recommandé aux prêtres de célébrer la Messe aux intentions des fidèles ».[304]

Afin de participer à leur manière au sacrifice du Seigneur, par le don non seulement d’eux-mêmes mais également d’une partie de ce qu’ils possèdent, les fidèles associent une offrande, en général pécuniaire, à l’intention pour laquelle ils souhaitent qu’une sainte Messe soit appliquée. Il ne s’agit en aucune façon d’une rémunération, le Sacrifice eucharistique étant absolument gratuit. « Animés par leur sens religieux et ecclésial, que les fidèles apportent, pour une participation plus active à la célébration eucharistique, un concours personnel en contribuant de la sorte aux besoins de l’Église et en particulier à la subsistance des ministres ».[305] L’offrande pour la célébration de saintes Messes doit être considérée comme « une forme excellente » d’aumône.[306]

Cette coutume « n’est pas seulement approuvée mais également encouragée par l’Église qui la considère comme une sorte de signe de l’union du baptisé avec le Christ, ainsi que du fidèle avec le prêtre qui réalise son ministère en sa faveur ».[307] Les prêtres doivent donc l’encourager par une catéchèse adéquate en expliquant aux fidèles son sens spirituel et sa fécondité. Ils veilleront à célébrer l’Eucharistie avec la vive conscience que, dans le Christ et avec le Christ, ils intercèdent devant Dieu non seulement pour appliquer de manière générale le Sacrifice de la Croix au salut de l’humanité mais également pour présenter à la bienveillance divine l’intention particulière qui lui a été confiée. Cela constitue pour eux une manière excellente de participer activement à la célébration du mémorial du Seigneur.

Les prêtres doivent également être convaincus que « la matière concernant directement l’auguste sacrement, toute apparence de lucre aussi minime soit-elle ou de simonie, serait cause de scandale ».[308] Par conséquent l’Église a promulgué des règles précises en la matière[309] et punit d’une juste peine « qui fait un gain illégitime sur les offrandes de messes ».[310] Tout prêtre qui accepte l’engagement de célébrer une sainte Messe conformément aux intentions de celui qui l’offre, doit s’en acquitter en toute justice, en appliquant autant de Messes qu’il y a d’intentions.[311]

Il n’est pas licite pour le prêtre de demander une somme supérieure à celle qui est fixée par décret de l’autorité légitime ou, si un tel décret n’existe pas, correspondant aux habitudes en vigueur dans le diocèse. Il est toutefois permis d’accepter une offrande inférieure à celle fixée et même plus importante, si celle-ci est offerte spontanément.[312]

« Tout prêtre doit soigneusement noter les Messes qu’il a acceptées de célébrer et celles qu’il a acquittées ».[313] Le curé, de même que le recteur d’une église, doivent les annoter dans un registre spécial.[314]

On ne peut accepter que le nombre d’offrandes de Messe dont on peut s’acquitter dans l’année.[315] « Les prêtres qui reçoivent un grand nombre d’offrandes de Messe pour des intentions particulières […] au lieu de les refuser, frustrant ainsi la pieuse volonté de ceux qui les demandent et les écartant ainsi de leurs bon propos, doivent les transmettre à d’autres prêtres (cf. C.I.C.
CIC 955) ou à son Ordinaire (cf. C.I.C. CIC 956) ».[316]

« Au cas où ceux qui ont offert des messes acceptent librement et spontanément, après en avoir été explicitement avertis de les cumuler avec d’autres en une seule offrande, on peut satisfaire leur demande en célébrant une seule sainte Messe à une seule intention “collective”. Il est nécessaire d’indiquer publiquement dans ce cas le jour, le lieu et l’heure à laquelle celle-ci sera célébrée. Ceci ne peut se faire plus de deux fois par semaine ».[317] Si une telle exception à la loi canonique devenait habituelle, il s’agirait là d’un abus répréhensible.[318]

Si le prêtre célèbre plusieurs fois le même jour, il conserve pour lui-même l’offrande d’une seule messe et verse les autres aux finalités déterminées par l’Ordinaire.[319]

Cheque curé « est tenu d’appliquer chaque dimanche et fête d’obligation dans son diocèse la Messe pour le peuple qui lui est confié ».[320]



2.7 Le sacrement de la pénitence


Ministre de la réconciliation

70 L’Esprit Saint est le don du Ressuscité aux Apôtres, en vue de la rémission des péchés : « Recevez l’Esprit Saint ; les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez » (Jn 20,21-23). Le Christ a confié l’oeuvre sacramentelle de la réconciliation de l’homme avec Dieu exclusivement à ses Apôtres et à ceux qui leur succèdent dans cette même mission. Ainsi, les prêtres par volonté du Christ sont les seuls ministres du Sacrement de la Réconciliation.[321] Comme le Christ, ils sont envoyés pour appeler les pécheurs à la conversion et les ramener au Père grâce au tribunal de la miséricorde.

La Réconciliation sacramentelle rétablit l’amitié avec Dieu le Père et avec tous ses fils dans sa famille qu’est l’Église. Celle-ci s’en trouve rajeunie et édifiée dans toutes ses dimensions : universelle, diocésaine, paroissiale.[322]

Malgré la triste constatation de la perte du sens du péché, qui est largement présente dans les cultures de notre temps, le prêtre doit pratiquer avec joie et générosité le ministère de la formation des consciences, du pardon et de la paix.

Il est donc nécessaire qu’il sache s’identifier, en un certain sens, avec ce sacrement et, assumant l’attitude du Christ, qu’il sache se pencher avec miséricorde, comme le bon Samaritain, sur l’humanité blessée. Il fera alors apparaître la nouveauté chrétienne de la dimension médicinale de la pénitence, qui sert à la guérison et au pardon.[323]



Dévouement au ministère de la Réconciliation

71 Tant en raison de son office[324] que de son Ordination sacramentelle, le prêtre devra dédier son temps, également à des jours et des heures fixes, et son énergie à écouter les confessions des fidèles[325] qui, comme le montre l’expérience, vont volontiers recevoir ce sacrement là où ils voient et savent trouver des prêtres disponibles. Il ne faut pas en outre, négliger la possibilité de faciliter aux fidèles le recours au sacrement de la réconciliation et de la pénitence également durant la célébration de la sainte Messe.[326] Cela est valable partout mais surtout pour les églises cathédrales, celles des zones les plus fréquentées, les centres de spiritualité et les sanctuaires, pour lesquels on peut organiser une collaboration fraternelle et responsable avec les prêtres religieux ou ceux qui sont âgés.[327]

Nous ne pouvons pas oublier que « la disponibilité fidèle et généreuse des prêtres à l’écoute des confessions, selon l’exemple des grands saints de l’histoire, de saint Jean-Marie Vianney à saint Jean Bosco, de saint Josemaría Escrivá à saint Pio da Pietrelcina, de saint Giuseppe Cafasso à saint Leopold Mandic, nous fait voir à tous que le confessionnal peut être un réel “lieu” de sanctification ».[328]

Chaque prêtre s’en tiendra à la norme ecclésiale qui défend et promeut la valeur de la confession individuelle et de l’accusation personnelle et intègre de ses péchés, dans un dialogue direct avec le confesseur.[329] « La confession individuelle et intégrale avec l’absolution constitue l’unique mode ordinaire par lequel un fidèle conscient d’un péché grave est réconcilié avec Dieu et avec l’Église », et par conséquent « tous ceux auxquels est confiée, en vertu de leur fonction, une charge d’âmes sont tenus par l’obligation de pourvoir à ce que les confessions des fidèles qui leur sont confiés soient entendues ».[330] Le recours aux absolutions sacramentelles collectives sans que n’aient été respectées les normes établies doivent être considérées comme de graves abus.[331]

« En ce qui concerne le confessionnal, la conférence des Évêques établira des règles, en prévoyant toutefois qu’il y ait toujours dans un endroit bien visible des confessionnaux munis d’une grille fixe séparant le pénitent du confesseur et dont les fidèles qui le désirent puissent librement user ».[332] Le confesseur trouvera le moyen d’éclairer la conscience du pénitent avec quelques mots qui, tout brefs qu’ils soient, devront être appropriés à sa situation concrète, de façon à favoriser une orientation personnelle renouvelée vers la conversion et à influencer en profondeur son chemin spirituel, également à travers l’imposition d’une satisfaction opportune.[333] La confession pourra être vécue ainsi comme un moment de direction spirituelle.

Dans tous les cas, le prêtre saura maintenir la célébration de la Réconciliation a son niveau sacramentel en stimulant le regret des péchés, la confiance dans la grâce et en surmontant le danger de la réduire à une activité purement psychologique ou simplement formelle.

Cela se manifestera entre autres dans la façon de vivre fidèlement la discipline en vigueur sur le lieu et le siège de la confession, « qui ne sera pas entendue en dehors du confessionnal, à moins d’une juste cause ».[334]


Nécessité de se confesser

72 Comme tout bon fidèle le prêtre a, lui aussi, besoin de confesser ses péchés et ses faiblesses. Il est le premier à savoir que la pratique de ce sacrement affermit dans la foi et la charité envers Dieu et envers le prochain.

Pour se trouver dans les meilleures conditions de montrer avec efficacité la beauté de la Pénitence, il est indispensable que le ministre du sacrement offre un témoignage personnel en précédant les autres fidèles dans l’expérience du pardon. Cette expérience constitue par ailleurs la première condition pour la revalorisation pastorale du sacrement de la Réconciliation : en se confessant fréquemment, le prêtre apprend à comprendre les autres et - en suivant l’exemple des saints – il est « incité à remettre ce sacrement au centre des préoccupations pastorales ».[335] En ce sens, il est bon que les fidèles sachent et voient que leurs prêtres eux aussi se confessent avec régularité.[336] « Toute la vie du prêtre subit un déclin inévitable si lui-même, par négligence ou pour tout autre motif, ne recourt pas de façon régulière et avec une foi et une piété authentiques au sacrement de Pénitence. Chez un prêtre qui ne se confesserait plus ou se confesserait mal, son être sacerdotal et son action sacerdotale s’en ressentiraient vite, et la communauté elle-même dont il est le pasteur ne manquerait pas de s’en rendre compte ».[337]



Direction spirituelle pour soi et les autres

73 Parallèlement au sacrement de la Réconciliation, le prêtre ne manquera pas d’exercer le ministère de la direction spirituelle.[338] La redécouverte et la diffusion de cette pratique, vécue aussi hors de l’administration du sacrement de la Pénitence, est un grand bienfait pour l’Église dans le temps présent.[339] L’attitude généreuse et active des prêtres au moment de la pratiquer constitue une occasion importante pour reconnaître et pour soutenir les vocations au sacerdoce et aux différentes formes de vie consacrée.

Pour contribuer à l’approfondissement de leur spiritualité, il est nécessaire que les prêtres pratiquent eux-mêmes la direction spirituelle « parce qu’avec l’aide de l’accompagnement ou du conseil spirituel […] il est plus facile de discerner l’action du Saint-Esprit dans la vie de chacun ».[340] En remettant dans les mains d’un sage confrère, instrument de l’Esprit Saint, la formation de leur âme, ils mûriront dès le début de leur ministère dans la conscience de l’importance de ne pas marcher seul sur les chemins de la vie spirituelle et de l’engagement pastoral. En faisant usage de ce moyen de formation efficace, si bien expérimenté dans l’Église, les prêtres bénéficieront d’une liberté entière dans le choix de la personne qui peut les guider.



2.8 La liturgie des Heures

74 Une manière fondamentale pour le prêtre de se mettre en présence du Seigneur est la Liturgie des Heures pendant laquelle nous prions comme des hommes ayant besoin de dialoguer avec Dieu, en prêtant notre voix et en nous suppléant à tous ceux qui peut-être ne savent pas ou ne veulent pas ou ne trouvent pas le temps de prier.

Le Concile OEcuménique Vatican II rappelle que les fidèles « qui assurent cette charge accomplissent l’office de l’Église et, en même temps, participent de l’honneur suprême de l’Épouse du Christ, parce qu’en s’acquittant des louanges divines, ils se tiennent devant le trône de Dieu au nom de la Mère Église ».[341] Cette prière est “ la voix de l’Épouse elle-même qui s’adresse à l’Époux ; et mieux encore, c’est la prière du Christ que celui-ci, uni à son Corps, présente au Père ».[342] En ce sens, le prêtre prolonge et actualise la prière du Christ Prêtre.


75 L’obligation de prier chaque jour le bréviaire (la Liturgie des Heures) est également un des engagements solennels pris publiquement lors de l’ordination diaconale que l’on ne peut négliger sans raison grave. C’est un devoir d’amour qu’il faut soigner en toute circonstance, y compris pendant la période des vacances. Le prêtre « a l’obligation d’acquitter chaque jour toutes les Heures »[343] c’est-à-dire les Laudes et les Vêpres, comme également l’Office des Lectures, au moins une des parties de l’Heure médiane et les Complies.


76 Pour que les prêtres puissent approfondir le sens de la Liturgie des Heures, il faut « non seulement harmoniser la voix avec le coeur qui prie », mais aussi « se procurer une connaissance plus abondante de la liturgie et de la Bible, principalement des psaumes ».[344] Il faut ainsi intérioriser la Parole divine, être attentif à ce que le Seigneur “me” dit à travers cette Parole, écouter ensuite le commentaire des Pères de l’Église ou du Concile OEcuménique Vatican II, approfondir la vie des Saints et également les discours des Papes, dans la deuxième lecture de l’Office des Lectures, et prier avec cette grande invocation que sont les psaumes par lesquels nous sommes insérés dans la prière de l’Église. « Dans la mesure où nous avons intériorisé et compris cette structure, assimilé les paroles de la Liturgie, nous pouvons entrer dans cette harmonie intérieure et ainsi, non seulement parler avec Dieu comme des personnes individuelles, mais entrer dans le “nous” de l’Église qui prie. Et de cette façon, transformer également notre “moi” en entrant dans le “nous” de l’Église, en enrichissant, en élargissant ce “moi”, en priant avec l’Église, avec les paroles de l’Église, en étant réellement en dialogue avec Dieu ».[345] Plus que réciter le bréviaire, il s’agit de favoriser une attitude d’écoute, de faire également « expérience de silence ».[346] En effet, la Parole peut être prononcée et entendue seulement dans le silence. Mais en même temps, le prêtre sait que notre époque ne favorise pas le recueillement. Parfois on a même l’impression qu’on a presque peur de se détacher, ne fût-ce que pour un moment, des instruments de communication de masse.[347] C’est pour cette raison que le prêtre doit redécouvrir le sens du recueillement et de la paix intérieur e « pour accueillir dans son coeur la pleine force de la voix de l’Esprit Saint, et pour unir plus étroitement sa prière personnelle avec la Parole de Dieu et la voix publique de l’Église ».[348] Il doit toujours intérioriser sa nature d’intercesseur.[349] Par l’Eucharistie à laquelle il est « ordonné », le prêtre devient l’intercesseur qualifié pour traiter avec Dieu dans une grande simplicité de coeur (simpliciter) les questions de ses frères, les hommes. Le pape Jean-Paul II le rappelait dans son discours à l’occasion du 30ème anniversaire de Presbyterorum ordinis : « L’identité sacerdotale est une question de fidélité au Christ et au peuple de Dieu auquel nous sommes envoyés. La conscience sacerdotale ne se limite pas à quelque chose de personnel ». Cette réalité est sans cesse examinée et perçue par les hommes par ce que le prêtre est “pris” parmi eux et établi pour intervenir dans leurs relations avec Dieu […]. Étant donné que le prêtre est un médiateur entre Dieu et les hommes, beaucoup de personnes s’adressent à lui pour lui demander ses prières. D’une certaine manière, la prière “crée” le prêtre, spécialement comme Pasteur. Et en même temps, chaque prêtre “se crée lui-même” grâce à la prière. Je pense à la merveilleuse prière du bréviaire, Officium Divinum, par laquelle l’Église toute entière prie avec le Christ par la bouche de ses ministres ».[350]



2.9 Guide de la communauté


Prêtre pour la communauté

77 Le prêtre est aussi appelé à tenir compte des exigences liées à un autre aspect de son ministère, à savoir la vie de la communauté qui lui est confiée à laquelle il manifestera une sollicitude à l’enseigne de la charité.

 Pasteur de la communauté – à l’image du Christ, bon Pasteur qui offre sa vie toute entière pour l’Église –, le prêtre vit et existe pour elle ; c’est pour elle qu’il prie, étudie, travaille et se sacrifie ; c’est pour elle qu’il est disposé à donner sa vie, l’aimant comme le Christ, lui dispensant tout son amour et toute son estime,[351] se dépensant de toutes ses forces et sans limites de temps pour la rendre à l’image de l’Église, Épouse du Christ, toujours plus belle et plus digne de la complaisance du Père et de l’amour du Saint-Esprit.

Cette dimension sponsale de la vie du prêtre comme pasteur lui fera guider sa communauté dans un service total à tous et à chacun de ses membres, illuminant leur conscience avec la lumière de la vérité révélée, protégeant avec autorité l’authenticité évangélique de la vie chrétienne, corrigeant les erreurs, pardonnant, soignant les blessures, consolant les affligés, et promouvant la fraternité.[352]

Cet ensemble d’attentions, en plus d’offrir un témoignage de charité toujours plus transparent et efficace, manifestera aussi la profonde communion qui doit se réaliser entre le prêtre et sa communauté, comme un prolongement et une actualisation de la communion avec Dieu, le Christ et l’Église.[353] En suivant l’exemple de Jésus, le prêtre n’est pas appelé pour être servi mais pour servir (cf.
Mt 20,28). Il doit sans cesse veiller à ne pas tomber dans la tentation d’abuser à des fins personnelles, du grand respect et de la déférence que les fidèles témoignent envers le sacerdoce et l’Église.


Sentir avec l’Église

78 Pour être un bon guide de son peuple, le prêtre sera aussi attentif à reconnaître les signes des temps : ceux qui touchent l’Église universelle et son cheminement dans l’histoire des hommes, jusqu’aux signes les plus proches de la situation concrète de sa communauté.

Ce discernement requiert une mise à niveau constante et pertinente dans l’étude des sciences sacrées avec des références aux divers problèmes théologiques et pastoraux et avec l’exercice d’une sage réflexion sur les données sociales, culturelles et scientifiques qui caractérisent notre époque.

Dans l’accomplissement de leur ministère, les prêtres sauront traduire cette exigence par l’attitude constante et sincère du sentire cum Ecclesia, pour qu’ils travaillent toujours en communion avec le Pape, avec les évêques, avec leurs autres confrères dans le sacerdoce, avec les diacres tout comme avec les autres fidèles consacrés par la profession des conseils évangéliques et avec tous les fidèles.

Les prêtres doivent témoigner d’un amour fervent pour l’Église qui est la mère de notre existence chrétienne. Ils doivent vivre avec joie leur appartenance ecclésiale comme un témoignage précieux pour tout le peuple de Dieu.

Dans l’exercice de leur activité, les prêtres ne manqueront pas non plus de rechercher, selon les formes légitimes et en tenant compte des capacités de chacun, la coopération des fidèles consacrés et des fidèles laïcs.



2.10 Le célibat sacerdotal


Ferme volonté de l’Église

79 Convaincue des profondes motivations théologiques et pastorales qui soutiennent le rapport entre célibat et sacerdoce, éclairée par le témoignage qui en confirme encore aujourd’hui, la validité spirituelle et évangélique dans tant de vies sacerdotales, l’Église a réaffirmé durant le Concile Vatican II et dans le magistère pontifical postérieur sa « ferme volonté de maintenir la loi qui exige le célibat perpétuel librement choisi pour les candidats à l’ordination sacerdotale dans le rite latin ».[354]

Le célibat en effet est un don joyeux que l’Église a reçu et sur lequel elle veut veiller, convaincue qu’il est un bien pour elle-même et pour le monde.


Motifs théologiques et spirituels du célibat

80 Comme toute valeur évangélique, le célibat consacré doit être, lui aussi, vécu comme un don de la miséricorde divine, nouveauté libératrice et témoignage particulier de radicalisme à la suite du Christ et comme signe de la réalité eschatologique. « Le célibat est donc une anticipation rendue possible par la grâce du Seigneur qui nous “attire” à lui, vers le monde de la résurrection ; il nous invite toujours à nouveau à nous transcender nous-mêmes, à transcender ce présent, vers le vrai présent de l’avenir qui devient présent aujourd’hui ».[355]

« Tous ne comprennent pas ce langage, mais ceux à qui c’est donné ».[356] « Il y a, en effet, des eunuques qui sont nés ainsi du sein de leur mère, il y a des eunuques qui le sont devenus par l’action des hommes, et il y a des eunuques qui se sont rendus tels à cause du Royaume des Cieux. Celui qui peut comprendre, qu’il comprenne ! » (
Mt 19,10-12). Le célibat se révèle comme une correspondance dans l’amour d’une personne qui, « laissant son père et sa mère, suit Jésus le Bon Pasteur dans une communion apostolique, au service du peuple de Dieu ».[357]

Pour vivre avec amour et avec générosité le don reçu, il est particulièrement important que le prêtre comprenne dès la formation au séminaire la dimension théologique et les motivations spirituelles de la discipline ecclésiastique sur le célibat.[358] Le célibat, en tant que don et charisme particulier de Dieu, requiert l’observance de la continence parfaite et perpétuelle pour le Royaume des cieux, afin que les ministres sacrés puissent adhérer plus facilement au Christ avec un coeur sans partage et se dédier plus librement au service de Dieu et des hommes.[359] « De cette façon il élève l’homme tout entier et contribue effectivement à sa perfection ».[360] Avant même la volonté du sujet exprimée par sa disponibilité, la discipline ecclésiastique manifeste la volonté de l’Église et trouve sa raison ultime dans le lien étroit qui existe entre le célibat et l’ordination sacrée, qui configure le prêtre à Jésus Christ, Tête et Époux de l’Église.[361]

La lettre aux Éphésiens établit un strict rapport entre l’oblation sacerdotale du Christ (cf. 5, 25) et la sanctification de l’Église (cf. 5, 26) qui est aimée d’un amour sponsal. Inséré sacramentellement dans ce sacerdoce d’amour exclusif du Christ pour l’Église son Épouse fidèle, par son engagement au célibat, le prêtre exprime cet amour qui alors devient source féconde d’efficacité pastorale.

Le célibat par conséquent n’est pas un élément qui influence de l’extérieur le ministère sacerdotal ; il ne peut pas être non plus simplement considéré comme une institution imposée par loi, entre autres raisons parce que celui qui reçoit le sacrement de l’Ordre s’y engage en pleine conscience et liberté,[362] après une préparation de plusieurs années, accompagnée d’une réflexion profonde et d’une prière assidue. Parvenu à la ferme conviction que le Christ lui concède ce don pour le bien de l’Église et le service des autres, le prêtre assume le célibat pour toute sa vie, en renforçant cette volonté dans la promesse déjà prononcée durant le rite de l’ordination diaconale.[363]

Pour toutes ces raisons, la loi ecclésiastique d’une part confirme le charisme du célibat en montrant combien il est intimement lié au ministère sacré dans sa double dimension de relation avec le Christ et avec l’Église, et d’autre part protège la liberté de celui qui le reçoit.[364] Aussi le prêtre, consacré au Christ de manière nouvelle et privilégiée,[365] doit être conscient qu’il a reçu un don de Dieu qui est à son tour confirmé par un lien juridique précis qui génère l’obligation morale de l’observer. Ce lien, assumé librement, a un caractère théologal et moral encore avant de constituer un lien juridique, puisqu’il est un signe de ce lien sponsal qui se réalise dans l’ordination sacramentelle.

À travers le don du célibat, le prêtre acquiert cette paternité spirituelle mais réelle, qui a une dimension universelle et qui se concrétise particulièrement vis-à-vis de la communauté qui lui est confiée.[366] « Ce sont là des enfants de son esprit, des hommes confiés par le Bon Pasteur à sa sollicitude. Ces hommes sont nombreux, plus nombreux que ceux que peut embrasser une simple famille humaine. […] Pour être disponible à un tel service, à une telle sollicitude, à un tel amour, le coeur du prêtre doit être libre. Le célibat est le signe d’une liberté en vue du service. Par ce signe, le sacerdoce hiérarchique, ou “ministériel”, est, selon la tradition de notre Église, plus étroitement ordonné au sacerdoce commun des fidèles ».[367]


Exemple de Jésus

81 Le célibat est alors un don de soi “en” Jésus Christ et “avec” Jésus Christ à son Église, et exprime le service du prêtre à l’Église “dans” et “avec” le Seigneur.[368]

Le Seigneur donne ici l’exemple, lui qui, allant à contre-courant de ce que l’on peut considérer comme la culture dominante de son temps, a choisi librement de vivre le célibat. À sa suite, les disciples ont “tout” laissé pour accomplir leur mission (
Lc 18,28-30).

Pour cette raison, l’Église, depuis l’époque apostolique, a voulu conserver le don de la continence perpétuelle des clercs, et s’est orientée vers la solution de choisir les candidats à l’Ordre sacré parmi les célibataires (cf. 2Th 2,15 1Co 7,5 1Co 9,5 1Tm 3,2-12 1Tm 5,9 Tt 1,6-8).[369]

Le célibat est un don que l’on reçoit de la miséricorde divine,[370] comme un choix de la liberté et comme l’acceptation joyeuse d’une vocation particulière d’amour pour Dieu et pour les hommes. Il ne doit pas être compris ni vécu comme s’il était un effet secondaire du sacerdoce.



Difficultés et objections

82 Dans le climat culturel actuel, souvent marqué par une vision de l’homme privée du sens des valeurs et surtout incapable de donner un sens total, positif et libérateur à la sexualité humaine, on pose souvent la question de l’importance et de la signification du célibat sacerdotal ou, tout au moins, de l’opportunité d’affirmer son lien étroit et sa profonde harmonie avec le sacerdoce ministériel.

« En un certain sens la critique permanente contre le célibat à une époque où il devient toujours plus à la mode de ne pas se marier pourrait surprendre. Mais ce non mariage est une chose totalement, fondamentalement différente du célibat, parce que le non mariage est basé sur la volonté de vivre uniquement pour soi-même, de ne pas accepter de lien définitif, de posséder la vie à chaque instant en pleine autonomie, décider à chaque instant que faire, que prendre de la vie ; et donc un “non” au lien, un “non” au caractère définitif, une manière de posséder la vie seulement pour soi-même. Tandis que le célibat est précisément le contraire: c’est un “oui” définitif, c’est laisser Dieu nous prendre par la main, s’offrir entre les mains du Seigneur, dans son “moi” et donc c’est un acte de fidélité et de confiance, un acte qui suppose aussi la fidélité du mariage ; c’est précisément le contraire de ce “non”, de cette autonomie qui ne veut pas se donner d’obligations, ne veut pas entrer dans un lien ».[371]

Le prêtre ne s’annonce pas lui-même, « mais dans et à travers son humanité chaque prêtre doit être bien conscient de porter un Autre, Dieu lui-même, au monde. Dieu est la seule richesse que, en définitive, les hommes désirent trouver dans un prêtre ».[372] Le modèle sacerdotal est celui d’être le témoin de l’Absolu : le fait que dans de nombreux lieux le célibat soit peu compris de nos jours ou peu apprécié, ne doit pas porter à hypothétiser des scénarios différents, mais demande de redécouvrir d’une manière novatrice ce don de l’amour de Dieu pour les hommes. En effet, le célibat sacerdotal est également admiré et aimé par de nombreuses personnes, dont des non-chrétiens de service qui doit animer le ministère pastoral.

On ne peut oublier que le célibat est vivifié par la pratique de la vertu de la chasteté qui ne peut être vécue qu’en cultivant la pureté avec une maturité surnaturelle et humaine[373] indispensables pour développer cette dimension de la vocation. Il n’est pas possible d’aimer le Christ et les autres avec un coeur impur. La vertu de la pureté rend la personne capable de vivre la recommandation de l’Apôtre : « Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps ». (
1Co 6,20). D’autre part, quand cette vertu vient à manquer, toutes les autres dimensions en sont blessées. S’il et vrai que dans le contexte actuel il existe de nombreuses difficultés pour vivre la sainte pureté, il est d’autant plus vrai que Seigneur répand avec abondance sa grâce et offre les moyens nécessaires pour pratiquer avec joie et allégresse cette vertu.

Il est clair que pour garantir et pour conserver ce don dans un climat d’équilibre serein et de progrès spirituel, toutes les mesures doivent être prises qui éloignent le prêtre des difficultés possibles.[374]

Il est par conséquent nécessaire que les prêtres se comportent avec la prudence requise dans leurs relations avec les personnes dont la familiarité peut mettre en danger la fidélité au don ou susciter le scandale des fidèles.[375] Dans les cas particuliers, il faudra se soumettre au jugement de l’évêque qui a l’obligation de donner des normes précises dans ce domaine.[376] Il est logique que le prêtre s’abstienne de toute conduite ambiguë et se souvienne de son devoir prioritaire qui est de témoigner l’amour rédempteur du Christ. Malheureusement des situations se sont vérifiées en cette matière qui ont causé un grand dommage à l’Église et à sa crédibilité, tout en reconnaissant que des cas bien plus nombreux de ce genre se sont vérifiés dans la société civile. Le contexte actuel exige des prêtres une sensibilité et une prudence encore plus grandes dans leurs relations avec des enfants et leurs protégés.[377] Ils doivent éviter en particulier les situations aptes à donner cours à des rumeurs (par exemple permettre à des enfants d’entrer seuls dans le presbytère, ou emmener en voiture des mineurs). Pour ce qui concerne la confession, il convient que les mineurs se confessent habituellement dans le confessionnal pendant les périodes où l’église est ouverte au public ou, si pour quelque raison il est nécessaire d’agir autrement, respecter les habituelles consignes de prudence.

De plus, les prêtres ne manqueront pas de suivre les règles d’ascèse éprouvées par l’expérience de l’Église et qui sont encore plus requises dans les circonstances actuelles. Pour cela, ils éviteront avec prudence les lieux, les spectacles, les lectures et les sites internet qui constituent un défi pour l’observance de la chasteté dans le célibat[378] ou même occasion ou cause de graves péchés contre la morale chrétienne. Vis-à-vis des moyens de communication sociale, les prêtres, que ce soit comme acteurs ou comme utilisateurs, observeront la discrétion nécessaire et éviteront tout ce qui pourrait nuire à leur vocation.

Dans un climat de permissivité sexuelle exacerbée, pour protéger avec amour le don reçu, les prêtres auront recours à tous ces moyens naturels et surnaturels dont la tradition de l’Église est riche. D’une part cultiver l’amitié sacerdotale, veiller aux bonnes relations avec les personnes, pratiquer l’ascèse et la maîtrise de soi, la mortification. Il est également utile d’intensifier une culture de la beauté dans les divers domaines de la vie qui contribue à lutter contre tout ce qui est dégradant et nuisible ; alimenter une certaine passion pour son ministère apostolique ; accepter avec sérénité une certaine solitude et savoir gérer avec sagesse et fruit son temps libre pour qu’il ne devienne pas un temps vide. C’est dans la communion avec le Christ et avec l’Église, dans la dévotion à la Bienheureuse Vierge Marie et la considération de l’exemple des prêtres saints de tous les temps, qu’ils trouveront la force nécessaire pour vaincre les difficultés sur leur chemin, et pour agir avec cette maturité qui les rend crédibles vis-à-vis du monde.[379]

Au long des siècles, les difficultés et les objections ont toujours accompagné le choix de l’Église Latine et de certaines Églises Orientales de ne conférer le sacerdoce ministériel qu’à des hommes ayant reçu de Dieu le don de la chasteté dans le célibat. La discipline des autres Églises Orientales qui admettent le sacerdoce d’hommes mariés n’est pas opposée à celle de l’Église Latine. Ces mêmes Églises en effet exigent le célibat pour les évêques. De plus, elles n’acceptent pas le mariage des prêtres ni les noces successives des ministres veufs. Il s’agit toujours et seulement de l’ordination d’hommes déjà mariés.

Les objections que certains opposent encore aujourd’hui au célibat sacerdotal, s’appuient souvent sur de faux prétextes, comme l’accusation de spiritualisme désincarné ou l’affirmation que la continence impliquerait méfiance ou mépris de la sexualité. D’autres encore partent de cas difficiles et douloureux, ou généralisent des cas particuliers. On oublie en revanche le témoignage offert par l’immense majorité des prêtres qui vivent leur célibat dans la liberté intérieure, appuyés sur de profondes motivations évangéliques, dans la fécondité spirituelle et dans un horizon de fidélité convaincue et joyeuse à leur vocation et à leur mission, pour ne pas parler de tant de laïcs qui assument avec bonheur un célibat apostolique fécond.



2013 Directoire prêtres 68